LABORATOIRE DES IDÉES
Groupe "Eau, les bonnes pratiques" Animé par Jérôme Royer Rapporteur Marc Laimé Coordinatrice Anne de Hauteclocque
Près d’une cinquantaine d’auditions et de contributions ont alimenté le rapport : « l’Eau, Bien Public, Bien commun – pour une gestion démocratique et durable ». Nous en publions une partie, avec l’accord de leur auteur.
• BERNARD ROUSSEAU, ancien président de France Nature Environnement, administrateur responsable du pôle eau
3
• HENRI SMETS, membre de l’Académie de l’eau et président de l’ADEDE
14
• PAUL RAOULT, sénateur, maire de Le Quesnoy, président du SIDEN-SIAN
23
• ANNE LE STRAT, présidente d’ « Eau de Paris » et de « Aqua Publica Europa »
26
• JACQUES TCHENG, directeur de la Régie des Eaux de Grenoble
32
• PASCAL POPELIN, vice-président du SEDIF et Président des Grands lacs de Seine
46
• PATRICE GARIN, CEMAGREF Montpellier
51
• PIERRE ETCHART, président d'AGUR et président de la Fédération des distributeurs d'eau indépendants
63
• LOÏC FAUCHON, président du Conseil Mondial de l'Eau, président de la Société des Eaux de Marseille 66 • GUY PUSTELNIK, directeur d’EPIDOR (EPTB Dordogne)
74
• DOMINIQUE LORRAIN, directeur de recherche au CNRS
83
• GERMINAL PEIRO, député, secrétaire national aux territoires ruraux, l'agriculture et la mer 92 • UFC- QUE CHOISIR, Daniel Bideau et Grégory Caret
98
• NOTE SUR LA FNCCR - Fédération nationale les collectivités concédantes et régies –
107
• MARGUERITE CULOT, collaboratrice au groupe socialiste de l’Assemblée nationale
113
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011
2
11 janvier 2010
Audition de Bernard ROUSSEAU, ancien président de France Nature Environnement, administrateur responsable du pôle eau à la FNE
Lab : La gestion de l’eau en France affronte depuis plusieurs années de considérables défis environnementaux, techniques, organisationnels et financiers. Cela fait 40 ans que vous suivez ces questions : où en sommes-nous aujourd’hui avec les obligations et les contraintes ? Comment analysez-vous la situation de la qualité de la ressource ? Les manques, les failles en matière législative et réglementaire ? Qu’est-il impératif de faire pour être à la hauteur des enjeux ? Qu’est-il indispensable de corriger, promouvoir dans les années qui viennent pour éviter la catastrophe écologique majeure qui s’annonce ? Bernard Rousseau : Pour éviter la catastrophe majeure qui s’annonce dans le domaine de l’eau, existe-t-il une solution proprement liée à l’eau ? Dans un contexte économique mondialisé, est-ce que l’on peut trouver des solutions seulement nationales ? Il y a quinze, vingt ans, j’aurais dit oui. Aujourd’hui, je ne pense pas que l’on puisse générer une solution sans procéder à la mise en cause d’un certain nombre de politiques économiques et de pratiques qui concernent la question agricole notamment, et ceci pour les raisons suivantes. L’activité agricole impacte 60% du territoire national et donc, au travers de ses pratiques, influence fortement le cycle de l’eau et les milieux aquatiques. Avec les traitements chimiques, la surface agricole est devenue le réceptacle de la chimie industrielle. Les pollutions sont diffuses, donc impossibles à contenir, les prélèvements d’eau sont considérables, ils impactent fortement les milieux dans les périodes de fragilité. Dans la lutte contre les pollutions urbaines et industrielles, la situation générale est bien plus satisfaisante, mais ce problème est plus facile à traiter car les causes de la dégradation de la qualité de l’eau sont ponctuelles. L’évolution de la qualité de l’eau brute, celle qui est présente dans les milieux naturels aquatiques ou dans les nappes souterraines, peut s’apprécier de différentes manières : -> En suivant les indicateurs de potabilisation de l’eau brute, on constate que le niveau de sophistication des traitements augmente toujours, ou encore que le nombre de captages abandonnés pour cause de trop fortes pollutions, augmente lui aussi. -> En observant l’évolution des indicateurs biologiques qui traduisent l’état du milieu, on constate la chute de la biodiversité dans tous les milieux aquatiques. Il y a peu d’exemples d’endroits où l’on ait inversé cette tendance. Le lac d’Annecy est souvent cité en exemple. Vers 1960 on avait constaté que le lac perdait sa transparence du fait de l’eutrophisation de ses eaux, enrichies en éléments nutritifs.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011
3
Sous l’effet de cette pollution, les populations d’ombles chevaliers et de lavarets, espèces emblématiques des lacs glaciaires, se sont raréfiées au profit d’espèces moins exigeantes, comme la truite dans un premier temps, puis le brochet, puis la carpe…Pour inverser cette tendance, différentes mesures ont été mises en œuvre. • •
Autour du lac un collecteur d’eaux usées a été construit, après traitement, cette eau a été renvoyée dans la rivière le Fier qui lui évidemment a été affecté. Sur les flancs d’alimentation du lac, les habitants ont été encouragés à réduire ou à supprimer l’utilisation des engrais dans les jardins, même chose pour les agriculteurs et les éleveurs. Un travail très pédagogique s’est développé sur 40 ans, conduisant à la mise en place d’une véritable politique de bassin versant. En agissant de la sorte, on a réussi à faire régresser l’eutrophisation des eaux du lac, les ombles chevaliers et les lavarets sont revenus….mais les pêcheurs de carpes et de brochets en ont été frustrés.
C’est à peu près le seul exemple de grande ampleur où l’on voit une reconquête du milieu par des actions concertées impliquant les habitants. Mais ce bon état n’a duré qu’un temps car, en 2002, les 1 100 millions de m3 du lac, volume considérable, ont été vidangés pour l’assainir, et on a ainsi récupéré des montagnes d’ordures de toutes sortes ce qui n’a pas empêché que du PCB soit détecté en 2008 dans les poissons les rendant impropres à la consommation. Leçon de cette histoire : dans un contexte de dégradation généralisé, il est bien difficile de maintenir un îlot de bonne qualité, surtout quand la loi du business domine tout. Indépendamment de ce cas particulier, dans de très nombreux endroits, les indicateurs physico-chimiques, chimiques, physiques indiquent que la qualité de l’eau se dégrade. Globalement la qualité de l’eau est soumise à deux tendances. - D’un côté les pollutions urbaines et industrielles régressent. A cela, plusieurs raisons : o au niveau urbain, les progrès sont très importants : les stations d’épuration des eaux usées ont des rendements épuratoires qui peuvent atteindre 90 % sur tous les paramètres classiques. La police des réseaux s’organise, on les modernise, on retraite de mieux en mieux et les directives européennes (ERU) nous y contraignent même encore plus si nous agissons avec retard. o au niveau industriel, les technologies de production progressent : les processus ont très souvent été modifiés en amont, de manière à réduire les rejets, des progrès ont été faits aussi au niveau des traitements curatifs. Evidemment il existe des contreexemples. En plus certaines industries se sont délocalisées dans d’autres pays : on va polluer plus loin. - Toutes ces actions concourent à réduire les pollutions ponctuelles, mais ce mieux, qui apparaît à travers un certain nombre d’indicateurs, est neutralisé et dégradé, par l’activité agricole. Les engrais sont utilisés en grande quantité pour prévenir les aléas climatiques et assurer des rendements élevés. L’utilisation des nitrates est massive, étant fortement solubles, ils se retrouvent dans les eaux à des concentrations importantes. Ils sont responsables des marées vertes en Bretagne, ils contaminent la nappe de Beauce à des niveaux élevés et les rivières qui la vidangent transportent des taux qui peuvent être supérieurs à 100mg/l de nitrates. Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011
4
Il faut savoir qu’une rivière en bon état, non perturbée par l’action humaine, génère une eau de qualité, acceptable pour la vie humaine et aquatique, ne contenant pas plus d’une dizaine de milligrammes de nitrates par litre. Dans les eaux de nappe, on ne devrait pas dépasser quelques mg/l. Les nitrates augmentent, les phosphates semblent se stabiliser, mais les quantités accumulées dans les sédiments et les sols sont tellement importantes que l’eutrophisation reste forte. Les phytosanitaires et les transformations physiques complètent la dégradation générale des eaux d’où l’appauvrissement biologique des milieux. Même dans le Massif Central, ou le plateau de Langres, pourtant réputés pour la pureté de leurs eaux, la qualité biologique régresse, ce que l’on peut observer quand on connaît ces lieux depuis longtemps, mais ce sera difficile à faire par les plus jeunes qui manquent souvent de point de référence scientifique par rapport à l’état initial des milieux. Cette difficulté est d’autant plus grande à surmonter que les sciences de la nature ont été assez sinistrées, notamment dans le domaine de l’eau et des milieux aquatiques. Aujourd’hui les spécialistes de l’eau, capables de porter un diagnostic solide, sont très peu nombreux. Depuis longtemps, on sait que les parties des fleuves qui correspondent aux zones sédimentaires sont fortement impactées par les pollutions, la traduction biologique de cet état est la raréfaction du brochet, espèce exigeante et emblématique de ces zones. Mais l’on observe maintenant, que les parties supérieures des bassins se dégradent à leur tour, certaines comme les Alpes dans une moindre mesure pour l’instant. La rivière le Bès, qui coule à la limite Cantal-Lozère entre 1 200/1 000 mètres d’altitude, est maintenant dans les périodes estivales une rivière eutrophisée, ce qui était inenvisageable, ne serait-ce qu’au cours des 20 années précédentes. On reste perplexe en cherchant les causes d’une telle situation car cette zone est très peu peuplée. Mais il suffit qu’une activité se développe, élevage hors sol notamment, avec épandages de lisier, pour que le milieu évolue défavorablement et perde une bonne partie de ses indicateurs de bonne qualité comme la truite fario par exemple : ce que l’on observe en effet. Dans le Massif Central, sur la Margeride ou l’Aubrac, on constate, et c’est nouveau, que les hauts plateaux sont cultivés selon des méthodes qui ressemblent fortement à celles qui ont été développées en Beauce : cultures céréalières adaptées à la montagne par sélection des espèces, fortes densités des semis, pailles courtes, pas d’herbes indésirables qui indique l’usage des phytosanitaires dans une recherche de rendements élevés incompatibles avec la préservation de la qualité de l’eau. Cela va même plus loin, la prairie est aujourd’hui source de pollution : oubliée la prairie « naturelle de montagne », voici la prairie cultivée. On cultive de l’herbe comme on cultive du blé, on injecte beaucoup d’énergie dans les sols et dans le machinisme qui permet de récupérer les végétaux. On essaie d’augmenter le nombre des récoltes dans des endroits qui ne sont pas très favorables, comme l’Aubrac ou le plateau de la Colagne où l’on peut rencontrer des engins et des tracteurs énormes qui viennent récupérer, non pas du foin, mais de l’herbe broyée qui sera mise en ensilage. Tout cela crée une généralisation de pratiques qui ailleurs ont contribué très fortement à dégrader la qualité de l’eau. On peut craindre qu’il en sera de même dans ces zones : on en voit déjà les prémices.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011
5
Tout ceci concourt à dégrader tout le système biologique dont on ne connaît pas toutes les subtilités d’un point de vue scientifique. Nous sommes dans la contradiction entre la volonté de productivité et les exigences de préservation des qualités de l’eau. Mais il faut nourrir les hommes. Comment faire ? Cette politique agricole qui dégrade la qualité de l’eau est souvent justifiée par la nécessité de nourrir….le monde ! Ambition à relativiser fortement car la SAU nationale représente moins de 1% de la SAU mondiale. Nourrir le monde pose le problème du type d’agriculture qu’il faudrait promouvoir pour atteindre cet objectif. Il n’est pas sûr que la finalité du système agricole actuel soit celui-là. L’agriculture est gouvernée par les rapports nord-sud, où le prix des céréales est fixé par Chicago et où les pays pauvres sont souvent privés de leurs ressources vivrières : on est dans une logique de l’exploitation des pays pauvres. On est également confronté à une autre logique plus interne : le jeu des coopératives dans la vente, le business des engrais ou des produits phytosanitaires. Toute une chaîne d’intérêts, en France et au niveau de l’Europe, est alimentée par les subventions de la PAC, ce qui permet aussi de faire fonctionner les entreprises de production, chimie, recherche, machinisme agricole agroalimentaire. Il fallait 1 milliard de francs pour fabriquer une nouvelle molécule par exemple. Cet argent injecté dans ce secteur permet d’alimenter toute une chaîne d’acteurs économiques : les VRP des entreprises, les VRP des coopératives qui n’encouragent pas à l’utilisation parcimonieuse des intrants. Pour augmenter les bénéfices, tout acte qui peut conduire à une réduction des quantités utilisées, n’est pas souhaitable économiquement et mérite d’être combattu. Et puis il y a tous les relais des chambres d’agriculture avec le poids de la culture productiviste : comme faire partie du club des plus de 100 quintaux à l’hectare ! Dans les orientations de la politique agricole, il faut aussi prendre en considération que les moyens financiers de la PAC, à peu près 80 %, vont à 20 % des agriculteurs en France, et c’est sans doute aussi vrai ailleurs en Europe. Avec la nouvelle PAC, la donne pourrait changer mais le syndicat des céréaliers pourrait ne pas l’entendre de cette oreille. Il existe un noyau dur qui a des moyens et un intérêt très fort. Ils sont capables de générer une idéologie productiviste, de combattre toutes les agricultures de réduction des intrants, style agriculture biologique, ce noyau dur défend les intérêts de la chaine de ses intérêts. Quand on dit que l’on va essayer de résoudre les problèmes de l’eau, on se retrouve confronté à un problème beaucoup plus vaste qui concerne notre modèle économique, notre mode de vie et ses finalités : c’est donc un problème de société, éminemment politique. Le problème à résoudre peut se résumer de la sorte : comment effectuer la transition d’un système qui a complètement dérivé, vers un système moins catastrophique pour l’eau, la santé, et qui génère des emplois ?
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011
6
L’exemple de la nappe de la Beauce est parlant : 10 milliards de mètres cubes d’eau aux portes de Paris, même plus. La nappe c’est 9 000 km2, un aquifère de 120 mètres de hauteur, avec un taux de porosité de 10 à 15 % en surface, de 3 à 4 % en profondeur… On a un taux de 100 à 130 mg de nitrates/litre et plus on est proche de la surface, plus c’est élevé. On y abandonne des captages d’eau potable trop pollués. Quant aux sources périphériques qui vidangent cette nappe, on retrouve des 80 ou 90 jusqu’à 120 mg de nitrates. En plaine de Beauce, les taux de nitrates ne cessent d’augmenter régulièrement depuis 50 ans. On identifiait déjà 1 mg/l d’augmentation par an dans les années 1970, cela n’a pas changé, alors que l’on est en zone vulnérable et que des programmes d’action anti nitrates devraient être mis en oeuvre…réellement. On calcule que les différents estuaires des fleuves de France transportent vers les mers un excédent de nitrates de 700 à 800 000 tonnes par an, dont 75 % à responsabilité agricole ; les 25% restants étant à répartir entre les industries et les urbains, il faut savoir que les stations d’épuration ont des taux d’épuration de 90 % sur l’azote. Ce que l’on peut voir également, ce sont les pollutions historiques : Pour apprécier l’état des milieux, il faut aussi tenir compte de tout ce qui a été rejeté auparavant, qui n’était pas obligatoirement soluble dans l’eau et qui s’est stocké dans les sédiments : PCB, mercure, éléments métalliques…et que l’on trouve dans les boues, les vases de barrage (ex. barrage de Villerest, fleuron du bassin de la Loire, contaminé au PCB relativement récemment), ou encore le lac d’Annecy déjà évoqué, ou bien le Léman ou encore le Rhône.… On va découvrir de nombreux éléments chimiques de cette nature, dans les estuaires notamment, et donc des contaminations touchant les moules, les huîtres, les anguilles, les poissons (poissons, indicateur fort de la directive cadre sur l’eau). Dans la baie de Seine, nous savons que les moules sont fortement contaminées. Lab - Quelles solutions acceptables par tous ? Quelles propositions feriez-vous pour aider les élus locaux à avoir les armes ? B.R. - Vous voulez dire : est-ce que je peux trouver des solutions à ma portée, localement, donc pas trop compliquées, qui permettent de résoudre les problèmes évoqués. Supposons que vous soyez élu d’un village situé en Beauce par exemple, et que vous distribuez une eau qui n’est pas conforme car contaminée par des nitrates et des pesticides (ces deux polluants étant souvent présents ensemble). Vous cherchez alors une solution concrète d’application rapide : ‐ vous envisagez d’approfondir votre captage car vous savez que l’eau est moins polluée en profondeur. Mais vous êtes déjà au fond de la nappe, donc vous cherchez une autre solution. ‐ vous tentez d’interconnecter votre forage avec un forage voisin moins pollué, mais les autres captages en proximité sont aussi pollués que le votre. Alors vous abandonnez votre captage, première perte financière. Ensuite il vous faudra trouver un captage ailleurs, bien plus loin, puis tirer des kms de canalisation, les financer alors que dans le milieu rural les finances publiques ne sont guère florissantes. Deuxième perte financière, et investissements qui conduisent à l’augmentation des impôts locaux : à la prochaine élection vous ne serez pas réélu !
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011
7
Scénario catastrophe. Vous ne trouvez pas de captage de remplacement, vous distribuez quand même une eau non potable, vous êtes passible de la loi, le préfet fait pression sur vous, et les associations de consommateurs s’occupent de votre cas. A l’inverse du territoire rural, la gestion de l’eau dans une grande ville prend une dimension différente car les moyens financiers agglomérés sont bien plus importants et permettent d’agir plus facilement. Exemple : l’approvisionnement en eau de l’agglomération d’Orléans. Les captages principaux sont principalement alimentés par les pertes de la Loire à l’amont d’Orléans. L’eau pénètre dans le réseau karstique par l’intermédiaire de gouffres qui se forment dans le lit de la Loire, elle est pompée à une quinzaine de mètres de profondeur et grossièrement filtrée par les sables et les graviers. Cette eau brute contient des contaminants et en particulier des produits phytosanitaires dont les concentrations augmentent. Un débat important s’est développé : faut-il aller chercher l’eau sous la forêt d’Orléans où elle est de bonne qualité, ou bien augmenter les traitements de l’eau qui provient de la Loire ? Sous la forêt d’Orléans, se trouve aussi la nappe de Beauce, mais elle est protégée par la forêt et par une importante épaisseur d’argile. C’est pour l’instant une eau de bonne qualité qui nécessite des traitements légers, dont la composition est stable, il s’agissait alors de tirer un gros tuyau de 30 km de long pour amener l’eau à Orléans : facile à dire, plus compliqué à faire ! En fin de compte, c’est la solution traitement de l’eau de la Loire qui a été retenue. Pour un investissement supplémentaire de 10,8 millions d’euros, l’ancienne usine de traitement a été modernisée : grande augmentation des lits de charbon actif, renforcement de l’ozonisation, équipement d’une filtration par micro tubes biologiques développée par Lyonnaise des eaux… C’est une démarche curative, coûteuse, aidée par l’Agence de l’eau, certainement efficace à ce détail près : que fera t- on si les concentrations en pesticides dans l’eau brute augmentent au-delà des normes de potabilisation de l’eau ? Pour éviter d’en arriver là, il faudrait réduire les quantités de produits phytosanitaires utilisés par les différents acteurs : agriculteurs, villes, entreprises, jardiniers du dimanche… etc. Mais cet exercice dépasse le cadre local : c’est un exercice qu’il faudrait conduire sur les milliers de km2 du bassin de la Loire ! Eventualité qui n’est envisageable que dans le cadre d’une réforme de la politique agricole européenne, ce qui n’est pas à la portée de la volonté et des possibilités d’action d’un élu local seul, mais du niveau de responsabilité des gouvernements. Le plan Ecophyto 2018 pourrait y contribuer ! Dans une ville riche, avec des moyens techniques, il est possible de faire du curatif, et si besoin est de tirer une canalisation sous la forêt d’Orléans. Dans des petites villes ou des villages des opérations de même nature sont pratiquement impossibles et les habitants des zones rurales en sont souvent réduits à consommer parfois des eaux hors normes.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011
8
Enfin si la qualité de l’eau brute continue à se dégrader, il n’y aura plus de solution curative pour personne, les dernières réserves d’eau de bonne qualité seront de plus en plus convoitées : d’ailleurs ce mécanisme est déjà enclenché sous la forêt d’Orléans. La fourniture d’eau potable est une préoccupation forte des élus, leur responsabilité est engagée, c’est pourquoi ils sont souvent très attentifs à cette question, mais la politique de l’eau ne se réduit pas seulement à la fourniture d’eau potable : elle est beaucoup plus vaste, la DCE en trace les contours. C’est pour cela que je disais tout à l’heure : il n’y a pas de solution exclusivement « eau » aux problèmes de l’eau. Cela nous force à sortir des logiques exclusivement curatives pour nous confronter aux causes de la crise de l’eau en portant notre regard sur notre mode de vie, sur l’organisation de la société, sur notre mode de consommation, sur les finalités de production, sur notre relation au travail. Ces questions interpellent l’ultra-libéralisme tel qu’il impose son mode de pensée, dans ses objectifs et ses outrances. C’est un projet politique qu’il faudrait construire à l’échelle de l’Europe… à l’échelle de la planète ! En matière de politique de l’eau, nous ne sommes pas inactifs, nous sommes dotés d’outils publics qui permettent d’agir, mais dans un cadre au contour fixé. Un dispositif domine tous les autres, l’organisation en bassins hydrographiques où agissent les agences de l’eau, établissements publics de l’État. Instaurées par la loi sur l’eau de 1964, 6 agences de l’eau ont été créées en France métropolitaine, et depuis 2000 – 2003, quatre nouveaux établissements ont été installés dans les TOM. Typiquement, une agence de l’eau peut regrouper environ 500 agents comme en SeineNormandie ou 300 comme en Loire Bretagne. Certains bassins sont plus petits comme ArtoisPicardie. L’Agence de l’Eau, c’est l’outil opérationnel à l’échelle d’un bassin avec des techniciens, des ingénieurs, agents de l’état fonctionnaires et surtout contractuels. Le directeur de l’agence est nommé (et en règle générale n’échappe pas à la coloration politique du pays au moment de sa nomination). Le conseil d’administration (CA) est doté d’un président, lui-même nommé par le gouvernement. Le Comité de Bassin (CB), organe qui oriente la politique de l’eau et sur lequel s’appuie l’agence, comprend les représentants de 3 catégories d’acteurs sur le bassin : ‐ d’une part, les élus : ils ont un rôle important puisqu’ils représentent 40 % des membres du Comité de bassin (nouvelle loi sur l’eau de décembre 2006) ‐ d’autre part les représentants du monde économique qui utilisent de l’eau, industries de toute spécialité, agriculture et représentants de la société civile (associations) là aussi 40 % du CB. Les associations ne représentent qu’une faible proportion de ce pourcentage. ‐ enfin les représentants de l’État, 20 %. CB, CA et commissions, forment les instances de bassin. C’est à partir des CB que sont constitués les CA. Pour info, le CB de Loire Bretagne est constitué de 190 membres.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011
9
Aspect démocratique - information fiable et aspect lobbying Il faut recaler la politique de l’eau dans ses priorités. Que l’on soit en gestion privée, ou en gestion publique : vous devez faire face à la dégradation de l’eau brute, et vous devez dans tous les cas, la rendre potable, donc la dépolluer, donc mettre en place des outils de dépollution dans une démarche curative certes, mais surtout préventive, pour que la qualité de l’eau brute soit améliorée. C’est dans cette démarche que je situe mon action. Si l‘on prend le problème de l’eau seulement par l’entrée : prix de l’eau potable, on se prive de beaucoup d’éléments de compréhension. Le débat gestion publique gestion privée recouvre une réalité complexe qui renvoie à la responsabilité des élus et à leur aptitude à faire appliquer le juste prix. Sur les questions de démocratie, il faut se reporter au fonctionnement des Comités de Bassin. Si les Agences de l’Eau jouent un rôle majeur, c’est qu’elles sont les chefs d’orchestre de la politique de l’eau sur un bassin donné avec un argument puissant : l’aide financière. C’est pourquoi les Comités de Bassin constitués par les élus et les représentants du monde économique et par le représentant de l’État jouent un rôle déterminant. Ce dispositif est complexe et subtil car les Agences de l’Eau, sont des établissements publics de l’État, ce sont des structures bicéphales : - le président du CA, le directeur de l’Agence, sont nommés par l’État, et sous tutelle du ministère de l’Environnement, ce dernier animant la politique de l’eau fortement orientée par l’Europe. C’est un premier lieu de pouvoir. - à côté de l’Agence le Comité de Bassin, qui est un organe démocratique, élit un président, c’est un autre lieu de pouvoir. On a pu voir lorsque Dominique Voynet était ministre de l’environnement la traduction politique de l’opposition droite/gauche entre le pouvoir qui donnait des orientations aux Agences de l’Eau et les présidents de Comité de Bassin qui étaient tous d’une coloration politique différente. La loi sur l’eau de Dominique Voynet a capoté lorsqu’il y a eu changement de majorité. Par rapport à la volonté d’indépendance d’un Comité de Bassin, il y a toujours les forces de rappel de l’Etat, le ministère de tutelle imposant aux agents de l’État une discipline de vote. Dans le collège des élus, il y a un panachage de représentation entre la droite et la gauche, cela aussi oriente les votes, tout comme la profession. Dans le collège des usagers, les acteurs du secteur économique savent très bien où se situent leurs intérêts, ils savent passer et négocier des accords de vote avec certains membres du collège des élus. En résumé, des Comités de Bassin émane une attitude plutôt conservatrice et c’est probablement un miracle quand, dans le Comité de Bassin de l’Agence de l’eau Haute-Garonne, c’est un socialiste qui peut être élu ! Lab - Tout le monde sait qu’il y a un problème de gouvernance, un problème de représentation dans les comités de bassin. Certains suggèrent de mettre 30 % d’usagers lambda pour mettre les pieds dans le plat !
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 10
B.R. - On est bien conscient qu’il faudrait changer la composition des CB pour qu’une meilleure gouvernance s’installe. Nous avons déjà développé cette idée dans différents textes notamment dans la « lettre eau » une publication du réseau eau de FNE. La loi sur l’eau de 2006 n’a pas changé réellement les règles de représentation de la société civile, (analyse dans la lettre eau N° 42). Le problème de la composition des CB est très compliqué. On ne va pas mettre 30 % de représentants de la société civile. D’ailleurs aurions-nous suffisamment de militants chevronnés pour occuper ces postes ? La société française ne favorise pas l’engagement des citoyens dans la société civile, nombreux sont les responsables politiques qui s’accommodent très bien de cette situation. D’autres peuvent redouter ces militants qui ne sont pas sous contrôle et qui viennent troubler le jeu politique habituel en popularisant des idées différentes. On se souviendra de ce qui était dit des écologistes avant que ne se précisent les contours de la crise écologique, environnementale, énergétique, sociale,…etc. Lab - Ce ne doit pas être un problème de militant chevronné mais une question accessible à tous. C’est souvent par une technostructure et la complexité des choses que l’on ne fait pas la transparence sur l’essentiel qui concerne les gens. L’enjeu pour nous et les associations, c’est de démocratiser l’information. Ne pourrait-il y avoir une infime partie de l’énorme mobilisation financière en jeu consacrée à la formation ? Tant des usagers que des élus ? B.R. - La gauche s’en est occupée dans une grande manifestation publique en 2001, c’était l’anniversaire de la loi sur les associations de 1901. Plusieurs Ministres s’étaient succédés à la tribune dans des envolées toutes plus ou moins lyriques, ils n’avaient pas changé le monde de la vie associative. Certes, le problème des associations avait été bien identifié et les militants désintéressés montrés en exemple… comme d’habitude ! L’autre question peut se résumer à : comment faire évoluer le couple Agence de l’Eau et Comité de Bassin ? C’est un système intéressant qui permet le brassage des sensibilités et des intérêts contradictoires, il permet un exercice démocratique, avec cette réserve : les règles de composition pénalisent ceux qui défendent des valeurs non économiques. Selon leur compétence et leur charisme, les militants associatifs peuvent émettre des idées, faire évoluer les débats, mais en fin de compte on reviendra au vote dont on dira qu’il fait consensus. Quant à la complexité des dossiers et la technostructure, on pourrait certainement simplifier ce type d’organisation, mais il faut aussi prendre en considération qu’un administrateur va se trouver confronté au travail permanent de centaines d’agents à plein temps qui en plus jargonnent comme jargonnent les lois que nous tous utilisons. Faire évoluer ce système, nécessité de le remettre à plat : faire une RGPP des agences de l’eau ? L’autre idée à développer, c’est l’organisation de la formation des administrateurs. Des formations sont déjà organisées, mais elles trouvent très vite leurs limites, complexité de la gestion de l’eau, volume considérable de données de toute nature : économiques, financières,
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 11
techniques, scientifiques, administratives, législatives, etc. Mais aussi sujets que l’on ne peut pas aborder dans leur grande complexité dans une formation organisée par une agence, par exemple : l’application du principe pollueur-payeur ! Prendre aussi en compte un autre élément limitant pour les élus et les associatifs : leur disponibilité. De plus, que les élus et les associatifs ne soient pas au top niveau, n’est certainement pas pour déplaire à certains acteurs influents, autre élément à prendre en compte ! Le problème des redevances et la mise en œuvre du principe pollueur-payeur sont des sujets difficiles où la non transparence était de règle. Les choses ont changé, mais le PPP n’est toujours pas appliqué. Nous avions publié il y a quelques années une analyse du système des redevances pour faire comprendre comment elles étaient calculées et où se situaient les règles arbitraires. Nous venons de faire un travail partiel sur certaines redevances à la suite de la mise en application de la loi sur l’eau de 2006. On peut constater le façon dont le législateur a encadré les redevances et comment les Comités de Bassin fixent les taux par le vote (Lettre eau 49). Retour sur la composition des Comités de Bassin : comment la changer ? C’est la loi sur l’eau qui fixe leur composition. La priorité est donnée aux élus. Le collège des élus représente 40% du CB, il est formé par un représentant par département, un par région, et majoritairement par les représentants des communes ou de leurs groupements compétents dans le domaine de l’eau. En Loire Bretagne, 29 au titre des conseils généraux, 8 des régions, soit 37 représentants des collectivités, deux sièges en plus pour les villes soit 39, au total pour les élus 76 sièges. Le collège des usagers 76 sièges également et pour le collège de l’Etat 38 sièges au total 190 membres pour ce CB. Les associations sont dans le collège des usagers, 7 environnementalistes, 6 consommateurs, 4 pêcheurs amateurs. Le CA est formé à partir du CB, la loi sur l’eau de 2006 n’a pas modifié les règles de composition. En Loire Bretagne, le collège des usagers du CA est formé de 11 membres. Les APNE ont un siège, les pêcheurs aussi, ainsi que les consommateurs. Le secteur économique a donc 9 sièges, en fait 10, car le représentant des consommateurs est un agriculteur élu contre l’avis de « que Choisir », de la CLCV, et des associations de famille. Et vive la démocratie….selon les industriels alliés aux agriculteurs. Lab - Communication officielle les industriels paieront plus qu’avant. Or aujourd’hui les industriels paient moins. Ne pourrait-on pas faire la proposition d’un véritable audit, radiographie sur le problème de la démocratie, de la gouvernance de la prise en compte de l’ensemble des différents enjeux ? Que pourrait-on faire pour que la globalité des enjeux politiques (sociétaux, évolution des territoires, cohésion territoriale, transversalité), soit prise en compte dans le fonctionnement routinier des comités de bassin ? Qu’est-ce qui pourrait faire évoluer cela positivement ? B.R. - Faire des audits. Des audits sont réalisés par la cour des comptes, mais jamais les fondamentaux ne sont visités car relevant du domaine de la politique et de la loi. Si les agriculteurs ne paient pas de redevances sur les nitrates et les phosphates, c’est tout simplement parce que la loi ne le prévoit pas. Ce n’est évidemment pas sous l’effet du hasard, la redevance nitrates a été supprimée sous la pression des coopératives et des producteurs.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 12
La fonction d’administrateur conduit à embrasser les problèmes à l’échelle du bassin, territoire énorme où se déroulent une multitude d’actions qui relèvent de la gestion de l’eau. C’est pourquoi un dossier de conseil d’administration est énorme, toutes les opérations y sont consignées. Ne pas s’en occuper reviendrait à laisser l’agence décider de tout. Dangereux car l’influence des acteurs puissants rode toujours dans les couloirs. En plus que ferait-on alors ? Donc quand on est administrateur il faut assumer tout en étant critique, ou démissionner. Le fonctionnement des Agences est gouverné par un ensemble de règles de financement qui sont votés dans chaque instance de bassin. Sont prises en compte les règles définies par la loi eau pour les redevances et de toutes les lois et décrets qui concernent l’eau et les milieux aquatiques. Tout cela vaut instruction pour les services. Un problème difficile à résoudre pour un administrateur c’est le déséquilibre très important entre lui et les services puisqu’un dossier peut être travaillé par 30 personnes qui sont dans leur monde professionnel. Souvent les administrateurs ne regardent que les documents qui les intéressent et qui concernent leur catégorie professionnelle, ou leurs préoccupations communales. Là où les choses importantes se passent, c’est quand les débats portent sur les règles qui fixent les redevances et les aides, ainsi que les actions prélèvement de l’eau par exemple. Mais les règles en question sont toujours conformes à la loi…et la loi est bien douce à qui sait l’apprivoiser dans sa période de jeunesse. Ensuite sur le terrain, il reste à la faire respecter, mais les services de police de l’eau ont bien peu de pouvoir. Comment faire évoluer ces règlements, et ces règles de composition des Comités de Bassin ? Cela nécessite une réflexion difficile et approfondie sur : quel rôle pour le comité de bassin ? Actuellement le secteur économique est dominant, son influence est renforcée par de nombreux élus qui tous ne sont pas agriculteurs ou conservateurs. Faut t-il réduire ce poids au profit de la société civile en mettant des garde-fous. Il faudrait aussi ménager des temps de débats où le poids de la structure Agence soit moins prégnant. Renforcer la culture technique, scientifique, financière des administrateurs, leur inventer du temps libre pour qu’ils puissent être aussi disponibles que les représentants du secteur économique : payés par leurs organisations ou leurs entreprises pour être administrateurs. Et l’on se souviendra que, pour l’industriel, moins il paie de redevance, mieux il se porte, et plus il oriente l’utilisation de toutes les redevances vers les secteurs des activités industrielles, plus il pense que l’impôt est utile. Comment renforcer la représentation de la société civile, étant entendu que cette orientation sera combattue par le secteur économique ? Une seule solution : la loi. Il faudra donc une majorité acquise à ces idées.
__________
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 13
8 février 2010
Audition de Henri SMETS, membre de l’Académie de l’eau et Président de l’ADEDE (association pour le développement de l’économie et du droit de l’environnement)
Article 1 de la loi du 30 décembre 2006 sur la préservation des ressources en eau et des milieux aquatiques : « L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général. « Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l'usage de l'eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous. « Les coûts liés à l'utilisation de l'eau, y compris les coûts pour l'environnement et les ressources elles-mêmes, sont supportés par les utilisateurs en tenant compte des conséquences sociales, environnementales et économiques ainsi que des conditions géographiques et climatiques. » Un unique article dans cette loi qui vise à renforcer la solidarité des communes dans le domaine de l'alimentation en eau et de l'assainissement des personnes en situation de précarité et qui vient en discussion au Sénat le 11 février. http://www.senat.fr/cra/s20100211/s20100211_7.html#par_691
Henri Smets : Maintenant qu’il y a le droit à l’eau dans les textes, que proposez-vous de faire ? Si tous les gens précaires ont droit à une aide, dans les faits ce droit n’est pas appliqué car les dispositions qui en découlent ne sont pas financées. D’où la proposition de loi Cambon, député UMP, relative à « la solidarité des communes dans le domaine de l'alimentation en eau et de l'assainissement des particuliers ». Une espèce de correctif que l’on essaie de mettre pour que le droit prévu depuis 1990 soit mis en œuvre, c’est-à-dire le droit à une aide spécifique, indépendamment que l’on ait des dettes et que l’on ait un contrat avec une compagnie de distribution d’eau. C’est donc un système qui aurait dû être la base de l’action. Tout ce que l’on a dit c’est que le FSL serait financé par les distributeurs et par le Conseil général. Ceux qui sont aidés, ce sont uniquement ceux qui ont un contrat et des dettes sur ce contrat d’eau. Ce ne sont donc pas des personnes en immeuble collectif, dans de grands ensembles, ce sont seulement ceux qui ont un contrat individuel. Mais que voit-on comme système de financement réel ? Les distributeurs d’eau privés ont lancé une vaste campagne pour que tous les départements contribuent, jouent leur jeu et, eux-aussi y participent en mettant obligatoirement une petite aide par abonnés, pour que le FSL finance ce droit à l’eau.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 14
Mais il y a beaucoup de départements, et surtout dans le sud, qui ne signent pas de convention avec les distributeurs privés, qui n’ont rien. La ville de Paris n’a rien, elle ne prévoit pas de droit à l’eau sous cette forme là sous prétexte qu’il n’y a pas de contrats individuels. En ce qui concerne les régies, je n’en ai trouvé que très peu qui contribuent à un tel fonds d’aide. Finalement, paradoxalement, ce sont les distributeurs privés qui poussent le plus pour faire fonctionner ce système. Système, je le rappelle, limité à tous ceux qui ont des contrats. Les distributeurs privés soutiennent un système par lequel ils abandonnent des créances mais sont payés pour partie par les usagers endettés. Cela aide un peu à alléger la facture eau des usagers qui ne peuvent pas payer mais cela n’aide en rien les usagers sans contrat individuel. Lab - Sur les problèmes d’impayés concernant des contrats individuels, le délégataire (Suez, Saur, Veolia…) qui a passé des accords, saisit la collectivité qui saisit le CCAS, à charge pour celui-ci d’actionner le FSL. Or de nombreux FSL n’ont pas de département eau, il n’y a aujourd’hui que 2/3 des FSL qui abondent ce département eau. Donc le système est très imparfait, d’autant que nombre de personnes échappent au radar : celles qui ne sont pas titulaires d’un contrat eau car elles sont en collectif ; au delà de cela, un nombre important de gens, pour des raisons que l’on peut qualifier d’éthiques ou morales, ne vont pas vers les services sociaux. C’est quelque chose de largement sous-estimé. Certains se saignent aux quatre veines pour payer tout ce qu’ils ont à payer et ne peuvent donc être bénéficiaires du dispositif actuel. Tout le monde s’accorde pour dire que les dispositions actuelles ne sont pas satisfaisantes et la proposition de loi qui va passer après-demain au Sénat n’apporte aucune réponse véritable. Elle ajoute seulement la possibilité optionnelle pour une collectivité de mobiliser 0,5 % de son budget à un financement complémentaire du dit système totalement imparfait. Donc, cela ne peut en aucun cas constituer une réponse pertinente. H.S. - Je ne suis pas d’accord. La nouveauté c’est de permettre aux assainisseurs de contribuer, car les distributeurs et les collectivités pouvaient déjà le faire. L’autre nouveauté est que le FSL pourra intervenir avec les moyens financiers des distributeurs pour aider à payer les charges et notamment l’eau. Lab - La novation de la proposition Buffet, reprise par le PC, c’était de dire que l’on modifiait totalement l’approche en abandonnant l’idée de rustines, et que l’on reprenait la question en amont. Sur la base d’un travail d’investigation conduit en région parisienne, il est apparu que pour les personnes en situations les plus précaires, le montant des charges d’eau pouvait représenter aujourd’hui 5, voire 7 ou 8 % de leur capacité contributive. Ce qui est absolument énorme. Face à cela, l’idée était de changer radicalement l’approche et de mettre en place un système préventif en s’appuyant sur la technologie des CAF et le système des APL, de déposer une proposition de loi qui dise très clairement que dès que le montant des charges d’eau et d’assainissement excède 3 % des ressources du foyer concerné, ce qui peut être calculé sans difficulté, c’est le système de l’APL, via une contribution qui sera versée au foyer sous réserve de la constitution d’un fonds régional ou national qui devrait impérativement être abondé par les délégataires privés. C’est là que cela a achoppé. Il faut trouver le financement.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 15
Les études réalisées en région parisienne font état de 600 000 foyers concernés : cela représenterait 17 millions d’euros / an. Ce qui n’est pas exorbitant. H.S.- Attention, les chiffres sont susceptibles de varier. Où est le vrai problème ? Il n’y a toujours rien qui indique un consensus sur « qui paie ». La proposition de l’Obussas1 et la proposition Buffet ne sont pas suffisamment élaborées pour définir qui paie. C’est trop facile de dire « c’est le privé qui va payer ». Cela n’a pas de sens et ne passera pas. On a deux solutions qui ne marcheront pas : c’est de dire c’est l’État qui paie ou c’est le privé qui paie. Il n’y a pas que le privé dans le système. Que fera-t-on dans les zones où il y a des régies ? Sont-elle prêtes à payer ? Silence total ! Si l’on demande aux régies ce qu’elles sont prêtes à faire pour les plus démunis de leur région, elles ne répondent pas. L’image de marque des régies est désastreuse ! Cependant, en insistant, j’ai réussi à avoir certains chiffres que j’ai donnés dans mon livre, et certaines régies font des choses très bien. Par exemple, la régie de Vannes. Il y a des départements qui ont des actions très solidaires, comme la Gironde. Cela existe mais ce n’est pas connu. Il y a des fonds qui sont abondés. En général les régies font des abandons de créances plus ou moins importants, au cas par cas. C’est au niveau des CCAS et des maires que l’on est plus ou moins coulants et que certaines recettes ne sont pas recueillies, avec des volumes significatifs. Lab - Il semble qu’il y a des problèmes entre ce que veut décider une régie et ce que va dire le TPG, ou le régisseur des recettes ; il y a des problèmes qui sont apparus sur le manque de cohérence des décisions de la collectivité et la doctrine qu’a élaborée le TPG dans un espèce de vide juridique. On butte sur un autre problème : il y a davantage de petites régies en France que de contrats gérés par le privé. C’est une donnée très importante. En termes d’usagers desservis, le privé c’est 80 % ; il y a à côté 60 ou 70 % de régies, dont une myriade de petites régies ; le reste sont des contrats de délégation. En terme institutionnel, il faut intégrer cette composante. A moins d’une législation très autoritaire, c’est très difficile, quand cela repose sur le volontariat, de fédérer un aussi grand nombre de petites régies, pour lesquelles il existe cependant une cartographie. Mais que peuvent réellement faire ces petites régies ? Elles sont en position d’attente, pieds et poings liés, elles n’ont pas d’avenir car elles n’ont pas de taille suffisante. En termes de structures, on a majoritairement des régies, mais sont intégrés dans ce schéma les syndicats, SIEP etc. C’est leur addition qui numériquement atteint 60 à 70 % du nombre de services. Les présidents des SIEP sont élus, et sont rémunérés – ils ne seront pas les plus chauds partisans pour les abandonner… Un autre élément clochemerlesque : ce sont les achats d’eau sur une territoire donné. C’est sur une zone précise que se situe le captage. On peut entendre « c’est mon eau », cela explique aussi l’attachement. H.S. La régie de Vannes, ce sont 30 000 abonnés. Elle gère ses arriérés d’eau dans le seul cadre du CCAS et ne s’occupe pas du FSL. Ils ont réussi, dans le cadre municipal, à donner une aide de 1 Obussas : observatoire des usagers de l’assainissement d’Ile de France Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 16
1,5 € par abonné pour l’abondement d’un fonds (abandon de créance en pratique). Par personne aidée, cela représente 50 € en moyenne sur l’année (différence payée par l’abonné) et ce sont quelques 800 foyers qui bénéficient de cette aide fournie par le CCAS. C’est extraordinaire quand ça marche. C’est le système à l’ancienne. Ensuite on a inventé un système où c’est le département qui fait la même chose ; certains font les choses bien. Lab - Le problème, c’est d’identifier précisément la problématique « je ne peux pas payer l’eau » et les populations concernées. Quand cela passe par le système CCAS / FSL, et c’est une critique sur les fondements du système actuel, cette dette eau participe généralement d’un endettement qui cumule l’énergie, le loyer… On est dans une démarche de service social curatif ou seront pris en charge les impayés d’eau parmi d’autres impayés affectant des gens en situation de précarité. Sur un plan sémantique, le principe posé de la légitimité d’un droit à l’eau est un principe de droit irréfragable – le raisonnement est à reprendre dans ce sens. C’est pour cela qu’il faut sortir du schéma actuel pour trouver un autre schéma conceptuel de l’eau. On souhaite une maîtrise démocratique, de l’information notamment. Il y a des aspects technologiques à étudier et prendre en compte H.S.- Parlons d’un cas où c’est fait et adopté par les populations, c’est l’exemple de la Belgique où coexistent 3 régimes de tarification de l’eau : bruxellois, flamand, wallon. • Le système flamand : principe suivant lequel chaque habitant a droit à 15 m3 /an gratuits (ce qui en fait revient à une réduction de 27 % car il faut quand même payer les frais fixes et l’assainissement). Les pauvres sont exonérés de la taxe d’assainissement, sur décision d’un organe municipal type CCAS et ils ont ainsi quasiment l’eau gratuite. • Le système bruxellois instaure une tarification progressive : plus on consomme, plus le prix du m3 augmente. Variation calculée par habitant et non par abonné, les familles nombreuses ne sont donc pas pénalisées. Il y a également une taxe régionale destinée à alimenter un fonds social de l’eau : 0,01 € par m3 distribué. • Le système wallon : tarifs progressifs mais par ménage et non par personne - et taxe de 0,0125 € par m3 pour les fonds sociaux (une taxe supplémentaire avait été étudiée, de 0,0125 € par m3 pour l’aide au développement, mais n’a pas pu être créée ainsi, la cotisation existe cependant). Quelle différence avec la France ? La Belgique n’est pas très grande. Mais il est possible de procéder à de semblables tarifications, progressives, par personne... On peut avoir 15 m3 gratuits. La loi française l’autorise. Le maire de Libourne a ainsi lancé une opération de ce style, distribution gratuite de 15 m3, l’assainissement étant payant. Le coût de ces 15 m3 est réparti sur les autres m3distribués.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 17
Lab - Mais faisons attention à la sémantique et au terme gratuité ! Il y a bien quelqu’un qui paie. D’ailleurs les gens sont méfiants quand on leur parle de gratuité, elle est souvent refusée. On fait payer symboliquement (valeur de maintien du lien social, ex. croix rouge, restos du cœur). Parlons plutôt de participation. H.S. - Autre facteur à prendre en compte : il est évident que si la consommation personnelle baisse, le prix du m3 va augmenter, de même pour les factures. Il faut savoir qu’en Flandres le prix du m3 a augmenté de 50 % et au delà. Mais les gens ont trouvé cela très bien et ne veulent pas revenir en arrière. Quel est le mode de tarification qui paraît adapté à la France ? La solution belge paraît adaptée. Et est tout à fait réalisable car on prend déjà en compte le nombre de personnes au foyer pour les taxes municipales et le calcul du quotient familial. Lab - Si le système se comprend dans les petites villes, dans les grandes le contrôle est beaucoup plus difficile et le nombre de personnes vivant au foyer de l’abonné ne correspond pas forcément au nombre de personnes figurant sur sa feuille d’impôt. Sur la facture d’eau : • Toute la communication « écologique » tournée vers une baisse des consommations n’entraînera-t-elle pas de fait une augmentation de la facture ? Ce n’est pas le consommateur qui gagnera. • Le montant de la facture globale ne changera pas si on consomme moins d’eau, il restera stable mais le prix du m3 d’eau lui augmentera. • Par contre, le coût des installations, d’assainissement notamment, va être de plus en plus lourd et sera répercuté sur les factures qui augmenteront de ce fait. Ni la Belgique ni la Hollande n’ont notre étalement urbain. Le modèle belge peut-il s’appliquer même à de petites communes ? Nous avons 17 000 stations d’épuration (STEP) alors que la Hollande en a 400, c’est plus facile d’intervenir à cette échelle-là. Mais on est en train d’essayer d’émettre des propositions pour avoir une approche sociale de l’eau, alors que sur le modèle économique il faudrait essayer de faire des propositions politiques. L’eau, c’est la santé et c’est l’argent, on est sur un vecteur extrêmement porteur. Les gens sont prêts à entendre et écouter aujourd’hui tout ce que l’on a à leur dire sur l’eau : c’est une réponse politique extrêmement pertinente qu’il faut faire. H.S. - Dans la proposition portée par l’OBUSSAS, qui à mon avis n’a résolu que la moitié du problème, inspiré directement de mon livre « l’eau potable à prix abordable », qui n’a rien inventé de nouveau, c’est le modèle que les Anglais ont inventé il y a 10 ans et ont mis en avant mais qu’ils n’ont pas mis en pratique. Je n’ai pas fait œuvre de novation ! Il s’agit simplement que l’eau ne coûte pas plus de 3 % du budget. Message fort qui a été repris par Madame Jouanno (secrétaire d’État chargée de l’écologie), ce qui m’a surpris. 3 %, c’est aussi le chiffre de Tony Blair au début de sa période de gouvernement. C’est également quasiment le chiffre qu’utilise les municipalités américaines : 4 %.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 18
Donc, il y a quelque chose autour de ce thème qui est porteur ; c’est également ce que défend le gouvernement français pour l’énergie, 10 % par ménage. Il y a un caractère attractif. Si on a 3 % comme plafond cela implique automatiquement que l’on doive consacrer environ 1 % de l’ensemble des factures d’eau à aider ceux qui dépassent la limite de 3 %. Cela dépend évidemment du niveau de prix de l’eau, et si celui-ci explose il faudra plus qu’1 %, mais c’est l’ordre de grandeur. Le 3 % est une bonne référence et il est repris pas tous : plus personne n’ose dire 3 c’est trop petit, mais personne ne dit qui paiera le 1 %. J’ose : ce ne peut être que par une taxe, ou l’équivalent, sur le mètre cube, ce n’est pas possible autrement. Dans les exemples où cela a été mis en œuvre, cela a toujours été financé sur les factures d’eau. Il ne s’agit pas de discuter du modèle économique, mais de répartir la dépense entre les citoyens. On n’a que deux techniques : au prorata de la consommation ou au prorata du revenu et je ne vois pas comment faire autrement. Au prorata des bénéfices indus des grosses compagnies capitalistes ? C’est bien gentil, mais on a plein de régies qui, elles, n’entrent pas dans la catégorie. On ne peut pas faire le coup de Total pour le pétrole : la prime à la cuve, c’est Total qui l’a payée. Mais on n’a pas l’équivalent eau de Total. Il n’est pas possible de dire que 2 ou 3 grosses entreprises seront taxées alors que 10 000 régies ne le seront pas. Ce n’est pas défendable. Lab - Le débat en ce moment sur le périmètre des missions, l’effondrement du modèle économique, « l’eau doit payer l’eau » (même si c’est avec le budget général que l’on doit payer l’eau pluviale…) nous renvoie à un débat qui va surgir dans les années qui viennent : il faudra trouver une nouvelle péréquation entre le montant de la facture et l’impôt qui traditionnellement a assuré de début du financement de construction des infrastructures. Les 850 000 kms de tuyaux d’aujourd’hui ont été financés sur un siècle par l’impôt, pas seulement par le montant de la facture. De même pour l’assainissement, chaque année les conseils généraux continuent à financer à hauteur de 700 millions d’euros les petites collectivités rurales (un problème si cellesci perdent la clause de compétence générale). Avec le fond de crise dans lequel nous nous trouvons, ne serait-il pas utile de réfléchir d’autres modes d’alimentation d’un fonds social sur une base fiscale ? – quoique de ne plus avoir les droits de mutation pénalise fortement les collectivités locales. Mais quelque chose comme cela, cela peut être une piste de réflexion. H.S. - Pourquoi pas ? Nous avons 3 impôts : l’impôt sur le revenu, l’impôt local et l’impôt sur le m3. Le plus mauvais de tous, que tout le monde met en avant, c’est l’impôt sur le m3. Mais c’est le plus injuste car la consommation par ménage varie très peu selon le revenu et c’est donc la méthode la plus régressive qui soit de répartir la facture d’eau. Il ne faudrait pas le mettre au m3 si on prend l’aspect progressivité de l’impôt. L’impôt local, c’est mieux ; mais ce serait les finances locales qui devraient le payer. L’impôt sur le revenu c’est encore mieux. On n’a pas d’autre choix. Mais, alors que l’État se désengage du social complètement, aller lui demander de prendre sur l’impôt sur le revenu pour financer l’eau, c’est aller à contre-courant. Donc, il ne reste plus que le local ou le m3. La tarification sociale, c’est relativement simple : on prend 1 % des factures d’eau, on le fait payer par chacun, et on arrive à un grand débat qui va porter sur 120 millions d’euros (chiffre
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 19
d’affaires annuel de l’eau, 12 milliards). Il faut 120 millions d’euros pour résoudre tout le problème social. Le montant de la tarification sociale de l’énergie, tout confondu, c’est 275 millions par an. Puisque l’eau représente, dans la facture des ménages, le ¼ de l’énergie, on pourrait prendre comme indicateur qu’on va faire un fonds social de l’eau qui sera ¼ du fonds social de l’énergie. On arrive alors à 70 millions pour le fonds social de l’eau. Le fonds social de l’énergie est abondé par EDF et Total. Aujourd’hui, en étant positif, j’arrive à 3 ou 4 millions près, à 15 millions d’euros mobilisés par les FSL et CCAS sur l’eau. Il faudrait arriver à 75 millions, si l’on veut faire l’équivalent de ce qui est fait pour l’énergie. Il faut donc 60 millions de plus, ce qui représente 0,5 % du chiffre d’affaires de l’eau, c’est exactement la proposition de loi Cambon. Si on a un 0,5 % ou 1 % pour le social on peut le répartir sur les autres, et les autres ce sont les usagers. On peut avoir une taxe de 1% sur la facture d’eau puisqu’on a une taxe du même ordre pour les factures d’énergie. Si on ne veut pas cela, qu’est ce qu’on propose ? Quelle est la solution ? L’une des solutions, c’est de taxer les bénéfices indus des délégataires… La proposition Obussas, c’est obligatoire sur les bénéfices des délégataires et volontaire sur les régies, une telle discrimination n’est pas possible ! Du côté de l’Europe. On a cru pendant longtemps que la création de 2 tarifs, un tarif pour les « gens normaux » et un tarif pour les « pauvres », que la dichotomie de prix était une discrimination au sens de la législation européenne. Or l’U.E. a adopté des directives qui autorisent explicitement des différences de prix suivant les catégories sociales et un protocole du traité de Lisbonne dit expressément que le caractère abordable des services publics est une valeur commune de l’Union européenne. Ce qui veut dire que c’est un des objectifs de l’Union et cela autorise toute solution de tarif social – en termes généraux. Le traité de Lisbonne s’impose à la cour de Luxembourg qui sera obligée de s’aligner. Un autre argument, l’eau est un monopole : on n’a pas le choix du distributeur, on n’a pas le choix de la qualité, on n’a pas le choix du prix. On n’a le choix de rien. Il faut bien s’en sortir en créant des solutions. Car que font les gens pauvres ? Ils vont chez les « hard discounts ». Où sont les « hard discounts » de l’eau ? Mais faire attention à cette notion de l’entreprise « low cost » de l’eau ! Une meilleure solution ne serait-elle pas d’introduire la concurrence sur la partie commercialisation de l’eau ? C’est-à-dire l’encaissement, la facturation, l’entretien des réseaux – pas sur les investissements. Il s’agirait de segmenter les contrats, de sortir la partie commerciale de la partie réseaux et de la partie production ; comme pour l’électricité, segmenter. La concurrence se ferait sur le secteur de la commercialisation et pas le secteur du réseau. Les réseaux c’est une seule entreprise, la production quelques-unes et sur la commercialisation il peut y en avoir beaucoup. C’est envisageable - cela a d’ailleurs été envisagé en Angleterre. Si le dégroupement se fait dans le secteur de l’énergie, on peut le faire également dans le domaine de l’eau. Les réactions de Suez et de Veolia ne se sont pas faites attendre quand j’an ai parlé à
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 20
l’Académie. Mais c’est une idée, par exemple, que l’AFD propose pour les pays en développement. Mais ce n’est pas encore mûr. Le problème du tarif social est un problème tout petit de 1 % du chiffre d’affaires et l’intérêt des distributeurs privés c’est justement de pousser leur projet en disant qu’ils faisaient du social alors qu’en réalité cela ne compte pas dans l’économie de leur contrat ; 1% ce n’est rien. Fonds social de 75 millions ou de 120 millions d’euros ? Les calculs sur 120 millions donne un plafond, et si l’on met en place le système en faisant du mieux qu’on peut, on s’aperçoit que beaucoup de personnes ne bénéficient pas de leurs droits parce qu’ils ne le demandent pas. Lab - On résume là la question du droit à l’eau à un problème de prix. Qui dit le bon prix, comment se compose le prix ? Ne doit-on pas partir des besoins et considérer l’eau comme étant un bien commun et sortir de ce rapport totalement marchand et consumériste ? Revoir à la base comment, de ce fait, compte tenu de l’ingénierie existante, des moyens d’accès à l’eau existants, on peu travailler pour un accès à l’eau de qualité le plus large possible à toute la population ? C’est une question de prix ? ou alors c’est une question coût ? et dans ce cas comment se compose le coût et qui fait les meilleures propositions ? H.S. - Si on part de votre point de vue, 99 % des ménages français ont l’eau courante. Il y a seulement 300 000 ménages qui ne l’ont pas d’après l’INSEE (puits ou autre…). Il y a environ 75 000 ménages qui sont aidés. Ce qui compte, c’est qu’il y a 500 000 ménages qui ont vraiment des problèmes économiques et qui ne reçoivent rien. Au delà de 500 000 / 1 million, pour les autres, il n’y a pas vraiment de problème l’eau n’étant pas particulièrement chère. C’est cette frange là qui est la seule en cause. Il y a, en plus, tous ceux qui n’ont pas une bonne eau dont on ne parle jamais. C’est incroyable : en Seine et Marne il y a 200 villages où l’eau n’est pas bonne depuis des années, que fait-on pour eux ? Je trouve étonnant que l’on n’en parle pas. Le sujet dont on ne parle pas, c’est le droit à la qualité, qui n’est pas négociable. Mais pour bonne qualité on est prêt à monter les prix et on rentre encore plus dans le système. On entre là dans le problème curatif/préventif. Cela renvoie sur la négociation de la PAC en 2013. Quelles sont les réflexions possibles pour une nouvelle politique ? Système flamand, système irlandais : premiers m3 d’eau gratuits pour chaque habitant, compensés par le prix des m3 des tranches supérieurs, plus chers (+ de 50 %). Les factures sont réparties autrement. C’est logique et défendable, mais il y a-t-il une demande ? Il faut alors compter le nombre d’habitants. Lab - Les industriels, les agriculteurs bénéficient de tarifs dégressifs, mais qui est-ce qui paye ? L’usager ordinaire, trois fois de suite … Un exemple : la moitié de la consommation annuelle de la ville de Landernau, ce sont les industriels de l’agro-alimentaire qui bénéficient de tarifs dégressifs et paient 50 fois moins cher que l’usager lambda. Donc ce sont les citoyens de
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 21
Landernau qui, péréquation, financent l’industrie agro-alimentaire locale. Second point, quand ils ont utilisé cette eau, ils rejettent leurs effluents dans les circuits d’assainissement, deuxième peine. Au total le consommateur lambda aura payé 3 fois pour financer, sans le savoir, l’industrie agroalimentaire locale. Comment sera mise en place la tarification sociale ? Discussion : négociation des contrats, du cas par cas Alors que pour les consommations domestiques, les tarifs sont publics, les tarifs pratiqués auprès des industriels et des agriculteurs ne le sont pas. Négociés dans des contrats non rendus publics. Il n’y a pas de règles. Pourquoi les HLM ont ou n’ont pas un tarif différent des simples citoyens ? Ex. Prison de Fresnes, tarifs dégressifs à partir de 6 000 m3. Qu’en est-il pour les hôpitaux ? Il y a des particuliers immobiliers qui ont des contrats. Tout est du cas par cas. Aujourd’hui, le grand problème c’est l’assainissement. Dans le Val de Marne, il y a le siège social Aventis. Le laboratoire européen de recherche d’Aventis, depuis 30 ans, rejette dans les collecteurs départementaux et dans les collecteurs du SIAAP2 des quantités phénoménales de substances chimiques - personne ne sait précisément ce qui est rejeté. On en est arrivé à une situation ou, depuis 15 ans, il y a eu des missions quasiment clandestines de la mairie de Paris, du CRECEP3, de la préfecture. Aujourd’hui à partir de ce collecteur, on est obligé de faire faire à ces rejets, à partir de la tour de contrôle du SIAAP, un circuit particulier de 18 kms pour les diluer, avant de les balancer dans le réseau. Qui paie ? C’est l’usager bien sûr, d’autant qu’il n’y a jamais eu de convention de raccordement. On en est arrivé à une situation telle que ni le SIAAP ni le Val de Marne ne font plus descendre leurs égouttiers, on fait appel à une boîte privée spécialisée avec des combinaisons spéciales. Mais chantage à l’emploi : si vous m’embêtez, je pars… Aventis donne des statistiques lissées sur un mois. Les pics sont ainsi dissimulés. Discussion : Normalement, on met des bassins de rétention (ex. Samsung). Comment n’y a-t-il pas d’obligation faite à Aventis ? Le problème, c’est qu’il n’y a pas de réglementation générale mais des contrats privés. C’est là que la loi paraît indispensable pour harmoniser les réglementations et veiller à leur respect sous peine de sanction. Avoir un texte qui dit qu’aucune dérogation de prix ne peut être donnée sans information publique, par exemple. Est-il possible d’imposer un prix moyen national (avec une fourchette) ? L’harmonisation des prix au niveau d’un département est-elle possible déjà ? Mais les bons gestionnaires vont payer pour les autres ! __________
2 SIAAP : syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne 3
CRECEP : centre de recherche d'expertise et de contrôle des eaux de Paris Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 22
18 février 2010
Audition de Paul RAOULT, sénateur, maire du Quesnoy, président du SIDEN-SIAN Syndicat intercommunal de distribution d’eau du Nord - Syndicat intercommunal d’assainissement du Nord.
La question de l’échelon territorial pour la gestion de l’eau est-elle pertinente aujourd’hui ? Quels sont les problèmes les plus urgents d’une politique publique de l’eau, les priorités ? Comment faire évoluer les pratiques, comment faire de l’eau le bien commun que les communes peuvent se réapproprier ? Paul Raoult : Je préside un syndicat intercommunal dans le Nord. Son histoire remonte en 1950. La création du SIDEN (Syndicat intercommunal de distribution d’eau du Nord) correspondait au souci des élus du département d’assurer l’adduction en eau potable, avec un objectif de travaux à 20 ans. A l’origine, ses statuts sont ceux d’un syndicat de fonctionnement et d’investissement. La chance du SIDEN est d’avoir été, dès le départ, sur ces 2 volets. Les communes qui adhèrent abandonnent complètement la gestion de l’eau au profit du syndicat. Il s’agit d’une mutualisation complète, le prix de l’eau est le même partout, quelle que soit la situation des communes. Quand la commune adhère, ces règles lui sont connues. En 1971, tous les réseaux communaux et intercommunaux sont achevés, ce sont 400 communes qui sont desservies par la SIDEN. Cependant, une autre étape a déjà été enclenchée avec la préoccupation liée à l’augmentation constante des consommations et des rejets des eaux usées, à l’accroissement des besoins industriels : la protection des nappes phréatiques conduit à créer le Syndicat intercommunal d’assainissement du Nord, SIAN qui voit le jour en avril 1971. Des difficultés ont été rencontrées dans la procédure : il s’est agi en effet de diviser le travail des deux syndicats à partir du même personnel et dans les mêmes locaux – ce qui a fait l’objet d’une convention. Mais la loi Sapin (janvier 1993) ne permettait plus de maintenir une telle construction. Plusieurs évolutions ont alors été proposées, acceptées par le ministère et le préfet : 1. Création d’un syndicat de service, le SESEA. Mais le syndicat des services privés de l’eau a attaqué, le Conseil d’État l’a suivi et a cassé la création du syndicat de service (au motif du champ de la concurrence). 2. Le personnel a dû être divisé entre les deux syndicats dotés chacun d’une régie pour l’exercice de leurs compétences. 3. L’unification des deux syndicats a pu être mise en œuvre à la suite de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006 : un important travail parlementaire de persuasion a conduit à adopter la législation qui permet qu’un syndicat mixte dit « fermé » puisse adhérer à un autre syndicat mixte en matière d’alimentation en eau potable, d’assainissement collectif et non collectif.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 23
Depuis le 1er janvier, les 2 syndicats ont été unifiés : le SIDENFrance et sa régie ont été dissous après avoir transféré l’ensemble de leurs compétences au SIAN désormais dénommé SIDEN-SIAN et à sa régie, Noréade. Le SIDEN-SIAN est compétent sur l’alimentation en eau potable, l’assainissement collectif et non collectif, les eaux pluviales ; Noréade exploite les services à caractère industriel et commercial du syndicat mixte. Une redevance par habitant alimente un budget payé par l’ensemble des communes pour l’eau pluviale. Ce sont près de 670 collectivités (communes, syndicats intercommunaux et EPCI), la plupart dans le Nord, mais également une centaine dans l’Aisne et une centaine dans le Pas de Calais, qui sont regroupées dans le SIDEN-SIAN, concernant ainsi 750 000 habitants. Il s’agit essentiellement de communes rurales (beaucoup de bourgs centres, de petites communes). Elles peuvent, quelle que soit leur taille et la dispersion de leur habitat, disposer ainsi de capacités techniques et financières. Les villes ont le plus souvent une compagnie d’eau en délégataire (Veolia, Suez…). Parmi les exceptions, Saint-Amand des Eaux qui a adhéré il y a quelque temps (Alain Bocquet, maire de St Amand – 17 500 habitants), mais la ville est toujours en DSP ; le syndicat contrôle le délégataire. Ont été réalisés par le SIDEN-SIAN à St Amand : - une station d’épuration - la réfection du réseau d’assainissement La facture d’eau a baissé… En général, les communes ont très peu investi et un lissage est nécessaire pour venir au prix partagé. Organisation du SIDEN-SIAN Le comité syndical comprend 90 personnes environ, qui élisent le conseil d’administration. Les communes de + 5 000 habitants ont un délégué. Les délégués des petites communes sont élus au 2ème degré. Il est important à ce niveau d’avoir une répartition qui prenne en compte les représentations géographique et politique. Une AG par arrondissement se tient chaque année, avec tous les maires de l’arrondissement. Ce qui donne lieu à 7 ou 8 réunions annuellement. La programmation des travaux est annoncée en AG de maires, et remonte ensuite. Capacités du SIDEN-SIAN Ce sont 20 à 25 millions d’euros d’investissement en eau et en assainissement chaque année, près de 500 personnes réparties sur 8 centres d’exploitation. La production de l’eau potable comprend les étapes de prospection, d’extraction, de stockage, de contrôle et de traitement de l’eau. La distribution désigne l’acheminement de l’eau potable jusqu’au robinet, ainsi que l’extension et la maintenance des réseaux. Les ouvrages : 230 réservoirs, 212 captages.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 24
Actuellement, il est procédé à la mise en place d’une « colonne vertébrale » qui part du sud du Dunkerquois et descend sur 200 km jusqu’à l’Avesnois. Il s’agit par là de sécuriser le ravitaillement en interconnectant l’ensemble des champs captants. En ce qui concerne l’assainissement, Noréade a construit son propre réseau collectif de plus de 4 000 km et recueille à la fois les eaux usées domestiques et les eaux pluviales (près de 160 stations d’épuration, une trentaine de stations de lagunage). Le marché des micro-stations a été lancé par la régie. Une politique de protection des champs captants est menée avec l’aide de l’Agence de l’Eau et des différentes structures comme le Parc Naturel Régional de l’Avesnois. Quelle stratégie pour les boues ? Nous avons recours à l’épandage, pour lequel un accord a été passé avec la Chambre d’Agriculture. Les techniciens de Noréade sont à la pointe et peuvent concurrencer sans problème les grandes compagnies (par exemple, nous disposons d’hydrogéologues pour la recherche de nappes aquifères).
__________
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 25
8 mars 2010
Audition de Anne LE STRAT, présidente d’ « Eau de Paris » et de « Aqua Publica Europa »
L’eau est un bien public. Sa ressource doit donc être maîtrisée et préservée par une gestion solidaire et responsable. Repasser en régie municipale signifie se donner les moyens de contrôler la totalité de la chaîne de valeur pour garantir un meilleur suivi de sa gestion et de sa qualité en intégrant des problématiques de long terme, peu compatibles avec une logique de marché qui recherche des résultats de court terme. Cela signifie également un réinvestissement des gains dans le service et une gestion transparente et démocratique. Depuis le 1er mai 2009, l’eau de Paris est gérée par une régie municipale. Son objet : gérer le service public de l'eau à Paris, production, transport, distribution et facturation aux usagers et abonnés en assurant notamment les missions de protection des masses d’eau souterraine et de surveillance de la qualité de l’eau. « Eau de Paris » est un établissement public de la Ville de Paris, à caractère industriel et commercial. Ce sont 2,2 millions d’habitants qui sont concernés, plus de 3 millions de consommateurs quotidiens. Sur l’historique de l’eau à Paris Jusqu’en 1985, il existait un dispositif de gestion du service en régie directe sur les parties production, transport et distribution. La partie commercialisation était confiée à la Générale des Eaux, situation qui perdurait depuis 18634 . Pour de multiples raisons, essentiellement politiques, le maire de l’époque, Jacques Chirac, décide de déléguer la gestion au privé. La Compagnie des Eaux est déjà sur place ; il fait venir, sans avoir procédé à un appel d’offre préalable, la Société Parisienne des Eaux, intégrée au groupe Eau et Force, filiale du groupe Lyonnaise des Eaux, dont le PDG Jacques Monod est un proche politiquement. Au 1er janvier 1985, Paris se trouve ainsi coupée en 2 pour la distribution de l'eau potable et non potable : ‐ rive droite de la Seine, gestion déléguée à la Compagnie des Eaux de Paris (filiale de Vivendi, Veolia aujourd’hui) ‐ rive gauche, gestion déléguée à la Société Parisienne des Eaux (filiale de la Lyonnaise des Eaux, groupe Suez aujourd’hui).
4
cf. travaux de Eugène Belgrand sous le Second Empire, chargé par Haussmann de l’approvisionnement en eau de la ville de Paris en 1852 puis nommé directeur des eaux et égouts de Paris en 1867 Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 26
Les contrats passés par la Ville sont des contrats d’affermage pour une durée de 25 ans. La Ville met ainsi à disposition de la CGE et de la Lyonnaise le réseau d’alimentation en eau et le réseau des égouts, les travaux d’entretien ou de renouvellement étant à leur charge. Les deux délégataires ont également en charge l’entretien des réservoirs et des postes de chloration. Les postes de livraison en eau restent tenus par la régie municipale. La partie commerciale et la facturation sont administrées par un GIE (Groupe d’Intérêt Economique), la CEP, gérée essentiellement par la Générale des Eaux (elle possède déjà le fichier clients de par sa position antérieure). Une totale opacité règne. En 1987, une SEM est créée, la Société Anonyme de Gestion des Eaux de Paris (SAGEP), afin d'engager rapidement un programme de modernisation et de renforcement des moyens de production et de transport des eaux : les installations techniques et les usines de production d’eau de la ville de Paris sortent de la régie municipale. Le patrimoine reste la propriété de la Ville, mais son exploitation est cédée à la SAGEP dont la ville détient 70 % du capital, 4 SEM de la Ville 2 %, la Compagnie Générale des Eaux et la Lyonnaise des Eaux chacune 14 %. Les deux délégataires, en entrant dans le capital, avaient clairement comme objectif de racheter la SEM. Ainsi, actionnaires de la SAGEP, Veolia et Suez revendent l’eau aux délégataires Veolia et Suez ; de plus, la SAGEP s’est vu confier le mandat de contrôle des distributeurs –qui sont ses propres administrateurs privés… Par ailleurs, les contrats étant signés entre la Ville et les délégataires, la SEM pouvait faire remonter des rapports, signaler des insuffisances ou des manquements, les services de la Ville en faisaient ce qu’ils voulaient… Plusieurs rapports ont critiqué l’organisation du service, notamment celui de l’Inspection générale de la Ville de Paris en 2000 qui pointe l’absence d’état des lieux par la Ville et l’incapacité en conséquence de fixer des objectifs d’entretien et de travaux précis, l’impossibilité de tout contrôle, l’opacité quasi-totale dans la gestion et la facturation en ce qui concerne le GIE, etc. La situation parisienne illustre également totalement les travers dénoncés dans un autre rapport public, produit par la Cour des Comptes en 2003. Autre point à souligner : les ventes d’eau n’apparaissent que pour une part dans les recettes totales des distributeurs. En effet, ils ne reversent la part due sur les factures à certains organismes tels la Ville, la Sagep ou l’Agence de l’Eau Seine-Normandie, etc. qu’avec un décalage de plusieurs mois. Ce que confirme le rapport de la Cour des Comptes de 2003 qui signale que les très importants produits financiers générés par cette trésorerie indue n’apparaît même pas dans leurs comptes… La Ville ne s’était dotée d’aucun moyen de contrôle et n’avait pas de budget annexe (totalement illégal). Enfin, il est établi que le prix de l’eau à Paris a augmenté nettement plus fortement qu’ailleurs : un rapport de la DGCCRF établit qu’alors que la moyenne des augmentations de 1991 à 1997 était de 51,5 % dans les communes de plus de 100 000 habitants, elle était de plus de 90 % à
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 27
Paris. Et la facture d’eau a augmenté de 260 % entre 1985 et 2009. Ces augmentations ne sont que peu perçues chez les usagers, locataires et co-propriétaires, qui pour la plupart à Paris, ont leurs charges répercutées par les syndics d’immeubles au prorata des millièmes des copropriétés et non en fonction des consommations. En 2001, nouvelle donne. Élection de Bertrand Delanoë comme maire de Paris. Anne Le Strat est nommée PDG de la SAGEP. La partie de bras de fer est engagée par le maire et la Ville de Paris avec Veolia et Suez pour revenir à une gestion municipale. L’engagement politique très clair de Bertrand Delanoë s’est montré essentiel dans ce combat. Vers la remunicipalisation Bertrand Delanoë, opposé à cette situation d’affrontement direct, ne choisit pas la résiliation. Car la faute de contrôle et de maîtrise incombait à la ville, il s’agissait d’une défaillance de la collectivité qui n’était pas imputable au privé : ‐ les provisions étaient légales, ‐ le contrat avait été rédigé par les délégataires, et il n’y avait pas de faillite contractuelle sur leurs prestations. Que faire ? De quels moyens se doter ? Le constat est rapidement tiré que tout ce qui rapportait de l’argent allait au privé, tout ce qui concernait les gros investissements était à la charge de la SEM. Il faut noter une mobilisation très forte des équipes de la SEM afin de démontrer l’utilité de la structure SEM, l’intérêt de sa pérennité pour le service. Lors de la 1ère communication en 2001, 3 axes sont annoncés : ‐ la reconstitution d’un pôle de compétences eau au sein des services municipaux ‐ la création d’un budget annexe de l’eau ‐ la reprise du contrôle des délégataires Plusieurs audits sont commandés, notamment un audit demandé par le maire de Paris sur le GIE chargé de la facturation, rapport remis fin 2002 et rendu public fin 2003. Ce qui se concrétise en 2003 - lors de la renégociation prévue avec les délégataires, la Ville de Paris passe un avenant qui les oblige à moderniser leur réseau par : ‐ un effort d’investissement de 153 millions d’euros ‐ le remplacement par les deux entreprises de cinquante mille branchements en plomb d’ici 2009 (au lieu de 2013) Est également actée la sortie des deux distributeurs du capital de la SEM. Par ailleurs : ‐ le GIE de facturation commun à Vèolia et Suez est supprimé ‐ un budget annexe de l’eau est rétabli ‐ un compte prévisionnel d’exploitation est annexé au contrat ‐ un programme prévisionnel des travaux est annexé aux avenants. Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 28
Un regret exprimé par Anne Le Strat qui trouve insuffisante la somme de 153 millions d’euros : il ne s’agit que d’une partie des sommes ponctionnées de 1985 à 2003 sur les factures des abonnés parisiens qui ont généré des intérêts importants sur ces fonds placés (cf. abstention des Verts et des communistes lors du vote de la délibération). En 2005, nouvel élément dans cette guerre de l’eau en Ile-de-France : la Lyonnaise des Eaux et le SEDIF (Syndicat des eaux d’Ile de France qui regroupe 144 communes) sont condamnés pour leurs pratiques de non-respect de la concurrence et des règles du marché dans le secteur de l’eau potable en Ile-de-France. Décision qui met en relief les pratiques illicites du SEDIF afin d’empêcher la SAGEP de faire une offre à la société en charge du marché d’intérêt national de Rungis. En 2006, toute une batterie d’études est mise en place, les opposants minoritaires d’une gestion publique n’ayant pas désarmé : ‐ analyse comparative des différents modes d’organisation possibles pour la gestion du futur service ‐ enquête comparative nationale et internationale sur les aspects d’organisation et de fonctionnement des services d’eau ‐ étude sur les fins de délégations actuelles ‐ schéma directeur de l’eau potable 2010-2025 ‐ assistance pour l’accompagnement du processus de choix du futur mode de gestion ‐ etc. Des benchmarkings sont lancés avec la FNCCR et en Europe avec European Benchmarking Cooperation (EBC) à l’initiative de Vewin. L’observatoire municipal de l’eau est créé. La bataille n’est pas facile à mener car les services étaient favorables à la DSP. Le cahier des charges était fait par eux. Il a fallu organiser une contre-expertise menée au sein de la SEM avec des groupes de travail thématiques – ce qui a permis de faire une proposition au maire. Il s’agissait aussi de convaincre les personnes qui travaillaient à la SEM qu’elles devaient se "transformer" en régie. En 2007, une délibération de la Ville de Paris décide de sortir les deux distributeurs de la SEM ex SAGEP renommée Eau de Paris - et d’introduire la Caisse des Dépôts et Consignations qui a accepté, dans ce cadre, de racheter intégralement les 28 % d’actions des 2 groupes privés. Par ailleurs, le conseil d’administration d’Eau de Paris est ouvert au monde des usagers et associations acteurs de l’Eau. C’est ainsi que France Nature Environnement devient censeur en tant que personne qualifiée avec voix consultative. Une nouvelle étape est enclenchée : celle de rendre publique, sous contrôle municipal, l’exploitation du service de l’eau à Paris, de la production à la distribution. Une nouvelle gouvernance de l’eau dans une logique d’intérêt général et non pas de profit.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 29
La création d’un véritable service public de l’eau En novembre 2008, le Conseil de Paris vote la réforme du service public de l’eau. La création juridique de l’EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial) est effective en janvier 2009, et la SEM transfert ses activités à l’EPIC en mai. Le 1er janvier 2010 marque la conclusion du processus de création d’un opérateur unique du service public de l’eau à Paris avec la fin des contrats de Suez et Veolia Eau et la reprise des activités de distribution d’eau par Eau de Paris. Le retour à une gestion publique comportait de gros dossiers, notamment : 1. les fichiers informatiques de gestion clientèle 2. la reprise des compteurs et autres biens 3. l’intégration du personnel dédié 1- La grosse difficulté sur Paris a été d’avoir 3 opérateurs différents, avec des systèmes d’information incompatibles entre eux. Il était impossible de tout récupérer correctement en un an. Les systèmes Veolia et Suez sont exploités pour une durée temporaire avant la création par Eau de Paris de son propre système d’information. Un appel d’offre a été lancé pour constituer un système d’information propre à Eau de Paris opérationnel en 2012. 2- Les compteurs doivent faire l’objet d’un rachat, à un tarif relativement élevé mais contractuellement arrêté lors de la signature de la DSP. 3- Eau de Paris a repris 228 personnes, en contrat de droit privé, la structure de l’EPIC permettant d’avoir, avec une même convention collective, à la fois des agents de la Ville et des salariés relevant du droit privé. Il y a eu une déperdition d’une cinquantaine de personnes, avec une forte proportion dans le personnel d’encadrement. La question du personnel a été un problème important : quel contrôle des effectifs peut-on avoir ? La ville peut entrer dans la comptabilité générale si elle le veut. Un audit social a été fait en 2008 pour identifier les personnels (accords, statuts, effectifs…), mais il y avait une grande hétérogénéité des contrats et des statuts au sein des distributeurs. In fine, au 1er janvier 2010, on a : ‐ une régie à personnalité morale ‐ une structure d’environ 900 personnes sur les missions de production, transport, distribution et facturation ‐ un budget annexe, dont la présidente d’Eau de Paris est responsable en tant qu’adjointe ‐ un schéma directeur de l’eau potable 2010-2015 ‐ avec un engagement à stabiliser le prix de l’eau jusqu’à la fin de la mandature en euros courants
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 30
La question de la gouvernance Un contrat d’objectifs a été signé entre la Ville et la Régie, listant 10 grands objectifs et une batterie d’indicateurs de performance. Un rapport annuel d’activités est soumis au Conseil de Paris. Le conseil d’administration est ouvert à des représentants des usagers à travers des représentants associatifs (France Nature Environnement, l’UFC Que Choisir et l’Observatoire de l’Eau) qui ont voix consultative. L’Observatoire municipal de l’eau (commission extra-municipale) a été créé en 2006, ses attributions revues en 2008. Son objectif est d’accompagner la Ville dans la mise en œuvre de sa politique Il est composé de représentants des usagers (bailleurs sociaux, syndics, locataires, consommateurs), de représentants associatifs, d'élus et de partenaires du service public de l'eau. C’est un lieu d’information et de débat sur le service public de l’eau et de l’assainissement. Il est doté d’un Bureau et ses réunions sont ouvertes au public. Une démarche interne et participative « Eau de Paris demain » associe l’ensemble du personnel depuis 2006. Le prix à l’usager Ville de Paris : 2,2 millions d’habitants concernés, 3 millions de consommateurs quotidiens, pour 94 000 abonnés, c’est là une configuration toute particulière. Car il n’y a pas de contact direct avec l’usager. L’instauration d’une tarification sociale de l’eau est rendue impossible. Seule solution : l’abondement du FSL et des aides sociales à l’eau de la ville. Les coupures d’eau ne sont pas pratiquées. La question des squats a été résolue par l’instauration de conventions particulières qui leur autorisent l’approvisionnement en eau. Ce pour garantir un accès à l’eau en évitant la réouverture sauvage des réseaux et les dégradations possibles s’en suivant.
__________
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 31
7 avril 2010 Audition de Jacques TCHENG, La Régie des Eaux de Grenoble (REG)
Note préalable
L’eau de Grenoble est l’une des meilleures de France, surabondante, très pure, naturellement minéralisée, non chlorée. Et l’une des moins chères également (la 2ème). Elle est distribuée par la Régie des Eaux de Grenoble dont Jacques Tcheng est le directeur depuis sa création, en 2001. Ses compétences et son savoir-faire sont largement reconnus. L’eau est un sujet extrêmement sensible localement : épisode Dubedout qui avait créé le « syndicat des usagers de l’eau » et pris la municipalité - puis « affaire Carignon », procès de 1995-96 avec l’implication de la Lyonnaise des eaux sur l’attribution du marché de l'eau à Grenoble en 1989, le renflouement du groupe de presse Dauphiné News qui avait soutenu la campagne électorale d'Alain Carignon en 1989, les dépenses personnelles d'Alain Carignon assurées par la société Whip… L’une des batailles du 1er mandat de Michel Destot a été sur l’eau. C’est par étapes successives que l’on a abouti à la création de la REG. La Régie a en charge la gestion et la surveillance des périmètres de captages, la maintenance de l’outil de production et la distribution de l’eau. Une réserve naturelle régionale a été créée pour améliorer la protection des champs captants. 2 300 hectares au sud de Grenoble bénéficient d'un statut privilégié. Toute industrie utilisant des produits chimiques y est interdite, et dans un périmètre plus restreint rien ne peut être construit. Le cœur de ce dispositif : le site de Rochefort, 500 hectares, propriété intégrale de la municipalité. L’audition de Jacques Tcheng qui, sur le terrain, a été présent durant tout le combat de remunicipalisation de l’eau, s’imposait au groupe.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 32
Audition de Jacques TCHENG, Directeur de la Régie des Eaux de Grenoble Jacques Tcheng rappelle son parcours professionnel5 qui explique comment il a pu faire face à la complexité du dossier sur l'eau à Grenoble. A l'époque de l'affaire Rivier en 1990 qui touchait Alain Carignon (fausses factures du sud-est dans laquelle l'OPAC HLM de la ville de Grenoble était impliqué), Jacques Tcheng siégeait à l'époque à la CGLS (caisse de garantie du logement social, structure interministérielle qui étudie des plans de redressement pour des organismes ou décide de leur liquidation. Louis Besson, alors ministre de l'Équipement et du Logement, lui demande d'aller à Grenoble où il (Jacques Tcheng) est nommé directeur de l'OPAC HLM de la ville - la question se posant d'avoir sur place un garant et que les si problèmes trop importants) Il a donc ainsi travaillé avec Alain Carignon de 1990 à sa chute en 1995. En arrivant à la mairie de Grenoble, Michel Destot choisit de marquer une rupture nette avec le mandat de son prédécesseur et de changer les directions de toutes les structures satellites de la ville. Dans ce cadre de renouveau, il fait appel à Jacques Tcheng sur le dossier particulièrement délicat de l’eau sur lequel Raymond Avrillier avait été très actif au niveau associatif, avec le concours de M. Mas, décédé depuis. A l'origine de l’affaire Carignon, c’est le "droit d’entrée" : La Lyonnaise avait négocié en contrepartie de l'octroi du contrat de service de l'eau, une aide à la ville de Grenoble 300 millions de francs versés par tranche pour alimenter le budget général de la collectivité, évitant ainsi l’accroissement de l’endettement de la ville et donc le prélèvement d'impôt supplémentaire. En réalité, ce sont les frais annexes liés aux négociations qui ont pénalisé M. Carignon. Les arrêtés du jugement sont très clairs, et avant 1995, on peut rappeler que les « droits d’entrée » pour obtenir une DSP n’étaient pas encore interdits ». Jusqu’en 1989, il y avait un service municipal de l'eau et de l'assainissement. En novembre 1989, 2 contrats sont signés entre la ville de Grenoble et la COGESE, Compagnie Générale du Sud-Est, filiale à 50 % SDEI et 50 % SEREPI, elles-mêmes filiales à 100 % de la Lyonnaise - devenue Suez. Par assimilation on peut dire que c'était Lyonnaise-Suez qui était fermière à 100 %. Il est très instructif de regarder de près le rôle des filiales : les services d'eau travaillent souvent avec des entités dont la dépendance à un groupe n’apparaît pas toujours. En l’espèce la SOGECOM qui apparaît en tant que centrale d'achat, la SCM société financière et d’autres sociétés du BTP. Ainsi, les politiques d’achat menées par des acheteurs nationaux sont d’abord Issu du ministère de l'Équipement, Jacques Tcheng est commissaire du gouvernement jusqu'en 1990, et a acquis une expérience diversifiée dans les services de l'État, notamment au sein des services d'études techniques de l'Équipement où il a exercé à l'Inspection générale HLM ; puis a effectué un passage dans le privé, directeur administratif et financier d'un groupe de 4 sociétés privées, ce qui l'a amené à connaître la comptabilité privée de façon précise ; revenu au ministère de l'Équipement, il a été amené en qualité de chef de bureau des organismes constructeurs à rédiger une instruction comptable pour les sociétés anonymes d'HLM, ce qui lui a permis de renforcer ses connaissances de la comptabilité privée, avant de rejoindre le poste de directeur de l'OPAC HLM de la ville de Grenoble
5
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 33
guidées par les remises obtenues au détriment de la qualité et de la durabilité des produits. Cela pose une vraie question sur l’avenir de nos réseaux. Le comportement de ces agents économiques privilégie la politique industrielle du groupe financier auquel elles appartiennent plutôt que l’intérêt propre de leur co-contractant. Ainsi, à l’époque, le cash flow du service d’eau délégué s’élevait à 70 millions de francs alimentant en produits financiers les caisses du groupe. Devenu SAEML société d’économie mixte sous contrôle de la collectivité, le même cash flow a été ramené à 30 millions en l’espace de 4 mois, moyennant une gestion appropriée. Dans le même temps une ligne de trésorerie équivalente a été négociée avec une grande Banque dans des conditions beaucoup plus économiques divisant ainsi les frais financiers imputables aux usagers par un facteur quatre.... Nuances ou différences entre gestion publique et gestion privée ? Les capitaux privés placés en abondance dans les structures d'eau présentent des coefficients de rentabilité souvent supérieurs à 15 %. A cet égard, les contrats anciens, signés sur ces bases n'ont pas été renégociés lors de la crise financière malgré la baisse des taux qui a suivi. Les capitaux étaient placés en général dans une fourchette de 9 à 10 % ; auxquels il faut rajouter la rentabilité du contrat (environ 5 à 10% hors consolidation). Ces fonds combinés à des emprunts peuvent, avec un peu d'ingénierie financière, voir leur rentabilité augmenter de 50%. Il est clair que ces techniques ne sont pas enseignées dans les centres qui forment les agents des collectivités. Sur la durée complète d’un contrat, la rentabilité constatée est très importante et permet de dégager des marges de renégociation utilisables lors du renouvellement des contrats, de sorte que souvent les nouvelles conditions offertes peuvent s’afficher à des niveaux inférieurs à ceux pratiqués dans le cadre du contrat arrivé à échéance ! Les collectivités, autorités délégantes, organisatrices du service public, sont dotées de collaborateurs, agents de la fonction publique territoriale ou fonctionnaires d'État dont peu ont une expérience du privé. Or la comptabilité privée et la comptabilité publique présentent des fondamentaux très différents, tout autant dans l'état d'esprit que dans la lecture des documents financiers. Sur le fond le premier d’entre eux est que l’opérateur public fonctionne selon le principe de « l’équilibre budgétaire » donc sans marge, alors que l’opérateur privé a le devoir de dégager du résultat vis-à-vis de ses actionnaires. Sur la forme, les rapports financiers remis par les fermiers privés aux collectivités sont difficiles à décoder par des fonctionnaires non aguerris à l’analyse financière de la comptabilité privée. Il en est de même pour les liasses fiscales déposées auprès du tribunal, lorsque, et c’est rarement le cas le fermier a créé un société dédiée pour exploiter le service d’eau. Donc, en 1996 le Maire Michel Destot déclare le « retour du service public de l’eau sous contrôle municipal» Pour la COGESE, cette étape marque une fin et il est décidé de créer la Société des Eaux de Grenoble. Cet affichage public permet de dire : "je reprends le pouvoir, je municipalise le service public de l’eau"
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 34
Nommé en 1996 par Michel Destot, J. Tcheng a vécu toute cette période du retour en gestion publique, tant sur les aspects techniques, économiques et juridiques que, "les mains dans le cambouis", sur le terrain. La structure a été réorganisée pour la remonter dans une autre configuration plus adaptée au service public. Comment négocier un contrat passé depuis quelques temps déjà entre un fermier et une grande ville comme Grenoble ? C’est d’autant plus délicat que ces contrats ont été conçus et construits par des équipes d’experts de qualité indéniable tant dans les domaines économique, et juridique que technique, voire relationnel. Il est souvent difficile pour une collectivité qui organise une DSP tous les 10 à 20 ans d’être aussi affutée qu’un fermier candidat qui répond à plusieurs contrats par an ! La Lyonnaise d'accord pour vendre 51 % du capital de la COGESE : Ainsi la ville deviendra actionnaire principal et le service redeviendra public : il s'agit de passer ainsi d'une SA à une société d'économie mixte. Michel Destot pour la ville de Grenoble apporte un immeuble représentant 51 % des parts du nouveau capital de la SAEML, dans lequel il est décidé d'installer le service des eaux. D’autres scénarios que la renégociation conventionnelle ont été envisagés telle que la rupture unilatérale du contrat. Pourquoi cette solution n'a-t-elle pas été choisie ? A cause du montant exorbitant de la clause d'indemnisation (près de 390 millions de francs). Casser un tel contrat signifiait 390 millions d’indemnisation ou, dans le meilleur des cas, selon l’appréciation du juge peut-être la moitié seulement…soit 200 millions de francs ! Le fermier pouvait en effet, à juste raison, défendre la thèse de l’enrichissement sans cause puisqu’il avait déjà versé à la collectivité près de 200 millions de francs. La collectivité, en qualité de puissance publique, aurait pu mettre fin au contrat usant du « fait du prince », mais même dans ce cas, le juge aurait demandé une indemnité qui pouvait être de l’ordre de 130 à 150 millions de francs. C’est dans ce contexte complexe que le Maire a choisi la voie la plus raisonnable, celle de la négociation. En contrepartie de son accord pour que la ville entre au capital avec l’apport d’un immeuble représentant 51 % du capital de la SEG (nouvelle appellation de la COGESE transformée en SAEML société anonyme d’économie mixte locale), le fermier négocie un pacte d'actionnaires au terme duquel il revendique 49 % d'actions à dividende préciputaire, ce qui signifie l’octroi de dividendes majorés (80% au lieu de 49% ) jusqu’au seuil de 45 millions de francs au delà duquel le régime de droit commun (51%- 49%) sera rétabli. En deuxième point, le fermier crée une nouvelle structure, la Société Grenobloise d'Eau et d'Assainissement (SGEA), à capitaux 100 % Lyonnaise, à laquelle la nouvelle société des eaux de Grenoble sous-traite 100 % des travaux de renouvellement et confie la gestion des abonnés ce qui lui assure environ 45 millions de francs de chiffre d'affaires annuel. Un des articles du contrat de sous-traitance passé entre les 2 structures privées prévoit en cas de dénonciation de celui-ci, pour quelque cause que ce soit, une indemnité à régler au sous traitant de l’ordre de 45 millions de francs. L’existence même de ce contrat et des accords sus mentionnés induisent des contraintes fortes de gestion pour réussir la stratégie lancée de retour du service de l’eau sous maîtrise municipale.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 35
La question sensible du personnel a été prégnante durant toute cette période. En effet à l’origine près de 120 personnes travaillaient dans la COGESE. Puis lors de la création des 2 sociétés, le personnel a eu le choix de rejoindre en fonction et dans la limite de son métier l’un ou l’autre employeur : la S.E.G. (structure mixte publique privée) ou la SGEA, structure totalement privée portée par le fermier. La quasi-totalité (95%) des collaborateurs ont choisi de rejoindre la SGEA, sous traitant de la SEG. Cela signifiait-il que la S.E.G. était une coquille vide ?…Non, c’était une étape indispensable. En effet, tous les flux financiers transitaient par la SEG. Cette « coquille » était détentrice du contrat de sous-traitance avec la SGEA. Cela lui a permis d'effectuer des contrôles pointus sur les factures à régler, de suivre et influer sur tous les flux financiers. Avec le recul, on peut dire que cette phase transitoire a permis, sur différents registres, de trouver une transition nécessaire avec le fermier, alors qu’une rupture brutale et non préparée aurait pu être préjudiciable à la bonne continuité de la qualité du service. Un temps de « murissement » était indispensable pour le personnel vu la diversité des situations individuelles. Notamment les coexistences d’un double statut juridique (60 % de fonctionnaires, 40% de privés) mais également d’une double culture (publique d’un côté, et fermière d’autre part) ont créé des incertitudes sur les emplois et l’avenir et nécessite des explications pédagogiques. Vers la fusion des deux structures Fin 1999, le fermier accepte la fusion des 2 structures, évitant de ce fait les 45 millions d'indemnités de rupture. Cela permet de retrouver une cohérence fonctionnelle dans une structure unique qui réunit désormais tous les salariés sous une seule main, privés et publics. Durant toutes les phases de ce montage, la permanence des équipes techniques est essentielle pour préserver le service vis-à-vis des abonnés, car c’est bien sur le terrain que se mesure la réussite ou non d’un tel retour à l’opérateur public. Il est souhaitable que les personnes clés restent à leur poste, et ce point a pesé dans le choix du statut juridique retenu pour la nouvelle structure. Vers la création de la Régie des eaux de Grenoble Par ailleurs, M. Raymond Avrillier a engagé un recours contre le contrat passé entre la S.E.G. et la SGEA, au motif que ce contrat de sous-traitance était une délégation de service public déguisée. Sur ce point, en 1ère instance, les tribunaux ont effectivement estimé qu'il y aurait dû y avoir mise en concurrence conformément à la loi Sapin et demandé que les conséquences en soient tirées. Ce jugement a compliqué la relation avec les abonnés. Leur méfiance attisée par l'affaire Carignon, ils refusaient de payer leurs factures d'eau, demandant à "payer le juste prix de l'eau" et consignant l'argent à la CARPA. Le Maire Michel Destot fait alors appel au Président du TGI pour qu’il nomme des experts judiciaires et statue sur le « juste prix » de l'eau sur la période de 1990 à 1999. Il s’avérera que, le
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 36
contrat ayant été renégocié durant sa première moitié de vie, le prix de l’eau n’avait pas encore permis de récupérer la totalité des sommes avancées par le fermier. Les experts ont conclu au fait que le juste prix sur la période considérée aurait dû être supérieur de 0,20 F au prix payé par les abonnés. Ce résultat est logique puisque la rentabilité du contrat était assurée sur la durée complète et donc principalement sur la seule deuxième moitié de la période d’exécution du contrat (2002 à 2014). Au sein de la nouvelle majorité municipale plurielle, certaine tendance dénonçait le fait que le corrompu avait été condamné mais que le corrupteur Lyonnaise ne l’avait pas été et n’acceptait pas le principe de continuer à travailler avec elle. Une nouvelle structure juridique excluant la Lyonnaise est alors recherchée. Quelles alternatives ? Soit on confie le service d'eau et d'assainissement à la nouvelle structure, la Société des Eaux de Grenoble dont la ville est actionnaire à 67,05 % et la Lyonnaise encore à 32,95 %, mais le corrupteur apparaît toujours. De plus, il devait être procédé en même temps à une mise en concurrence, comme demandé par le tribunal. Cela signifiait que si le marché avait été donné à la S.E.G., les risques de recours pour délit de favoritisme étaient patents. Soit décider une gestion directe en régie. Ensuite, le choix se posait entre une régie à personnalité morale ou à seule autonomie financière. Pour faciliter la gestion du personnel, le choix s’est porté sur une régie à personnalité morale qui permettait de maintenir la prime de détachement des fonctionnaires et également, (étant de régime de droit privé), de garder plus aisément le personnel de la Lyonnaise avec des rémunérations équivalentes. Bien qu’au niveau réglementaire, l'article L1214.1 prévoie que le personnel suit le contrat et n'a donc pas d'inquiétude à avoir sur la pérennité de son emploi, la période de négociation fut évidemment très délicate…En effet la pratique courante des employeurs est de dénoncer l’accord d’entreprise ; ils disposent alors d’un an pour en négocier un nouveau, ce qui a été fait. Dans les grands groupes (Veolia, Suez etc.) le personnel est rattaché à une convention collective de branche qui facilite les migrations. Dans le cas d’une remunicipalisation, la coexistence de 2 statuts (privé et FPT) rend l’harmonisation des métiers et des conditions salariales plus complexes. A partir de 1999, en même temps que l'on procédait à une fusion absorption de la SGEA par la SEG, la nouvelle entité devenait structure d’hébergement du personnel. Mais il fallait solder les dernières factures et les impayés clients, ce qui explique la durée de la transmission. Dès 2001 la branche économique eau de la SEG a rejoint la REG, Régie des Eaux de Grenoble et la branche économique assainissement a été délestée vers la communauté d'agglomération qui en avait pris la compétence. La convention de fin de gestion passée entre la ville et la S.E.G. est transférée au nouvel opérateur (100% public) la REG. La SEG se vide de son personnel et reste simplement propriétaire de l'immeuble qui héberge la nouvelle régie de l'eau.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 37
La rupture des contrats liant la SEG à la Ville, entérinée par la convention de fin de gestion pré citée s’est réalisée moyennant une indemnité transactionnelle ramenant la situation nette de la SEG à zéro. En effet, la S.E.G. avait inscrit à son passif le fameux « droit d'entrée »versé à la Ville en 1989, en contrepartie du contrat. Cela correspondait à une avance sur des recettes futures générées par les contrats et chaque année une partie de ce droit était amortie par les factures des usagers. Il restait 87 millions de francs de passif que la Ville, autorité concédante, a remboursé à la SEG. Mais la Ville, devenue entre temps actionnaire majoritaire, détenait 2/3 du capital. Ainsi la Ville a pu équilibrer son opération grâce au droit d’entrée encaissé et aux bénéfices distribués. La régie est créée en mai 2000. Physiquement, le transfert des activités et du personnel a eu lieu en janvier 2001 tout comme la nomination de Jacques Tcheng à la direction du nouvel établissement public. L’équilibre d’un contrat de DSP se fait sur la durée… les bénéfices aussi ! C’est sur la base de ce principe connu que le maire de Grenoble a pu demander, sans prendre de risque sur les conclusions qu’ils apporteraient, la nomination d’experts judiciaires pour statuer sur le juste prix de l’eau … Dans toutes les DSP, l’amortissement des investissements est pratiqué par les fermiers sur la durée totale du contrat – or le plus couramment seules les 5 premières années d’exploitation sont simulées et examinées avec sérieux. Les années suivantes sont forcément entachées d’incertitudes. En fait les collectivités devraient non seulement raisonner sur toute la durée du contrat, lorsqu'elles négocient un contrat mais surtout exercer un suivi serré de l’exécution et de la réalisation des simulations initiales. En effet, au fil des années les conditions économiques changent et les dérives faibles prennent vite des proportions importantes grâce aux effets de cumul et de levier. C’est bien ce mouvement d’optimisation permanent exercé année après année que le fermier, doué d’un professionnalisme certain, va mettre en œuvre, au fil d’avenants judicieux ou de transfert de charges, pour gagner quelques points de marge. Aujourd'hui, on constate qu'un certain nombre de villes renégocient leur contrat apparemment fort avantageusement (Bordeaux, Lyon, Région Ile de France…).Cela confirme que la durée représente pour ces contrats une opportunité de « marger fortement ». En tenant compte de l'inflation et des conditions économiques initiales les contrats rémunèrent couramment les capitaux privés à 9 ou 10 %... On peut constater aujourd’hui que les simulations initiales reposent sur des formules d'actualisation, à une époque où les taux et l'inflation étaient élevés, avec des indices à progression forte et des paramètres-cliquets qui permettent de protéger les rémunérations des baisses de consommation, des fluctuations des marchés financiers. Aujourd'hui, la crise financière et la chute des taux n’ont pas conduit à une révision massive de la quasi-totalité des DSP. Comment améliorer la réglementation actuelle pour aider les collectivités à suivre l’économie des contrats de DSP sur toute leur durée avec des clauses de revoyure périodique par exemple ? Comment faciliter la lecture et le dépouillement de pièces comptables agrégées, de frais généraux ou de siège en l’absence de comptabilité analytique accessible ? La loi sur l'eau impose Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 38
désormais la fourniture d’un prévisionnel et d’un plan pluriannuel d’investissement, est ce suffisant?. Les outils manquent pour accroître la transparence de la gestion des fermiers et pour faciliter la lecture des mouvements financiers. La sous-traitance en cascade, le rôle des filiales, des sociétés sœurs…ou des procédures techniques « systèmes propriétaires » rendent les collectivités malvoyantes et dépendantes sans possibilité de mise en concurrence réelle. Le coût de l'eau à Grenoble En général, l'équilibre du contrat est assuré pour dégager une rentabilité forte quant on arrive à son terme. Cela correspond d’ailleurs à 2 objectifs constants : limiter la « notion de risque et péril » du fermier et préserver les actionnaires de l’entreprise dont les capitaux privés sont nécessaires à son existence même. La durée du contrat permet d’identifier des gisements de profits par une connaissance approfondie de l’outil de distribution. Cette connaissance est aussi mise à profit par le fermier pour réaliser des économies invisibles par rapport à des engagements initiaux soit en les différant soit, pire en ne les réalisant pas. Le challenge du fermier est la satisfaction du « client » adossé à une montée en puissance constante de ses recettes propres. L’objectif pour lui est d’atteindre au plus tôt le « point mort » du contrat, c'est-à-dire l’instant où tous les capitaux ayant financé les investissements initiaux ont été récupérés et amortis. A Grenoble le contrat signé en 89, d’une durée 25 ans, avait un point mort théorique proche de 2001 : Le contrat dénoncé en 1998, ne semblait pas avoir atteint son équilibre économique. En effet, la chambre régionale des comptes et ultérieurement les experts judiciaires nommés par le Président du Tribunal de Grande instance ont constaté que le prix de l'eau pratiqué était encore 20 centimes au-dessous de ce qu'il aurait dû être par rapport à l'argent investi par le fermier. C’est ainsi que les abonnés qui avaient bloqué leurs paiements ont été conduits à régulariser rapidement leur situation au risque de voir leur facture majorée d’autant.
Point sur les aspects juridiques, économiques et comptables Contractuellement, il est important de définir le périmètre d’exploitation et les biens rattachés à la DSP selon leur nature: ‐ « Les biens propres » : l'exploitant est propriétaire de certains outils, de certains matériels qu'il utilise dans le cadre de l'exploitation du service d'eau. La plupart du temps, ces biens ont été amortis dans le cadre du contrat donc finalement payés par les abonnés, mais en fin de parcours, ces matériels ne restent pas à la collectivité. ‐ « Les biens de retour » : traditionnellement, canalisations, équipements de production et ouvrages hydrauliques, confiés à l'opérateur reviennent à la collectivité à titre gratuit à la fin du contrat. ‐ « Les biens de reprise » sont les équipements confiés en gestion à l’opérateur, rénovés ou achetés dans le cadre du contrat (installation de compteurs, renouvellement des branchements ou canalisation…). Amortis dans le cadre du contrat ces biens payés par les usagers, sont souvent repris par la collectivité soit à leur valeur nette comptable (résiduelle) soit à leur valeur d’usage ou à dire d'expert (équivalent d'une valeur argus), cela pose question?
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 39
Le constat de ces pratiques révèle combien chaque détail est constitutif d’enjeux financiers non négligeables. Dans un contrat de DSP les mots utilisés ont leur importance et doivent être précisés au départ dès son élaboration. C’est ainsi que les compteurs sont en général payés au moins 2 fois, la première par les abonnés parce qu’ils les louent, une deuxième fois parce qu’il arrive que, achetés, ils soient amortis dans les dépenses prévues du contrat, et une troisième fois quand ils sont rachetés par la collectivité au terme du contrat, car considérés comme biens de reprise ! Les opérateurs publics et privés évoluent dans des environnements différents Parmi les plus notables soulignons que le gestionnaire public est soumis au code des marchés publics. La mise en concurrence obligatoire, lorsqu'il a recours à des entreprises pour des travaux, pour s’assurer d’obtenir l’offre du mieux disant. Une telle exigence ne pèse pas à l’opérateur privé qui par facilité peut faire appel sans mise en concurrence et par le jeu de la sous-traitance en cascade (déjà évoquées) à des sociétés appartenant au même groupe que le sien sans négocier les prix. Ces dernières peuvent aussi utiliser des matériels plus économiques ou qui leur procurent plus de marge dans le cadre d’accord de groupe ou de convention d’omnium financier. L’opérateur public a l’obligation de voter les budgets en équilibre. Cela conduit dès la première année, à amortir les dépenses de l'exercice en les divisant par les consommations de l'année pour en tirer le prix de revient réel de l'eau. En gestion privée, il est possible de pratiquer un prix au m3 apparent inférieur, la première année, puisque l'on peut lisser pertes et bénéfices sur toute la durée du contrat. La récupération se fait par des formules d'actualisation du prix de l’eau qui garantissent pour l’opérateur le niveau des recettes futures sur des durées longues. Autre paramètre : le principe de transparence et l’influence des instructions comptables applicables. En comptabilité publique, chaque service d’eau regroupe l’ensemble de ses dépenses dans un compte administratif unique, le cas échéant il peut même exister des souscomptes ou un détail par opération. Cette contrainte n’existe pas pour l’opérateur privé qui gère plusieurs contrats et agglomère les résultats dans une comptabilité unique qui ne détaille ni les clés de répartition entre contrats ni ses dépenses internes de frais de siège ou frais généraux…Elles sont même susceptibles d’être assimilées à des secrets industriels. Selon les comptabilités appliquées, les dotations et amortissements sont traitées différemment. La notion de dotation aux provisions dans le privé n’existe pas dans le public. Chez ces derniers, les investissements s’amortissent de manière linéaire sur des durées longues. La comptabilité privée pratique à l’inverse sur des durées courtes et en mode dégressif à un rythme rapide pour des raisons économiques et fiscales. Cela permet d’afficher, en début de DSP, des pertes qui génèrent un avoir fiscal. Grâce à celui-ci qui est consolidé au niveau de la holding, les dividendes sont distribués sans supporter l’impôt. De même sur la durée, le contrat supporte outre l’amortissement financier des capitaux privés également des amortissements dits de caducité sur les investissements. Le prix de l’eau supporte Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 40
ces charges qui n’existent pas en comptabilité publique. Mécaniquement les premières années, le rapport du délégataire présenté au maire apparaît déficitaire alors que dans la durée il est largement positif. Cela présente l’effet pervers de conforter la collectivité dans l’idée qu’elle a bien négocié sa DSP…Les exemples récents de Lyon ou Bordeaux ainsi que de nombreux autres démontrent que l’expérience et l’expertise permettent de tirer des profits élevés. La chance de Grenoble réside dans le fait que le Maire a exigé que le service d’eau soit assuré par une société dédiée la COGESE qui devait déposer ses comptes au greffe du tribunal. Cela a facilité des rapprochements année par année entre les comptes présentés au Maire au titre du contrat d’affermage et les comptes sociaux déposés au greffe du tribunal. Le contrat était bien sûr déficitaire au début, la 1ère année - 20 millions, la 2ème - 15 millions, … etc. La COGESE a ainsi apparemment perdu 36 millions de francs entre 89 et 96 puisqu’elle a opéré une augmentation de capital de 9 millions de F., ses apports s’élevant alors à environ 45 millions de F, en fait un peu moins grâce aux coûts récupérés par des filiales. Après fusion entre structures, le résultat du contrat de gestion s’est amélioré quasi instantanément, moyennant quelques arbitrages de gestion : la COGESE ne perdait plus que -1 ou– 2 les premières années puis atteignit rapidement l’équilibre les années suivantes. En fait le « raccordement » entre le rendu contractuel au Maire et les comptes sociaux ont permis de reconstituer une colonne « invisible » de prestations dites « hors contrat », les équipes travaillant alors pour d’autres clients qui permettent de rentabiliser le 1er contrat qui apparaît déficitaire. Et pour cause toutes les charges lui sont affectées ! . Réversibilité juridique et dépendance technique… Si la réversibilité des modes de gestion publique / privée apparaît « facile »…Il en va tout autrement sur le plan technique. En effet, interrompre juridiquement un contrat est aisé. Assurer la continuité du service est plus délicat et nécessite une forte anticipation et une organisation sans faille surtout au niveau de la facturation des abonnés ! Par exemple, pour le contrat de Grenoble interrompu en 2000, les abonnés ont payé leur consommation jusqu’en décembre 2000 à l’opérateur privé, et à partir de janvier 2001 la charge de la facture des consommations relève de l’opérateur public. Mais en pratique, les consommations de janvier à juin 2001 seront facturées aux abonnés seulement à partir de juillet 2001 tandis que sur cette période-là, ce sont les anciennes factures de l’opérateur privé qu’il faut recouvrer. Ainsi l’opérateur privé est obligé de continuer à suivre ou de passer un accord avec le nouvel opérateur ou à défaut de se coordonner avec lui. A Grenoble, les créances ont été titrisées, c'est-à-dire, rachetées à l’opérateur privé avec un rabais qui tient compte de l’espérance de recouvrement en fonction de l’ancienneté et du montant de la dette, mais également en tenant compte des impayés définitifs : liquidations de commerces, d’entreprises, familles en surendettement ou pour lesquelles des plans d’apurement et échéanciers ont été passés sur 2 ans, voire 3 ou 5 ans, et qui donc, au lieu de se terminer en 2001, vont se terminer en 2006 voir au-delà s’il y a des recours. Et la famille en difficulté va devoir avoir à faire un jour à un huissier privé et le lendemain à celui du trésor public. Tout cela doit être géré dans la cohérence vis-à-vis des abonnés en général et de l’usager en difficulté en particulier.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 41
Il y a donc une dépendance administrative évidente liée au changement de statut des opérateurs. Mais la dépendance technique est plus pernicieuse, moins flagrante, et plus gênante pour organiser les mises en concurrence. La réversibilité technique recouvre principalement l’informatique, les systèmes de relève de compteurs. L’exemple de Grenoble Le logiciel informatique utilisé jusqu’alors était un logiciel dédié de la Lyonnaise, assez complexe. Nous avons pu procéder assez rapidement à un appel d’offre, mais pas immédiatement. Cet appel d’offres a porté ses fruits. Remporté par une filiale de Suez-Veolia (50/50) cela a permis d’économiser environ 30 % sur la prestation antérieure, et d’être rassuré sur la reprise de l’historique qui peut être plus ou moins laborieuse et retarder le processus technique de transfert d’exploitation sur un nouveau système. Ces programmes qui doivent pouvoir traiter des dizaines de milliers d’abonnés (plus de 50 000 à Grenoble) classée en catégorie d’usagers associée chacune à un tarif spécifique. Les logiciels traitant les index à partir de portables de saisie répondent à des logiques constructeurs et concepteur logiciel de facturation associé qui lie les techniciens sur des périodes longues. C’est un poste de dépenses important de la sous-traitance qui lui-même représente une part significative des dépenses d’exploitation. Télégestion des alarmes, radio ou télé relève, système de transmission avec cible et logiciels « attachés »…sont des systèmes dits « propriétaires ». En effet ces chaînes techniques d’équipements matériels et logiciels ne sont pas interchangeables par portion, car chaque constructeur, fournisseur et concepteur travaille selon ses propres normes. La télé relève est très prisée car elle permet pour l’opérateur des économies de personnel mais elle rend la collectivité prisonnière d’une technologie. Ainsi l’apparente réversibilité juridique est contrainte par la dépendance technique. Les services d’eau et d’assainissement comparables à des icebergs ? L’action quotidienne de l’opérateur en constitue la partie émergée visible du public et que l’on retrouve dans le prix de l’eau. L’UFC Que choisir et les médias dénoncent régulièrement le prix de l’eau et sa cherté. Mais la partie immergée est la plus lourde pour l’avenir des collectivités et des générations futures car souvent peu connue et mal surveillée. C’est l’entretien du patrimoine (tuyaux, réservoirs, équipements hydrauliques, compteurs) L’état du patrimoine hydraulique communal est le fruit du prix de l’eau et du travail de l’opérateur. Le montant de l’actif diminué de celui du passif figurant au compte de gestion du comptable public a une valeur, celle de l’outil de production, révélatrice de la richesse détenue par la commune. Cette donnée existe dans d’autres domaines comme celui des transports, des ordures ménagères…et du monde industriel. Après les 2 dernières guerres mondiales, la France s’est reconstruite dans les années 50. Les équipements hydrauliques, tuyaux et branchements datent majoritairement de cette époque. Or de tels réseaux ont une durée de vie physique d’environ 80 ans, soit jusque dans les années 2030. Cette date marque pour ces équipements, à de rares exceptions près une approche de fin de vie. Pour maintenir ce réseau avec le même niveau de performance qu’en 1950, il aurait fallu qu'on l'ait entretenu tous les ans à hauteur d’1/80ème de sa valeur en Euros courants par an. Or cet actif patrimonial « enterré » et invisible échappe à la vigilance générale. Les fuites ou les casses ne
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 42
sont que des « symptômes » de leur fragilité et vétusté croissante. Rares sont les collectivités qui connaissent l’état physique réel et la valeur économique de leur réseau de distribution. Est ce qu’une épargne de précaution a été constituée pour renouveler l’outil de production / distribution ? Certes les comptes administratifs enregistrent une valeur de cet actif communal, mais quel crédit lui accorder ? Est-ce que la collectivité amortit tous les ans ses installations de manière à constituer des provisions financières ?– Le comptable public se préoccupe-t-il d’affecter des montants de dotation aux amortissements qui correspondent à la réalité économique de leur remplacement ? Quelles sommes la collectivité affecte-t-elle à l’entretien courant et aux grosses réparations ? L’autofinancement constitué à ce jour existe-t-il et sera-t-il suffisant pour faire face aux travaux du réseau de distribution sans devoir recourir massivement à l’emprunt en cas de casses multiples ? Cet enjeu majeur de service public est encore plus gravement dissimulé en cas de DSP car alors, le fermier assurant le renouvellement du patrimoine pour le compte de la collectivité, celle-ci ignore l’état réel de son outil de production distribution. Le plus souvent en fin de contrat elle hérite d’un réseau dont elle ne maîtrise pas le tracé, l’âge des conduite, ni les matériaux qui les composent. A Grenoble, on a la chance de disposer aujourd’hui des plans des réseaux et des paramètres essentiels qui les composent ce qui permet une gestion plus fine. Cette connaissance a été facilitée du fait que 50 % de son patrimoine date des années 70 (année des jeux olympiques), et donc on sait que dans les années 2050 la courbe de vieillissement des canalisations présente une « bosse » et des provisions sont à constituer en conséquence. Consommation et qualité de l’eau Aujourd’hui, nous sommes dans une logique écologique vertueuse de consommation. Mais le fait de consommer de moins en moins d’eau pose problème au gestionnaire : ‐ par la fragilisation mécanique de l’équilibre des dépenses par le prix de l’eau ; ‐ par l’augmentation du risque sanitaire lié aux temps de séjour de l’eau dans les canalisations et la question du redimensionnement de certaines conduites. ‐ La concentration des effluents à traiter augmente, et devient aussi un élément à prendre en considération ‐ Par contre, les besoins en accès physiques, au développement urbain près, demeurent stables. Malgré la forte attention portée par les associations au prix de l’eau en France, son accès n’est pas régulé, le prix de l’eau est libre et relève du secteur marchand, D’autres secteurs comme le logement, le travail, les carburants et les énergies sont régulés ... Pour l’eau qui est une ressource vitale pour la vie des hommes, ce n’est pas le cas. Chaque collectivité se débrouille. L’article 1 de la loi sur l’eau du 30 décembre 2006 spécifie en effet « l'usage de l'eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous » En France plus de 70 % des services de l’eau sont privatisés (alors que même aux Etats-Unis, ce secteur est public à de rares exceptions près). Ce constat se passe de commentaires. Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 43
La spécificité française est que chaque collectivité ou syndicat d’eau est maître d’ouvrage sur son territoire et peut organiser son réseau de distribution d’eau ainsi que d’adduction comme il l’entend sans se référer à une logique de fonctionnement globale à l’échelle d’un bassin versant. Cela conduit parfois à des doublons dans les investissements et des coûts de fonctionnement inutiles alors que des économies d’échelle auraient pu être mis en place dans l’intérêt des usagers. Dans un esprit de rationalisation, la REG a ainsi demandé au Président du syndicat mixte du schéma directeur d’étudier l’adjonction d’un volet « eau » au schéma directeur sur le bassin d’agglomération Grenobloise . Du côté des opérateurs privés, 3 grandes entreprises spécialisées dans l’eau mènent des actions de recherche scientifique et de représentation communes alors que, côté public, plus de 36 000 services de l’eau fonctionnent de manière indépendante. Chacun, maître sur son territoire s’organise selon les exigences qui ressortent moins de cohérence fonctionnelle globale et hydraulique que de logiques territoriales politiques locales. Il parait aujourd’hui important de faire évoluer le comportement des autorités délégantes selon des modes de management répondant aux logiques de fonctionnement technique des bassins versants, de les inciter à mutualiser leurs moyens pour faire des économies d’échelle, de n’investir qu’après avoir optimisé la gestion et les installations existantes en gardant prioritaires les objectifs de préservation de l’environnement et de l’économie sociale. Le désarroi de nombreuses collectivités… En termes de moyens, il y a également un grand désarroi des petites collectivités qui ne bénéficient plus d’une ingénierie publique gratuite et disponible. Cette question a fait l’objet d’une question adressée à notre ministre Christine Lagarde afin que la MAPPP (mission d’appui aux partenariats publics privés) du ministère de l’Economie propose des solutions alternatives qui n’omettent pas le rôle des opérateurs publics au bénéfice des seuls opérateurs privés. Le courrier fait l’objet d’une réponse d’attente. Dans le même esprit les réformes actuelles qui réduisent le rôle des services techniques décentralisés de l’Etat en fusionnant les effectifs des DDE et DDAF affaiblissent l’ingénierie publique au bénéfice de la seule ingénierie privée. Or cette dernière est coûteuse et souvent inaccessible aux petites collectivités ce qui signifie que le service public n’est plus rendu. Les finalités de l’ingénierie publique relèvent du service et de l’accompagnement sans lier la prestation rendue à un coût économique direct tandis que celles de l’ingénierie privée relèvent des nécessités économiques et du marché avec des exigences d’entreprises dont les études doivent d’abord « satisfaire le client ». Dans ce contexte, la proposition d’une structure d’accueil des acteurs publics de l’eau (notamment au niveau des grandes régies et collectivités en France) aurait du sens, pour partager les savoirs faire, tester les techniques, mutualiser les moyens en bénéficiant de réelles économies d’échelles. Une structure spécifique ou connexe à la FNCCR mettant à disposition un pôle d’expertise et conseils à la disposition des collectivités comblerait un besoin réel. Le positionnement d’une telle structure est délicat pour que son fonctionnement soit reconnu comme « autorité technique » indépendante sans être une véritable institution …
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 44
Une réflexion sur des dispositions à toiletter, aussi bien par rapport aux opérateurs privés que publics. Au-delà de ces questions de fond, une action de toilettage de certains textes est à mener, dans une double perspective : lever certaines contraintes de gestion propres aux opérateurs publics (placement de leur trésorerie, etc.) et corriger certaines anomalies ou incohérences réglementaires mineures (la loi Oudin applicable aux collectivités, pas aux régies./ l’harmonisation des régimes indemnitaires des présidents d’EPCI et de Régies / un outil juridique permettant la gestion « in house »). Il est indispensable que les collectivités disposent d’un Centre Technique National de l’Eau qui les représente. Le regroupement des majors (SUEZ, VEOLIA, SAUR) au sein de la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau, est exemplaire. La FPEE héberge des experts présents dans toutes les instances « qui comptent » au niveau mondial, européen, national, régional, départemental, local ainsi que dans des associations scientifiques de haut niveau et autres structures significatives. Les Collectivités pourraient utilement s’inspirer de ce modèle pour créer un centre technique national de l’eau doté d’experts pour expliquer les enjeux et difficultés des opérateurs publics : ‐ la gouvernance publique ‐ la notion de patrimoine public ‐ le concept d’économie sociale et durable ‐ le service public et l’intérêt général Les collectivités pourraient aussi proposer que l’eau ne soit plus un produit commercial. A contrario, ses qualités indispensables à l’hygiène et à la vie de l’homme (boisson et nourriture) actuelle et future incitent à réguler le secteur de l’eau ou à défaut, à le contrôler tant dans son fonctionnement que dans son accessibilité à tous par un prix harmonisé. Une telle orientation permettrait de tirer toutes les conséquences de l’article 1er de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques Loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 - art. 1 JORF 31 décembre 2006 : L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général. Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l'usage de l'eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous. Les coûts liés à l'utilisation de l'eau, y compris les coûts pour l'environnement et les ressources elles-mêmes, sont supportés par les utilisateurs en tenant compte des conséquences sociales, environnementales et économiques ainsi que des conditions géographiques et climatiques. __________
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 45
10 mai 2010
Audition de Pascal POPELIN, vice-président du Syndicat des eaux d’Ile-de-France et président des Grands lacs de Seine
En observation liminaire, Pascal Popelin regrette que les élus socialistes et républicains n’aient pas réussi à construire, dans la période récente, un outil que leur permettant de mieux se coordonner. Face aux décisions des gouvernements de droite en direction des collectivités locales (transfert du RMI aux Conseils généraux, acte 2 de la décentralisation, commission Balladur, réforme territoriale…), il y a rarement une position commune, notamment en ce qui concerne les réponses à apporter (émission de titres de recettes à l’encontre de l’Etat, présentation des budgets en déséquilibre…). Chacun va dans le plus grand désordre, en fonction de considérations la plupart du temps exclusivement locales. C’est malheureusement la même chose dans le domaine de l’eau. Cette question est souvent mal connue des élus et ceux qui en parlent le plus ne sont pas forcément ceux qui maîtrisent le mieux le sujet. Lorsque la distribution de l’eau, compétence communale, est déléguée à un syndicat et notamment si ce syndicat est une grosse structure comme le Syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif), les maires ne sont pas toujours sensibilisés aux enjeux. La mauvaise réputation de la gestion de l’eau tient à deux éléments historiques -
Les abus de position dominante des principaux opérateurs privés historiques (partage des territoires, sociétés à participations croisées de nature à empêcher toute concurrence, contrats léonins et parfois anciens portant sur des durées très longues)
-
Les liens entre les majors de l’eau et le financement des organisations politiques, dont ils ont longtemps été de gros bailleurs de fonds.
Même si des cadres juridiques ont mis un terme à ces pratiques (encadrement des procédures de mise en concurrence et des procédures de délégation de service public, lois sur le financement de la vie politique et des campagnes électorales), le monde de l’eau reste frappé de l’opprobre de cette histoire et de la queue de comète d’affaires anciennes, dont certaines font toutefois encore l’actualité judiciaire. Il demeure encore également des pratiques en vigueur, héritées de cette histoire sulfureuse. Par exemple, les sociétés à participations croisées sont seulement en cours de démantèlement aujourd’hui. Quant au Sedif, il renouvelle seulement aujourd’hui un contrat conclu avec la Compagnie générale des eaux, sans mise en concurrence, en 1962 ! Pour ce syndicat -le plus important de France- qui a choisi, sous l’impulsion de sa majorité de droite, de reconduire le principe d’une délégation au privé, le prochain contrat sera donc le premier résultant d’une véritable compétition entre les deux principaux opérateurs que sont aujourd’hui Veolia et Suez-Lyonnaise.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 46
Sur la question de la marchandisation de l’eau Fournir à la population une eau de qualité et autant que de besoin, a un coût. La ressource ne manque pas dans notre pays. Elle est toutefois la plupart du temps dégradée. La gratuité n’est donc pas une solution réaliste, d’autant qu’il faut considérer l’eau comme un bien rare, qu’il ne faut pas gaspiller. De ce point de vue, l’exemple de Berlin est éclairant. Après la réunification, la consommation d’eau de Berlin-est a considérablement diminuée, tout simplement parce que sa fourniture était facturée à un tarif qui n’était plus symbolique. Puisque produire de l’eau a un coût, qui a d’ailleurs vocation à augmenter (en raison de l’état dégradé de la ressource, des exigences environnementales qui se durcissent en particulier s’agissant de l’assainissement), il faut donc trancher la question de savoir qui paie. Le contribuable ou l’usager. Pascal Popelin pense que c’est à l’usager de payer l’essentiel, seul moyen de le responsabiliser dans ses pratiques de consommation. Le contribuable n’a vocation qu’à intervenir de façon subsidiaire, au titre par exemple d’un système de tarification sociale qui reste à mettre en place, puisque ce type de dispositif n’a pas de fondement juridique aujourd’hui. Que doit-on faire payer à l’usager ? Quelle prise en charge de la collectivité ? Aujourd’hui, on a tendance à faire payer à l’usager des dépenses qui peuvent être considérées comme indues, parce qu’il est plus facile de les financer par la facture d’eau que par l’impôt. Il y a tout d’abord l’aberration de certaines normes, comme la directive européenne sur le plomb. Alors qu’il n’a jamais été démontré que le saturnisme pouvait être imputé aux canalisations en plomb, on a contraint les distributeurs d’eau à engager des millions d’euros de travaux pour remplacer ces conduites. C’est d’autant plus idiot que l’intervention de remplacement s’arrête à la limite de propriété et que les propriétaires, en particulier dans l’habitat ancien, conservent leurs anciennes canalisations, pour la partie qui serait à leur charge ! Il y a ensuite ce qui ne devrait jamais être facturé à l’usager de l’eau, mais qui l’est aujourd’hui, parce que les textes sont inadaptés. C’est le cas de tous les dévoiements de réseaux, nécessaires par exemple à la création des tramways ou autres aménagements de voirie. Quand une telle opération est décidée par une autorité publique, c’est la facture d’eau qui paie le déplacement des canalisations, au motif que le service de l’eau dispose d’une autorisation précaire d’utilisation du domaine public ! Il y a enfin que ce qui est « limite », en matière de lien entre le consommateur d’eau et l’objet financé. Par exemple, la redevance perçue par Voies navigables de France, chargé de l’entretien des cours d’eau. Par ailleurs, il y a ce qui ne figure pas sur la facture d’eau, mais a vocation à apparaître demain. Prenons l’exemple des Grands lacs de Seine. L’entretien de ses ouvrages, qui contribuent au soutien d’étiage et sont à ce titre indispensables au bon approvisionnement en eau de l’agglomération parisienne, repose aujourd’hui exclusivement sur des financements des quatre départements de la petite couronne. Ces ouvrages vieillissants justifient des travaux très importants dans les toutes prochaines années, à des niveaux financiers hors de mesure des moyens alloués par les Conseils généraux financeurs. Ceux-ci ne sont pas en situation Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 47
d’augmenter leur contribution et, en outre, dans le principe, ils n’ont pas vocation à payer l’intégralité de ces travaux. Les Grands lacs de Seine, comme plusieurs Etablissements territoriaux de bassin (EPTB) travaillent donc à l’instauration d’une redevance pour service rendu, au titre du soutien d’étiage. Ces redevances, seules source financières nouvelles juridiquement possibles à ce jour pour les EPTB, ont vocation à se généraliser dans les années à venir sur les factures d’eau. Sur l’organisation et la gouvernance actuelles du service de l’eau Des disparités de taille importantes existent dans les services de l’eau. Le Sedif, qui est le plus important, dessert 143 communes, soit plus de 4 millions d’usagers. L’extrême inverse, c’est la petite commune, qui assume seule son service de l’eau. Il y a là un vrai problème de cohérence territoriale sur lequel il convient de se pencher. Pour autant, il n’est pas sain d’autoriser les communautés d’agglomérations qui se constituent à prendre la compétence eau (qui est facultative) si elles ne l’exercent pas réellement. A ce jour, on observe des situations ubuesques, une communauté chargée de la compétence eau ayant parfois de manière durable des opérateurs publics ou privés différents, selon l’histoire des communes qui la composent. Par ailleurs, le statut des régies publiques est complexe. Il gagnerait à être simplifié. La distinction entre régie avec ou sans personnalité morale est-elle vraiment souhaitable ? Pourquoi une autorité organisatrice telle que le Sedif ne pourrait-elle pas organiser en son sein un fonctionnement en régie, sans passer par la création d’une entité distincte ? S’agissant des délégations de service public, les modalités devraient être plus explicites dans les textes, notamment sur les modalités de contrôle du délégataire, l’exigence que le périmètre de la délégation soit circonscrit dans les comptes d’une société filiale dédiée, les modalités de mise en concurrence pour les marchés de travaux lancés par le délégataire… De tels aspects ne peuvent être laissés à l’appréciation des autorités organisatrices locales, qui n’ont pas toujours les ressources techniques, juridiques et financières suffisantes pour discuter avec les grands groupes. En résumé, une meilleure organisation et une bonne gouvernance nécessiteraient qu’il soit répondu à 4 points : 1234-
Quel est le territoire pertinent pour le service de l’eau ? Quelles sont les bonnes cohérences territoriales ? Comment simplifier l’organisation des régies publiques ? Comment mieux garantir les possibilités de contrôle des élus sur les délégations de service public ?
Pascal Popelin considère, en effet, qu’il n’est pas réaliste de trancher au plan national la question du mode de gestion.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 48
Les réformes à envisager La loi dit que l’eau est un service public dont la charge de l’organisation incombe aux communes. Cette responsabilité communale doit-elle être maintenue ou faut-il aller vers un grand service public national ? Pascal Popelin estime l’idée d’un grand service public national peu réaliste. En revanche, l’échelon communal est sans doute inadapté, en particulier pour les petites communes. Il faudrait trouver un cadre territorial pertinent, ce qui est complexe. Il s’agit en effet de prendre en compte à la fois : - l’hydrographie, - l’histoire - le découpage administratif (à chaque fois que l’on crée une nouvelle structure, c’est sur un territoire différent ! Or, il faut être pragmatique : un élu s’intéresse un territoire dont il est élu ou bien à un territoire plus vaste, dans lequel il ambitionne de se faire élire !). La question de la recherche et du développement doit aussi être prise en compte dans cette recherche de la bonne taille : une petite régie publique qui dessert 10 000 habitants va être rapidement dépassée par les événements. Par ailleurs, les collectivités territoriales vont bien être obligées de se saisir de champs qui ont été désertés ces dernières années par l’Etat, dans le cadre la RGPP. Il apparaît nécessaire de refonder une véritable ingénierie publique. Les EPTB peuvent être des opérateurs pour les collectivités locales. Il serait aussi bon de garantir que les régies publiques se situent bien en dehors du champ de la concurrence. Si l’opérateur public décide d’être en régie publique, il ne doit pas être mis en concurrence avec des opérateurs privés. Il n’est pas non plus normal que différents services publics puissent être mis en concurrence sur un même territoire. A titre d’exemple, il est dangereux pour la notion de service public de l’eau que le Sedif ait pu être condamné par le Conseil de la concurrence pour abus de position dominante quand il défendait sa capacité à alimenter le marché de Rungis, sans mise en concurrence avec Paris. Si le rentable est au marché et le reste au service public, il n’y a plus de service public économiquement viable. Les outils publics doivent donc être sortis clairement, dans notre droit, du secteur concurrentiel, en particulier dans le domaine de l’eau. L’eau n’est pas une marchandise comme les autres : il faut dire clairement que la distribution de l’eau est une compétence supra-communale qui doit être organisée en fonction des seuils de population et des bassins naturels ; il y a là un monopole de la distribution sur lequel la concurrence n’a pas à intervenir, sauf si l’autorité organisatrice décide d’en déléguer l’organisation à une société privée.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 49
La question de la tarification sociale de l'eau devra également faire l’objet d’une législation claire. Sur la question du défi posé aux collectivités de la disparition de l’ingénierie publique Un opérateur public pour les activités d’ingénierie, de recherche et de développement est nécessaire. Quel rôle pour le politique, le technicien, l’usager ? Le politique doit rester l’autorité organisatrice, responsable, qui doit être en situation de pouvoir rendre des comptes aux citoyens. Le technicien est force d’analyse et de proposition, qu’il soit agent public ou salarié d’une entreprise privée. L’usager doit être associé de façon souple, on doit lui rendre des comptes, pas seulement au moment des élections. Mais il faut se garder d’instances lourdes et artificielles, qui ne sont que très rarement véritablement représentatives. Sur la gouvernance par rapport aux Comités de bassin Le législateur gagnerait à clarifier les structures. Une bonne gouvernance pourrait s’appuyer : - à l’échelle du bassin, sur le comité de bassin - à l’échelle de chaque sous-bassin versant, sur les EPTB - au plan local, sur les syndicats de rivière. Il conviendrait aussi de réformer la gouvernance des Comités de bassin et des Agences de l’eau : - en réduisant le poids des lobbies (industriels et agriculteurs, par exemple, qui freinent la mise en œuvre du principe pollueur-payeur) -
en confiant la direction de ces instances à des élus, plutôt qu’à des représentants de l’Etat.
Il est aussi indispensable de réformer leur composition, pour l’alléger et rendre ces instances plus opérationnelles.
__________
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 50
12 avril 2010
Audition de Patrice GARIN, CEMAGREF6 Montpellier
Patrice Garin dirige une équipe de recherche pluridisciplinaire à Montpellier, « Gestion de l’eau, acteurs et usages » (G-EAU). L’essentiel des activités a porté d’abord sur la gestion quantitative de la ressource, plutôt l’irrigation, avec à la fois des parties techniques, aspects purement maîtrise de l’irrigation, et des enjeux purement hydrauliques pour la gestion des canaux, rivières, et barrages. Il y a eu ensuite un gros développement de la partie économique et un développement moindre de la partie sciences humaines et sociales avec des anthropologues et Sciences Po maintenant. Le (petit) laboratoire « Gestion des services d’Eau et d’Assainissement » d’AgroParisTech de Montpellier a été intégré à G-eau La moitié des activités de recherche de l’unité de 50 chercheurs, 20 ingénieurs, sont à l’international, plutôt pays du Sud et Maghreb (l’unité est composée d’agents du Cemagref, mais aussi d’agents de l’IRD7 et du CIRAD8) . Les interventions au Sud se font surtout sur l’aspect quantitatif, les aspects qualitatifs étant encore considérés comme très secondaires, et sur les questions de services d’eau et d’accès à l’eau des populations les plus pauvres. Les problématiques des tensions quantitatives se retrouvent régulièrement. Face à l'appauvrissement des ressources, quelle gestion ? Lab - Nous sommes confrontés dans certains coins de France (à l’exemple de la Vendée ou de certains coins de la Charente), à l’appauvrissement des ressources que l’on ne sait pas gérer de façon pratique et immédiate. Quels sont les exemples au sud de la France, quelles interventions intéressantes à connaître ? P.G. - On a commencé à gérer la question de l'eau par une politique d’offre, essentiellement. Il y a beaucoup d’endroits en France où les tensions sont nées du fait d’un développement mal contrôlé, non limitant, en rapport avec la ressource, de l’irrigation. C’est essentiellement cela, notamment en Charente avec par exemple une expansion du maïs irrigué sur des zones à sol extrêmement superficiel, à rétention d’eau très faible. Dans beaucoup d’endroits, on a développé l’irrigation de façon déraisonnable. C’est l’État qui, à travers ses services, a accordé les autorisations de prélèvement d’eau de manière beaucoup trop laxiste dans les années 1980, méconnaissant la réalité des pratiques d’irrigation, donc la demande et sans assurance sur la ressource disponible. On est maintenant face à une situation très difficile à gérer, avec des agriculteurs qui ont investi dans l’irrigation, des territoires qui se sont organisés autour de ces Le Cemagref est un organisme de recherche spécialisé en sciences et technologies pour l'environnement. Il fonde sa stratégie sur une double compétence dans les domaines de l'eau et des agro procédés. Ses approches scientifiques permettent d'étudier les écosystèmes complexes, l'eau, les territoires et la biodiversité et leurs interrelations avec les activités humaines. 7 IRD « institut de recherche pour le développement » 8 CIRAD « la recherche agronomique pour le développement » 6
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 51
productions, à qui maintenant on demanderait de faire machine arrière. Cela fait vraiment tension. Or la responsabilité initiale réside dans l’incapacité des pouvoirs publics à dire non au monde agricole à un certain moment. Pour atténuer les déséquilibres, on a construit des barrages supplémentaires, des retenues, des bassines en contre partie d’engagements de la profession à réduire ses consommations.… Mais, l’ampleur des déséquilibres est souvent trop importante et en Charente, lorsque la ressource a été créée, elle a été tout de suite entièrement mobilisée… Une course sans fin que l’on observe dans beaucoup d’autres régions du monde. Comment revenir en arrière ? P.G. - C’est extrêmement difficile, et il n’est pas possible d’avoir un discours homogénéisant sur ce qui se passe en France. Il faut vraiment repartir des territoires agricoles croisés avec les bassins de l’eau (le bassin versant), et le plus souvent avoir un diagnostic différencié en fonction des situations. C’est ce qui se passe actuellement sur Niort qui a failli manquer d’eau en 2005 et pour laquelle un programme de recherche très vaste a été lancé (hydrologie, étude sols, agronomie, aspects économiques, sociologiques…). Un 1er principe : sur le plan agricole, revenir à des principes anciens mais tout à fait valables qui consistent à réfléchir à ce que l’on peut faire dans un territoire : alors que l’on est beaucoup passer par l’artificialisation des milieux, faire en sorte que le développement agricole tienne compte des potentialités réelles des territoires. Ce qui ne doit pas jouer que sur la quantité mais aussi sur la qualité. A savoir que le réservoir sol, la qualité des sols, c’est quelque chose que l’on peut maîtriser, mais avec une certaine limite. Un 2ème principe : des agriculteurs ont investi, il faudrait aller vers du soutien jusqu’à l’amortissement de l’investissement. L’essentiel du problème va peser sur cette période « intermédiaire », comment fait-on, maintenant, pour passer d’une situation critique à une situation apaisée ? Les solutions seront donc variables selon les spécificités locales. Il pourra s’agir parfois d’un soutien à la création de stockage (bassines, recharge de nappe) pour assurer une irrigation de complément, à justifier par un impact global bénéfique sur les milieux par rapport à la situation actuelle à un coût économique et social acceptable. Mais il faudra envisager aussi des incitations à la désirrigation pour certains systèmes de production et/ou dans certaines zones déficitaires. Les conséquences de l'évolution climatique L’irrigation va s’imposer de plus en plus, notamment sur la partie sud de la France avec l’évolution climatique que l’on peut brosser dans un schéma rapide pour les 20 ou 30 prochaines années (beaucoup d’aléas bien sûr dans ce type de prévision) : - plus de pluie au nord de la Loire, qui deviendra plus agricole, - moins de pluie au sud de la Loire qui va souffrir de sécheresse avec une hausse des températures entraînant une augmentation de la demande en eau des plantes et donc des demandes d’irrigation.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 52
Ce qui rend les choses très compliquées à terme dans la partie sud de la Loire où il y a aujourd’hui des situations de crise difficiles à gérer. Il faut trouver d’autres modèles agricoles dans ces zones et ne pas exclure, localement, la création de ressources supplémentaires quand c’est possible, car on va arriver à des zones de tension y compris dans des endroits aujourd’hui assez calmes. Une nouvelle gestion des tensions agricoles appelle une vraie volonté politique Il y a des endroits où il y a des tensions en terme quantitatif, mais ce n’est pas un diagnostic général sur l’ensemble de la France. Les outils sont là, mais ce qui manque c’est la décision, la volonté politique de réduire les tensions face au monde agricole. Ce qui ne sera pas facile. Il y aura des territoires sur lesquels il faudra lancer des diagnostics sereins, considérer qu’il faut créer de la ressource parce c’est effectivement possible. Du point de vue environnemental, ce n’est pas forcément préjudiciable pour l’environnement de stocker de l’eau à un moment et de la redistribuer. Il y a d’autres endroits où cela s’avérera économiquement non justifié, socialement inacceptable, écologiquement une erreur, techniquement une aberration… Les hydrobiologistes ne sont pas contre par principe, dans l’absolu, à la solution de la bassine qui stocke de l’eau en hiver, éventuellement par pompage quand il n’y a pas d’enjeu spécifique sur des milieux à préserver. Après, il y a la question des modalités du relargage de l’eau, dans le milieu naturel ou directement sur les parcelles, parce que celle-ci n’a pas une bonne température pour les milieux aquatiques, de mauvais taux d’oxygène, et peut-être dangereuse du point de vue hydrobiologique. D’un point de vue économique, qui paye ces aménagements ? Pour faire quoi ? Qu’est ce qui revient au monde agricole en terme d’investissement à travers le prix de l’eau ? L’intérêt d’implanter de nouvelles activités est souligné dans les débats qui suivent – Lab : si, à défaut de parler de développement durable, on s’inscrit dans des principes d’agronomie il est facilement imaginable qu’il y a des territoires aujourd’hui agricoles qui ne le seront plus dans l’avenir. On ne devra plus répondre alors à une demande accrue en eau mais à une transformation de ces territoires avec d’autres systèmes agricoles, mais également d’autres activités économiques. Il est important de trouver des modalités de mise en œuvre de ces politiques qui se fassent sans regret. Quels moyens, quels nouveaux outils ? Qui les mettraient en œuvre ? Pour Patrice Garin, la mise en œuvre apparaît comme devant être régionale. Il y a peu de probabilités aujourd’hui que la PAC prenne en compte ce dossier. Mais il pourrait y avoir des incitations européennes. Il souligne qu’un soutien politique et financier des agriculteurs sera indispensable pour prendre en charge au moins ce qui leur reste d’annuités par rapport aux investissements sur irrigation. C’est ce que confirme d’ailleurs la réunion qui s’est tenue au niveau national sur ce sujet le 1er avril dernier, avec la FNSEA et tout le gotha de l’agriculture française, d’où il ressort que les agriculteurs sont prêts à faire du développement durable, mais à condition d’être soutenus. Relancer les démarches d'analyses prospectives
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 53
Il peut y avoir des tensions très fortes en matière de régulation, même avant 2020. Localement, on peut le voir : lorsqu’il y a eu la flambée sur les prix agricoles en 2007/2008, les tentations du monde agricole ont été très fortes de repartir sur de l’intensification. Tout aurait sauté. Dans le monde agricole, quel qu’il soit, il y a peu de capacités réflexives et de développements réflexifs sur « que sera notre profession dans 5 ans, dans 10 ans ? ». Les différents groupes d’agriculteurs qui sont en lien avec le Cemagref, dans le Roussillon ou en Beauce par exemple, font état d’une profession agricole qui porte peu de réflexions sur la question du devenir de leur territoire à moyen et long terme, donc très mal à l’aise dans les exercices prospectifs pour des visions de l’eau à 10 ans (type SDAGE ou SAGE). Face aux tensions actuelles, immédiates, sur les prix, sur les incertitudes mêmes à exercer le métier d’agriculteur, ils sont dans l’immédiateté à chaque fois. C’est une position de résistance à toute évolution, une position défensive pour essayer de limiter la casse. La planification de l’eau ne doit pas être une contrainte de plus dans un environnement très incertain à court terme De l’expérience développée en Roussillon et en Beauce, Patrice Garin retient que le monde agricole attend d’organismes tel que le Cemagref un appui pour qu’on les amène vers ce type de réflexions. Pas seulement une réflexion pour travailler à l’horizon 2020/2030, mais pour voir, à partir des scénarios actuels, ce qu’il est possible de mettre en place aujourd’hui pour aller vers quelque chose qui pourrait être piloté. Au manque de lisibilité s’ajoute, dans les chambres d’agriculture, le fait qu’il n’y a plus les personnes idoines capables de faire de l’analyse. On y trouve souvent des gens extrêmement pointus d’un point de vue technique, extrêmement pointus au niveau réglementaire - des administrateurs de l’agriculture en lieu et place de la DDA (il est clair, qu’ils prennent le relais). Mais des agronomes de terrain, il y en a de moins en moins … Plus que dans la formation, le problème se situe dans le métier que les gens exercent et dans les fonctions qu’on leur donne. Et donc, cette capacité de prospective manque. L’expérience en Beauce illustre la question. Il s’agit d’aider les agriculteurs à avoir une image plus juste de leur territoire : - en repartant sur les typologies des exploitations, des indices de pratiques, etc… - en faisant avec eux des exercices de simulation, à l’horizon de 5 ans en général, des conséquences que peut avoir la réduction des quotas d’eau, de voir alors quelles alternatives peuvent exister en termes de productions, - en explorant les différents scénarios, - et en simulant cela d’un point de vue technique et économique puisque aujourd’hui il y a des outils pour le faire. Lorsqu’on fait ce travail d’analyse et de prospective avec la profession agricole, et sans a priori au départ, il y a des voies de progrès et des voies de gestion politique de la ressource très importantes qui se dégagent, dans un climat apaisé. Le Cemagref n’est pas là pour faire passer le message d’une réduction d’eau de tel ou tel pourcentage, mais pour étudier les conséquences et la faisabilité de telle ou telle évolution.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 54
C’est en mettant les responsables d’exploitation et les responsables de filières autour de la table que l’on peut arriver à explorer le futur proche, mais aussi faire des projections à 20 ans. Une des propositions à faire est bien de dynamiser ce type de démarches prospectivesaccompagnement à l’échelle d’un territoire (interface entre le territoire de l’eau et les zones agricoles), sachant que les capacités d’adaptation sont très localisées. Sur l'arc méditerranéen, les réflexions commencent à se mettre en place. 50 à 60 000 hectares de terre vont être libérés par arrachage de la vigne. Le groupe de travail est en train d’être constitué. Il y aura des choix difficiles compte tenu des contraintes spécifiques de cette zone: extrême morcellement de la propriété foncière et taille des exploitations. Quel territoire de l'eau ? Quelle maîtrise d'ouvrage ? Il faut éviter le mille-feuilles, mais le territoire de l’eau n’est pas le territoire administratif. Ainsi, pour Patrice Garin le département n’est pas la structure qui convient. Il s’inscrit sur ce qui a été dit sur les services publics et la question de la disparition de la maîtrise d’ouvrage. Le gros problème des agences de l’eau est de ne pas avoir de maître d’ouvrage. Pour réaliser les objectifs, il faut des gens qui aient une vision du territoire, et l’équivalent de la CLE9 du SAGE10 (Schéma d'Aménagement et de Gestion des Eaux) paraît pertinent : il y aura différentes zones agricoles mais une telle structure aurait la capacité de maîtriser l’hétérogénéité interne du territoire. Pour la mise en œuvre d’un SAGE, il faut une structure qui ait une capacité 9
La CLE, Commission Locale de l’Eau, est chargée de l'élaboration puis du suivi du SAGE. Sa composition : - des élus du territoire (pour moitié au moins) - des représentants des usagers (un quart au moins) - des représentants de l'Etat (un quart au plus). Elle est présidée par un élu désigné par ses pairs. 10 Le SAGE, Schéma d'Aménagement et de Gestion des Eaux, est un document de planification élaboré de manière collective, pour un périmètre hydrographique cohérent. Il fixe des objectifs généraux d'utilisation, de mise en valeur, de protection quantitative et qualitative de la ressource en eau. Il doit être compatible avec le SDAGE. Le périmètre et le délai dans lequel il est élaboré sont déterminés par le SDAGE. Le SAGE est établi par une Commission Locale de l'Eau (CLE) représentant les divers acteurs du territoire, soumis à enquête publique et est approuvé par le préfet. Il est doté d'une portée juridique Le SDAGE, Schéma Directeur d'Aménagement et de Gestion des Eaux, créé par la loi sur l'eau de 1992, fixe pour chaque bassin les orientations fondamentales d'une gestion équilibrée de la ressource en eau" (art.3). Cette gestion s'organise à l'échelle des territoires hydrogéographiques cohérents que sont les six grands bassins versants de la métropole : Adour-Garonne, ArtoisPicardie, Loire-Bretagne, Rhin-Meuse, Rhône-Méditerranée-Corse et Seine-Normandie ainsi que les quatre bassins des DOM : Martinique, Réunion, Guyane et Guadeloupe. Les dix SDAGE ont été réalisés par les comités de bassin à l'initiative des préfets coordonnateurs de bassin. Le SDAGE est un document d'orientation qui définit : * des orientations de portée réglementaire. En effet, les décisions de l'Etat en matière de police des eaux (autorisations, déclarations, rejets, etc.) et les décisions des collectivités et établissements publics, dans le domaine de l’eau doivent être compatibles avec le SDAGE ; * des actions structurantes à mettre en œuvre pour améliorer la gestion de l'eau au niveau du bassin ; * des règles d'encadrement des SAGE qui doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les SDAGE source : http://www.gesteau.eaufrance.fr/sdage.html
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 55
de maîtrise d’ouvrage avec des gens qui soient capables de parler d’un point de vue technique et de faire de l’ingénierie, au moins sous l’angle de l’appui à maîtrise d’ouvrage. Car il faut noter aujourd’hui de nombreux témoignages de professionnels qui voient, depuis la disparition de l’ingénierie publique, des choses ahurissantes sur le terrain. Trop de stupidités techniques sont constatées depuis que les DDA et les DDE ne sont plus là pour aider les collectivités et assurer une mission d’appui à la maîtrise d’ouvrage. Si on doit essayer de trouver des territoires pertinents, c’est vrai que les EPTB11 paraissent intéressants. Ils semblent suffisamment grands pour avoir un portefeuille d’actions correctement étendu leur permettant d’avoir ainsi un service technique compétent ; car il leur faut un territoire d’action suffisamment grand pour ne pas avoir à traiter un type d’ouvrage une fois tous les 10 ou 20 ans… EPTB, territoire pertinent ? Lab – La proposition d’André Flajolet, adoptée dans le Grenelle 2, va conférer aux EPTB la faculté de lever une nouvelle redevance, et donc leur permettre de trouver une nouvelle source de financement. Mais cette nouvelle redevance va voir le jour dans un contexte financier tendu, puisqu’elle sera perçue sur les ressources des Agences… L’idée c’est de mobiliser des ressources afin d’avoir des maîtres d’ouvrage pour porter les CLE, les SAGE… Cela ne va-t-il pas générer des tensions, ou bien le nouvel outil EPTB, redynamisé, va-t-il incarner un nouvel échelon territorial d’intervention pertinent ? Pour Patrice Garin, cela apparaît comme la moins mauvaise des solutions. Car, à cette échelle, on retrouve les enjeux de relation ville-campagne, auxquels il faut re-réfléchir. Grosso-modo dans le territoire d’un EPTB, on retrouve le territoire de la grande métropole, et/ou la mégapole, 11 Les EPTB (Établissements Publics Territoriaux
de Bassin) s’inscrivent dans la logique de la loi sur l’eau du 16 décembre 1964, qui avait imaginé un dispositif cohérent reposant sur trois grands types d'acteurs de l'eau : les comités de bassin, les agences financières de bassin (renommées "agences de l'eau ") et des établissements publics pouvant se porter maître d'ouvrage d'opérations à l'échelle du bassin versant ou d’un sous-bassin. La circulaire du 19 mai 2009 relative aux Etablissements publics territoriaux de bassin après l'adoption de la LEMA (Loi sur l'Eau et les Milieux Aquatiques du 2006-1772 du 30 décembre 2006) a été publiée au journal officiel du MEEDDM du 25 juin 2009. Le projet de loi Grenelle 2 devrait conforter le rôle des EPTB dans l'élaboration et l'animation des schémas d'aménagement et de gestion des eaux. Article L. 213.12 du code de l'environnement relatif à la création d’un EPTB : « Pour faciliter, à l'échelle d'un bassin ou d'un sous-bassin hydrographique, la prévention des inondations et la gestion équilibrée de la ressource en eau ainsi que la préservation et la gestion des zones humides, les collectivités territoriales intéressées et leurs groupements peuvent s'associer au sein d'un établissement public territorial de bassin. Cet organisme public est constitué et fonctionne, selon les cas, conformément aux dispositions du code général des collectivités territoriales régissant les établissements constitués en application des articles L. 5421-1 à L. 5421-6 ou des articles L. 5711-1 à L. 5721-9 du même code. Le préfet coordonnateur de bassin délimite, par arrêté et après avis du comité de bassin et des collectivités territoriales concernées et, s'il y a lieu, après avis de la commission locale de l'eau, le périmètre d'intervention de cet établissement public. (…) Source : http://www.eptb.asso.fr/les-eptb-dans-la-loi
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 56
le territoire de l’eau, les différents territoires agricoles qui jouent de complémentarité (ce qui n’existe plus aujourd’hui) soit un espace agricole suffisamment large pour pouvoir réfléchir (ce peut être 2 EPTB côte à côte !). C’est un territoire pertinent, ni trop petit, ni trop grand. L’échelle de l’agence est trop vaste aujourd’hui. Elle nie la diversité et la capacité à mettre en œuvre localement. L’EPTB doit être le maître d’ouvrage tandis que l’agence garde ses enjeux, et raisonne à l’échelle d’un grand bassin (amont, aval). Mais quand elle se trouve à devoir mettre en place une politique publique, qu’elle définit un programme de mesures sans avoir la maîtrise d’ouvrage, que peut-elle faire au-delà des incantations ? L’EPTB pourrait avoir une mission de maîtrise d’ouvrage pour une politique décidée à l’échelle d’un bassin, notamment l’interaction avec l’agence, alors que la relation avec la région serait une relation de négociation des politiques d’aménagement du territoire. Mais quelle est la capacité d’un EPTB à contrer des projets qui pourraient être portés par un territoire, si on veut une relation équilibrée entre gestion de l’eau et gestion du territoire ? Les régions sont très portées par des politiques très favorables à de l’activité économique, il faudrait un contre-pouvoir qui pourrait être l’EPTB avec une commission forte de gestion et de mise en compatibilité des ressources naturelles dont l’eau. Contre-pouvoir pour protéger l’eau. Théoriquement, c’est l’agence qui avait vocation à constituer ce contre-pouvoir. On peut imaginer que les gens qui se feraient élire dans les EPTB devraient avoir une sensibilité plus marquée pour les enjeux liés à la protection du cadre de vie au sens large. Quels sont les critères permettant de préciser le territoire pertinent ? Si pour l’eau il apparaît certain que ce soit le sous-bassin, est-ce vraiment partout évident ? Le territoire pertinent n’est pas toujours le même pour les eaux souterraines et les eaux superficielles. Il faut prendre la dimension territoire de vie. Sur la zone Languedoc-Roussillon par exemple, l’arc méditerranéen qui va de Perpignan jusqu’à la 1ère rive du Rhône (sans la Lozère), on voit bien qu'il y a une certaine communauté de problèmes, d’enjeux socio-économiques entre les zones amont et les zones touristiques C’est un territoire qui a une certaine identité. Bien sûr, on peut gérer département par département, Hérault, Aude… Mais il y a des décisions qui n’auront de portée, de sens, que si on transcende : les enjeux touristiques doivent être abordés un peu partout de la même façon, de même pour les enjeux viticoles ou le devenir de ces zones de piémont… Par rapport à ces enjeux, le projet Aqua domitia12 n'est rien d'autre qu’un gros tuyau… Par rapport à la Beauce, quel territoire apparaît le plus pertinent pour la gestion de l’eau ? La nappe de Beauce est trop grande dans son intégralité. Il faut descendre un cran en dessous. Par rapport à l’enjeu agricole, on peut avoir une gestion de la nappe de Beauce en tant que telle, une institution gestion de la nappe de Beauce en soi. Mais après, pour négocier, interagir avec le 12 Aqua Domitia, projet d’extension du début de réseau hydraulique régional construit dans les années cinquante : recours à l’eau du Rhône dont le transfert, à terme, irait jusqu’aux portes de Béziers et de Narbonne. Il s’agit de desservir des territoires à ressources déficitaires, identifiés dans le cadre d’une vaste démarche prospective, initiée en 2005 avec les 5 départements du Languedoc-Roussillon, appelée « Aqua 2020 »..
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 57
monde agricole et redescendre les quotas, redéfinir les modes de gestion, il faut descendre par grandes zones de production au sein de cet ensemble. Zones de production à définir aujourd’hui sur l’existant, mais en tenant compte des réelles potentialités agricoles, car aujourd’hui il y a une très grande homogénéisation qui va bien au-delà des frontières agronomiques. En fait, les marges de manœuvre que vont avoir les agriculteurs, c’est de savoir ce que les sols permettent de faire sur ces zones, avec peu ou sans irrigation (hypothèses de régulation : si on coupe l’irrigation d’été et que l’on ne fait que de l’irrigation de printemps, et si…). Il faut pouvoir rejouer sur les marges de manœuvre qui sont territorialement assez localisées selon les types de sol. C’est le constat d’un échec d’une politique de l’eau qui serait seulement impartie au ministère de l’écologie et de l’environnement. Politique agricole, développement des territoires et politique de l’eau doivent être impérativement liées. L’enjeu urbanisation et expansion évoqué plus haut est également aujourd’hui fondamental. Il est très visible, dans le sud notamment, que la politique de développement des territoires, d’urbanisation, se fait sans s’occuper des enjeux eau – autant sur les aspects quantitatifs que qualitatifs. Une nouvelle politique, si elle paraît facile à priori et fondamentale, est en réalité très difficile à mettre en œuvre. Il n’en est que de voir la protection de la ressource sur les périmètres de captage. Des zones toutes petites sont concernées, mais c’est extrêmement compliqué en raison des prérogatives foncières, du droit des propriétaires, et cela a un coût. Cet enjeu, dont tout le monde considère qu’il est indispensable de protéger la ressource qu’on boit, est très difficile à mettre en place au-delà du périmètre strictement rapproché. Lab - Il y a t-il une réflexion sur les circuits de distribution ? Il semble que les circuits de la grande distribution, qui casse les prix, fait pression sur le monde agricole non seulement sur les marges mais aussi sur les modes de culture, soient devenus des prescripteurs de la politique agricole, ce qui est un vrai scandale. Comment pourrait-on au moins diminuer, si ce n’est supprimer, leur rôle ? P.G. - Si, en raison des missions dont il relève, le Cemagref ne peut s'attaquer à ce problème, il est vrai qu'il s'y trouve à chaque fois confronté. Le constat que l'on peut faire, c'est que même la FNSEA est démunie face aux pouvoirs de ces filières. A part pour la viticulture où c'est un peu moins vrai, pour toutes les autres filières, ce sont la grande distribution, les centrales d'achat qui exercent des contraintes extrêmement fortes. Quand on regarde sur le Roussillon, il y a des capacités de réduction assez fortes pour tout ce qui va être utilisation d'intrants sur les pêchers, les abricotiers, etc. Il suffirait qu'à chaque fois les agriculteurs gagnent 10 ou 15 centimes d'euros de plus par kilo de fruit. Éthiquement, ce n’est pas acceptable… Lab - Comment se fait-il que cette problématique ne soit pas portée dans les débats publics, comment y remédier ? P.G. - Il y a eu un Yalta de la recherche agricole sur les thèmes à l’interface eau-agricultureenvironnement qui fait que c'est l'INRA qui traite de la partie eau-agriculture et le Cemagref de la partie eau-environnement, (en raison au départ du côté technique de l'irrigation).
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 58
Effectivement, il faudrait travailler plus étroitement avec l'INRA, les fonctionnements sont trop cloisonnés alors qu'il faudrait aborder les questions de recherche plus sous l'angle des enjeux sociétaux. Il faudrait avoir un ensemble d’équipes qui aborde les questions de façon collective, chacun avec son angle d'attaque. Ce qui permettrait d'être beaucoup plus efficaces sur les territoires. Il y a eu des initiatives très intéressantes, sur le programme Eaux et Territoires par exemple. On travaille également de façon insuffisante avec les gens de l'urbanisme. Par définition, on a aussi fait la séparation entre l'eau des territoires ruraux et la ville. Or, jusqu'à preuve du contraire, la ville va chercher son eau sur les territoires ruraux et elle a d'autres attentes aujourd'hui vis à vis de ceux-ci que simplement la question agricole. Comment fait-on se ré-interpénétrer maintenant la ville et son territoire ? C'est une vraie question. Il ne s'agit pas de remettre à plat toutes les structures, ce serait une perte d’énergie, trop dur de revenir en arrière. Maintenant, tout la recherche fonctionne par appels d'offre… Ce qu’il faudrait, c’est aider à définir des programmes de recherche pour inciter à décloisonner. L’interconnexion des réseaux d’eau potable L'interconnexion des réseaux d’eau potable, c’est une solution technique, du même type que celle d’abandonner les forages où l’eau est trop polluée : on soigne les symptômes, on ne soigne pas le mal ! C’est une solution qui a l’avantage de pouvoir fermer un captage lorsqu’il y a un accident à un endroit et de pouvoir travailler avec les autres– c’est bon pour la continuité de service. L’interconnexion peut être pas mal pour faire quelques économies d'échelle – encore faut-il y regarder de près, cas par cas. C’est pourquoi un service d’ingénierie publique à une échelle pertinente qui serait l’équivalente d’un EPTB, plus large qu’un département donc car un département manquerait d’assise territoriale. L’interconnexion peut être réfléchie par ce type de service pour savoir ce que l’on y gagne. Mais cela ne doit pas se traduire par l’abandon de zone : on sanctuarise quelques zones, on en abandonne d’autres – c’est ce qui se passe aujourd’hui. C’est une politique de court terme, qui peut permettre effectivement à des élus de satisfaire aux obligations de service. Lab - Trame bleue – trame verte, et même le concept de parc naturel hydrogéologique, est-ce que, en caricaturant, à terme ce n’est pas source de danger, à savoir que l’on prendrait des dispositions afin de sécuriser a minima l’alimentation de la population en laissant peu ou prou tomber ce qui se passe ailleurs ? P.G. – C’est le procès que l’on peut faire. Mais d’un autre côté, il ne faut pas s’interdire ce genre de chose. Cela permettra de garder des endroits où seront préservées la ressource, la biodiversité, etc. Si on le limite à ça… De multiples intervenants, une gestion disparate Lab – Des institutions du type ASA13, SCP14, BRL15, etc. qui ont une configuration particulière liée à tout un historique, ne peuvent-elles pas poser problème à un moment donné en terme 13 ASA : association syndicale autorisée. Les ASA sont des établissements publics, permettant l'exécution et l'entretien à frais commun de travaux d'aménagement d'un périmètre composé des parcelles des propriétaires intéressés.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 59
d’harmonisation de gestion ? N’y a-t-il pas des situations acquises qui pourraient contrecarrer tout ce qui a été évoqué plus haut ? P.G. – Oui, certainement. Pas les associations d’irrigants en tant que telles car celles-ci sont appelées à être plus les interlocutrices des politiques de l’eau et à permettre justement de réduire les coûts de transaction car elles sont capables de mobiliser leurs adhérents et aussi d’exercer un certain contrôle social. Ces collectifs d’irrigants que l’on retrouve dans le monde entier sont plus des partenaires à mobiliser que des instances qui vont poser problème dans la gestion territoriale de l’eau. Ils ont un lien social avec le monde irrigant et une vraie capacité à représenter le monde agricole. Sur les transferts d’eau Les transferts d’eau se font déjà de façon générale. Les grandes infrastructures peuvent être intéressantes. Ainsi, sur toute la zone de l’est, notamment sous dépendance de la SCP, s’il n’y a que très peu de pénurie d’eau sur toute la zone littorale alors qu’il n’y a pas d’eau naturellement, c’est bien parce qu’il y a eu d’énormes infrastructures qui ont dérivé l’eau du Verdon et de la Durance sur toute la zone littorale et toute la zone depuis Marseille jusqu’à Nice. Le principe strict « pas d’eau au-dehors du bassin versant », ne tient pas. Là où par contre se pose un problème, c’est que l’on n’a pas donné conscience aux gens de la rareté de la ressource, des infrastructures continuent à se développer sur ces zones (golfs, etc.). Il y a encore une fois un équilibre à trouver entre ce qu’on veut développer sur le territoire et les ressources en eau. Ce qui est la thèse contraire de la SCP qui considère que les élus doivent décider d’une politique territoriale, sans être contraints par l’eau, car leur ingénierie (savoir faire et technologie) est là pour mettre l’eau au service des territoires. Partenarait public/privé – l’exemple du Maroc à Agadir On peut avoir une inquiétude sur les partenariats public/privé. Une formule qui se développe au Sud. Au Maroc, la zone d’Agadir est ainsi totalement concernée par ce nouveau type de gestion. L’État n’a pas les moyens de reconstruire un nouveau barrage et de financer toute l’adduction d’eau jusqu’à Agadir et a choisi de passer par un partenariat public/privé. L’eau est alors revendue aux producteurs qui veulent bien se relier au réseau, aux agriculteurs qui ont la capacité de payer. Dans toute la zone traversée, il y avait beaucoup de petits agriculteurs familiaux et le système tarifaire proposé ne leur est pas favorable. On se dirige vers une concentration en grands domaines, d’exploitations d’orangeraies et maraîchères – soit vers des entreprises très 14 SCP : société du canal de Provence 15 BRL : Crée en 1955, sous forme de Société d'Aménagement Régional (société d'économie mixte dont la majorité du capital est détenue par des collectivités locales du Languedoc Roussillon), BRL est aujourd'hui un groupe . La maison mère, holding du groupe, intervient dans la logique de la mission "d'aménageur régional", en appui des projets de développement des collectivités locales régionales. Elle est concessionnaire de la Région Languedoc-Roussillon pour l'aménagement du réseau hydraulique régional. BRL Exploitation, certifié ISO 9001, gère et exploite, en Languedoc-Roussillon, d'importants ouvrages de production et de distribution d'eau : eau potable, eau agricole, eau industrielle, etc... en particulier des ouvrages concédés par la Région Languedoc-Roussillon.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 60
capitalistiques qui vont employer les anciens petits exploitants comme employés agricoles. C’est un choix politique qui mérite débat. L’eau virtuelle16 – l’exemple de la politique dite du « Maroc vert » Comment accéder à une alimentation de base à prix acceptable pour les zones urbaines du sud de la Méditerranée ? L’eau virtuelle est un concept bien assimilé par le lobby des céréaliers d’Europe de l’ouest, leur permettant de pérenniser notre modèle agricole : - on doit produire les céréales en Europe et les exporter au sud, mettant en pratique le concept de l’eau virtuelle - contre tomates, poivrons, melons, etc. produits au Sud en fin d’hiver. Et le tourisme. Une certaine pertinence du point de vue économique et de gestion de la ressource. Mais il faudrait certainement que ce soit pensé en fonction de tous les critères pour dépasser le modèle de domination des gros producteurs. En particulier, que faire des petits producteurs familiaux à base de céréales pluviales du Maghreb ? Cela s’est traduit, au Maroc, par la politique dite du « Maroc vert », avec 2 agricultures qui vont être mises en œuvre : - l’agriculture commerciale, de grands domaines, pour l'exportation en certaines saisons (fruits…), qui va recevoir l’essentiel des soutiens techniques et financiers de l’État pour pouvoir se développer et appuyer le développement des filières, - les céréales étant produites à l'extérieur et rapatriées sur le pays. La culture céréalière, qui est la culture de base de l’essentiel du paysannat marocain, va se retrouver complètement ouverte sur le marché mondial et ce ne sera plus vivable pour ces petits exploitants. Il va donc falloir mettre en place pour eux : - une agriculture "sociale", de subsistance, avec quelques petits financements pour maintenir la population dans les territoires ruraux et qu’elle puisse survivre. C’est typiquement un des résultats possibles d’une mise en politique de la théorie de l’eau virtuelle. Des rapports de force économiques et marchands. Points divers Sur la pollution industrielle P.G. - Ce qui est assez difficile, c’est la gestion du passé, les héritages, notamment pour les PCB17 par exemple. Héritage difficile beaucoup plus flagrant dans les zones des mines. 16 Le concept d’eau virtuelle associe à quelques biens de consommation ou intermédiaires la quantité
d’eau nécessaire à leur fabrication. « Consommer un kilogramme de blé, c’est aussi, dans les faits, consommer le millier de litres d’eau qu’il a fallu pour faire pousser cette céréale » : Daniel Zimmer, directeur du Conseil mondial de l’eau à la session du forum intitulée « Échanges et géopolitique de l’eau virtuelle », au Forum mondial de l’eau de 2003 à Kyōto.
17 PCB : ou polychlorobiphényls sont des dérivés chimiques chlorés, regroupant 209 substances
apparentées. Entre 1930 et le début des années 80, les PCB ont été produits pour des applications liées aux transformateurs électriques et aux appareils hydrauliques industriels, appréciés pour leurs propriétés remarquables en matière d’isolation électrique et de stabilité thermique, leur lubrification excellente et leur résistance au feu. Leur production a été interdite en 1985 lorsqu’il est apparu qu’ils présentaient un
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 61
Aujourd'hui, l’action publique sur un industriel donné, ou sur une zone industrielle, ne pose pas de problème majeur. On a les outils. Ce qui pose le plus problème ce ne sont pas les gros sites industriels avec la surveillance exercée, notamment par les ICPE18 ; ce sont plus les petits ateliers industriels, artisanaux, dispersés, pour lesquels on n’a pas les mêmes moyens de surveillance. C’est plus difficile d’exiger, du point de vue économique, que ces petits artisans, industriels, fassent beaucoup de surveillance et beaucoup d’analyses car, à leur échelle, cela coûte relativement cher. Cela produit un bruit de fond de pollution que l’on peut retrouver dans les stations d’épuration des collectivités. On retrouve sur cette pollution industrielle diffuse le même enjeu que sur la pollution agricole diffuse. Mais on peut aussi déplorer l’absence de l’Etat et son manque de moyens pour assurer ses fonctions régaliennes de base. Une politique de contrôle déficiente Peu de changements se font sentir. On a une reconfiguration au niveau national qui fait que sur le terrain, il y a nettement moins de personnes, de contrôle et d’efficacité. Une loi sur l’eau qui n’a pas de moyens effectifs de contrôle et de sanction, on peut vraiment se poser la question de l’effectivité de la politique. Le rapport de la cour des comptes est très clair là-dessus. Il n’y a pas de crédibilité sans contrôle. Si l'État doit rester quelque part, c'est bien dans ces fonctions de contrôle et de police.
__________
danger pour l’homme et pour l’environnement. Ils doivent être éliminés de manière contrôlée par des entreprises agréées de destruction des déchets ; leur utilisation doit être définitivement arrêtée pour 2010. 18 ICPE : Installation classée pour la protection de l'environnement
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 62
11 octobre 2010 Audition de Pierre ETCHART, président d'AGUR et président de la Fédération des distributeurs d'eau indépendants
Pierre Etchart se félicite de ce que le Parti socialiste donne droit aux PME en le recevant. Président d'AGUR qu'il a créé il y a 12 ans, il pu mesurer toutes les difficultés qu'il y avait pour progresser dans ce domaine. A la présidence de la Fédération des distributeurs d’eau indépendants (FDEI), il a en effet pris la succession de Michel Ruas qui a vendu son entreprise (150 000 abonnés) à Veolia. C'est un regret marquant que les élus locaux n’aient pas toujours cru dans le savoir-faire des indépendants qui participent pourtant à faire baisser les prix de l’eau. Pierre Etchart précise qu'il est également membre du Centre des jeunes dirigeants d’entreprise (CJD). I- Etat des lieux Les PME françaises représentent environ 1,5 % du marché de l’eau et de l’assainissement. Elles étaient montées à 2 % de ce marché, mais leur part a diminué récemment et au nombre de 12 PME il y a 5 ans, elles ne sont plus que 9 aujourd'hui. Leur rôle cependant se révèle beaucoup plus important que ne le laisse supposer ces chiffres : elles estiment avoir participé à réguler le prix de l'eau depuis plusieurs années. Ce qui se trouve validé par l'Observatoire de la loi Sapin. Mais si rien n'est fait les PME risquent de disparaître alors qu’elles ont un rôle important sur le plan de la régulation, bien que faibles sur le plan économique. L’ambition de la FDEI est de voir la part des PME sur le marché de la délégation privée croître et se faire une place au sein d’un marché contrôlé à près de 99 % par VEOLIA, SUEZ et la SAUR (objectif de 25 % des parts de marché des DSP). La concurrence crée émulation et compétition ce qui entraîne une meilleure régulation. Dans les départements où il n'y a pas de PME, les alternatives possibles pour les élus sont très limitées… Pierre Etchart souligne l'intérêt et les retombées intéressantes du colloque19 organisé en 2009 par les PME, colloque qu'il qualifie de première véritable occasion d’évoquer les « vraies » questions liées à la problématique de l’eau. Il a permis un renouvellement du regard sur ce sujet et une prise de conscience du pouvoir de communication des PME. La fédération des distributeurs d’eau indépendants (FDEI) espère désormais que la disparition des PME du marché représentera pour les grands groupes un inconvénient plus grand que leur inclusion : l’enjeu majeur pour les PME est désormais de se rendre indispensables. Les responsables des PME ont ainsi pris le parti d'aller rencontrer un certain nombre de pouvoirs (associations, élus…) pour expliquer leur rôle essentiel de contre-pouvoir et d'utilité publique. 19 Le colloque intitulé « Pour une régulation des services de l'eau en France » était organisé par la Fondation France Libertés, la Fédération des Distributeurs d'Eau Indépendants (FDEI) et Arpège, la Fédération des Entreprises publiques locales de l'eau (Epl) ; il s'est tenu en mars 2009 dans le cadre symbolique de l'Assemblée nationale. Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 63
II- Les mécanismes de la domination activés par les grands groupes P.E.- Les « petits » sont tenus écartés du marché de l’eau par le biais de plusieurs mécanismes. Certains acteurs produisent malheureusement dans des objectifs stratégiques pas toujours sains, des offres très inférieures au coût réel de la fourniture du service. Le principe, voulu par la loi Sapin de libre choix de l’entreprise délégataire est rendu de fait inapplicable. Aussi, les dirigeants des PME de l’eau doivent faire le tour des élus afin de les convaincre du bien-fondé des coûts et prix demandés par leurs entreprises. Une autre pratique dénoncée par les PME de l’eau est celle qui voit des investissements réalisés par l’entreprise à seule fin de prolongation de son contrat de concession. Cette technique permet d’éviter les consultations et dessert au bout du compte l’image du métier et des élus concernés. Les îlots concessifs parfois pratiqués donnent également un avantage à l’entreprise déjà en place : celle-ci a notamment connaissance du cahier des charges et peut ainsi freiner les potentiels nouveaux entrants. A ce sujet, constat est dressé de l’échec du triptyque lois SapinVaillant-Barnier qui ne peut éviter une reconduction de contrat de délégation dans 90 % des cas. Il estime la taille minimale des lots d’abonnement pour voir amortis les coûts matériels et humains de la fourniture du service (notamment le bureau "back office") à environ 100 000 foyers. En dessous, les PME font des pertes que les grands groupes peuvent par contre se permettre d’assumer, ce qui leur donne un avantage supplémentaire. Les PME peuvent être beaucoup moins chères que les régies, et même moins chères que les grands groupes. La question de la performance des services doit être stratégique pour les élus et les citoyens. Les indicateurs ONEMA devraient être suivis et contrôlés pour tous les services (dsp et régies) afin de sortir des débats idéologiques et d’être pragmatique avec comme unique objectif : donner aux usagers le meilleur service au meilleur prix. Malheureusement aujourd’hui ce sont les acteurs eux-mêmes qui remplissent ces indicateurs et qui leur fait perdre une crédibilité nécessaire. L’ONEMA devrait disposer de davantage de moyens afin de mener à bien cet objectif en indépendance. Lab- Qu'est-ce qui paraît davantage souhaitable entre l’îlot concessif et le contrat d’affermage ? La délégation traditionnelle a-t-elle un avenir ? Les collectivités ont-elles les moyens, les capacités de passer en régie ? N'est-il pas envisageable que d’autres prestations et compétences dont les collectivités peuvent avoir besoin soient assurées par les PME (métrologie, mesures…) ? P.E.- Les contrats de concessions ne se font pratiquement plus, les collectivités souhaitent rester par principe propriétaires de leurs ouvrages, ce qui est tout à fait logique. La formule la plus couramment pratiquée reste la délégation de service. Les ilots concessifs transfèrent une partie des investissements sur le délégataire. Il ne faudrait pas que la pratique trop abusive des ilots concessifs nous fasse revenir en arrière et que les entreprises de l’eau soient accusées de pratiquer de la concession déguisée. Pour les PME de l’eau, la DSP à partir du moment où elle est bien contrôlée, et où chaque acteur reste à sa place, est la formule la plus équilibrée.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 64
Pour P.Etchart, beaucoup de pré requis seraient nécessaires pour qu’une régie fonctionne, notamment des investissements (ingénieurs, plateformes…) avec des objectifs de performance attendus par les usagers. Une régie n'est envisageable que sur de très grandes collectivités, telle Paris dont le nombre d'abonnés permet de rentabiliser l'ensemble des investissements. A ce sujet, la FDEI regrette la disparition des DDA qui avaient un langage de neutralité et avaient acquis un immense savoir-faire en des domaines variés : jurisprudence, conseils, expertises, compétences, entraide…Les bureaux d'étude qui se sont constitués ne peuvent, par essence, apportés de services équivalents. Il faudrait remettre les DDA en place, tout au moins leurs compétences. Lab - Il y a-t-il un schéma de structure idéal pour prendre le relais des DDA ? Au niveau des départements ? D'une discussion générale, il ressort l'exemple du Lot-et-Garonne (47) : les élus se sont organisés en un syndicat mixte « Fédération départementale d’adduction d’eau potable et d’assainissement » qui regroupe tous les syndicats d’alimentation en eau potable et/ou d’assainissement, ainsi que les communes autonomes du Lot-et-Garonne. Les syndicats restent ainsi en place à l’intérieur de la structure avec des élus responsables assumant le lien avec les territoires et leurs habitants. Différentes formes de contrat peuvent exister avec une diversité des acteurs. Par contre l’ingénierie est mutualisée, ce qui permet de donner à l’ensemble des collectivités le pouvoir et les compétences pour les investissements et le contrôle des délégataires. La bonne formule réside dans l’équilibre que le « 47 » a trouvé. * *
*
Les propositions de la FDEI pour une concurrence saine et un meilleur service • Lutter contre les baisses de prix abusives au cours de la négociation : le sortant possède l’information et donne le prix qu’il veut. Aussi, les baisses de prix doivent-elles recevoir des justifications et être incluses dans le cahier des charges. • Limiter temporairement les abus de position dominante (malgré les principes de libre concurrence en Europe) : le département représente un espace pertinent pour procéder à cette limitation. Il s’agirait d’interdire à tout opérateur possédant plus de 50 % de part de marché dans un département, de prétendre répondre à un appel d’offre. • Interdire la pratique des prix prédateurs aux fins d’élimination d’un concurrent : il s’agit d’élargir l’article L.420-5 (du code du commerce) aux délégations de service public. • Rémunérer les frais d’études pour encourager les entreprises à répondre à une offre et éviter les positions dominantes.
__________
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 65
24 novembre 2010 Audition de Loïc FAUCHON, président du Conseil Mondial de l'Eau, président de la Société des Eaux de Marseille Loïc Fauchon assure la présidence du Conseil Mondial de l'Eau (CME) depuis 6 ans, mais il a été dès le départ impliqué sur sa création, effective en 1996, aux côtés des 3 membres fondateurs Dr Abu Zeid, Dr Aly Shady et René Coulomb. Il a été réélu en octobre 2009 pour un mandat de trois ans, à l'unanimité des 36 membres du conseil d'administration. Le vice-président du CME est le brésilien Benedito Braga. C'est en 2012 que Marseille, siège du CME, accueille le 6ème forum mondial de l'eau. La SEM Loïc Fauchon est par ailleurs président directeur général de la Société des eaux de Marseille (SEM), désormais filiale de Veolia Eau (traitement et distribution de l'eau, assainissement). A l’origine la SEM était une filiale commune (50/50) de Veolia et Suez, à l’image de la douzaine de filiales communes qu’elles détenaient en France et dans les Dom-Tom. Le Conseil de la concurrence a enjoint les deux majors de décroiser leurs filiales, en saisissant Mme Christine Lagarde du problème en 2008. Le processus a abouti en 2010, au terme d’un partage des exfiliales communes entre les deux groupes. A Marseille la SEM, aujourd’hui filiale de Veolia, a conservé l’eau potable, l’assainissement étant géré par la SERAM, ancienne filiale de la SEM faisant partie désormais de Lyonnaise-Suez. Deux contrats qui arrivent à échéance respectivement en 2013 et 2012. Le contrat d’affermage pour la gestion des services publics de production et de distribution d’eau entre la SEM et la ville de Marseille, (avec alors à sa tête Gaston Defferre), et désormais avec la communauté Urbaine Marseille Provence Métropole depuis le transfert de compétences, a été signé en 1960, et prend fin le 31 décembre 2013. Une particularité de cette structure est que le maire de Marseille exerce un droit de veto sur la nomination du Président. Plus de 80 collectivités des alentours de Marseille sont clientes de la SEM et une péréquation sur les coûts peut être effectuée de manière à ce que les usagers n'aient pas de différences de prix trop importantes d'une commune à l'autre – c'est souvent Marseille qui soutient en ce sens (support technique, soutien financier) les nombreuses petites communes des alentours. La SEM a mis en place un ensemble d’entreprises formant le Groupe des Eaux de Marseille qui gère une grande partie des services publics locaux (assainissement, déchets, éclairage public, informatique). Elle s'est également développée à l'international en concluant ces dernières années au Maghreb et en Amérique latine plus d’une centaine de contrats qui portent sur de l’assistance technique, la réfection et l’extension des réseaux d’eau potable et d’assainissement et leur gestion informatisée. Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 66
A Marrakech par exemple, la Société des Eaux de Marseille était en concurrence avec ses deux grands actionnaires historiques, Suez et Veolia. Elle intervient également à l’étranger grâce à sa cellule d’intervention d’urgence et de développement « Waterhelp » (experts travaillant au sein du Groupe prêts à intervenir et matériel d’urgence) à la suite de catastrophes. Le Conseil Mondial de l'Eau (CME) Le CME est une organisation internationale (association loi 1901) qui rassemble près de 400 organisations à travers le monde. L’adhésion en est ouverte à toute organisation ayant un intérêt dans le domaine relié à l’eau, à tout niveau administratif de gouvernance (national, provincial ou municipal) : les organisations des Nations-Unies ; les associations professionnelles ; les instituts de recherche et les universités ; le secteur privé et l’industrie ; les agences de développement et les institutions financières internationales ainsi que les ONGs. A la suite de la conférence des Nations Unies sur l'eau de Mar del Plata (Argentine), en 1977, une prise de conscience s'est progressivement opérée de la nécessité de disposer d'un espace de rencontres et de réflexion : constat qu'un certain nombre de conférences internationales rassemblant des "professionnels de l'eau" se tenaient sans que les politiques y aient vraiment leur place. C'est au début des années 1990 (conférence des Nations unies pour l'environnement et le développement de Dublin et Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en1992) que le projet s'est construit. La nécessité de disposer d'un lieu où puissent se rassembler et se rencontrer la communauté internationale, et notamment les décideurs dans un cadre qui ne soit pas intergouvernemental afin de garder de forts moyens d'action aboutit à la création juridique du Conseil Mondial de l'Eau en 1996, par plusieurs institutions internationales - Unesco, Programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD), Banque mondiale, Association internationale sur les ressources en eau (IWRA), Commission internationale des irrigations et du drainage (CIID), Association internationale de l’eau (IWA), notamment. Une forte appétence pour un siège sur la Méditerranée permet à Marseille de remporter le challenge. Loïc Fauchon rappelle que la mission du CME est d'être la voix de l'eau en direction de ceux qui décident, une plate-forme de dialogue avec pour objectif principal de mettre l’eau et l’assainissement en haut de l’agenda politique et d’en faire une priorité pour les décideurs. D'autre part, il souligne que le système onusien est très lourd et très complexe. Un besoin réel existe pour les agences de travailler avec les communautés de l'eau et les communautés politiques, que celles-ci leur fassent remonter des propositions. Il est regrettable que l'eau ne soit pas dans l'agenda du Rio + 2020, et le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, que Loïc Fauchon a rencontré récemment en octobre 2010, souhaite que, préalablement à ce sommet, des propositions sur l'eau soient travaillées de manière à ce qu'elles puissent y être présentées. Il a demandé au CME de s’associer à la préparation du Sommet de Rio + 20 et de contribuer à l’émergence d’une croissance verte lors du 6ème Forum mondial de l’eau. (Le Conseil 20 L'Assemblée générale des Nations
Unies a décidé d'organiser un suivi de la Conférence des Nations Unies de 1992 sur l'environnement et le développement tenue à Rio de Janeiro (communément appelé le " Sommet de la Terre "). Le Brésil sera de nouveau hôte de la " Conférence des Nations Unies pour le développement durable 2012 ", appelée Rio +20.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 67
économique et social des Nations Unies a délivré un statut d'observateur au CME, ce qui lui permet d'y disposer de représentants officiels.) L'organisation du CME Le Conseil mondial de l'eau compte près de 400 membres, l'adhésion est ouverte à toute organisation ayant un intérêt pour les problèmes liés à l'eau. Tous les membres actifs ont les mêmes droits et les mêmes obligations, chaque membre détenant une voix. 70 états ont adhéré au CME, la Chine et la Corée l’ont rejoint récemment, l'Inde ne devrait pas tarder. Dans le conseil d'administration figurent les plus grands, ce qui permet un tour de table des plus intéressants. Aucun des états n'a jamais demandé la transformation de la structure en organisation intergouvernementale, tout le monde se félicitant de la liberté de ton et d'échanges, de la flexibilité qu'elle autorise, l'objectif commun étant d'améliorer l’accès à l’eau dans les différentes régions du monde, de proposer des recommandations en ce sens, et de générer l’action. Le CME est organisé en cinq collèges : - Institutions intergouvernementales - Gouvernements et autorités nationales et locales - Entreprises - Organisations de la société civile et associations de consommateurs - Associations professionnelles et institutions académiques Il y a un quota minimum d'élus par collège au conseil des gouverneurs (conseil d'administration), chaque collège est ainsi sûr d'avoir une représentation. L'élection se fait au suffrage de tous les membres disposant d'un droit de vote aux assemblées (fondateurs, constituants et adhérents), à bulletin secret. Les agences onusiennes se présentent elles-aussi au suffrage universel, elles ne sont pas membres de droit. Font partie du conseil des gouverneurs pour la partie française le Cercle français de l'eau, l’académie de l’eau, l'Agence de l'eau Seine-Normandie, la ville de Marseille (siège statutaire car ville-siège du Conseil), la Société des Eaux de Marseille. Tous les trois ans, le conseil co-organise avec un couple Ville-Pays, le Forum Mondial de l’Eau (FME). Le 1er forum a été organisé à Marrackech en 1997, puis il y a eu La Haye, Kyoto, Mexico. Le dernier FME s'est tenu à Istanbul en mars 2009. Il s'agit d'œuvrer ensemble en impliquant un maximum d'acteurs dans la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement fixés par les Nations Unies. Lab- Quelle analyse de l'expérience résultant de toutes ces années d'implication sur la question de l'eau ? Le temps de l’eau facile est révolu. Loïc Fauchon estime qu'il faut partir de la situation faite à l'eau, globalement pas très bonne et qui ne s'améliorera pas. Non pas tant à cause du climat mais de l’explosion démographique, de l’urbanisation excessive et anarchique dans des méga-cités de plus en plus grandes avec des besoins croissants en eau, du phénomène de littoralisation croissant qui exerce lui-aussi des pressions croissantes, de l’augmentation du niveau de vie et de manière
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 68
générale la croissance, qu’elle soit industrielle ou domestique, source de pollutions de toutes sortes. La mauvaise qualité ou l’absence d'eau tue 10 fois plus que les guerres. Elle est un obstacle aux politiques de santé et d'éducation. Le président du CME estime par ailleurs que les solutions lient sans cesse l'énergie et l'eau. Or la situation est très préoccupante : on ne sait pas si l'on aura suffisamment d'eau pour tout le monde dans les années qui viennent, et notamment aussi car la ressource est mal répartie. Première consommatrice d’eau : l'agriculture. Nul n'est à l'abri de problèmes concernant l'eau : c’est l’exemple de la Californie où le fruit de décennies d'imprévoyance a conduit à une pénurie d'eau exigeant des mesures drastiques d'économie : une baisse de 15 % de la consommation a été décidée. Celle-ci aurait de fait atteint 12 % mais au prix de gros efforts, entraînant du chômage (agriculture). Loïc Fauchon dénonce ainsi le fait que depuis des années on ait privilégié des politiques d'accroissement de l'offre en eau et se montre favorable à des politiques de régulation de la demande afin d'encourager comportements citoyens et économies d'eau. Ce qui signifie revoir les politiques agricoles, changer les habitudes alimentaires. La France ne peut échapper à une telle politique de régulation de la demande. Dans les pays en voie de développement, il a été bien compris qu'il fallait en même temps réguler la demande, en priorité vers l'agriculture (80 à 90 % des consommations d'eau concentrées sur l'agriculture). L’Algérie, par exemple, a mis en place l’un des plus importants programmes au monde par habitant pour sécuriser la ressource en eau et la distribuer à la population. Mais il lui faut maintenant gérer correctement cette distribution. Le Maroc fait partie, parmi les pays émergents, du peloton de tête dans la course à l'accès à l'eau, avec des moyens très importants consacrés à l'eau et à l'assainissement depuis 20 ans. Le pays a eu une politique des ressources, mais aussi une politique de distribution et d'accès à l'eau qui ont permis en une quinzaine d'années, à la quasi-totalité de la population marocaine d’avoir accès à l'eau. Cependant, dans certaines régions, comme Agadir au Maroc ou le sud de l’Espagne, les choix hydrauliques qui ont été faits ne sont pas toujours judicieux. Leurs ressources ne suffisent pas pour les besoins qu’ils ont créés. Le programme hydrologique national espagnol (PHN) voulait ainsi transférer des quantités d’eau très importantes de la région de l’Ebre, via un gigantesque aqueduc, vers l’extrême sud de l’Espagne. La raréfaction de l'eau doit aussi amener à réfléchir sur le concept d'eau virtuelle, autrement dit l'évaluation de la quantité d'eau nécessaire pour produire un bien en prenant en compte toute la chaîne de production. Un kilo de bœuf équivaut à 1 350 litres d'eau, 1 kilo de volaille à 4 100 litres. Les stratégies de développement économique et de coopération devraient s’élaborer en tenant compte de cette donne. Lab – Si l’eau et l’énergie vous semblent désormais devoir être liés, qu'en est-il des rapprochements induits entre Veolia / EDF ? Pour Loïc Fauchon, c'est là une vision très franco-française.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 69
Cela fait plusieurs décennies que les appels à l'attention, les avertissements ont été lancés. Le climat sert de bouc émissaire – ce qui ne veut pas dire que le climat ne va pas aggraver le problème. Le GIEC a été et reste extrêmement prudent. Il est certain que la 1ère ressource impactée est l'hydraulique. La solution à l'échelle du monde, c'est par l'action publique. Il faut faire cheminer les politiques hydrauliques et énergétiques ensemble, qu’elles avancent de façon coordonnée. Il s’agit aujourd’hui de ne plus parler d’un paquet eau-climat mais d’un paquet eau-énergie dans la négociation climatique. Pour le développement, il faut mettre autant d’argent sur l’eau que sur l’énergie. Proposer que tous les plans climats, nationaux comme locaux, qui sont essentiellement énergétiques, soient désormais des plans énergie et eau, et plus largement ressources rares. Ce sont bien les politiques publiques qui élaborent les plans. Lab – Mais si c’est pour avoir deux sociétés multinationales qui se renforcent pas ce biais, n’est-ce pas dommageable ? Ce ne sont pas seulement 2 sociétés multinationales qui se renforcent. Il y a énormément d’initiatives de PME dans le secteur de l’énergie (les économies d’énergie, l’éolien, le solaire…). Il y a là un formidable gisement pour les entreprises, de toutes tailles. Un exemple intéressant avec le Maroc : les Marocains sont tout à fait capables de gérer leurs affaires eux-mêmes. La gestion privée n’y est présente qu’en délégation de service. Le directeur des régies et services concédés au ministère de l’Intérieur, Hamid Kadiri, a récemment déclaré que le Maroc avait bien appris du privé et travaillé avec plaisir avec lui, mais qu’il était temps de faire seuls maintenant. C’est déjà vrai pour l’éolien. Lab- N’y a-t-il pas une impéritie des états ? L.F.- Notre regard est parfois un peu trop néocolonial, il y a également des avancées qu’il faut souligner. Le droit international fait de petits pas. Il faut avoir beaucoup de modestie. En France, il y a un million de personnes qui ne sont pas à égalité d’accès à l’eau. En 2003, à Kyoto, lors du Conseil national de l’eau qui milite pour que le droit à l’eau soit reconnu comme un élément essentiel de la dignité humaine, le jour de la déclaration pour la reconnaissance de l’accès à l’eau potable comme un droit humain nécessaire, se sont déroulés les bombardements des stations d’eau et d’épuration à Bagdad. Le droit à l’eau commence là. En juillet 2010, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution reconnaissant l'accès à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit humain. Il est nécessaire de prendre des mesures symboliques telle l’inscription du droit à l’eau dans la constitution. Et des mesures concrètes : un accroissement significatif des ressources financières affectées à l’accès à l’eau potable et à l’assainissement est indispensable. Il faudrait de 50 à 100 milliards de
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 70
dollars par an au cours des sept prochaines années (paquet eau-énergie) pour atteindre, en 2015, les objectifs du Millénaire. Cela, en fait, ne représente que de 7 à 15 € par personne par an. C’est beaucoup moins que le téléphone portable que l’on retrouve, lui, jusqu’au nord du Mali. Faisons autant pour l’un que pour l’autre ! Les financements innovants ne sont qu’une petite partie de la question. Pour les grandes structures internationales, il faut que ce soit la communauté internationale qui mette de l’argent sur les investissements. La péréquation entre les pays les plus riches et les plus pauvres est indispensable, ces derniers n'ont pas les moyens de financer leurs infrastructures. Qu’ils paient le fonctionnement de celles-ci serait un premier pas. Car la gratuité n’est pas une solution. Et les gens sont prêts à payer lorsqu’ils connaissent la gestion et sont sûrs du bon fonctionnement. Lab- Faudrait-il créer de nouvelles clauses de conditionnalité pour le financement de l’eau ? L.F.- Une petite avancée des banques depuis le Forum de Mexico : clause de reconnaissance d’un certain nombre de collectivités locales qui peuvent avoir des garanties de paiement, ce que l’on appelle la sous-souveraineté. A commencer par le Maroc. En effet, les banques commerciales et les investisseurs internationaux ont des interventions très limitées dans les pays émergents, dont les économies ne sont pas encore stabilisées et les investissements sur de longues périodes sont exposés à des risques politiques et financiers multiples. Très souvent, les autorités en charge de la distribution de l’eau ou de l’assainissement sont des villes ou des collectivités locales dont les investissements dans ce secteur n’obtiennent pas toujours des garanties gouvernementales susceptibles de limiter les risques politiques et de permettre l’intervention d’institutions financières internationales. Echec de Copenhague : on n’a pas voulu voir les réalités, et on s’est laissé porter par un élan très généreux de protection de la planète. Copenhague a été une humiliation totale pour de nombreux gouvernants. On dit que la solution c’est une diminution des effets de serre et un fonds pour les pays pauvres. Mais personne n’apporte d’argent. On est dans un processus où ce qui passe en premier sont les aéroports et le téléphone. Le discours « le public n’est pas à la hauteur, le privé pourrait faire » est un discours en perte de vitesse. C’est l’investissement public qui est nécessaire. C’est ensuite à la puissance publique aussi de déterminer son mode de gestion. Sur la question des mégalopoles Sur le plan de l’urbanisation, les mégalopoles des pays en développement sont des bombes sanitaires. Et le problème va en s’aggravant. Il s’agit d’une question un peu plus de l’ordre de l’épuratoire que de la ressource, un problème de production de la qualité. On est très désarmé. Les émergents on le revolver sur la tempe. Ainsi, il y a 3 000 kilomètres de canalisations pour amener l’eau à Pékin. Les Algériens font de grands transferts d’eau actuellement. Mais que faire ? Quelles autres solutions que de pomper plus profond ou d’effectuer des transferts d’eau ?
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 71
Lab- Le CME n’est pas la totalité des pays, il véhicule un esprit néo-colonial. Il ne représente pas l’ensemble des usagers, même s’il s’est un peu rééquilibré ces dernières années. Mais il y a trop d’institutionnels. Est-ce que pour 2012 il sera possible d’avoir des débats plus contradictoires, représentant mieux le spectre international ? Loïc Fauchon rappelle que le CME est organisé en 5 collèges. Il y a 17 % d’ONG et 25 % d’entreprises publiques et privées au conseil d’administration. Les entreprises privées ne détenant que 3 sièges. Sur le financement du CME : - les entreprises privées représentent 2 % du financement - les entreprises publiques 5 % - les gouvernements et autorités locales, 80 % S’agissant du Forum mondial de l’eau, celui-ci est co-organisé par le CME et le couple FranceMarseille. Loïc Fauchon a souhaité se tenir en retrait concernant la structure d’organisation dédiée, le Comité International du Forum, en ne la présidant pas. Le Forum est présidé par le vice-président brésilien du CME, Benedito Braga. Marseille 2012 sera un « Forum des solutions ». Appellation qui a interpellé un certain nombre de personnes au départ, mais qui est aujourd’hui plébiscitée : chacun, partout, doit être porteur de solutions. Il s’agit tout à la fois de formuler des propositions concrètes, de favoriser l’émergence d’actions et de solutions tout en suscitant un engagement politique réel et durable. Il y a d’ores et déjà une grande richesse des débats. En France Ce n’est pas la question public/privé qui est prioritaire, c’est un faux débat. Le problème majeur, c’est la menace quantitative et qualitative. On assiste à un désengagement de l’État. Notre modèle à bout de souffle ? 1- Agences de l’eau : l’ensemble du système des bassins vit au dessus de ses moyens, et ceci est une réalité pour la totalité des bassins. On note par ailleurs des déficits très importants, notamment dans le bassin Adour-Garonne. On ne fait plus de stockage d’eau depuis des années. Il y a un problème de pollution des nappes. L’État fait la réponse : ça ne marche pas bien ? On va donc vers la disparition des bassins. 2- Le vieillissement de l’ensemble du réseau demande des investissements dont on n’a pas le premier centime. En matière d’infrastructures de l’eau, il faut travailler à 50 ans et non à 20 ans, etc. En France, nous comptons 30 000 communes de moins de 1 000 habitants. L’intercommunalité va aider en permettant de mieux mutualiser.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 72
L’ingénierie publique a malheureusement peu à peu disparu. On regrette les DDE et les DDA. Mais on a une bonne ingénierie privée. Pourquoi ne pas mutualiser des villes qui ont une structure d’ingénierie solide vers l’extérieur, le département ? Le cas de Marseille : deux groupes privés pour une grande ville, c’était une très belle formule, qui fonctionnait très bien. Le P-DG est désigné par le maire, il n’appartient à aucun de ces groupes. On peut noter d’ailleurs qu’il y a quelques années, la Chambre Régionale des Comptes avait constaté l’illégalité du système mais n’a pas souhaité sa disparition, reconnaissant que c’était un facteur d’équité, favorable aux usagers. Cela permet une maîtrise du prix et des investissements, essentielle pour la collectivité. C’est la capacité managériale qui est laissée au privé. La marge de manœuvre est laissée au délégataire à discrétion des élus. Concernant le nouveau statut des SPL, Loïc Fauchon considère qu’il s’agit là d’un scandale. C’est le faux nez d’une régie sans avoir à en respecter aucune des règles (blanc seing donné à la collectivité), mais le maire est plus exposé que dans une régie. Où doit se situer la régulation ? Doit-elle être nationale dans un pays décentralisé ? Ce n’est pas sûr. Il y a un vrai problème d’égalité de l’accès à l’eau concernant un million de personnes. Loïc Fauchon estime qu’il faut que l’aide qui leur est apportée se fasse au niveau du CCAS des communes et intercommunalités et non du FSL. Le CCAS est au plus près du terrain et permet une meilleure analyse des situations personnelles et plus de justice. Il se dit favorable à un effort social fort et à une allocation minimale par habitant pour ceux qui ne peuvent pas payer. Comment faire évoluer notre technostructure ? On constate : - un déficit de compétences, - un déficit de technostructure – la disparition des corps d’État prive les élus locaux d’un appui important, - il y a-t-il ou pas un déficit de démocratie ? Les élus font-ils suffisamment d’efforts par eux-mêmes ? Font-ils le chemin nécessaire vers les citoyens pour leur expliquer les dossiers ? Mieux le citoyen est informé, mieux il défendra notre modèle de gestion. Il faut que les élus portent le service public. Quel nouveau modèle économique ? Nous avons une baisse de la consommation des usagers. D’un autre côté, les exigences normatives avec des pressions de l’Union européenne notamment, ne cessent d’augmenter. Il y a un choix de société à faire. La marge de manœuvre financière d’un gouvernement n’est pas simple. N’en fait-on pas trop dans ce domaine de l’épuration qui nécessite des investissements très importants, alors que pendant ce temps notre système éducatif, notre système hospitalier sont en train de se détériorer complètement ? Il faut faire des choix. Faisons-nous les bons ?
__________
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 73
17 janvier 2011
Audition de Guy PUSTELNIK, directeur d’EPIDOR (EPTB Dordogne)
Guy Pustelnik : En préambule, il faut s’accorder sur le fait que la situation qualitative et quantitative de l’eau en France n’est pas satisfaisante, comme le montrent l’état des lieux réalisé pour mettre en œuvre la directive cadre sur l’eau ou les rapports scientifiques produits sur ce thème. L’un des problèmes réside d’ailleurs dans la négation de certaines réalités concernant l’état des eaux ou dans la posture largement répandue considérant que des efforts étant faits, le problème est maitrisé, confondant par là-même moyens et résultats. Une meilleure prise en compte de la question de l’eau en France relève d’une décision du politique : une forte volonté politique doit être affichée pour donner la priorité à ces problématiques. Observons d’ailleurs, que par bien des aspects, la gestion de l’eau doit être envisagée au niveau international et dépasser le point de vue franco-français trop souvent considéré, par nous-même, comme un modèle intangible et qui donc, in fine, se révèle parfois être un carcan. Un renouvellement des idées, passant peut-être par un renouvellement des générations, doit certainement être impulsé en France, comme dans les forums mondiaux. Il faut noter, c’est intéressant, que les problèmes dont nous débattons sont partagés. L’un des problèmes majeurs, réside dans le lien étroit entre gestion de l’eau et aménagement du territoire. Il est regrettable que l’on continue à ne pas le considérer à la bonne hauteur. La gestion de l’eau reste un débat réservé aux spécialistes ; ce que l’on appelle aujourd’hui la « waterbox ». Or, l’eau que nous utilisons tous, que l’on peut caractériser par les paramètres quantité et qualité, est le résultat de toutes les activités qui se développent sur les bassins versants, agricoles, industrielles, urbanistiques.... Tant que l’on n’aura pas réussi à instaurer une transversalité forte et obligatoire entre les différentes composantes de l’aménagement du territoire, qui doit conduire à réexaminer le fondement même de ces politiques à travers le prisme de l’eau, on n’aura pas de politique de l’eau digne de ce nom. Cette séparation des débats et des décisions aboutit à des effets pervers comme l’externalisation de certains coûts liés, par exemple, à la réparation des impacts des activités : certaines pratiques polluent l’eau (politique agricole par exemple), mais c’est le consommateur qui paye la potabilisation (politique « alimentation en eau potable »)… Tant que l’on a de l’énergie et de l’argent, la technique permet de s’en sortir ; mais est-ce une solution durable et équitable ?
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 74
Il est dommage que le lien entre l’aménagement du territoire, le développement d’activités diverses et le potentiel du territoire à les accueillir durablement, se soit affaibli en même temps que disparaissait le commissariat général du Plan. Au contraire, il faudrait, comme l’a demandé à plusieurs reprises M. Bernard CAZEAU, président de l’Association Française des EPTB, instaurer une loi Fleuves qui compléterait les lois Montagne et Littoral, qui existent déjà. En l’absence d’un tel texte, la politique de l’eau se fera donc, de mon point de vue, à l’extérieur de l’eau, en travaillant sur les politiques agricoles ou industrielles ; mais ce sera plus difficile. Il existe une confusion récurrente entre milieux aquatiques et ressource en eau. Qu’est-ce qu’une ressource ? C’est la partie d’un milieu aquatique dont on peut faire un usage quelconque. Si l’on a des milieux aquatiques en bonne santé, il est clair que l’on pourra identifier une partie utilisable – par des usages consommateurs, par d’autres qui ne le sont pas, par des usages qui auront un impact sur la qualité, d’autres qui n’en auront pas. L’objectif étant pour le gestionnaire de maintenir les compatibilités. Dans des milieux affaiblis, dégradés, la ressource sera inutilisable car de mauvaise qualité ou inexistante. Il faudrait ainsi instaurer une politique des milieux aquatiques allant bien au-delà d’une seule politique de la ressource en eau. Ce serait beaucoup plus efficace pour obtenir de l’eau de qualité et en quantité. A noter aussi que la technique ne peut résoudre tous les problèmes, par exemple ceux posés par les polluants dits émergents ! A partir du moment où on dispose d’une ressource, on peut la gérer. Gérer la ressource en eau revient à organiser les usages de l’eau. C’est pourquoi, il est essentiel de réussir la gestion des fleuves, des rivières et des nappes. La question de l’agriculture et des pollutions qu’elle engendre est très cruciale. Un sol n’est pas un simple substrat que l’on doit drainer, amender, irriguer. Cette vision simpliste a abouti, via l’usage intensif d’intrants de toutes sortes, à une situation périlleuse pour nos sols qui ne sont pratiquement plus en état de produire de façon spontanée. Cela aboutit également à favoriser localement le développement de cultures inappropriées au regard de leurs besoins en irrigation et de la disponibilité de la ressource en eau. Ces logiques conduisent les consommateurs à surpayer une ressource simplement parce qu’on la surexploite et la pollue d’une façon irréversible. Le pire est peut-être devant nous, car ce sera dans 20, 30 ou 40 ans, que l’on aura atteint le pic « d’efficacité » de toutes les pollutions que l’on a mis et que l’on met encore dans nos nappes. Elles accélèrent l’enrichissement de tous nos cours d’eau en fertilisants ; on voit apparaître des phénomènes comme l’eutrophisation avec des cyanobactéries qui empêchent finalement le développement d’autres activités, comme le tourisme. Il ne s’agit pas d’attaquer l’agriculture mais de mesurer lucidement les effets d’une certaine forme d’agriculture qui a des impacts écologiques et sociaux. Le rapport Lefeubvre21 le montre : 21 Rapport
du Museum d’Histoire naturel dirigé par Jean-Claude Lefeuvre en 2005
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 75
on n’a plus sur le territoire Français une seule nappe qui soit exempte de pollutions. L’atteinte des objectifs de la directive cadre sur l’eau est jugée très difficile. Il ne faut pas se tromper de sujet en cédant par exemple aux sirènes du moment qui mettent en avant la « continuité écologique ». Il faut s’intéresser au développement d’une agriculture qui soit compatible avec la réalité de nos ressources22. L’intérêt collectif doit prévaloir sur des intérêts individuels, court terme ou corporatistes. La politique européenne doit en la matière montrer le chemin. Les agences de l’eau Les agences de l’eau sont des acteurs importants en particulier parce qu’elles mobilisent le levier financier. Mais, elles ne sont pas seules à le faire. Sans la participation des départements, des régions et des communes, il n’y aurait plus de politique de l’eau en France. Ces contributions doivent être mises en avant plus qu’elles ne le sont aujourd’hui, car c’est une composante du modèle français de gestion de l’eau. C’est aussi une forme efficace de décentralisation. Il faut aussi remarquer que les agences de l’eau sont installées à l’échelle de vastes districts qui ne sont des bassins hydrographiques. Pertinence de l’agence de l’eau, de son fonctionnement -
Sur l’aspect conceptuel • Le principe pollueur-payeur est louable mais son application laisse à désirer notamment pour ce qui concerne l’agriculture. Le coût d’une matière première aussi importante que l’eau n’est pas intégré à la bonne hauteur dans les coûts de production. • Le système actuel de redistribution n’est-il pas finalement une prime aux mauvais élèves, les pollueurs touchant plus que les pollués ? A minima, les aides à la dépollution devraient être accompagnées d’une application stricte du droit de l’eau basée sur une police de l’eau efficace. • Les politiques financières des agences de l’eau ont-t-elles vraiment donné leur mesure en incitant ceux qui polluent à dépolluer, ceux qui consomment trop à économiser la ressource ? Les débats qui se développent aujourd’hui autour de la mise en place des organismes uniques (l’État veut créer sur chaque territoire un organisme unique qui répartit les volumes d’eau pour l’irrigation agricole entre irrigants) illustrent que le prix très peu élevé de l’eau prélevée pour l’irrigation n’incite pas à gérer cette ressource avec la parcimonie qui s’impose partout mais même dans les bassins « déficitaires ».
Aujourd’hui, 100 % des eaux souterraines utilisées pour l'alimentation en eau potable en Artois Picardie sont classées à risques. Les eaux du bassin Loire Bretagne sont atteintes à plus de 35 %, celles du bassin Rhin Meuse à 45 %. Les eaux souterraines du bassin Seine Normandie sont polluées à 83 %.
22
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 76
Marc Laimé- fait remarquer que lorsque le ministère envoie à Bruxelles une proposition aux termes de laquelle on va continuer à financer les retenues collinaires, non pas pour faire de l’irrigation mais au titre de la préservation de la qualité du milieu, cela n’est pas acceptable. G.P. - confirme et évoque le fait que Ségolène Royal, présidente du conseil régional PoitouCharentes, a réagi très vigoureusement auprès de l’agence de l’eau Adour Garonne qui souhaite financer jusqu’à 70% certaines retenues collinaires, ce qui revient finalement à pousser le développement de la maïsiculture et à externaliser certains coûts de production. Dans l’organisation de la société, il y a une balance théorique entre trois piliers : le réglementaire, le financier, le contractuel. ‐ le réglementaire peine à s’appliquer, en France, comme il le devrait. La police de l’eau était déjà très affaiblie et l’ONEMA risque de beaucoup se mobiliser pour faire du reporting vis-à-vis des politiques européennes au lieu d’être sur le terrain. ‐ le financement, on vient d’en voir les limites. ‐ le contractuel ne peut produire des résultats suffisants s’il ne s’appuie pas sur des leviers financiers et réglementaires performants. Les agences de l’eau devraient orienter leur politique sur du prospectif et du préventif au lieu de mobiliser beaucoup de moyens sur des actions curatives et la résorption d’impacts qui sont très coûteuses. Il vaudrait mieux accompagner les projets qui vont plus loin que la réglementation. Sur l’organisation : Les agences de l’eau, qui animent les comités de bassin, ne se mettent pas en situation de mieux impliquer les élus. Le fonctionnement des comités de bassin ne permet pas la formation d’un projet politique maturé au sein des collectivités territoriales et son expression dans les instances de bassin. Pendant un temps, l’agence de l’eau Adour-Garonne a ciblé, à la demande de l’Etat, ses aides sur la politique ERU, mettant ainsi les collectivités rurales dans de grandes difficultés financières sans qu’un réel débat se soit tenu au sein du comité de bassin. Cet exemple montre que, dans le contexte actuel, pour un élu, un mandat au sein des instances de bassin n’est pas très valorisant. M.L.- Remarque que des signes d’une meilleure concertation entre associations et élus se dessinent toutefois dans certains comités de bassin. G.P.- La méthode de consultation adoptée pour la préparation du SDAGE, la prise en compte des avis recueillis ont été décevantes. Le pouvoir financier ne suffit pas à faire adhérer. Pour faciliter les échanges avec les organismes extérieurs, les agences de l’eau devraient favoriser un brassage plus grand au sein de leur personnel. La démocratie de l’eau, le parlement de l’eau devraient être mieux organisés par les agences. Pourtant, avec Bernard Barraqué, je pense que le schéma
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 77
théorique qui repose sur le principe pollueur-payeur, le levier financier pour orienter, le comité de bassin pour représenter, est bon. Cela pourrait marcher. Pascal Bonnetain- fait remarquer que les deux instances CLE (commission locale de l’eau) et comité de bassin, fonctionnent sur des schémas identiques, mais avec des répartitions différentes sur leurs collèges : dans la CLE, 50 % d’élus, il est obligatoire que le président soit un élu et il n’y a que les élus qui votent pour sa désignation. Alors que dans le comité de bassin, les élus ne sont qu’un tiers et les usagers votent pour la présidence ce qui change totalement l’équilibre. C’est une instance compliquée à gérer pour un politique qui doit se bagarrer ou composer avec tout le monde, fermiers, associations d’usagers, associations de consommateurs, EDF,… ce n’est pas très bon pour lui politiquement. Pourquoi ne pas calquer le fonctionnement du comité de bassin sur celui de la commission locale de l’eau qui marche très bien. Les élus décident, les usagers donnent leur assentiment, c’est politiquement correct car l’eau est financée à 85 % par les usagers. M.L.- Mais peut-on vendre cela aux usagers ? Pour eux les élus se sont disqualifiés. G.P.- Un autre aspect est à prendre en compte : au départ, la loi de 1964 prévoit une agence de l’eau et un comité de bassin séparés. Il y a, aujourd’hui, un rapprochement voire une confusion complète entre le comité de bassin et la technostructure de l’agence de l’eau qui prépare les dossiers pour le compte de ce même comité. On aurait pu imaginer qu’une DRÉAL, en tant qu’organisme animant une réflexion structurante en termes d’aménagement du territoire, serve de conseil au comité de bassin plutôt que la technostructure de l’agence qui serait plutôt là pour appliquer les décisions du comité de bassin. Cela ne s’est jamais fait ainsi. Ce qui fait qu’aujourd’hui il y a une prégnance totale de la technostructure de l’agence sur les orientations du comité de bassin. Renforçant cette réalité, plus le président est un élu de haut niveau, plus cela donne de poids à la technostructure de l’agence. On pourrait fort bien imaginer : ‐ un comité de bassin qui réfléchit réellement sur les besoins, via une capacité de réflexion autonome et avec un effort important pour démocratiser son fonctionnement, ‐ un conseil d’administration qui exécute. Dans la loi de 1964, la séparation des pouvoirs était parfaitement limpide. Le rapport récent de la Cour des comptes sur les instruments de la gestion durable de l’eau montre clairement les limites du fonctionnement actuel.
Les EPTB (Établissement Public Territorial de Bassin) La loi de 1964 prévoyait trois niveaux : une agence financière, un comité de bassin et un établissement public de l’État. Pour différentes raisons, l’État n’a jamais voulu s’engager dans la maîtrise d’ouvrage. L’idée de décentralisation devait certainement être déjà sous-jacente. Ces établissements publics maîtres d’ouvrage sur l’eau n’ont finalement jamais été créés.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 78
Les EPTB jouent ce rôle de maître d’ouvrage. Ils sont nés de façon très hétérogène, et sur différents sujets. La gestion des fleuves et rivières était à cette époque peu prise en considération et il a fallu monter, convaincre, pousser dans un domaine qui n’était pas une priorité. Les EPTB se sont créés en réponse à une vraie commande, à une vraie réalité de terrain. Certains sont nés à la demande des agences de l’eau, parce qu’il y avait besoin de faire des barrages ou de mettre en place des solidarités financières à grande échelle. D’autres sont nés sur des thèmes divers : l’EPTB de la Loire s’est constitué pour faire face aux inondations, celui de la Dordogne (EPIDOR) est né de l’idée qu’il fallait se mettre en situation de gérer les usages plutôt que d’avoir à gérer les conflits. EPIDOR a été mobilisé sur de multiples thématiques, et touche tous les domaines de la gestion de l’eau : les étiages, les inondations, les poissons migrateurs, les zones humides… . Il aborde tous les aspects liés à la gestion de l’eau. Chaque EPTB a son histoire. La philosophie de départ est une notion de travail à grande échelle : l’eau coule, et on ne peut pas traiter des étiages, ni des inondations, ni des poissons migrateurs, qui sont par définition des questions interdépartementales, en travaillant à l’échelle locale. Il fallait vraiment aborder ces thèmes à l’échelle de la réalité des phénomènes. C’est là que le thème du bassin versant s’est imposé comme une évidence. La Dordogne traverse six départements et quatre régions. Or spontanément les départements ne travaillent pas entre eux, les régions ont des difficultés pour bâtir des programmes de travaux interrégionaux ; la carte politique est un obstacle majeur. C’est toujours l’État qui a réussi à imposer des plans fleuve. On a eu un plan Garonne, un plan Rhône, un plan Loire…, mais il devrait y avoir des plans sur la totalité des grands fleuves et des rivières. Les régions ne se sont jamais suffisamment engagées sur ces questions. Or, elles en ont la compétence. Bien que les régions investissent énormément dans les retenues collinaires, les poissons migrateurs et qu’elles sont des partenaires importants pour les EPTB, elles n’ont jamais vraiment pu s’accorder pour bâtir des projets interrégionaux concernant l’eau. A travers les EPTB, nous réussissons à faire que tous ces élus se rencontrent, et discutent de la même chose. Les EPTB sont encore des outils récents, qui ont acquis depuis peu une autonomie et une reconnaissance législative. Ils font de la politique au sens interdépartemental, interrégional. Ils ont pris de l’importance, peut-être du fait de la recentralisation et de la technocratisation des agences de l’eau mais surtout parce qu’ils sont au service et administrés par des élus. Il n’y a aucune ambiguïté là-dessus. Les EPTB sont des institutions interdépartementales et des syndicats mixtes dans lesquels il y a les régions et les grosses agglomérations. On compte 24 EPTB en France. EPIDOR est formé par six départements, les quatre régions concernées étant invitées comme membres cooptés. L’EPTB Loire quant à lui s’est monté sous forme syndicat mixte et l’avenir serait plus à cette forme administrative, gage de stabilité, notamment dans le cadre d’une réforme territoriale. Cette forme administrative permet de regrouper toutes les collectivités territoriales intéressées par l’eau, l’aménagement du territoire en lien avec l’eau, la solidarité amont-aval... C’est un outil d’avenir en matière de territoire de l’eau, outil décentralisé et tenu par les élus, disposant d’une ingénierie technique et financière autonome tout à fait conséquente
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 79
avec des spécialistes dans tous les domaines (ingénieurs chimistes, géographes, hydrobiologistes… Par exemple, EPIDOR compte 23 personnes. Ces établissements publics permettent de concentrer une grande richesse d’informations et de données avec la connaissance immédiate des expériences qui viennent de partout - du Vidourle, de la Brêle, de la Loire… Le financement des EPTB Ce sont des outils assumés par les élus. Le fonctionnement des EPTB est assuré par les collectivités, pour des raisons d’autonomie. A EPIDOR, la totalité des salaires est prise en compte par les six départements. Pour nos actions, décidées de manière tout à fait autonome par nos conseils d’administration, nous bénéficions des aides des agences, parfois de l’État et de l’Europe. Nous travaillons avec les agences de l’eau. Les EPTB revendiqueraient d’être, encore plus, le bras armé de certaines politiques nationales – sur les inondations, sur la DCE par exemple... L’impact des EPTB sur la facture d’eau est faible. Les élus financent un investissement qu’ils jugent important et pour lequel on démontre une convergence entre les politiques publiques nationales et régionales. La gestion de l’eau est une politique publique qui est donc, en partie, financé par l’impôt. M.L.- L’EPTB est donc en capacité aujourd’hui d’assurer des missions que l’agence n’effectue pas, ou mal, et de proposer aux élus et aux collectivités locales ce que les services de l’État n’offrent plus aujourd’hui ? Avec la notion d’indépendance beaucoup plus grande vis-à-vis des donneurs d’ordre et de l’État ? G.P.- L’activité de l’EPTB vient en complément des politiques départementales. Il devient le bras armé d’une politique interdépartementale. La « bunkerisation » d’un département est ce qui pourrait y avoir de pire. La décentralisation a du sens car départements et régions sont capables de s’associer à l’échelle d’un problème à régler, de travailler à l’échelle interdépartementale et de traduire les exigences de bassin dans leur politique départementale. On travaille avec les services agricoles, les services eau des départements pour essayer d’orienter les politiques départementales en fonction des analyses qu’on leur propose et qui sont faites à plus grande échelle. L’EPTB est un lieu de débat pour toutes les collectivités. Les analyses réalisées par l’EPTB à l’échelle du bassin bénéficient à toutes les collectivités, dans le cadre de projets locaux, de PLU, de SCOT…. La pertinence de l’analyse augmente par ces allers-retours entre l’approche globale et l’approche locale. L’EPTB n’apparaît-il pas ainsi comme un agent avancé d’un Acte III de la décentralisation ? Si la compétence générale des départements tombait ce serait grave pour le politique de l’eau. Car avec des taux directeurs d’aide de 30/40%, les agences ne « font » pas seules la politique de l’eau en France. La politique de l’eau en France, ce sont aussi les collectivités (régions, départements, communes).
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 80
Les EPTB ont besoin de ressources propres pour remplir les missions que leur confie le code de l’environnement. Deux types de redevances existent : 1. Une redevance pour services rendus – mais elle est extrêmement compliquée à mettre en place (il faut identifier précisément les bénéficiaires, valoriser le service rendu et collecter le produit de la taxe…). Lorsqu’on intervient sur les milieux aquatiques (animation, prévention, protection, connaissance…), quel est le service direct, comment le chiffrer ? 2. Lorsqu’un SAGE est adopté (après 5 à 10 ans d’étude) et qu’il est porté par un EPTB, celui-ci peut mettre en place une redevance collectée par l’agence de l’eau qui la lui reverse. Elle couvre le fonctionnement de l’EPTB dans le cadre de la mise en œuvre du SAGE. C’est une mesure récente, que l’on est en train d’analyser. Est-ce pour payer l’animation du SAGE ? A ce moment-là, cela n’est pas suffisant. Si c’est pour financer certaines mesures du SAGE, pourquoi pas ? Mais cela va prendre 10 ans ! Guy Pustelnik ne croit pas que la « mesure Flajolet » soit susceptible de permettre une nouvelle emprise des grandes entreprises dans ce secteur de l’eau, malgré le schéma : EPCI – syndicat mixte – EPTB – nouvelle DSP. Car la redevance, c’est l’EPTB qui peut la percevoir, et elle ne peut pas représenter plus de 50 % du budget de fonctionnement de l’EPTB. Et pas de Veolia, même s’il délègue ce qu’il veut. D’autres inquiétudes seraient à prendre en compte : - Cas d’un syndicat qui porte un SAGE sur un bassin versant couvert par un EPTB. Le syndicat ne peut pas mettre en place la redevance car ce n’est pas l’EPTB qui va porter le SAGE. - Risque de substitution de l’aide de l’agence de l’eau, qui collecte la redevance pour le compte de l’EPTB, par le produit de cette redevance. - Risque de substitution de la participation des départements, qui connaissent des difficultés financières, par cette redevance. M.L.- Est-ce que la montée en puissance des EPTB, dans un dispositif déjà fragilisé ne risque pas d’accroître l’asymétrie territoriale ? G.P.- Il faudrait une cinquantaine d’EPTB pour couvrir le territoire d’une façon intéressante. La question a été travaillée avec le Ministère en charge de l’écologie. Il ne faut pas balkaniser le territoire en multipliant les « petits » EPTB ; c’est un vrai risque, car l’intérêt majeur d’un EPTB c’est de garantir la cohérence de l’action publique et la mutualisation de moyens à l’échelle de grands territoires.
Il faut aussi parler des syndicats de rivière. Il a beaucoup été question des ÉPAGE « Établissement public d'aménagement et de gestion de l'eau », qui est un concept récent. Beaucoup de départements, poussés par les agences de l’eau, ont créé et soutenu des syndicats de rivière à l’époque des emplois aidés (CES, emplois jeunes…). A cette époque, le dogme était qu’il fallait « entretenir les rivières ». En fait, il faut privilégier le contraire: il ne faut quasiment
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 81
rien faire sur une rivière, tout biologiste s’inscrit contre l’intervention sur les cours d’eau. En terme d’écologie, plus le cours d’eau est inaccessible, plus il est protégé. C’est le principe de « non-intervention ». Aujourd’hui, plus personne ne croit sérieusement qu’il faut « entretenir » les rivières ; mais ce dogme sert à sauver le « soldat syndicat » qui connaît de graves difficultés de financement et qui est inquiet des conséquences de la réforme territoriale à venir. Pour survivre, les syndicats tentent de s’institutionnaliser, de trouver le moyen de toucher des redevances (alors que la situation actuelle permet déjà de toucher des redevances). Mais la DGCL (Direction générale des collectivités locales) ne voulait pas d’un échelon supplémentaire, et la tentative a fait long feu. Il faudrait maintenant réfléchir à partir des besoins réels des cours d’eau et créer les articulations entre tous les acteurs de bassin. De plus, il ne faudrait pas institutionnaliser la substitution de la responsabilité privée du riverain par l’action publique. Ou alors il faudrait envisager de changer le statut des cours d’eau afin que les cours d’eau non domaniaux deviennent publics. La déclaration d’intérêt général (DIG) est souvent détournée pour pouvoir intervenir chez un privé. Finalement, l’action des syndicats repose aujourd’hui sur un socle très fragile, en termes techniques, juridiques et financiers. Ou on change le statut des cours d’eau, ou on révise nos positions vis-à-vis de tous les syndicats en commençant par préciser l’intérêt des cours d’eau. Lorsque le bassin versant est assez significatif, il peut être utile de disposer de maîtres d’ouvrage locaux. Leur action doit être articulée avec les schémas de bassin versant développés par les EPTB. Il faut donc développer une organisation verticale qui promeuve la coordination des actions, la mutualisation de l’ingénierie technique et financière disponible au sein des EPTB. Les départements qui financent les EPTB et les syndicats doivent amener ces acteurs à passer des conventions de coopération. Si l’EPTB est syndicat mixte et si les syndicats locaux adhèrent à l’EPTB, les moyens peuvent être partagés sans entrer dans le domaine concurrentiel (prestations « in house »). De la même manière, la complémentarité entre les agences de l’eau et les EPTB doit être recherchée. L’EPTB qui agit sur le bassin hydrographique compris dans le district d’une agence devient alors, tout naturellement, le porteur des projets structurants et un agent de la solidarité de territoire via la péréquation financière que permettent les fonds que collectent et redistribuent les l’agence. Cela n’a pas été toujours facile entre les EPTB et les agences de l’eau qui ont pu avoir des difficultés à voir émerger un nouvel acteur. Cela se passe mieux aujourd’hui car il est évident que les EPTB apportent une véritable plus-value à la gestion de l’eau.
__________
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 82
26 janvier 2011
Audition de Dominique LORRAIN, Directeur de recherche au CNRS
Résumé. Dans la société d'aujourd'hui pour vivre et pour être tout simplement citoyen du monde nous devons avoir accès à certains biens et services : ce sont des biens essentiels23. Ne pas y accéder entraîne de facto une situation de quasi exclusion. Ils doivent aussi être fournis à des conditions de continuité et de qualité constante. Pour ces raisons depuis la fin du 19e siècle et dans tous les pays au monde l'organisation de ces biens n'a pas été confiée à des marchés libres, pas plus qu'à des entités totalement administratives. Les choix faits comprennent partout une dose d'intervention publique et le recours à des compagnies municipales ou à des grandes firmes, publiques ou privées, intervenant dans un cadre réglementé (dans l'espace anglo-américain il est question de régulation). Tout l'enjeu de l'action publique est de trouver le bon dosage ; il varie selon les secteurs, les pays et les époques. Ce qui signifie qu'il n'existe pas UNE solution, un prêt à penser de la bonne gouvernance des biens essentiels, qu'il serait possible de déplier une fois pour toute, partout et pour tous. Au-delà de certains principes les solutions doivent être soigneusement adaptées à chaque cas ; cela suppose une certaine prudence dans la démarche et une capacité d'analyse. Pour sortir des solutions toutes faites ce texte propose de considérer cette question dans plusieurs de ses dimensions.
23
La définition des biens essentiels utilisée dans ce texte ne prend pas en compte la santé, l'éducation ou la gestion bancaire, tous aussi essentiels. Cette limitation choisie permet d'avoir une unité d'industrie, d'acteurs, de méthodes de régulation et une unité de pilotage par les élus locaux. Mon souci était de discuter d'un champ et de déboucher sur des recommandations opératoires. Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 83
Il faut d'abord prendre en compte l'impact sur les individus, ; il faut être en mesure de sortir des moyennes générales pour saisir les effets concrets sur les cas limites. Cela plaide pour le développement d'une économie politique du détail, c'est à dire une analyse de la fourniture des biens essentiels à partir de ce que perçoit l'usager. En terme de régulation cette approche invite à mettre au point des dispositifs concrets par lesquels le consommateur/usager puisse se faire entendre. A l'opposé cela suggère une prudence vis à vis des dispositifs de régulation à distance (trop souvent copiés), qui fonctionnent par reporting, abstraction et manquent très souvent les dysfonctionnements qui pèsent sur le quotidien des usagers Cette lecture doit être équilibrée par la dimension industrielle de ces mêmes questions. Derrière les biens essentiels on trouve une industrie de la ville. Avec la montée des préoccupations d'environnement, l'accélération de l'urbanisation dans les pays émergents, cette industrie se recompose au niveau mondial. La concurrence y est vive : entre les firmes, entre les modèles. Si on admet l'argument du rôle premier joué par les institutions la puissance publique doit veiller à prendre en compte la justice sociale (pour les individus) ET les enjeux mondiaux qui se jouent autour de l'industrie de la ville. En France cela suppose de sortir d'un cycle de défiance et de renouveler la pensée politique sur le choix entre faire ou faire-faire, faire en direct ou déléguer. Le pays vit dans une étrange dichotomie qui étonne à plus d'un titre à l'étranger. Les compétences réunies par les grandes firmes privées ou publiques, la haute administration et la recherche sont du meilleur niveau international. Le niveau de qualité dans la fourniture de tous ces services classe notre pays dans les bons "élèves" de la maison Europe. Mais tel est le paradoxe français, seules les critiques dominent. C'est une situation incompréhensible et certainement malsaine. Aucun peuple n'écrit une belle histoire à partir du soupçon. Puisque dans les démocraties la fonction supérieure du politique est de définir les règles, il incombe aux élus d'assumer leurs choix de délégation. Ils doivent prendre des initiatives pour définir les termes d'un partenariat renouvelé pour les biens essentiels. Pour agir la puissance publique dispose d'une large palette d'instruments. Le statut public de la firme n'est pas nécessairement le gage de plus de responsabilité et de performance. Le pilotage par les contrats, la coproduction d'objectifs, les critères d'une politique tarifaire sont des outils tout autant opératoires. Cela plaide à nouveau en faveur d'une économie politique du détail. Ici l'action de réforme passe aussi par l'impact des instruments utilisés. L'impact sur les individus. Une première dimension de ces biens tient à leur impact sur les individus (usagers, ménages). Ces biens incarnent le principe d'égalité, central dans la République. Considérons leur importance dans le budget moyen des ménages ; il peut être mesuré grâce aux enquête de l'Insee ; l'exercice aide à caler les choses. Il en ressort que globalement plus d'un tiers du budget d'un ménage moyen se trouve contraint. Il faudrait y ajouter le coût des services bancaires (autre service essentiel en réseau).
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 84
Proportion des biens essentiels dans le budget des ménages en 200124. Bien public, commodity, bien de marché Logement 18.5% * * * Doublement 1999/07 du prix/m² Transport 8.2% * * Hausse essence, productivité capturée Elec. & Gaz 2.9% * Hausse contenue, prix régulés Chauffage 1.2% * Hausse de 52% entre 2002 et 2005 Téléphone 1,9% * Baisse prix, très forte hausse des consommations Eau 1,0% * Croissance, 1990s, liée à la dépollution Déchets 0,6% * Encore faible, coût de dépollution à venir Les chiffres présentés par secteur correspondent à des moyennes. Le logement peut représenter autour de 30% pour des jeunes accédants ou des locataires à revenus modestes. Le budget télécommunications lui aussi augmente car les ménages s'équipent, consacrent de plus en plus de temps à communiquer, à circuler sur la toile etc… (2,5% correspond à une donnée probable). De ce fait le budget contraint semble plus prêt des 40% que du tiers pour une bonne partie des français. Pour progresser dans le débat public, il serait bon de sortir des lectures par moyenne pour discuter à partir de types de ménages; selon que l'on est dans le décile supérieur, dans ceux du centre, au niveau du Smic, ou dans le décile inférieur les chiffres sont très différents. Or le succès de l'action de redistribution tient aux détails ; elle se joue aux voisinages de seuils. Il faut donc disposer de connaissances à ce niveau là. Dans les grandes villes où l'immobilier a connu les plus hautes progressions, le budget logement est élevé mais ceci est compensé par le poste transport largement subventionné dans les transports en commun. Inversement, dans les petites villes, l'immobilier se détend mais en contre partie les gens doivent se déplacer en voiture et les plus modestes se logent loin de la ville. Tout se passe comme s'il existait un mécanisme invisible de capture du revenu des ménages se faisant au bénéfice des propriétaires immobiliers ou de l'industrie automobile/pétrole. L'organisation de chacun de ces marchés n'a pas été sans conséquences sur l'évolution des prix au cours de dix dernières années. Les postes qui ont le plus progressé relèvent des biens de marché (le logement, l'automobile) ou des commodités (l'essence, le fuel, les télécommunications). Les autres postes (électricité, gaz, eau et l'assainissement, déchets), organisés comme des biens publics, connaissent des hausses raisonnables. Pour le cas de l'eau la distinction entre l'eau potable et l'assainissement montre que l'essentiel de la progression s'explique par les efforts de dépollution. Dans plusieurs cas - logement, essence, fuel – les hausses ne s'expliquent pas par une amélioration du produit mais parce qu'un groupe d'acteurs a les moyens d'accaparer une partie de la rente. Dans d'autres cas le poids plus élevé dans le budget des ménages résulte d'une hausse de la consommation qui elle même s'explique par plus de volume à qualité inchangée (le temps sur internet ou au téléphone), ou bien une consommation d'un produit de meilleure qualité (la montée en gamme dans l'industrie automobile). Ici les stratégies d'offre jouent un rôle considérable dans l'organisation des pratiques consommatoires. 24
Source: Le budget des familles en 2001, Société, n° 29, INSEE, p. 10-11, après retraitement par l'auteur (voir méthode) in Lorrain D., 2007. L'action publique pragmatique (la gestion des biens publics et ses passions), Revue Politique et Parlementaire, n° 1043, spécial sur l'eau, avril-juin 2007, pp. 95-104. Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 85
La puissance publique (Etat, collectivités territoriales, régulateurs) a des responsabilités dans l'organisation de chacun de ces secteurs. Selon que ces marchés s'organisent au niveau mondial (pétrole, gaz) ou national-local, l'intervention ne se conçoit pas de la même façon. En toute logique on ne peut que recommander de concentrer les efforts là où les dysfonctionnements sont les plus criants et où une amélioration aura le plus grand impact. La comparaison entre le secteur de l'eau qui concentre tant de débats et celui du logement est de ce point de vue sans appel. Dans le secteur de l'eau une gestion améliorée de 10% représente en moyenne une économie de 36 € par an, par ménage. Les gains potentiels dans des marchés du logement maîtrisés se situent en dizaines de milliers d'euros. Cette question du logement pour les revenus modestes et les classes moyennes ne manque pas d'interroger. Le doublement des prix, enregistré en moins de dix, ans pénalise de nombreux ménages ; tout en correspondant pour les bénéficiaires à un enrichissement sans cause dans la majorité des cas. Or les élus locaux ont la responsabilité de la définition des zones constructibles par les plans d'urbanisme. Ils disposent d'outils opérationnels par des SEM d'aménagement, des SEM de construction, des Offices de HLM. Les outils sont rodés. Et ils ont laissé s'introduire une décalage funeste entre demande et offre. Le politique ne peut tout faire. Dans le contexte actuel de fonctionnement de la vie politique, marqué par l'urgence, la place accordée à la com. on peut comprendre qu'un élu local stratège préfère envoyer des messages de réforme sur des dossiers faciles – reprendre un contrat d'eau, d'éclairage public ou de distribution électrique, et qu'il s'investisse moins dans des dossiers qui supposent un effort discret de long terme, sans garantie de résultat. Mais c'est un jeu dangereux. Les français attendent de leurs leaders qu'ils s'attaquent aux vraies questions. Logement et transport sont deux sujets majeurs ; ils pèsent dans les budgets, ils impactent sur la stratification sociale et commandent l'accès à l'école. La politique d'évitement utilisée dans le passé qui consistait à dire que l'on voudrait bien agir mais que ce n'est pas possible car c'est un domaine d'Etat, n'est plus soutenable aujourd'hui. Trente ans après la décentralisation les français se rendent bien compte qu'il y a eu une redistribution du pouvoir et que si des dossiers n'avancent pas la responsabilité en incombe directement aux élus de premier rang. Dans ces conditions les partis politiques ont obligation comme tout acteur qui agit sous contraintes et ressources limitées de faire des choix et de les hiérarchiser. A côté de la gestion ordinaire qui absorbe une bonne partie de l'agenda des maires (et autres collectivités locales) les élus doivent établir des priorités, dégager des ressources humaines et financières et consacrer du temps. Ils peuvent le faire en direct ou s'appuyer en partie sur des partenaires externes (opérateurs de services, sociétés d'économie mixte, office). Cette nécessité de choix fait d'autant plus sens que l'on considère l'action des mairies. Que produisent les mairies ? Elles interviennent dans de nombreux domaines allant de l'état civil aux cimetières, des réseaux urbains au logement, des politiques de la petite enfance aux personnes âgées, des interventions économiques aux politiques culturelles. Bref ce sont des spécialistes de la diversité. Dans un monde concurrentiel où le principe de spécialité sur un cœur de métier guide les firmes les collectivités locales ne peuvent prétendre tout faire en direct tout en étant performantes. Par conséquent bien gérer les biens essentiels implique d'accepter une architecture institutionnelle qui distingue celui qui détient l'autorité et celui qui exerce la mission. Ce mode d'organisation qui a guidé depuis ses origines le modèle français de services urbains (faire ou
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 86
faire-faire) est aujourd'hui reconnu mondialement avec la formalisation dite du "principal agent". Il serait tout de même étrange qu'à ce moment là, la France fasse machine arrière sur des solutions qu'elle a contribué à élaborer. Cette ligne de réforme fait d'autant plus sens que l'on considère d'autres propriétés des biens essentiels. La dimension industrielle : biens essentiels, environnement, réseaux, hub Les biens essentiels doivent aussi être considérés du point de vue de leur importance dans le fonctionnement de l'économie. Il s'agit de tenir un équilibre entre le point de vue de l'individu et celui de l'économie du pays en longue durée. Les réseaux (réseaux techniques urbains et grands systèmes techniques) qui constituent une bonne partie des biens essentiels, participent à l'ossature des villes et à l'organisation des territoires. Dans une économie globalisée dans laquelle les marchandises, les hommes et les informations circulent la qualité de ces infrastructures est essentielle. Au cours des cinquante années passées la composante réseautique des villes a augmenté. Les grandes métropoles mondiales et régionales sont des hub à haute densité réseautique. A ces réseaux et aux grands équipement urbains correspond une industrie nouvelle - l'industrie de la ville. Elle s'organise en plusieurs composantes – opérateurs, ingénieristes, constructeurs et promoteurs, industriels, financiers. Le poids de ces différents acteurs, dans la chaîne de la valeur varie d'un pays à l'autre. Tous les grands pays industriels ont une industrie de la ville. Entre ces différents modèles de services urbains, qui ne sont que des manières de combiner des règles, des acteurs publics et des firmes, la concurrence est vive. De ce fait la puissance publique doit organiser les biens essentiels en considérant l'impact sur les individus ET sur l'industrie. Rappelons que dans les privatisations britanniques, par ailleurs discutables sur bien des points, les missions des régulateurs prévoyaient cette double composante : protéger les usagers et veiller que les firmes puissent dégager assez de résultats pour investir. En la matière les choix d'architecture institutionnelle ont des impacts sur la dynamique des marchés. Ils peuvent ouvrir ou fermer le marché. Les règles peuvent contribuer à rendre plus lisible notre modèle à l'international ou brouiller les messages. La prise en compte de l'environnement (raréfaction des ressources, changement climatique, nécessité de décarboner l'économie) renforce aussi le caractère stratégique de ce secteur. Les systèmes techniques constitutifs des biens essentiels se trouvent directement concernés par ces tendances : sobriété énergétique, énergies renouvelables, dépollution des eaux usées et recyclage. Les enjeux à terme sont très importants Si l'on considère l'industrie de la ville comme un secteur au même titre que l'agro-alimentaire, l'aéronautique, l'automobile, la France dispose dans l'industrie de la ville d'un ensemble industriel complet et de qualité : groupes de services urbains, constructeurs, ingénieristes, recherche. Il y a un lien entre la santé de cet ensemble – ses succès internationaux, ses innovations nationales et les bénéfices pour l'individu final. Cette équation ne se joue pas à court terme mais sur des cycles plus longs : règles locales/nationales qui permettent d'innover, exportation de ces références, résultats d'exploitation, partages et réinvestissement25. Vouloir assécher immédiatement les résultats, que ce soit au bénéfice d'actionnaires gourmands (le cas britannique dans les utilities) 25
La stratégie de la Chine conduite depuis le début des années 1990 est exemplaire de ce lien entre règles, initiatives des acteurs et enrichissement. Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 87
ou au bénéfice de l'usager (au nom d'un principe d'égalité absolu) conduit à la même impasse. On ne peut redistribuer que ce qui est d'abord accumulé. De la régulation. Puisque ces biens sont essentiels ils ne peuvent être auto-régulés par des mécanismes de marché. Reste à préciser par quels mécanismes ils peuvent l'être. Ici le terme de marché qui revient sans cesse dans toute la littérature est largement inapproprié. Ces secteurs ne relèvent pas de marchés au sens de l'économie orthodoxe. Ils s'organisent avant tout à partir de grandes firmes qui interviennent en situation de monopole ou d'oligopole ; les situations de marchés libres sont extrêmement rares. Les quelques expériences de dérégulation absolue engagées aux Etats-Unis (gaz, électricité en Californie) ou en Grande Bretagne (les bus ou l'électricité) se sont traduites par des échecs (Enron et crise électrique en Californie), ou ont donné lieu à la reconstruction de marchés de type oligopolistique (concentration dans le secteur des bus, réintégration des fonctions de production et de distribution dans l'industrie électrique britannique) Une fois acceptée la firme comme une catégorie complémentaire aux marchés (et différente) on peut progresser d'un pas supplémentaire en reconnaissant les différences entre les firmes. Cela permettrait de rendre moins tendus de nombreux débats. En regard d'autres firmes étrangères (ingénieristes américains, conglomérats familiaux des pays émergents, promoteurs constructeurs diversifiés, groupes industriels, fonds d'investissement) les grands groupes français, comme les utilities allemandes d'ailleurs, partagent une certaine culture du service public. A l'intérieur de notre espace national nous ne retenons que les différences, mais la prise de distance par l'international fait ressortir tout ce qui est semblable entre ces firmes et les acteurs publics. Autrement dit, ces firmes ne sont pas de pures organisations marchandes, tournées vers la maximisation du profit (et à court terme), elles ont aussi un sens de l'intérêt général, du long terme, du partage du surplus entre les différentes parties prenantes. Ici l'argument d'Herbert Simon contre les économistes orthodoxes sur le comportement des acteurs à partir d'un principe de satisfaction et non de maximisation se trouve parfaitement illustré. Les simplifications habituelles ne prennent pas en compte ces propriétés essentielles, tout simplement parce que la firme reste encore un objet mal identifié. Les grandes firmes françaises de construction et de réseaux urbains sont des organisations à composante institutionnelle. Partir de ce constat a des conséquences sur la manière d'envisager la régulation. Si les firmes étaient des déviants potentiels (take the money and run) alors une régulation stricte s'impose, à la limite il faudrait même se demander – est-il raisonnable de leur confier des missions de service public ? En revanche, si elles ont des propriétés institutionnelles – ce que je soutiens - on peut mettre au point des formules nouvelles de régulation : des partenariats souples et maîtrisés. Pour intervenir la puissance publique dispose de nombreux moyens. - Le statut de l'entreprise (nationale ou municipale) en est un parmi d'autres et pas nécessairement le plus efficace. Il a été longtemps considéré qu'au statut public de l'opérateur correspondait des vertus particulières. Ce postulat est discutable. Le problème de la gestion de toute firme est de trouver un équilibre entre plusieurs parties prenantes : les propriétaires/actionnaires, les consommateurs/usagers, les salariés, les managers, le développement de l'entreprise, les intérêts de la ville ou du pays. Le capitalisme financier a fait la promotion de la "valeur pour l'actionnaire". A l'inverse, la moindre vigilance des propriétaires (représentés par l'Etat dans des entreprises nationalisées), le mélange des missions ont parfois conduit à des dysfonctionnements:
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 88
sous investissement, politique de recherche insuffisante, autonomisation des entreprises reposant sur une alliances d'intérêts entre managers et salariés. - Ceci étant, il est important et utile d'avoir des compagnies publiques, ou des petits acteurs qui ne font pas partie de l'oligopole quelque soit le secteur (voir le tableau p. 3). Premièrement, ils contribuent à exercer une menace. Deuxièmement ils permettent d'avoir accès à l'information. Le choix politique qui se pose est de savoir si ces expériences font partie d'une respiration normale de la vie des affaires, ou si elles s'inscrivent dans un projet politique global de remunicipalisation26. - La puissance publique peut s'appuyer sur d'autres techniques de suivi des firmes. Elle peut définir les missions. Cela passe par le contrat (dans le cas de délégation), ou des conventions avec les entreprises publiques. La puissance publique peut aussi utiliser des dispositifs de suivi ; les options possibles sont très larges allant de la régulation par coup de projecteur au régulateur indépendant. - La politique tarifaire correspond à une technique très importante. Par le niveau des tarifs et l'imputation des coûts entre les différents usagers la puissance met sa marque et peut, ou non, distinguer les biens essentiels des biens de marché. L'examen des faits en France fait cependant ressortir quelques paradoxes politiques. Dans les secteurs de l'eau, du gaz et de l'électricité, des entreprises privées ou cotées en bourse pratiquent une tarification égalitaire : prix unique dans un même territoire, hausses de prix négociées avec la puissance publique. A l'inverse, dans les transports les deux monopoles publics font un usage extensif de la tarification marginale. Dans les TGV le prix varie selon le jour et l'heure en appliquant un principe qui revient à dire "puisque vous êtes nombreux à voyager les prix augmentent". Dans le RER en région parisienne l'introduction d'une tarification marginale a conduit à fortement renchérir le prix du transport, rapporté au kilomètre de réseau accessible. Ainsi avec 2 euros un habitant de lointaine banlieue pourra parcourir trois ou quatre stations. Avec la même somme le parisien, ou le banlieusard dont la commune est desservie par le métro, ont accès à plusieurs centaines de kilomètres de lignes. Cette inégalité massive est le produit de l'application d'une tarification au coût marginal : l'extension d'un actif fixe voit son coût imputé principalement à ceux qui en sont les bénéficiaires. Si le même principe était introduit dans la tarification du secteur de l'eau, le financement du coût des nouveaux réseaux dans le péri-urbain à faible densité serait principalement supporté par les nouveaux habitants, alors que le tarif unique en vigueur conduit à faire un transfert des habitants de la zone centrale au bénéfice des périphéries. Si les compagnies d'eau appliquaient les mêmes règles que pour le TGV elles augmenteraient leurs tarifs aux périodes de pointe : en été, dans les stations balnéaires et lorsque la ressource devient plus rare. Nous voulons dire que l'expression du caractère "essentiel" de certains biens se manifeste de plusieurs manières. La question du statut public ou privé a longtemps concentré l'attention. Il semble que certains élus municipaux en fassent à nouveau un étendard de leur modernité. A l'expérience il ressort premièrement que le statut de la firme ne vaut pas vertu. Deuxièmement que la puissance publique dispose de nombreux autres outils pour guider des opérateurs privés de biens essentiels : le contrat, les obligations de rendre compte (reporting et indicateurs), les techniques de tarifications. 26
Par extension on pourrait voir des villes reprendre la distribution électrique et finir par gérer tout cela comme des Stadtwerk. Mais quel est le coût collectif de défaire ce que l'on a construit en cinquante ans? Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 89
En mettant l'accent sur les instruments, ces institutions de second rang (pour reprendre des catégories de l'économie institutionnelle) je veux dire que le changement social s'obtient aussi en agissant à ce niveau là. Une très ancienne culture politique française a conduit à privilégier les actes symboliques et visibles. L'observation de notre propre histoire comme la manière de conduire le changement dans les pays voisins conduit à recommander de s'intéresser à "une économie politique du détail". La perception de l'usager passe par le prix, la qualité du service, le temps d'attente pour payer une facture ou obtenir un renseignement. Donc si l'on veut faire des biens essentiels, un espace de qualité qui n'est pas piloté par le seul marché, alors la puissance publique doit accorder de l'attention à cette dimension là. Cette orientation en faveur d'une économie politique du détail et d'une atténuation du débat sur le statut des opérateurs va à l'encontre des thèmes du moment. Mais on peut soutenir que l'électeur/consommateur de ce pays a atteint une culture économique qui lui permet de comprendre et de soutenir une stratégie discrète mais se concentrant sur les points essentiels. On peut même soutenir qu'il y a une lassitude de l'acteur à qui on demande d'être en permanence en éveil, capable de faire des choix. Je crois que le temps est venu de sortir de la rhétorique de la performance universelle, pour définir un espace efficace et stable. Puisque ces biens sont essentiels ils doivent être organisés d'une manière différente que le marché ouvert à tous les flux, tous les entrants et toutes les variations. Trente ans après la décentralisation, trente ans après la dérégulation britannique et alors que se profilent des défis urbains et environnementaux nouveaux, je pense qu'il est temps de définir une nouvelle architecture dans l'action publique pour les biens essentiels. Est-ce un nouveau partenariat ? Un nouveau pacte contractuel ? Qu'importe les mots. L'important est que les élites politiques françaises s'accordent sur un programme qui ouvre un espace d'action, donc de progrès. Recommandations. Ce texte plaide pour une révision de la pensée des socialistes sur les firmes. La grande firme n'est pas nécessairement le déviant potentiel, l'acteur nécessairement opportuniste que beaucoup imaginent. Le succès de cette forme d'organisation dans les pays industriels (et maintenant dans les pays émergents) doit beaucoup à des compétences réelles. Et même lorsque des dysfonctionnements existent rentrer dans ces dossiers par ce seul prisme est contre productif. Dans le cas français et pour les biens essentiels, l'enjeu n'est pas de redire le passé et ce qui aurait pu être fait. Il est de se préparer au mieux pour les prochaines décennies. Nos firmes urbaines ont des qualités, à défaut d'être parfaites ; les élus locaux ont devant eux un agenda bien chargé. Tout l'exercice est de parvenir à faire des compétences des uns un facteur positif qui puisse soutenir l'action des seconds. Il faut considérer la situation telle qu'elle est avec d'un coté des pouvoirs locaux morcelés (36 500 communes, des intercommunalités nombreuses) aux missions variées et grandissantes et de l'autre des firmes qui ont le standard international. Si l'on admet que les maires gèrent un large spectre de missions, ils ne peuvent tout faire. En revanche leur responsabilité est de faire des choix. Ils arbitrent entre plusieurs secteurs et dans quelques domaines ils délèguent. Lorsqu'ils délèguent à de grandes firmes (publiques ou privées) sur des sujets complexes ils ont le préjudice d'une asymétrie d'information. Afin de réduire cette asymétrie les premières solutions
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 90
se sont tournées vers plus de concurrence et plus de contrôle. Si la première est nécessaire il n'est pas certains que les moyens de contrôle mis en place soient effectifs. Il faut inventer des formes nouvelles de partenariat et de suivi des contrats pour l'ensemble des biens essentiels, sans doute en les situant dans les territoires, là où se déroule l'action et où les usagers et les élus peuvent faire un suivi effectif. L'idée d'un rééquilibrage des compétences par des intercommunalités larges responsables de plusieurs secteurs est une piste à étudier. Il n'est pas certain qu'il faille poursuivre sur la voie des rapports annuels. Cette technique s'impose pour une régulation nationale et faire remonter les informations vers l'agence de régulation. Dans une organisation à partir des contrats locaux, il faut impliquer les usagers (n° vert, internet) comme capteur des pannes au quotidien. Pour le reste et puisque les grandes décisions suivent des cycles pluri-annuels la production d'un rapport approfondi (en remplacement de rapports annuels) devrait se caler sur ces cycles. On y gagnerait l'économie en coûts de transaction et la production de documents à contenu, venant nourrir des décisions importantes.
__________
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 91
15 décembre 2010
Audition de Germinal PEIRO, député, secrétaire national aux territoires ruraux, l'agriculture et la mer Germinal Peiro, vice-champion du monde de canoë-kayak en 1981, en mixte, a développé un hobby pour la préservation de l'environnement tout au long de son parcours. Cet intérêt s'est traduit dans ses mandats de député par des avancées législatives : crédit d’impôt incitant à l’installation de citernes récupérant l’eau pluviale pour préserver les ressources en eau potable ; organisation des sports de pleine nature dans la loi de juillet 2000 ; amendement permettant d’élargir aux piétons la servitude de marche pied sur les rives des plans et cours d’eau domaniaux (débats sur la loi sur l'eau). Son enracinement local politique (maire de Castelnaud-la-Chapelle depuis 1983, conseiller général depuis 1988) lui a permis d'être l'un des co-fondateurs d'EPIDOR, l’établissement public territorial de bassin (EPTB) de la Dordogne, dont il est toujours aujourd'hui administrateur. Il siège également au Comité national de l’eau (CNE). Eau et agriculture On peut difficilement envisager certaines productions agricoles sans une maîtrise de l'eau. La principale difficulté : le besoin le plus important en eau se situe dans la période où celle-ci se raréfie, est à son niveau d'étiage le plus bas. Deux principes importants : - il faut adapter les cultures 1- à la pluviométrie 2- au sol ; La culture du maïs était rendue possible dans le Sud-ouest par le climat pluvio-orageux. Cette culture s'est généralisée vers le nord du Sud-ouest sur des sols inadaptés, dans des zones à pluviométrie décalée. C'est un grand problème aujourd'hui. Il est bien entendu possible de mener une politique de stockage de l'eau, mais c'est compliqué. Le stockage peut ainsi se faire sous forme de retenue collinaire27, soit sur un mode individuel, soit en petit collectif. Mais ce ne sont pas les agriculteurs qui financent. Des retenues sont possibles sur toute une partie du territoire, et Germinal Peiro insiste sur le fait qu'elles sont intéressantes pour des apports d'eau épisodiques l'été : par exemple pour l'arboriculture dans le Lot-et-Garonne – la culture des noyers dans le Périgord… Mais elles ne sont pas souhaitables pour des irrigations plus soutenues, telle celle du maïs irrigué. 27
Ouvrage de stockage de l'eau de taille variable, la retenue collinaire peut être assimilée à un micro-barrage. Constituée d’une digue en terre, elle permet de retenir l’eau dans une cuvette et de stocker des eaux excédentaires durant la période hivernale. Mais ces retenues ne sont pas sans impact (dégradation de la qualité des eaux due à leur stagnation, altération du régime hydrologique, etc). Ces ouvrages sont soumis à procédure et doivent être réalisés en conformité avec les exigences de la Loi sur l’Eau. Les retenues collinaires sont également utilisées dans d’autres domaines que l’irrigation (protection incendie, loisirs, pisciculture…). Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 92
Il faut penser au stockage d'eau pour supprimer les forages. Mais ne pas l'utiliser pour les cultures grandes mangeuses d'eau, à faible valeur ajoutée, économique et sociale. Pour la protection de l'environnement et des ressources en eau, il est essentiel d'éviter de pomper à des fins agricoles dans les rivières ou dans les nappes phréatiques. Les prélèvements d’eau dans la nappe phréatique à des fins agricoles sont ainsi interdits en Dordogne, très surveillés en ce qui concerne les prélèvements dans la rivière. Beaucoup de pompages d'eau potable sont par contre effectués dedans (ou à 500 m. ce qui revient au même). Cinq grands barrages ont été érigés sur le fleuve Dordogne, ce qui permet d'assurer des débits d'étiage. Des accords ont été passés avec EDF qui exploite ces barrages. Des prélèvements peuvent se faire dans les cours d'eau, ce jusqu'à la limite d'étiage nécessaire. L'autorisation ou l'interdiction des prélèvements sont gérés en Dordogne par arrêtés préfectoraux. Le développement durable de la vallée de la Dordogne est étroitement intriqué à celui du bassin hydrographique du fleuve. Nous avons par exemple créé au début des années 90 un réseau d'irrigation agricole sur 7 communes, qui concerne 60 exploitations sur 200 ha, on pompe en rivière pour irriguer jusqu'à 13 km à l'intérieur des collines. La culture du maïs irrigué a supplanté celle du maïs sec : à l'époque, 50 % d'aides étaient perçues de la PAC : celle-ci a encouragé l'irrigation en encourageant la production. En effet, si l'on compare les primes à l’hectare : - pour le de maïs sec, c’était 1 900 francs. - pour le maïs irrigué, 3 000 francs… L'irrigation concerne également le tabac, les noix. Mais, si l'on étudie les ratios : - 1 500 m3 d'eau nécessaire pour 1 ha de tabac ? - 1 000 m3 d'eau pour 1 ha de noyers ? - 1 500 m3 pour 1 ha de maïs - 2 000 à 2 500 m3 pour 1 ha de fraises. Comment sortir de cette impasse maïs ? Par le tournesol ? le soja ? ou d'autres cultures encore ? Il faut de plus noter que 25 ans d'affilée de culture de maïs a très fortement détérioré les sols. Il y a une obligation de rotation des cultures. Le "verdissement de la PAC" va dans le bon sens. On peut noter la baisse significative de l'utilisation des produits phytosanitaires : moins 50 % d'utilisation sur ces dernières années. Le Grenelle de l'environnement a un retentissement tout à fait positif. EPIDOR EPIDOR a été officiellement créé en 1991 par les conseils généraux du Puy-de-Dôme, de la Corrèze, du Cantal, du Lot, de la Dordogne et de la Gironde, l’établissement public territorial de bassin. Il a pour objet de faciliter et harmoniser les interventions de ces conseils généraux sur l’eau et les rivières du bassin de la Dordogne. Germinal Peiro et Guy Pustelnik sont tous deux à
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 93
l'origine de cette démarche : il s'agissait pour eux de développer des solidarités entre l’amont et l'aval, d'avoir des politiques coordonnées en terme de qualité, de quantité. Les collectivités territoriales se sont ainsi engagées dans la voie d’une gestion globale des cours d’eau du bassin de la Dordogne, conciliant préservation des ressources en eau, préservation de l'environnement et développement économique dynamique. Le bassin versant de la Dordogne, c'est un territoire de 24 000 km², 150 cours d'eau, 1 500 communes réparties sur 11 départements et 5 régions. Aujourd'hui, l'agence de l'eau, EDF, les régions sont membres du conseil d'administration. L'EPTB a été reconnu, par arrêté du préfet coordonnateur du bassin Adour Garonne en novembre 2006. EPIDOR est membre fondateur de l'association française des EPTB (AFEPTB) créée en 1999. L'association regroupe aujourd'hui 26 collectivités territoriales de bassin versant et est leur interprète auprès des pouvoirs publics. Le président en est le président du CG de Dordogne, Bernard Cazeau, et Guy niknik le délégué général. A côté d'EPIDOR, l'autre grand EPTB est EPALA. Tout d'abord créé, en 1983, sous la forme d'un syndicat mixte, l’Etablissement public Loire (EP Loire) est composé de 50 collectivités ou groupements : 7 régions, 16 départements, 18 villes et agglomérations, 9 SICALA. Il a été reconnu comme EPTB en 2006. Lab- Quelle valeur ajoutée de l'EPTB ? Les EPTB n'ont pas de pouvoir réglementaire, contrairement aux Agences de l'Eau. Ils mènent des actions coordonnées à l'échelle d'un bassin et pour cela essaient de coller au mieux aux spécificités du bassin. Ce sont les élus qui dirigent l'EPTB, les services de l'Etat n'y sont qu'invités. Germinal Peiro souligne qu'il s'agit ainsi d'un outil extrêmement démocratique, défenseur de l'intérêt général. EPIDOR n'est jamais maître d'ouvrage. Mais "maître des études". Il s'agit pour l'établissement public de mettre en cohérence la politique de l’eau et les autres politiques menées sur les bassins versants (agriculture, urbanisation, industrie, tourisme…) et de trouver les moyens nécessaires pour mettre en œuvre des politiques ambitieuses. EPIDOR dispose d'une aptitude technique et scientifique à la planification qui lui permet de penser l'avenir à l'échelle du bassin versant de la Dordogne. Son expertise est aujourd’hui prise en compte par les collectivités territoriales, les services de l'État, l'agence de l'eau et les ONG environnementales. Germinal Peiro met en exergue cette fonction démocratique de l'EPTB de Dordogne qui apporte des informations objectives aux parties prenantes sur l’état de la ressource en eau, des rivières et des milieux aquatiques. EPIDOR organise le travail commun d'échelons institutionnels différents en assurant la participation des citoyens à la gestion des rivières du bassin versant de la Dordogne. Ainsi, l'EPTB a demandé la gestion du domaine public fluvial.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 94
Autre exemple : la correction des carences de l'organisation institutionnelle. L'accent a été mis par le collectif sur l'assainissement. Le taux de nitrates dans la Dordogne est ainsi en moyenne de 7 mg/l. C'est très important pour le tourisme, facteur fort de développement de la région, la protection des eaux de baignade (qualité, quantité) est un objectif prioritaire au niveau du comité de bassin. Ce sont 400 000 personnes chaque année qui font de la randonnée nautique sur la Dordogne : il s'agit d'avoir une politique coordonnée pour toutes les collectivités. D'avoir un aménagement des berges selon un schéma directeur pour une politique commune et réfléchie. EPIDOR instruit les dossiers des SAGE, porte des dossiers NATURA 2 000, des projets de réintroduction de l'esturgeon. L'EPTB assure l'animation de 4 contrats de rivière sur la Haute Dordogne, la Cère, le Céou et la Dordogne Atlantique. Le problème de l'ingénierie publique Pour récapituler : Disparition des laboratoires publics départementaux d'analyses : les DDASS sous-traitent aujourd'hui au privé, l'État ne contrôle plus l'assainissement. Les SATESE, services d'assistance technique aux exploitants de stations d'épuration, ont été également touchés par les récentes mesures du gouvernement, plus d'un tiers ont déjà disparu… De même pour les DDAF28 (direction départementale de l'agriculture et de la forêt), autre service déconcentré de l'État. La DDAF adoptait et mettait en œuvre, au niveau départemental, les politiques publiques relatives aux productions agricoles et forestières, à la protection et à la gestion de l'eau et de l'environnement, à l'aménagement et au développement de l'espace rural. Elle effectuait également des missions d'ingénierie publique à la demande des communes et de leur groupement. Idem pour les DDE (directions départementales de l'Équipement), autre service déconcentré dépendant celui-ci du ministère de l'écologie, de l'Energie, du Développement durable et de la Mer. 28 Dans le cadre de la révision générale des services publics, a été décidée la fusion progressive des directions départementales de l'Agriculture et de la Forêt (DDAF) avec les directions départementales de l'Équipement (DDE). Ces deux services ont formé alors dans un premier temps la direction départementale de l'Équipement et de l'Agriculture (DDEA). Au 1er janvier 2010, les DDAF et DDE, dans les départements non encore fusionnés, et les DDEA dans les départements ayant fusionné, ont fusionné avec le service environnement des préfectures pour former la DDT : Direction départementale des territoires. Élément majeur de la réforme de l’administration territoriale de l’Etat lancée en 2007, la fusion des services existant aujourd’hui forme les nouvelles composantes de l’administration départementale de l’Etat, placées sous l’autorité des préfets de département, dont les directions départementales des territoires - et de la mer (DDT-M) constituent des directions clés pour la mise en œuvre des politiques du ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de la Mer (MEEDDM). Elles seront le relai des DREAL pour le déploiement de la politique du ministère. Depuis le 29 juin 2009, la DREAL remplace la DIREN, la DRE et la DRIRE dont elle reprend les missions (hormis le développement industriel et la métrologie ). La DREAL est désormais le service régional qui porte la politique nationale de lutte contre le changement climatique, de préservation de la biodiversité, de lutte contre les risques, mais aussi la politique nationale du logement et de renouvellement urbain, dans une approche intégrée d’aménagement et de développement durable. Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 95
Aujourd'hui, il reste quelques attributions au niveau départemental au niveau des DDTM (direction départementale des territoires et de la mer), mais l’essentiel des missions est passé au privé, du moins les missions rentables... Localement les situations sont très contrastées : dans le sud-ouest, la compagnie des Coteaux de Gascogne est une ancienne « société d’aménagement », qui regroupe les conseils généraux du Gers, des Landes, des Pyrénées-Atlantiques et des Hautes-Pyrénées pour un aménagement concerté du Bassin de l'Adour. Elle assume un certain nombre de missions d’ingénierie qui lui sont dévolues du fait du désengagement de l'État. L'EPTB, quels moyens ? Les EPTB sont reconnus mais n'ont pas de moyens. L'amendement que le député André Flajolet a fait voter dernièrement va leur permettre de bénéficier d'une redevance qui sera perçue par les Agences de l'eau sur l'eau potable. Mais la question est complexe, car parallèlement les EPCI vont pouvoir créer un syndicat mixte qui pourra se doter d'un EPTB. Quel avenir d'un EPTB de taille aussi réduite ? Quelle finalité recherchée ? Il y aurait une piste intéressante qui pourrait permettre d'alimenter le fonds des EPTB : la mise en concurrence des concessions hydroélectriques historiques d’EDF : pourquoi une redevance ne serait-elle pas négocier en faveur des EPTB (et non des Agences comme certains le demandent) ? Quelle(s) compétence(s) supplémentaire(s) seraient intéressantes pour les EPTB ? Certainement, la gestion du domaine public fluvial pour éviter son morcellement. Une première étape a été franchie en 2003 : les EPTB ont été reconnus par le code de l'environnement comme des acteurs opérationnels de la gestion de l'eau et des rivières. Il s'agit pour les EPTB de pouvoir agir sur : - les cours d'eau domaniaux, - les cours d'eau non domaniaux. De gros problèmes existent sur les cours d'eau non domaniaux : le sol est privé, il est la propriété de centaines de milliers de riverains. La qualité de riverain confère au maître du fonds un droit de propriété et des droits d'usages. En cas de pluralité de riverains, un partage du lit par moitié se fait suivant une ligne supposée tracée au milieu du cours d'eau. Le riverain est tenu à certaines obligations : curage, entretien de la rive, bonne tenue des berges, respect du bon fonctionnement des écosystèmes aquatiques. Mais il n'y a pas de servitude le long des berges, les propriétaires privés peuvent installer des ouvrages sur les cours d'eau, en réduire le débit de façon importante, empêcher ainsi la continuité écologique sans avoir de compte à rendre. De multiples petits ouvrages existent ainsi depuis des siècles (moulins par ex.), d'autres sont très récents, c'est le fait des micro-barrages hydroélectriques par exemple. N'est-il pas scandaleux de permettre à un propriétaire privé de saccager une vallée pour son intérêt particulier ?
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 96
Les cours d'eaux non domaniaux sont ainsi l'objet de multiples convoitises, de nombreux usages parfois concurrents, souvent contradictoires : l'agriculteur s'en servira pour irriguer ses champs, les pêcheurs et pratiquants de sports d'eaux vives pour s'adonner à leurs plaisirs, le particulier pour revendre à bon prix des kw à EDF : autour du cours d'eau peuvent se cristalliser de nombreuses tensions. Quelles sont les limites au droit d'usage ? Cela tient de la jurisprudence des tribunaux judiciaires (litiges d'ordre privé), qui n'est pas ordonnée. Certaines décisions ont admis un droit d'usage quasi absolu de l'utilisateur. Pourtant les mesures prises par la loi sur l'eau, au premier rang desquelles figure " la protection, la mise en valeur et le développement de la ressource hydraulique " devraient infléchir ce cours. Afin d'encourager un entretien régulier des cours d'eau non domaniaux, la loi du 2 février 1995 a prévu la mise en place de plans simples de gestion. Programmes pluriannuels d'entretien et de gestion, ils peuvent être soumis à l'agrément du représentant de l'Etat dans le département par tout propriétaire riverain d'un cours d'eau non domanial et toute association syndicale de propriétaires riverains. Ils permettent d'obtenir le bénéfice d'aides de l'Etat et des ses établissements publics attachées au curage, à l'entretien et à la restauration des cours d'eau. Mais, de plus en plus fréquemment, on constate que les collectivités sont appelées à se substituer aux riverains défaillants. Sur les cours d'eau domaniaux, des travaux importants sont également à envisager. Exemple du Lot sur lequel de premiers travaux ont été lancés en 1990, pour un projet de remise en navigation qui intéresse 5 départements. Barrages, remise en état des écluses : les travaux sont très importants, la remise en navigation se fait tronçon par tronçon et devrait aboutir à la jonction des départements du Lot et du Lot et Garonne avec l'aménagement des écluses de Fumel (franchissement du barrage hydroélectrique) et St-Vite. Il est beaucoup attendu du développement du tourisme fluvial. Les barrages hydroélectriques Leur utilité dans la production électrique n'est pas à redémontrer. Leur appoint dans les moments de tension énergétique est des plus essentiel. Ils peuvent être en production immédiate à pleine puissance en moins d'une minute (46 s). Les lâchers d'eau sont intéressants en soutien d'étiage. Mais il est essentiel qu'ils soient bien contrôlés, l'eau arrive brutalement, à une température froide, et peut provoquer des hauteurs trop importantes dans les lits des cours d'eau. Réguler ces lâchers d'eau, dans le temps comme dans leur quantité, en informer la population, est primordial. Une nuisance importante peut se produire lorsqu'un barrage effectue une vidange : eau boueuse et froide qui se déverse, ce qui peut, entre autre, gâcher une saison touristique. Une convention a été signée avec EDF au niveau national pour ces lâchers et atténuer les effets des éclusées et EPIDOR travaille avec EDF au lissage de ces lâchers. Il faut appliquer le principe pollueur-payeur à EDF – et l'appliquer concessionnaires privés.
à l’avenir aux
__________
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 97
28 février 2011 Audition de UFC-Que choisir, Daniel Bideau et Grégory Caret
Daniel Bideau : administrateur national de l’UFCQue Choisir, référent sur les questions liées à l’eau, animateur de la commission santé Grégory Caret : Directeur du département des études de l’UFC-Que Choisir
Présentation de l’UFC-Que Choisir Le rôle de l’UFC-Que Choisir : association de consommateurs avec un agrément judiciaire, santé et environnement •
Une rédaction avec des publications avec une très large diffusion
•
160 Associations locales o Qui traitent plus de 100 000 litiges par an
•
Deux réseaux environnement et santé
Une expertise dans le domaine de l’eau qui se concrétise par plusieurs dossiers et des participations aux niveaux des instances de l’eau en qualité de représentant des usagers.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 98
A. Les combats et positions de l’UFC-Que Choisir sur l’eau Une approche à la fois sur les problématiques liées : •
Au grand cycle de l’eau gestion et préservation de la ressource
•
Au petit cycle de l’eau utilisation par l’homme
Sur le premier thème, nous avons lancé une campagne en 2006 pour une politique de développement durable de l’eau intégrant des dispositifs incitatifs fort à la préservation de la ressource notamment à destination du monde agricole. Sur le second thème, en 2006 une première fois puis en 2007, nous avons dénoncé les mauvaises pratiques s’agissant de la gestion de la distribution de l’eau aux particuliers et de l’assainissement.
1. La gestion de la ressource a) Notre analyse 34 M m3 prélevés et/ou consommés chaque année 28 extraits des précipitations, 6 des nappes. (57% pour l’énergie). 6 m3 consommés 70% de la ressource consommés par l’agriculture, 20% par l’industrie, 10 à 15% par les ménages. La France est parmi les pays européens les plus souvent pénalisés au niveau européen pour leur (mauvaise) gestion de la ressource-eau (cf. Directive-Cadre sur l’eau). Problématiques de gestion qualitative (la pollution par les nitrates notamment) et quantitative (avec des risques de pénuries localement) A la prévention, la France privilégie l’assainissement pourtant plus coûteux (PB, All). S’agissant de la gestion quantitative, l’idée de réserves artificielles stratégiques est même parfois évoquée. b) Pour construire une autre politique agricole de l'eau (2006) Les chiffres sont alarmants : 5 millions de Français ont été exposés au moins une fois à une eau polluée en 2003, 20 départements ont été gravement touchés par la sécheresse en 2005, 80% de la consommation nette estivale de l'eau est imputable à l'agriculture en raison de la politique actuelle de subvention qui a orienté les agriculteurs vers des choix de monoproduction intensive et spécialisée peu favorables à la protection de l'eau. Dans le même temps, les consommateurs acquittent en moyenne 89 % de la redevance pollution et 72% de la redevance consommation collectées par les agences de l'eau ! Les consommateurs ne peuvent accepter cet effort financier disproportionné qu'en contrepartie de pratiques agricoles plus respectueuses des ressources aquatiques. Dans cet esprit, l'UFC-Que Choisir a élaboré une réforme de fond opérationnelle « EauRéconciliation 2015 » proposant le développement des mesures agroenvironnementales grâce à un circuit de financement vertueux : de l'argent est prélevé sur des modes de productions agricoles intensifs et polluants avant d'être redistribué à des productions favorisant la préservation de la ressource aquatique.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 99
« L'UFC-Que Choisir ne part pas en guerre contre les agriculteurs. La bataille engagée est pour l'eau, elle ne sera pas gagnée sans l'implication de tous les usagers et la détermination des politiques... ». c) Nouvelles sources d’inquiétude en 2011 En 2011, de nouvelles sources d’inquiétudes se font jour s’agissant de la préservation de la ressource eau. Les pouvoirs publics ont accordé dernièrement des permis d’exploration pour l’exploitation des gaz de schiste. Or ces exploitations font peser 2 types de menaces majeurs sur l’eau : le risque de contamination des sources souterraines (par les produits chimiques employés comme par les fuites de gaz directement) et la consommation d’eau pour le forage (chaque puits nécessite une quantifié importante d’eau, ce pour une durée d’exploitation courte).
2. Le circuit domestique de l’eau a) Analyse Particularité nationale : le marché de l’eau confié à des acteurs privés (situation de duopoles sur les grandes villes) Organisation Distribution Assainissement Affermage (DSP) 79% 53% Régie 21% 47% Marché de l’eau : 12 milliards d’euros (2007) ; • 42% pour les collectivités • 40% pour les délégations • 18% pour les agences Coûts Fortes variations locales (2€ à 4€ le m3 ) Diagnostic : • Surfacturation dans les villes de plus de 300 000 hab • Des contrats systématiquement renouvelés avec même cocontractant • Des durées de contrat trop longues : 15-20 ans • Une situation de duopole avec pour conséquence une entente (DGCCRF) • La régie offre le meilleur rapport qualité-prix • Nos propositions : la création d’un haut-Conseil de l’eau, un avis du Conseil de la concurrence, envisager la solution de la régie.
b) Jackpot dans les grandes villes (2006) L'étude menée par l'UFC-Que choisir sur 31 communes de France met en évidence que les prix de l'eau pratiqués dans les grandes agglomérations urbaines sont parfaitement abusifs. Les entreprises ou les régies publiques en charge de cette activité constituent des bénéfices faramineux puisque les taux de marge nette sur chiffre d'affaires oscillent entre 26 et 42 %.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 100
L'eau distribuée par le Syndicat d'Ile de France est facturée 2,5 fois plus chère que ce qu'elle coûte. Le prix facturé est 1,7 fois plus élevé que le prix de revient à Lyon et à Reims, 1,5 fois plus élevé à Strasbourg, Angers et Nantes, 1,4 fois plus élevé à Paris et à Lille. Si l'ensemble des grandes villes étudiées surfacturent l'eau, le Syndicat des eaux d'Ile de France (SEDIF) atteint des sommets inouïs avec une marge nette de 59% (1). L'UFC-Que Choisir a ainsi évalué que le préjudice des 4 millions de consommateurs du SEDIF atteignait 230 millions d'euros sur l'année 2004. Au vu de ces chiffres, il est évident que le SEDIF doit renégocier immédiatement son contrat avec son délégataire. A l'inverse, dans la plupart des petites et moyennes villes de notre panel, les prix facturés sont assez proches du prix de revient que nous avons calculé. En effet, il apparaît que l'industrie de l'eau est très structurée par des économies d'échelles et de densité : plus l'agglomération est dense, plus le nombre d'habitants par kilomètre de tuyau est élevé et plus le syndicat peut amortir le coût du renouvellement du réseau sur un chiffre d'affaires élevé. Ces éléments expliquent pourquoi le coût réel de l'eau est faible dans les grands centres urbains et assez élevé en milieu rural. L'UFC-Que Choisir constate que deux entreprises se partagent le marché des grandes villes. Cette concentration extrême, associée à une surfacturation du prix et à des marges abusives, indique que le jeu concurrentiel est défaillant sur le secteur de l'eau. Par conséquent, à chaque renouvellement de contrat, les maires doivent envisager sérieusement l'opportunité d'un retour en régie publique. La menace de ce retour reste en effet le seul moyen immédiat d'accroître l'intensité de la concurrence. L'UFC-Que Choisir appelle à une réforme de la politique industrielle de l'eau et demande que: - le projet de loi sur l'eau rende obligatoire l'avis du Conseil de la concurrence pour chaque renouvellement de contrat des villes de plus de cent mille habitants - le projet de loi sur l'eau crée un haut conseil de l'eau qui établira des normes de prix et des comparatifs entre les villes. - le Parlement mette en place une mission d'information qui étudiera les moyens de mettre fin à la concentration industrielle du secteur de la distribution et de l'assainissement de l'eau. c) Profits de l'eau Jackpot sur les grandes villes ! (2007) L'eau distribuée par les syndicats de Marseille et de la presqu'île de Gennevilliers (92) est 2,2 fois plus chère que ce qu'elle ne coûte. Le prix facturé est 1,8 fois plus élevé que le prix de revient à Montpellier, 1,7 fois plus élevé à Toulouse, 1,6 fois plus élevé à Nice et 1,5 fois plus élevé à Bordeaux. A l'inverse, les agglomérations de Chambéry, Clermont-Ferrand, Annecy et Grenoble, qui sont gérées en régie municipale, présentent des prix facturés assez proches de notre calcul de coût. L'UFC-Que Choisir adresse donc un franc satisfecit à ces quatre collectivités.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 101
A partir d'un modèle de calcul rénové, la deuxième étude menée par l'UFC-Que Choisir sur 9 nouveaux syndicats met en évidence que les prix de l'eau pratiqués dans les grandes agglomérations urbaines sont souvent très abusifs. Les résultats révisés des dix villes déjà étudiées en 2006 varient peu : le Syndicat des Eaux d'Ilede-France (SEDIF) continue de détenir la palme de la surfacturation, avec un taux de marge de 58,7 % (1), suivi des villes de Lyon (47,8 %) et de Reims (45,7 %). Seules Angers et Nantes (26,6 %) connaissent une relative baisse de leur taux de marge calculé. Ces résultats mettent en lumière les bénéfices faramineux réalisés par les deux entreprises, Veolia et Suez, qui se partagent l'essentiel du marché, et témoignent des inefficiences du service. La facture est aussi tirée à la hausse par des pratiques budgétaires irrégulières. Par exemple, dans plusieurs syndicats d'assainissement, tels que le SIAAP en Ile-de-France, la coûteuse gestion des eaux pluviales est financée par la facture d'eau alors que, selon la Cour des comptes, ce poste relève du budget général des collectivités locales. Pour sortir de l'impasse, l'UFC-Que Choisir lance un appel aux maires : plus que d'éventuelles modifications législatives, la clé d'une meilleure gouvernance de l'eau reste dans les mains des élus locaux qui, à l'instar de Bordeaux ou Lyon, doivent renégocier leur contrat, initier, comme à Nantes, des baisses de prix et régulariser leurs affectations budgétaires. Surtout, le moment crucial reste le renouvellement du contrat, qui engage la collectivité pour plus de dix ans. Lors de cette renégociation, les maires doivent envisager sérieusement l'opportunité d'un retour en régie publique. La menace de ce retour reste en effet le seul moyen immédiat d'accroître l'intensité de la concurrence. Afin de poser un débat contradictoire sur des bases factuelles, l'UFC-Que Choisir met à la disposition des municipalités une rubrique de son site internet www.quechoisir.org qui, face aux calculs de notre étude, leur permet de proposer leur version détaillée du compte de leur service. d) Nouvelles sources d’inquiétude en 2011 •
Coût et utilisation des eaux pluviales
•
Le renouvellement des réseaux (1 millions de km de canalisation avec taux renouvellement <1%)
•
Les questions autour de l’Eau et de l’alimentation (aluminium et autres polluants)
•
Les compteurs intelligents
B. Pour un partage raisonné de la ressource en eau En tant que consommateurs, nous sommes préoccupés par plusieurs aspects de l’évolution de cette ressource naturelle qui nous concerne tous :
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 102
Le prix de l’eau dont l’évolution pose problème car on essaye de faire payer à l’eau et aux consommateurs de nombreux éléments qui n’appartiennent pas au traitement de l’eau. Les problèmes de santé liés à l’emploi de produits phytosanitaires dans l’agriculture (pour les agriculteurs eux-mêmes et pour les consommateurs), à la présence de produits présents dans l’eau comme l’aluminium ou les résidus de médicaments. Aujourd’hui, j’ai choisi d’aborder un autre sujet et de vous présenter une proposition de partage raisonné de la ressource en eau pour l’agriculture. Comme vous le savez, lorsqu’en été la pluviométrie est faible et que le débit des cours d’eau diminue, une période d’étiage s’ouvre. Ce phénomène naturel récurrent fait néanmoins peser un risque de pénurie d’eau qui est de moins en moins contrôlé. Ce problème n’est pas propre à des régions sèches, comme la carte de la France, établie par la direction de l’Eau, le montre : de nombreuses parties du territoire connaissent des déficits en eau réguliers et nous constatons que cette carte recoupe celle des zones de grandes cultures.
Les redevances en eau ont été créées en 1964 et la loi a chargé chaque agence de l’eau de les fixer et de les répartir entre les catégories d’usagers (je profite de cette occasion pour regretter que si peu de Français connaissent le découpage de la France opéré par les agences de l’eau).
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 103
Les agriculteurs et les industriels, qui étaient très bien représentés au sein de ces organismes, ont contribué à faire porter la quasi-totalité de la charge financière sur les usagers domestiques, absents de ces agences dirigeantes. Le financement actuel de l’eau est ainsi intégralement basé sur le poids des lobbies, nullement sur des enjeux objectifs touchant à l’eau, malgré des mesures récentes destinées à répondre aux injonctions des instances européennes consécutives à des dérapages. Je tiens d’ailleurs à féliciter l’Europe, car la législation et la réglementation françaises ont évolué grâce à certaines directives européennes. Rappelons-nous la campagne menée par Que Choisir face à la difficulté d’obtenir la publication des résultats d’analyse de l’eau de baignade ou de l’eau potable : la France diffuse toujours avec peine les informations sur des actions qu’elle mène pourtant avec efficacité. Le financement actuel du prix de l’eau se base en totalité sur le poids des lobbies alors que chaque consommateur d’eau est responsable, à commencer par le secteur de l’énergie, premier utilisateur avec 25 milliards de mètres cubes par an. Avec six milliards de mètres cubes, les consommateurs occupent la deuxième place, suivis des agriculteurs (cinq milliards) et l’industrie (quatre milliards). Mais l’impact de ces prélèvements dépend de l’usage et non des volumes. En effet, seule compte la consommation nette de chaque catégorie, c’est-à-dire la différence entre le volume prélevé dans les cours d’eau ou les nappes et celui qu’elle renvoie après usage. Sur ce plan, le secteur de l’énergie est proche de l’impact nul, car l’eau utilisée repart à la rivière (si ce n’est qu’elle est réchauffée, ce qui perturbe la faune et la flore des cours d’eau). L’industrie restitue aujourd’hui 90 % des volumes soutirés et je tiens à saluer les progrès accomplis par les entreprises : l’eau prélevée retourne à la rivière sans altération de sa qualité. L’agriculture, en revanche, consomme la quasi-totalité de ses prélèvements et, si les autres secteurs lissent leur consommation sur l’ensemble de l’année, l’agriculture concentre ses prélèvements sur la période estivale ; en plein été, sa part est portée de 68 à 90 % du total consommé dans les régions de grandes cultures (le solde se répartit entre l’eau potable et l’industrie). L’irrigation du maïs en particulier est en cause : la pénurie d’eau et les arrêtés préfectoraux de restriction qui en découlent sont dus à l’accaparement de la ressource par cette culture qui, malgré cela, ne cesse de progresser, tout comme les restrictions. Pour faire face à l’augmentation incessante de ces besoins, les « bassines » – des réserves de substitution implantées au sein de ces grandes cultures – se multiplient, avec cette idée a priori pleine de bon sens : stocker l’eau lorsqu’elle est abondante et la restituer lorsqu’elle devient rare. Malheureusement, le bon sens recule face au coût prohibitif de ces équipements. De plus, leur financement constitue un scandale, car les ménages les payent à la place de leurs utilisateurs, via la facture d’eau et les impôts. Ces outils destinés à l’irrigation sont financés par les particuliers, notamment sur le territoire de l’agence de l’eau Loire Bretagne qui a accordé plusieurs millions d’euros à l’aide à la création de ces retenues ; cette politique d’aide à l’irrigation nous pose problème, d’autant plus que les agences de l’eau doivent financer la dépollution de l’eau contaminée par les nitrates et les pesticides issus de ce type de cultures.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 104
Les plans Sécheresse maintiennent les agriculteurs dans une impasse environnementale. Nous souhaitons dialoguer avec ces professionnels, car ils ne bénéficient d’aucune aide en vue d’une reconversion partielle de leurs cultures propre à réduire la production irriguée dans les zones touchées par la pénurie. Les exploitants ne sont pas responsabilisés, car le plan Sécheresse ne prévoit pas d’appliquer aux activités agricoles une redevance significative sur la consommation d’eau, ce qui contraint les agriculteurs à pratiquer une irrigation intensive qui constitue une réponse économiquement rationnelle à la politique proposée. Face à cette situation, l’UFC Que Choisir a élaboré une réforme de fond, opérationnelle, proposant le développement de mesures agro-environnementales grâce à un circuit de financement vertueux : de l’argent est prélevé sur des modes de production agricole intensifs et polluants avant d’être redistribué à des productions favorisant la préservation de la ressource aquatique. Ainsi, l’agriculture financerait l’agriculture, ce qui constituerait une nouveauté, étant donné qu’aujourd’hui le consommateur fournit ce financement. Rappelons que la construction de barrages en vue de lutter contre la sécheresse est une aberration économique : le budget public et la facture des usagers domestiques subventionnent de coûteux investissements à la seule culture de plantes irriguées. Ces subventions viennent s’ajouter aux primes déjà très élevées que la PAC leur accorde (cette situation pourrait bientôt changer). C’est également une aberration environnementale, car la construction de barrages perpétue le recours à l’irrigation intensive, n’envoie aucun signal d’économie d’eau aux paysans et ne les incite pas à reconvertir leurs cultures. Dans un tel contexte, les réserves créées par les nouveaux barrages seront épuisées dans quelques années et nous devrons de nouveau solliciter les finances des usagers domestiques pour envisager de nouvelles solutions. C’est la raison pour laquelle nous plaidons pour l’adoption d’un plan d’aide agroenvironnementale qui favoriserait la reconversion des cultures et qui amènerait les agriculteurs à Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 105
diminuer leur consommation d’eau. Ce schéma pourrait être appliqué à des zones fragiles (par exemple autour de certains captages). Nous prônons également l’instauration d’une écotaxe anti sécheresse par le triplement de la redevance que payent les irrigants aux agences de l’eau et le produit de cette écotaxe viendrait abonder un plan d’aide agro-environnementale. Cette logique de solidarité entre agriculteurs retournerait le cercle vicieux par lequel nous investissons pour créer de nouvelles réserves pour approvisionner une culture qui réclame des quantités d’eau en constante augmentation et qui réclame chaque année son dû. Je tiens à insister sur le fait que les agences de l’eau sont peu connues et je leur suggère de lancer une campagne de publicité nationale afin de favoriser la consommation d’eau du robinet et de mettre en avant les agences de l’eau : « Buvez l’eau du robinet grâce à l’agence de l’eau Loire Bretagne. (ou d’un autre bassin) »
__________
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 106
Note - L'émergence de la question de l'eau dans les collectivités locales Place et rôle de la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies) Note résultant de différentes rencontres avec des élus membres de la FNCCR
La FNCCR La FNCCR, association nationale d'élus locaux créée en 1934, a été créée à l'origine dans le domaine de la distribution d'électricité. Elle fédérait les syndicats départementaux de distribution de l'électricité. La quasi-totalité de ces syndicats départementaux adhèrent à la FNCCR. Dans les années 30, la situation du secteur de l'énergie était assez comparable à ce que l'on vit aujourd'hui dans le domaine de l'eau puisque la distribution était assurée par des sociétés privées. Le secteur eau a commencé à se développer à partir de 1993. En 1946, la décision de nationaliser l'électricité entraîne la centralisation de la gestion de la ressource. Ce schéma ne s'est pas reproduit sur l'eau, une des raisons essentielles étant que l'eau est une ressource locale alors que la production d'électricité est, dans une large mesure, centralisée. Un grand service public national de l'eau, bien que proposé par certains partis politiques, n'a ainsi jamais vu le jour. Dans son activité eau et assainissement, la FNCCR représente environ 400 adhérents de toute taille et de tout type. Elle a un rôle de diffusion d'information sur toutes les lois, décrets, arrêtés… Composée d'une petite équipe, 5 cadres depuis avril 2010, elle reçoit et traite les questions posées par les collectivités. La FNCCR est membre du Comité national de l'eau et bénéficie d'une certaine reconnaissance nationale : elle est régulièrement consultée par les ministères et sert de lien entre les collectivités et les décideurs au niveau national. La FNCCR vient d'achever une étude comparative sur 31 services d'eau potable (voir en annexe de la note) concernant 13 millions d'habitants (des collectivités importantes sont concernées, telles Paris, Nantes, Lyon, Lille, Strasbourg…), des régies et des délégations. L'émergence du débat sur les modes de gestion, son hybridation Il y a encore une quinzaine d'années, peu de personnes s'interrogeaient sur les services d'eau et d'assainissement, il n'y avait que peu de personnel affecté sur ces sujets dans les collectivités. Il était difficile de trouver un interlocuteur compétent dans les services : sur les questions techniques, tout était délégué à l'extérieur pour les DSP ; en régie, on faisait complètement confiance au directeur des services techniques. Aujourd'hui, la situation est très différente. Même si toutes les collectivités ne traitent pas la question de la même façon, toutes s'interrogent et considèrent qu'il y a là un enjeu important. Des audits sont commandés, les régies souhaitent partager les informations entre elles, nombre de collectivités ont ainsi participé à l'analyse comparative de la FNCCR.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 107
L'esquisse d'un regroupement spécifique régie au sein de la FNCCR date de la montée de ces questionnements qui émergent depuis une quinzaine d'années. Au départ, les services ruraux étaient les plus intéressés, les villes adhèrent en plus grand nombre à la FNCCR depuis 5 à 10 ans. Les demandes des collectivités moyennes et petites sont plus nombreuses que celles des grandes car elles n'ont pas les capacités d'expertise de ces dernières qui peuvent s'adresser à des bureaux d'étude avec de bonnes capacités d'expertise. De nouvelles contraintes de gestion, mais des structures trop cloisonnées La gestion de l'eau s'est extrêmement complexifiée sur le plan réglementaire, au niveau européen comme au niveau national. Les élus constatent un problème récurrent à la base : l'essentiel des décisions prises au niveau communautaire comme au niveau national émane le plus souvent de personnes qui ne connaissent que très mal le fonctionnement des services, de ce que les collectivités peuvent faire ou pas. Par exemple, en matière de substances dangereuses, on s'oriente dans une direction où les services d'assainissement vont avoir beaucoup de mal à suivre puisqu'on leur demande, dans les 2 ans qui viennent, de faire des listes faramineuses d'analyses qui vont coûter cher. Il est estimé que cela va représenter 1 ou 2 % supplémentaires par rapport aux budgets actuels des services d'assainissement. Une fois que l'on aura le résultat de ces analyses, il y aura certainement à décider de mettre en place certaines mesures. Mais qui financera quoi ? Les personnes en charge de ce dossier au niveau national comme au niveau européen ne veulent pas savoir. Elles avancent sur leurs dossiers techniques de substances dangereuses qui sont déversées dans l'environnement, c'est tout à fait normal, mais l'aspect économique et répercussion sociale est considéré comme négligeable alors qu'il est primordial pour les élus. La loi ne peut pas rentrer dans tous les détails techniques, la LEMA (loi sur l’eau de 2006) renvoie très fréquemment à des décrets d'application, et une grande part de la complexité provient de ceux-ci - c'est l'administration qui a la main. Un des problèmes constaté est le cloisonnement entre les ministères, les agences de l'eau et les collectivités : il n'y a pas suffisamment de circulation entre ces structures. Chacun raisonne à son niveau, poursuit son objectif propre. La FNCCR tente de répondre au mieux aux interrogations de ses adhérents. Quels moyens pour les collectivités ? Sauf exceptions, les élus, seuls, ne peuvent pas arriver à gérer correctement les services de l'eau et de l'assainissement et demandent des techniciens qualifiés, assez proches, pour les accompagner. Il y a alors un vrai problème concernant l’appui qu'ils peuvent recevoir qu'ils ont de plus en plus de mal à trouver auprès les services déconcentrés de l’État. En effet, aujourd'hui l'État perd de sa substance, notamment au niveau du terrain. D'une part, les services de l'État d'eau et d'assainissement étant plus ou moins en voie de disparition, les ministères ont tendance à considérer les collectivités quasiment comme des services de l'État. D'autre part, au niveau des collectivités, des instructions claires existent pour que l'ingénierie publique ait disparu en 2011 au plus tard. Cette disparition pose des problèmes à toutes les Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 108
collectivités, notamment rurales. Les élus locaux dans certains départements sont en train de reconstituer des structures sous l'égide de la collectivité territoriale pour reprendre ce que DDA et DDE faisaient avant. Certains départements montent ainsi une structure, un syndicat, ou font appel au syndicat d'électricité qui prend des compétences dans le domaine de l'eau et de l'assainissement pour faire de l'assistance à la maîtrise d'ouvrage. On décompte plus de 35 000 services et syndicats de l’eau avec un maillage invraisemblable : des syndicats départementaux historiques, des regroupements intercommunaux, les EPTB... Il est indispensable d'aboutir à une meilleure harmonisation. Quels sont les types de rapprochements fusions, regroupements, structures tierces… à envisager ? Car si la FNCCR joue un rôle en termes de mutualisation, de travail de réseau, d’information, etc. en matière d’ingénierie au sens large, le problème reste entier : quelle forme nouvelle trouver afin de répondre à l’avenir aux besoins pressants ? Distinguer maîtrise d'ouvrage et maîtrise d'œuvre Pour la maîtrise d'œuvre, de l'avis général, avec un dossier bien monté, des missions peuvent sans problème être confiées au privé : il s'agit de monter un dossier de consultation des entreprises, puis de suivre le chantier. Les difficultés rencontrées se situent au niveau de la maîtrise d'ouvrage, c’est-à-dire de la conception des ouvrages les mieux adaptés aux besoins de la collectivité. De nombreuses collectivités disent que le privé n'est pas forcément bien adapté. Il est parfois préférable de mettre plus d'argent pour avoir une conception bien faite, avec des ouvrages bien dimensionnés et la meilleure solution technique, que d'avoir des ouvrages moins chers mais plus coûteux dans leur construction ou leur fonctionnement. Or, il y a une tendance du privé à aller vite, à ne pas suffisamment pousser l'étude de la maîtrise d'ouvrage, à la différence des études réalisées par les services techniques de l'État. Il s'agit souvent, pour des économies de temps, de "copiés-collés" de projets existants. De nombreux témoignages de collectivités vont en ce sens. Des structures au niveau départemental En ce qui concerne les zones rurales, certaines collectivités ont commencé à se regrouper au niveau départemental – pas forcément pour transférer toutes les compétences à un syndicat départemental mais pour avoir un appui technique à la maîtrise d'ouvrage. Certains départements ont créé des structures à leur niveau. Ils développent, un appui aux services d’eau et d’assainissement des collectivités, appui tant administratif que technique (dont notamment la maîtrise d’ouvrage). La FNCCR considère le niveau départemental comme effectivement assez bien adapté - ce n’est pas un hasard si l’État avait placé son ingénierie publique à ce niveau. Dans la grande majorité des cas, cela semble satisfaire les élus : le département, c’est à la fois pas trop loin des collectivités locales et cela permet de regrouper des moyens assez substantiels pour avoir une structure qui tient la route ainsi que des compétences suffisantes pour conseiller les collectivités. Dans les départements où cela existe, cela fonctionne bien (Bas-Rhin, Vienne, CharenteMaritime, etc.). En amont du choix du mode de gestion, il faut que la collectivité territoriale ait une capacité de réflexion sur son organisation et une capacité de maîtrise d'ouvrage, quitte ensuite à déléguer au privé si elle le souhaite.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 109
Mais il y a de fortes réticences politiques des élus à se regrouper et à transférer les compétences à un niveau plus large, des inquiétudes à se trouver dépossédés d’un certain nombre de leurs compétences (contrôle, pouvoir, rémunérations…). Ceux qui essaient de monter des regroupements au niveau d’un département ont de grosses difficultés, même les structures anciennes. Ainsi le syndicat de l’eau et de l’assainissement du Bas-Rhin, qui a une forte compétence appréciée par ses membres, n’a réussi en 2-3 ans à n’obtenir que 50 % de transfert des compétences de ses adhérents – il y a beaucoup de résistance, même dans ce département où il y a une forte tradition de gestion publique (syndicat départemental qui existe depuis 70 ans). Dans les départements où il n’existe rien ou quasiment rien, on sent qu’aujourd’hui il faudrait contraindre les élus, ce qui n’est pas positif. Il faut savoir que de conseils généraux ont baissé les bras après la LEMA et se désengagent : à l'époque, ils avaient mis la pression pour qu'il y ait, dans la loi, un article leur permettant de créer un fonds départemental mais ils ont perdu la bataille. La disposition législative de 2006 n'encourage pas, bien au contraire, les aides directes à la gestion directe. Si les Landes ont décidé d'accorder une bonification de 10 % du CG pour la gestion en régie, cette aide est portée depuis son régime général, pas d'un budget spécifique. Bon an, mal an, les conseils généraux subventionnent pour 700 millions d'euros l'eau et l'assainissement. Si la clause générale de compétence saute, cela sera catastrophique. Les EPTB Dans certains endroits, il peut y avoir une concurrence entre les structures départementales et les EPTB (établissements publics territoriaux de bassin). Ces compétitions peuvent être larvées et il y a déperdition d’énergie dans de telles querelles. Il ne faut pas superposer les structures et donc faire un choix. Si la structure EPTB n'est pas retenue par la FNCCR, elle est cependant plébiscitée par d'autres. Les grandes entreprises favorisées au niveau national Au niveau national, quelque soit le gouvernement, on constate une politique pour favoriser les grandes entreprises "nationales" (dont le capital n’est plus national) et c'est toujours présenté comme une priorité aujourd'hui. C'est ce qui ressort du dernier Comité national de l'eau, où l'on a parlé de la recherche dans le domaine de l'eau, la 1ère priorité indiquée étant de conforter au niveau mondial le rôle des entreprises françaises et de développer les pôles de recherche et de compétitivité. Il est clair que la priorité n’est pas le service des collectivités mais le développement des grandes entreprises françaises. Si le programme de recherche concerne les collectivités, ce n’est que pour que celles-ci servent de faire valoir au savoir faire de nos grandes entreprises. Interrogation sur la pérennité du modèle économique historique (rémunération au m3 de consommation) Les réflexions ne sont encore qu’embryonnaires et prises essentiellement sous l'angle de la rémunération du délégataire. La consommation baissant, ceux-ci cherchent à se faire rémunérer autrement que par les m3 d'eau consommés. Les adhérents de la FNCCR se sont retournés vers elle pour pouvoir faire face à des propositions des délégataires, mais aussi des bureaux d’étude
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 110
qui s’engouffrent dans cette brèche, y compris Service public 2000 (qui dépend en partie de la FNCCR). Mais la FNCCR n'a pas, à ce stade, proposé de réponse. Car le problème fondamental est l’équilibre du budget global des services d’eau et d’assainissement. Rémunérer autremen t le délégataire, sur la performance ou autre chose, ne fait que transférer le problème sur le budget de la collectivité sans rien résoudre. Certains évoquent le retour à un financement par l’impôt. Avant les instructions de 1960, effectivement, le service d’assainissement était financé sur le budget général, souvent également sur celui de la voirie. Si les délégataires privés ont avancé sur la question, on peut constater qu'il y a peu, ou pas, de réflexion de la part des élus. Sur les questions de procédure N’y a-t-il pas une mise à jour à effectuer par rapport à la loi Sapin au vu de ce qui peut être identifier du bon et du mauvais fonctionnement de la procédure ? Sur le choix du mode gestion, il apparaît que les élus sont sous-informés des conséquences de la délibération de leur assemblée adoptant le principe de la DSP (loi Sapin) qui empêche ensuite toute option sur une régie (sauf annulation de la délibération précédente). En 2009, sur les 989 contrats de DSP remis en jeu, 95 % sont ainsi restés aux mains des délégataires. Par ailleurs, il apparaît des facilités d'offres anormales dans ces procédures quand on voit que les entreprises peuvent faire une première offre, 1er coup pour voir, puis revenir sans problème à un 2ème, 3ème ou 4ème tour, et sous-renchérir avec des offres à - 30 %, - 40 % : cela tue le principe même de concurrence. L’interdiction d’offre anormalement basse n’est-il pas du ressort du Conseil de la concurrence ? Mais comment peut-on définir une offre anormalement basse, qu’elle est en dessous de son coût de revient ?
La FNCCR présente les résultats de l'analyse comparative de 31 services d'eau potable Publié le 30.03.2010 - http://www.fnccr.asso.fr/articles.php?id=13
Cette analyse comparative, réalisée sur une durée d’un an (mars 2009 – mars 2010) par le département « eau et assainissement » de la FNCCR, vient de s’achever. Elle a été réalisée en partenariat avec 31 collectivités adhérentes (sans lesquelles l’opération n’aurait pas été possible) et avec le concours financier de l’ONEMA (Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques). C’est la première fois qu’une telle analyse comparative est réalisée en France. Elle répond à des besoins d’évaluation, de transparence et de meilleure connaissance du fonctionnement des services d’eau potable, qui sont ressentis de plus en plus fortement par de nombreuses collectivités. Six aspects de l’activité des services d’eau potable, correspondant à leurs principales missions et domaines de compétence, ont été examinés dans ce cadre : la qualité de l’eau, la qualité du service à l’usager, la gestion du patrimoine, la sécurisation quantitative de l’alimentation, les Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 111
relations avec l’environnement et les aspects économiques et financiers. Les données recueillies concernent l'exercice 2008. Les travaux ont été supervisés par un comité de pilotage, constitué par les représentants des 31 collectivités participantes, un représentant de l’ONEMA et (à titre consultatif) des représentants de la Fédération professionnelle des entreprises de services d’eau (FP2E). A la fin de l’analyse comparative, chaque collectivité dispose d’un rapport constitué de deux documents : • une présentation générale de l’analyse comparative, qui explique l’ensemble de la démarche et expose une sélection d’indicateurs de performance sous forme de graphiques et tableaux anonymes (les collectivités ne sont pas identifiées), accompagnés de commentaires généraux sur les résultats de l’échantillon des 31 collectivités participantes (téléchargeable ci-dessous); • un rapport spécifique à chaque collectivité, qui en est propriétaire, et dans lequel un récapitulatif des données fournies par le service de l’eau potable, le positionnement du service sur des histogrammes présentant chacun un indicateur et des commentaires personnalisés sont fournis (ces rapports sont confidentiels mais un exemple anonyme est téléchargeable ci-dessous). En 2010, le comité de pilotage a décidé de poursuivre la démarche compte tenu de son intérêt. La session 2010, qui portera sur les données de l’exercice 2009, sera lancée lors d’une réunion à la FNCCR, le mercredi 14 avril au matin, de 10h00 à 13h00. L’analyse comparative sera ouverte à de nouvelles collectivités qui souhaiteront y participer, au-delà des 31 collectivités « pionnières » de 2009. Il est également prévu d’entreprendre une analyse comparative de même nature concernant les services d’assainissement collectif.
__________
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 112
Contribution de Marguerite CULOT, Collaboratrice au groupe socialiste de l’Assemblée nationale Enjeux de protection des zones humides et sensibles
DEFINITION Une zone humide est une région où le principal facteur d’influence sur le biotope et sa biocénose est l’eau. K. Turner (spécialiste des zones humides) a défini la zone humide comme « continuum reliant l’environnement aquatique à l’environnement terrestre ». Plus spécifiquement et selon l’article 2 de la loi sur l’eau française de 1992 (article L.211-1 du code de l’environnement), on entend par zone humide « les terrains exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ». Y poussent une végétation particulière dominée par des plantes hygrophiles. Il existe deux grands types de zones humides : ‐ Les eaux humides continentales, elles-mêmes pouvant être subdivisées en quatre grandes catégories : eaux dormantes (étangs, mares, mouillères, etc.), eaux courantes (fleuves, rivières, ruisseaux et leurs sources), zones inondables (bois marécageux, forêts alluviales ou humides, marécages, prairies alluviales, etc.), zones hygromorphes végétales remarquables (aulnaies, rizières, tourbières, landes paratourbeuses, etc.). ‐ Les zones humides des domaines littoraux et océaniques (archipel, baies, lagunes, dunes littorales, plages de sable, deltas et estuaires, marais côtiers, salants, salés ou saumâtres, mangroves, etc.).
FONCTIONS DES ZONES HUMIDES On distingue deux grandes catégories d’enjeux pour les zones humides : Les fonctions qu’elles remplissent (régulations physico-chimiques nécessaires au bon fonctionnement des écosystèmes qu’elles regroupent) ; Les services qu’elles nous rendent (caractère d’ « utilité » suite à l’intervention de l’homme sur ces espaces. Même si leur complexité implique une compréhension encore toute relative de leur fonctionnement, nous savons que les zones humides jouent un rôle fondamental au vu des différentes fonctions qu’elles assurent. 1. Fonctions épuratrices et hydrologiques Les zones humides réalisent le recyclage et stockage de l’eau, améliorant sa qualité tout en assurant sa quantité. Elles permettent le stockage à court terme des eaux de pluie prévenant ainsi les inondations ainsi que le stockage à long terme des précipitations et des eaux superficielles conduisant à « recharger » les nappes souterraines par infiltration.
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 113
2. Fonctions biologiques Les zones humides sont des milieux de vie extraordinaire, véritable réservoir de biodiversité du fait de la variété des écosystèmes qu’elles abritent, de la grande variété d’habitats et de leurs connexions. En France métropolitaine, les zones humides ne couvent maintenant plus que 3% du territoire. Ceci étant elles hébergent encore aujourd’hui 1/3 des espèces végétales remarquables, la totalité des amphibiens et de nombreuses espèces piscicoles tandis que la moitié des oiseaux en dépendent. Ce sont des lieux d’abri, d’alimentation, de reproduction, de croissance, d’hivernage et encore de repos (étapes migratoires). 3. Dimension culturelle Les zones humides forgent l’image d’une région et sont, en conséquent, un élément fondateur du patrimoine local. De nombreuses activités traditionnelles locales (saliculture, élevage, exploitation de roseau, conchyculture) et récréatives (pêche, chasse) sont également associées à ces espaces. Dans le même temps, de nombreuses inimitiés les caractérisent également (odeurs pestilentielles et maladies). La forte interdépendance qui existe alors entre les milieux, l’eau, ses usages et sa gestion participe dès lors beaucoup à la construction des sociétés locales. 4. Dimension économique (tourisme, agriculture, et autres services écosystémiques) Les zones humides sont très souvent le lieu d’activités économiques (voir ci-dessus). Précieuse ressource en eau, elles ont également permis à l’agriculture de se développer aux alentours. En 2000, l’agriculture et le pâturage concernent respectivement 83% et 80% des zones humides enquêtées par l’IFEN29, faisant de l’agriculture un secteur fortement dépendant de cet espace et ayant un rôle important dans la gestion de ses ressources et services. L’agriculture a malheureusement utilisé abusivement les zones humides et, de façon générale, les mal entretenues. De fait, il est reconnu aujourd’hui que l’accélération de la dégradation des zones humides à la fin des années 60 est liée au développement d’une mise en valeur agricole non raisonnée et du développement de l’agriculture intensive. Le secteur agricole a en effet asséché bon nombre de ces espaces sensibles en les drainant ; ce qui a eu pour conséquence de modifier les écoulements et de bouleverser la composition chimique des sols. En outre, certains agriculteurs ont, après avoir pris possession et utilisé ces espaces asséchés, abandonné ces derniers en raison des difficultés de leur entretien ou du manque de rentabilité de l’exploitation ; ce qui a eu pour conséquence un enfrichement progressif, la fermeture du milieu et un important appauvrissement biologique30. Ce qui nous permet d’affirmer que la conservation de certains milieux humides est directement liée au maintien d’une activité agricole. Reste à définir les contours d’une politique agricole soucieuse du respect de ces zones humides évidemment … Un certain nombre de travaux ont été conduits dans le but d’évaluer les fonctions assurées par les zones humides et les services qu’elles nous rendent. Parallèlement à ce qu’a fait l’équipe de Pavan Sukhdev pour évaluer la valeur économique de la biodiversité et des services écosystémiques au niveau international (TEEB), ces études ont été réalisées pour mettre en exergue les gains économiques d’une zone humide en bonne santé afin dans un second temps, de
29 M.C. XImenes, C. Fouque, G. Barnaud, « Etat 2000 et évolution 1900‐2000 des zones humides d’importance
majeure », Document technique IFEN‐ONCFS‐MNHN‐FNC, Orléans : Ifen, 2007 30 L. Guerin, « PNR en zones humides : Les enjeux des zones humides dépassent‐ils les moyens des PNR ? »,
Projet de fin d'études, Ecole polytechnique de l'Université de Tours, 2009‐2010
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 114
conscientiser les acteurs économiques et de les amener à reconnaitre la valeur certes nonmarchand de ces espaces sensibles mais ô combien indispensable à la dynamique des territoires. REMARQUE : L’équipe de recherche dirigée par P. Mérot de l’INRA de Rennes a proposé une approche novatrice pour rendre compte de la variabilité fonctionnelle des zones humides. Cette démarche différencie, et si possible délimite les zones humides dites « potentielles », « effectives » et « efficaces ». o Une zone humide « potentielle » est une surface susceptible d’héberger une zone saturée en eau pendant une période suffisamment longue pour qu’elle lui confère des propriétés d’hydromorphie ». o Une zone humide « effective » est une zone dans laquelle la saturation en eau atteint 100 % en période hivernale ». o Une zone humide « efficace » est une surface jouant un rôle significatif pour une fonction donnée. Ces différentes zones humides s’imbriquent les unes dans les autres (dans l’ordre de la description) ou se superposent selon le chercheur.
ETAT DES LIEUX Du fait de son image parfois assez médiocre dans la conscience populaire (les zones humides sont parfois considérées, comme susmentionné, comme des zones insalubres et pestilentielles), l’homme a cherché, pour ses activités économiques ou sociales, à assécher, drainer et remblayer les zones humides. L’industrialisation, l’urbanisation et les pollutions qui s’en suivirent ont contribué à réduire fortement ces lieux sensibles allant même parfois jusqu’à les détruire. Ainsi, deux tiers des zones humides françaises ont disparu au cours du XXème siècle, et plus particulièrement entre 1960 et 1990. L’homme est en grande partie responsable de cette disparition (urbanisation, agriculture, dérivation d’un cours d’eau, etc.). Depuis la fin du siècle dernier, cette régression s’est quelque peu ralentie du fait d’une impulsion législative (le législateur a, en 1992, déclaré la préservation des zones humides d’intérêt général) et du fait des efforts des collectivités territoriales, des associations et du secteur privé. Malgré cette prise de conscience, les zones humides demeurent parmi les milieux naturels les plus dégradés et les plus menacés en France, tant en terme de surface qu’en terme d’état de conservation. Selon la convention Ramsar et la DCE (directive cadre sur l’eau), la restauration, la protection, la gestion et l’utilisation rationnelle de ces zones riches mais sensibles sont un devoir civique dans l’intérêt des générations présentes et à venir. La France a listé environ 80 grandes zones humides dont la conservation est jugée prioritaire. En février 2010, le nouveau Plan national d’actions pour la sauvegarde des zones humides a été lancé. Doté d’un budget global de 20 M € sur trois ans pour l’Etat et ses établissements publics31.
31 http://www.ramsar.org/pdf/wurc/wurc_actionplan_france_2010.pdf
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 115
Les conséquences de la régression des zones humides, milieux remarquables de par les fonctions qu’elles assurent, sont nombreuses et non négligeables : augmentation de la fréquence et de l’amplitude de crues dévastatrices, dégradation de la qualité des eaux, diminution des ressources halieutiques, réduction de la faune aviaire, etc. Les enjeux de la protection des zones humides sont comme nous le voyons très multiples. Fortement liés à une question spatiale (les différents enjeux des zones humides impliquent l’élargissement du périmètre que constitue le bassin versant, unité de base à traiter32), les zones humides sont des espaces en évolution constante dont la valorisation et la préservation dépendent beaucoup de l’activité humaine. Les instruments de protection actuels et le manque de volonté politique empêchent la prise en compte de leurs dynamiques et en conséquent, de leur recapitalisation33. Ces différents enjeux nécessitent, en plus de revoir la règlementation, de supprimer les aides publiques d’investissement aux activités et aux programmes de nature à compromettre l’équilibre biologique de ces zones sensibles, notamment celles qui encouragent le drainage et l’irrigation. Il est temps de prendre à bras le corps cette problématique avant qu’il ne soit trop tard...
__________
32 L. Guerin, ibid.
33 A. Stenger, « Les zones humides : le point de vue de l’économie », Marais et zones humides, Cordemais :
Aestuaria, 1997
Auditions – Notes /GT Eau, les bonnes pratiques / Laboratoire des idées du Parti socialiste / 2010‐2011 116