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Forum Outremers Intervention de Martine AUBRY 27 avril 2011 (Seul le prononcé fait foi) Chers amis, chers camarades, J’adresse un merci très chaleureux à Jean-Paul Huchon pour son accueil dans l’hémicycle de la région Ile-de-France. Son attachement aux outremers est connu, il est vrai qu’il n’a jamais oublié ses origines martiniquaises. Ce lieu, cher Jean-Paul, n’a pas été choisi par hasard : nous ne sommes pas Outremer, malheureusement - mais nous surveillons notre bilan carbone ! -, mais nous sommes au cœur de la Région Ile-de-France, que l’on a souvent appelé le 5 ème DOM en référence aux centaines de milliers d’originaires de l’outremer qui se sont installés dans l’hexagone - mais il nous faudra, chers amis Mahorais, compter dorénavant jusqu’à 6ème. Permettez-moi, d’abord, de vous remercier, toutes et tous, d’être venus si nombreux, et pour beaucoup de si loin, à ce Forum des Idées du Parti socialiste consacré aux Outremers. Je veux, ici, accueillir nos fédérations des Antilles et de la Guyane, de la Réunion et de Mayotte, nos élus et représentants de Saint-Pierre-etMiquelon et de Nouvelle-Calédonie. Je veux aussi, et c’est bien normal, saluer la présence de nos cinq parlementaires, Victorin Lurel, député de la Guadeloupe et seul président de conseil régional à avoir été élu - que dis-je ! - réélu, dès le 1er tour de scrutin, en mars 2010, Louis-Jo Manscour, député de la Martinique, militant depuis toujours d’un parti socialiste qu’il a rejoint dès 1972, l’homme de tous les grandes heures du Parti socialiste, Jean-Claude Fruteau et Patrick Lebreton, députés de la Réunion, et je n’oublie pas Patrice Tirolien, notre député au Parlement européen. Je salue Gilbert Annette, maire de Saint-Denis qui m’a accueillie chaleureusement avec tous les élus de la Réunion lors de mon passage à la Réunion en 2010, et avec lui tous les maires et élus socialistes d’Outremer. Je salue enfin Ségolène Royal et tous les dirigeants du Parti Socialiste qui m’accompagnent. Tous les socialistes des Outremers sont là ! C’est, pour la Première secrétaire du Parti socialiste, un vrai bonheur de vous accueillir aujourd’hui. J’ai 1


le bonheur tout aussi grand d’accueillir, au nom de tous les socialistes, nos partenaires de la gauche d’outremer, qui est aussi présente ici aujourd’hui. Vous savez le prix que j’attache au rassemblement de la gauche. Les Français attendent de nous que nous soyons unis et solidaires. C’est la clé de l’alternance en 2012. Outremer, plus qu’ailleurs, la gauche républicaine est diverse. Cette pluralité, cette diversité sont aussi riches que le sont les Outremers eux-mêmes. Je vous accueille dans le respect de vos identités, de vos histoires, de vos parcours. Je vous accueille aussi, en fraternité, en solidarité et en amitié. Je ne peux, ici, tous vous citer. Qu’il me soit permis, cependant, de saluer, parmi nous, la présence du président Paul Vergès, Christiane Taubira, députée de Guyane, dont les combats honorent toute la gauche. Je salue aussi nombre de parlementaires, nationaux ou européens, Chantal Berthelot, députée de Guyane, Jeanny Marc, députée de Guadeloupe, Elie Hoareau parlementaire européen… et tant d’autres. Parmi tous nos invités, j’aurai un mot particulier pour deux d’entre vous dont la présence est symbolique et de bon augure. D’abord, pour Daniel Zaidani, nouveau président du conseil général de Mayotte, élu à la tête d’une majorité de progrès, grâce au vote sans ambiguïté des Mahorais. Merci à toi, Daniel, plus jeune président du plus jeune département – le 101ème - de la République ! Ensuite, pour Oscar Temaru, redevenu le légitime président de la Polynésie française. Pour tous nos concitoyens de Polynésie, qui en ont assez, je souhaite que cessent enfin ces manœuvres permanentes, orchestrées depuis Paris dont le seul but aura été, depuis l’origine, de contester l’alternance démocratique et le changement intervenus en Polynésie française en 2004. *** Nous sommes aujourd’hui le 27 avril 2011. C’est la date anniversaire du décret Schœlcher abolissant l’esclavage, le 27 avril 1848. Vous le savez, la République a fait du 10 mai « le jour des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions ». Le 10 mai, date d’adoption par le Parlement de la loi portée avec fougue et talent par Christiane Taubira, loi reconnaissant, enfin, l’esclavage et les traites négrières comme des crimes contre l’humanité. Mais, puisque nous parlons du 10 mai, j’en évoque un autre dont s’approche le 30 anniversaire : le 10 mai 1981, élection de François Mitterrand à la Présidence de la République. Je n’oublie pas en effet que le jour de son investiture, François Mitterrand s’est rendu au Panthéon pour y déposer 3 roses sur 3 sépultures. Parmi celles-ci, aux côtés de celles de Jean Jaurès et Jean Moulin, il y eut celle de Victor Schœlcher. ème

De Victor Schœlcher, Aimé Césaire a écrit : « L’œuvre de Schœlcher, ce sont des milliers d’hommes noirs se précipitant aux écoles, se précipitant aux urnes, se précipitant aux champs de bataille, ce sont des milliers d’hommes noirs accourant partout où la bataille est de l’homme ou de la pensée.. » Schœlcher au Panthéon et, désormais, Césaire ! Je l’ai dit, au nom de tous les socialistes, je me suis associée sans réserve à l’hommage national qui fut rendu à Aimé Césaire par la République. Je l’ai fait avec un 2


message clair. Rendre hommage à Césaire, c’est rendre hommage à son œuvre, et cette œuvre fut un cri ! Césaire fut le procureur inspiré du colonialisme dans son célèbre "discours" que chacun gagnerait à relire : « je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, de cultures piétinées, d’institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées. » Mots durs ! Mots implacables ! Mots justes ! Mots du poète quand ils servent les combats les plus nobles ! Nos outremers portent encore, dans leurs chairs, dans leurs cœurs, dans leurs esprits, la marque du système colonial. Je récuse cette alliance des contraires, la "République coloniale", qui proclame des idéaux de liberté, d’égalité, de fraternité, mais les refuse à des peuples qu’elle osa dénommer "indigènes", quand du seul fait de la force, leurs territoires leur échappaient. « Parler à ce propos de civilisation, c’est joindre à la violence, l’hypocrisie (…) » disait Clémenceau à propos des expéditions coloniales. Mots qui sonnent condamnation de l’apologie des bienfaits de la colonisation, qu’une loi indigne de 2005 prétendit faire. Mots qui sonnent condamnation tout aussi sans appel du discours sur cet homme africain « qui ne serait pas entré dans l’Histoire », prononcés à Dakar. Il s’agit de justice et de vérité. La République coloniale est une République qui se trahit elle-même. Le moins qu’elle puisse faire, c’est de le reconnaître, pour qu’à nouveau, chacun lui fasse confiance, pour qu’à nouveau, elle-même, se fasse confiance. Les Outremers français attendent, à raison, que la promesse d’égalité réelle soit tenue. Si les Outremers, de Delgrès à Césaire, de la France libre à la Première armée de Provence, n’ont jamais fait défaut à la République, l’inverse ne fut pas toujours vrai. Je le dis alors qu’un enfant de la Réunion, le 4 ème, vient de mourir pour la France en Afghanistan. Je ne prendrai qu’un exemple. Entre 1960 et 1996, la France aura effectué l’essentiel de ses essais nucléaires– 193 sur 210 - en Polynésie française. Longtemps, l’Etat a nié les conséquences sur les personnes de ces essais. Il s’est battu devant les tribunaux contre toutes les demandes de dédommagement présentées. Il lui aura fallu 50 ans pour reconnaître que ces essais nucléaires avaient causé des contaminations. 150 000 personnes ont travaillé sur ces sites, des milliers d’habitants de Polynésie ont pu être affectés. La loi du 5 janvier 2010 certes a eu le mérite de rompre avec un demi-siècle de déni, sinon de mensonge. Mais son décret d’application et les procédures humiliantes qui en résultent ont été critiqués tant par l’Assemblée de Polynésie que par les associations de victimes. Dans la foulée de la proposition de loi sénatoriale qu’avec toi, Richard (TUEHEIAVA, sénateur Tavini, app. PS de Polynésie), le groupe socialiste a déposée, nous prenons, ici, l’engagement de revoir les dispositions controversées en concertation avec les représentants de la Polynésie française. 3


Nous devons tourner définitivement cette page. La tourner, ce n’est pas l’occulter, car je considère comme un devoir essentiel d’en garder la mémoire ! Nous débattrons de ces sujets dans un moment, mais je veux déjà vous dire que le Parti socialiste accueillera favorablement toutes les initiatives et propositions qui iront dans ce sens, celui de la vérité des faits, des mots, des actes. Une double conviction m’anime que j’espère vous partagerez. D’abord, un pays se grandit toujours à assumer l’intégralité de son récit national. Cela exige qu’il enseigne à ses enfants toutes ses pages, sans en omettre aucune. Ensuite, un pays comme la France a besoin, pour que son histoire soit partagée, que chacun ait aussi ses lieux de mémoires. La République coloniale, ce fut aussi la négation de la culture et de l’identité de l’autre. Par mépris et irrespect. Mais aussi, par méconnaissance profonde de ce qu’est la République. La République que nous aimons n’est pas la négation des identités culturelles qui font la richesse de notre patrimoine commun. C’est tout l’inverse. Elle réunit des citoyens soumis à des règles communes, mais libres de leurs identités comme de leurs croyances philosophiques et religieuses. Edouard Glissant, qui nous a quittés, aimait à dire qu’ « aucune culture, aucune civilisation n’atteint à plénitude sans relation aux autres ». Bien des pistes sont ainsi ouvertes. Je pense bien sûr à la défense des langues régionales des Outremers, partout constitutives de leurs identités, des différents créoles aux langues polynésiennes. Je crois à la nécessité de mettre en œuvre, partout outremer, des plans volontaristes de valorisation des patrimoines des Outremers, matériels et immatériels. Il nous faudra aussi donner aux collectivités davantage de pouvoirs et de moyens en la matière, car une politique de valorisation des cultures des Outremers doit s’ancrer dans les territoires et être donc davantage sous leur responsabilité directe. Cette valorisation des cultures des outremers, à laquelle, tous ici, vous êtes attachés, passe aussi par des projets ambitieux, de rayonnement national et international. Des projets existent, par exemple en Guadeloupe, je pense, cher Victorin Lurel, au "Mémorial ACTe" (futur Centre caribéen d’expression et de mémoire de l’esclavage). Je crois important que l’Etat les accompagne et partage l’ambition des collectivités, comme nous avions su le faire pour le Centre culturel Jean-Marie Tjibaou, en Nouvelle-Calédonie. Mettre fin à la République coloniale, c’est donc aussi gagner pacifiquement la bataille des idées et des cultures. *** J’ai vu que vous alliez aborder cet après-midi la présence du cartiérisme, cette doctrine popularisée par un journaliste aujourd’hui oublié des années cinquante, Raymond Cartier, qui prônait « plutôt la Corrèze que le Zambèze ». 4


L’Outremer coûte cher, voici la rengaine de la droite ! Et comme il s’agit de donner une justification idéologique à ce qui est un désengagement et une discrimination, on prétend qu’on risquerait de développer l’assistanat dans des économies que l’on caricature, en les disant incapables de se prendre en main et de trouver leur voie. Cette thèse est une faute politique, elle n’est pas digne de responsables politiques quand ils réfléchissent à l’avenir. Faute politique, car son postulat implicite est qu’il y aurait outre-mer des Français de seconde classe, « entièrement à part » disait Césaire, pour lesquels on pourrait baptiser assistanat ce qui, ailleurs, se dénomme solidarité. On assigne aux collectivités d’outremer un objectif d’autosuffisance que ne remplissent nullement la très grande majorité des régions de l’hexagone ! Faute politique encore, parce que les apports des Outremers au rayonnement de la France et à son rang international, à sa compréhension du monde, donc à sa capacité d’influence, sont d’autant plus incomparables qu’ils ne sont pas quantifiables. Je veux dire haut et fort, que pour nous, les Outremers ne sont pas des entités extérieures à l’ensemble français, et que sans les Outremers, notre pays ne serait plus aussi grand et aussi influent dans le monde. Faute politique enfin, parce que dans notre République, il est des écarts de revenus et de conditions économiques qui sont insupportables. Les outremers le vivent de manière amplifiée. Depuis 2007, les mouvements sociaux n’ont jamais cessé de le rappeler. La vérité des prix et des revenus exprime une réalité quotidienne que personne ne peut subir en silence. Le rôle des socialistes, leur rôle historique, c’est de réduire ces écarts, entre les individus ou entre les territoires, a fortiori dans le cas des Outremers, quand ils proviennent du seul fait que les individus qui les subissent vivent sur ces territoires. C’est ainsi que nous avons fait, nous la gauche, l’égalité sociale ! C’est ainsi que nous nous attaquerons à la question du pouvoir d’achat. Nos choix sont clairs, sans états d’âme, outremers comme en métropole. Le blocage des loyers, la maitrise de la facture d’énergie, la fiscalité, les négociations salariales, le SMIC, l’encadrement des échelles de salaires seront mobilisés pour reconquérir la justice sociale. Mais il y a des dispositions spécifiques à prendre dans chacun des territoires d’outremer. L’égalité des droits sociaux est là, mais pas celle de leur pouvoir d’achat parce que les prix sont supérieurs. Des solutions existent, nous allons en débattre tout à l’heure, je pense par exemple à des accords qui pourraient être passés avec la grande distribution pour garantir les prix de paniers de biens nécessaire pour vivre dignement. Aujourd’hui, le refrain du pouvoir devient l’incantatoire « prenez-vous en charge ». Soyez-en sûrs, ce n’est pas l’éloge de l’autonomie ! Nicolas Sarkozy l’a traduit par : « nous n’avons plus les moyens de vous garder sous cloche ». Ce laisser-faire sans précédent est assumé par celui-là même qui est chargé de veiller à ce que la France demeure cette République qui assure « l’égalité devant la loi de tous (ses) citoyens sans distinction d’origine ». Une fois n’est pas coutume, Nicolas Sarkozy a joint les actes à la parole. Depuis 2007, le seul budget du ministère de l’Outremer aura connu une baisse avoisinant le 5


milliard d’euros. En 2011, la mise en œuvre des principales décisions concernant les Outremers se traduit par une baisse de crédits deux fois plus importantes que pour le budget de l’Etat. *** Nous allons mettre fin à cette politique ! Nous allons renouer avec la politique d’égalité républicaine en proposant à chaque collectivité d’outremer, dans le cadre juridique et économique qui lui est propre, un nouveau pacte de croissance et de solidarité. Et au cœur de ce pacte, il y a un nouveau modèle de développement, économique, social et écologique. C’est notre projet pour 2012. Ce nouveau modèle, nous le voulons pour les Outremers comme pour la métropole. Pour cela, il nous faut définitivement intégrer que nos départements d’outremer sont, à la Guyane près, des « petites économies insulaires », dont le développement et les échanges sont structurellement contraints par l’éloignement et les limites des marchés intérieurs. - La taille étroite du marché intérieur, qui rend insuffisantes les économies d’échelle essentielles à de nombreux secteurs industriels, ce qui incite à importer les produits correspondants. - L’éloignement, qui induit des coûts de transport élevés, handicapant ainsi la compétitivité externe, donc les exportations. - Pour l’essentiel, nos Outremers sont dépourvus de ressources minières, à l’exception du nickel en Nouvelle-Calédonie, même si des potentialités sans doute insoupçonnées existent, qu’il s’agisse des plateaux continentaux, ou bien sûr des ressources de l’immense Guyane. La « balance commerciale des Outremers », pour autant que cette notion ait un sens, est donc mécaniquement déséquilibrée. Le constater comme une évidence ne préjuge en aucun cas de la performance économique de nos Outremers, a fortiori quand ceux-ci – c’est le cas de la Réunion – n’ont pas achevé leur transition démographique. Notre problème, ce n’est donc pas la balance commerciale des Outremers, notre problème, c’est le développement des Outremers. C’est donc en jouant leurs atouts propres que tous réussiront, plus que dans le mimétisme d’un développement uniforme, standardisé, oublieux des richesses réelles de chacun. Mais ce nouveau modèle doit être à l’écoute des besoins de proximité comme de ceux la planète. Les Outremers sont mieux préparées qu’on ne le croit pour y répondre. Armons-les ! - Dans une économie de la connaissance et un monde en réseaux, le premier investissement outremer doit être dans l’éducation et la formation. Nous devons nous fixer pour ambition que les DOMs excellent dans « l’économie du savoir ». La première richesse des outremers est humaine. Donnons au plus grand nombre les moyens d’innover, la capacité d’entreprendre. Misons aussi sur la révolution numérique, dont vous avez détecté plus tôt que d’autres les intenses potentiels, rebat les cartes de la géographie. Les câbles qui vous connectent au monde entier permettent, chaque jour un peu mieux d’exposer les cultures, de former les jeunes, de défendre des destinations touristiques ou de promouvoir des productions locales. Décoloniser internet, c’est un enjeu moderne ! 6


- Dans un monde en profonde transition énergétique, je veux aussi évoquer le chantier majeur des énergies renouvelables, comme l’ont écrit, à juste titre, nos parlementaires. Qu’on songe à l’énergie solaire, aux énergies de la mer, à la bagasse ou à la géothermie, le potentiel des Outremers est considérable. Il est donc de l’intérêt de notre pays tout entier, pour des raisons économiques comme écologiques, de se donner avec les Outremers des objectifs ambitieux de transition énergétique : la fin programmée des énergies fossiles – pour l’essentiel importées outremer dans des conditions de monopoles contestables – et, à portée de main, dans moins d’une génération si on s’y prépare aujourd’hui, l’autonomie énergétique Avec, dans la foulée, la possibilité –en termes de recherche-développement et d’innovations- de faire bénéficier l’hexagone de formidables retours d’expérience. - Dans une économie mondialisée, la France à la chance à travers à ses Outremers d’être présente aux quatre coins du monde. Nous devons transformer cet atout géographique en nous donnant les moyens d’entrainer et convaincre les grandes entreprises de notre pays qu’elles peuvent trouver là des bases solides et sûres –des « têtes de pont » pour reprendre l’expression de nos parlementaires - dans la mondialisation. On le voit, les pistes ne se tarissent pas si on recherche des solutions, et des projets. J’en cite d’autres sans les développer ici. - Il y a bien sûr le tourisme : malgré leurs atouts naturels, comme en termes d’infrastructures, nos Outremers souffrent du fait que les touristes francophones ou européens sont pour l’essentiel les plus éloignés de nos Outremers. En concertation avec tous les acteurs locaux, l’Etat se doit donc d’étudier sérieusement –enfin !- toutes les options qui permettront de redonner aux Outremers un avantage comparatif en matière de liaisons avec l’Europe, pour abaisser significativement le coût du transport aérien. Ces mesures seront aussi profitables aux centaines de milliers d’ultramarins qui vivent en métropole et pour lesquels, il est aujourd’hui réellement prohibitif. - Il y a également, dans un tout autre domaine, la valorisation de la biodiversité. Elle est continentale en Guyanne, dont c’est véritablement « l’or vert. » Elle est insulaire et marine partout. C’est pour la recherche mondiale un capital précieux, qu’il faut maitriser. Ces écosystèmes préservés, si nous savons soutenir leur mise en valeur, intéressent des formes d’agriculture originales, l’alimentation, la santé et les cosmétiques. - Je voudrais enfin évoquer une question qui m’est chère, vous le savez, la culture. La diversité culturelle des outremers constitue aussi un axe de développement. Il s’agit d’un secteur qui par la créativité particulière dont ils font preuve et par les influences multiples dans lesquelles ils sont plongés, peut permettre aux outremers de rayonner mondialement. Les activités de l’audiovisuel, du cinéma, de la musique créent des emplois. L’économie créative est une économie à part entière. * On le voit, les potentialités de développement sont nombreuses, encore faut-il que la puissance publique soit là pour donner les impulsions nécessaires. Je l’ai dit 7


lors de la présentation du projet des socialistes pour 2012, la France a besoin d’un Etat stratège. Et pour cela, il lui faut des nouveaux outils d’intervention. Un bras armé pour agir. C’est la raison pour laquelle nous avons fait cette proposition de création d’une Banque Publique d’Investissement, qui se déclinera localement sous forme de fonds régionaux cogérés avec les Régions. Les Outremers seront bien sûr concernés, au premier chef j’allais dire, compte tenu des nécessités. Dans ce cadre et au-delà, nous devrons imaginer, avec les collectivités que vous représentez, des outils financiers originaux et adaptés, pour inciter l’épargne locale à se mobiliser sur des projets de développement locaux et pour répondre à la sous-capitalisation de la plupart des entreprises. Je parlais tout à l’heure de pouvoir d’achat et d’accès aux produits de première nécessité, c’est dans ce cadre aussi que nous interviendrons dans le domaine de la distribution et de l’import-distribution ; je sais, cher Victorin, que tu mènes des expériences dans ce domaine qui pourront nous inspirer. Sur le plan des outils pour favoriser l’emploi, face à la situation dramatique des Outremers au regard du chômage, en particulier celui des jeunes, je veux affirmer notre volonté qu’au plan national comme au plan européen, seront explorées toutes les possibilités juridiques qui permettront de mieux protéger l’emploi local outremer. J’évoque, ici, l’octroi de mer, cet impôt vital. Son régime actuel doit impérativement être reconduit à Bruxelles en 2014. Mais je pense aussi à des clauses spécifiques dans les marchés publics. Avant d’affirmer que rien ne peut être fait, il faudra qu’on nous le démontre, à Paris comme à Bruxelles. Nous devrons aussi réhabiliter l’investissement public outremer, en particulier pour le logement, les équipements sociaux et collectifs mais aussi les grands équipements structurants comme les infrastructures de transports, notamment collectifs. Je veux aussi évoquer la nécessaire implication de l’Etat dans le plan sismique : les collectivités locales n’y arriveront pas seules, le retard pris par l’Etat dans ses engagements n’est pas acceptable. Nous partirons des réalités locales, et non des schémas hexagonaux. Ainsi, certains retards d’équipements publics, dont souffrent les Outremers appelleront un engagement spécifique de l’Etat, même si celui-ci a cessé dans l’Hexagone. Le meilleur rattrapage est celui qui se conduit de façon opiniâtre, année après année, en gardant le cap. * J’entends déjà les critiques de la droite. Outremer, la dépense publique est de retour ! Comme ceux qui nous gouvernent n’étaient pas disqualifiés, après 10 ans de déficits dont 5 de gabegie absolue, pour nous donner des leçons de rigueur. Cette querelle fera long feu. Outremer aussi, notre projet tiendra compte des contraintes budgétaires que la droite, davantage que la crise, nous aura laissées. Nous réexaminerons donc les moyens actuels dont nous disposons, non pour les réduire, mais pour les redéployer au service des deux objectifs que j’évoquais à l’instant : le développement durable et la création d’emplois. Les dispositifs d’exonérations de charges sociales patronales, les aides à l’exploitation, la 8


défiscalisation, les aides à l’investissement privé, tous ces moyens doivent être concentrés dans ce but. Les socialistes sont convaincus de la nécessité de soutenir les investissements privés outremer. Ce soutien peut être d’ailleurs budgétaire ou fiscal. Mais nous devons garder à l’esprit trois préoccupations ; - Comment justifier qu’on finance outremer par la défiscalisation, c’est-à-dire l’initiative privée (fut-elle incitée), ce qui relève dans l’Hexagone d’une action publique, volontariste et budgétaire ? Je pense, chacun l’aura compris, au logement social. - Les dépenses fiscales ont le grand inconvénient d’être régulables et réduites à bas bruit dans le secret des couloirs de Bercy. Outremer, vous savez de quoi je parle… - Soutien fiscal aux investissements, pourquoi pas, mais à condition de privilégier les entreprises des Outremers, et non les intermédiaires de l’hexagone. C’est cela la différence entre une défiscalisation de droite et une défiscalisation de gauche, n’est-ce pas, cher Christian Paul ? * Ces nouveaux pactes de développement et de solidarité concerneront tous les outre-mers, y compris les petits territoires qu’on oublie trop souvent. J’évoque, ici, Saint-Pierre-et-Miquelon dont nous défendrons, chère Karine (CLAIREAU, maire de Saint-Pierre), les intérêts s’agissant de son plateau continental ou Wallis-et-Futuna pour qui, 50 ans après l’adoption du statut de 1961, cher Albert (LIKUVALU, député app. PS de Wallis-et-Futuna), nous allons imaginer ensemble un autre modèle que celui fondé sur l’émigration au point qu’aujourd’hui, sa diaspora est plus nombreuse que sa population. Chers camarades, avec des stratégies communes en regardant le monde tel qu’il est et avec le courage d’agir pour ne pas subir, j’en suis convaincue, nous pouvons réussir à redresser la France, hexagone comme Outremers ! *** Avant de conclure, permettez-moi de dire quelques mots sur les questions institutionnelles. La règle de conduite qui est la nôtre est claire : respecter la volonté des populations, et accroître la décentralisation Ainsi, nous n’avons aucune raison de revenir sur les principes fondamentaux de la loi d’orientation du 13 décembre 2000, votée à l’initiative du gouvernement de Lionel Jospin et que Jacques Chirac, après les avoir combattus, s’était résolu – en partie au moins - à introduire dans la Constitution. Ces principes sont simples : oui au droit à l’évolution statutaire dans la République à condition que soit recueilli, par référendum, le consentement des populations intéressées. Nous ferons vivre ces principes en revenant à l’esprit qui présidait alors : des consultations claires et loyales, ce qui suppose que les grandes lignes du changement statutaire proposé soient connues avant la consultation, et non ultérieurement. Droit à l’évolution dans la République comme droit à privilégier le droit commun, en évitant que ce dernier ne conduise à des situations aberrantes. Tel serait le cas si devait prospérer le projet gouvernemental du "conseiller territorial", mais je rassure 9


tout de suite nos amis réunionnais et guadeloupéens, ce n’est pas du tout dans cette hypothèse que se projettent les socialistes, pas plus en 2012 qu’en 2014. Nous abrogerons cette loi « ni faite ni à faire », pour engager un véritable acte III de la décentralisation. Et à la différence du pouvoir en place, nous n’avons aucune intention de nous servir des questions institutionnelles outremer ni pour faire peur – en brandissant comme l’a souvent fait le chef de l’Etat, au mépris de la Constitution, le spectre de l’indépendance, ni pour tenter d’influer sur les échéances politiques au seul profit de clientèles électorales. Quelques mots avant de finir concernant plus particulièrement la NouvelleCalédonie et Mayotte. Dans sa Lettre à tous les Français, en avril 1988, François Mitterrand écrivait à propos de la Nouvelle-Calédonie : « (…) Les deux communautés face à face n’ont aucune chance d’imposer durablement leur loi, sans l’autre et contre l’autre, sinon par la violence, et la violence elle-même atteindra ses limites. ». Le piège de l’affrontement n’a pas été évité, à Ouvéa. Réélu, François Mitterrand a voulu que la NouvelleCalédonie retrouve la paix. Michel Rocard a signé les Accords de Matignon, en juin 1988, avec Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur. Dix ans plus tard, le 5 mai 1998, Lionel Jospin signait avec Jacques Lafleur et Roch Wamytan, l’Accord de Nouméa. Entre 2014 et 2018, c'est-à-dire durant le prochain mandat présidentiel, la consultation prévue par l’Accord de Nouméa sur l’accession de la NouvelleCalédonie à la pleine souveraineté devra être organisée. D’ici là, il faudra appliquer pleinement l’Accord qui ne l’a été que partiellement, et avec retard, depuis 2002. Sur la base du bilan qui va être établi, en 2011, il reviendra à l’Etat de contribuer, avec les partenaires locaux, à accélérer cette mise en œuvre, spécialement sur la reconnaissance de l’identité kanak, les transferts des compétences, le rééquilibrage de la formation, des équipements et des services publics au profit des régions et des populations les plus fragiles, notamment des jeunes, et une insertion plus forte de la Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique Sud. Il est impératif de réduire des inégalités économiques et sociales, dont le caractère persistant, voire aggravé, menace la cohérence de la société calédonienne et, par suite, le maintien de la concorde établie par les accords de Matignon et de Nouméa. Enfin, cher Daniel (ZAIDANI), cher Ibrahim (ABOUBACAR, 1 er fédéral de Mayotte) et vous tous, amis de la délégation mahoraise, je veux évoquer Mayotte qui vient de choisir par référendum de devenir le 101 ème département français. Je veux rappeler à la mémoire défaillante du Président de la République que ce processus – qui a permis aux Mahorais de choisir librement leur statut dans la République - a été ouvert par la gauche : c’est le gouvernement Jospin qui, par les Accords du 27 janvier 2000 et le référendum du 11 juillet suivant qui les a approuvés, a dessiné l’évolution institutionnelle, que pendant ¼ de siècle et à des fins électorales, la droite avait soigneusement écartée. La population de Mayotte ne s’y est pas trompée, qui a confié la gestion du tout nouveau département à la majorité progressiste que tu diriges, cher Daniel. Reste qu’aujourd’hui, le plus dur reste à faire, à Mayotte, que la droite laisse sans perspectives véritables de développement économique et encore moins de 10


progrès vers l’égalité sociale. Le pacte que nous proposerons aux Mahorais, après concertation avec leurs élus, privilégiera l’éducation et la formation, en particulier pour les jeunes et les travailleurs, s’attaquera à la précarité notamment en matière de logement et de pouvoir d’achat, et jettera enfin les bases d’un développement économique et social à la hauteur des formidables retards de développement que connaît depuis trop longtemps Mayotte et qui sont, y compris en matière d’équipements publics, indignes de la République. ***

Chers amis, chers camarades. Qui parle des Outremers parle de la République. Notre refus de laisser se poursuivre ce démantèlement du modèle républicain est total, sans concession. Vous avez compris mon indignation et ma détermination ! J’aime à citer Aimé Césaire, je l’ai souvent fait, quand il écrit : « Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde ». Nous sommes à la veille d’une nécessaire offensive de civilisation, en portant nos valeurs, notre espérance, pour retrouver la justice et redresser la France Voilà pourquoi je veux tourner définitivement la page de la République coloniale, et écrire enfin, outremer comme dans l’Hexagone, celle de la République pour tous ! Je sais ce que l’alternance en 2012 signifie pour nous tous. Je sais comme vous que la victoire en 2012 passe par un projet partagé et par le rassemblement de la gauche. Pour toutes ces raisons, votre présence à tous nous donne une force supplémentaire, et me va droit au cœur. Place maintenant au débat. Je ne formule qu’un seul vœu. Que par ces mots, j’ai pu, moi aussi, combattre avec vous les pronostics fatalistes, pour qu’à nouveau, l’avenir aime les Outremers.

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