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Le cahier du CESC

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Culture, intégration, et diversité

NOVEMBRE 2010



PRÉSENTATION DU COMITÉ ÉCONOMIQUE SOCIAL ET CULTUREL

Le CESC est un lieu de réflexion et de propositions mis en place en juillet 1998 par le Premier secrétaire du Parti socialiste François Hollande suite au Congrès de Brest. Le CESC participe à la vie du Parti et contribue à en enrichir la pensée. Il élabore des propositions, organise des colloques et présente des textes et des rapports sur les grands enjeux auxquels nos sociétés sont confrontées. Les membres du CESC sont des femmes et des hommes de terrain, des chercheurs, des experts qui appartiennent ou n’appartiennent pas au Parti socialiste. Acteurs de la vie économique sociale et culturelle du pays, ils apportent, grâce à leurs expériences et leur vécu, des idées novatrices dans une totale liberté d’expression. Le bureau du CESC, dont le Président est Michel Debout et le Président honoraire René Teulade, réunit trois fois par an son assemblée générale composée de 95 membres, seule instance habilitée à valider les propositions du CESC. Rapporteurs : Philippe Coëpel , Jacqueline Zana-Victor. Participants : Dominique Becker, Jean-Claude Bourbaut, Dominique Brard, Roger Caumette ,Annie Crépin, Marie-Éliane Drut-Gorju, Patrick Ducome, Claude Fonfrede, Yves Guyon, Patrick Jaquet, Mady Mandelin, Pierre Ratteron, Jean-Jacques Stabat, Rosine Young.

Culture, intégration et diversité

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Culture, intĂŠgration et diversitĂŠ


Comité économique, social et culturel PRÉSIDENTS DU CESC

Michel Debout

René Teulade

RAPPORTEUR-E-S

Philippe Coëpel

Jacqueline Zana-Victor

Annie Crépin

Culture, intégration et diversité

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Sommaire Préface

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Le rôle de la dimension culturelle dans les processus et dans les politiques d’intégration

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Propositions

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François Héritier Alice Cherki Lise Alchami Samia Messaoudi Jean-Claude Bourbault Jean-Gabriel Carasso Sofiane Aoudia

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Lexique

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Annexes

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Chronologie des politiques d’immigration en France

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Culture, intégration et diversité


Préface Nous tenons à dire notre gratitude aux membres de la section culture du Comité économique social et culturel animée par Jacqueline Zana-Victor, Annie Crépin et Philippe Coëpel pour le travail et l’énergie déployés comme auteurs rapporteurs du livret Culture intégration diversité. Les auteurs ont essayé à travers la notion de diversité culturelle de penser l’échange entre les cultures de manière égalitaire en évitant lieux communs et idées reçues : notamment une vision misérabiliste de l’immigration qui laisserait les immigrés sans paroles et poserait l’intégration comme renoncement à leur propre culture. C’est une réflexion militante qui ne prétend ni découvrir des solutions définitives ni établir un programme « clefs en main », mais tente de faire comprendre les phénomènes d’intégration, de conflits interculturels dans un monde globalisé. Pour ce faire, le groupe de travail a auditionné un certain nombre de personnalités, acteurs de terrain, psychiatres, anthropologues, écrivains, responsables politiques dont on trouvera les auditions dans la présente édition. Un lexique donne la définition des termes utilisés avec en complément, quelques repères chronologiques des politiques d’immigration en France. Dans les propositions présentées, le cesc rappelle que le principe essentiel qui a guidé sa réflexion est celui de dire que l’intégration est possible, nécessaire, souhaitable et réalisable. Cette ambition est au cœur de son engagement. Michel Debout Président René Teulade Président honoraire Culture, intégration et diversité

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Le rôle de la dimension culturelle dans les processus et dans les politiques d’intégration Nous n’avons pas prétendu parler de la culture ni des politiques culturelles en général mais de la dimension culturelle de l’intégration ; précisément parce que la culture est transversale et ne se limite pas simplement au secteur culturel. Nous avons commencé par poser la question dans toutes ses composantes : le terme intégration sous-entend des conflits, des craintes, une peur de l’avenir, des fragilités. Elle renvoie au passé, un passé proche, lointain ou mythique. Depuis la seconde moitié du XIXe siècle, cette question s’est nourrie tout autant de violences que d’utopies. Elle s’est attachée et conformée à toutes les formes possibles de domination politique : mission civilisatrice, indigénat, protectorat, colonies, indépendance ; puis, à partir de 1945, en France, aux premières politiques d’immigration : nécessité absolue d’avoir recours aux travailleurs immigrés, asile politique, immigration subie ou choisie, expulsion des sans-papiers… avec la 8

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complicité ou la résistance des pays et populations concernées. Elle est posée, aujourd’hui, en France, en 2010, dans le contexte d’une société qui permet une nouvelle version du « travail esclave » clandestin et qui doit affronter la question de la souffrance au travail. Les événements violents dans les banlieues parisiennes en 2005 ont fait ressurgir le débat sur la sécurité, avec le durcissement des contrôles policiers et, en corollaire, la claire visibilité des discriminations. La proposition d’une réforme de la procédure pénale, le 1er novembre 2009, présente le risque encore plus grand d’aggraver les inégalités et de mettre en danger la démocratie et la culture qui en résulte. Ce dossier a pour but d’apporter des éléments de compréhension. Il tente de cerner ce qui dépend d’une volonté politique et ce qui lui échappe : les démocraties vivantes ont besoin d’individus libres.


Pour ceci, nous avons interrogé des personnalités qui nous apportent leur vision et l’expérience singulière de ces questions : Existe-t-il une « fracture » entre des cultures antagonistes ? Si oui, comment la réduire ? Sinon, quels sont les dogmes et les préjugés qui tendent à le faire croire ? Le thème de « fracture » correspond-il aux sentiments et aux aspirations de tous les acteurs ainsi concernés par cette question ? La vie artistique et culturelle peut-elle annoncer, précéder ou simplement entériner les transformations d’une société qui sans cesse assimile des changements de population, de frontières, de partage du travail, de déplacements, de communications et voies de communication (internet), ainsi que la redéfinition de ses finances et de son économie, également en terme d’échanges, de droit, d’éthique et de culture ? Quelle nouvelle attention prêter aux expressions populaires et artistiques venues du monde entier ? Comment distinguer, à travers passé et présent, les politiques d’intégration, et celles d’assimilation ? Comment distinguer l’approche, la reconnaissance et l’expression d’une minorité, des tentatives communautaristes ? Comment les luttes « pour la reconnaissance culturelle des identités plurielles, y compris sur le terrain mémoriel, et qui représentent autant de demandes de justice » (cf. La condition noire de Pap Ndiaye ) font-elles partie de notre culture ? La société française est ainsi confrontée à un défi : surmonter ses méfiances, voire son hostilité, à l’égard des cultures venues d’ailleurs et trouver des voies autres que les politiques purement assimilationnistes ou communautaristes.

Devant l’absence de structures d’accueil, de rencontres et d’échanges, force est de constater que la création artistique et l’accès aux savoirs et aux arts, objets d’une politique culturelle d’ouverture spécifique de la période entre l’après-guerre et les années 90, sont aujourd’hui appauvris et marginalisés. Les « Mouvements » artistiques, littéraires, associatifs, avec le caractère créatif qui leur est propre, en relation avec les musées, par exemple, le « Centre Régional de la Méditerranée » actuellement en chantier dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, seront-ils désormais les seules réponses garantes des libertés et de la démocratie ? L’existence même du « ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire », par sa création, par l’ambiguïté de sa mission et de ses objectifs ( cf son questionnaire « Pour aller plus loin sur le grand débat sur l’identité nationale »), met en place les conditions d’un repli identitaire et nationaliste, avec le risque d’une fracture entre une culture d’État et une contre-culture. Quelles pistes souhaitons-nous apporter ? Quels seront la place et les rôles accordés et reconnus à la vie artistique en termes d’éducation, de ressenti, de perception, et aussi d’économie ? Ce travail pourrait et devrait être poursuivi, en élargissant d’une part son espace « géographique », notamment européen, et d’autre part le cercle de nos interrogations, traçant ainsi des territoires communs plus nombreux et plus fertiles entre historiens, artistes, philosophes, enseignants et politiques, et ce afin d’éviter l’écueil d’une vision ou d’une pensée unique. Nous le considérons, par conséquent, comme un début, avec comme questions restant en suspens : Culture, intégration et diversité

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- Les nouvelles technologies, notamment le numérique, favorisent-elles une meilleure diffusion de toutes les cultures ? - Quelle attention et quel soutien devonsnous apporter aux différents « mouvements » naissant dans et en dehors des institutions, dans la vie associative et dans les rues ? Entretiens avec Françoise Héritier, anthropologue, Alice Cherki, psychiatre et psychanalyste, Lise Crouzet-Alchami, professeur d’arabe dans les ZEP et l’enseignement supérieur, Samia Messaoudi, journaliste, Jean-Claude Bourbault, acteur, directeur du festival de cinéma ciné été qui collabora avec Ariane Mnouchkine, Jean-Gabriel Carasso, directeur de projets artistiques avec l’Observatoire des politiques culturelles, Sofiane Aoudia, éducateur et organisateur du festival des musiques sacrées à Paris. En conclusion, les personnes que nous avons rencontrées s’accordent toutes sur les idées suivantes : Elles reconnaissent de troublantes régressions - La recherche d’une origine biologique de la délinquance dans les gènes, dès la plus petite enfance. - Une cartographie des langues dans l’Éducation nationale qui renforce les sentiments d’exclusion et de honte et alimente le refuge identitaire dans les lieux de culte. - Une réforme de la procédure pénale qui accentue les inégalités et met en danger la démocratie et la culture qui en résulte. - La création d’un nouveau ministère de l’Identité nationale. De multiples confusions sont ainsi créées ou entretenues : - Une confusion dans les termes utilisés aujourd’hui pour poser et analyser la question, ainsi immigration, assimilation, 10

Culture, intégration et diversité

intégration, régularisation, insécurité, délinquance, identité, nation. Or les questions du présent ne peuvent être traitées comme par le passé. Avec la vie, doivent changer les mots et avec les mots, qui apportent de la clarté et de la visibilité, doit changer notre vision de la société et de la politique. - Une confusion générationnelle, ainsi le travail individuel ou collectif attendu et sollicité, à travers éducation et culture, ne peut être le même pour les jeunes nés en France, et leurs parents ou arrière-grands parents. - Une confusion entre la fin et les moyens : la gratuité n’est pas suffisante et pas toujours efficace. Il faut avant tout créer un désir et communiquer une exigence. La gratuité ne règle rien si elle escamote ou dispense du travail intellectuel et sensible. C’est remplacer un mode de consommation par un autre. La question est de savoir ce que nous partageons et comment nous le partageons. Les discriminations ressurgissent sous une forme nouvelle. Une réflexion sur le travail de mémoire et son usage politique reste à faire. La façon dont s’organise l’opposition masculin/féminin est au cœur de toute réflexion sur les cultures. Les personnes auditionnées reconnaissent la nécessité d’une étape nouvelle, pour la démocratisation culturelle. Celle-ci ne peut s’effectuer sans la reconnaissance des minorités, de la condition réelle qui leur est faite, et sans l’exigence d’un projet réel et légiféré sur la mixité des cultures : « le mieux pour tous » qui va de la création exposée au plus large public jusqu’à la recherche, l’approfondissement et l’expérimental puisque l’objectif de l’art est d’aboutir à la forme symbolique la plus approfondie et la plus élevée.


Propositions Le principe essentiel qui a guidé notre réflexion est que l’intégration est possible et nécessaire, souhaitable et réalisable dans le respect de la même égalité et des mêmes libertés pour tous. Les époques de l’histoire les plus créatives dans le domaine des arts et les plus fécondes dans la recherche scientifique sont celles qui ont vu s’ouvrir les frontières. Les politiques de repli et de protection sont dangereuses et totalitaires. Les mesures dissuasives échouent parce que l’être humain bouge et continuera à bouger. L’Europe, longtemps terre de départ devient une terre d’accueil : « Son histoire a tourné une page ». Par ailleurs, les migrations se sont mondialisées et ont triplé depuis les quarante dernières années. (Chiffres donnés en annexe). Discours et opinions médiatisent des réactions populistes, nationalistes et xénophobes, alors que les esprits sont ouverts à d’autres mesures législatives et à d’autres propositions de vivre ensemble. C’est le deuxième principe qui a guidé notre réflexion : en quoi et comment, à travers une vie culturelle riche et ouverte, et avec une vie artistique nécessairement exploratrice, il sera possible de s’opposer en profondeur aux tentatives xénophobes inscrites inconsciemment dans le langage. Combien nombreuses sont les pratiques artistiques, photographie, cinéma, théâtre, chant et danse qui sont des instruments

de transmission ! À quel point un artiste, dont la pratique essentielle est fondée sur le dialogue, contribue librement à une communication interculturelle et conduit à une perception extrêmement subtile de l’autre à l’intérieur même de sa différence ! Chacun doit en être conscient mais cela suppose des efforts réciproques et une prise de conscience, par tous, du bienfondé du vivre ensemble ici et maintenant, ailleurs et plus tard, prise de conscience facilitée par des collectivités locales attentives et par des lieux de débat. Cela suppose aussi une prise de conscience des moyens de diffusion des cultures. Quel que soit le succès d’internet, la télévision demeure le média le plus regardé, le plus populaire et le plus diversifié dans ses propositions, susceptibles d’œuvrer pour la diversité et le vivre ensemble. Elle est aussi le moyen le plus sûr d’une invisible propagande. Elle est allumée en moyenne six heures par jour dans les foyers et regardée en moyenne trois heures par les individus de quatre à cinquante ans, plus de cinq heures à partir de cinquante ans. Elle est aujourd’hui l’objet de communications boursières et de sociétés cotées1. Certaines de nos propositions concernent la politique de l’État, d’autres s’adressent aux collectivités locales ou à des associations. Certaines « ne coûtent rien » car elles sont des orientations politiques, d’autres génèrent immédiatement des

1 - La bonne audience d’une soirée télévisuelle correspond à dix ans de spectacle à la Comédie Française, salle comble. Le programme le plus regardé cette année fut : « Les enfoirés font leur cinéma » avec 21, 5% (soit 12 millions de téléspectateurs). Le match de foot (de handball pour ce qui concerne Thierry Henri) France-Irlande arrivant en seconde position avec 20,1% (11,6 millions de téléspectateurs). Culture, intégration et diversité

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charges, comme les équipements culturels ou les recrutements de personnels nouveaux. Certaines peuvent se décliner localement, d’autres à l’échelle de la nation et même à celle de l’Europe. 1 Valoriser les enseignants dans leur rôle de pédagogues et de passeurs culturels, par tous les moyens, y compris financiers et salariaux. 2 Faciliter dans le cadre de l’Éducation nationale, et dès la maternelle, des rencontres entre élèves et artistes afin d’éveiller la curiosité des jeunes et leur désir de culture, ne pas décevoir ou inhiber leurs aptitudes personnelles et leur créativité et transmettre une culture générale. 3 Responsabiliser régulièrement et à tour de rôle les élèves pour les rendre médiateurs d’un projet culturel ouvert sur le monde. 4 Intensifier pendant l’année en milieu scolaire la pratique des concours pour parler de fraternité, d’humanité, de solidarité par des dessins, des poèmes, des contes. 5 Généraliser en milieu scolaire la correspondance entre élèves français et élèves de pays francophones en s’appuyant sur les nouveaux outils de communication, tels Internet et les blogs. 6 Instaurer un apprentissage scolaire de toutes les langues vivantes dites confidentielles dans le respect de la laïcité et du programme français.

sortir, monter vers et par extension ouvrir au monde) l’Enfant de manière à ce qu’il accède à l’universalisme et donc qu’il connaisse son histoire personnelle et familiale pour pouvoir la replacer dans l’histoire humaine. Réaliser, dans le cadre de l’école, dans les centres sociaux et les lieux d’associations populaires, des créations personnelles et collectives - théâtre, littérature, poésie, photographie … - accompagnées par des gens de métier, partagées et discutées avec d’autres enfants et adultes, et présentées dans des lieux d’activité culturelle (théâtres, conservatoires, écoles d’art etc. ). 9 Éduquer à la connaissance du rapport masculin féminin dans toutes les cultures. La matrice de toutes les discriminations réside dans ce rapport « ancestral mais non fatal » (Françoise Héritier). Enseigner l’histoire des femmes et de la conquête de leurs droits dans le monde entier. Redonner tout son sens à la Journée internationale des Femmes, le 8 mars, en valorisant leurs actes créatifs et leur engagement citoyen. Persévérer dans l’exercice de la parité. Il faut en particulier ouvrir une réflexion sur le caractère sexué des politiques migratoires : le corps des femmes devient, à proprement parler, un enjeu d’identité nationale ou communautariste. Voir comment, hier et aujourd’hui, il est au cœur des attentions politiques et médiatiques.

7 Maintenir l’enseignement de l’Histoire dans toutes les classes jusqu’aux classes préparatoires.

10 Savoir reconnaître et révéler la créativité chez les jeunes adultes. Inviter chacune et chacun à effectuer un travail de fiction à travers des engagements artistiques. « Dans notre culture, la fiction et l’abstraction jouent un rôle considérable. »

8 Éduquer (ex duco = conduire dehors,

11 Créer de nouveaux emplois de

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médiateurs culturels. Insister sur l’importance des médiateurs culturels professionnels ; qu’ils soient formés, avec un réel statut et salaire, avec des missions ouvertes, variées et précises. Ces médiateurs (indépendamment des enseignants et autres professions qui sont par nature médiateurs) seraient au beau milieu du gué, c’est-à-dire dans l’écart socioculturel entre les publics et les créateurs, dans tous les lieux où se manifeste l’art (festivals, théâtres, musées). 12 Favoriser l’accès aux lieux de culture, par exemple par la distribution de billets exonérés auprès des enseignants, des associations et des organismes culturels ou généraliser l’offre de billets d’accès pour les lieux de spectacle avec des tarifs réduits dégressifs par tranche pour les citoyens à faibles revenus, voire non imposables. 13 Créer une carte culture (sur le modèle de la carte vitale) avec une puce individualisée qui permette l’accès aux musées, théâtres, cinémas etc. à un coût calculé sur mesure. 14 Proposer un billet deux entrées au même spectateur et pour le même spectacle, essentiellement pour le spectacle vivant, afin que chacun puisse approfondir sa perception du spectacle et de l’œuvre et aiguiser son désir. 15 Créer des espaces symboliques « où élaborer des histoires afin que chacun puisse trouver sa place dans un ensemble historique » (Alice Cherki). Des espaces symboliques « où s’élargit l’espace social, et s’offrent des représentations verbales » qui permettent de relier son histoire à celle de ses parents sans sacraliser celle-ci ou en faire un refuge. Par conséquent

développer des lieux est l’esprit hérité de celui des Maisons du Peuple, puis des MJC et des Maisons de la Culture. Dans l’esprit du Centre régional de la Méditerranée, créer un centre par région ouvert sur les pays frontaliers. 16 Créer un Musée de l’Esclavage par exemple à Paris dans le bâtiment qui fait face à la place du Général Dumas où trône depuis peu la statue emblématique de l’abolition de l’Esclavage. 17 Inscrire dans le calendrier les grandes dates repères de notre histoire commune, la journée de l’abolition de l’Esclavage, la journée de la mémoire de la Shoah, et celles des différentes cultures, traditions et religions, le 1er jour de Kippour, le 1er jour du Ramadan, le jour du Têt, cette liste n’étant pas exhaustive. 18 Encourager les initiatives dans les zones isolées sur le plan culturel, en créant des possibilités de financement, entre autres le microcrédit, qui favoriseraient l’émergence de lieux tels les cafés musicaux permettant le foisonnement culturel par les loisirs, les rencontres, les échanges. 19 Rendre très visibles la communication des propositions culturelles et la localisation des équipements de loisirs dans les arrondissements, les banlieues, les villages, les grandes villes, en particulier dans les centres-villes de plus en plus fréquentés et de tout temps attractifs. 20 Soutenir la recherche et l’expérimentation dans les disciplines artistiques et scientifiques (Voir Culture, intégration et diversité

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intervention de Jean-Gabriel Carasso), et leur attribuer des bourses de formation et d’études en France comme à l’étranger. 21 Défendre un service public de la télévision et la qualité des programmes. La conclusion du livre déjà cité de Pap Ndiaye, La condition noire, peut nous aider à synthétiser et à ouvrir cette première étude à d’autres. Elle est intitulée : « Quel effet ça fait d’être un problème ? ». Le livre est une étude à la fois singulière et modèle. Il nous invite à comprendre la double conscience des minorités et le paradoxe identitaire auquel elles sont confrontées. « Même si le racisme biologique assumé n’a guère vécu au-delà de la Seconde Guerre mondiale, il a muté sous une forme culturelle qui demeure vivace aujourd’hui et trouve assez couramment à s’exprimer lors des moments de tension comme la crise des banlieues de l’automne 2005. » C’est peut-être en partie en raison du manque d’équipement approprié pour décrire et mesurer les discriminations en France que le terrain mémoriel est celui où sont le plus amèrement exprimées les difficultés sociales. Pap Ndiaye insiste sur la différence entre une position identitaire « épaisse » qui prend en considération des critères ethniques et culturalistes au risque de l’essentialisme (Léopold Senghor), et une identité plus « fine » définie par une expérience historique et sociale communes,, qui balaie toute référence culturaliste pour valoriser la communauté d’expériences et devient, de ce fait, universaliste (Aimé Césaire). Il est préférable selon lui de parler de questions de droit, d’inégalité, de luttes effectives, et en ce sens, invoquer une justice sociale qui suppose une participation à la société civile, plutôt que la notion compatissante et éphémère de 14

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« souffrance sociale ». D’où l’intérêt, dans une perspective associative, de penser l’identité sous une forme « fine » relative à l’expérience sociale concrète, en mesure de rassembler sans exclusive celles et ceux attachés au principe de justice, plutôt que sous une forme « épaisse » qui, à l’extrême, peut amener à une forme d’intolérance, de fermeture et d’intégrisme.


Textes établis à partir d’auditions

Françoise Héritier Françoise Héritier est anthropologue. La question « culture et intégration » peut être examinée à la lumière de ses expériences multiples. Fille de fonctionnaires et petite-fille de paysans, elle est aujourd’hui professeure honoraire au Collège de France. Elle préside, en 1989, à la demande de François Mitterrand, le Conseil national du sida. Elle travaille sur la question du secret dans les milieux privés de confidentialité, comme les prisons, et obtient que le corps médical et les malades dépendent du ministère de la Santé et non du ministère de l’Intérieur. En 1989, elle ouvre un séminaire intitulé « l’anthropologue dans la cité », qui étudie les tensions et les violences qui traversent notre société : violence entre nations, terrorisme, torture, restes du colonialisme, obscurantisme religieux, violence des rapports homme/femme, maîtrise du vivant, clonage, contraception, prostitution, discriminations diverses… Elle invente deux concepts dans sa discipline, l’anthropologie sociale : la valence différentielle des sexes2 et l’inceste du deuxième type qui permettent d’analyser ces violences et d’y faire face. Elle légitime une nouvelle discipline de

recherche : l’anthropologie symbolique du corps. La recherche de lois et la mise en évidence des structures paraissent capitales à Françoise Héritier. Chaque culture est unique, mais la reconnaissance du caractère unique des cultures ne doit pas faire oublier qu’il est cependant possible de mettre à jour des lois générales, par la comparaison et la généralisation. Il se trouve que ces lois générales sont plus discernables à travers le travail sur la parenté ou dans le cas des corpus mythiques (cf. Claude Lévi-Strauss). Ses origines paysannes l’ont rendue sensible aux grands changements qui ont eu lieu en 1957, au sein de nos sociétés paysannes qui bousculent ou renforcent les traditions. Elles l’ont aidé dans ses voyages à établir les nécessaires confiance et curiosité réciproques Jeune étudiante en histoire et géographie, elle découvre les cours d’ethnologie de Claude Levi-Strauss, en sciences religieuses et sciences économiques et sociales à l’EPHE. Cet enseignement est, pour elle, chargé d’une étrangeté absolue et, en 1957, elle est volontaire pour entreprendre une mission officielle en Haute-Volta

2 - Pensée de la différence dans une classification hiérarchique. « La valence différentielle des sexes traduit la place différente qui est faite universellement aux deux sexes sur une échelle de valeurs et signe la domination du principe masculin sur le principe féminin » selon Françoise Héritier. Valence est un terme emprunté au vocabulaire de la chimie, que Françoise Héritier a repris pour un usage anthropologique dans son travail d’analyse des systèmes de parenté. Pour Françoise Héritier ce concept est universel et exprime un rapport presque toujours hiérarchique entre le masculin et le féminin. Culture, intégration et diversité

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(Burkina Faso) qui avait pour but d’étudier les possibilités de déplacements volontaires de populations voisines et de leur accueil par les populations locales, compte tenu du projet de construire un barrage sur le Sourou et de régulariser ainsi le système naturel des crues. Sa candidature ne sera retenue qu’en l’absence de candidature masculine. Au cours de cette mission, elle découvre le pays samo. Les villages samos sont autonomes, regroupés en petites fédérations sociopolitiques. Ils sont, à l’époque, très peu touchés par l’islam et le catholicisme et pratiquent toujours la religion traditionnelle. Elle prend conscience d’une organisation sociale très particulière, sans chefferie. C’est en pays samo qu’elle décide de revenir. Elle y découvrira le système semi-complexe d’alliance qui est le point d’origine de la réflexion qu’elle étendra plus tard à notre culture. Devant ce système d’alliance très particulier, elle cherche à comprendre comment se fait le choix du conjoint par lequel se fait la transmission des droits. À la réussite de sa première expérience, elle pose trois conditions qui ont retenu notre attention. La première est l’assentiment des populations : « c’est l’acceptation en toute connaissance de cause. » Cette connaissance empruntera des voies différentes selon les sociétés et les cultures, mais c’est elle qui permettra la réciprocité et l’échange. Elle comprend, certes, les autorisations officielles, mais aussi et surtout, l’accord et la confiance des gens. « Le mal commence avec l’indifférence et la résignation. » Il faut être accepté et cet accord ne relève pas des seules lois de l’hospitalité. Il implique quelque chose à laquelle nous n’avons pas forcément accès et qu’il faut respecter. Par exemple au Burkina Faso, 16

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l’assentiment est de caractère divin. Quand l’ethnologue arrive, des sacrifices sont faits et, s’ils se passent bien, la population accepte de répondre aux questions de l’ethnologue qui est désormais partie prenante du bien commun. Il n’est pas là pour le mal mais pour le bien. La curiosité est réciproque : les Samos avec lesquels Françoise Héritier a travaillé s’intéressent à la culture de l’ethnologue, mais toujours en fonction de leur propre culture et de leur conception du bien commun. La deuxième condition est qu’il faut « abandonner les logiques et appréciations occidentales pour se laisser porter par le terrain, sans idée préconçue. » On peut obtenir des réponses dont on ne comprend pas la logique parce que nous ne sommes armés, ni culturellement, ni scientifiquement, pour cela. Nous pouvons avoir un biais culturel qui nous amène à considérer comme seules logiques, seules rationnelles et même biologiquement fondées, nos façons de concevoir les choses, alors qu’elles ne sont pas universellement partagées. Par exemple, pour nous Occidentaux, il faut le corps, l’âme et l’esprit pour faire une personne. Pour les Samos, il y a neuf acceptions du mot personne : le corps, le sang, le souffle, le double, l’ombre portée, le nom, le destin individuel, l’esprit et la trace d’un ancêtre. Françoise Héritier explique ainsi le soubassement idéologique du système semi-complexe d’alliance qui permet aux Samos de réguler les alliances entre groupes et d’organiser ainsi le corps social. Abandonner ses logiques culturelles pour comprendre l’autre, nécessite une ouverture d’esprit et une sorte de pacte de reconnaissance puisque, au départ, l’échange est toujours inégal : se posent toujours des questions inattendues. L’ordinaire des uns n’est pas l’ordinaire des autres. Les cultures sont différentes, mais il


ne faut cependant pas les ériger en citadelles absolues, car elle obéissent simplement à des combinatoires variées à partir de mêmes données de base. Par exemple, les Samos sont, comme nous, persuadés que c’est la biologie qui fonde leur système de parenté, or il n’en est rien. Il existe plusieurs formules structurales de systèmes de parenté. Le nôtre relève de l’un de ces types, celui des Samos d’un autre. Il s’ensuit que les fondements ne sont pas naturels mais cognitifs. Tout est social et culturel. Ce n’est pas la biologie pure qui fonde les systèmes de parenté, ni la filiation. Françoise Héritier a rencontré deux énigmes dont les résolutions lui ont ouvert des perspectives de réflexion et d’action sur notre propre culture. Dans le système de parenté des samos un chaînon manquant ne peut être nommé. En l’absence de réalité, il n’existe pas de nom pour dire, à l’inverse de notre culture où la fiction et l’abstraction jouent un rôle considérable. La troisième est d’ inventer et d’innover. Il est difficile de se représenter mentalement les systèmes généalogiques de parenté et d’organisation sociale sans l’aide du papier et du crayon. Il est difficile de se représenter un rapport de parenté dans une autre culture. L’effort mental est considérable des deux côtés. Il est nécessaire d’opérer une conversion très difficile pour chacun des deux partenaires, l’ethnologue et son informateur. Françoise Héritier a mis au point une méthode technique servant de support pour la pensée abstraite. Des cauris (petits coquillages dentés) et des cailloux représentaient respectivement le sexe féminin et le sexe masculin. Des allumettes servaient à marquer les relations. Au fil des conversations, Françoise Héritier construisait des schémas que les interlocuteurs samos commentaient. C’est de cette manière qu’elle a mis au jour un

système de parenté extrêmement difficile à manier, mais cohérent, dont on ignorait l’existence en Afrique. Exemple : là où nous parlons simplement d’une cousine, les Samos vont identifier une « sœur ». Explication : « ma mère et sa mère sont soeurs, donc ma mère appelle la fille de sa soeur ma fille et si c’est une fille pour ma mère, c’est une soeur pour moi, car tout parent que ma mère appelle son enfant est pour moi un frère ou une soeur. » À partir de cette première expérience et de ses enseignements, quel sens donne Françoise Héritier à ces deux termes, culture et intégration ? Quelles sont les réponses apportées par notre société aujourd’hui et quelles en sont les applications tant sur le plan social, culturel et juridique ? Pour résumer : l’observation des alliances semi-complexes a conduit Françoise Héritier, tout d’abord, à identifier un “inceste du deuxième type”, qui existe non pas directement entre deux consanguins de sexe différent, mais entre deux consanguins de même sexe qui ont un partenaire sexuel commun. La formulation des interdits portant sur ce type d’inceste, telle qu’on la trouve dans des codes divers, dans celui des Hittites3 ou dans le Lévitique et le Deutéronome4 ou dans le Coran, a permis de lever le voile et le silence sur les violences qui traversent nos sociétés et les structurent. La violence fondamentale est celle faite aux femmes qui, dans quelque culture et langage que ce soit, ne peuvent être considérées comme des sujets de droit. Tous les interdits sont dits au masculin, même ceux qui devraient l’être au féminin. C’est en introduisant un nouvel objet d’étude, l’anthropologie du corps, qu’il est devenu possible d’analyser ces violences, ancestrales mais non fatales, et d’y remédier. « C’est l’observation de la différence des sexes qui est au fondement de toute pensée,

3 - Peuple de l’Antiquité qui fonda un empire en Asie mineure et dont la civilisation est antérieure à celle des Phéniciens. 4 - Le Lévitique et le Deutéronome sont des livres de la Bible, appartenant à l’ensemble du Pentateuque. Culture, intégration et diversité

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aussi bien traditionnelle que scientifique ». « Les deux piliers de la domination masculine résident dans le contrôle social et l’appropriation de la fécondité des femmes et dans la division du travail entre les sexes ». Dans la langue, les interdictions ne sont jamais dites à la place de l’Ego féminin parce qu’elles auraient fait alors des femmes des sujets de droit parlant. Cette domination sur le corps et les esprits, vécue comme naturelle par les uns et les autres, fait que les bastions de résistance sont surtout masculins parce que les hommes sont les bénéficiaires d’un système archaïque de représentations : voir le rôle des grands frères dans les banlieues. - Sur les questions du voile, de la polygamie, de l’appropriation du corps (prostitution ou servitudes, mutilations…), Françoise Héritier est formelle : nous devons les interdire dans notre pays. - Sur la question de l’intégration : les personnes qui décident de fonder une famille et sont destinées à rester dans un autre pays que celui d’origine, doivent consentir aux principes du pays d’accueil. Pour la France : laïcité, égalité et parité homme/femme, éducation scientifique, artistique et sportive pour tous, travail pour tous. - La pensée de Françoise Héritier est universaliste : elle est contre le multiculturalisme, le relativisme culturel et le communautarisme qui, sous le prétexte de protéger les cultures, agrandissent le fossé qui les sépare.. - L’attention portée au corps et à ses représentations conduit à mener plus loin la question de l’inceste : il faut savoir que l’interdiction de l’inceste est fondatrice du social. Il est nécessaire d’établir entre des groupes consanguins des liens qui soient d’alliance choisie et non fondés sur le 18

Culture, intégration et diversité

sang ou les substances ou les humeurs. La prohibition de l’inceste débouche sur une règle d’exogamie (se marier en dehors de son propre groupe consanguin), qu’il convient absolument de respecter. - L’existence de l’inceste du deuxième type met en jeu ce qu’il y a de plus fondamental dans les sociétés humaines : la façon dont elles construisent leurs catégories de l’identique et du différent à partir de l’opposition mâle/femelle et la façon dont elles organisent l’opposition masculin/féminin. Mais, sur le point qui nous occupe ici, sa seule importance est d’avoir permis, en étudiant les énoncés d’interdiction, de mettre en évidence un principe universel de minoration du genre féminin en lui déniant la possibilité d’être considéré comme sujet de droit au même titre que le genre masculin. - Toutes nos sociétés occidentales sont traversées par l’inceste dit du deuxième type dont les effets sont présumés désastreux. Cependant, Françoise Héritier attire notre attention sur le fait que la notion d’inceste est quasi constamment exclue du droit. Le Code pénal envisage de façon très large sa gravité, voire sa prohibition. En refusant de nommer l’inceste, le législateur laisse au juge le soin de faire coller l’ordre juridique à l’ordre culturel et social5. - Au sujet des risques cachés du communautarisme, de l’enfermement, de « l’entre-soi » : on peut décrire les familles incestuelles comme des familles closes sur elles-mêmes où les rôles, les gestes, les énoncés ne sont pas codés. On ne sait pas qui est qui, qui fait quoi et qui doit dire quoi. Aucun rituel d’interaction n’est organisé : pas de sorties, pas d’invitation d’étrangers à la famille, pas de discussion sur l’aventure sociale. Pas de fêtes, pas de rituel. Quand le père va travailler, il est anormalement normal, soumis aux règles sociales et n’ayant rien à en dire, il ne les


selon ses propres termes, de « rendre compte du présent ». Quel sens donne-telle aujourd’hui à son engagement politique dans un parti ? « Il paraît important et nécessaire de faire comprendre aux responsables politiques comme aux citoyens que ce qu’ils estiment être « naturel », (ainsi la domination masculine) est proprement installé sur des millénaires de représentations transmises de génération en génération qu’il convient de faire bouger dans les esprits surtout, ainsi que dans les usages ».

fait pas vivre au sein de sa famille en les racontant, privant ainsi ses enfants d’un modèle social. - La distinction entre procréation et filiation manifeste la prévalence du social sur le biologique, dans toutes les sociétés. Une évolution inquiétante du droit français introduit la reconnaissance génétique et la rend opposable aux autres modes de reconnaissance. Par exemple, il est maintenant possible à un homme, de récuser sa paternité sous prétexte de la vérité biologique. « C’est alors le désir individuel qui prime alors que la règle sociale se doit d’assurer une identité stable aux personnes. Un tort profond peut être fait à un enfant. » - Le corps est partie prenante de l’analyse structurale et logique que l’on peut faire de l’organisation sociale. Dit autrement, une société est définie par la façon dont elle se reproduit, éduque, guérit, punit et partage. La filiation se définit comme une règle sociale, désignant l’appartenance d’un enfant à un groupe. Il existe six grandes structures de parenté et chaque société n’obéit qu’à une seule. De son respect dépend la possibilité d’une transmission. Les méthodes utilisées, son appareil juridique et ses systèmes de partage définiront son identité sociale.

La place des femmes dans l’Histoire, la politique, la vie artistique … ? « Les femmes ne sont pas reconnues dans leurs œuvres de la même manière que leurs homologues masculins. C’est vrai pour les sciences, (cf. prix Nobel), comme pour la littérature (prix littéraires en France). Un livre écrit par une femme est considéré comme un « livre de femmes » donc d’un genre mineur avant d’être considéré pour son contenu. Tant qu’elle sera tordue et biaisée, comme elle l’est en raison du modèle archaïque, la situation ne permettra d’avancer qu’à cloche-pied. Cette nécessité de bien comprendre les soubassements de la domination doit toujours être présente. »

Depuis 2006, Françoise Héritier s’est engagée auprès du Parti socialiste Pendant longtemps, son travail a permis,

La discrimination positive ? Parité / égalité Françoise Héritier la « défend provisoirement, mais c’est surtout par

5 - Depuis cette audition, une évolution est apparue. La commission des lois à l’Assemblée nationale a examiné le 28 avril 2009, sur le rapport de Marie-Louise Fort, la proposition de loi, modifiée par le Sénat, tendant à inscrire ENFIN l’inceste commis sur des mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d’actes incestueux. 1er volet : l’inscription de l’inceste dans le Code pénal (le Sénat n’a pas remis en cause la notion de «surqualification » qui se « superposera » à la qualification de crime ou de délit sexuel. 2e volet : amélioration de la prévention (renforcer le rôle de l’école dans la prévention de l’inceste, conforter le rôle de l’audiovisuel public dans l’information en matière de santé et de sexualité. 3e volet : un meilleur accompagnement des victimes (la proposition de loi prévoit qu’un administrateur judiciaire soit nommé dès qu’une plainte pour inceste est déposée). Il a été voté ce qui suit : TITRE I - inscription de la notion d’inceste dans le code pénal et précision de celle de contrainte dans le cas des agressions sexuelles et des viols, aggravation des peines encourues en cas d’atteintes sexuelles incestueuses commises sur un mineur. TITRE II - mission d’information des Écoles, des collèges et des lycées en matière de violence et de sexualité. TITRE III -constitution de partie civile par les associations de lutte contre l’inceste et désignation systématique d’un administrateur ad hoc. Culture, intégration et diversité

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l’éducation et par l’apprentissage à la vie, c’est-à-dire dans les écoles, la rue, les médias…, par touches graduelles, que les choses peuvent changer. » Ses premières recherches lui ont-elles donné de vivre l’expérience d’être étrangère, mais non sans-papier ? « Je me sentais comme une étrangère en possession de papiers inutiles sur le terrain sauf au regard du contrôle policier et administratif qui accompagnait aussi la venue d’étrangers dans ce pays. Il y avait deux mondes, le monde de la brousse où les papiers ne servaient à rien, et le monde hérité de la colonisation où ils servaient au contrôle des étrangers comme moi. » Vous dites que notre société est hantée par l’inceste du deuxième type ? « Je dis cela d’un point de vue purement anthropologique : l’inceste en général, qu’il soit du premier ou du deuxième type, est une tentation constante à en rester à l’entre soi de la consanguinité et des alliances antérieures, sans ouverture aux autres alors qu’une société, pour être viable, doit être ouverte sur la différence simplement pour avancer. Même le progrès scientifique ne pourrait exister en vase totalement clos. »

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Alice Cherki Alice Cherki présente sa démarche aux membres de la commission et résume son œuvre. Elle connaît, par expérience personnelle et historique, les dangers de l’assignation à une origine et de la « ghettoïsation.» Dans La Frontière invisible, ouvrage qu’elle a écrit en 2006, Alice Cherki nous livre une part de son expérience personnelle. Être née juive et femme, en 1935, en Algérie, lui a permis de comprendre beaucoup de choses de la complexité de l’étranger. Elle nous invite à interroger la notion d’étranger et celle d’étrangeté, présentes en chacun de nous, quelle que soit notre origine sociale, géographique et culturelle. Son interrogation est nourrie par sa pratique psychanalytique et son engagement politique en Algérie et en France. Elle a participé, dès l’âge de 17 ans, à la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. Elle a vécu le « dernier quart d’heure. » Arrivée en France en 1957, elle rejoint le Mouvement de Libération, en 1958, puis gagne la Tunisie où elle travaille dans les hôpitaux psychiatriques. Elle termine ses études à Berlin-Est où elle retrouve de nombreux étudiants algériens. Jusqu’en 1963, elle accompagne le Mouvement dans l’Algérie devenue indépendante. Elle a beaucoup travaillé avec les « descendants ». Les patients qu’elle reçoit, elle les appelle « les enfants de l’actuel. » Ils sont ceux de la deuxième ou troisième génération, issus de l’émigration des pays méditerranéens pour la plus grande part.

Les événements des banlieues en 2005 ont motivé l’écriture de son livre, rédigé sous le signe de l’urgence, ainsi que la nécessité de revenir sur les liens premiers entre psychanalyse et politique. Chaque individu, qu’il grandisse dans son pays de naissance ou pas, fait l’expérience de l’étrangeté qu’il projette, parce qu’il la rejette, sur les autres, sur l’autre qui devient un étranger absolu. Or l’accueil est une traversée, il ne consiste pas uniquement dans le fait de dire « On met des bancs ripolinés partout ». Il faut parvenir à faire passer des bribes de langue, celle de ses parents et de ses grands-parents, dans la langue d’accueil qui devient - ou qui est déjà - sa langue maternelle. Quand ces bribes de langue ne passent pas, ce silence ou ce déni entraînent de graves troubles psychiques. La frontière invisible est celle qui se forme quand le silence et le déni font violence et créent des impasses singulières et sociales. Le silence est le silence complice qui est fait sur l’histoire, il est renforcé par la difficulté de recueillir les témoignages de l’histoire récente. Ce silence et cette difficulté rendent de fait impossible de raconter celle-ci. Un exemple des non-dits et des dénis de l’histoire : 17 octobre 1961 Le déni, Alice Cherki le définit comme « ce trop de présence qui n’est pas soumis au processus indispensable de mémorisation et d’oubli volontaire ou pas ». Et sans oubli, il n’y a pas de mémoire. L’oubli Culture, intégration et diversité

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réveille les souvenirs. « L’enfant de l’actuel » est habité, poursuivi par des ancêtres féroces, ni vivants, ni morts, fantômes sans sépulture, en quête d’inscription. La conséquence du silence et du déni est l’empêchement qu’il ressent à construire sa personne et à se constituer comme sujet puis comme citoyen. Cet empêchement devient la seule chose qu’il peut partager en silence avec ses proches, et donner en partage, tout simplement, à toute une société. C’est un enfermement de l’intérieur. Ce partage silencieux donne naissance à la communication par signes, si particulière et frappante, lors des manifestations en 2005. Le Slam, le Hip-Hop sont les expressions inventées, inventives, pour crier ce silence et en sortir. Alice Cherki repère quatre temps de « l’empêchement » ou de « l’enfermement » : L’identification au déchet J’ai honte, « j’ai la honte », « j’ai la haine ». C’est l’identification, en psychanalyse, à la part encryptée6. La personne se prend pour rien. Elle n’est « bonne à rien ». La honte devient un mot objet, en 1980. Idem pour la haine, en 1990, qui est socialement plus dérangeante. On en trouve les causes dans le silence du père sur ses origines, le traumatisme de l’exil non métaphorisé7 , l’exclusion et la dévalorisation par la culture d’accueil des référents symboliques de l’autre culture.

La culture d’accueil ne fonctionne plus comme un Autre. Elle produit la langue de la honte. Alice Cherki fait un parallélisme avec l’histoire de Pierre Goldmann. On passe de « J’ai la honte » à « J’ai la haine ». L’image que l’on a de soi est très fragile, et même défaillante. Le trouble de l’image de soi et le désordre narcissique Que se passe-t-il derrière soi quand on se regarde dans un miroir ? Si le double regard est absent, l’opération de détournement du miroir est en faillite. Ce désastre narcissique signale l’importance du tiers et celle du statut précaire, mais vital, de l’illusion : si on prive l’individu de ses assises imaginaires, il n’y a plus de double surface sur laquelle il peut inscrire ses traces mnésiques8 . Le temps de l’errance Il n’y a ni temps ni espace structurés. « Les enfants de l’actuel » sont enfermés à l’intérieur d’eux-mêmes, entre l’impossibilité à traduire les récits ou les silences des parents, pour les oublier et s’en séparer, et la carence de l’espace public à offrir des lieux d’accueil et des repères. Exclus de toute hospitalité primordiale, ils deviennent d’éternels étrangers à eux-mêmes, au sein de leur famille et de la société dans laquelle ils s’instruisent et grandissent. L’opération de transmission, qui peut être résumée par cette phrase, « ce que tu as hérité de tes pères, acquiers-le pour pouvoir le posséder », est court-circuitée. Il n’y a plus de trajet, de projet, de parcours, ne

6 - Message codé seulement compréhensible par celui qui en a fondé le code. Terme forgé à partir de en - se loger dans - et de crypté - indéchiffrable, incompréhensible-. Autre signification : qui n’a pas été déchiffré, pensé, énoncé. 7 - Métaphore : utilisation d’un mot concret ou d’une figure concrète pour exprimer une notion abstraite. Par exemple, une pièce de théâtre peut, à sa façon et globalement, être une figure métaphorique. À l’inverse, non métaphorisé signifie : qui ne transporte sa signification vers aucune autre signification analogique, qui n’est pas représenté. 8 - Modification du tissu nerveux constituant la base neurophysiologique de la conservation du passé dans la mémoire. Le terme de trace mnésique a été employé dès le début du xxe siècle par les psychologues pour désigner ce qui est conservé par la mémoire avec des processus d’oubli et de cristallisation. Cette notion, qui était tombée en désuétude depuis la Seconde Guerre mondiale, a été reprise depuis lors par certains psychologues, en raison sans doute des progrès de la neurophysiologie, qui montrent qu’elle n’est plus entièrement hypothétique. 22

Culture, intégration et diversité


seraient-ils que ceux du nomade ou du voyageur. Il y a errance. Le refuge identitaire C’est la crispation sur l’origine, la croyance en une origine « originelle », sans expérience de la perte (fondamentale pour tout individu ), c’est un retour à la case départ. Il s’agit d’une certitude passionnelle, d’un habillage artificiel qui entraîne l’enfermement, au prix de la désubjectivisation9 , parce qu’il a été impossible de créer « le pays de l’ailleurs ». L’origine originelle devient l’unique imaginaire. C’est la logique identitaire qui fait le lit de tous les intégrismes et suscite la guerre des mémoires. Bien des groupes sociaux se nourrissent de ces singularités en détresse.

L’individu La psychanalyse fait deux hypothèses : 1 - Le sujet ne peut s’élaborer qu’en se séparant - bien - de sa mère, en acceptant l’inachèvement, en se projetant dans une temporalité, en se prenant pour une personne, un sujet, et non pas en se prenant pour rien (cf. l’expression « être bon à rien »). Pour se constituer, il faut que le sujet ait « un petit bout de ciel bleu derrière lui » qui lui permette, à la fois, de se regarder dans un miroir et de voir que l’autre - mère, sœur, nourrice - accepte bien cette image. C’est alors que se produit « l’assentiment », qui donne aussi la possibilité de se détacher de l’autre. Quand l’expérience du miroir n’a eu lieu ni individuellement ni collectivement, le désastre est individuel et collectif. La société qui refuse l’image est donc mise en échec, à son tour, et cet échec est

manifeste dans l’apprentissage de la langue et du savoir. La constitution du sujet suppose la construction d’un lieu et d’une chaîne signifiante entre réel, imaginaire et symbolique. Il suppose également un mouvement de liaison et d’émergence d’une parole qui, d’une part, représente le sujet, d’autre part, lui permet d’agir vis-à-vis des instances susceptibles de le tyranniser (instances intérieures, sociales ou culturelles). 2 - L’exil tient de la séparation avec l’origine. Le recours à la construction de montages symboliques et de fictions sera le chemin nécessaire à faire pour se constituer en être parlant, sexué et mortel. Cet exil sera la source de la vie et de l’intelligence. De lui dépend la capacité à symboliser et à représenter. Pour être complet, on dira que le psychisme est lié au manque à être, à la perte du premier objet rêvé, à l’exil de la langue et aussi à la présence de l’étranger en soi et hors de soi. Le politique Pour parler, dire « Je », il faut avoir rencontré une instance symbolique, qu’elle ait une fonction sociale, politique ou étatique, qui se rapproche sur ce point de la fonction du guérisseur ou du psychanalyste. Il faut pour chacun un lieu de métaphorisation10, un lieu symbolique où se déploie l’historicité de chacun, s’élargit son espace social, et s’offrent des représentations verbales qui relient les bribes de la langue venue des générations antérieures étrangères à la sienne. On peut se demander si les enfants actuels ne sont pas les dépositaires d’un secret

9 - Subjectivité : présence du sujet parlant dans son discours, voix active, ce qui repose sur la sensibilité personnelle et la capacité d’affirmer un point de vue. À l’inverse dé-subjectivation : perte de la voix active et de la part subjective qui constituent un sujet de droit parlant. Lionel Thelen utilise ce mot pour signifier un exil de soi. 10 - Lieu où sont mises en scène et jouées concrètement, à travers un récit, les notions les plus abstraites, secrètes, cachées ou indéchiffrables dans la vie quotidienne, une scène de théâtre, par exemple. Ici, lieu de réappropriation par chacun de son héritage et de son histoire au sens large. Culture, intégration et diversité

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honteux, collectif, dont ils deviennent les cryptophones11. D’où la nécessité de traduire, d’enseigner de faire une double inscription dans les deux langues. Quelles sont les conséquences de l’empêchement et du déni ? La conséquence la plus secrète socialement est l’adoption des langues de bois. C’est la « normopathie » : La personne s’identifie alors au plus conforme possible, et, sur la scène publique, cela devient : « plus français que moi, tu meurs », « Tout va bien. Je suis normal » qui se heurte un jour au silence, au secret. La figure la plus dévastatrice est le recours à la violence sous forme de décharges motrices, d’instabilité, d’inattention, d’impossibilité à apprendre, de délinquance et de passages à l’acte meurtrier et violent, de l’autre et de soi. Pour Alice Cherki, ces trois conséquences peuvent se développer sur plusieurs générations, éventuellement s’enchaîner les unes aux autres.

conditions à cette mise en scène. Fonctionner sur le mode du déni, c’est catastrophique. Il faut rendre possibles les identifications plurielles à travers lesquelles il est alors possible de naviguer. Pas d’anathème. Le tissu associatif fait beaucoup pour l’élaboration des mémoires diverses. » « Le Parti socialiste a encore beaucoup de tâches aveugles. » Elle propose, en exemple, qu’il se penche sur les dernières élections législatives. Sur l’histoire des concerts à Orange. Sur les violences de 2005 sans reconnaissance de l’erreur par les pouvoirs publics, sans excuse de leur part, avec obstination dans le mensonge. Elle nous invite à comprendre ce qu’elle appelle une exclusion de l’intérieur, un empêchement d’exil, ce mouvement paradoxal auquel « les enfants de l’actuel » sont en proie.

Alice Cherki est pour le conflit : « Dans l’exercice de mon métier de psychanalyste, je suis le lieu d’accueil du conflit Un conflit est une mise en scène. Il fait sortir de l’empêchement et de la sidération12. Il faut énormément de

11 - Terme forgé à partir du préfixe crypto, caché, secret et du suffixe phone, le son, la voix, pour traduire l’état d’inconscience de ces petits messagers porteurs d’un secret qui n’est pas directement le leur. En même temps ils inventent et utilisent un langage intelligible pour eux seuls, par exemple le verlan (l’envers) qui va leur permettre précisémént de métaphoriser ou de représenter le secret et d’assurer leur « sécurité » contre quiconque les écoute. 12 - Effondrement subit. Les psychanalystes définissent la sidération comme un moment où le sujet est happé par « un trou noir ». Le sujet est « scotché », il est dans une attitude à l’égard de ce qu’il voit, qui interdit toute mise à distance y compris réflexive. Les états nazis, fascistes, totalitaires sont producteurs et utilisateurs d’images et de récits sidérants qui induisent une confusion entre le vrai et le faux. 24

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Lise Alchami Lise Alchami enseigne l’arabe et connaît deux publics différents : celui d’une ZEP à Nanterre où elle enseigne au lycée, en LV2 et LV3, et celui de la Sorbonne où elle rencontre une fois par semaine environ soixante- dix étudiants. Elle possède un diplôme français langue étrangère et a conçu, pour le ministère de l’Éducation nationale, des tests d’évaluation diagnostic. Si Lise Crouzet–Alchami parle l’arabe couramment et l’enseigne, il y a deux raisons à cela. Elle a rencontré son mari à Damas et ses deux enfants ont la double nationalité française et syrienne. Elle est née et a grandi dans une famille d’historiens, de journalistes et de littéraires qui déchiffrait presque « tout » du monde. La langue arabe fut pour elle sa terre d’évasion et d’élévation ; ses voyages, un affranchissement. Elle en a affronté toutes les difficultés avec succès. Vingt ans d’expérience lui ont permis de mener une réflexion sur l’image de la langue arabe dans le système scolaire français, aujourd’hui. 1 / L’enseignement des langues arabe et portugaise, est mal implanté dans le système scolaire français : réticences des chefs d’établissements, image de marque du lycée, peur d’attirer un public qui n’est pas désiré. Il est relégué dans les banlieues et les établissements défavorisés, s’adresse

aux « boursiers », ainsi distingués des « héritiers », selon la terminologie de Bourdieu. Elles ne sont, en effet, ni langues dites « nobles », comme le chinois ou le japonais, ni langues dominantes, comme l’anglais. L’arabe est réservé aux Arabes, le portugais aux Portugais, c’est-à-dire aux seuls enfants d’immigrés. Dans ce sens, on ne peut parler de processus d’intégration, de dialogue et d’échange. 2 / Impossible d’étudier la place de ces langues hors contexte social et historique : dans les années 70, les classes ELCO sont mises en place, dans les écoles primaires, par accords bilatéraux. « L’enseignement de langue et culture d’origine (ELCO) devait permettre à ses bénéficiaires une parfaite réinsertion de ceux-ci en cas de retour dans leur pays de naissance. Ces langues sont enseignées comme langues du retour. Les cours peuvent être intégrés au temps scolaire ou différés. Les enseignants d’alors, recrutés dans les pays d’origine, sont bilingues, leur liberté pédagogique assez grande. Ils sont peu ou mal formés. Les élèves sont regroupés selon leur pays d’origine. Telle a été la philosophie du gouvernement qui a proclamé, le 3 juillet 1974, la « suspension temporaire des entrées des travailleurs immigrés » et de leurs familles, modulée en fonction des possibilités d’emploi et d’accueil de la France. Le ministère français de Culture, intégration et diversité

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l’Éducation nationale a signé une série d’accords bilatéraux avec sept pays pour le programme ELCO : Portugal, Italie, Tunisie, Maroc, Yougoslavie, Turquie, Algérie ». Ces langues sont enseignées comme les langues du retour. Les cours peuvent être intégrés au temps scolaire ou différés. Les enseignants d’alors sont bilingues, leur liberté pédagogique assez grande. Ils sont recrutés dans les pays d’origine. Ils sont peu ou mal formés. Les élèves sont regroupés selon les pays d’origine. Jack Lang avait pris la décision, en 2002 de faire de la langue vivante un enseignement obligatoire, dès l’école primaire, qui dépasse le cadre de la simple expérimentation. Sur cette base, le ministre a proposé que les enseignements de langue et culture d’origine s’affaiblissent progressivement pour devenir des enseignements de langue vivante étrangère. Ces propositions impliquaient pour les pays partenaires le respect de certaines mesures : - Le respect du programme français et de la laïcité ; - L’ouverture de l’enseignement à tous les élèves dont les parents le souhaitaient ; - L’intégration aux horaires scolaires ; - Le prolongement de l’enseignement de la langue au collège ; - L’autorité de l’inspection académique. Le souhait du ministre était alors de s’appuyer sur les ressources des maîtres enseignants pour valoriser les langues étrangères et encourager la diversification des langues étudiées à l’école. Mais deux obstacles ont surgi. D’une part, les pays d’origine n’ont pas répondu de façon identique à ce souhait. D’autre part, les pays maghrébins n’ont pas souhaité s’engager rapidement dans cette évolution. Avec l’Algérie, des formules expérimentales ont été lancées 26

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dans trois départements, l’Inspection générale de l’Éducation nationale a entamé une observation et une évaluation de l’Elco marocain, en perspective d’un séminaire franco-marocain destiné à envisager d’éventuelles conditions d’évolution. D’autre part la cartographie des langues de l’Éducation nationale n’a pas tenu compte du souhait ministériel. 3 / Pour Lise Alchami, à en juger par son expérience personnelle, ces enseignements ELCO sont un échec : ils ont cloisonné les élèves par pays d’origine, les cours intégrés ou différés créent, de fait, des séparations. Ils n’ont pas été poursuivis en collège et, par conséquent, n’ont pas attiré d’autres élèves. Elle a assisté à un cours dans une école du XVIIIe arrondissement à Paris : l’apprentissage ressemblait à celui de l’école coranique, basé sur la répétition. Les témoignages des élèves qu’elle retrouve au lycée sont éloquents : « Le maître avait un bâton, il nous frappait, on apprenait par cœur sans comprendre ». À ses yeux, toutes ces mauvaises raisons font des ELCO un facteur d’exclusion. La cartographie des langues alimente un recours massif aux cours d’arabe dispensés dans les mosquées, refuge identitaire. Statut dévalorisé pour public défavorisé, image dégradée, assimilée à celle de l’enseignant « blédard » ou « ringard » : beaucoup d’élèves fuient cette langue tout au long de leur cursus scolaire. Attentes déçues, ambiguïtés, désirs et contradictions des familles, créent une alternative hors domaine scolaire à en juger par le succès grandissant des mosquées où l’arabe est enseigné en tant que vecteur pour la répétition du Coran. Aujourd’hui, la langue arabe est enseignée, hors ELCO, par seulement 214 professeurs dans 259 collèges et lycées. Elle est et demeure la langue des pauvres. Les inspecteurs se voient obligés et


contraints à faire « du porte-à-porte » auprès des chefs d’établissement pour promouvoir l’enseignement de l’arabe, langue vivante... et prestigieuse, dès lors que l’on se penche sur son histoire. Les ELCO existent toujours, le nombre de professeurs diminue dans l’école et les cours d’arabe dans les mosquées se développent de façon exponentielle... En 2000, l’ELCO arabe regroupe environ 40 000 élèves, dont 7 000 dans les collèges et les lycées. Paradoxalement, 7 500 élèves présentent l’arabe au baccalauréat : ceux-ci entretiennent nécessairement leurs compétences en dehors de l’institution scolaire. En 2006-2007, 8 943 élèves étudient l’arabe dont 7 344 en métropole. 719 continuent à l’étudier en classe prépa. 6 070 candidats présentent l’épreuve au baccalauréat. Les élèves apprenant l’arabe sont plus nombreux dans l’enseignement supérieur que dans le second degré et mieux répartis. En faculté, les motivations sont plus diversifiées. Dans l’histoire récente, la commission Stasi13 avait préconisé en vain la fin des ELCO. Le rapport Benisti, en octobre 2004 corrélait « délinquance » et « langue maternelle étrangère. » Il recommandait aux mères de parler français à leurs enfants. Heureusement ce rapport est tombé dans l’oubli. Que conclure ? Un échec tant que les langues comme l’arabe et le portugais resteront « confidentielles ». Elles doivent avoir le même statut que les autres langues vivantes. Un bénéfice immédiat : se sentir mieux dans sa peau et dans son pays d’accueil. 13 - Commission de réflexion, créée en juillet 2003, « sur l’application du principe de laïcité dans la République », composée de vingt membres de divers horizons, enseignants, chercheurs, juristes, poliriques, responsables d’établissements scolaires. La réflexion porta sur la nécessité ou non de faire une loi interdisant le port de signes religieux en milieu scolaire, et sur la place de la laïcité dans le monde du travail, les services publics et lieux publics. Culture, intégration et diversité

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Samia Messaoudi Femme, journaliste, d’origine kabyle, Samia Meddaoudi est fille d’un père immigré ouvrier dans l’automobile et d’une mère analphabète. Elle est née en 1962 en France, mais elle a choisi la nationalité algérienne persuadée qu’un jour « elle reviendrait au pays. » En 2007, elle dépasse le mythe du retour et présente un dossier de naturalisation dans une France qu’elle souhaite à dimension européenne. Parmi ses frères et sœurs, deux ont la nationalité française, un est retourné vivre en Algérie.

« On ne naît pas militante, on le devient », dit cette femme attachée à l’espace collectif, aux valeurs de gauche qui parlent de l’égalité dans le travail et de la lutte contre les discriminations. Elle a participé à la création et participe encore activement à Radio Beur, une radio née en 1981, sous l’ère Mitterrand, ainsi qu’à l’association « Au nom de la mémoire ». Elle s’attache à vouloir produire l’histoire du mouvement ouvrier et de l’immigration, pour cela elle dirige une maison d’édition distribuée par les éditions Syros chez qui elle a travaillé de nombreuses années. Il est important de faire ce qu’on fait, dit-elle, et de ne pas avoir le « cul entre deux chaises ». Elle passe régulièrement

du nous au je, c’est que sans transition elle parle au nom du groupe avec lequel elle travaille ou en son nom propre. En 1980, elle a 18 ans et fait son premier voyage en Algérie faisant ainsi son « retour hypothétique » Elle conduit la marche de 1983 et déplore que la promesse faite de donner le droit de vote aux étrangers n’ait pas été tenue par la gauche à cette époque. Elle a une double culture kabyle et française et pense que, si la culture est un moyen d’intégration, valoriser les contre-exemples n’est pas toujours pertinent. En revanche les artistes ayant réussi à mixer la culture de leur pays d’origine avec la culture de leur pays d’adoption est assez exemplaire. Diam’s14 est une de ces artistes ayant réussi le pari de la mixité culturelle, mais aussi Rachita, groupe de rock, ou Mehdi Charef, réalisateur français. Elle note aussi que des auteurs marocains, entre autres, se trouvent maintenant chez de grands éditeurs comme Grasset, chose nouvelle pour des auteurs nouveaux. Elle pense que l’intégration ne concerne que les adultes venus de l’étranger et que le problème soulevé par les émeutes des jeunes de banlieues est un problème avant tout social.

14 - Cette audition a été réalisée avant la controverse actuelle. 28

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Elle revendique ne pas être seulement la journaliste de radio beur, mais veut avoir la possibilité de pouvoir voyager partout. À l’âge de 15-16 ans, lorsqu’elle souhaitait sortir avec sa sœur, son père n’autorisait que la sortie « bibliothèque ». Le directeur de la bibliothèque proche de son domicile se nommait Pierre Tabet. Les jeunes filles prenaient deux livres pour justifier leur sortie avant d’aller se promener. Mais le directeur de la bibliothèque, très au fait de son rôle, questionnait la jeune Samia sur le contenu du livre emprunté. Du coup, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, le goût de l’écrit s’est insinué en elle. Grâce à son père, elle est devenu très axée « lecture. » Elle a toujours pensé que dans les livres tout avait un sens. Éclectique dans ses lectures, elle a lu Hemingway, Cendrars pour finalement décider d’écrire sur l’immigration, ce qu’elle fait depuis vingt ans. Chez Syros elle a rencontré Mehdi Lalaoui avec qui elle a fondé sa propre maison d’édition. Concernant les problèmes d’intégration, à la question « Utilise-t-on suffisamment les exemples positifs pour parler du parcours des jeunes issus de l’immigration ? », elle répète qu’il n’est pas forcément nécessaire d’employer les contre-exemples. Elle n’est pas pour la discrimination positive. Mais elle considère que la culture française s’est enrichie de tous les apports liés à l’immigration.

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Jean-Claude Bourbault Jean-Claude Bourbault est comédien, il a passé dix ans au Théâtre du Soleil. Il a tourné dans divers films, réalisé des reportages photographiques. Aujourd’hui, en plus de ses activités de photographe et de comédien, il dirige et anime un festival de cinéma à Val de Reuil. La culture est-elle un facteur d’intégration ? La formule le choque. L’intégration concerne des individus majeurs qui arrivent en France avec leur culture. Elle ne concerne pas les enfants nés en France ou qui y sont arrivés très jeunes. Comme la société a tendance à les marginaliser et à les communautariser, ces jeunes se tournent vers la culture de leurs parents, culture qu’en général, ils ne connaissent pas ou peu et qu’ils adoptent parce qu’ils l’ont « rêvée ». Il ne faut pas masquer l’assimilation (concept négatif) en l’habillant par le concept plus acceptable d’intégration. Il faut arrêter de se mentir. C’est une erreur trop souvent faite de confondre intégration et assimilation. Nous aurions dû être capables de favoriser la mixité des cultures. Cela dit il n’est pas trop tard, mais il convient de remarquer qu’on ne parle d’intégration que lorsqu’il y a des problèmes : la communauté asiatique ne s’intègre pas mais ne pose pas de 30

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problème. Ses membres ont une certaine réussite sociale. Mais pour les Africains et les Maghrébins, qui sont plutôt intégrés mais pas toujours, qui occupent en majorité des emplois peu qualifiés, qui sont pauvres, on parle de besoin d’intégration alors que le problème est plutôt d’ordre économique. Il conçoit la Culture sur deux plans : - Le plan individuel : elle est constituée alors par l’instruction, l’éducation, les savoirs - Le plan collectif : elle se compose des regroupements sociaux ou religieux, de la technique, du langage, de l’art. Au final, elle peut être présentée comme une combinaison entre l’individuel et le collectif. Avant 1789, la culture, l’art en particulier mais aussi l’éducation (par éducation, il faut entendre lire écrire, etc.) est un outil du pouvoir. Plus tard, avec l’instauration de la démocratie et la naissance du capitalisme, la culture se limite pour l’essentiel à l’éducation, qui est « suffisante » pour utiliser les gens, l’art continuant d’être réservé à une élite. Le concept de culture a explosé dans les années soixante-dix, avec « l’imagination au pouvoir », l’art devient l’apanage de tous mais depuis les années 1990, l’avantgarde perd de son influence et le « produit » culturel est favorisé. Ainsi,


depuis une vingtaine d’années, on observe un retour à la conception ancienne, une sclérose totale de tout ce qui a fait l’ouverture des années 1970. La culture doit être un outil permettant à chacun de trouver en lui des ressources pour mieux vivre, d’avoir la possibilité de penser par lui-même et pour cela l’art doit être en avance sur son temps. Dans quelque discipline que ce soit, théâtre, peinture, sculpture, la création doit voir sa valeur réaffirmée. La création du festival de Val de Reuil est l’exemple d’une démarche culturelle. Pas de concession particulière dans la programmation mais le souci constant pour les artistes ou pour les organisateurs de faire comprendre leurs actions, sans sous estimer ni surestimer le niveau d’éducation du public potentiel. Or dès la deuxième année de son existence, le public populaire de la ville s’est emparé de ce festival. Il l’a « intégré » et ce faisant ce public, qui fait partie de ce que l’on pourrait appeler une population à problème - Val de Reuil est une ville nouvelle, toute de béton construite, et la population pour qui ce festival existe n’a pas les moyens de la quitter durant les vacances - s’est intégré et les incivilités ont baissé de façon significative durant l’été. Les jeunes et moins jeunes ont adopté les valeurs que nous leur avons proposées, respect du lieu, des films projetés, des autres spectateurs. Si on considère l’art comme un facteur de civilisation et avec une démarche d’ouverture, on obtient des résultats positifs pour tous.

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Jean-Gabriel Carasso Jean-Gabriel Carasso agit sur le terrain culturel et artistique et se présente comme un homme triple : Depuis les années 70, il accompagne les mouvements d’éducation nouvelle et populaire : Peuple et Culture, et Le Frenoy, studio national des arts contemporains. Il participe à l’émergence du théâtre pour enfants et au théâtre de l’Opprimé avec Augusto Boal. Il crée ainsi 2000 stages dans 95 pays. Il est directeur de projets artistiques avec le CFNA (centre de formation national d’Avignon) puis à Grenoble, depuis dix ans, avec l’Observatoire des politiques culturelles. Le master « direction de projets culturels » est destiné « à former des professionnels à un environnement culturel complexe et évolutif ». Son expérience institutionnelle est enrichie d’une pratique artistique : il réalise des films à la fois portraits et mémoire d’artistes. Depuis douze années, il travaille au développement d’une éducation artistique. 1 / Son expérience institutionnelle le conduit à parler en termes de diffusion et médiation culturelle. Diffusion, médiation et politiques culturelles sont très vite confrontées à la définition des « nouveaux enjeux sociétaux ». Il craint alors les confusions entre culture et art, entre 32

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culture et identité, entre identité et intégration. D’autre part, la notion est elle aussi multiple, les sociologues ont relevé 117 définitions du mot culture, et là encore toutes sortes de confusions, malentendus et ambiguïtés sont possibles. Preuve en est « la culture du résultat ». À la situation « complexe » d’aujourd’hui, participe la « balkanisation » de l’imaginaire : la multiplication des chaînes télévisées, internet… 2 / La fréquentation des artistes le conduit à une définition horizontale et verticale de la culture : l’art se pense comme une activité humaine « verticale » qui va de la création, exposée au plus large public, jusqu’à la recherche, l’approfondissement et l’expérimental. L’objectif de l’art est d’aboutir à la forme symbolique la plus approfondie et la plus élevée. Pour la recherche, il est nécessaire de lui attribuer des soutiens, des bourses de formation et d’études, en France comme à l’étranger, et d’en reconnaître le temps de préparation, cette « part invisible » du travail, sans laquelle rien n’arrive ni n’éclôt. Dans le champ vertical de la création, il est souhaitable et primordial d’accepter les deux pôles de l’expression, exposition / recherche, et d’accepter les tensions qui en résultent. Jean-Gabriel Carasso distingue les artistes du dedans et ceux du dehors.


La culture, c’est « l’horizontal », le rapport entretenu ou pas, par chacun de nous, avec les œuvres, notre connaissance de l’art autorisée, épanouie, secrète, intime ou collective pratique ou théorique. C’est une attitude, une aptitude qui se construit par le travail. L’éducation artistique, plus qu’un enseignement, est devenue essentielle. « Le secret, c’est dans l’enfance ». 3 / L’éducation artistique et les questions de la proximité et de la gratuité. Il distingue avant tout trois enjeux : L’enjeu du sens. Le rapport aux œuvres. La pédagogie du projet. « C’est d’abord s’inscrire dans un monde de découvertes sensibles, puis maîtriser divers apprentissages, ce qui n’implique pas de se spécialiser. C’est également se construire et devenir citoyen, mais rien n’est automatique en la matière. Cette approche repose sur trois actions : faire et savoir faire qui permettent de s’approprier le monde et ses représentations et de les transformer. Pour le théâtre, par exemple, avoir une pratique personnelle, par le biais du jeu, de la parole, et de la mise en jeu du corps. Éprouver, et savoir se placer en relation avec les œuvres des autres et les siennes, dans la durée, décider d’un point de vue. Réfléchir à ses expériences (approche théorique) et savoir le dire ou le traduire. »

escamote ou dispense de ce travail. C’est remplacer un mode de consommation par un autre. La question est de savoir ce que nous partageons. » Jean-Gabriel Carasso a organisé un colloque en janvier 2004 sur l’artiste et le politique. Il œuvre aujourd’hui au maintien et au développement d’un institut de la jeunesse et de l’Éducation populaire à Marly le Roy, afin de constituer la mémoire de ce travail et de poursuivre cette réflexion.

Un autre enjeu est de permettre aux enfants d’élaborer des histoires, quels que soient le support et le mode choisis et ce faisant qu’ils trouvent leur place dans un ensemble historique. La question de l’intégration cache celle de l’identité et cette identité est toujours multiple. Cette approche sensible est aussi un travail et « la gratuité des musées, des cinémas, des théâtres ne règle rien si elle Culture, intégration et diversité

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Sofiane Aoudia Sofiane Aoudia est directeur du Centre Dunois et du centre Charles Richet de la ville de Paris, situés dans le XIIIe arrondissement, et président d’un festival de musique sacrée. Il expose d’abord le travail qu’il mène dans le XIIIe arrondissement. Les centres d’animation qu’il dirige sont des centres d’Éducation populaire – les anciennes MJC- rattachés à la Direction Jeunesse de la Ville de Paris, actuellement au nombre d’une cinquantaine. Ils ont une mission d’insertion et d’ouverture, en particulier sur les quartiers mais chaque centre a sa spécificité, compte tenu du profil du gestionnaire et de l’équipe qui l’entoure. Dans le XIIIe arrondissement, étant donné l’immense diversité de la population, le rôle assigné à ces centres est de devenir des lieux de vie et de rencontre autour de l’art, de la culture et du sport et, à l’horizon, de favoriser la mixité. L’offre actuelle est variée, elle va de la pratique de l’alto à celle de la musculation. Cet horizon de mixité suppose une offre adéquate. Une offre abondante - même gratuite - n’amène pas forcément les gens vers elle. Pourtant, la volonté d’accéder à la culture ou son rejet ne se trouvent heureusement pas dans les gènes. Ainsi, les enfants sont ouverts à tout, mais l’offre n’est pas adaptée. Il faut prendre garde au fait que ce n’est pas parce qu’on réunit les gens dans un même lieu (par exemple dans un stade) que la mixité est réalisée. 34

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D’ailleurs le problème de l’intégration concerne le peuple tout entier, pas seulement les gens d’origine étrangère. Comment rendre une offre adéquate ? Sofiane Oudia donne l’exemple du Festival des musiques sacrées de Paris dont il est l’initiateur. Pourquoi un Festival ? Cela permet de toucher deux publics à la fois, celui qui est initié à la culture et apprécie l’aspect « concentré » l’autre qui peut être attiré par quelque chose qui est exceptionnel. Le côté festif rend la culture plus accessible. Dans un festival, on est dans une foule, on ne sait pas qui est qui. Musique sacrée pourquoi ? Cela permet de prendre le contre-pied d’images toutes faites et médiatiques qui voudraient que le Hip-Hop soit plus populaire que la musique classique. Pourquoi à Paris ? Parce que c’est une ville aux multiples cultures qui s’ignorent. Mais ce n’est qu’une première étape vers la mixité. Si on ne dépasse pas cette étape, on risque de retrouver d’un côté une offre élitiste « pour salons parisiens », de l’autre côté une offre ponctuelle ou un saupoudrage, le maintien d’une simple initiation et non l’engagement dans une pratique, au motif que la population ne serait pas prête. C’est comme si on proposait des programmes scolaires différents en fonction des quartiers où


vivent les élèves, ce serait de « l’alphabétisation coloniale ». Il y a donc la volonté de ne pas tirer la mixité vers le bas mais d’offrir le mieux au plus grand nombre (ce qui est tout autre chose que de l’élitisme). C’est la seconde étape de la démocratisation de la culture. Il faut certes une approche différente mais sans changer le fond de l’offre. Dans ces conditions, la gratuité n’est pas suffisante, on confond le moyen et le but, il faut créer le désir et faire en sorte que les gens soient à la fois intégrés à la nation, décomplexés et à l’aise avec eux-mêmes.

les mettre sur du visible et de l’immédiat alors qu’il devrait agir sur le long terme.

Par exemple le vœu du créateur du festival est de le prolonger dans des activités culturelles et artistiques dans les quartiers. Le souhait actuel est de créer « un conservatoire dans l’école ». Il ne s’agit pas d’un conservatoire au rabais mais d’ateliers de musique fonctionnant sur un cycle de cinq ans avec le même programme et les mêmes professeurs que ceux du Conservatoire mais utilisant une approche spécifique et adaptée. Les formateurs ne doivent pas être perçus comme des animateurs au rabais, il ne faut pas mettre devant les publics les plus difficiles les animateurs les moins compétents et les moins formés. On commence par la musique en CP et avec l’accord des familles car rien ne peut se faire sans elles. Mais il faut être conscient qu’il n’y aura pas de résultats visibles et immédiats, cela se passe sur du long terme, à travers une éducation régulière et approfondie des enfants et qui les touche tous. Tout le monde ne peut pas être Zinedine Zidane. En outre, des gens exceptionnels, seuls, ne peuvent servir de modèles dont ces jeunes ont besoin. Cela suppose une volonté politique forte et ce n’est pas un problème de moyens financiers car les moyens financiers existent, mais souvent le politique préfère Culture, intégration et diversité

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Lexique Valence différentielle des sexes « La valence différentielle des sexes traduit la place différente qui est faite universellement aux deux sexes sur une table des valeurs et signe la dominance du principe masculin sur le principe féminin » dit Françoise Héritier. Valence est un terme emprunté au vocabulaire de la chimie. « La valeur différentielle des sexes » est un concept forgé par Françoise Héritier lors de son travail d’analyse des systèmes de parenté. Il démontre qu’ils sont des inventions culturelles. Cette valence différentielle est inscrite dans la pensée de la différence et comporte de fait, jusqu’à aujourd’hui, une composante hiérarchique inférieur/supérieur. Pour Françoise Héritier, ce concept est universel. Inceste du deuxième type Dans son livre Les deux sœurs et leur mère, Françoise Héritier élargit la notion d’inceste (inceste de premier type, entre consanguins, dont la prohibition existe dans toutes les sociétés) à l’inceste de deuxième type qui se produit lorsqu’un homme a des rapports sexuels avec deux sœurs ou avec la mère et la fille, ou se marie avec la sœur de son épouse après la mort de celle-ci. À la différence de l’inceste qui désormais pourra être dit « du premier type », il ne fait pas l’objet d’une prohibition universelle. En effet, il n’est pas interdit dans toutes les sociétés. 36

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Cet inceste du deuxième type donne aussi la seule explication anthropologique cohérente de l’inceste du premier type. Au cours de l’inceste du deuxième type, les femmes, sœurs, filles, mères, ne sont mises en contact qu’à travers une tierce personne, le même homme, ayant des rapports sexuels avec elles successivement et transportant donc de l’une à l’autre des substances, des humeurs féminines qui réalisent l’inceste, qui ajoutent du même au même. Ce fait porte à réfléchir sur la représentation du corps, sur la façon dont, dans les différentes sociétés, sont compris, toujours de manière fort rationnelle et presque scientifique malgré l’ignorance, la procréation, les apports paternels et maternels pour l’engendrement d’un enfant, la mécanique des fluides dans les enchaînements généalogiques. Il montre à quel point la catégorie de l’identique et du différent est à la base de la pensée. Première constatation : identité de sexe, donc même substance ; sexe différent, altérité absolue. Rapport hiérarchique aussi, prééminence du masculin sur le féminin, les interdits étant toujours dictés du point de vue masculin. Le déni Porte sur une affirmation que l’on conteste mais aussi sur un droit ou un bien qu’on refuse. Plus précisément déni de la réalité ou


d’une perception en psychanalyse : terme employé par Freud dans un sens spécifique qui signifie un mode de défense consistant en un refus par le sujet de reconnaître la réalité d’une perception traumatisante. Chez l’adulte, point de départ d’une psychose. Subjectivité Présence du sujet parlant dans son discours ; voix active ; ce qui repose sur la sensibilité personnelle et la capacité d’affirmer un point de vue. À l’inverse dé-subjectivation : perte de la voix active et de la part subjective qui constituent un sujet de droit parlant. Lionel Thelen utilise ce mot pour signifier un exil de soi. Métaphore Utilisation d’un mot concret ou d’une figure concrète pour exprimer une notion abstraite. Par exemple, une pièce de théâtre peut, à sa façon et globalement, être une figure métaphorique. La métaphore joue un grand rôle dans la formation lexicale ; beaucoup de sens figurés sont des métaphores usées, d’où la richesse évolutive d’une langue. Non métaphorisé signifie : qui ne transporte sa signification vers aucune autre signification analogique ; qui n’est pas représenté. Lieu de métaphorisation Lieu où sont mises en scène et jouées concrètement, à travers un récit, les notions les plus abstraites, secrètes, cachées ou indéchiffrables dans la vie quotidienne ; une scène de théâtre, par exemple. Ici, lieu de réappropriation par chacun de son héritage et de son histoire au sens large. Cryptophone Terme forgé à partir du préfixe crypto, caché, secret et du suffixe phone, le son, la

voix, pour traduire l’état d’inconscience de ces petits messagers porteurs d’un secret qui n’est pas directement le leur. Dans le même temps, ils inventent et utilisent un langage intelligible pour eux seuls. (pour exemple le verlan : l’envers ) qui va permettre précisément de métaphoriser le secret ou de le représenter. La part encryptée Message codé seulement compréhensible par celui qui en a fondé le code. Autre sens : terme forgé à partir de en -se loger dans- et de crypté -l’indéchiffrable, l’incompréhensible- ; qui n’a pas été déchiffré, pensé, énoncé. Traces mnésiques En psychologie : « Les traces mnésiques sont déposées, selon Freud, dans différents systèmes ; elles subsistent de façon permanente mais ne sont réactivées qu’une fois investies. » c’est-à-dire : un événement donné s’inscrit dans différents systèmes mnésiques. La distinction entre deux systèmes mnésiques est assimilée à la distinction entre préconscient et inconscient. Les souvenirs préconscients (la mémoire, au sens courant du terme) peuvent être actualisés, tandis que les traces du système inconscient sont incapables de parvenir telles quelles à la conscience. Freud compare l’organisation de la mémoire à des archives complexes où les souvenirs se rangent selon différents modes de classification : ordre chronologique, liaison en chaînes associatives, degré d’accessibilité à la conscience. Tous les souvenirs sont inscrits mais leur évocation dépend de la façon dont ils sont investis ou désinvestis, par exemple les événements des toutes premières années de la vie d’un individu. Culture, intégration et diversité

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En neurophysiologie : modification du tissu nerveux constituant la base neurophysiologique de la conservation du passé dans la mémoire. Le terme de trace mnésique a été employé dès le début du XXe siècle par les psychologues pour désigner ce qui est conservé par la mémoire avec des processus d’oubli, de refoulement ou de cristallisation. Cette notion, qui était tombée en désuétude depuis la Seconde Guerre mondiale, a été reprise depuis lors par certains psychologues, en raison sans doute des progrès de la neurophysiologie qui montrent qu’elle n’est plus entièrement hypothétique. Sidération Effondrement subit. Les psychanalystes définissent la sidération comme un moment où le sujet est happé par « un trou noir » et « disparaît dans sa propre jouissance narcissique », Narcisse étant celui qui s’isole du monde et préfère sa propre image à celle du monde. Le sujet est « scotché », il est dans une attitude à l’égard de ce qu’il voit, qui interdit toute mise à distance y compris réflexive. Les états nazis, fascistes, totalitaires sont producteurs et utilisateurs d’images et de récits sidérants qui induisent une confusion entre le vrai et le faux. Exogène Qui se produit ou se situe à l’extérieur ; qui provient de l’extérieur ; qui est dû à des causes externes, par opposition à endogène. Cause exogène : cause extérieure En médecine psychiatrique : la forme mélancolique, dite « endogène », est une douleur morale intense. La perte de l’estime de soi et le désir de disparaître peuvent entraîner des idées suicidaires que seule l’inhibition empêche alors de 38

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mettre en acte. L’autre forme de dépression est la dépression névrotique ou « exogène », qui revêt des aspects cliniques variés, mais dont l’intensité est relativement moins grande. Le terme est également utilisé en géologie (qui prend naissance à la surface de la terre) et en économie.


Annexe Quelques chiffres : à connaître car la peur entretenue par les politiques sécuritaires se fonde sur des informations erronées ou falsifiées. L’Europe ( Pacte européen sur l’immigration adopté en 2008 ) tient deux discours contradictoires : « contrôle des frontières mais immigration choisie dans la limite des capacités de chacun », forums internationaux mais débats sur l’identité nationale.

55 % des migrants mondiaux sont des femmes avec des enfants.

Le panorama migratoire a changé : L’axe sud-nord concerne un tiers de l’ensemble des flux avec 61 millions de migrants. Sur l’axe sud-sud, 60 millions sont concernés.

Entre 14 000 et 26 000 euros, selon les calculs, c’est le coût d’une expulsion en France.

337 milliards de dollars sont versés en direction des pays d’origine soit trois fois le montant de l’aide au développement. 200 000 réfugiés environnementaux pourraient être chassés de chez eux entre 2030 et 2050.

Les migrations nord-nord concernent 50 millions d’individus. L’axe nord-sud et l’axe est-ouest concernent 14 millions de personnes. 200 millions de migrants internationaux ( 3% de la population mondiale ) vivent aujourd’hui dans le monde. 740 millions de migrations internes sont liées aux déplacements de populations provoqués par les guerres. 40 millions sont des personnes réfugiées ou déplacées et 22 millions des réfugiés sont statutaires.

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(Nationalité : Lien juridique donnant à un individu la qualité de citoyen d’un État)

Chronologie des politiques d’immigration en France Fin du XIXe siècle, début du XXe siècle, la France devient terre d’immigration 1901-1917 Une simple déclaration à la mairie de leur résidence suffit aux étrangers pour s’établir en France et y exercer une profession. 1914-1918 Par le biais du ministère de l’Armement, sont recrutés des travailleurs Nord-Africains, des Indochinois et des Chinois. 2 avril 1917 Un décret institue pour la première fois une carte de séjour pour les étrangers de plus de 15 ans résidant en France. 1924 Organisation du recrutement à travers la Société générale d’immigration, constituée par les organismes patronaux spécialisés. 1927 Vote d’une loi permettant l’extradition : l’État requis livre une 40

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personne appréhendée sur son territoire à l’État requérant qui la réclame pour exercer contre elle des poursuites pénales ou lui faire exécuter une peine. 1931 La crise économique internationale frappe la France, des dispositions sont prises pour ralentir l’entrée des travailleurs étrangers. 10 août 1932 Une nouvelle loi accorde priorité du travail à l’ouvrier français dans l’industrie en instaurant des quotas d’ouvriers étrangers dans les entreprises. Avril 1933 La loi Armbruster limite l’exercice de la médecine au titulaire français d’un doctorat de médecine. 1934 Une aide au rapatriement des ouvriers volontaires est décidée. Juin 1934 Les avocats, fortement représentés au Parlement, font voter une loi interdisant aux français naturalisés


l’inscription au barreau pendant une durée de dix ans. 1935 Des retours forcés sont organisés qui concerneront particulièrement les ressortissants polonais. Le premier gouvernement du Front populaire (1936) représente un intermède, plus par l’interprétation de textes précédemment votés, et par la façon de les mettre en œuvre, que par l’adoption d’une législation nouvelle. 1937-1939 Un simple arrêté ou l’accord de l’inspecteur du travail suffisent pour qu’une entreprise obtienne une dérogation aux quotas d’emploi d’étrangers, les naturalisations sont favorisées à l’approche de la guerre. 1940 Sous Vichy, s’élabore une « politique à l’égard des étrangers ». La loi du 27 septembre 1940, règle le sort des « étrangers non Juifs en surnombre dans l’économie nationale » : l’étranger est soumis à une surveillance étroite, n’a plus le droit de libre circulation sur le territoire et ne bénéficie pas de la législation du travail. Après la loi du 3 octobre 1940 sur le statut des Juifs mettant tous les Juifs au ban de la société, les excluant de tous les droits civiques et sociaux - applicable à l’Algérie, aux colonies, pays de protectorat et territoires sous mandat -, la loi du 4 octobre 1940 sur « les ressortissants étrangers de race juive » permet d’interner ceux-ci dans des camps spéciaux par décision du préfet du département de leur résidence. La loi du 2 juin 1941 remplace celle du 3 octobre 1940. Suivent les premières rafles et déportations, de mars 1942 à août 1944, des Juifs étrangers puis des Juifs français.

1945-1974 Large recours à la régularisation a posteriori des étrangers arrivés dans le pays, création de l’Office national d’immigration. 2 novembre 1945 Vote de l’ordonnance sur l’entrée et le séjour des étrangers en France. Création de l’ONI (Office national d’immigration) qui donne à l’État le monopole de l’introduction de la main d’œuvre étrangère dans le pays. Trois cartes de séjour sont instaurées (un, trois et dix ans) ; l’immigration des familles, souhaitée dans une optique démographique, est favorisée. L’accès à la nationalité, donnant à un individu la qualité de citoyen d’un État, est libéralisé par une ordonnance du 18 octobre 1945. 1956 à 1972 L’immigration s’accélère avec la décolonisation et l’entrée en vigueur au 1er janvier 1958 du traité de Rome (instaurant le principe de libre circulation). Une main d’œuvre qualifiée et organisée est remplacée par une main d’œuvre nouvelle effectuant un travail parcellisé avec une productivité accrue. Les années 1960 L’immigration des années 1960 a introduit une profonde diversification des sources de recrutement : déclin progressif de l’immigration italienne au profit de l’immigration espagnole surtout après l’accord franco-espagnol de 1961 ; explosion de l’immigration portugaise après l’accord franco-portugais de 1963 ; reprise importante de l’immigration marocaine après l’accord de 1963 et développement de l’immigration tunisienne, développement très marqué de l’immigration algérienne après la fin de la guerre (1954-1962) ; début de l’immigration africaine sub-saharienne à partir de 1964.

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1966 Création de la Direction de la population et des migrations (DPM) au sein d’un ministère regroupant les anciens départements du Travail, de la Santé publique et de la Population. 29 juillet 1968 Signature d’une lettrecirculaire supprimant la procédure de régularisation pour les travailleurs non qualifiés, l’accord franco-algérien de décembre 1968 introduit un contingentement de travailleurs algériens en France. 23 février et 15 septembre 1972 Signature des circulaires Marcellin (ministre de l’Intérieur), Fontanet (ministre du Travail) liant l’autorisation de séjourner en France à la détention d’un emploi : la perte de l’emploi impliquant la perte de la carte de séjour. Des grèves de la faim menées par des immigrés se sont succédé dans les principales villes de France de novembre 1972 à juin 1973. Une nouvelle circulaire, signée par le ministre du Travail Gorse, donne la possibilité aux travailleurs étrangers « clandestins » entrés en France avant le 1er juin 1973 d’être régularisés et ceci jusqu’au 30 septembre 1973. Ces circulaires seront cependant abrogées par le Conseil d’État en juin 1974. À partir de 1974 Fin des Trente Glorieuses, mise en place d’une politique de contrôle des flux migratoires. La politique du gouvernement Valéry Giscard d’Estaing en matière d’immigration se caractérise par l’arrêt de toute nouvelle immigration, par un contrôle rigoureux des entrées et des séjours, par l’encouragement à des retours volontaires des immigrés dans leur pays d’origine et par un programme d’insertion de ceux qui sont établis en France. 42

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5 juillet 1974 Sur proposition d’André Postel-Vinay, nommé à la tête du Secrétariat d’État aux travailleurs immigrés (créé le 7 juin), le gouvernement français suspend l’immigration des travailleurs et des familles, sauf pour les ressortissants de la Communauté européenne. L’immigration des travailleurs reste suspendue jusqu’en 1977. L’immigration des familles est à nouveau autorisée dès 1975. 9 octobre 1974 Les Conseils des ministres du 9 octobre 1974, du 21 mai et du 6 novembre 1975 précisent les orientations du gouvernement en matière d’insertion : l’accent est mis sur les problèmes d’accueil et de logement, d’alphabétisation, de formation professionnelle, de promotion culturelle. 10 juillet 1975 La loi du 10 juillet permet aux immigrés d’être élus comme représentants des salariés dans l’entreprise. 1977 Mise en place d’une aide au retour volontaire : une prime de retour de 10 000 francs, le « million Stoléru ». 1978 Mise en place d’un mécanisme de retours organisés et forcés d’une partie de la main d’oeuvre étrangère installée jusque-là régulièrement, et parfois depuis longtemps en France. L’objectif affiché est le retour de 500 000 étrangers. 10 janvier 1980 Promulgation de la loi 80-9 (dite Loi Bonnet) relative à la prévention de l’immigration clandestine et portant modification de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour en France des étrangers. Elle rend plus strictes les conditions d’entrée sur le territoire. Elle fait de l’entrée ou du


séjour irréguliers un motif d’expulsion au même titre que la menace pour l’ordre public. Elle permet donc d’éloigner du territoire les « clandestins » ou ceux dont le titre de séjour n’a pas été renouvelé. Enfin, elle prévoit la reconduite de l’étranger expulsé à la frontière et sa détention dans un établissement pénitentiaire pendant un délai pouvant aller jusqu’à sept jours s’il n’est pas en mesure de quitter immédiatement le territoire. Avril mai juin 1980 Protestations et manifestations, grèves de la faim et marche nationale dans les grandes villes de France contre la politique d’immigration du gouvernement, contre le projet de loi Stoléru concernant le renouvellement des cartes de séjour et de travail, contre le projet d’Ornano codifiant l’accès aux foyers collectifs, et contre les limitations à l’inscription des étudiants étrangers dans les universités françaises. 30 novembre - 2 décembre 1980 Le 1er, entretiens avec Abdou Diouf, Premier ministre sénégalais et Moustapha Niasse, ministre des Affaires étrangères sénégalais. Le 2, signature d’un accord sur la formation en vue du retour des travailleurs sénégalais immigrés en France entre Lionel Stoléru, secrétaire d’État aux Travailleurs manuels et immigrés. 27 mai 1981 Instructions du ministre de l’Intérieur du gouvernement François Mitterrand, Gaston Defferre, aux préfets sur les expulsions d’étrangers : suspension de toute expulsion ; octroi d’une autorisation provisoire de séjour aux étrangers bénéficiant de cette suspension ; interdiction d’expulser des étrangers nés en France ou entrés en France avant l’âge de dix ans.

8 - 11 août 1981 Visite de Claude Cheysson, ministre des Relations extérieures, à Alger : annonce d’un projet de loi accordant le droit de vote aux immigrés installés en France pour les élections municipales. 11 -18 août 1981 Circulaire interministérielle précisant les conditions de régularisation exceptionnelle instaurées en faveur des travailleurs clandestins et des autres immigrés en situation illégale : fournir la preuve de la présence en France depuis le 1er janvier 1981, occupation d’un emploi stable d’une validité d’un an, les immigrés « régularisés » se voyant accorder une carte de travail et de séjour valable un an (trois ans et trois mois pour les Algériens). 2 et 9 septembre 1981 Examen en conseil des ministres de deux projets de loi relatifs aux conditions d’entrée et de séjour des immigrés et à l’emploi des étrangers en situation irrégulière ; adoption d’un projet de loi garantissant la liberté d’association des étrangers. 9 octobre 1981 La loi du 9 octobre 1981 supprime le régime dérogatoire des associations étrangères institué par le décret-loi de 1939 qui subordonnait la constitution de ces associations à l’autorisation du ministre de l’Intérieur. 27 octobre 1981 La loi du 27 octobre 1981 abroge les dispositions de la loi Bonnet et introduit dans l’ordonnance une série de garanties nouvelles pour les étrangers : l’expulsion ne peut être prononcée que si l’étranger a été condamné à une peine au moins égale à un an de prison ferme. Les garanties de procédure entourant l’expulsion sont accrues. Les étrangers en situation Culture, intégration et diversité

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irrégulière ne peuvent être reconduits à la frontière qu’après un jugement et non plus par la voie administrative. Les étrangers mineurs ne peuvent plus faire l’objet d’une mesure d’éloignement et ceux qui ont des attaches personnelles ou familiales en France ne peuvent être expulsés qu’en cas d’urgence absolue, lorsque la mesure constitue « une nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou pour la sécurité publique ».

dans leur pays d’origine et la création du titre unique de séjour et de travail de dix ans.

25 novembre 1981 Une circulaire du ministère du Travail supprime le dispositif d’aide au retour (prime de 10 000 F) des immigrés et de leurs familles dans leur pays d’origine.

10 octobre 1984 Communication, en Conseil des ministres, du ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale. Mesures en faveur de la formation, lutte contre le racisme, surveillance de l’entrée sur le territoire (centralisation des données, accroissement des moyens de la police de l’air et des frontières, possibilité de sanction des séjours irréguliers par une interdiction de retour sur le territoire français).

1er septembre 1982 Communiqué du secrétariat d’État chargé des immigrés annonçant la fin de la procédure de régularisation des « sans-papiers » : délivrance d’environ 105 000 cartes de travail et de séjour valables un an. 31 août 1983 Présentation en Conseil des ministres d’un ensemble de mesures : contrôle systématique des clandestins et lutte contre leurs employeurs, réduction du nombre des travailleurs saisonniers (dispositions particulières pour les ressortissants d’Algérie, de Tunisie et du Maroc), simplification des mesures d’obtention du titre de travail, représentation des immigrés dans la commission nationale de la maind’œuvre étrangère, moyens d’actions scolaire, culturelle, de formation professionnelle, d’information, résorption de l’habitat insalubre, lutte contre l’intolérance, le racisme, la violence. 4 avril 1984 Communiqué en Conseil des ministres prévoyant une aide à la réinsertion des travailleurs étrangers 44

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17 juillet 1984 Loi 84-622 sur le titre unique de séjour et de travail, votée à l’unanimité. Elle reconnaît le caractère durable de l’installation en France de la population immigrée et dissocie le droit au séjour d’avec l’occupation d’un emploi.

Janvier 1985 Publication d’un ouvrage de Bernard Stasi, vice-président du CDS, L’immigration, une chance pour la France, en faveur d’un « métissage culturel », d’une politique d’insertion des immigrés et du respect du « droit à la différence ». Christian Bonnet, sénateur RI, demande à Jean Lecanuet, président de l’UDF, la mise en congé de l’UDF de Bernard Stasi, en raison des positions exprimées dans son ouvrage. 7 mai 1985 Déclaration à Bruxelles de Catherine Lalumière, secrétaire d’État aux Affaires européennes : nécessité, avant d’alléger les contrôles aux frontières entre les pays de la CEE, d’une harmonisation des législations en matière de lutte contre la drogue, le terrorisme et l’immigration clandestine.


9 mai 1985 Recommandation du Parlement Européen en faveur d’une participation à la vie publique, au niveau communal et régional, dans leurs pays d’accueil, des immigrés d’origine extra-communautaire ; adoption d’un projet de « statut communautaire des travailleurs migrants ». 25 octobre 1985 Déclaration de François Mitterrand, président de la République, lors de l’inauguration du Haut Conseil de la Population et de la Famille : nécessité de lutter contre la dénatalité et d’aborder avec « ouverture et générosité » le problème de l’immigration. 19 décembre 1985 Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Éducation nationale, annonce la nécessité d’intégrer 1 082 000 élèves en favorisant la maîtrise de la langue française, de la présence d’une pluralité de communautés et de langues en créant des « filières de réussite » ouvrant sur des carrières à vocation internationale, en limitant le recours aux classes spécifiques. Juillet -août 1986 Sous le gouvernement de cohabitation : discussion à l’Assemblée nationale puis au Sénat, du projet de loi sur les conditions d’entrée et de séjour des étrangers. Condamnation, par l’opposition, des moyens mis en place qui « consistent à suspecter l’ensemble des communautés étrangères ». Septembre 1986 Publication, au Journal officiel de la loi n° 86-1025 du 9 septembre 1986, relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France (JO n° 212). Elle rend aux préfets le droit de prononcer la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; elle rétablit le régime de l’expulsion tel qu’il existait

antérieurement à la loi du 29 octobre 1981 ; elle restreint la liste des étrangers qui obtiennent de plein droit une carte de résident et celle des étrangers protégés contre les mesures d’éloignement du territoire. Octobre 1986 Le 18, expulsion vers le Mali de 101 Maliens en situation irrégulière. Protestations du PS, de la CGT, d’organisations de défense des droits de l’homme, approbation du Front national. Le même jour, protestation du Mali qui affirme ne pas avoir été informé par les autorités françaises. 22 juin 1987 Installation de la Commission du code de la nationalité, par Jacques Chirac, Premier ministre, dont la présidence est confiée à Marceau Long. Septembre - octobre 1987 Auditions publiques de la commission des seize Sages, chargée d’étudier une réforme éventuelle du code de la nationalité. 7 janvier 1988 Remise à Jacques Chirac, par Marceau Long, du rapport « Être Français aujourd’hui et demain » qui formule une série de propositions pour une réforme du code de la nationalité visant à faciliter l’acquisition de la nationalité française pour les jeunes de 16 à 21 ans, nés en France de parents étrangers et y résidant depuis au moins cinq ans, en exigeant d’eux une « déclaration individuelle, personnelle et simplifiée ». Par décret (88-24) du 7 janvier 1988, l’ONI devient OMI (Office des migrations internationales) et le rôle de l’établissement dans l’expatriation est confirmé. 8 mai 1988 Déclaration par François Mitterrand, réélu président de la République : « Les enfants nés en France de Culture, intégration et diversité

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parents étrangers sont considérés comme Français dès leur naissance. » (contrairement à l’actuel code de la nationalité qui retient l’âge de dix-huit ans et contrairement à la proposition de la commission des sages qui exige une demande expresse de l’intéressé). 24 avril 1989 Présentation par Pierre Joxe, ministre de l’Intérieur, d’un avantprojet sur les conditions d’entrée et de séjour des immigrés en France : régularisation de la situation des conjoints de Français, des parents étrangers d’enfants français, des jeunes étrangers majeurs (texte remanié après consultation de 120 associations qui estimaient d’une manière générale le texte trop proche de la « loi Pasqua » du 9 septembre 1986). 8 août 1989 Publication au JO n° 183 du 7-8 août 1989 de la loi n° 89 548 du 2 août 1989 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, dite loi Joxe. Elle assure la protection contre l’expulsion des personnes ayant des attaches personnelles ou familiales en France. Elle instaure un contrôle préalable sur les décisions préfectorales de refus de séjour. Elles doivent être soumises à une commission du séjour composée de trois magistrats, et un recours juridictionnel suspensif contre les mesures de reconduite à la frontière. 19 décembre 1989 Création du Haut Conseil à l’Intégration par décret n°89-912 10 janvier 1990 Publication de la loi 90-34 du 10 janvier 1990, introduisant un recours suspensif d’exécution contre les décisions de reconduite à la frontière. 19 avril 1991 Arrêt du Conseil d’État qui indique que les immigrés doivent 46

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bénéficier de la Convention européenne des Droits de l’Homme dans les cas où celle-ci est plus libérale que la législation française et impose notamment des limites aux conditions d’expulsion des étrangers. 21 mars 1991 Remise à Michel Rocard, Premier ministre, du rapport de la commission nationale consultative des Droits de l’Homme sur la lutte contre le racisme et la xénophobie 31 août 1991 Publication au JO n° 203 du 31 août 1991 du décret n° 91-829 du 30 août 1991 concernant les conditions d’entrée et de séjour en France des étrangers. Renforcement des conditions de délivrance des certificats d’hébergement nécessaires aux ressortissants étrangers pour entrer sur le territoire ( autorisant le maire de la commune à vérifier « la réalité des conditions d’hébergement ») et à saisir l’Office des migrations internationales afin de procéder à des vérifications. 25 septembre 1991 Présentation en Conseil des ministres d’un projet de loi renforçant la lutte contre le travail clandestin et contre l’organisation de l’entrée et du séjour irréguliers d’étrangers en France. Mesures préventives visant à décourager l’emploi non déclaré. Mesures de répression du travail clandestin et du trafic de main d’œuvre et de répression de l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers d’étrangers en France. Réforme du régime d’interdiction du territoire français. 6 novembre 1991 Publication par le Haut Conseil à l’intégration de son deuxième rapport sur les étrangers en France, basé sur le recensement de 1990. Il confirme notamment la stabilisation globale du volume de la population étrangère


(3,6 millions de personnes contre 3,7 au recensement de 1982), la hausse du nombre des acquisitions de nationalité (3,13 % de la population contre 2,6 % en 1982). 13 novembre 1991 Présentation au Conseil des ministres d’un projet de loi portant modification de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, contenant des mesures législatives pour mettre le droit français en conformité avec la convention du 19 juin 1990 d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 portant suppression graduelle des contrôles aux frontières intérieures. La convention prévoit des obligations et des sanctions applicables aux transporteurs acheminant des étrangers en France. (Loi n° 91 1383 du 31 décembre 1991). 5 février 1992 Publication du rapport du Haut Conseil à l’intégration sur les « conditions juridiques et culturelles de l’intégration », traitant notamment des contradictions existant entre la culture et le droit d’origine des immigrés et ceux de la France. Le rapport souligne que la France ne peut accepter sur son territoire « des pratiques incompatibles avec ses principes fondamentaux », notamment à l’égard des femmes et des enfants, et que l’excision est « une infraction pénalement réprimée ». Il insiste sur la nécessité de donner un statut législatif au regroupement familial pour en exclure la polygamie, souligne l’importance de la laïcité dans la société française mais déplore l’insuffisance des lieux de culte musulmans et le manque « d’ouverture » des municipalités face à ce problème. 29 février 1992 Publication au JO n° 51 de la loi n° 92-190 du 26 février 1992, à l’exception de l’article 8 (« amendement

Marchand ») créant dans les ports et aéroports des « zones de transit » où les étrangers non autorisés à pénétrer en France auraient pu être maintenus pendant trente jours maximum (20 jours + 10 sur décision du juge administratif). La loi instaure des sanctions contre les transporteurs qui débarquent sur le territoire français des personnes démunies de passeport ou de visa. 24 juin 1992 Adoption définitive par l’Assemblée nationale. 2 juillet 1992 Publication de la loi 92-625, dite loi Quilès, relative aux zones d’attente dans les ports et aéroports. 7 mars 1993 Nouvelle période de cohabitation. Publication au JO n° 56 du décret n° 93-290 du 5 mars 1993 instituant un Conseil national pour l’intégration des populations immigrées. Mai 1993 Adoption par l’Assemblée nationale de la proposition de loi portant réforme du code de la nationalité, et instituant, dans la procédure d’acquisition de la nationalité française par les enfants étrangers nés en France de parents nés à l’étranger, une formalité administrative manifestant leur volonté de devenir Français. Modifications : allongement à deux ans (au lieu d’un an) du délai d’acquisition de la nationalité française pour un étranger à la suite d’un mariage avec un ressortissant français ; remise en cause de l’acquisition de la nationalité française, à la naissance, pour les enfants nés en France de parents nés en Algérie avant l’indépendance. 2 juin 1993 Présentation en Conseil des ministres d’un projet visant notamment à compléter la loi pour consacrer les droits des étrangers, assurer l’intégration réelle Culture, intégration et diversité

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des familles étrangères, lutter contre les détournements de procédure en matière d’entrée et de séjour sur le territoire, et combattre l’immigration irrégulière (refus de la délivrance d’une carte de résident à un étudiant, à un étranger polygame ou à son épouse).

la commission de séjour qui n’émet plus qu’un avis consultatif ne liant plus nécessairement les autorités délivrant les titres de séjour, et ajoute de nouvelles conditions au regroupement familial et renforce les mesures d’éloignement du territoire.

Juillet- Août 1993 Publication au JO de la loi no 93-933 du 22 juillet, dite loi Méhaignerie, réformant le droit de la nationalité, et des lois dites lois Pasqua, celle du 10 août 1993 facilitant les contrôles d’identité et celle n° 93-1027 du 24 août 1993. Le Conseil constitutionnel déclare non conforme à la Constitution plusieurs dispositions de ce dernier texte : l’automaticité de l’interdiction du territoire pendant un an pour toute personne reconduite à la frontière ; l’interdiction pour les étudiants étrangers de faire venir en France leur famille ; la possibilité de mettre en rétention administrative pour trois mois un étranger ne possédant pas les documents permettant de le renvoyer dans son pays ; le droit pour le procureur de la République d’autoriser un maire à surseoir à un mariage). Il émet des « réserves d’interprétation » en matière de droit d’asile et de contrôle des titres de séjour des étrangers par la police sur dix dispositions de la loi. Une loi du 30 décembre 1993 viendra réintroduire dans l’ordonnance, sous une forme légèrement amendée, les dispositions primitivement censurées par le Conseil constitutionnel. La loi du 24 août limite les conditions de délivrance d’un titre de séjour, notamment d’un titre de séjour de plein droit, elle prévoit le refus et le retrait de la carte de séjour aux étrangers (et à leurs conjoints) polygames et le retrait du titre de séjour délivré à un réfugié dans certains cas. Elle limite les compétences de

22 septembre 1993 Présentation en Conseil des ministres d’un projet de loi portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l’immigration et modifiant le Code civil. Ce projet de loi adapte les dispositions de la loi portant maîtrise de l’immigration et déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel le 13 août 1993 : notamment les délais d’interdiction du territoire, de rétention administrative, de rétention judiciaire, et plus particulièrement le sursis à la célébration d’un mariage dont des indices sérieux laissent supposer qu’il s’agit d’un mariage de complaisance.

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1er janvier 1994 Publication au Journal officiel de la loi n° 93-1416 du 30 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l’immigration et modifiant le Code civil : plus grande facilité de contrôles d’identité aux abords des frontières intérieures de l’espace Schengen, dispositions relatives au séjour des demandeurs d’asile. Espace Schengen : au sein de l’Union européenne, espace de libre circulation des personnes, entre les États signataires de l’accord de Schengen. 21 mars 1994 Publication du premier rapport annuel de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme qui dénonce les conditions de l’accueil des étrangers en France, en particulier dans les préfectures, ainsi que l’absence de recours après un refus de


délivrance de visa. La CNCDH propose la création de lits supplémentaires dans les centres d’accueil et la revalorisation de l’allocation d’insertion versée aux étrangers. 5 octobre 1994 Présentation en Conseil des ministres d’un projet de loi portant modification de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au délit que constitue le fait de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France, extension faite aux États parties à la convention de Schengen, des zones d’attente pouvant être créées dans les gares ferroviaires et un étranger retenu dans une zone d’attente pouvant être transféré dans une autre en vue de faciliter son départ. Adoption définitive le 16 décembre 16 octobre 1994 Publication au JO du décret n° 94-885 du 14 octobre 1994 portant création d’une Direction centrale du contrôle de l’immigration et de la lutte contre l’emploi des clandestins (DICCILEC). 20 mars 1996 Paul Bouchet remet à Alain Juppé, Premier ministre, le rapport annuel de la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme qui constate la « banalisation des opinions xénophobes », une recrudescence des actes de violence et d’intimidation à caractère raciste visant les personnes d’origine maghrébine, et juge « négatif » l’impact des récentes modifications législatives sur l’immigration. Juin 1996 À Paris et dans plusieurs villes, manifestations pour la « régularisation des sans-papiers ». Occupation de trois églises et de la mairie du XVIIIe à Paris. Août 1996 Le 22, le Conseil d’État indique que, si la régularisation n’est pas

un droit, l’administration dispose d’un pouvoir d’appréciation au cas par cas. Le 23, intervention des forces de l’ordre : 228 Africains sont interpellés ; les 10 grévistes de la faim sont transportés dans des hôpitaux militaires et la plupart des sans-papiers sont conduits au centre de rétention de Vincennes. Février -mars 1997 Débat au Parlement et adoption du projet de loi sur l’immigration. Le 27 mars, saisine du Conseil constitutionnel. Avril 1997 Le 22, le Conseil constitutionnel déclare contraires à la Constitution deux dispositions du projet de loi sur l’immigration : la consultation par la police du fichier des demandeurs d’asile et l’absence de renouvellement « de plein droit » de la carte de résident de dix ans. Juin 1997 Au cours d’une nouvelle période de cohabitation, le 10, des sans-papiers sont reçus à l’hôtel Matignon par Jacques Rigaudiat, conseiller social de Lionel Jospin, Premier ministre : une régularisation partielle des sans-papiers. Le 19, dans sa déclaration de politique générale, Lionel Jospin annonce pour la prochaine session du Parlement un « réexamen d’ensemble » de la législation sur l’immigration et la nationalité, un réexamen immédiat par les préfets de la situation des sans-papiers et le rétablissement de l’acquisition automatique de la nationalité française pour les enfants d’étrangers nés en France. Le 24, Jean-Pierre Chevènement explique aux préfets réunis à Paris le dispositif immédiat mais « transitoire » de régularisation de certains étrangers en situation irrégulière, par une circulaire pour les conjoints de Français ou d’étrangers en situation régulière, les Culture, intégration et diversité

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étrangers gravement malades, les étudiants, les personnes n’ayant pas le statut de réfugiés mais en danger dans leur pays. 31 juillet 1997 Deux rapports sur l’immigration et sur la nationalité sont remis à Lionel Jospin, Premier ministre. Sans abroger les « lois Pasqua-Debré », ils proposent notamment : un renforcement du droit d’asile, un assouplissement des formalités d’entrée en France, un meilleur respect de la vie familiale (obtention possible d’un titre de séjour sur la base du respect de la vie privée et familiale), une meilleure prévention du travail irrégulier, une meilleure politique d’accueil des étudiants étrangers en France, un renforcement du droit du sol dans l’attribution de la nationalité, notamment en supprimant l’obligation pour les enfants étrangers de déclarer leur volonté d’être Français avant d’obtenir la nationalité. Septembre 1997 Le 3, réunion interministérielle sur les projets de loi sur l’immigration : maintien des certificats d’hébergement, allongement de la rétention administrative à quatorze jours, sans instauration d’une rétention judiciaire. Le 15, le Gouvernement transmet pour avis, au Conseil d’État, au Haut Conseil à l’intégration (HCI) et à la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), les projets de loi sur la nationalité et sur les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France. Octobre 1997 Le 1er, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme qui, tout en affirmant que les projets constituent un « progrès », propose trente et une modifications dans un sens libéral, notamment 50

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l’établissement d’un droit du sol intégral, le remplacement des certificats d’hébergement par « une simple attestation d’accueil », la généralisation du regroupement familial, la suppression de la rétention administrative. Le 9, le Conseil d’État rend un avis favorable, tout en demandant la limitation à douze jours de la durée maximale de rétention administrative. Le 15, le Conseil des ministres adopte les deux projets de loi sur l’immigration et la nationalité. 12 - 31 janvier 1998 Le 12, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur, annonce que 15 700 régularisations d’étrangers sans papiers sont intervenues dans le cadre de la circulaire du 24 juin dernier. Le 22, publication d’une circulaire aux préfets organisant le retour dans leur pays des étrangers sans papiers non régularisés : financement du voyage de retour par une somme de 6 500 F par adulte et 900F par enfant et possibilité d’une « aide psychologique » et sociale. L’Office des migrations internationales est chargé pour l’essentiel du dispositif. 17 mars 1998 Publication au JO de la loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité : possibilité pour les enfants nés en France de parents étrangers de demander la nationalité française dès 13 ans avec l’autorisation de leurs parents, et dès 16 ans sans cette autorisation. 11 mai 1998 Promulgation de la loi n° 98-349 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile après que le Conseil constitutionnel, le 5 mai, eut déclaré la loi conforme à la Constitution. Seul l’article 13 sur l’immunité pénale des associations d’aide aux étrangers est déclarée non conforme.


23 juin 1998 Décret n° 98-502 supprimant le certificat d’hébergement, instauré en 1982 ; le certificat est remplacé par une attestation d’accueil qui est certifiée soit par la mairie, soit par le commissariat de police ou la brigade de gendarmerie territorialement compétente. Juillet 1998 Dans une circulaire du 16 juillet 1998, le gouvernement demande officiellement aux préfets de déroger à la loi en adoptant une procédure d’introduction simplifiée pour les ingénieurs informaticiens. 29 octobre 1998 À Vienne, en Autriche, sommet informel des ministres de la Justice et de l’Intérieur des pays de l’UE : débat sur un projet de la présidence autrichienne portant sur la politique européenne d’asile et d’immigration, et visant à l’adoption d’une politique « uniforme » sur le droit d’asile dans l’UE. 8 janvier 1999 Publication des premiers résultats de l’opération de régularisation des sans-papiers initiée par la circulaire de juin 1997 : 80 000 régularisations. 63 000 rejets. Un millier de demandes encore en cours d’examen. 18 janvier 1999 Création des commissions départementales d’accès à la citoyenneté (C.O.D.A.C.) par circulaire du ministre de l’Intérieur pour identifier les cas de discriminations dans les domaines de l’emploi, du logement, de l’accès aux services publics et des loisirs et formuler des propositions de nature à favoriser l’intégration des jeunes issus de l’immigration. Août - septembre 1999 Ouverture du hangar de Sangatte, destiné à accueillir les demandeurs d’asile polonais, kosovars, iraniens, irakiens puis afghans, refoulés

d’Angleterre. Le 24 septembre après quelques semaines de fermeture, le hangar rouvrent et sa gestion est confiée à La Croix-Rouge. 17 septembre et 4 octobre 1999 À Turku, en Finlande, réunion informelle des ministres européens de la Justice et des Affaires intérieures : la France et l’Allemagne présentent un document définissant les grandes lignes d’une politique commune d’asile et d’immigration ; débat sur l’harmonisation des politiques d’immigration ; accord de principe sur l’élaboration d’un système unifié d’asile. Au Luxembourg, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni présentent une contribution commune sur la politique d’immigration : rejet de « l’immigration zéro » et de la « liberté totale d’installation » ; invitation à définir une politique de codéveloppement avec les pays d’origine des migrants. 27 juin 2000 Rapport de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, organe du Conseil de l’Europe, qui invite la France à réviser son « modèle républicain égalitaire » en raison des discriminations rencontrées notamment par les jeunes issus de l’immigration (accès à l’emploi, au logement et aux lieux publics, comportement des forces de police). Mai 2001 Remise du rapport du groupe d’études sur les discriminations dans le logement social 22 octobre 2001 Par circulaire du 22 octobre 2001, Élisabeth Guigou, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, abroge la condition de nationalité jusque-là exigée pour les postes à responsabilité de la Sécurité sociale.

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20 novembre 2001 La question de la double peine - un délinquant étranger ayant purgé une peine de prison se voit puni une deuxième fois par une expulsion du territoire - est médiatisée. 22 novembre 2001 Driss El Yazami, vice-président de la Ligue des droits de l’homme, et Rémy Schwartz, maître des requêtes au Conseil d’État, remettent à Lionel Jospin, Premier ministre, leur rapport sur la création d’un lieu de rencontre et de mémoire consacré à l’immigration. 28 février 2002 L’Union européenne, au Conseil de la Justice et des Affaires Intérieures à Bruxelles, approuve un plan global de lutte contre l’immigration illégale et la traite d’êtres humains. 29 mai 2002 Présentation en Conseil des ministres par le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, du gouvernement Jacques Chirac, d’une communication sur la loi d’orientation et de programmation de sécurité intérieure dont l’un des volets est consacré à la lutte contre l’immigration clandestine. 30 mai 2002 Les ministres de l’Intérieur des 15 États membres de l’Union européenne et ceux des pays candidats à l’élargissement de l’UE, y compris la Turquie, réunis à Rome examinent la possibilité de mise en place d’un corps européen de police des frontières. 21 et 22 juin 2002 L’immigration illégale est le sujet prioritaire du Conseil européen à Séville. 12 juillet 2002 Les ministres français et britannique de l’Intérieur annoncent que le hangar de Sangatte aménagé par la Croix- Rouge en 1999 n’hébergera plus 52

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d’immigrés clandestins à la fin du premier trimestre 2003, « au plus tard ». 25 juillet 2002 Une réunion interministérielle pose les grands axes de la réforme du droit d’asile voulue par le gouvernement. Août 2002 Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales, se rend le 30 août en Roumanie pour poser les jalons d’une coopération bilatérale en matière de lutte contre les trafics humains et l’immigration clandestine. Septembre 2002 La RATP décide d’ouvrir ses emplois statutaires à toutes les nationalités dans le cadre de la lutte contre les discriminations. Après la concertation avec les organisations syndicales, l’élargissement des embauches à la RATP est avalisée par le ministre des Transports, Gilles de Robien. 5 septembre 2002 Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, demande un réexamen des dossiers des sans-papiers dans une circulaire adressée le 5 septembre aux préfets. 25 septembre 2002 Le ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, présente une communication sur la réforme des procédures d’asile au Conseil des ministres : l’OFPRA instruit toutes les demandes d’asile. Ce service est déconcentré dans les principales régions d’accueil des demandeurs d’asile. Le statut de réfugié peut dorénavant être accordé même si les menaces de persécutions proviennent d’acteurs non étatiques, et la reconduction effective dans leur pays d’origine des étrangers déboutés du droit d’asile est le corollaire de la mise en œuvre de cette réforme de


l’asile. L’OFPRA devient à compter du 1er juillet 2004 le guichet unique de traitement de toutes les demandes d’asile, la réforme introduit la notion d’asile interne (possibilité de refuser d’accueillir un demandeur d’asile si, dans le pays qu’il fuit, même loin de chez lui, se trouve une zone où il pourrait être à l’abri) et de pays d’origine sûr.

l’allongement de la durée de rétention des étrangers, la création d’un fichier d’empreintes digitales des demandeurs de visas, un contrôle plus strict des attestations d’accueil, le renforcement du contrôle de certains mariages mixtes, un durcissement des conditions d’obtention des titres de séjour et un aménagement de la double peine.

24 octobre 2002 Installation du Haut Conseil à l’intégration par Jean-Pierre Raffarin.

5 juin 2003 Adoption du projet de loi sur le droit d’asile par l’Assemblée nationale, en discussion depuis septembre 2002 et février 2003.

Novembre 2002 Le Commissariat général du plan publie un rapport « Immigration, marché du travail, intégration », dans lequel il relance le débat sur la réouverture de l’immigration de travail. 2 décembre 2002 Rencontre à Londres entre David Blunkett et Nicolas Sarkozy. Les deux ministres mettent au point les derniers détails de la fermeture du centre de Sangatte prévue avant la fin décembre. Février 2003 Adoption par l’Union européenne d’un texte sur le droit au regroupement familial, qui constitue la première directive sur l’immigration légale depuis que ce sujet fait partie des compétences européennes. Mars 2003 Turbulences au sein du Haut Conseil à l’intégration. L’organisme, chargé de conseiller le gouvernement, enregistre trois démissions. Jacques Toubon, ancien ministre, est chargé par Jean-Pierre Raffarin d’une mission visant à préparer la création d’un centre de ressources et de mémoire de l’immigration. 30 avril 2003 Adoption en Conseil des ministres d’un projet de loi prévoyant

19- 20 juin 2003 Conseil européen de Thessalonique dont une partie est consacrée à la relance du processus d’une harmonisation des politiques d’immigration et d’asile. Les 25 pays membres actuels et à venir de l’Union européenne décident de créer une structure chargée de coordonner des projets de coopération aux frontières extérieures de l’UE : formation de garde-frontières, harmonisation de leur équipement et de procédures de rapatriement de clandestins. Un budget est prévu à cet effet. Par ailleurs, le projet de création de « zones de protection » ou de « centres de transit » hors des frontières de l’Union européenne est rejeté. Juillet 2003 Débat à l’Assemblée nationale sur le projet de loi (urgence déclarée) relatif à la maîtrise de l’immigration et au séjour des étrangers en France. Novembre 2003 Le 6 novembre 2003, le Conseil de l’Union européenne (Justice et Affaires Intérieures) trouve un accord politique sur un texte organisant les vols charters (expulsion d’étrangers) à l’échelon communautaire, sans l’avis du Parlement européen. Culture, intégration et diversité

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Décembre 2003 Après décision du Conseil Constitutionnel, du 4 décembre 2003, la loi relative à la réforme du droit d’asile, promulguée le 10 décembre, est publiée au Journal Officiel du 11 décembre 2003. 16 décembre 2003 Le Parlement européen saisit officiellement la Cour de Justice des Communautés européennes en vue de l’annulation de la directive européenne adoptée en février 2003 sur le regroupement familial, qui notamment, lie l’admission d’un enfant de plus de 12 ans à la réussite de tests d’intégration. 26 janvier 2004 Le Haut Conseil à l’intégration remet son rapport annuel au Premier ministre intitulé Contrat et intégration. Il émet des avis sur la promotion sociale des jeunes des quartiers en difficulté, et sur les droits des femmes issues de l’immigration et revient sur la mise en place du contrat d’accueil et d’intégration.

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ayant pour but la protection sociale et sanitaire, ceux à vocation éducative et culturelle et ceux à caractère économique. 24 novembre 2004 La Cour des comptes remet au président de la République son rapport intitulé L’accueil des immigrants et l’intégration des populations issues de l’immigration. Ce rapport fait un bilan de trente ans de politiques d’immigration, à la fois sous l’angle de la gestion des flux migratoires et des dispositifs d’accueil des immigrants et d’intégration des populations issues de l’immigration. Il préconise la mise en place d’une autorité interministérielle chargée de coordonner l’ensemble des politiques. Le ministre de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales présente une ordonnance relative à la partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Février 2004 La Commission Européenne propose aux ministres de l’Intérieur des Quinze, réunis à Dublin, de participer financièrement aux expulsions groupées de clandestins, en offrant de payer une partie de la facture des « charters » conjoints sur les fonds communautaires. Trente millions euros sur deux ans ont été prévus pour participer au financement des charters communautaires.

8 décembre 2004 Présentation en Conseil des ministres par le ministre de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales d’une communication relative à l’application de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration : une douzaine de textes déjà parus dont le décret relatif à l’attestation d’accueil, une douzaine de textes supplémentaires à venir ; le ministre donne des chiffres sur les reconduites à la frontière (bilan pour 2004 et prévision pour 2005) et les places d’accueil en rétention.

15 septembre 2004 Le ministre de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale prévoit la création, en service public, d’une Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations. On distingue les services publics d’ordre et de régulation (défense, justice), ceux

8 mars 2005 Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, remet aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat le premier rapport sur l’action du gouvernement pour la maîtrise des flux migratoires, rapport prévu par la loi du 26 novembre 2003.

Culture, intégration et diversité


Juin 2005 8 juin - Déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale de Dominique de Villepin, Premier ministre, dans laquelle il souligne la nécessité de lutter contre l’immigration irrégulière afin de parvenir à une « immigration choisie ». 9 juin - Lors d’une convention de l’UMP sur l’immigration, Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur souhaite une « immigration choisie plutôt que subie » et demande au gouvernement et au Parlement de fixer annuellement, « catégorie par catégorie », le nombre de personnes admises à s’installer en France. 10 juin – Installation du Comité interministériel de contrôle de l’immigration. 31 octobre 2005 À la suite de la mobilisation notamment du Réseau Éducation sans frontières, une circulaire annonce un sursis à l’expulsion des familles en situation irrégulière ayant des enfants scolarisés, jusqu’à la fin de l’année scolaire, soit le 4 juillet 2006. 3 janvier 2006 Lancement officiel du chantier de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration de la Porte Dorée. Le coût du projet s’élève à 20 millions d’euros. Ouverture progressive au public d’avril 2007 à 2009. 29 mars 2006 Présentation, en Conseil des ministres d’un projet de loi qui comprend des mesures visant à promouvoir l’immigration choisie et qui institue pour les migrants réguliers un contrat d’accueil et d’intégration. Juin 2006 Par deux circulaires, datées des 13 et 14 juin 2006, le ministère de l’Intérieur annonce la possibilité de concéder, au cas par cas, un certain nombre de régularisations ainsi que la mise en place d’aides exceptionnelles au

retour. Les régularisations doivent s’opérer en fonction de critères préalablement établis (ancienneté de la présence de l’enfant, absence de liens avec le pays d’origine, ignorance de la langue de ce pays). Le nombre de régularisations envisageables fait cependant l’objet de controverses, certains services les comptant par milliers alors que d’autres n’en prévoient que quelques centaines. 10 - 11 juillet 2006 Première conférence ministérielle sur la migration et le développement à Rabat, avec la participation de ministres de nombreux pays d’Europe et d’Afrique. Adoption d’un plan d’action prévoyant la mise en place de systèmes efficaces de réadmission des émigrants entrés illégalement en Europe, le renforcement de la coopération judiciaire et policière, ainsi que des incitations financières et fiscales pour que les diasporas africaines participent au développement de leur pays d’origine. 24 juillet 2006 Promulgation de la loi n° 2006-911 relative à l’immigration et à l’intégration (JO n° 170 du 25) visant à « passer d’une immigration subie à une immigration choisie ». Pour atteindre cet objectif le projet de loi durcit les conditions du regroupement familial, principale source d’une immigration considérée comme « subie », ainsi que le contrôle des mariages mixtes et conditionne l’obtention d’une carte de séjour « salarié » à l’existence d’un contrat de travail et à l’obtention préalable d’un visa long séjour. Des « listes de secteurs tendus où les employeurs pourront faire appel à des étrangers » doivent être établies. De plus est instituée une carte « compétence et talents » valable trois ans et renouvelable, pour faciliter l’accueil des étrangers dont « le talent constitue un atout pour le développement et le Culture, intégration et diversité

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rayonnement de la France ». Le principe de la régularisation systématique après dix ans de présence sur le territoire est supprimé. 30 juillet 2006 Publication au Journal Officiel d’un arrêté du 30 juillet créant un fichier informatisé, dénommé Éloi, des étrangers en situation irrégulière, afin de faciliter leur éloignement du territoire lors des différentes étapes de la procédure d’expulsion. Le fichier permet de conserver, pendant trois ans après l’expulsion, un certain nombre de données sur les étrangers en situation irrégulière, sur l’hébergeant, en cas d’assignation à résidence, et sur les visiteurs, en cas de placement en rétention administrative (JO n°190 du 18 août). Les associations de défense des étrangers dénoncent une atteinte aux libertés individuelles et en contestent la légitimité. 14 novembre 2006 Loi n° 2006-1376 du 14 novembre 2006, relative au contrôle de la validité des mariages. Ce texte vise à lutter contre les « mariages de complaisance », avec contrôle et audition, et risque d’annulation. D’autre part pour lutter contre les mariages forcés, le texte prévoit que les futurs époux mineurs seront, préalablement au mariage, entendus seuls par l’officier d’état civil. Le nouveau dispositif est applicable aux mariages célébrés à compter du 1er mars 2007. 12 mars 2007 Le Conseil d’État annule, pour des raisons de forme, l’arrêté du ministère de l’Intérieur du 30 juillet 2006 créant le fichier informatisé, dénommé Éloi. Le Conseil d’État précise qu’un tel fichier ne peut être créé que par décret en Conseil d’État après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. 56

Culture, intégration et diversité

Mai 2007 Nicolas Sarkozy, élu président de la République, nomme Brice Hortefeux ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Co-développement. Huit des douze historiens composant le Comité d’histoire de la future Cité nationale de l’histoire de l’immigration démissionnent pour protester contre la création d’un ministère associant immigration et identité nationale. 20 novembre 2007 Loi n°2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, issue d’un projet de Brice Hortefeux : pour toute personne étrangère demandant un visa de long séjour pour rejoindre en France un membre de sa famille, il est procédé dans le pays où le visa est sollicité à une évaluation de son « degré de connaissance de la langue française ». Si le besoin en est établi, le demandeur doit suivre une formation linguistique organisée sur place pendant une durée maximale de 2 mois, l’attestation de suivi de cette formation est obligatoire pour l’obtention d’un visa de long séjour permettant d’engager une procédure de regroupement familial. Un « contrat d’accueil et d’intégration pour la famille » est créé, obligeant notamment les parents à veiller à la bonne intégration de leurs enfants nouvellement arrivés en France. En cas de non-respect, le juge des enfants peut être saisi et le paiement des allocations familiales suspendu. Des seuils de ressources nécessaires pour pouvoir prétendre au regroupement familial doivent être fixés en fonction de la taille de la famille. À titre expérimental, jusqu’au 31 décembre 2009, il sera possible pour les étrangers candidats au regroupement familial de recourir à un examen génétique (test ADN). Ces tests, pris en


charge par l’État, devraient être réservés aux ressortissants de pays dans lesquels « l’état civil présente des carences ou est inexistant ». Pour pratiquer ces tests il faudra l’autorisation d’un juge, le consentement écrit du demandeur et l’avis du Comité national consultatif d’éthique. La validation de ce dispositif a été assorti par le Conseil constitutionnel de réserves précises : la preuve de la filiation de l’enfant étranger devra se faire selon les modalités reconnues dans le pays de la mère, la proposition de recours aux tests ADN ne pourra pas être automatique et les autorités diplomatiques ou consulaires devront obligatoirement procéder au préalable à la vérification au cas par cas de la validité des pièces d’état civil produites. Le Conseil constitutionnel a censuré l’article levant l’interdiction de procéder à un recensement des origines ethniques ou raciales dans le cadre d’études « sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination ou de l’intégration ». Par ailleurs, pour tenir compte de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme, les référés contre les refus d’asile à la frontière auront désormais un caractère suspensif. Une autre disposition concerne la création d’un fichier contenant les empreintes digitales et les photographies des bénéficiaires de l’aide au retour. Le délai de recours après le rejet d’une demande d’asile est fixé à un mois. Le délai pour déposer un recours contre un refus d’entrée du territoire est de 48 heures. La tutelle de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) est transférée du ministère des Affaires étrangères au ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Co-développement.

Mars 2009 Débat ouvert par Éric Besson sur « l’identité nationale ». 9 avril 2009 L’ Article 622-1, « délit de solidarité », punit de cinq ans d’emprisonnement, et de 30 000 euros d’amende, toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France. 2 mars 2010 Le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, et celui des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, adressent une circulaire aux préfets, ambassadeurs et consuls pour simplifier de façon « radicale » les démarches de renouvellement des papiers d’identité. Selon la circulaire des deux ministres, « carte nationale d’identité et passeport sont désormais interchangeables. L’usager n’a plus à se procurer un acte d’état civil ».

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