LE PROJET DE CENTRE NATIONAL DE LA MUSIQUE : UNE PRECIPITATION DANGEREUSE ET AMBIGUË Lundi 7 novembre 2011
Après avoir confié une mission d'étude et de proposition à 5 personnalités, le pouvoir a annoncé vouloir créer en urgence un centre national de la musique, adoubé par Nicolas Sarkozy lui-‐même. Il s'agit de créer une structure nouvelle destinée à aider l'ensemble des acteurs de la filière musicale, spectacle vivant, éditeurs, producteurs de disque, acteurs sur internet, et fusionnant l'ensemble des organismes existants: CNV, IRMA, FAIR, FCM, Bureau Export de la musique.. L'organisme nouveau serait financé, non par la création d'une nouvelle taxe, mais par le redéploiement de ressources jusqu'alors affectées au CNC (taxe sur les services de télévision distributeurs) et acquittées par les FAI (fournisseurs d'accès à internet). Il s'y ajouterait les ressources des organismes existants et la part des SPRD de producteurs de disque (sociétés de perception et de répartition de droits) prévue pour les actions d'intérêt général.. Le Parti socialiste est pleinement conscient des difficultés croissantes de l'ensemble de la filière musicale, particulièrement sinistrée ces dernières années, et de son souci de trouver de nouveaux moyens pour produire et diffuser des oeuvres. Mais on ne peut, hélas, être dupe : la droite, constatant les faibles résultats de ces autres initiatives dans le domaine musical, HADOPI et carte musique, entend avant les prochaines échéances présidentielles et législatives inventer une mesure nouvelle pour gonfler artificiellement son faible bilan dans la culture et redorer un blason bien terni, ainsi que cacher la stagnation généralisée des crédits et la décrépitude croissante du ministère de la culture et de la communication qu'elles a elle-‐même organisées. L'électoralisme de cette initiative lancée en catastrophe en fin de mandat appelle de nombreuses interrogations et critiques, car l'impréparation et l'improvisation sont frappantes. Qu'on en juge : -‐ La méthode consistant à prendre des crédits à un secteur culturel, le cinéma, pour les redonner à un autre, la musique, est détestable. C'est à juste titre que des professionnels du cinéma s'élèvent contre cette ponction sur leurs ressources d'avenir. Nicolas Sarkozy n'a cessé d'opposer les français les uns aux autres depuis qu'il est en fonction : il entend aujourd'hui organiser la division des acteurs de la culture. -‐ La gouvernance du nouvel établissement public, telle qu'elle est actuellement prévue, est antidémocratique. L'essentiel du pouvoir serait confié à des représentants de l'Etat au détriment du rôle des professionnels. Le modèle de gestion du CNV (centre national des variétés, de la chanson et du jazz) pourtant loué par l'ensemble des responsables de la filière et à l'action exemplaire, est clairement rejeté. L'autoritarisme sarkozien fait la preuve de sa nocivité.
-‐ De même, le mode de répartition envisagé des crédits, tout en s'efforçant de ménager les indépendants et les nouveaux créateurs, bénéficierait d'abord aux gros acteurs de la filière que sont les multinationales du disque. La droite n'oublie jamais de privilégier les puissants. -‐ De plus, ce centre national de la musique serait crée alors que le spectacle vivant -‐ théâtre public et privé, danse, musique classique..-‐ est lui aussi dans l'attente désespérée d'un effort nouveau de l'Etat, et crie famine. A juste titre, les professionnels du spectacle vivant s'insurgent contre cette inégalité de traitement. Une deuxième mission vient d'être lancée à cet effet, et il serait pour le moins logique d'attendre ses conclusions pour globaliser et rendre cohérente l'action de l'Etat. La précipitation est mauvaise conseillère. Le Parti socialiste estime qu'une large concertation, qui n'a pas eu lieu, est aujourd'hui nécessaire, et que c'est dans le consensus avec l'ensemble des secteurs de la culture et des arts que la politique culturelle de l'Etat doit se déployer, et non en encourageant systématiquement le règne du chacun pour soi. Une telle démarche est d'autant plus justifiée que le montant effectif des ressources nouvelles dont disposerait le nouvel établissement n'est nullement connu à ce jour: le CNM bientôt réalité tangible, ou miroir aux alouettes inventé par un pouvoir aux abois et en bout de course ? S'agit-‐il de créer un outil efficace au service de la filière musicale, ou, en absorbant les organismes existants, de pratiquer la RGPP musicale ? N'est-‐il pas significatif et inquiétant qu'au même moment, le gouvernement a fait adopter par l'Assemblée un amendement plafonnant les recettes du CNC, du CNV, et du fonds de soutien au théâtre privé ? Sylvie ROBERT, Secrétaire nationale à la Culture Karine GLOANEC MAURIN, Secrétaire nationale adjointe