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Secrétariat national à la coopération, au développement, à la francophonie et aux droits de l’Homme Texte présenté au Bureau National du 31 mai 2011

Propositions relatives à la coopération, à la francophonie et à l’aide au développement

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Une nouvelle politique de développement et de coopération

Avec l’éveil démocratique des peuples du Sud -­‐ de Tunis à Niamey, de Téhéran à Damas, de Benghazi à Sana’a -­‐ toutes les promesses d’émancipation étouffées par les dictatures et la corruption redeviennent possibles. Toutes les théories différentialistes, selon lesquelles certains peuples, certaines cultures seraient insolubles dans la démocratie et la modernité sont ainsi démenties avec force. Il n’est désormais plus d’excuses à la diplomatie du cynisme qui a prévalu trop longtemps et qui a justifié tant de renoncements démocratiques, au nom de la « stabilité ». Les peuples du Moyen-­‐Orient et de l’Afrique prennent leurs responsabilités et ouvrent en même temps une nouvelle ère pour tous ; il est temps que l’Europe et la France prennent les leurs. Plus que jamais, le Nord et le Sud partagent un destin commun. C’est toute la communauté internationale qui doit maintenant s’engager vers la construction d’un nouveau modèle de développement enfin partagé et durable. Il n’est pas un risque majeur auquel soient confrontés les pays en développement (pauvreté insupportable, désintégrations sociales, affaissement des pouvoirs publics, maladies, chômage, injustices, etc.) qui n’aura pas de conséquence pour les pays du Nord et en particulier en Europe. Répondre à ces défis est aussi un enjeu de stabilité et de sécurité. Or, à ce jour, entre une diplomatie sans vision et une aide au développement inadaptée et toujours insuffisante, nous courons droit à la catastrophe. Renouer avec la marche vers le progrès est possible : les peuples, les cultures du monde et chaque continent disposent des acquis, des savoirs, des sciences pour tendre vers le bien commun. Les sociétés civiles sont pleines d’inventivité et de créativité. Ce qu’il manque avant tout pour construire un autre monde, c’est une vision autant qu’une volonté politiques. Si la Chine, l’Inde et d’autres pays émergents, comme le Brésil, sont devenus des puissances régionales voire mondiales, de nombreux pays restent confrontés au sous-­‐développement massif et à la pauvreté, environ une cinquantaine représentant plus d’un milliard de personnes. Le constat d’un monde qui, globalement, s’est développé après-­‐guerre, ne doit pas masquer une autre évolution fondamentale : l’explosion des inégalités, des écarts de richesses entre pays et au sein des sociétés qui n’ont cessé de s’accroître. L'Afrique subsaharienne a connu ces dernières années un des taux de croissance les plus élevés du monde, qui s'explique en particulier par la forte hausse des cours des matières premières et du pétrole, une hausse des investissements directs étrangers (17,2 milliards en 2004, 45 milliards en 2008). Les deux dernières décennies ont vu se développer les activités manufacturières, une diversification des activités productives (principalement dans le secteur des matières premières et dans les activités de première transformation). L'émergence de nouvelles puissances économiques a également diminué la dépendance quasi totale du commerce africain avec les seuls pays occidentaux. En 2008, la part de ces derniers dans le commerce extérieur de l'Afrique était de 70 % contre 95 % dans le cycle économique précédent. Mais cela est resté globalement très insuffisant, notamment en raison d'une part d'un facteur "interne" (administrations et économies figées, libertés démocratiques étouffées)

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et d'un facteur "géostratégique" (depuis le chute du Mur de Berlin en 1989, l'Afrique a cessé d'être un terrain d'affrontement, et donc un enjeu, entre les deux blocs de la guerre froide ; l'aide publique au développement s'en était fortement ressentie). Si l'on se base sur les données publiées par la CNUCED (Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement), les pays du G20 représentent 80 % du commerce mondial et les 49 Etats les moins avancés seulement... 0,8 % ! Au final, si certains indicateurs s’améliorent, les inégalités internes se creusent. On a donc parfois l’impression que malgré les grands mots d’ordre pour supprimer la pauvreté et assurer le bien être durable des peuples, les grandes politiques se succèdent, et « tout change pour que rien ne change ». Cinq enjeux dans la crise de la mondialisation : -­‐ sur le plan démographique, 95 % de la croissance démographique d'ici 2050 viendra des pays du Sud. On sait déjà que la pollution des airs, des eux et des sols ne s’arrête pas aux frontières. On sait aussi que la proximité géographique entre une Europe à démographie stagnante ou déclinante et une Afrique qui comptera 2 milliards d’habitant en 2050 (au rythme actuel) constituera une source de tension migratoire extrême. Au Sahel (Niger, Burkina-­‐Fasso et Mali), la population passera de 44 millions d’habitant à 125 millions en 2050. Or les ressources en terres arables et en eau ne permettront pas de les nourrir ni de leur offrir des emplois. -­‐ sur le plan économique, les caractéristiques communes entre les pays les plus touchés par la pauvreté (de la République centrafricaine au Népal) sont une faible croissance des secteurs productifs, dans un contexte de transition démographique inachevée. -­‐ sur le plan écologique, l'augmentation de la demande -­‐ et donc de la consommation -­‐ sur la base actuelle de notre modèle productiviste accélère de manière exponentielle les risques de mortalité de la planète. Surtout, aucune pollution, aucune déforestation, aucun phénomène viral n'est désormais contenu dans des zones hermétiques au reste du monde : les voies aériennes, éoliennes et fluviales transportent tout d'un bout à l'autre de la planète. On sait aussi aujourd'hui les conséquences de la déforestation de l'Amazonie et du Congo pour tous... L'exemple de la Chine est à cet égard le plus parlant avec un mode de production catastrophique entraînant pollutions, exodes ruraux, atteinte à la biodiversité et creusement des inégalités. -­‐ sur le plan des capacités régaliennes, les tensions nées de ces graves déséquilibres ne font qu'affaiblir encore plus les Etats et les administrations dans leurs capacités même à assurer des fonctions régaliennes et de services essentiels à la population (santé, éducation, justice, sécurité...), le pouvoir central se repliant souvent sur une capitale, délaissant de nombreuses zones aux mains de trafics mafieux et des logiques communautaristes, ethniques et/ou religieuses. Au Tchad, en République centrafricaine mais aussi en Libye, nous pouvons craindre des phénomènes de désintégration sociale de grande ampleur… -­‐ sur le plan démocratique : le maintien de régimes autoritaires basés la corruption et la captation des richesses est désormais contesté de l’intérieur même des Etats. Même la Chine, trop souvent citée pour combiner régime autoritaire et croissance, voit des citoyens activistes et des salariés qui osent de plus en plus revendiquer. En Afrique subsaharienne, les sociétés civiles font également aujourd’hui preuve d’un bien plus grand dynamisme qu’il y a vingt ans. Mais des régressions sont particulièrement évidentes ailleurs, comme au Zimbabwe, au Togo, au Tchad, au Congo Brazzaville, etc. Les successions politiques se révèlent dans ces contextes très périlleuses et donnent fréquemment lieu à des trucages éhontés en même temps qu’ils déstabilisent des régions entières Comment vont se passer les difficiles successions dans des pays comme le Cameroun, le Sénégal et quelles seront leurs conséquences ? En résumé, dans un monde globalisé, le Tiers-­‐Monde n'est pas si loin : tous les chocs qui affectent aujourd'hui les pays du Sud nous bousculent déjà et, si rien n'est fait dans les toutes prochaines années, vont avoir en Europe et en France des conséquences très graves. Dans les

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prochaines décennies, l’accroissement de la population mondiale (+2,5 milliards d’ici 20150, soit l’équivalent de la population mondiale de…1950) aura lieu quasi exclusivement dans les pays du Sud. Les élévations du niveau de vie dans les pays émergents, déjà engagées, ne feront qu’accroître les tensions sur à peu près tous les marchés : céréales, énergies, automobiles, etc. Le principal défi auquel sont confrontés les seuls pays du Maghreb et du Moyen-­‐Orient sera celui d’un accroissement de la population active…sans augmentation du taux d’emploi. Dans le même temps, l’augmentation des besoins sociaux (éducation, santé, et infrastructures urbaines) risque d’être largement insatisfaite au regard des budgets des Etats et de la faiblesse des administrations. Sans compter, dans certains Etats, l’accaparement de secteurs économiques entiers par des clans au pouvoir (Zimbabwe, mais aussi au Congo Brazzaville, au Nigéria, en Algérie…) et le durcissement des dictatures. Les perspectives pour l’Afrique : Malgré les craintes, l’Afrique n’est pas condamnée à la pauvreté ni aux désordres. Les ressources, humaines, naturelles, politiques, sociales pour tracer les chemins d’un développement nouveau y sont nombreuses. Les risques évoqués plus haut peuvent se révéler être des atouts si des changements radicaux s’opèrent dans les politiques publiques : la croissance démographique peut signifier un dynamisme urbain et d’emplois ; les finances publiques, allégées du fardeau des dettes, peuvent être orientées vers les investissements dans les grandes infrastructures et la diversification des économies ; de même, la présence chinoise peut être un vecteur de développement, même si elle pose des défis stratégiques majeurs à la France et à l’Union européenne. « Dès aujourd’hui de nombreux pays d’Afrique ont retrouvé des rythmes de croissance élevés. La moyenne s’établit à 4% depuis 8 à 10 ans avec des pointes à 8% dans certains pays dont on notera qu’il ne s’agit pas de pays détenteurs des ressources minérales les plus importantes ». Surtout, les conquêtes démocratiques restent le meilleur atout d’une Afrique tournée enfin vers les africains : la Tunisie offre à ce jour le plus bel exemple de révolution progressiste fondée sur la double revendication du pain et de la liberté et inspire les peuples de toute la Région. Il faut aussi soutenir pleinement le nouveau gouvernement nigérien, installé suite à l’élection du président de la République Mahmadou Issoufou, dans son grand programme de développement. De manière générale, la France ne doit faire preuve d’aucune hésitation dans le soutien qu’elle doit et peut apporter aux sociétés civiles mobilisées pour leur émancipation. Le temps de la Françafrique comme celui du discours de Dakar est révolu. Enfin, les pays industrialisés ont l’immense responsabilité de changer radicalement leur politique d’aide au développement, au risque de porter pour longtemps la responsabilité d’un accroissement insupportable des pauvretés, mais au risque aussi de voir leurs propres sociétés vaciller : Comme le dit Serge Michaïlov dans son intervention à la journée nationale sur les nouveaux enjeux du développement1, « dans ce contexte la politique de développement et de coopération ne doit plus être comme actuellement un facteur résiduel d’ajustement budgétaire, mais comme l’ont compris depuis 10 ans les responsables britanniques de gauche et de droite, une mission prioritaire de notre action publique dans un monde de plus en plus complexe et instable ». Propositions pour une nouvelle politique française de coopération et de développement :

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Journée organisée à Solférino par le secrétariat national à la coopération. Samedi 15 janvier 2011."

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Quatre objectifs politiques : 1) Faciliter prioritairement le renforcement des Etats fragiles, principalement en Afrique francophone (Sahel, Guinée, etc.). 2) Investir dans le développement économique et l’élévation des niveaux de vie. 3) Poursuivre notre contribution aux objectifs du millénaire par une politique de redistribution sociale mondiale et le plaidoyer pour une taxation financière internationale. 4) Amorcer une gestion responsable des biens publics mondiaux que sont le climat, l’air, l’eau, la biodiversité, les grands massifs forestiers. Ces actions de partenariats pourront constituer l’embryon des futures politiques publiques internationales qui seront indispensables. A très court terme, il faut militer pour la reconnaissance des biens publics régionaux (la Méditerranée comme mer à protéger par exemple) voire mondiaux, comme le parti socialiste l’a proposé lors de sa convention internationale en suggérant la création de « consortiums publics ». Publics car qui dit « biens » ne peut passer à côté du régime de propriété de ces mêmes biens… a) Une politique de coopération qui passe par une clarification de nos engagements bilatéraux. Pour redonner à la France les moyens d’agir et de peser, les socialistes proposent de reconstituer une capacité d’intervention bilatérale en aides dans les pays les plus pauvres. En toute hypothèse, et en cumulant le bi et le multilatéral, nous tiendrons l’engagement de consacrer 0,7% réels du PIB à l’aide au développement. Un choix politique courageux et indispensable qui suppose une feuille de route clairement énoncée : 1. redonner à la France les moyens d’agir et de peser : a. Opérer une évolution d’orientation de l'APD qui ne fait pas assez de place aux dons à côté des prêts. Nous proposons de reconstituer une capacité d’intervention en subventions dans les pays les plus pauvres qui ne représente plus aujourd’hui que 2 % de notre APD. b. Encourager le réseau culturel français à l’étranger (cf.infra « rénover la francophonie), qui a subi des coupes sombres budgétaires et une perte d'influence globale sous la politique des gouvernements de droite depuis 2002. Loin de sortir le réseau culturel de son ornière actuelle, la mise en place en 2010 d'un opérateur "institut français" inspiré d’un modèle à l'anglo-­‐saxonne semble consacrer la marchandisation de la culture à l'étranger. La gauche revenue au pouvoir en 2012 devra redonner des moyens à ce réseau. Cela suppose d’une part de restaurer l’ambition culturelle française tout en préservant l’unité des réseaux, en articulant de manière plus substantielle et cohérente le réseau et les fonctions des Alliances françaises et des instituts français pour défendre la diversité culturelle et les cultures minoritaires, et d’autre part de relance la politique de diffusion (linguistique notamment) et d'aide à la création des cultures françaises et francophones à l'étranger.

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i. stopper les fermetures incohérentes des instituts et centres culturels français à l’étranger, ii. mettre en place un plan d’urgence pour redonner des moyens de relance au réseau culturel (plan de rénovation des bâtiments, abondement d'un fond d'aide aux projets culturels innovants) iii. harmoniser les conditions d’emploi des personnels de recrutement local du réseau diplomatique et culturel par une harmonisation sociale conséquente. iv. améliorer l’articulation du travail sur le terrain entre Alliances françaises et instituts culturels. c. Encourager la coopération décentralisée, c’est accompagner le rôle

complémentaire des collectivités et des autorités territoriales qui contribuent concrètement aux actions de développement autant qu’au rayonnement de la France. Celles-­‐ci investissent dans des domaines aussi variés que l’action humanitaire, la diffusion des sciences et de la culture, la recherche ou les technologies, la décentralisation et les services publics, la formation et le développement économique. Une démarche décentralisée, permettant aux citoyens de participer plus étroitement aux décisions, renforce l’assise de la démocratie. Notre diplomatie tiendra compte de cette donne nouvelle et travaillera en liaison avec les collectivités, leurs élus et leurs administrations. Cette articulation doit passer par le renforcement de la commission nationale de la coopération décentralisée.

d. Reconnaître les sociétés civiles et l’action des ONG. Le développement implique également d’autres acteurs que les seuls Etats et autorités locales : société civile, entreprises, etc. i. C’est par les peuples eux-­‐mêmes, au sein des sociétés civiles, que se nichent les initiatives les plus riches en matière de solidarité internationale. Dans de nombreux pays africains des ONG locales mettent en œuvre des actions de développement, seules ou en lien avec des ONG internationales dans tous les domaines de la solidarité : santé, éducation, agriculture, etc. Au plus près du terrain, elles ajoutent à leur expertise et à leur réactivité une garantie plus fréquente de bonne gestion par l’affectation directe de leurs ressources aux programmes pour lesquelles elles sont subventionnées. Le parti socialiste s’engage à leur donner toute leur place, financièrement et institutionnellement, notamment en leur délégant la gestion de 5% du montant des aides publiques au développement. ii. Les initiatives de promotion d’une meilleure responsabilité sociale et environnementale des entreprises, par exemple (initiative de transparence sur les industries extractives, loi US de 2010 sur les banques, directive européenne de 2003 sur la transparence financière, etc.), visent à résoudre ces problèmes même si les instruments véritablement contraignants restent à ce jour peu nombreux. Il faudra encourager ces initiatives, y compris en développant le principe de conditionnalité des aides en contrepartie des engagements sur les buts (actions au bénéfice des populations) et sur les moyens

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(transparence). 2. Efficacité et cohérence : a. Il faudra redonner un sens politique et une cohérence à une action aujourd’hui éclatée entre de multiples centres de décision. b. Cet objectif global de rééquilibrage entre « bi » et « multi » impliquera entre autres choses la cohérence de cette politique avec le Ministère des affaires étrangères qui devrait avoir une vision géopolitique à moyen long terme. c. Il s’agira enfin de mettre en cohérence notre politique d’aide aux pays pauvres avec nos autres politiques, en particulier notre politique européenne et notre politique agricole. 3. Transparence : a. Procéder à une « opération vérité » pour calculer un indicateur d’aide effective différent du concept d’aide publique au développement tel qu’il est défini par le comité d’aide au développement. b. Exiger des partenaires financiers des pouvoirs publics qu’ils publient, pour chaque pays où ils opèrent, le nom de leurs filiales et succursales, le chiffre d’affaires, le bénéfice, les effectifs et l’impôt payé, les réponses apportées pouvant conditionner la poursuite ou l’arrêt des partenariats existants, comme a commencé de le faire la Région Ile de France et s’apprête à le faire Rhône-­‐Alpes. c. Procéder à un débat parlementaire annuel sur l’effort de la France en matière d’aide publique au développement. d. Mieux informer l’opinion publique sur le fait que l’aide publique au développement est d’abord un outil permettant d’agir sur les phénomènes géopolitiques, par des campagnes nationales d’information et de sensibilisation. b) Multilatéralisme et volontarisme : La France ni même l’Union européenne n’agissent seules. Si elles doivent se montrer vertueuses et généreuses, elles devront d’abord agir pour modifier les rapports internationaux fondés aujourd’hui sur le libre échange, la concurrence exacerbée, et, in fine, sur la loi du plus fort économique. La nature structurelle de la crise ne saurait se résoudre par l'assainissement des grandes banques ou les rebonds boursiers ; il est impossible de renouer avec un cycle vertueux de progrès tant que ne sont pas redéfinies une nouvelle architecture financière, des relations nouvelles entre les Etats et les marchés, des rapports nouveaux entre le capital et le travail ainsi

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qu'entre différentes fractions du capital. C'est là tout l'enjeu du G20. De même, dans le domaine de la solidarité internationale, les objectifs du millénaire pour le développement ne seront qu’un pansement tant qu'ils ne seront pas dotés des immenses moyens nécessaires à la réalisation de leurs buts. La France progressiste propose de changer radicalement de cap. Ce changement de cap, elle le proposera aussi à ses partenaires européens. a. inscrire à l’agenda international des négociations pour faire avancer les droits nouveaux et protecteurs à travers le juste échange b. faire converger vers le haut des normes internationales dans le domaine social, environnemental et culturel. Au-­‐delà du seul respect des engagements, la transposition dans le droit positif des OMD est nécessaire. Le Pacte International relatif aux droits économiques sociaux et culturels (PIDESC) de 1976 a été complété en 2008 par un protocole additionnel. La signature et la ratification de ce protocole reste toujours en attente et la France doit enfin s’engager à le ratifier rapidement. c. exiger des politiques multilatérales d’aides au développement qu’elles soient cohérentes entre elles, transparentes et évaluées annuellement d. engager tous les efforts et les ressources nécessaires afin que soient atteints les Objectifs du Millénaire pour le Développement adoptés en 2000 par l’ONU. L'Afrique subsaharienne sera sans doute l'une des seules régions du monde qui ne pourra pas remplir les Objectifs du Millénaire pour le Développement alors que sa population est la plus concernée : 34 des Pays les moins avancés sont africains ! L’une des grandes batailles qui nous attend est à cet égard très certainement l’instauration, enfin, d’une taxe sur les transactions financières internationales. e. renforcer la lutte contre l’évasion fiscale dont les pays pauvres sont les victimes. Si l’Aide Publique au Développement (APD) peut représenter une ressource cruciale pour certains pays en développement, elle ne représente, dans certains pays du Sud (car d’autres sont désormais devenus importateurs de capitaux), qu’un faible montant par rapport au manque à gagner de ces pays que constitue l’évasion fiscale commise par certaines élites dirigeantes mais surtout par les multinationales du Nord (notamment dans le domaine des industries extractives). En effet, selon les estimations les plus sérieuses (Global Financial Integrity, repris par la CNUCED, Banque Mondiale,…), lorsque les pays de Sud (émergents compris) reçoivent un euro d'APD, ils voient dans le même temps 5 à 10 euros quitter leurs économies de façon illégale, en clair l'argent de l'évasion et de la fraude fiscale. f. Aider les sociétés à construire des puissances publiques légitimes. Le développement dépend largement de la légitimité et de la volonté politique de l’Etat et des moyens financiers et humains de celui-­‐ci-­‐ci. Or, l’instabilité sociale et politique, l’absence ou la faiblesse de l’Etat de droit, les conflits et plus généralement toutes les situations « d’économie de guerre », de prévarication, violente ou non, des ressources et d’exploitation des individus constituent des obstacles significatifs au développement, dans la mesure où ils empêchent ou fragilisent les dynamiques de développement (éducation, santé, environnement,

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emploi, entreprenariat, etc.)2. Toute la complexité vient de cette diversité de situations et des espaces d'immunités que se ménagent les criminels, qu'ils exercent dans des Etats faillis ou qu'ils en prennent la tête, qu'ils échappent à la répression en passant les frontières ou en corrompant les dirigeants. L’absence de contre-­‐pouvoirs efficaces, ne permet pas d’influer suffisamment sur les politiques nationales. En ce sens, le non-­‐respect des droits de l’homme va souvent de pair avec une absence de volonté de promouvoir le développement humain. La question des capacités se pose ainsi clairement. Concevoir une politique de développement cohérente et réaliste nécessite des compétences régaliennes que certaines administrations ne possèdent pas. g. Oeuvrer pour renforcer les coopérations régionales aidant les pays africains à structurer leur voix sur la scène mondiale pour pouvoir peser dans le sens de leurs intérêts. La France doit se positionner clairement pour la révision des Accords de partenariat économique (APE) entre l’Union Européenne et les pays ACP, à l’instar des combats qu’ont mené les parlementaires de la gauche européenne sur le sujet, tout comme les sociétés civiles européennes et africaines, ainsi que la majorité des Etats africains eux-­‐mêmes. Ces Accords, remplacent des accords commerciaux préférentiels à l’égard des pays Afrique, Caraïbe, Pacifique, et libéralisent 80% des marchés africains pour les entreprises européennes. Trop rares sont les industries et entreprises locales de ces pays qui ont la solidité suffisante pour résister aux techniques commerciales des groupes européens. Pertes d’emplois et croissance de la pauvreté et des inégalités sont à attendre de ces mesures. De manière générale, cela ne fera qu’accentuer le fait que ces économies sont tournées vers l’extérieur et peu orientée vers la satisfaction des besoins locaux, notamment en matière de cultures vivrières, étant de ce fait en contradiction avec la nécessité de veiller à la souveraineté alimentaire sur le continent. Enfin, la manière de négocier de l’UE vise à diviser les Etats entre eux afin d’imposer des APE au cas par cas, brisant les cadres collectifs de concertation qui avaient été constitués entre les Etats africains. Cette méthode est contraire aux engagements de l’UE pris dans le cadre du partenariat stratégique UE-­‐Afrique qui visait à renforcer les institutions régionales et continentales. En tant que socialistes, nous avons aussi à défendre l’idée des solidarités régionales qui sont aussi les premiers espaces de coopération. h. Soutenir des politiques agricoles favorables à la sécurité et à la souveraineté alimentaires. L'augmentation des prix agricoles a eu pour conséquences d'augmenter la production par une stratégie d'augmentation des surfaces cultivées (déjà fortement en augmentation du fait des nouveaux investissements dans les agro-­‐carburants), portant gravement atteinte à la biodiversité naturelle des écosystèmes existants (déforestation en particulier). L'une des stratégies à l'œuvre consiste en l'accaparement des terres arables par des Etats (Arabie saoudite, Lybie, Chine, Inde, Qatar, Corée du Sud, etc.) par des achats ou des locations de type emphytéotique auxquels résistent difficilement

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: exploitation de l'or et du diamant congolais par les affidés des régimes rwandais et ougandais, opium des "seigneurs de la guerre" afghans, détournements des revenus pétroliers par les oligarques d'Afrique centrale, privatisation des ex-entreprises soviétiques de Russie au seul profit d'une infime minorité, la liste est loin d'être exhaustive…

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les pays les plus pauvres (Ethiopie, Soudan, Cambodge, Laos, etc.). Ces Etats utilisent le plus souvent leurs fonds souverains pour ces achats L'objectif des ces rachats massifs, pratiqués depuis quelques années déjà par des grandes multinationales (Michelin, Firestone...) est double : d'une part sécuriser les approvisionnements en céréales ; d'autre part faciliter l'accès aux agro-­‐ carburants (canne à sucre, huile de palme, etc.). Or, outre les atteintes à la souveraineté des peuples ainsi dépossédés d’une parte de leurs terres, les monocultures intensives générées ont des conséquences lourdes : elles appauvrissement des terres, elles développent de l'emploi saisonnier au lieu d'emplois agricoles durables, elles risquent, enfin, de nourrir des conflits avec les populations. Enfin, elles risquent d'aggraver fortement les prévisions déjà pessimistes du GIEC : hausse des températures une fois et demi supérieure à la moyenne mondiale ; fréquence des sécheresse et des inondations ; diminution de la couverture végétale des sols par la biomasse ; réduction, voire disparition, des eaux de surface.... i. Inscrire dans la Charte des Nations unies le droit des peuples à assurer leur sécurité alimentaire. ii. Agir en faveur de la « relocalisation » des productions agricoles à la fois pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre et pour garantir la sécurité alimentaire des peuples. iii. Mise en place de mécanismes de régulation protecteurs pour les pays : reconstitution et transparence du niveau des stocks, lutte contre la spéculation par la constitution de stocks stratégiques gérés au niveau multilatéral, stabilisation des prix des denrées alimentaires, encadrement et régulation des achats internationaux de terres agricoles. i. j.

Sur le plan de la santé, défendre en priorité un accès pour tous aux médicaments de dernière génération. Créer une banque euro-­‐méditerranéenne de co-­‐développement et d’investissement. Cette institution, en associant les pays partenaires au capital et à la gestion des projets, les rendrait ainsi copropriétaires et coresponsables de l’action menée sur place. Elle serait également, au même titre que la gestion commune du bassin méditerranéen, un premier socle solide pour la relance du projet historique d’une union entre les deux rives de la Méditerranée.

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2. Renouveler la Francophonie La consolidation de la francophonie, et la défense des cultures francophones, peut constituer un véritable espace de coopération culturelle, scientifique et éducatif qui relève autant de l’intérêt de la France qu’elle peut constituer une réponse en matière de coopération. Il s’agit même d’un intérêt stratégique majeur tant il est vrai que la France n’aura pas les mêmes capacités d’investissements que la Chine. De plus, promouvoir et développer la francophonie peut constituer un moyen de dépassement des traumatismes post-­‐ coloniaux car elle rassemble du Québec à la Tunisie en passant par la France, la Belgique et le Sénégal. Enfin, une telle ambition repose sur une vertu essentielle : l’égalité de patrimoine (la langue).

Sur les 200 millions de locuteurs à titre principal, la moitié (96,2 millions) vit en Afrique et ce continent est, de loin, le principal espace de progression. Le dynamisme démographique de l’Afrique permet d'envisager 700 millions de francophones dans le monde en 2050, selon les projections... et à la condition que la France se donne les moyens, politiques culturels et économiques, de faire progresser note langue commune. Car la francophonie reste fragile : le français n’est langue première que dans une douzaine d’Etats, sur les quelques soixante-­‐dix membres de l’OIF… Les pays et peuples de l’Afrique francophone sont demandeurs d’une refondation de notre relation, ce formidable potentiel est chaque jour en régression. Abou Diouf, cité par Le Monde du 23 mars 2010, déplore le manque d'intérêt des Français pour la francophonie: "On a l'impression que ce combat n'est pas le combat des Français, que les Français ne sont pas des francophones". C’est un sentiment négatif qui se développe à notre endroit de la part des autres pays francophones : - à cause du retrait des investissements et du recul volontarisme culturel français - à cause des politiques migratoires (et de visa en particulier) de plus en plus restrictives et humiliantes qui a deux conséquences : o rancœur grandissante des futures élites à l’égard de la France o faiblesse de l’attachement des populations à ce que nous avons encore en partage et qui est voué à disparaître en un siècle si rien n’est fait.

Par delà la dimension culturelle et géo-­‐stratégique, la francophonie peut constituer une porte d’entrée sérieuse pour fonder des pans entiers de notre politique migratoire.

Propositions : (NB : ne sont pas développées ici les propositions visant à la défense de la langue française sur le territoire national. Seuls les aspects relevant de la politique extérieure, en lien avec le rayonnement culturel de la France ou le renforcement des coopérations entre la France et des pays tiers ont été retenus). 1) Mettre en place une politique commune d’appartenance par la construction d‘un Espace francophone par l’adoption d’un « passeport culturel » de la francophonie. 2) Multiplier les Maisons de la Francophonie, co-­‐gérées notamment avec les collectivités locales, qui favorisent une meilleure connaissance du monde francophone, facilitent les informations aux détenteurs du passeport francophone, relaient les programmes de formation et d’échanges, valorisent les initiatives culturelles, etc…

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3) Fonder une Agence francophone de l’Education et pour la coopération éducative, et mettre en place un programme « Erasmus » francophone. 4) Créer un véritable programme de « Visiteurs internationaux », à l’instar de ce que pratiquent aujourd’hui intensément les Etats-­‐Unis et la Chine, afin de permettre à des élites, en particuliers dans la jeunesse, de découvrir notre pays (et de différents pays de l’espace francophone) et d’ancrer durablement les liens culturels, politiques et économiques.

5) Renforcer l’espace médiatique francophone pour faire connaitre la Francophonie

et faire des médias de langue française (et des cultures francophones) des concurrents sérieux à CNN et à Al Jazeera. Cela passe par une gouvernance partagée de ces médias.

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