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Lettre du Lab n°12 9 septembre 2010

La réforme de l’Etat social Autour du livre de Serge Guérin, “De l’Etat Providence à l’Etat accompagnant”

1. Edito de Christian Paul 2. Entretien croisé entre Serge Guérin et Charlotte Brun 3. Revue du web – les liens pour poursuivre le débat


Edito / Des idées pour un Etat prévoyant et émancipateur Ce d ia lo gu e s ti m ul ant avec Charlotte Brun invite à découvrir le dernier livre de Serge Guérin – « De l’Etat Providence à l’Etat accompagnant ». On y trouvera l’usage précis d’un « scanner » qui sait explorer les mutations centrales et les recoins de la société.

Mais aussi des partis pris engagés sur les transformations nécessaires de l’économie, de l’écologie ou des protections sociales. Quand nous devrons, après le moment Sarkozy, à la fois reconstruire… et inventer les services publics, beaucoup de ses préconisations pourront nous inspirer. Autant de pistes à explorer pour un Etat prévoyant, et pas seulement réparateur, pour une société fière de ses institutions sociales, mais aussi soucieuse d’émancipation, qui accompagne et respecte le niveau d’autonomie de chacun. Ce livre n’est pas seulement pour la gauche une utile « boite à idées », riches de nombreuses pistes concrètes. Il porte en lui un profond désir d’humanité qui fait souvent défaut à l’espace public. Surtout, il nous aide donner un nouveau souffle à la solidarité. Sans cesser de la fonder avant tout sur des droits, nous voulons la réhumaniser, la mettre au cœur de la société plutôt que de la cantonner à l’Etat, la «doper » avec des principes comme le soin mutuel, l’attention aux autres, le care, ces formes de sollicitude qui font la différence dans la vie quotidienne entre la prestation – indispensable - et la relation, la pluralité des liens sociaux. Serge Guérin montre avec acuité comment un projet de société doit nécessairement précéder un programme politique. Il est urgent de l’entendre.

Christian Paul, Député, président du Laboratoire des idées

L’actu éditoriale du Laboratoire des idées : une note sur le b o ucl ie r r ur al est en ligne sur le site du Laboratoire des idées, issue des travaux du Laboratoire des idées de la Nièvre, avec le concours de militants et d'élus de plusieurs départements ruraux

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Entretien croisé Serge Gué rin, spécialiste des questions liées au vieillissement de la société et aux enjeux de l'intergénération. Il a publié en avril 2010 « De l’Etat Providence à l’Etat accompagnant » (Michalon)

Charlotte Brun, conseillère régionale d’Ile de France, est secrétaire nationale du Parti socialiste, chargée des personnes âgées, du handicap et de la dépendance

Essai sur la modernité ou manuel de réforme de l'État social, l'ouvrage de Serge Guérin propose des réponses aux transformations de la société et ouvre des pistes nouvelles pour la construction d'un projet de société. Interdépendance des individus, paradoxes de l'injonction à l'autonomie, remise en cause du culte du productivisme : Serge Guérin passe en revue les principales thèses de son ouvrage avec Charlotte Brun. Ensemble, ils débattent de la réinvention de l'État Providence. « De l 'Éta t Pr ov id ence à l 'Éta t ac c om p ag na nt » s'o uvre s ur l e va s te ta bl ea u d e l 'avè ne me nt d'une « tro isi è me m od er ni té ». E n pa rta nt d u co ns tat que l es c ha ng e me nts ont d éj à e u li eu, l 'ouvra ge c o nsi dè re q u e l'i mp ér a tif n'es t p as de l es pr o vo q ue r mai s bi e n d e l es c o mp re nd re. Que ll e im po r ta n ce a cc or de z- vo us à c e tte rel ec tur e d e la s oc ié té ? Se rg e Gué ri n : Cette relecture était d'abord pour moi le moyen de souligner la défiance qui existe aujourd'hui envers tout ce qui vient du haut, et ce à tous les niveaux. Seulement, si on ne croit plus aux « vieilles églises » - comme l'a très bien montré Lyotard dans ses travaux sur la modernité – cela ne signifie pas que les individus ne continuent pas de produire leurs petites prières. Cela se fait souvent de manière informelle et déstructurée, sans s'appuyer sur une idéologie concrète, mais cela révèle un certain nombre de préoccupations qu'il faut prendre en compte. Dans un second temps, un regard nouveau est nécessaire car nous sommes arrivés à un moment où la société qu'on a connue ou que l'on voudrait connaître fonctionne mal

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et se trouve remise en cause de toute part. De manière générale, les français se disent pessimistes par rapport à la mondialisation, considérant que leurs perspectives se sont amenuisées au cours des dernières années. Or, ce jugement est faux : le déterminisme social était bien plus fort auparavant. Bien sûr, ce déterminisme existe toujours, il est plus facile de naître de parents vivant à Neuilly-sur-Seine que d'être issu de parents somaliens sans papiers. Pourtant, il ne faut pas oublier que si la société peut paraître plus rude, plus hostile, elle est aussi plus fluide et plus souple. Ch ar lo tte B run : Ce que j'apprécie dans le travail de Serge Guérin, c'est d'abord la subtilité de son analyse sur l'ambivalence entre la perception d'un phénomène par la société et la manière dont chaque individu se construit dans sa famille, dans son travail... On évolue en effet dans une société française très critique, qui tient souvent un discours pessimiste sur les élites ou sur les anciennes formes de solidarité, mais où, en même temps, on assiste à une reconstruction des liens de proximité; Aujourd'hui, chacun est en capacité, dans son uartier ou dans sa famille, de recréer d'autres formes de solidarité. Au fond, l'intérêt de cette relecture de la société proposée par Serge Guérin est justement de souligner qu'une des plus grandes erreurs des politiques est sans doute de sous-estimer la capacité qu'ont les individus de porter de manière collective ce qu'on appelle « l'ingénierie sociale ». C'est donc un ouvrage qui nous invite à repenser les mécanismes de solidarité nationale en regardant de plus près ce qui se passe actuellement dans la société, où des pistes de construction de l'avenir existent déjà. Sur ce point, l'exemple du « soin mutuel » est tout à fait révélateur. Le « Care », le soin mutuel ne sont pas une invention du politique, au contraire, c'est un phénomène qui est depuis longtemps très concret pour beaucoup de gens. En somme, à force de vouloir se fondre dans des schémas étriqués, on ne s'inspire pas assez de ce qui peut être expérimenté localement dans les familles, dans des quartiers ou dans des municipalités. Il s'agit donc bien de porter un nouveau regard, plus attentif aux transformations et aux inventions de la société.

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L'o uvr ag e d éfi ni t l a cul ture de l 'a utonom ie c o m me l e « vr ai d éfi des soc ié tés mo de r nes ». Dès l or s, c om m ent fair e f ac e à ce d éfi et c om m ent la g a uc h e p e ut- ell e s ol u ti o nne r l a te ns io n entre i nj onc ti o n à l 'a uto no mie et m oye ns d 'y a cc éd er ? Se rg e Gu éri n : Cette injonction à l'autonomie, qui nous dit « soit libre, soit autonome », est problématique. Il faut prendre garde à ce discours et rappeler tout d'abord que certaines personnes ne souhaitent tout simplement pas être autonomes. On a tout à fait le droit de ne pas avoir envie. Ensuite, il faut également signaler que notre capacité d'autonomie n'est pas identique. On doit alors avoir le droit d'avoir des niveaux d'autonomie très différents. Ch ar lo tte Br u n : Exactement. Nous ne sommes pas à égalité. Dans ce sens, la première condition pour la gauche est de reconnaître que ce droit à l'autonomie ne peut pas se traduire de la même manière pour tout le monde. Ensuite, cette reconnaissance des inégalités qui existent entre les individus oblige les politiques à réinventer les formes de solidarité. Ces solidarités, qu'elles se jouent au niveau local ou qu'elles soient assurées par la solidarité nationale, sont en effet la condition sine qua non pour que chacun puisse, à des moments donnés de sa vie, revendiquer son droit à l'autonomie. En l'absence de ces formes de solidarité, cette revendication à l'autonomie ne se traduira que par une succession d'individus ne faisant pas société. Se rg e Guéri n : Le discours sur l'autonomie est en effet souvent celui d'une société qui serait faite d'une collection d'individus autonomes et responsables. Moi je crois, avec les solidaristes, qu'une société c'est au contraire la somme d'individus dépendants ou interdépendants. Une société d'individus n'est pas forcément une société qui nie la solidarité et le collectif : à un moment donné, des individus peuvent très bien décider de s'auto-organiser collectivement, de s'auto-gérer pour participer à la réorganisation d'un quartier ou pour créer une AMAP (Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne, ndlr)... Char lo tte B run : Par ailleurs, je crois qu'on ne peut pas penser l'autonomie sans réfléchir simultanément à la perte d'autonomie. En effet, si l'on considère que l'autonomie est un droit universel, alors la perte d'autonomie, qu'elle soit durable ou non, doit entraîner un droit universel à la compensation ou à l'accompagnement. Très concrètement, il s'agit de réinventer un service public personnalisé qui n'apporte pas le même réponse à tout le monde : on peut être en situation de perte d'autonomie dans

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une crèche ou à 92 ans. Il est donc important de reconstruire des réponses personnalisées, afin de faire en sorte que chaque personne devienne actrice de son projet de vie. En d'autres termes, il s'agir de donner aux individus les clés de la construction de leur autonomie en les accompagnant et non pas en pensant les solutions à leur place.

Propos re c ue illi s pa r Pie rr e B ois son

Retrouvez cet entretien en vidéo sur le site du Laboratoire des idées http://www.parti-socialiste.fr/laboratoire-des-idees

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Revue du Web Pour une autre hiérarchie des valeurs, une tribune de Serge Guérin http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/05/12/pour-une-ecologie-du-care-et-de-labienveillance-par-serge-guerin_1350290_3232.html

Le premier numéro de Réciproques: penser la solidarité de proximité; débattre de ses enjeux http://www.proximologie.com/downloads/reciproques/Reciproques-1-Mars-2009.pdf

Entretien avec Emmanuel Lévinas, philosophe de l'altérité et de la « non-indifférence qui est la proximité même du prochain » http://www.dailymotion.com/video/xjj9m_leyvinas_shortfilms

« La sortie du capitalisme a déjà commencé », par André Gorz http://ecorev.org/spip.php?article641

Un État d'investissement social ? Quelques pistes pour la redéfinition de la protection sociale www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=INSO_128_0118

Une réflexion de Jacques Ardoino, père de l'accompagnement www.reseaueval.com/.../ARDOINO%20Accompagnement%20paradigme.pdf

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