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L'économie sociale et solidaire au cœur de « l’Autre économie » groupe : « L'Autre Économie » Animateur : Razzy Hammadi Rapporteurs : Antoine Détourné Fanélie Carrey-Conte

date : Juin 2011

Les rapports établis par les groupes de réflexion du Lab sont des contributions libres aux débats et réflexions politiques du Parti socialiste.

www.laboratoire-des-idees.fr


L'économie sociale et solidaire au cœur de « l'Autre économie » / Le Laboratoire des idées du Parti socialiste / Juin 2011

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Présentation Depuis février 2010 au sein du Laboratoire des idées du Parti socialiste, un groupe d’experts, chercheurs, praticiens, et de militants de l’économie sociale et solidaire, coordonné et animé par Razzy Hammadi a œuvré à ce qu’il convient de caractériser comme l’une des réflexions les plus abouties du PS dans le domaine, et ce depuis longtemps. De Claude Alphandéry à Jean-Louis Laville, en passant par Jean-Marc Borello, nombreuses sont les illustres contributions qui ont prêté main forte à ce projet. De plus, la particularité ainsi que la plus-value des travaux ne réside pas seulement dans le travail de recherche ou bien encore dans la multiplicité des points de vues synthétisés au travers d’une orientation à la fois offensive et novatrice, mais plutôt dans cette conviction que l’économie sociale et solidaire ne doit plus être la béquille d’un système économique à bout de souffle ou pis encore, le supplément d’âme d’un projet économique qui se voudrait progressiste, mais bien le cœur battant de cette Autre économie que nous voulons.

Au lendemain de la crise financière, c’est l’identité même des préceptes économiques qui a été interrogée : capital contre démocratie, captation contre répartition, profit au détriment du développement sont les couples de valeurs antagonistes qui permettent à ce texte de prendre tout son essor autour de propositions concrètes, de mesures fortes et de convictions renouvelées. Car si aujourd’hui, l’« Autre économie » résonne dans les entrailles de l’économie sociale, il se pourrait bien que demain ce soit l’économie capitaliste, celle d’un autre temps, qui devienne l’Autre économie, marginale… voire minoritaire.

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Ont participé aux travaux du groupe de travail « l’Autre économie », animés par Razzy Hammadi, secrétaire national du PS chargé des services publics, et rapportés par Antoine Détourné, ex-président du Mouvement des jeunes socialistes, et Fanélie Carrey-Conte, membre de la Commission Économie sociale et solidaire du PS Claude Alphandéry, président d'honneur de France active, initiateur du Labo de l'Économie sociale et solidaire (ESS) Jean-Paul Chidiac, membre du mouvement UTOPIA et du collectif pour un Grand Projet Socialiste (GPS) Sébastien Darrigrand, délégué général de l'Union de syndicats et groupement d'employeurs représentatifs dans l'économie sociale (USGERES) Thierry Durnerin, président de la fédération des établissements publics locaux (EPL) Anne de Hauteclocque, Laboratoire des idées Frédéric Massot, président du Centre des jeunes dirigeants et des acteurs de l'économie sociale (CJDES) Jonas Moses, stagiaire au Lab Sébastien Plociniczak, économiste, chercheur associé à Paris 13 Xavier Ricard, directeur des partenariats internationaux au Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) Jérôme Saddier, directeur général délégué de la Mutuelle nationale territoriale Jean Sammut, ex-directeur général de la Mutuelle générale de l'équipement et des territoires (MGET) Claire Schmitt, secrétariat national du Parti socialiste à l'économie sociale et solidaire Nicolas Soret, premier secrétaire fédéral PS de l’Yonne Ces travaux ont également bénéficié du concours de la Commission nationale du Parti socialiste sur l'économie sociale et solidaire animée par Farida Boudaoud, secrétaire nationale au mouvement associatif et à l’économie sociale et solidaire, et notamment des contributions de Thomas Buffard, Dominique Fleurat, David Huynh, Jean-Bernard Koechlin, Jean-Marc Leculier et Daniel Tournez. Nous tenons à remercier Jean-Marc Borello, délégué général et président du Directoire du Groupe SOS, et Jean-Louis Laville, sociologue, professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), avec lesquels des réflexions fructueuses ont pu être échangées dans le cadre de ce travail. Enfin, les débats qui se sont tenus le 7 mars 2011 dans le cadre de la séance de restitution publique de nos travaux ont permis d’enrichir utilement ceux-ci, et nous remercions à cet égard tous ceux qui y ont participé et plus particulièrement Claudie Buisson, secrétaire générale du comité national des entreprises d'insertion (CNEI), Jean-Louis Cabrespines, président du Conseil national des Chambres régionales de l’économie sociale (CNCRES), Gérard Charbonnier, membre du Conseil économique, social et environnemental des Pays de la Loire, Daniel Le Scornet, ex-président de la Fédération des mutuelles de France et Jean-René Marsac, député d’Ille-et-Vilaine, président du Groupe d'études parlementaire sur l'économie sociale.

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Sommaire Présentation

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

En préalable, quelques définitions

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Économie sociale, Économie solidaire, Entrepreneuriat social

Introduction

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

I- Une contribution à une régénération des politiques d’emplois

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15 1.1. Soutenir l'emploi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 1.2. L'efficacité d'un investissement dans l'Autre économie pour relancer l'emploi . . . . . . . . . . 17 1.3. Une économie tournée vers l'avenir  : innover plutôt que ronronner . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 1.4. L 'Autre économie, une réponse au changement démographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 1.5. La responsabilité sociale de l’employeur, une préoccupation importante de l’économie sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 . . . .

II- Des réponses originales aux nouveaux besoins sociaux

. . . . . . . . . . . . . . 20 Une économie au service de l’intérêt collectif de ses membres et de l’intérêt général 2.1. Un outil de renouveau du service public et de sa gouvernance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 2.2. Structurer des filières de consommateurs-producteurs au service de l'intérêt général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 2.3. Logement : les coopératives, un levier « euro-compatible » pour aider à sortir de la crise du logement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 2.4  Renforcer la démocratie et l’accessibilité bancaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 2.5. Soulager les structures de l’ESS de la santé et de la dépendance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

III- Créer différemment des richesses différentes

24 3.1. Compter ce qui compte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 3.2. La diffusion de l'Autre économie, voie de passage vers une transition écologique . . . 25 ....................................

IV- Propositions : reconnaître, sécuriser, développer, valoriser

27 4.1. Donner une réelle visibilité politique et institutionnelle à l'ESS (1 à 5) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 4.2. Offrir un cadre sécurisant afin d’accompagner un développement pérenne (6 à 11) . . . . 29 4.3. Les champs potentiels de développement (12 à 16) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 4.4. Les moyens pour dynamiser le développement de l'ESS (17 à 23) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 4.5. Compter autrement ce qui compte : vers d’autres indicateurs à valoriser, pour une meilleure prise en compte de l'ESS (24) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

Conclusion

. . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Vers l'âge de la démocratie économique - Sortir de la crise par le dépassement

Annexe - Des Acteurs de l'Autre économie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 Coopératives, mutuelles, associations, acteurs de la finance solidaire, Insertion par l'activité économique L'économie sociale et solidaire au cœur de « l'Autre économie » / Le Laboratoire des idées du Parti socialiste / Juin 2011

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En préalable, quelques définitions : économie sociale, économie solidaire, entrepreneuriat social 1. L’Économie sociale Le terme d’économie sociale a plus de 150 ans. Trouvant son origine aussi bien dans les principes du socialisme utopique que du socialisme chrétien ou du saint-simonisme, l’économie sociale se définit comme une autre voie à côté de l’économie capitaliste de marché et de l’économie d’État, et les socialistes doivent œuvrer pour qu’elle trouve toute sa place dans le débat public. En effet, l’organisation de l’économie sociale lie le projet social et l'initiative collective à l’efficacité économique, permettant de dépasser à la fois la logique du profit maximal et celle d’une économie publique contrôlée par l’État. Cependant, si l’économie sociale existe depuis de nombreuses années, son actualisation au sein de la vision socialiste d’une Autre économie en fait non pas une solution moyenne mais un outil essentiel pour sortir du modèle économique dominant. Ainsi, animée par une volonté démocratique qui forme une ligne de rupture avec le capitalisme, elle fonctionne sur des principes d'égalité des personnes (1 personne = 1 voix), de solidarité entre membres et d'indépendance économique. On peut reprendre la définition de Thierry Jeantet « Les règles [de l’économie sociale] impliquent l’épanouissement de la personne, la libre adhésion, la juste répartition de la création de richesse, l’indépendance vis-à-vis des États, les valeurs collectives de solidarité, la gestion équitable. »1 L’économie sociale est ainsi constituée de l’ensemble des entreprises dirigées collectivement et démocratiquement par les employés ou les sociétaires ou les adhérents. Les bénéfices dégagés par l’activité collective y sont partagés et répartis entre tous et/ou sont réinvestis dans l’entreprise. L’économie sociale se décline en France aujourd’hui en associations, mutuelles, coopératives

et fondations, composantes non capitalistes de l'économie (J.-L. Laville), qui fonctionnent toutes selon les principes de la démocratie économique. Les entreprises de l’économie sociale qui répondent dans leurs statuts juridiques à l’impartageabilité des réserves et à la gestion démocratique d’une personne = une voix, représentent la grande partie de ce que l’on appelle l’ESS avec plus de 215 000 structures et 2,3 millions de salariés.

2. L’Économie solidaire L’économie solidaire, née dans les années 1970, est un renouvellement de l’économie sociale. Elle a pour vocation de créer de la solidarité avec les membres de la société qui sont « hors économie », qui n’accèdent pas à l’emploi, à la santé, au logement, au crédit… L’économie solidaire est une forme de militantisme qui place des considérations humanitaires et sociétales au premier plan de son activité. On peut ainsi définir l’économie solidaire comme « l’ensemble des activités de production, d'échange, d'épargne et de consommation contribuant à la démocratisation de l’économie à partir d’engagements citoyens. » Elle rassemble les secteurs de l’insertion par l’activité économique, de l’habitat pour tous, de la finance solidaire, du commerce équitable… Elle peut nécessiter une hybridation des ressources privées et publiques et se trouve davantage en relation avec les politiques publiques. Dans ce vaste ensemble d’économie sociale et solidaire (ESS), le pôle de l’économie sociale met l’accent sur l’entreprise et le pôle de l’économie solidaire sur le projet politique, mais les deux convergent pour former un champ qui concrétise la possibilité d’une autre logique socio-économique. 1

T. Jeantet, Économie sociale, La Documentation française 2009.

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3. à côté de l’ESS, l'entrepreneuriat social Apparu plus récemment, l’entreprenariat social correspond à un mouvement international qui entend apporter des réponses à des questions d'intérêt collectif, comme l'alimentation biologique, la production d'énergies nouvelles, les circuits courts de distribution ou le micro crédit, par des initiatives privées en utilisant des modalités entrepreneuriales qui reposent largement sur la valorisation d'innovations sociales et des méthodes managériales d'entreprises. L’entreprenariat social veut conjuguer rentabilité économique et action sociale, mais n’est pas porteur du projet de dessiner une économie a-capitaliste. Les profits limités dégagés de l’activité de production sont réinvestis ou, en fonction du type d’entreprise, partagés entre les acteurs de manière équitable.

Références : Le Labo ESS, 50 propositions pour changer de cap, 2009 http://www.lelabo-ess.org/ Ceges http://www.ceges.org/index.php/ceges/presentation/ leconomie-sociale-et-solidaire/la¬presentation Thierry Jeantet, L’économie sociale, une alternative planétaire — Mondialiser au profit de tous, éditions Charles Léopold Mayer - 2007. Defourny J., « économie sociale », in Laville, J.-L., Cattani D-A, Dictionnaire de l’Autre économie, Paris, Folio Gallimard. Eme B., Laville J.-L., « économie solidaire » in Laville, J-L., Cattani D-A, Dictionnaire de l’Autre économie, Paris, Folio Gallimard. Defourny J., « Entreprise sociale », in Laville, J-L., Cattani D-A, Dictionnaire de l’Autre économie, Paris, Folio Gallimard. Livre blanc pour développer l’entrepreneuriat social, Codès, février 2009.

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Introduction

« Il faut d'abord inventer d'autres mondes, puis chercher les traces de leur existence ». Albert Einstein La crise économique et financière qui s'est déclenchée en 2007 a non seulement ébranlé l'économie sous sa forme néo-libérale, mais a aussi touché le capitalisme au cœur de ce qui fait sa force, c'est-à-dire sa prétendue capacité à produire des richesses efficacement. Les critiques plus ou moins prononcées ou virulentes de ce système économique, sont majoritairement venues de la gauche. Dénonçant tour à tour l'exploitation et l'aliénation que le capitalisme engendre, les inégalités qu'il charrie, les gaspillages de ressources qu'il génère, son obsession pour le court terme au détriment du long terme et plus généralement son indifférence à toute considération réelle d'éthique ou de justice, ces critiques se sont souvent heurtées au consentement, au moins par le silence, à l'idée que la recherche du profit privé pouvait être le moins mauvais des systèmes pour parvenir à une forme de prospérité, si ce n'est de développement. L'échec politique et économique du bloc communiste a, un temps, donné l'impression que le capitalisme l'avait emporté par KO et/ou par forfait : l'absence d'alternative viable n'a jamais fait taire les contestations, elle les a rendues en apparence vaines. La conjonction des crises ces dernières années — alimentaire, environnementale, économique, financière —, ou plutôt des excès du système capitaliste, suscite des interrogations multiples au sein des sociétés à économie de marché. Face à la puissance des pouvoirs privés économiques, l'idée même que le capitalisme soit le moins mauvais des systèmes, à condition qu'il soit réglementé

et encadré par le pouvoir politique, perd de sa pertinence. De manière spectaculaire, les études d'opinion montrent une colère grandissante face aux inégalités vertigineuses ; une indignation face à des entreprises capitalistes dont la crise a démontré qu'elles n'étaient qu'un " bien marchand banal ", pouvant être vendues, transplantées, jetées, au même titre qu'un objet, sans jamais se trouver comptables de la « casse sociale » occasionnée ; une préoccupation croissante pour la protection de l'environnement ; une défiance montante envers la privatisation des biens publics ou des services publics. En outre, la perte de maîtrise collective et individuelle liée notamment au renoncement des États à intervenir dans la sphère financière ou à juguler un libre-échangisme effréné et destructeur, suscite la désaffection électorale, le ressentiment envers les politiques et la montée de l'extrême droite partout en Europe dans un contexte de profonde crise de la démocratie. Les valeurs postmatérialistes gagnent cependant de l'audience, y compris parfois électoralement. Le très bon score des employeurs de l’économie sociale en France lors des élections prud’homales (près de 20 % du collège employeurs) démontre que leur audience s'étend désormais y compris jusqu'aux entrepreneurs capitalistes privés. La crise déclenchée en 2007 est une crise politique. à partir du moment où les acteurs du marché autant que les États ont été incapables de faire le tri entre les actifs financiers qui avaient une réelle valeur et ceux qui ne valaient rien, c'est l'ensemble de la définition de la richesse qui s'est mise à vaciller. Or, il n'est rien de plus politique que la définition de ce à quoi une société attribue de la valeur. Sans un consensus minimal sur ce qui compte, le collectif est inutile car l'échange impossible. Dès lors, des interrogations lourdes et profondes, portées à plus ou moins haute voix —

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selon les périodes — par les mouvements socialistes et écologistes, au sens large, ont trouvé un écho grandissant : Que créer ? Comment produire ? Comment répartir ? La nécessité et l'aspiration à un autre modèle de développement grandissent à mesure que le capitalisme se révèle pour ce qu'il est : un système ne servant les intérêts que d'une infime minorité. Les bases d'un mouvement politique au service d'une autre forme de développement des sociétés humaines semblent donc réunies. Et pourtant, force est de constater que ce mouvement n'émerge pas. C'est d'ailleurs tout le paradoxe de cette période. La droite peine à sortir de son dogmatisme du marché et, face à ses difficultés, se réfugie dans la recherche de boucs émissaires et dans une pratique autoritaire du pouvoir. Les socialistes prennent la mesure de l'aspiration au changement profond, mais peinent à sortir de la dialectique exclusive entre État et marché et ne parviennent pas à faire correspondre l'ampleur des changements demandés avec les outils nécessaires pour les mettre en œuvre. En la matière, il n'y a rien à attendre de la droite. Mais si la gauche politique, dans sa configuration actuelle, ne rattrape pas son retard sur la société, elle prend le risque, et donc la responsabilité, de jeter par dépit les citoyens dans les bras d'extrêmes qui conduisent à aggraver les travers du système économique actuel.

Une politique nationale durable pour L’Autre économie En matière de modèle économique, il y a pourtant moins à inventer qu'à découvrir, moins à créer qu'à reconnaître, moins à imaginer qu'à soutenir et accompagner. Nos économies sont plurielles et, entre tout abattre pour tout reconstruire ou rafistoler pour ne rien changer, il existe une autre voie. Après la troisième voie Blair-Schröder, qui aura fait illusion chez certains à peine une dizaine d'année, il existe une autre économie qui opère une transformation sociale par la transformation économique. Elle répond de manière transversale et efficace à nombre de problèmes de notre temps. Elle réinterroge notre sens du développement au

travers d’une autre croissance. Elle fait du bien-être humain la finalité de son action et concrétise ainsi un humanisme radical qui met enfin l'économie au service de l'homme. Elle correspond à une aspiration moderne : faire émerger l’alternative en changeant de modèle. Le critère démocratique et social est l'un des éléments essentiels, aux côtés du partage et du collectif, de l’Autre économie. C’est par lui que s’opère la transformation la plus modeste, mais aussi la plus radicale. La démocratie s'arrête presque toujours aux portes des entreprises capitalistes. A contrario, elle est un élément fondateur de cette autre manière de produire et consommer, de ces modes alternatifs d'échange de richesses qui constitue le socle de l'Autre économie. Par delà le peu de publicité dont elle bénéficie, cette Autre économie est déjà largement présente en France et 15 grandes régions ont intégré dans leurs schémas régionaux de développement un volet sur l’économie sociale et solidaire. De nombreuses autres collectivités territoriales ont de même entamé des politiques dans ce sens, les dernières élections locales ayant débouché pour la première fois sur la nomination de plusieurs centaines de délégués à l’ESS. Mais ces éléments ne doivent pas masquer la réalité de l'absence d'une véritable politique nationale de développement de cette économie. Après l’éphémère secrétariat d'État à l’économie solidaire (2001-2002), aucun gouvernement national n’a vraiment pris en considération cette question. Il importe donc aujourd'hui de changer la donne, de renouveler à gauche l’approche de ce champ en refusant la société de marché, mais aussi l’assimilation de l’économie sociale et solidaire à un sous-service public. L’objectif politique est donc d’inventer la première politique nationale durable en faveur de l’économie sociale et solidaire. Cette économie représente une fenêtre ouverte sur le monde de l'après-crise. Il se pourrait qu'une nouvelle utopie concrète soit autour de nous, qui n'attende qu'une parole politique ferme pour se développer fortement, et des actes pour incarner dans les faits l’alternative.

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Les contours de cette Autre économie L’Autre économie est déjà présente sur de nombreux secteurs : • l’économie sociale comptait en 2008 plus de 215 000 établissements employeurs, soit plus de 7 % du PIB (plus de 10 % du PNB), plus de 2,3 millions de salariés (masse salariale distribuée de 45 milliards d’euros). Elle est bourgeonnante, foisonnante, diverse dans ses statuts et ses formes : mutuelles de santé et mutuelles d'assurance, coopératives de consommation et de production, SCIC*2, SCOP*, coopératives d'activités et d'emploi, coopératives numériques, associations de l’animation, de la culture, du sport, du lien social et familial, associations de services à domicile… Les associations représentent plus des 3/4 des salariés de l’ESS ; • l’économie sociale et solidaire : structures d’insertion par l’activité économique (IAE), finance et épargne solidaire, AMAP*, SEL*, SOL*, CIGALEs*, etc. ; • l'entreprenariat social. Pour nous, cette Autre économie trouve à la fois son essence et son levier de développement dans l’ESS. Cinq grands critères caractérisent les différents acteurs de l’économie sociale et solidaire : • une lucrativité limitée, le réinvestissement des excédents, • l’impartagibilité des réserves, un patrimoine commun et intergénérationnel, • la gouvernance des parties prenantes, le principe une personne = une voix, • la limitation des inégalités et des écarts de revenus, • un ancrage territorial fort, l’inscription dans une économie de proximité et dans une perspective développement local. L'ESS est progressiste et moderne, mais elle n'est pas toujours neuve. Sous l'impulsion des penseurs socialistes et du mouvement social ouvrier, elle a échafaudé depuis longtemps des institutions incontournables de notre société (mutuelles, banques coopératives).

Loin d'être une économie figée, elle est par nature en renouvellement permanent et invente des réponses économiques, sociales, démocratiques, environnementales aux grandes questions de notre temps. Mais elle n’est pas pour autant indemne des questions qui traversent la société : l’envahissement par le marché et la régression des formes démocratiques. Elle doit également faire face, au niveau national comme européen, à un environnement politique et réglementaire de fortes pressions en faveur de son alignement sur le secteur lucratif capitaliste classique, pouvant conduire à sa banalisation.

C’est dans ce contexte que deux mouvements sont venus questionner l’ESS. - D'une part, la montée de l'entrepreneuriat social En première analyse, on ne peut que se féliciter que des entrepreneurs se préoccupent de questions sociales dans la gestion de leur entreprise. On peut toutefois remarquer que cela n'est pas nouveau et que cela existe dans bien des entreprises capitalistes sans que cela n'apparaisse dans la stratégie de communication de celles-ci. Les initiatives les plus remarquables font la démonstration d'une certaine victoire culturelle de l'ESS : l'idée que l'entreprise en tant que telle peut être un vecteur de progrès, ou du moins un acteur responsable socialement se voulant vecteur d’un certain progrès. Mais, si nombre d’entrepreneurs sociaux (pouvant ou non appartenir à l’ESS) définissent leur action à travers la priorité d’avoir un impact social tout en étant viables économiquement, et se fixent des règles de fonctionnement visant notamment à limiter leur lucrativité, d’autres peuvent demeurer des entrepreneurs capitalistes mâtinés d'une préoccupation humaniste, une adaptation " marketisée " de l'entreprise privée aux préoccupations sociales de certains consommateurs. On peut voir ainsi ces entreprises, notamment cotées, faire de la RSE (Responsabilité sociale des 2

Se reporter à l’annexe descriptive en fin de document

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entreprises, qui constitue aujourd’hui la principale source d’évaluation des critères de reporting social et environnemental), un outil de marketing social qui, dans l’esprit, est bien loin des valeurs et principes défendus par l’économie sociale et solidaire. Ainsi, la frontière entre les bonnes pratiques entrepreneuriales et des politiques opportunistes de « green » et « social washing » qui mettent en avant des préoccupations philanthropiques pour mieux légitimer un business dit « éthique » visant in fine la recherche du profit et la rémunération des actionnaires, peut s’avérer poreuse. Un autre élément de vigilance doit être celui de l’extension d’un « marché du social et de la pauvreté », repéré par certaines entreprises comme un important gisement de profits, d'autant plus dangereux dans un contexte de remise en cause des services publics. C’est pourquoi la confusion, voire l'amalgame délibérément entretenu entre ESS et entreprenariat social, ainsi que le fait notamment le rapport Vercamer3 en proposant un label commun à ces deux formes d'activités économiques constitue sans nul doute une tentative de « normalisation » des règles applicables à l'ESS. Ainsi, s’il est évidemment nécessaire d’encourager le mouvement des entrepreneurs sociaux qui mettent les préoccupations sociales et sociétales au cœur du fonctionnement et des finalités de leurs entreprises, il est toutefois indispensable, dans la définition d’une politique nationale de soutien à l’ESS, de définir le cadre théorique dans lequel on veut se placer (dans le cas de l’ESS : mise en œuvre d’une économie a-capitaliste, et dans le cas de l’entrepreneuriat social : mise en avant de pratiques conciliant impact social et viabilité économique), de déterminer ce qui selon nous doit relever du lucratif et ce qui ne doit pas en relever, et de pouvoir identifier les bonnes pratiques.

- D'autre part, des dérives existent dans l'ESS Un certain nombre de structures se disant relever de l'économie sociale et solidaire dont la démocratie a été dévitalisée et ainsi confisquée par la direction des

entreprises concernées, se comportent aujourd'hui comme des acteurs capitalistes classiques et représentent de véritables chevaux de Troie des entreprises à capitaux dans la sphère traditionnelle de l'ESS. Ces dérives risquent de saper le modèle de l'économie citoyenne et contribuent à l’encouragement de la banalisation de l’économie capitaliste. Là aussi, il est important de régler ce problème et d'accompagner les acteurs de l'économie sociale pour relever ces défis de gouvernance et de projet.

L'Autre économie se trouve donc aujourd'hui à un carrefour de son histoire. Le nouveau souffle qu'elle a connu ces dernières années est porteur d'espoir. Mais il s'agit également de revisiter ces formes anciennes pour en révéler la dimension prémonitoire à la lumière des caractéristiques de la société actuelle. Ici, la parole politique est essentielle. Elle peut convaincre, propulser et favoriser la diffusion de l'Autre économie. Elle a la capacité de la valoriser et d'agir de telle sorte qu'elle fasse système. Les socialistes, dans le cadre de leur rapport critique au capitalisme et dans leur volonté d'émanciper l'Homme, ont un rôle fondamental à jouer. Cette économie, que l’on peut qualifier de citoyenne dans ses finalités, a besoin d'une perspective politique autant que d'être mise en perspective par rapport aux grandes questions qui sont celles de notre époque. Elle revêt un rôle stratégique dans le cadre d'une économie mondialisée dans laquelle la capacité des États à opérer des transformations profondes des sociétés est affaiblie. Elle permet de redonner aux citoyens du pouvoir économique par le biais de la démocratie économique. Elle apporte des réponses transversales et permet d'organiser des dépassements entre les oppositions classiques, entre le public étatique et l’entreprise privée. Face à la contrainte environnementale, elle peut faire la démonstration qu'il existe une sortie par le haut à l'alternative entre croissance et décroissance en

Rapport du député Francis Vercamer à la demande de François Fillon www.minefe.gouv.fr/services/rap10/rapport-ess-f-vercamer.pdf

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concevant d'autres richesses, par un processus de création différent. Il appartient aux socialistes de renouer avec leur idéal de transformation ambitieuse de la société, de recréer un ailleurs politique, économique et social. En partant des problèmes concrets, d'emploi, de réponse aux besoins, de répartition des richesses, de développement durable, il est possible de faire émerger un nouveau modèle de développement démocratique par le biais de l'Autre économie : ce secteur révèle les dysfonctionnements à l’œuvre dans l’économie classique tout en démontrant qu’une autre réponse est possible. Cet essai s'emploie à le démontrer. Il se veut une contribution à une révolution quotidienne, à un idéal réaliste.

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Les trois axes de ce texte sont trois traits de l’ESS (contribution à une nouvelle approche des politiques de l’emploi, économie de l’intérêt général, autre manière de créer des richesses) que nous avons choisi de mettre en avant. Ils sont illustrés par des exemples concrets, à travers l’action de certains acteurs ou structures de l’ESS, qui sont ainsi cités dans le texte, mais sont caractéristiques et transversaux pour l’ensemble du secteur. Nous nous excusons donc par avance de n’avoir pas pu évoquer ici tous les acteurs de l’ESS, très nombreux, qui assurent tous, à leur niveau, une présence et une action dans les champs sociaux et économiques indiscutables et des plus essentielles.

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I- Une contribution à une régénération des politiques d’emplois Après 40 ans de chômage de masse, il ne serait pas crédible de parler d'économie sans commencer par la première des questions que l'écrasante majorité de nos concitoyens se pose : celle de l'emploi. Une économie au service de l'Homme ne peut se satisfaire d'exclure de la participation à la création de richesses plus ou moins 15 % de la population active. Cela va même plus loin, un fonctionnement qui rejette dans « l'inutilité » plus d'une personne sur 7 en âge de travailler ne constitue pas un dysfonctionnement, mais bien un système ; système au sein duquel la peur de la précarité, l'existence d'une zone grise de plusieurs millions de citoyens tenant le diable par la queue, l'enlisement dans l'exclusion, maintiennent une tension économique qui va à l'encontre de l'intérêt général. Il est d'ailleurs frappant de constater la cohérence de l'ensemble économico-politique qui, alimenté par des discours fustigeant les jeunes, les immigrés, les assistés — ou bien les prétendus tels — exerce une politique visant délibérément au maintien de cette spirale infernale : c'est par l'exercice d'une politique visant à donner plus de travail à ceux qui en ont déjà et à ne pas se donner les moyens d'en créer pour celles et ceux qui n'osent même plus en espérer un peu tant ils sont otages du quotidien. Nicolas Sarkozy ou Silvio Berlusconi, figures de proue de la droite européenne, sont les incarnations jusqu'à la caricature de cercles vicieux nourris aux inégalités, au gâchis humain et au rejet permanent de l'autre, qu'il soit le voisin de palier ou l'habitant de l'autre bout de la planète. L'économie capitaliste détruit aujourd'hui de l'emploi dans les pays dits développés, le consensus social-démocrate consistant à affirmer qu'il faut d'abord créer davantage de richesse avant de la répartir, s'est révélé faux. Tout au contraire, la voracité du capitalisme financier, et surtout sa

capacité à imposer ses normes de performances à tout le fonctionnement de l'économie, a révélé l'inverse — l'avènement de la crise par l'éclatement de la bulle de crédit immobilier aux ménages précaires américains, dite " crise des subprimes ", en étant le symptôme le plus flagrant : la répartition des richesses est une condition de leur création. Dès lors, le capitalisme a détruit des millions d'emplois, non pas parce qu'ils étaient inutiles, non parce qu'ils n'étaient pas performants, mais tout simplement parce qu'ils n'étaient pas assez rentables au regard de critères financiers intenables. Le capitalisme libéré « tire » vers le bas de nombreuses catégories d’employés pour le seul profit financier de quelques privilégiés qui exigent toujours plus. La mise en concurrence des niveaux de revenus, des standards de protection sociale, des droits sociaux et environnementaux pourtant institués par des délibérations démocratiques, a conduit, par le biais du libre-échangisme, à donner le rythme d'une « économie destructrice d'humanité », dans laquelle la poursuite de l'émancipation de l'Homme a été remplacée par la recherche de la satisfaction du capital. Certains objecteront que cette destruction inouïe d'emplois est avant tout le fruit du progrès technique. Néanmoins, dans l'histoire de l'humanité, le temps de travail économisé pour produire a souvent été mis au service des loisirs. Dans le régime économique actuel, alors que nous disposons pourtant de systèmes juridiques permettant une répartition équitable du travail, force est de constater que ce temps gagné n'a pas servi à la résorption du chômage et a été peu concrétisé en travail socialement utile. La question de la lutte contre le chômage ne saurait être résolue par la seule Autre économie : une autre politique globale est avant tout nécessaire (fin

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de l’encouragement aux heures supplémentaires, créations d’emplois publics, partage du temps de travail, politiques de formation et de qualification…). De même, il faut se méfier des fausses bonnes idées : la création de certains emplois associatifs venant en réalité pallier le désengagement de l’État, ou réparer la « casse sociale » produite par le capitalisme néolibéral, ne peut être notre objectif politique : les socialistes devront s’attaquer aux causes, et non pas se contenter de prendre en charge le traitement réparateur des conséquences. Mais les acteurs de l’ESS, tout en travaillant, dans le même temps, à l’amélioration de la qualité de leurs emplois, peuvent jouer un rôle majeur dans la lutte contre le chômage et contribuer à une régénération des politiques d’emploi.

1.1. Soutenir l'emploi L’ESS constitue un puissant allié des pouvoirs publics nationaux et locaux pour soutenir l’emploi de manière diversifiée. 74 % des Français déclarent que le fait que des produits et des services soient issus d’une entreprise sociale les incite à les acheter ou y recourir. Ils ont 73 % à vouloir y postuler et 81 % à faire confiance au secteur4. L’ESS permet de créer des emplois non délocalisables. En effet, si les structures de l'ESS s'incluent parfois dans des circuits de production internationaux, elles renforcent en premier lieu la vitalité des territoires dans la mesure où les parties prenantes (citoyens, travailleurs, consommateurs, élus...) ont pour objet principal une activité économique de proximité (que ce soit une consommation de biens ou un service rendu). Parce qu’il s’agit bien de sociétés de personnes et non de capitaux, ces acteurs locaux, quel que soit le niveau auquel ils interviennent, ont intérêt au maintien, voire au développement de cette activité sur un territoire donné (de la même manière que l’on retrouve cette logique dans l’économie privée avec les artisans, petits commerçants… Là aussi, le fait qu’il s’agisse de personnes, et non de capitaux ou d’actions, explique cela.

Les différentes structures d'insertion par l'activité économique (SIAE, chantiers écoles...), les coopératives d'activité et d'emploi, les coopératives d'artisans… sont d'ailleurs reconnues par les collectivités territoriales en recherche d'emplois localisés et non destructibles. Ces structures permettent encore d’implanter durablement des emplois de tous niveaux de qualification. Elles font ainsi la démonstration d'une alternative crédible à l'actuel statut d’« autoentrepreneur », dont on a pu constater les limites et les dangers de par la faiblesse des protections qu’il garantit. L’Insertion par l’Activité Économique, si elle ne prétend pas seule résoudre le problème du chômage de longue durée, peut constituer un tremplin pour un grand nombre de personnes exclues du marché du travail ou frappées par un chômage récurrent ou la précarité ; des parcours ascendants, permettant de retrouver les compétences de base et l’appétence à la formation, offrent le viatique pour rejoindre l’emploi pérenne dans d’autres entreprises. à Dijon, des Cafés de l’emploi permettent aux demandeurs d’emplois et à des employeurs potentiels de se rencontrer dans un contexte différent : sur une péniche concert-bar gérée en SCIC. Mais si l’ESS, à travers notamment l’Insertion par l’Activité Économique, crée des emplois, il est important de relier cette création à la cohésion sociale et à une citoyenneté active. Les réalisations permettent de produire des solidarités de proximité volontaires et d’activer des réseaux sociaux. Une exigence indispensable est donc de supprimer la confusion avec le traitement social du chômage qui empêche le développement de l’ESS. Il existe une contradiction entre les postes temporaires créés pour les chômeurs de longue durée et les besoins à satisfaire qui sont permanents. La multiplication des contrats pour une période transitoire et leur caractère dérogatoire par rapport au droit commun stérilisent nombre d’activités qui restent Sondage CSA/Avise/La Croix réalisé par téléphone les 15 et 16 décembre 2010 auprès d'un échantillon représentatif de 1006 personnes de 18 ans et plus, constitué d'après la méthode des quotas.

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assimilées à des “ petits boulots ”. La création d’emplois est handicapée par des politiques sociales d’urgence qui sont focalisées sur la mise au travail des chômeurs.

1.2. L 'efficacité d'un investissement dans l'Autre économie pour relancer l'emploi

L'Autre économie est souvent considérée comme une branche non rentable de l'économie. Tout se passe comme si elle était considérée comme structurellement insolvable et inapte à créer des richesses, voire à se développer sans s'appuyer sur la « béquille » des subventions publiques. Par conséquent, l'Autre économie apparaît aux yeux de beaucoup comme une douce utopie, une façon de fonctionner sympathique mais incapable de représenter une alternative globale, surtout en matière d'emploi. Or l’ESS est la réponse la plus efficiente en termes de dépenses publiques. Il convient de battre en brèche ce qui apparaît comme une mystification. Pour cela, une mise en perspective apparaît nécessaire. Une analyse honnête se doit surtout de répondre à une question très simple : l'Autre économie est-elle moins solvable que ne l'est l'économie capitaliste ? L'absence de profit reversé à des actionnaires, de même que la tension démocratique interne à l'Autre économie, poussent naturellement à la création d'emplois : la pertinence de l'Autre économie en matière d'efficience de la dépense publique est inégalable. D'après le Laboratoire de l'économie sociale et solidaire, pour un euro reçu, l'ESS verse 3,5 euros de salaires et cotisations sociales. Retenons d’ailleurs ces chiffres concernant l'ESS à l'appui de cette démonstration : 2,3 millions de salariés, 10 % de l'emploi en France, 12 % de l'emploi privé, mais surtout entre 2005 et 2008, période de faible croissance, 1 emploi sur 5 créé l'a été dans l'ESS (INSEE). De manière encore plus spectaculaire, entre 2000 et 2008, le nombre de salariés dans l'ESS a crû de 17 % (+ 328 000 emplois), la masse salariale de 15 % pour s'élever à près de 50 milliards d'euros5.

1.3. Une économie tournée vers l'avenir : innover plutôt que ronronner Pour celles et ceux qui craignent que cette économie non capitaliste ne soit un poids dans un marché mondial où la seule solution serait l'investissement dans la recherche et l'innovation, il convient, comme en matière de solvabilité, de faire voler en éclat un mythe : celui d'une économie qui, privée de l'aiguillon de la recherche du profit, se contenterait de ronronner sans innover. Un tel raisonnement fait fi du fait que les acteurs de l'Autre économie agissent souvent dans un cadre de marché. Dans la mesure où les parties prenantes aux structures de l'économie populaire ont intérêt à leur survie, qu'elles ont conscience du renouvellement des besoins, elles ont tendance à consacrer une plus grande partie de leur excédent à l'innovation et à la création de nouveaux produits. Vieille lune marxiste visant à promouvoir l'idée de propriété collective des moyens de production ? Non, simple constat de l'efficacité d'un régime économique pas moins révolutionnaire. Ainsi, l'ESS peut être productrice d'emplois de qualité, à haute valeur ajoutée, de technicité, de recherche et d'innovation. à Boulogne-sur-Mer, l’association le Panier de la Mer conjugue valorisation de l’environnement, insertion sociale et action caritative. Les poissons invendus de la criée sont transformés pour être redistribués aux plus précaires par des personnes en insertion. 120 tonnes de poisson ont été traités en 2010 par les 20 salariés de l’association. Historiquement, les structures de l’ESS ont privilégié les niches et segments novateurs tout simplement parce que la couverture de besoins nouveaux mais peu solvables, ou d’activités encore faiblement rentables, n’intéressait pas l’économie traditionnelle. Ce tropisme naturel demeure, caractéristique génétique de l’ESS, constituant aujourd’hui un puissant facteur d’innovation chez ses opérateurs et les structures de

5 Panorama de l'économie sociale et solidaire CNCRES http://www.cncres.org/accueil_cncres/documents/_172/ panorama_de_less_2010

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l’insertion. D’autre part la présence d’universitaires et de chercheurs auprès des collectivités, TPE et PME qui partagent l’échelle locale avec les structures de l’ESS, ne fait que renforcer la dynamique d’innovation sociale, de produits, de services. Cet enjeu est ici décisif pour qui veut comprendre cette Autre économie et en saisir toutes les potentialités. La recherche permanente du « mieux produire » renouvelle l'approche de l'efficacité économique. Elle permet certes de poser des limites par rapport à la démesure du marché (en termes d'écarts de rémunérations, de gaspillage de ressources, de respect de la personne humaine...) mais surtout, en faisant rentrer d'autres considérations comme buts à la production que la recherche du gain économique individualisé, l'Autre économie est porteuse de progrès social. Si l'on approfondit l'analyse, elle permet même, d'un point de vue plus global, de dépasser le débat entre croissance et décroissance. Le « mieux produire avec moins » est en effet une alternative sérieuse au « toujours plus » qui amène à tant de destructions en termes social et environnemental. Nous reviendrons sur cette question plus tard.

1.4. L'Autre économie, une réponse au changement démographique La BDPME6 estimait en 2007 que, sur les 10 années suivantes, près de 450 000 entreprises feraient l'objet d'une cession, due dans 60 % des cas au départ à la retraite des dirigeants. Plus de 50 % des dirigeants d’entreprise avaient à l'époque plus de 50 ans. L'ampleur de la mutation démographique à la tête des entreprises est un enjeu considérable. Une entreprise sur 5 fait faillite dans les 5 ans qui suivent le changement de direction. La reprise par les salariés, modèle qui s'approche le plus de l'insertion dans l'Autre économie, ne représente qu'un tiers des transmissions d'entreprises. Ce modèle permet pourtant de maintenir les compétences, les qualifications et les processus de production qui ont pu faire le succès d'une entreprise.

Sans être la seule et unique solution, il représente un dispositif à promouvoir dans le cadre d'une volonté politique de maintien et de création d'emplois face à une transition démographique majeure. D’autre part la transition démographique concerne aussi les effectifs de l’ESS : 658 000 salariés de plus de 50 ans y travaille et devront être remplacés dans les années à venir7. Plusieurs centaines de milliers d’emplois disponibles dont le remplacement par les jeunes générations n’est pas une option, mais une nécessité.

1.5. La responsabilité sociale de l’employeur, une préoccupation importante de l’économie sociale La responsabilité sociale de l’employeur est devenue un outil de marketing social pour certaines entreprises, qui l’instrumentalisent à des fins de communication quand leurs pratiques réelles se situent bien loin des valeurs et principes défendus par l’ESS. Des politiques opportunistes de green et social washing sont mises en place, mettant en avant des préoccupations humanitaires ou environnementales, paravents à la recherche de profit et de rémunération des actionnaires. Ainsi, le rapport RSE du groupe Total s’inscrit dans une visée de légitimation et, à l’instar de la communication des dirigeants, dans un discours propagandiste sur le développement durable alors que Total continue d’être l’un des plus grands pollueur de la planète. Mais ces politiques sont économiquement et financièrement rentables. Alors pourquoi en changer ? Nombre de politiques sociales ont tendance à considérer le salarié comme une variable d’ajustement au détriment de la qualité de vie au travail. Ce qui s’est passé ces derniers mois chez Renault ou France Télécom interroge sur la façon

6 BDPME : OSEO est né en 2005 du rapprochement de l’ANVAR (Agence nationale de valorisation de la recherche) et de la BDPME (Banque du développement des PME). 7

Panorama de l'économie sociale et solidaire CNCRES, cf. supra

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dont certaines grandes entreprises ont longtemps considéré le rapport de l’individu au travail tout en prenant à présent conscience qu’il convient de bâtir des modèles économiques plus humains. La Macif Nord-Pas de Calais multiplie les initiatives. Rémunération des conseillers indépendante du volume de cotisations dégagé ; à fonction égale, salaires égaux entre hommes et femmes ; formation mutualiste à l’embauche en plus de la formation technique ; cadres dirigeants majoritairement choisis en interne afin que les stratégies développées restent en conformité avec les valeurs mutualistes ; aménagement du temps de travail (31h30 hebdomadaires). Les valeurs et principes de l’ESS : primauté de l’Homme sur le capital, responsabilité vis-à-vis des parties prenantes de l’entreprise, démocratie économique, sont-elles facteurs d’une plus grande responsabilité sociale de ses employeurs ? Les employeurs de l’économie sociale et solidaire, s’ils ne sont pas forcément plus vertueux que d’autres, ont des spécificités liées à leurs modes d’entreprendre : 1. Le secteur est composé en majorité d’un tissu de PME/TPE dans lesquelles la fonction ressources humaines est globalement peu structurée. On a l’habitude de dire que, dans l’économie sociale et solidaire, c’est la branche professionnelle qui définit et met en œuvre les éléments constitutifs de la relation de travail à travers les dispositifs conventionnels. 2. Pour travailler au développement d’un emploi de qualité au cœur duquel peut s’exprimer la responsabilité sociale de l’employeur, il convient que les entreprises soient en capacité d’entreprendre, de créer des activités et in fine des emplois de qualité. Or, les fragilités actuelles et structurelles de bon nombre d’entreprises de l’économie sociale soumises à une concurrence de plus en plus importante sur leurs marchés historiques, notamment dans les services aux personnes, ne permettent pas de maintenir et consolider l’emploi.

3. Le développement de la qualité de l’emploi suppose également un préalable : le respect des obligations des employeurs en matière de droit du travail et des conventions collectives et plus globalement l’adéquation entre les valeurs/principes de l’économie sociale et les pratiques de management des entreprises. Sur le registre de la preuve par les actes, les socialistes ont vocation à accompagner les employeurs de l’ESS dans leur travail. Ils innovent et progressent au quotidien sur l’insertion et le développement professionnel des salariés, et ce sur l’ensemble du spectre de la relation de travail : recrutement, évolution professionnelle, dialogue social.

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II- Des réponses originales aux nouveaux besoins sociaux Une économie au service de l’intérêt collectif de ses membres et de l’intérêt général L'une des forces de l'Autre économie réside dans la prise d'initiative pour exercer des activités d'intérêt général sans pour autant attendre l'intervention de l'État. Si notre objectif, en tant que socialistes, demeure, à l’opposé des tendances actuelles, un réarmement massif de la puissance publique, les acteurs de l’ESS peuvent contribuer au renouveau du service public et assurer plus largement des missions d’intérêt général pour l’ensemble de notre société. Ils sont en ce sens créateurs de devenir-ensemble, de projets, de progrès ; et ceci, que ces acteurs aient comme impulsion d'origine un mouvement social s'inscrivant dans le cadre d'une transformation plus globale de la société, ou la simple réunion de citoyens cherchant collectivement à répondre à des besoins. Pour préserver l’environnement, la SCIC Lilas Autopartage ouvre l’accès à la voiture aux personnes en manque de ressources. Figure économique innovante associant tous les acteurs, la structure de son capital est un modèle : membres fondateurs (Keolis), entreprises partenaires, acteurs de la finance solidaire, salariés, collectivités locales. www.lilas-autopartage.com

2.1. Un outil de renouveau du service public et de sa gouvernance Le développement de l'État social s'est accompagné au fil des ans d'une critique de son action liée à la difficulté de répondre dans un cadre fortement contraint juridiquement et institutionnellement à des problématiques sociales, donc humaines. Cette

critique n'est pas à négliger : elle met en avant une explication importante du non-accès aux droits sociaux. Sous un autre aspect, l’Autre économie peut constituer un outil de renouvellement du gouvernement du service public, dans la mesure où ses statuts, à travers les SCIC notamment, permettent d’associer les différentes parties prenantes à un service public (élus, usagers, agents...) de telle sorte que l'intérêt général soit incarné au mieux, selon un principe de proportionnalité8. De manière plus générale, l'Autre économie permet de redonner une impulsion et une incarnation citoyenne à la conception du service public, en anticipant et identifiant des besoins qui peuvent ensuite donner lieu à la création de biens publics. La prise en charge de nouveaux besoins par l'Autre économie s'inscrit souvent dans les angles morts du marché : des activités à faible rentabilité potentielle mais dont l'utilité n'est pas contestée. La socialisation des activités non rentables est à l'origine de la constitution de bien des services publics sociaux ou industriels et commerciaux. En creux, elle opère un retour à l'humain en opposant dans le concret les désirs artificiels créés par le marketing, poussant à la surconsommation, aux besoins liés aux évolutions des sociétés. à Nantes, l’association Tak Après apporte des services (laverie, repasserie, traiteur, garde d’enfants, démarches administratives…). Ces activités sont issues de la réflexion d’habitants (essentiellement des femmes, d’origine africaine) qui identifient les besoins et cherchent des réponses qui leur correspondent. En partant des besoins et de l’insertion sociale, des formes de rémunération des prestations se structurent peu à peu dans ces Lieux collectifs de proximité soutenus par Nantes Métropole. 8

Marc Fleurbay, Capitalisme ou démocratie, 2007

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En la matière, le développement du secteur de l'accompagnement du grand âge dans le cadre de l'Autre économie est tout à fait éclairant. Il en va de même pour la réhabilitation du patrimoine historique ou la sauvegarde du milieu naturel par des chantiers école.

2.2. Structurer des filières de consommateurs-producteurs au service de l'intérêt général Le spectaculaire développement des associations pour le maintien d'une agriculture paysanne (AMAP) qui sont plus de 2 000 en France aujourd'hui, illustre la capacité de l'économie citoyenne à répondre non seulement à de nouveaux besoins, mais aussi à opérer une transformation au cœur de l'économie en produisant différemment. Permettant de soustraire les producteurs aux conditions très dures de vente des récoltes à l'industrie agro-alimentaire, elles remettent en cause le productivisme auquel elles substituent la qualité des denrées, en prenant en compte les conditions écologiques et sociales de leur production. Ce type de nouvelles alliances entre producteurs et consommateurs permet non seulement de réaliser des économies d'énergie, mais aussi de construire des circuits courts que l'on peut assimiler à de micro politiques industrielles. L'expansion des systèmes d'échange local (SEL) et des réseaux SOL (systèmes d'échanges équitables de biens et de services), permet même de dé-monétiser, de dé-marchandiser ces liens économiques et donc de se délier des contraintes d'accès au crédit et au marché pour créer de la richesse et redonner à la monnaie sa simple fonction d’instrument d’échange. La société Croc La Vie produit et livre des crèches en repas bio adaptés aux spécificités de la nutrition des jeunes enfants. Avec 280 repas par jour, elle souhaite approvisionner 40 crèches d’ici 3 ans pour passer au statut de SCIC et intégrer des collectivités dans son fonctionnement. La diffusion de ce phénomène constitue une porte ouverte à une autre façon de produire et de consommer des richesses qui ne cesse de s'étendre à

de nouveaux secteurs économiques. L'apparition de coopératives de producteurs et de consommateurs d'énergie renouvelable en est un autre exemple. Même si ce modèle n'a pas fini de se diffuser, y compris à des secteurs plus classiques de l'économie, il est frappant de voir qu'il prend son essor dans le cadre d'activités stratégiques et d'une transition écologique. L'Autre économie tend, en la matière, à devenir l'incarnation de l'économie durable.

2.3. Logement : les coopératives, un levier « euro-compatible » pour aider à sortir de la crise du logement Si de nombreux acteurs de l’ES, en particulier associatifs, sont impliqués dans le secteur du logement et de l’habitat, nous avons souhaité évoquer plus précisément ces formes particulières d’activité que sont les coopératives HLM. Les arrêts récents de la Cour de Justice de l’Union européenne à l’encontre des opérateurs du logement social aux Pays-Bas, se fondant sur une interdiction des aides d’État non clairement encadrées, sont évidemment à dénoncer et à combattre. De plus, les normes européennes de concurrence ne cessent de remettre en cause les leviers d’actions traditionnels des opérateurs historiques du logement social et public. Pire : le gouvernement français laisse délibérément agir la concurrence dans le domaine des services sociaux relatifs au logement social, alors que l’Union européenne lui permet expressément de l’exclure du marché. Ce que l’État refuse de faire, les collectivités le peuvent au moyen d’une délibération-cadre qui protègerait le secteur du tout-concurrentiel, sur le modèle de ce qu’ont pu faire l’Association des Département de France ou l’Association des Régions de France9. Le collectif interassociatif « Y’a le choix ! » a produit dans ce sens une analyse des plus pertinentes10.

9 Ainsi que le Nord-Pas de Calais, Tourcoing, Lille ou Villeneuve d'Ascq. 10

yalechoix@gmail.com

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Il importe donc d’agir en saisissant toutes les opportunités qu’offre le statut des coopératives HLM : celles-ci peuvent à la fois intégrer un « collège de collectivités » et dans le même temps agir au travers du concept « d’in house » dérogatoire aux règles de concurrence. De plus, à l’instar de la Fédération nationale des sociétés coopératives HLM, le fédéralisme coopératif permet à la fois de définir, au-delà des territoires et à l’échelle du pays, des stratégies concertées de développement tout en préservant les objectif de territorialisation qui fixent la pertinence de l'Autre économie. Enfin, les coopératives de HLM promeuvent la mixité sociale et favorisent l’accession sociale à la propriété au travers de dispositifs sécurisés pour les particuliers. Un certain nombre de ces innovations sociales ont d’ailleurs été institutionnalisées par les acteurs publics du logement. Down Up, association de parents de personnes handicapées, porte un projet original : en partenariat avec le bailleur social Pas de Calais Habitat, 70 logements sociaux seront créés dont une dizaine adaptés aux personnes handicapées. Des lieux de vie sont également prévus. www.downup.asso.fr Offrir un cadre d’action permettant aux collectivités d’insérer plus facilement et efficacement leur politique de logement social dans ce type de statut nous semble être une priorité. Si les politiques d’accession à la propriété doivent être considérées avec prudence, et si elles ne constituent pas l’alpha et l’oméga des politiques publiques devant être mises en œuvre en matière de logement, nous pouvons évoquer ici des innovations qui pourraient solutionner une part des problèmes de logement et seraient à développer et généraliser : - l’action de SCIC qui, en partenariat avec les municipalités, construisent des logements pour l'accession à la propriété encadrée, à destination de populations qui n'y auraient, dans les conditions « normales » du marché, pas accès ; - les coopératives d'habitants, formes d'accession à la propriété partagée et de gestion locative, qui existent dans les pays du

Nord et ne peuvent s'épanouir en France pour des raisons notamment de responsabilité auprès des organismes bancaires.

2.4. Renforcer la démocratie et l'accessibilité bancaires Les citoyens aspirent à peser plus sur le fonctionnement de la sphère financière : les banques mutualistes doivent donc renforcer leurs processus de décisions démocratiques. Non seulement cette démocratisation est l’indispensable garantie de leur originalité vis-à-vis des banques capitalistiques, mais elle permet l’appropriation des outils financiers par un plus grand nombre de citoyens. La reconnaissance de leur statut doit être liée à ces critères de fonctionnement (obligation de communication, participation au processus de décisions sur les orientations, qualité des placements…). D’autre part la traçabilité des placements financiers est recherchée par une part de plus en plus importante de nos concitoyens. Des placements en phase avec leurs choix éthiques ne leur sont pas suffisamment proposés : seuls 47 % des Français ont entendu parler d’épargne solidaire11. Pourtant, depuis 2004, son encours a été multiplié par cinq pour dépasser les 3 milliards d’euros, témoignant ainsi du succès de la formule. Créée en 1995, l’association Finansol développe la solidarité dans l’épargne et la finance. Elle fédère aujourd’hui 70 financeurs solidaires, banques, sociétés de gestion, compagnies et mutuelles d’assurance. Depuis 1997, son label Finansol distingue les placements d’épargne solidaire. Il est attribué par un comité d’experts composé de personnalités indépendantes. www.finansol.org Enfin la bancarisation de tous les citoyens, y compris des personnes en difficultés économiques et sociales, est un vecteur essentiel de leur insertion économique et sociale. Les conditions d'accès et le processus d'accompagnement bancaire pour tous les projets au cours de la vie, quels que soient les

Sondage Ipsos-logica Business consulting sur l'intérêt des Français pour l'épargne solidaire

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accidents de parcours, doivent être des objectifs majeurs de l'économie sociale du XXIème siècle.

2.5. S oulager les structures de l’ESS de la santé et de la dépendance Pour lutter contre la maladie et repousser la mort, la solidarité doit être le principe. Sur ce terrain aussi l’ESS joue un rôle déterminant. Elle assure une part non négligeable de l’offre de soin, notamment en raison du désengagement de l’État et de l’indifférence du secteur privé lucratif. Son rôle, cependant, n’est pas de se substituer au système mais d’y apporter chaque fois que nécessaire sa touche personnelle : non-lucrativité et démocratie participative. Directement ou indirectement, les structures de l’ESS agissent concrètement pour la prévention en matière de santé : conditions de logement, amélioration du revenu, de l’alimentation, de l’accès à l’emploi et à une vie sociale et culturelle épanouie. Avec l’ESS, l’individu est acteur de sa propre santé et de celle de son entourage à tout âge de sa vie. Le Bus santé du Cabinet médical mobile mutualiste (CMMM) sillonne le territoire et propose des actions de sensibilisation, de prévention, de dépistage et de repérage. Avec lui, 2 500 services de soin et d’accompagnement mutualistes constituent le premier réseau sanitaire et social en France. Or malgré la pertinence des expérimentations menées, les financements manquent aujourd’hui cruellement. Ils ne permettent aucunement de faire face à une diminution du périmètre de la Sécurité sociale qui laisse 2 millions de personnes sans complémentaire santé, à une désertification médicale croissante et à un essor du secteur 2 empêchant de fait l’accès aux soins des plus démunis. Les organisations du médico-social, en charge notamment de l’accompagnement du handicap, souffrent des conséquences de la loi Hôpital, Patients, Santé, Territoires (HPST), qui a exacerbé la concurrence avec les structures lucratives.

Le poids des mutuelles de santé dans la couverture des dépenses de santé, dans l’offre sanitaire, est pourtant considérable. Elles constituent un des premiers mouvements sociaux du pays, une puissance humaine, économique et financière. Mais aujourd’hui, la mise en concurrence des assureurs complémentaires quels que soient leurs statuts, l’imposition de nouvelles normes européennes en matière de solvabilité, de gouvernance de gestion des risques, la bureaucratisation des structures, poussent vers une banalisation des offres de couverture, une dilution de la réalité solidaire au profit d’une image de plus en plus à objectif « marketing » et des pratiques de plus en plus commerciales. Sauf à abandonner la protection sociale complémentaire et une nouvelle part de l’offre de santé au secteur marchand, des mesures visant à limiter et à réguler la concurrence dans ce secteur seront nécessaires. Si la Mutualité doit elle-même engager les efforts nécessaires pour sauvegarder sa dimension de mouvement social, il appartient à la puissance publique de l’y aider en assortissant le respect des règles de fonctionnement démocratiques de mesures fiscales. Aucune régulation du système de santé ne sera possible sans une collaboration rénovée entre la Sécurité sociale, la mutualité et les professionnels de santé. Alors que les organismes de couverture complémentaire financent 100 % des fonds de la CMU, une participation plus active des populations concernées à la gestion devrait favoriser les logiques d’insertion. La mutualité doit être soutenue dans son action pour réduire les exigences de solvabilité inappropriées au secteur de la santé imposées par le régulateur européen. La revendication d’un statut de mutualité européenne, dont le champ d’application ne serait pas seulement lié au sanitaire, est nécessaire pour le développement économique de cette forme de solidarité mais également pour la diffusion de l’idée mutualiste au niveau européen.

Le mouvement mutualiste doit également faire face à d’importantes difficultés. L'économie sociale et solidaire au cœur de « l'Autre économie » / Le Laboratoire des idées du Parti socialiste / Juin 2011

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III- Créer différemment des richesses différentes Dans le cadre de l'économie capitaliste, le couple social-environnemental est considéré au pire comme quantité négligeable, au mieux comme une variable d'ajustement. Sa prise en compte dépend de la bonne volonté de quelques entrepreneurs, et surtout des règles législatives. Toutefois, l'action sociale et environnementale volontariste des entreprises privées capitalistes ne saurait constituer un système cohérent dans la mesure où les tendances à l'écoblanchiment (greenwashing) prennent souvent le pas sur de réelles démarches de développement durable. Sans nier les efforts réels effectués ici ou là, force est de constater la portée limitée de ces changements, surtout au regard des défis imposés, d’un côté par la lutte contre le réchauffement climatique et, de l’autre, par la hausse vertigineuse des inégalités.

3.1. Compter ce qui compte Le philosophe Patrick Viveret du projet Cap 4012 témoigne. « Les travaux, effectués il y a dix ans, qui critiquaient le PIB et affirmaient la nécessité d’autres indicateurs pour considérer la richesse, ont depuis été validés sur le plan international lors des conférences de Rome, d’Istanbul, au Parlement européen et par la commission Stiglitz. Les indicateurs macroéconomiques classiques, dont les informations partielles correspondent à une petite partie de la richesse, peuvent avoir leur place, à condition de réapprendre l’humilité .» La réflexion sur les indicateurs de richesse revêt une importance décisive. En effet, l'Autre économie est sans conteste l’une des premières victimes du produit intérieur brut et de ses semblables. La comptabilisation de ce que l'économie appelle les externalités (à savoir, un coût ou une production supplémentaire qui ne rentrent pas dans le calcul des prix de marché) se trouve en butte à une

quasi-impasse statistique, en dépit des progrès scientifiques réels dans certains domaines (ex : décompte des inégalités ou de l'empreinte carbone). Mesurer la valeur de l'environnement, de la démocratie, du lien et de la cohésion sociale est quasiment impossible dans une perception marchande de la richesse produite. C'est bien précisément là que le PIB est incapable de prendre en compte l'apport considérable de l'Autre économie comme le montre le film Indices de Vincent Glenn13. Si l'on s'en tient au PIB, l'augmentation formidable de la richesse produite depuis les années 1970 dans les sociétés dites développées s'est accompagnée d'une grande stabilité des indices statistiques du bonheur individuel. Le « toujours plus » et le productivisme ne s'accompagnent pas d'un plus grand épanouissement de l'être humain. C'est une leçon à tirer pour qui veut réfléchir sérieusement à un nouveau modèle de développement. Il ne s'agit pas ici de nier la grande pauvreté ou la précarité dans laquelle vivent des milliards de personnes sur cette planète, mais bien d’affirmer que la question des indicateurs de richesse n'est ni cosmétique, ni esthétique. Il s'agit d'un enjeu culturel fondamental. En effet, dès lors que l'on considère la richesse comme une convention collective, un étalon dont découlent des comparaisons de performance, de niveau de vie, et même des mesures du progrès, la question de sa comptabilisation est loin d'être anodine. Ainsi, assimilée au sein d'un calcul capitaliste, l'ESS « pèse » 7 % du PIB. Toutefois, dès que l'on porte le regard sur des indicateurs plus sociaux, comme la masse salariale ou le nombre d'emplois, l'ESS « pèse » déjà Le projet Cap 40 ou « bourse des vraies valeurs » organise une plateforme collaborative entre les réseaux des entrepreneurs d’avenir, de l’économie sociale et solidaire, le mouvement des entrepreneurs sociaux et des associations comme le Forum pour d’autres indicateurs de richesse (FAIR).

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13 Pour en savoir plus sur le film consulter notamment http://www.critikat.com/Indices.html

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plus. L'analyse mérite ici d'être approfondie. L'Autre économie, de manière inhérente à son fonctionnement, produit certes des richesses autrement, dans un cadre démocratique et donc plus souvent respectueux de l'humain et de l'environnement, mais elle produit surtout d'autres richesses. Force est de constater que la démocratie, le lien social, le droit à l'avenir des générations futures, la cohésion sociale, la satisfaction d'être maître de son destin... ont de la valeur — voire comptent bien plus dans la recherche du bonheur individuel que le fait d'être saturé de marchandises non indispensables dont le capitalisme est structurellement créateur. L'Autre économie, en plaçant l'Homme comme finalité, permet de remettre au cœur du fonctionnement économique ce qui compte réellement dans la recherche de l'épanouissement individuel : elle fait « compter ce qui compte ». En Région Aquitaine, la grille des critères est issue des travaux de « Culture et Promotion ». Cinq dimensions ont été identifiées : dimension économique, dimension environnementale, dimension sociale, dimension politique et dimension sociétale. Chacune des dimensions est déclinée en 3 ou 4 items plus précis notés de 0 à 5 en fonction de leur intégration ou non au projet ou de leur impact. La grille complétée permet de réaliser un sociogramme, base de discussion et d’évaluation pour le jury. Dans ce cadre, il convient de proposer une alternative au PIB en recherchant un nouvel indice fondé sur le développement des territoires, la réduction des inégalités, la participation des citoyens à l’élaboration des décisions et le bien-être.

3.2. La diffusion de l'Autre économie, voie de passage vers une transition écologique La force de l'Autre économie réside notamment dans le projet politique entrepreneurial, même dans sa forme la plus épurée (répondre à un besoin par la solidarité). En introduisant de la politique, c'est-à-dire tout simplement des questions de société dans un mécanisme de marché, l'Autre économie peut faire de la coexistence d'unités de

production et de consommation privées un levier de transformation sociale. Certes, cela doit être nécessairement complété par une réglementation et une régulation de ces marchés au niveau national et international. Mais cela ouvre la voie à un changement social marchant sur deux jambes : l'État et la société civile14. En outre, l'Autre économie peut préfigurer ce que pourrait être l'économie de demain : respectueuse de l'environnement, créatrice d'égalité, productrice de territoire, génératrice d'innovation et pionnière de nouveaux espaces de démocratie. De manière plus profonde, elle porte un sens de la mesure face à l'aspect anarchique et illimité de l'accumulation du capital. La SCIC Enercoop fournit une électricité à base d’énergies renouvelables à 7 000 particuliers et professionnels « Nous avons démarré en 2005 comme simples citoyens » se souvient Patrick Behm. Nous avons construit notre projet avec les premiers salariés : identifier des producteurs d’énergie hydraulique ou éolienne, créer une plate-forme de relation clients, mettre en place la facturation. Depuis l’an dernier, Enercoop met ce savoir faire au service de déclinaisons régionales, en Rhône-Alpes et en Champagne-Ardenne, pour rapprocher les producteurs d’énergie et les consommateurs. En étant productrice de territoire, l'économie citoyenne répartit les richesses et les activités. L'existence de l'activité dépend moins de la « compétitivité » que de la volonté des hommes de la maintenir et de la développer, ce qui conduit à une toute autre conception de la performance économique. Elle amorce donc une transition du « plus » vers le « mieux ». Les travaux d'un Jean Gadrey ont fait la démonstration que l'émergence d'une économie de la qualité permet de sortir par le haut de l'alternative croissance/décroissance en résorbant les inégalités. Décroissance du superflu marchand, croissance de l'essentiel non marchand : voilà une piste tout à fait crédible de transition écologique, sociale et démocratique qui se dégage naturellement de l'Autre économie.

14 Voir à ce sujet l’expérience des bio-cabas : www.ess.villeneuvedascq.fr/centre-social-centre-ville

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Sommaire des propositions 4.1. Donner une réelle visibilité politique et institutionnelle à l'ESS

27 4.1.1. Une visibilité et une reconnaissance au niveau national . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 4.1.2. Vers une représentativité de l’ESS dans le dialogue social national et régional .28 4.1.3. Une visibilité auprès des jeunes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 4.1.4. Une visibilité auprès du grand public . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 4.1.5. Développer le dialogue civil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 ...

4.2. Offrir un cadre sécurisant afin d’accompagner un développement pérenne

29 4.2.6. Améliorer, sécuriser et harmoniser les statuts juridiques supports . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 4.2.7. Sécuriser les partenariats ESS-puissance publique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 4.2.8. Renforcer l’impact des clauses sociales et environnementales dans les marchés publics . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 4.2.9. Des dispositifs dérogatoires fiscaux et législatifs pour l’ESS en contrepartie des contraintes d'intérêt collectif ou général qu’il assume . . . . . . . 30 4.2.10. Faire progresser le droit européen des SIG/SSIG vers un principe « in house » . . . . 30 4.2.11. Sécuriser l’ESS au niveau européen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

4.3. Les champs potentiels du développement

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 4.3.12. Organiser des filières ESS circuit court . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 4.3.13. Prendre en compte le rôle des médias associatifs dans la démocratie locale . . . . . . . 31 4.3.14. Le développement de métiers favorisant le lien social et intergénérationnel . . . . . 31 4.3.15. Renforcer la démocratie et l’accessibilité bancaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 4.3.16. Soutenir et renforcer les mutuelles de santé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

4.4. Les moyens pour dynamiser le développement de l’ESS

. . . . . . . . . . . . . .

4.4.17. Une agence de soutien à la création d'activités dans l'économie sociale

. . . . . . . . .

32 32

• L’innovation sociale au cœur du développement économique des territoires 4.4.18. Favoriser la mise en réseau territoriale des acteurs de l’ESS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 4.4.19. Un soutien aux chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (CRESS) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 4.4.20. Un renforcement de l’Observatoire national de l’ESS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 • Favoriser les initiatives des acteurs individuels et collectifs 4.4.21. Favoriser l’engagement de créateurs d’entreprises de l’ESS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 4.4.22. Favoriser la reprise de leur entreprise par les salariés : statut du salarié repreneur et droit de préemption social . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 4.4.23. Favoriser et valoriser l’engagement militant dans l’ESS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

4.5. Compter autrement ce qui compte : vers d’autres indicateurs à valoriser pour une meilleure prise en compte de l'ESS

35 4.5.24. Mettre en place d'autres indicateurs de richesse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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IV- Propositions : reconnaître, sécuriser, développer, valoriser L'existence de cette Autre économie protéiforme, diverse, bourgeonnante ne lui donne pas pour autant la capacité à faire système. Au vu des arguments évoqués dans cet essai, il est indéniable que pour des progressistes revenus au pouvoir, la question de la protection et de la diffusion de cette Autre économie ne saurait constituer un simple aspect tactique, un petit supplément d'âme, mais devrait bien être perçue comme un élément stratégique, un outil incontournable de changement de la société. Ces propositions, inspirées pour une large partie des travaux du Laboratoire de l'économie sociale et solidaire15 et de l'action novatrice des régions et des départements, s'inscrivent dans cet état d'esprit.

4.1. Donner une réelle visibilité politique et institutionnelle à l'ESS

4.1.1. U ne visibilité et une reconnaissance au niveau national - La création d’un secrétariat d’État à l’ESS, positionné au ministère de l’économie, est indispensable pour impulser une politique globale, donner corps aux présentes propositions et faire entendre la spécificité de l’ESS dans les changements devant intervenir dans la conduite des affaires économiques. - Une loi-cadre s’impose, à l’image de l’exemple espagnol, qui fixe les grandes orientations pour l’ESS, l’ambition de son développement à terme, et organise les différents moyens pour y parvenir. Cette loi cadre fixera une feuille de route et apportera les modifications légales et réglementaires incluses dans les propositions qui suivent, donnant cohérence et visibilité au secteur ainsi qu’une vision à ses acteurs. - Le rôle du Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire sera redéfini autour d'une fonction de consultation obligatoire, par l'État, sur les questions concernant l'ESS. Ce Conseil sera doté des moyens de fonctionnement (secrétariat, déplacements…) et assurera notamment l’étude et le suivi d’un référentiel de valeurs et de pratique. - Promouvoir un programme de recherche national qui sorte l’ESS de l’ornière de l’innovation locale injustement méconnue. Seule l’échelle nationale, en lien étroit avec les territoires, peut organiser le financement et la structuration pérenne, cohérente et efficace de la recherche mais aussi l’échange d’expérience qui fait aujourd’hui défaut.

Elles s’articulent autour du constat suivant : l’ESS n’a jamais connu un contexte aussi favorable pour prendre un essor nouveau et significatif, mais il faut impérativement que certaines conditions favorables soient ajoutées pour que son développement soit important et durable. Il s’agit en premier lieu d’asseoir la visibilité et la reconnaissance de l’économie sociale et solidaire, ensuite de la doter d’un cadre cohérent et spécifique, permettant de sécuriser ses bases, d’adopter des mesures de soutien spécifiques (ou pas) permettant un développement pérenne et, enfin, de valoriser la place et la contribution de l’ESS en évaluant avec rigueur ses modes de fonctionnement, son apport, sa contribution à une autre manière de penser et de faire l'économie, autour d'une autre conception de la richesse. Il s'agit, à travers l'ensemble de ces propositions, de dessiner une véritable politique nationale de l'ESS, bien ancrée sur les territoires, tournée vers l'ensemble des secteurs et des acteurs : ceux de l'économie sociale institutionnelle, tout comme ceux de structures plus émergentes et moins stabilisées, dans les domaines notamment investis par l'économie solidaire.

15

Pour rappel : http://www.lelabo-ess.org

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4.1.2. V ers une représentativité de l’ESS dans le dialogue social national et régional Les syndicats d’employeurs de l’économie sociale : - représentent 2,3 millions de salariés ; - fédèrent 80 000 employeurs en adhésion directe sur les 215 000 employeurs de l’économie sociale ; - ont porté les couleurs de l’association des employeurs de l’économie sociale lors des élections prud’homales de 2002 et 2008 avec plus de 19 % des voix aux dernières élections dans le collège des employeurs soit une progression de 9 points par rapport à 2002. Ce qui confirme leur représentativité dans le paysage patronal français ; - ont signé une vingtaine de conventions collectives et d’accords collectifs de travail étendus dans leurs 13 branches professionnelles ; - collectent annuellement plus de 500 millions d’euros au titre de la formation professionnelle par l’intermédiaire de trois OPCA (organisme paritaire collecteur agréé). Compte tenu de leur poids socio-économique, les syndicats d’employeurs de l’économie sociale doivent être reconnus comme représentatifs au plan national : - en siégeant dans les instances du dialogue social de niveau national et régional, - en participant aux négociations collectives qui concernent leurs secteurs d’activité, - en intégrant le Conseil économique, social et environnemental (CESE) ainsi que les conseils économiques et sociaux régionaux (CESER).

de l’économie sociale, autour notamment des coopératives scolaires, modification des exemples présentés dans les manuels scolaires lorsqu’il s’agit d’approche économique (calcul, français) en privilégiant des exemples de l’ESS, animation de jeux coopératifs dès le plus jeune âge ; -d ans l’enseignement secondaire (classe de 3ème et second cycle) : enseignement des modes d’entreprendre par l’intégration d’acteurs de l’ES dans les commissions de rédaction des programmes du second degré, découverte des métiers et stages d’immersion ; - en licence : enseignement des modes d’entreprendre et découverte des métiers ; développement de licences professionnelles de gestion des entreprises de l’ESS ; - en master 1 et 2 et dans les grandes écoles : soutenir les chaires d’entrepreneuriat en économie sociale et développer la création de masters (professionnels et recherche, ces derniers n’existant pas aujourd’hui pour l’ESS) ; - s ensibilisation à l’ESS au niveau de la formation initiale des enseignants (qui sera rétablie), en particulier enseignants de sciences économiques et sociales, gestion, droit… -m ais également dans nombre de formations professionnelles : conseil juridique, avocat, expert comptable… Il s'agira également d'assurer la représentation de l’économie sociale dans les instances consultatives en matière d’éducation et de formation : - Haut Conseil de l’Éducation - Conseil Supérieur de l’Éducation.

4.1.3. Une visibilité auprès des jeunes 4.1.4. Une visibilité auprès du grand public Promouvoir l’enseignement et la formation à l’économie sociale Donner une visibilité politique et institutionnelle à l'économie sociale passe également par sa diffusion au travers des parcours d'études et de formation.

Il s’agit de soutenir les actions impulsées par les acteurs de l'ESS visant à promouvoir cette économie par l'intermédiaire de campagnes de communication sur la façon d'entreprendre et le développement de l'engagement associatif, coopératif ou mutualiste.

Il s'agira ainsi de donner une visibilité à l’ESS tout au long du parcours scolaire, secondaire et universitaire : - dans l’enseignement primaire : soutien aux initiatives de sensibilisation aux valeurs

4.1.5. Développer le dialogue civil -R econnaître aux structures de l'ESS un rôle de corps intermédiaire, susceptible de mobiliser les citoyens afin de permettre leur participation à la co-construction des politiques publiques ;

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- Systématiser les représentations des structures de l'ESS au sein du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER).

4.2. Offrir un cadre sécurisant afin d’accompagner un développement pérenne

4.2.6. Améliorer, sécuriser et harmoniser les statuts juridiques supports Il est important d’examiner l’ensemble des dispositions liées aux différents statuts de l’ESS et notamment : - permettre aux SAS16, sociétés par actions simplifiée, d’être agréées SCIC, Société coopérative d’intérêt collectif, à l’instar des SARL (entreprises à responsabilité limitée), ou des SA (sociétés anonymes) ; - faire sortir les mutuelles de l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés, prévu pour le 1er janvier 2012, qui les rapproche des assurances capitalistes ; - rénover le statut de coopérative bancaire en redéfinissant le rôle des coopérateurs dans la gouvernance des banques, point plus largement développé en 4.3.15.

4.2.7. Sécuriser les partenariats ESS-puissance publique Il est essentiel de donner aux partenariats, soit présentés directement soit émanant d’un regroupement de structures, un cadre juridique défini. Il s'agit de faire entrer les relations entre ESS et puissance publique dans un nouvel âge. Trop dépendante des variations de contribution des deniers publics, l'Autre économie a besoin, pour s'inscrire dans la durée, d'une plus grande pluri-annualité dans l'évaluation de ses ressources futures. Parallèlement, la puissance publique, dans un contexte de ressources fortement contraintes, a besoin de développer une culture de l'efficacité non seulement dans le « faire » mais aussi dans le « faire-faire ». Il s’agit de se situer dans une logique de projet. Avec les Conventions Pluriannuelles d’Objectif, un nouveau cadre de conventionnement apparaît

incluant le développement d'une véritable démarche qualité au sein d'évaluations partagées régulières. Un bilan moral et financier est présenté chaque année aux signataires de la convention. Les pouvoirs publics sont alors en mesure de procéder à toute forme d’évaluation qui leur paraît nécessaire pour décider des possibilités de renouvellement et d’ajustement de la convention. L’énergie des dirigeants des initiatives n’est plus alors centrée sur la renégociation permanente des soutiens mais sur le développement des activités et des relations avec les usagers. Ce faisant la liberté associative est respectée. Naturellement cela nécessite une véritable évaluation des pratiques d’utilité sociale : elle passe par la définition d’indicateurs communs17, qui doivent être lisibles de tous, et réellement utilisables. Il est nécessaire que des critères « socles » soient définis au niveau national par un travail partagé de l’État, des collectivités et des acteurs. Des indicateurs plus précis, adaptés soit au territoire soit à la filière concernée, pourraient ensuite être développés. Cette stratégie d’évaluation doit être un moyen de repérage et de soutien, et non un outil de sanction.

4.2.8. Renforcer l’impact des clauses sociales et environnementales dans les marchés publics Étant donné le poids de l'achat public dans la richesse nationale, introduire l'obligation de clauses environnementales et sociales dans les marchés publics et des motivations des décisions d’attribution permettrait, - d'une part, de favoriser indirectement les structures de l'Autre économie, plus vertueuse en la matière, - d'autre part, de diffuser ces conditions de production dans toute la sphère économique concernée. Cette disposition devrait être le premier critère obligatoire lors de la rédaction d’appel d’offre. 16 Société commerciale définie par les articles L227-1 à L227-20 et L244-1 à L244-4 du Code du commerce français. La SAS est à la fois société de capitaux, ce qui la rapproche de la société anonyme, et société de personnes, ce qui la rapproche quelque peu de la société à responsabilité limitée. 17 Voir à ce sujet le travail du Réseau des territoires pour l’économie solidaire : http://www.rtes.fr/

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4.2.9. Des dispositifs dérogatoires fiscaux et législatifs pour l’ESS en contrepartie des contraintes d'intérêt collectif ou général qu’il assume Afin de favoriser le développement des structures existantes, et au regard de la faiblesse de leurs fonds propres, l'État doit se doter d'un fonds de garantie d'emprunts. Il conviendrait également, et de manière urgente, de clarifier le statut des subventions versées par les collectivités. Plutôt que de se poser éternellement la question de savoir si le versement d'une subvention est d'ordre " prestatif ", donc soumis à appel d'offre et automatiquement assujettissable à la TVA, ou s’il s’agit d’une subvention " d'équilibre ", qui vient diminuer le prix final mais est là aussi assujettissable au régime de la TVA, il est nécessaire de décréter une fois pour toutes que les subventions versées par les collectivités publiques ne sont pas soumises à TVA. D'autre part la circulaire récente du gouvernement Fillon en matière de nouvelle TP (18 janvier 2010), a introduit l'intégration des subventions dans le calcul du " chiffre d'affaires " de la Contribution Économique Territoriale faisant ainsi passer dans le clan des redevables de petites associations ou coopératives de grande utilité sociale (le seuil est fixé à 152 000 euros). Il s’agira de permettre aux structures de l’ESS, à l'instar des SCIC, de mettre leurs excédents dans une réserve spéciale (utilisable ultérieurement pour les investissements ou pour assurer la pérennité de la structure), leur permettant ainsi temporairement d'échapper à l'impôt sur les sociétés. De même, les mutuelles de santé doivent échapper à la taxe sur les complémentaires et, afin de soutenir l’effort de mutualisation des risques pour l'accès de tous au crédit bancaire, les banques coopératives doivent être fiscalement encouragées.

4.2.10. Faire progresser le droit européen des SIG/SSIG vers un principe « in house » Indifférent aux statuts des acteurs, le droit européen tend, au nom du principe de concurrence, à protéger les acteurs locaux, comme c'est le cas par exemple en matière de transport. Le principe du « in house » est simple : dès lors qu'une entreprise restreint son action sur un territoire, elle peut bénéficier de dérogations aux règles de mise en concurrence. En attendant une directive-cadre sur les services publics (SP) et une directive-cadre sur les services sociaux d'intérêt général (SSIG), l'affirmation de ce principe constitue une brèche qu'il convient d'élargir pour protéger et développer l'Autre économie18.

4.2.11. Sécuriser l’ESS au niveau européen à côté de cela, il faut organiser le combat à mener par les gauches européennes à Bruxelles pour revenir sur le concept d’économie sociale de marché qui ouvre à la concurrence des secteurs capitalistiques l’ensemble des marchés d’économie sociale. Il s'agit de : -p orter à Bruxelles des projets de statuts européens pour les mutuelles et les associations : l’absence de statut européen pour celles-ci constitue un handicap face à l’existence de la société anonyme européenne ; -d iminuer les exigences de solvabilité des mutuelles telles que prévues par les futures directives solvabilité 2 ; -a ssurer la présence des acteurs de l’économie sociale, du dialogue civil et du dialogue social au sein du Conseil économique et social européen. Il est tout aussi important que la règle européenne dite des " minimis " précisant qu'une structure quelle qu’elle soit ne peut percevoir, en aides cumulées, plus de 200 000 euros glissant sur trois années consécutives, puisse être amendée de façon à exclure les structures de l'Autre économie à vocation sociale ou collective (ceci est tout à fait possible car il existe une liste d'exemptions comme, par exemple, les compagnies aériennes ou les agriculteurs...). 18 Voir à ce sujet la position de la députée Françoise Castex : http://www.francoisecastex.org/2010/10/

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4.3. Les champs potentiels du développement L’emploi dans ESS pèse aujourd’hui lourdement dans les secteurs comme les services sociaux (63 %), la banque et l’assurance (26 %), l’enseignement (16 %), la santé (12 %) et les services aux personnes. Mais — à l’exception notable de structures de l’insertion par l’activité économique — elle est peu présente dans l’agriculture (4 %), le commerce (2 %) ou l’industrie (1 %)19. Le développement des différentes filières de l'ESS passe par les mesures suivantes :

4.3.12. Organiser des filières ESS circuit court - En premier lieu, dans le cadre agricole pour généraliser les AMAP. Il s'agit ici d'accompagner et de favoriser le développement du mieux manger et du mieux produire dans le cadre d'une nouvelle politique agro-industrielle s'appuyant sur les circuits courts donc économes en énergie. La forme juridique SCIC, parce qu'elle permet d'associer les différentes parties prenantes, est une voie à approfondir. Toutefois, ce statut doit pouvoir bénéficier du régime particulier prévu pour les entreprises et coopératives agricoles, notamment en ce qui concerne le régime des aides. Plus généralement, la question des circuits courts agricoles doit faire l'objet d'une adaptation du droit européen dans le cadre des réformes de la Politique agricole commune : il n'est pas juste que ces structures soient soumises à la règle du « minimis » à laquelle échappent les activités de production agricole et les premières ventes à des revendeurs ou transformateurs (Règlement CE, 1998/2006). - Il s’agit par ailleurs de développer les circuits courts dans d’autres secteurs d'activités économiques, tels que le secteur de l’énergie.

4.3.13. Prendre en compte le rôle des médias associatifs dans la démocratie locale La mobilisation des citoyens, notamment de ceux qui n’ont que rarement la possibilité de s’exprimer, implique une information plus démocratique. Par ailleurs, les outils audiovisuels permettent de créer du lien social et favorisent les dynamiques territoriales mais ils n’ont aucun soutien de la part

de l’État. Les appels à projets du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) les mettent sur le même pied que des chaînes nationales, telles TF1 ou France 2, pour les possibilités de diffusion. Il faut aller jusqu’au bout de la loi d’août 2000 et donner aux télévisions associatives, en plus de la possibilité légale, les moyens d’obtenir des fréquences de diffusion sur la télévision numérique terrestre en prévoyant un fonds de soutien spécifique — à l’image de celui qui existe pour les radios associatives. Concernant ces radios, des fréquences de la future radio numérique terrestre devraient leur être attribuées, ainsi que des aides pour financer cette mutation technologique.

4.3.14. Le développement de métiers favorisant le lien social et intergénérationnel Depuis toujours, l’économie sociale est un acteur favorisant le développement des solidarités et du lien social. Elle a une tradition d’insertion des jeunes et des personnes éloignées de l’emploi. Il en est ainsi des associations et entreprises d’insertion qui constituent un levier permettant de remettre le pied à l’étrier de personnes fragilisées par des parcours heurtés. Il en est également ainsi des acteurs de l’animation, du sport, de l’aide à domicile, ou des centres sociaux qui permettent d’accompagner des populations dans leur parcours de vie et dans leur parcours professionnel. Il est proposé que les pouvoirs publics puissent s’appuyer sur les entreprises de l’économie sociale et notamment le secteur associatif pour favoriser le développement de métiers favorisant le lien social et intergénérationnel, ainsi par exemple : - agents de proximité dans les administrations et les entreprises publiques, - accompagnateur de personnes âgées et handicapées dans les actes de la vie quotidienne, - assistants d’éducation, - conseillers prévention/santé en milieu de travail et en milieu scolaire, - accompagnateurs domicile/école...

19 Chiffres rappelés par le journal Article 1 dans son édition du 18 juin 2011, réalisé par l’Ecole des métiers de l’information, coopérative de formation du Xème arrondissement de Paris.

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Pour ce faire, il est nécessaire de protéger ces secteurs du dumping organisé par les grandes compagnies privées pour en évacuer les structures non-lucratives. Réserver certains services à l’offre locale dans l’attribution des marchés publics permettrait d’éviter les distorsions de concurrence. De façon complémentaire, l’émission de chèques ou de tickets modérateurs permettrait aux moins solvables d’avoir accès à ces services, quitte à compenser les coûts supplémentaires de petites structures (notamment en matière de professionnalisation et d’expression des usagers). De façon générale, les effets sociaux bénéfiques générés par l’ESS et absents du système de gestion lucrative doivent être pris en compte et encouragés par la puissance publique. Il est proposé de soutenir la création d’emplois d’avenir ciblés vers ces métiers en s’appuyant sur le secteur associatif et mutualiste.

4.3.15. R enforcer la démocratie et l’accessibilité bancaire Il s’agit de redonner sens et souffle à l’économie sociale dans le secteur bancaire. Pour cela, il nous faut clarifier les distinctions entre les différents secteurs bancaires et affirmer les critères propres aux banques coopératives (dites également banques mutualistes) résultant de leur appartenance au monde de l’ESS. Appartenance qui les conduit à adopter des comportements de solidarité et de mutualisation des risques. - Formaliser dans un texte propre aux banques coopératives les critères qui distinguent ce secteur des autres opérateurs financiers : obligation de communication aux coopérateurs et aux clients, processus de décision sur les orientations, bilan coopératif propre au secteur bancaire, qualités des placements bancaires… et lier la reconnaissance du statut de banque coopérative à ces critères. - Renforcer la fonction mutualiste par un texte législatif précisant que les conditions d'accès au crédit bancaire sont égales pour tous et encourager l’effort de mutualisation des risques par des mesures fiscales.

4.3.16. Soutenir et renforcer les mutuelles de santé Encourager la Mutualité à sauvegarder sa dimension de mouvement de solidarité sociale implique de revoir le fonctionnement actuel de ce secteur aujourd’hui dérégulé au bénéfice du secteur lucratif : - prendre des mesures visant à limiter et réguler la concurrence - assortir le respect des règles de fonctionnement démocratiques de mesures fiscales et supprimer la taxe sur les complémentaires santé - réfléchir aux dispositifs permettant aux mutuelles de renforcer leurs fonds propres tout en préservant leur statut.

4.4. Les moyens pour dynamiser le développement de l’ESS La volonté politique de reprendre la main sur l'économie face aux désordres du marché s'accompagnera indubitablement d'un renouveau de la politique industrielle. Les difficultés des entreprises de l’ESS sont l'accès à des fonds propres, le financement de l’innovation sociale, les difficultés que peuvent rencontrer les associations pour pouvoir conserver leurs excédents (en particulier lorsqu’elles bénéficient de subventions publiques).

4.4.17. U ne agence de soutien à la création d'activités dans l'économie sociale Dans le cadre d'une nouvelle politique industrielle. Nous proposons de créer une agence de soutien à la création d'activités dans l'économie sociale qui permettrait : - la création OSEO de l'ESS, valorisant l'innovation sociale en tant que telle en plus de l'innovation technologique (avances remboursables et crédits à la création) ; - l'ouverture d'OSEO et des pôles de compétitivité au secteur des coopératives par nature multiprofessionnel ; - garantir les financements du fonds de réserve des retraites à l'Autre économie : moins risquée pour les investisseurs, l'ESS permet de sécuriser les ressources du fonds ;

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- un 1 % ESS dans les crédits accordés par les banques ; - d’étendre aux associations assimilables à une PME (au sens des règles européennes) les dispositifs qui favorisent l’investissement dans les PME : crédit d’impôts… - systématiser la possibilité d'accès des structures de l'ESS aux dispositifs de soutien des entreprises de droit commun ; - développer les fonds partenariaux associant l'État, les collectivités locales et les acteurs de l'ESS.

•L ’innovation sociale au cœur du développement économique des territoires Il s'agit de mettre l’innovation sociale au cœur des politiques publiques de l’emploi en donnant la possibilité aux acteurs de l’ESS de faire valoir leurs différences dans la création d’activités de proximité. Dans un contexte de mondialisation accrue, l’économie sociale est appelée à constituer un rempart contre les délocalisations sauvages et à renforcer le lien social dans les territoires.

4.4.18. F avoriser la mise en réseau territoriale des acteurs de l’ESS L’action de mise en réseau des acteurs de l’ESS sur un territoire permettra d’initier des projets dans de nombreux champs d’activité économique et par là l’émergence d’activités nouvelles créatrices d’emplois. En soutien à ces démarches dynamiques, nous proposons de : - Créer partout des Pôles Territoriaux de Coopération économique : favoriser l’accès à l’immobilier des acteurs de l’ESS, donner la chance à l’expérimentation sociale, développer des pépinières permettant d’accompagner les porteurs de projets, combiner les intérêts et dynamiques de l’ESS et ceux des autres acteurs du territoire en articulant les synergies, mette en place les schémas régionaux d'accompagnement de l'ESS… - Donner toute leur place aux collectivités territoriales auprès des pôles. Comme puissances invitantes facilitant la rencontre

des acteurs et donnant l’impulsion ; comme leviers financiers tant pour la phase préparatoire à la création du Pôle que pour les investissements futurs ; comme facteurs de légitimité de l’ESS en tant que partenaires des autres acteurs. - Développer les structures et les dispositifs de soutien et d'accompagnement du développement des entreprises de l'ESS : stabiliser autour des Pôles le réseau des correspondants régionaux de l'ESS afin qu'il couvre tout le territoire national. Définir leur mission et le temps de travail afférent, développer leurs moyens d'interventions, systématiser une lettre de mission signée par le Préfet de région. - Mettre en place un fonds territorial de développement pour éviter la juxtaposition des structures institutionnelles et dessiner un système cohérent, public, lisible, d’outils communs. - Soutenir les têtes de réseau de l'ESS afin de stabiliser et développer la structuration politique (par familles, secteurs d'activité et territoires) de l'ESS : · Systématiser les conventions pluriannuelles d'objectifs autour des fonctions de têtes de réseau (mutualisation, veille, accompagnement…) · Systématiser le dialogue État/réseaux nationaux de l'ESS aux plans national et régional. - Encourager les initiatives de petites structures qui décident de se regrouper pour engager des actions communes sur un territoire, et des collectivités locales qui présentent des programmes de développement concerté, ce au moyen d’un financement substantiel.

4.4.19. U n soutien aux Chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (CRESS) Ainsi, il conviendrait de soutenir les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire : l’État initiera des politiques contractuelles avec les collectivités locales, de type contrat de plan État-Région pour cofinancer les outils de développement régional de l’ESS, sur le modèle

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des agences régionales de développement portées par les CRESS, en reconnaissant, y compris financièrement, leur mission de service public à travers six leviers : - émergence et accompagnement de projets, - développements de filières, - formation, - information, - guichet unique - observatoires régionaux.

4.4.20. Un renforcement de l’Observatoire national de l’ESS L’Observatoire national de l’économie sociale et solidaire a été mis en place en 2008 par le CNCRES. En 2009, il a publié avec l’Association des Régions de France (ARF) et la Caisse des Dépôts, une étude cartographique de l’ESS appuyée sur l’expertise régionale des 26 CRESS. Rendre compte de la réalité de l’activité de ces entreprises, mesurer leur dynamisme, permettre aux entrepreneurs et à l’action publique d’orienter des choix stratégiques : de tels moyens doivent être renforcés.

• Favoriser les initiatives des acteurs individuels et collectifs

4.4.21. F avoriser l’engagement de créateurs d’entreprises de l’ESS Un appui au développement de l’ESS passe en premier lieu par la reconnaissance d’un droit à l’initiative. Trop de projets ont été soumis à une dérive vers les politiques sociales en se finançant par les mesures de traitement social du chômage, ce qui aboutit à négliger la qualité des prestations et l’implication des différentes parties prenantes. Les contributions publiques doivent permettre que de véritables activités économiques soient mises en place, et non pas des activités d’occupation à vocation uniquement sociale. Plusieurs mesures en ce sens paraissent souhaitables : - le financement de l’ingénierie du montage de projet, compte tenu du temps dont ont

besoin les promoteurs et la durée des études requises. - la formation à la conduite des projets propres à l’ESS, c’est-à-dire intégrant une vision collective de l’entreprenariat et développant une bonne connaissance des environnements socioculturel, commercial et institutionnel. - un coup de pouce au lancement en diminuant les coûts fixes pendant la période de montée en charge de l’activité. - une formation rémunérée pour le porteur de projet ayant déjà réalisé une première formalisation de son projet, afin qu’il puisse disposer d’un temps de travail reconnu pour animer l’ensemble des activités liées à la conception de celles-ci ; - un élargissement des types de formations éligibles au titre de la formation professionnelle, afin d’augmenter le niveau de qualification et de développer l’emploi durable au profit des entrepreneurs. Des pépinières d’entrepreneurs de l’ESS permettraient d’accompagner des porteurs de projet jusqu’au démarrage de leur entreprise d’ESS en les guidant sur les modèles viables et duplicables repérés, avec l’appui de partenaires du secteur (fédérations, écoles de management, entrepreneurs de l’ESS…).

4.4.22. Favoriser la reprise de leur entreprise par les salariés : statut du salarié repreneur et droit de préemption social Afin de diffuser l'Autre économie, mais aussi de protéger l'emploi et de relocaliser les productions, il est nécessaire de créer un droit de priorité aux projets collectifs des salariés pour la reprise de leur entreprise (quelle que soit leur forme juridique) en cas de fermeture de site ou de cession. Les démonstrations actuelles indiquent que ceci est un levier essentiel. Selon une étude d’OSÉO parue en 2005, un salarié de l’entreprise a deux fois plus de chance de réussite qu’un repreneur extérieur du fait de son excellente connaissance de la société, de son savoir-faire, de ses produits, clients et rouages. Une telle mesure s'accompagnerait de dispositifs d'accès privilégiés au crédit du pôle public

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industriel, ou de garanties bancaires exercées par la puissance publique et de mesures transitoires juridiques et fiscales permettant de sécuriser la reprise par les salariés, à condition que cela s'effectue dans le cadre d'un statut de l'Autre économie. Il conviendrait que les tribunaux de commerce aient l'obligation de cette observance et que les juges aient la preuve de " non possibilité de reprise par les salariés " avant de prononcer la liquidation définitive d'une entreprise.

4.4.23. F avoriser et valoriser l’engagement militant dans l’ESS La participation des membres des structures de l'Autre économie aux organes de décision démocratique (mutuelles, banques coopératives, entreprises sociales) est essentielle. Cette participation est malheureusement limitée en particulier par le manque de reconnaissance de la part des employeurs (autorisations d'absence), mais aussi par l'insuffisance de la formation technique des bénévoles. Il s’agit donc de : - créer un statut de l’élu des structures de l’ESS instituant notamment des décharges horaires lui permettant de siéger dans les instances ; - valoriser l’engagement des bénévoles dans l’ESS, notamment en promouvant les VAE (valorisation des acquis de l’expérience), pour accompagner les bénévoles dans la construction de leurs parcours militant comme professionnel ; - valoriser la formation technique des bénévoles investis durablement dans une structure solidaire, au même titre que d'autres formations métier (utilisation des ressources de la formation professionnelle, inscription dans les plans de formation des entreprises, droit individuel à la formation (DIF), etc.).

4.5. Compter autrement ce qui compte : vers d’autres indicateurs à valoriser, pour une meilleure prise en compte de l'ESS

4.5.24. M ettre en place d'autres indicateurs de richesse En menant une concertation et une réflexion en vue de l’utilisation d’autres indicateurs de mesure de la richesse que le PIB, il s'agit non seulement de lancer un débat éminemment politique, devant associer l’ensemble des citoyens, sur la question de la richesse, mais aussi, indirectement, de rendre plus visible et plus lisible la contribution de l'Autre économie à un modèle de développement alternatif. Cette stratégie pourrait s'accompagner d'objectifs à l'échelle d'une mandature en matière de développement de l'ESS. Il est intéressant de remarquer que les Nations-Unies utilisent un " Indicateur de Développement Humain " (IDH).

D’autre part une articulation harmonieuse entre les professionnels de l’ESS et les bénévoles est indispensable.

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Conclusion Vers l'âge de la démocratie économique, sortir de la crise par le dépassement La principale force de l'Autre économie est aussi sa principale faiblesse. Le ressort démocratique permet une transformation de l'économie, mais la dévitalisation de la démocratie ou sa captation par certains groupes lui font courir de grands risques. Toutefois, pour tempérer cette inquiétude légitime, on peut s'appuyer sur les travaux d'Amartya Sen (Sen, La démocratie des Autres) pour constater qu'à long terme, les systèmes démocratiques, parce qu'ils portent en eux l'existence de contre-pouvoirs, parviennent au mieux à incarner durablement l'intérêt général. Ceci n'interdit pas de développer la démocratie à l’intérieur des unités de production de type capitaliste, ne serait-ce qu'en généralisant l'existence des conseils de surveillance et en améliorant la place des salariés en leur sein. Toutefois, le développement de l'Autre économie semble être un outil de mobilisation porteur face aux défis sociaux et environnementaux qui nous attendent. Les réponses nécessitent un accroissement des socialisations pour lesquelles l'Autre économie offre des modalités d'appropriation des projets politiques inégalables. Plus largement, un nouveau rapport des progressistes à cette économie durable contribuerait au renouvellement de cette dernière. La diffusion du pouvoir économique est incontestablement une nouvelle frontière du progrès, un espace de conquête de l'émancipation de l'Homme. Elle offre également, en remettant l'économie au service du progrès social, l'opportunité de repenser l’intervention économique de l’État. En tirant le meilleur parti de l'initiative privée et en permettant une réglementation de l'économie par le droit au nom de l'intérêt général, cette voie offre une perspective de conciliation entre liberté et solidarité par le biais du développement d'une économie devenant progressivement acapitaliste.

La régénération de l'économie par la démocratie incarne ainsi un scénario concret de sortie de crise répondant aux soucis immédiats de dépassement paisible du capitalisme. Il s'agit probablement d'une des dernières utopies qui puisse émerger du cadre capitaliste de fonctionnement de nos économies. Naturellement et structurellement, pour reprendre le mot d'Edgar Morin, « l'économie sociale et solidaire refoule l'idée de l'économie guidée par le profit ». Contagieuse parce que faisant la preuve qu'un autre monde est possible, l'Autre économie peut devenir dominante... au point de rejeter les formes capitalistes d'économie à la marge, et même peut être de transformer à terme le capitalisme en « l'Autre économie ». Entre cette perspective tracée par Edgard Morin et la froide sentence de Milton Friedman pour qui « la seule préoccupation sociale d'une entreprise doit être de faire un maximum de profit », se dessine une trajectoire de développement pour cette économie citoyenne et coopérative. C’est dans la diffusion d'un idéal d'entreprise constitué d'hommes et non de capitaux, que la marche vers une économie plurielle s’effectue. Une chose est sûre, en empruntant ce chemin du progrès, la gauche devra marcher sur ses deux jambes : une politique ambitieuse d’une part, et une écoute des mouvements sociaux de l’autre. Pussiez-vous être convaincu qu'il convient d'aller le plus loin possible ensemble.

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Annexe Des acteurs de l'Autre économie LES COOPÉRATIVES Elles sont présentes dans tous les domaines de l'économie : l'agriculture, l'artisanat, la pêche artisanale ou industrielle, le commerce, l'éducation, l'immobilier, les services, les transports, la banque et la finance. Elles se répartissent en quatre grandes familles : - les coopératives d'usagers (de consommateurs, d'HLM, de copropriété), - les coopératives d'entrepreneurs et d'entreprises(coopératives agricoles, artisanales, maritimes, les coopératives de commerçants, de transporteurs), - les coopératives de salariés, - les banques coopératives.

Quelques exemples de coopératives au sein de l’ESS : • La SCIC, Société Coopérative d’Intérêt Collectif La SCIC est une catégorie de coopérative constituée sous forme de SARL ou de SA à capital variable régie par le code du commerce. Elle a pour objet la fourniture de biens ou de services d'intérêt collectif qui présentent un caractère d'utilité sociale. La SCIC peut concerner tous les secteurs d'activités dès lors que l'intérêt collectif se justifie par un projet de territoire ou de filière d'activité impliquant un sociétariat hétérogène (multisociétariat), le respect des règles coopératives (1 personne = 1 voix) et la non lucrativité (réinvestissement dans l'activité de tous les excédents). La SCIC se constitue un patrimoine propre. L'impartageabilité de ses réserves (c'est-à-dire l'impossibilité de les incorporer dans le capital social ou de les distribuer) préserve la SCIC d'une prise de contrôle majoritaire par des investisseurs extérieurs et garantit ainsi son indépendance et sa pérennité.

Doivent être associés d'une SCIC : - des salariés de la coopérative, - des bénéficiaires des biens et services proposés par la coopérative, - et d'autres types d'associés, personnes physiques ou morales de droit privé ou de droit public, contribuant à l'activité de la coopérative (par exemple : des bénévoles, des entreprises, des riverains, des communes, conseils généraux ou régionaux). Les SCIC sont soumises à agrément préfectoral. Sur le plan fiscal, le régime est de droit commun, à une particularité près : les sommes affectées aux réserves impartageables sont déduites de l'assiette de calcul de l'IS. • La SCOP, Société Coopérative Ouvrière de Production Les SCOP sont des sociétés commerciales qui relèvent de la loi sur les sociétés. Elles choisissent d'être SARL (société à responsabilité limitée) ou SA (société anonyme). Les principes du droit coopératif et les dispositions propres aux SCOP s’ajoutent aussi à cette base juridique. Elles se caractérisent par : - La maîtrise de l'entreprise par ses salariés : les associés salariés (appelés également coopérateurs) détiennent au moins 51 % du capital social et représentent au moins 65 % des droits de vote. - La valorisation du travail et la primauté accordée à la pérennité de l'entreprise plutôt qu'à la rémunération du capital : les salariés touchent en priorité les bénéfices et alimentent des réserves qui restent propriété de la SCOP. - La variabilité du capital : les nouveaux salariés apportent progressivement leur part de capital à l'entreprise, ceux qui partent peuvent se faire rembourser.

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- Un poids égal pour chaque associé : les votes en Assemblée se font sur la base du principe " une personne, une voix ", indépendamment du montant du capital détenu. Au niveau fiscal, la SCOP est soumise aux mêmes impôts que toute société de droit commun. Toutefois, en versant beaucoup plus de participation que les entreprises classiques (au moins 25 % des bénéfices), elle réduit d'autant le montant du bénéfice imposable à l'IS (impôt sur les sociétés). Par ailleurs, les SCOP sont exonérées de la cotisation économique territoriale à condition de respecter les principes qui permettent à des salariés de prendre collectivement en main leur destin, et de partager les risques et les résultats au service de l'emploi sur les territoires : salariés associés majoritaires, démocratie des décisions, constitution d'un patrimoine commun au profit des générations futures de salariés (réserves impartageables). (www.scoop.coop)

LES MUTUELLES Quelques exemples de mutuelles : • Les Mutuelles de santé Relevant du Code de la Mutualité, les mutuelles de santé sont fondées sur des principes de solidarité et de non discrimination. Gestionnaires de la complémentaire santé, elles sont 3 000 qui protègent 38 millions de personnes. Elles emploient 55 000 salariés et développent également des activités liées à la retraite, l’épargne et la prévoyance. (www.mutualite.fr) • Les Mutuelles d’assurance Présentes sur tous les grands marchés d'assurances, les mutuelles d'assurance sont régies par le Code des assurances. Elles constituent une famille à part entière qui se distingue des autres sociétés d'assurance par des caractéristiques essentielles : - Les mutuelles sont des sociétés de personnes qui n'ont pas de capital social, donc pas d'actionnaires à rémunérer - Les sociétaires, entre eux, sont à la fois

assurés et assureurs - Les mutuelles sont à but non lucratif - Les mutuelles sont gérées par des administrateurs bénévoles élus par des délégués eux-mêmes élus par les sociétaires. Les valeurs fondatrices de solidarité, de démocratie, de liberté et de transparence sur lesquelles s'appuient les mutuelles d'assurance sont les garants de leur indépendance, du maintien du lien direct avec leurs sociétaires et du contrôle du fonctionnement et de la gestion. (http://www.gema.fr)

LES ASSOCIATIONS • AMAP, Association pour le Maintien de l'Agriculture Paysanne L'objectif de l'AMAP est de préserver les fermes dans une logique d’agriculture durable, c'est-àdire à la fois paysanne, équitable et écologique. Les AMAP permettent aussi aux consommateurs d’acheter à un prix juste des produits de qualité en étant informés de leur origine et de leur mode de production. Ils participent ainsi activement à la sauvegarde de l’activité agricole locale dans le respect d’un développement durable. L'AMAP réunit un groupe de consommateurs et un agriculteur de proximité autour d’un contrat dans lequel chaque consommateur achète, en début de saison, une part de la production qui lui est livrée périodiquement, à un coût constant. Le producteur s’engage à fournir des produits de qualité dans le respect de la charte des AMAP. • SEL, Système d'Échange Local Un SEL est un système d'échange alternatif, construit à côté du système d'échange économique dominant. Les SEL prennent la forme de réseaux à but non lucratif, implantés localement, et qui permettent à leurs membres de procéder à des échanges de biens, de services et de savoirs sans avoir recours à la monnaie traditionnelle mais en comptant des unités de temps. Ces échanges se pratiquent au sein d'une bourse d'échange locale qui se réunit régulièrement. L'unité de comptage au

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sein des SEL dépend en général du temps passé à sa production. Toutefois, l'idée principale réside dans le fait que la valeur dépend de l'échange et du lien créé. (d'après http://sel.leforum.eu/index.php et http:// prov.selidaire.org) • Le réseau SOL Le réseau SOL agrée les structures qui, dans leur objet, leur management et leur fonctionnement, mettent en œuvre les valeurs de l'ESS. Peuvent être agréées sur dossier les structures qui démontrent leur plus value sociale, écologique ou citoyenne (consom'acteurs, structures agréées, associations, collectivités). Le SOL est une unité de compte, dont la valeur est déterminée par les membres de l’association SOL qui l’utilisent pour procéder à des échanges équitables de biens et de services entre eux. Ces échanges se font par l’intermédiaire d’une carte à puce qui permet de comptabiliser l’affectation et l’utilisation des Sols de chaque utilisateur. L'association SOL est force de proposition auprès des structures agréées. Elle participe ou incite à l'élaboration de nouveaux produits ou services. (Charte de fonctionnement du SOL)

LES ACTEURS DE LA FINANCE SOLIDAIRE Secteur financier qui permet de mettre en relation des épargnants souhaitant investir dans des activités à forte utilité sociale et des porteurs de projets n'ayant pas suffisamment accès aux financements classiques. Ce lien peut être assuré, selon les cas, par un ou deux intermédiaires : - dans le premier cas, l'épargnant s'adresse directement au financeur solidaire, celuici assurant alors à la fois la collecte de l'épargne et l'investissement dans des activités solidaires ; - dans le second cas, l'épargnant s'adresse à un établissement financier proposant des placements solidaires ou de partage. L'établissement financier ne s'occupe que de la collecte de l'épargne. Il confie ensuite l'activité d'investissement à un financeur

solidaire, ou transmet les dons aux ONG choisies, selon qu'il s'agit de placements solidaires ou de partage ; - dans certains cas, plus rares, le lien entre l'épargnant et le porteur de projet est direct, l'épargnant devenant lui-même investisseur solidaire, par exemple au sein d'un club d'investisseurs. (http://www.finansol.org) • CIGALEs - Club d’Investisseurs pour une Gestion Alternative et Locale de l’Épargne Solidaire Un club CIGALEs est une structure de capital risque solidaire mobilisant l’épargne de ses membres au service de la création et du développement de petites entreprises locales et collectives (SARL, SCOP, SCIC, SA, associations…). Le Club est constitué de 5 à 20 personnes qui mettent une partie de leur épargne en commun. Il se réunit plusieurs fois par an pour recevoir les créateurs, décider de leurs placements et affecter cette épargne collective au capital des entreprises. C’est un lieu d’échanges et d’auto-formation sur les questions économiques et de développement local, où investisseurs et porteurs de projet font l’expérience d’une économie socialement responsable et solidaire. Le club a une durée de vie de 5 ans, prorogeable une fois. Au terme de sa vie, il procède à la liquidation de son portefeuille, au prorata des apports des cigaliers. (cigales.asso.fr)

L'INSERTION PAR L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE (IAE) L'insertion par l'activité économique) permet à des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion sociale et professionnelle. Ces personnes sont orientées vers des structures dont l'activité est précisément l'insertion sociale et professionnelle (entreprises d'insertion, associations intermédiaires, entreprises de travail temporaire d'insertion, ateliers et chantiers d'insertion). Un agrément du pôle emploi est nécessaire.

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Les structures d'insertion par l'activité économique (SIAE) : • L’Entreprise d'insertion (EI) Une EI produit des biens et services marchands. L'embauche par une EI est ouverte : aux demandeurs d'emploi de longue durée, aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), aux personnes prises en charge au titre de l'aide sociale, aux jeunes de moins de moins de 26 ans en grande difficulté. Les salariés sont embauchés dans le cadre d'un contrat à durée déterminée d'insertion (CDDI). Différentes prestations sont également proposées aux salariés en matière d'accompagnement social, de formation, etc.

• Association intermédiaire (AI) Une AI met ses salariés à disposition de personnes physiques (des particuliers) ou morales (entreprises, associations, administrations). Elle assure l'accueil de ces personnes ainsi que l'accompagnement et le suivi de leur itinéraire de réinsertion. Tout salarié d'une AI exerce des activités ponctuelles qui ne nécessitent pas l'embauche d'un salarié à temps complet : débroussaillage, garde d'enfants, garde de personnes âgées, par exemple. L'intéressé a droit à la formation professionnelle continue, que ce soit à son initiative (congé individuel de formation, congé de bilan de compétences) ou à celle de son employeur (plan de formation de l'association, actions de formation en alternance).

• L'Entreprise de travail temporaire d'insertion (ETTI) Les ETTI proposent des missions d'intérim, dans les secteurs d'activité faisant appel au travail temporaire. Les salariés sont mis à disposition d'entreprises clientes de l'ETTI, dans le cadre de missions d'intérim. La durée des contrats de mission ne peut dépasser 24 mois, renouvellements compris. • L'Atelier et chantier d'insertion (ACI) Les ACI assurent l'accueil, l'embauche et la mise au travail de leurs salariés. Ils organisent également leur suivi, leur accompagnement, leur encadrement technique et leur formation. Les salariés sont embauchés dans le cadre : soit d'un CDDI, soit en tant que stagiaire de la formation professionnelle.

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10, rue de Solférino 75333 Paris cedex 07 Tél. : 01 45 56 77 09 www.laboratoire-des-idees.fr


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