Sécurité sociale professionnelle : De quoi parle-t-on ? Comment y parvenir ?
groupe : La sécurité sociale professionnelle Animatrice : Pascale Gérard date : Juillet 2011
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Sommaire
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
I- Un objectif ambitieux
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II- L’état des lieux
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 2.1. On est très loin de l’objectif de la qualification et de la mobilité protégées pour tous . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 2.2. Des efforts visant un meilleur taux d’accès à la formation et la sécurisation des parcours professionnels. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
III- Huit chantiers et quatre groupes d’acteurs pour la « sécurité sociale professionnelle »
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IV- Huit chantiers opérationnels complémentaires
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Chantier n°1 : une « nouvelle chance » pour les jeunes sortis de l’école sans qualification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Chantier n°2 : une nouvelle étape de la réforme de la formation professionnelle . . . . . . . . . . . 10 Chantier n°3 : un compte individuel formation à deux étages, outil de l’accès à la qualification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Chantier n°4 : un accompagnement renforcé offert aux licenciés économiques, aux précaires et aux demandeurs les plus loin de l’emploi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Chantier n°5 : un service public régional de l’orientation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Chantier n°6 : une réduction significative de la précarité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Chantier n°7 : la négociation des restructurations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Chantier n°8 : une assurance-chômage étendue et l’articulation avec les minima sociaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
Conclusion
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Introduction
Pour des raisons qui tiennent non seulement à la crise financière et la récession de 2008/2009 mais aussi aux cadeaux fiscaux, le bilan économique et social des dix dernières années de gouvernement de droite est lourd : persistance du chômage de masse, aggravation des déficits publics, perte de compétitivité au sein de la zone euro, sentiment de déclassement individuel et collectif... Une politique de redressement est nécessaire, combinant effort et solidarité, promouvant la recherche et les investissements matériels et immatériels porteurs d’avenir, la cohésion sociale, la justice fiscale, et le redéploiement des charges qui pèsent seulement sur le travail. L’objectif de la « Sécurité Sociale Professionnelle » s’inscrit dans ce cadre pour investir dans les qualifications et la sécurisation des transitions professionnelles. L’objet de cette note est d’expliciter cet objectif ambitieux, l’état des lieux en la matière, les chantiers à ouvrir pendant les cinq prochaines années, et l’interaction souhaitable des différents acteurs publics et sociaux pour y parvenir.
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I- Un objectif ambitieux
La question de la protection des transitions professionnelles a été posée dès les restructurations des années 1960 liées à la mise en place du marché commun. L’accord national interprofessionnel du 10 février 1969 suggère que les entreprises fassent des prévisions pour éviter les licenciements par la formation et la mobilité interne. L’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 9 juillet 1970 met le salarié au cœur de la formation professionnelle, pose le principe du congé de formation, et prévoit la consultation du comité d’entreprise sur le plan de formation. Le chômage de masse depuis les chocs pétroliers des années 70, la mondialisation et l’accélération des changements technologiques et organisationnels dans les années 1990 renforcent l’enjeu et en modifient les termes. Il est souhaitable de passer de la seule défense des emplois au maintien et au développement des compétences, de l’employabilité, et de la mobilité interne et externe des personnes tout au long de la vie professionnelle. Un courant de recherche en sciences sociales s’appuyant, notamment, sur les bonnes pratiques en vigueur en Europe du Nord, développe de nouveaux concepts depuis les années 1990 : « droits transférables attachés à la personne » et non au statut, selon Alain Supiot, « mobilité protégée », selon Bernard Gazier et Peter Auer, « contrat d’activité » sur un bassin d’emploi du rapport Boissonnat. Sont concernés les salariés acteurs de leurs parcours professionnels, les entreprises responsables vis-à-vis de leurs salariés et lieux d’implantation, les collectivités publiques et les partenaires sociaux pour mettre en synergie leurs leviers d’action dans les territoires. Cette perspective est sous des termes différents, celle de nombreux acteurs sociaux et politiques : « sécurité sociale professionnelle » pour la CGT,
« sécurisation des parcours professionnels » pour la CFDT, « sécurisation professionnelle » selon l’accord national interprofessionnel de juin 2011 de l’ensemble des partenaires sociaux, « continuité professionnelle » selon les Régions de gauche. La « flexsécurité », prônée par l’Union européenne, fait davantage question, du moins quand elle est comprise comme un report de responsabilité de l’entreprise en matière d’emploi sur les salariés et sur la collectivité. Le terme de « sécurité sociale professionnelle » a été retenu par le Parti socialiste. Il a l’avantage de souligner l’importance de l’enjeu par référence à la création de la sécurité sociale en 1945, complétée par l’assurance-chômage en 1958, mais ne doit pas faire perdre de vue l’objectif de la sécurisation des parcours professionnels. Plus que le terme choisi, l’important est de se mettre au clair sur l’objectif recherché à moyen terme, sur l’état des lieux car on ne part pas de rien, et sur les chantiers à ouvrir car les cinq ans qui viennent n’y suffiront pas, mais doivent permettre une inflexion profonde des objectifs et des moyens de la politique du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle. L’objectif visé en matière de « sécurité sociale professionnelle » est d’assurer « un droit à la qualification et à la mobilité protégée ». De façon plus complète, « un droit pour chacun, à l’orientation, à la qualification, à la requalification si besoin, et à la mobilité protégée en termes de revenus et d’accompagnement », un droit effectif et pas seulement de principe, dès la sortie du système éducatif et tout au long de la vie professionnelle. Il associe étroitement les différentes dimensions de la formation professionnelle et de la mobilité : formation pour l’adaptation au poste de travail ou à un emploi défini, la reconversion professionnelle, la promotion sociale ; mobilité interne et externe,
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professionnelle et géographique. On connaît dans l’entreprise la formation à la demande de l’entreprise et celle à la demande du salarié, la mobilité choisie et la mobilité subie, il y a place pour le coinvestissement formation et la mobilité construite interne et externe. De la même façon dans les bassins d’emploi, il y a place pour des compromis mutuellement gagnants sur la formation, l’emploi et la mobilité, à construire entre les entreprises, les personnes et les institutions du territoire.
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II- L’état des lieux
L’énoncé de l’objectif d’un droit pour chacun à la qualification et à la mobilité protégée montre qu’on est très loin de cette ambition aujourd’hui en France. Il est cependant fondamental pour avancer de prendre en compte le fait qu’on ne part pas de rien, 40 ans après l’ANI et la loi sur la formation professionnelle continue.
2.1. On est très loin des objectifs de qualification et de mobilité protégées pour tous : -C haque année 18 % de jeunes quittent le système éducatif sans diplôme, ce qui ne veut pas dire sans savoirs. Ils sont les plus touchés par le chômage et la précarité. Sur l’ensemble de l’année 2010, 38 % de l’ensemble des jeunes de 16 à 25 ans sont en emploi et 10 % sont au chômage, soit un taux de chômage de 21 % des jeunes actifs ; mais parmi ceux de niveau VI et V bis, 27,5 % sont en emploi et 20 % au chômage, soit un taux de chômage de 42 %1. à l’ère de la société de la connaissance, la situation des jeunes non qualifiés est un gâchis collectif et un handicap individuel. - Les salariés précaires dans l’industrie, surtout en intérim, et les services, surtout en CDD, ont été les premiers touchés par la récession de 2008/2009. Ces emplois peuvent être des tremplins vers l’emploi durable : toutes choses égales par ailleurs, la probabilité d’un salarié en CDD d’accéder à un CDI d’un trimestre sur l’autre est trois fois plus forte que celle d’un chômeur, et celle d’un intérimaire deux fois plus forte. Mais, de nombreux salariés, notamment des jeunes sans qualification, restent longtemps dans une « trappe à précarité et pauvreté ». Ainsi, trois ans après la sortie du système éducatif, la moitié des jeunes sans diplôme est en emploi en 2010, mais pour deux tiers en emploi précaire. Si l’on
prend l’ensemble des jeunes, trois ans après la sortie du système éducatif, les trois quarts sont en emploi, dont 60 % sur un emploi stable2. Hors emplois aidés, et variations liées à la conjoncture économique, le taux d’emploi en CDD et en intérim continue de progresser dans les années 2000, mais de façon ralentie par rapport aux années 1990. - Le chômage de longue durée a augmenté de plus de 50 % depuis la récession de 2008/2009 et continue de progresser de façon ralentie deux ans après la reprise de l’activité : 0,1 % en avril 2011 sur un mois et 11 % sur un an3 pour les demandeurs d’emploi de plus d’un an, dont la part dans l’ensemble des demandeurs d’emploi atteint près de 38 %. - Moins de la moitié des demandeurs d’emploi seulement bénéficie de l’Assurance chômage4, dont les règles ont néanmoins été améliorées par la convention UNEDIC de 2009 : un mois d’indemnisation pour un mois de travail, à partir de 4 mois de travail sur les 28 derniers mois, et pour une durée maximale de 24 mois5. Les autres demandeurs d’emploi bénéficient de l’allocation de solidarité spécifique en fin de droit, ou du RSA, ou n’ont rien, en particulier les jeunes chômeurs de moins de 25 ans, hors allocation de formation des Régions, qui ne bénéficient du RSA que s’ils ont des charges de famille ou travaillé deux ans à temps plein les trois dernières années. - Un tiers des 4 millions de demandeurs d’emploi travaillent en activité réduite6, en emploi 1
Tableau de bord emploi des jeunes de la DARES
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Enquête Génération CEREQ
1,66 million de demandeurs d’emploi inscrits depuis plus d’un an, France Métropolitaine et DOM, DARES — Pôle emploi 3
4 49 % des demandeurs d’emploi et dispensés de recherche d’emploi sont indemnisés au titre du chômage en mars 2011, DARES — Pôle emploi 5
36 mois pour les 50 ans et plus dans les deux cas
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34 % en avril 2011, DARES — Pôle emploi
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précaire ou temps partiel contraint. Tous ne pourront bénéficier d’un CDI à temps plein chez un seul employeur. La diversification des formes d’emploi est dans ce contexte une opportunité, groupements d’employeurs, associations de services à la personne, portage salarial, mais peut être un risque quand elle est insuffisamment régulée, comme pour l’autoentrepreneur en activité principale, ayant peu de droits sociaux. D’où l’importance de la négociation collective en ces domaines. - Les licenciements économiques dans le cadre des plans sociaux (au moins 10 salariés en moins de 30 jours dans une entreprise de 50 salariés et plus), ne représentent qu’une faible partie des motifs d’inscription au chômage : 3 %, y compris les licenciements économiques dans les petites entreprises ou en petit nombre, et environ 5 % avec les adhésions en Contrats de Transition Professionnelle (CTP) et Conventions de Reclassement Personnalisé (CRP), loin derrière les fins de CDD7. Les plans sociaux frappent néanmoins à juste titre l’opinion pour leurs effets directs du fait du risque de chômage de longue durée pour les licenciés économiques les moins qualifiés et les moins mobiles, et de leurs effets induits sur les territoires. - Longtemps différée, la fusion de l’ANPE et des Assedic dans Pôle emploi s’est faite dans le contexte de la forte montée du chômage de 2009, et avec des illusions technocratiques sur la possibilité d’un métier unique d’indemnisation et de placement sur lesquelles il a fallu revenir. Pour les demandeurs d’emploi de droit commun, hors accompagnement renforcé des publics prioritaires, le taux d’encadrement des bénéficiaires est très loin de l’objectif initial (1 pour 60), et l’appui cantonné trop souvent à l’indemnisation et au suivi administratif. - Les politiques d’insertion des départements sont très variables quant à l’articulation entre accompagnement vers l’emploi et accompagnement social des bénéficiaires du RSA (santé, mobilité, logement, transport..), et au choix du référent unique. - Le taux d’accès à la formation a plus que doublé depuis les années 1970, mais les inégalités d’accès à la formation restent fortes, au détriment des salariés les moins diplômés, des ouvriers, des
précaires, des salariés âgés et de ceux des PME. L’effort de formation des entreprises est stable, autour de 2,8 % de la masse salariale, un peu moins du double de l’obligation légale. Mais 37 % des salariés déclarent néanmoins ne pas avoir reçu une formation au cours des douze derniers mois, 26 % des salariés et des chômeurs sondés jamais8. - La gouvernance des politiques d’emploi et de formation est complexe, aux trois niveaux national, régional et territorial, ce qui pose un problème de définition d’objectifs communs et de mise en synergie des outils. L’état a la responsabilité de la formation initiale et de la politique de l’emploi, les entreprises et organismes paritaires de la formation des salariés, et les Régions des jeunes et des demandeurs d’emploi, les Départements l’aide sociale, et les élus locaux les maisons de l’emploi. Alors que la coopération a prévalu pendant la récession de 2008/2009, les tensions sur le financement sont nombreuses depuis entre l’état et les Régions d’une part, l’état et les partenaires sociaux d’autre part. La gouvernance de Pôle emploi par l’état seul de facto, alors que le financement est assuré aux deux tiers par l’assurance chômage, fait problème.
2.2. Des efforts visant un meilleur taux d’accès à la formation et la sécurisation des parcours professionnels L’état des lieux est, sur de nombreux points, partagé entre les organisations professionnelles, les confédérations syndicales, l’état et les Régions. En témoignent les efforts dans le sens d’un meilleur taux d’accès à la formation et de la sécurisation des parcours professionnels, à l’initiative des différents partenaires. On citera notamment : - Les différents outils mis en place au fil du temps, bilan de compétences, validation des acquis de l’expérience, plan de formation, congé individuel de formation, droit individuel à la formation, contrats d’alternance et périodes de 7 Les ruptures conventionnelles créées en juin 2008 conduisent, toutes choses égales par ailleurs, à la baisse des licenciements individuels et des démissions 8
IPSOS, les Echos 14 juin 2011
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professionnalisation, le problème tenant à présent plus du « millefeuille » que du manque d’outil ; - Le congé individuel de formation créé en 1971 (0,2 % de la masse salariale mutualisée) permet environ 45 000 formations longues (900 H en moyenne) à l’initiative du salarié facilitant des reconversions et des promotions ; - Le droit individuel à la formation, à la disposition du salarié en accord avec l’employeur (20 H par an, cumulables pendant 6 ans), créé par l’ANI de 2003 contribue à réduire l’inégalité d’accès à la formation. Son développement reste modeste, s’agissant d’un nouveau droit créé sans financement, et qui s’éteint faute d’utilisation au bout de 6 ans ; - La « transférabilité » du DIF et de la prévoyance complémentaire prévue par l’ANI de janvier 2008 ; - La création de la CRP en 2005 puis du CTP en 2006, offre aux licenciés économiques volontaires une indemnisation et un accompagnement renforcés, leur rapprochement pendant la récession, et leur fusion récemment décidée en un contrat de sécurisation professionnelle qui comme le CTP comportera la possibilité de périodes de formation mais aussi de travail ; - La récession de 2008/2009 a vu la mise en place en région de « comités des financeurs » rassemblant les régions, Pôle emploi et les Organismes Paritaires Collecteurs Agréés (OPCA), notamment AgefosPME et OPCALIA pour apporter une réponse rapide aux entreprises, ainsi qu’un partenariat des OPCA avec les plateformes CTP/CRP sur la formation des bénéficiaires ; - Le développement d’expérimentations d’accompagnement renforcé pour des salariés en fin de CDD et de missions d’intérim (sur 6 bassins d’emploi à ce jour) ; - Le prêt de main d’œuvre entre établissements ou entre entreprises s’est développé ponctuellement pendant la récession. La mobilité externe a fait l’objet d’un accord intéressant dans la métallurgie prévoyant la signature d’une convention tripartite entre les deux entreprises et le salarié, et un droit de retour pour une période couvrant notamment la période d’essai ;
-L e développement d’expérimentations sur les jeunes « décrocheurs » du système éducatif à l’initiative de Martin Hirsch ; - La création du fonds paritaire pour la sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) par l’ANI de 2009 pour accroître la mutualisation des fonds sur une base interprofessionnelle en direction des publics prioritaires sur la base d’appels d’offres construits conjointement ; - L’unification en 2009 des filières d’indemnisation, prolongée en 2011, sur la base d’un mois d’indemnisation pour un mois d’assurance chômage, et l’ouverture pour l’avenir de réflexions plus vastes entre les partenaires sociaux sur des cotisations déclinant avec l’ancienneté du contrat pour réduire la précarité et des droits rechargeables à l’indemnisation pour encourager le retour rapide à l’emploi.
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III- Huit chantiers et quatre groupes d’acteurs pour la « sécurité sociale professionnelle »
Aller vers l’objectif d’une sécurité sociale professionnelle supposera au lendemain des élections présidentielles et législatives de mettre en place de façon coordonnée huit chantiers : 1) u ne nouvelle chance pour les jeunes d’accès à la qualification 2) une nouvelle étape de la réforme de la formation professionnelle, renforçant l’accès à la qualification et à la mobilité protégée 3) un compte individuel formation à deux étages, comme levier 4) l’accompagnement renforcé des licenciés économiques, des précaires, et des chômeurs de longue durée 5) un service public régional de l’orientation 6) une réduction significative de la précarité 7) la négociation collective des restructurations dans les entreprises et les groupes pour réduire les transitions subies 8) une assurance-chômage étendue Au cœur de ces huit chantiers, trois champs sur lesquels les partenaires sociaux sont fortement impliqués : l’assurance-chômage depuis sa création en 1959, la formation professionnelle continue depuis l’ANI fondateur de 1970, le droit du travail sur lequel les partenaires sociaux se sont enfin vus reconnaître en 2007 une option de la négociation préalable en amont de tout projet de loi sur le travail, l’emploi et la formation.
La négociation de l’agenda social entre l’état, les partenaires sociaux et les collectivités territoriales, en juillet 2012 au lendemain des élections présidentielles et législatives, permettra de définir les grandes priorités du quinquennat, dont la « sécurité sociale professionnelle ». Le cas échéant, une réunion spécifique à l’automne 2012 pourrait préciser l’objectif, le calendrier, les différents chantiers de la « sécurité sociale professionnelle », et leur méthode de négociation. Un monitoring quadripartite attentif de l’ensemble du processus, qui se conclurait par une loi transposant les résultats obtenus sur les différents chantiers, sera nécessaire, compte tenu des responsabilités croisées entre les acteurs publics et sociaux, et pour éviter que les différents sujets soient traités de façon trop cloisonnée et insuffisamment ambitieuse. La réserve des organisations d’employeurs sur des cotisations chômage déclinant avec l’ancienneté dans le contrat pour réduire la précarité, ou sur un compte formation pour favoriser l’accès à la qualification, seront sans doute moins fortes si les accords de gestion des restructurations priment sur le contrat de travail individuel.
Aller vers la sécurité sociale professionnelle ne peut relever de la seule initiative de l’état. Cela supposera qu’il s’entende avec les partenaires sociaux et les régions sur l’état des lieux, l’objectif recherché, et les différents chantiers à cinq ans, puis de faire une large place, selon les chantiers, à la négociation paritaire, tripartite avec l’état, et quadripartite avec les collectivités territoriales.
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IV- Huit chantiers opérationnels complémentaires
On passera en revue huit chantiers opérationnels pour la sécurité sociale professionnelle, chantiers complémentaires, mais qui avanceront à un rythme propre et selon des modalités de négociation différentes entre les acteurs publics et sociaux.
Chantier n°1 : une « nouvelle chance » pour les jeunes sortis de l’école sans qualification La question de l’emploi des jeunes sera une priorité de la campagne électorale et des premiers mois du quinquennat et de la législature. À côté de 300 000 emplois d’avenir dans les collectivités publiques et les associations, l’état coordonnera la mise en place d’une « nouvelle chance » de qualification pour 150 000 jeunes. « Nouvelle chance » doit impliquer conjointement Ministère du Travail et de l’éducation nationale, et les trois dispositifs de qualification en alternance, sous statut scolaire en lycée professionnel, en formation initiale en apprentissage, et en formation continue en contrat de professionnalisation, alors que la droite ne met aujourd’hui l’accent que sur l’apprentissage. Elle prendra en compte et complètera le résultat des négociations en cours des partenaires sociaux sur l’accompagnement des jeunes vers l’emploi. Un « Grenelle de l’emploi des jeunes » devrait réunir à la rentrée 2012 le gouvernement, les organisations d’employeurs et chambres consulaires, les confédérations syndicales et fédérations d’enseignants, les associations d’élus, et les organisations de jeunes, concernés par les trois dispositifs d’alternance9. Le retour dans le système éducatif ne peut concerner qu’une partie minoritaire des « décrocheurs ». En termes d’orientation et de suivi des jeunes, l’opérateur de la « nouvelle chance » serait les missions locales.
Alors que l’ANI de janvier 2009 l’y invitait, l’état n’a jusqu’ici pas lancé la concertation sur les modalités de cette formation initiale différée. Son coût en termes de revenu et d’accompagnement sera à partager entre l’état, les Régions et les partenaires sociaux, pour ce qui est de l’état sur la base de l’abrogation dès juillet 2012 des 4 Md € par an de subventions aux heures supplémentaires qui financeront aussi 300 000 contrats d’avenir.
Chantier n° 2 : une nouvelle étape de la réforme de la formation professionnelle La perspective de la « sécurité sociale professionnelle » suppose une nouvelle étape de la réforme de la formation professionnelle après celles de 2003/2004 et 2009. Conformément à l’option ouverte par la loi du 31 janvier 2007, et à l’implication des interlocuteurs sociaux depuis 1970, la négociation interprofessionnelle devrait précéder la loi. Un calendrier pourrait être proposé par l’état aux partenaires sociaux et aux Régions. Une première phase porterait sur l’évaluation quadripartite à l’automne 2012 des dispositifs de formation existants, généralement créés par les partenaires sociaux pour les salariés, les acteurs publics pour les demandeurs d’emploi, au regard de l’accès à la qualification et de l’accès à l’emploi. Les outils existent et demandent à être améliorés et surtout mieux articulés. Le Droit Individuel à la Formation (DIF - 20 H par an cumulable 6 ans) est 9 sur les effectifs, les financements, et la gouvernance des trois dispositifs de la formation professionnelle des jeunes, voir la note de veille n° 169 du CAS, mars 2010
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au choix du salarié après accord de l’employeur. Le Congé Individuel de Formation (CIF – 900 heures en moyenne) suppose une sélection par un jury paritaire de projets de reconversion ou de développement du salarié (1/2 étant accepté). Les périodes de professionnalisation (150 heures en moyenne) s’inscrivent dans une évolution professionnelle en alternance. La VAE permet la reconnaissance des acquis de l’expérience, dans un processus souvent trop long et pas assez en situation de travail. Quelles évolutions sont possibles pour que ces dispositifs concourent, de façon plus coordonnée, à la montée en qualification et à la mobilité d’un nombre plus important de salariés et de demandeurs d’emploi ? Une négociation interprofessionnelle pourrait intervenir au second semestre 2013 et une loi au premier semestre 2014. Plusieurs pistes seraient proposées aux partenaires sociaux dans ce cadre : - Les orientations de formation seraient négociées avec les syndicats tous les trois ans en lien avec la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC), l’emploi des jeunes et l’emploi des seniors, plutôt que de faire l’objet d’une simple consultation annuelle du CE ou de négociations séparées. Cela permettrait de caler le plan de formation sur les évolutions prévisibles des métiers, les besoins en matière de mobilité interne et de recrutement. Cela éloignerait la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, « à froid », centrée sur les métiers, de la gestion des restructurations, à mener « à tiède »10 plutôt « qu’à chaud ». Le plan de formation s’inscrirait à la fois dans l’anticipation des besoins de l’entreprise et dans la prévention pour les salariés fragilisés par les mutations pour lesquels l’entreprise a l’obligation légale de « veiller au maintien de leur employabilité ». Une enveloppe pourrait être réservée à cet effet dans le plan de formation. - L’obligation minimale de formation ou de versement à un fonds paritaire de la formation professionnelle pourrait reposer après étude et négociation des partenaires
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sociaux non plus sur la base des dépenses de formation en pourcentage de la masse salariale, mais du pourcentage de salariés non formés dans les deux ans. Le droit individuel à la formation pourrait ne plus s’éteindre au bout de 6 ans et, passé une période de 2 ou 3 ans, être à la disposition exclusive du salarié pour travailler son projet professionnel. Les moyens mutualisés du CIF (finançant 45 000 formations d’une moyenne de 900 heures par an) pourraient être augmentés de 0,2 à 0,3 %. Les combinaisons de la période de professionnalisation et de la VAE pour les salariés, et des actions de formation et de la VAE pour les demandeurs d’emploi, seraient développées pour faciliter l’accès à une qualification reconnue. Plutôt que d’ajouter un dispositif à un ensemble déjà complexe l’enjeu est, après évaluation, diagnostic concerté, et examen des scénarios, de mieux orienter le « millefeuille » existant vers l’appui à la qualification et aux transitions professionnelles. L’une des pistes de restructuration proposée est le second étage du « compte individuel formation » envisagé par le projet du PS.
Chantier n°3 : un compte individuel formation à deux étages, outil de l’accès à la qualification Le Projet socialiste pour le Changement d’avril 2011 propose comme outil de la « sécurité sociale professionnelle » que chaque actif dispose en appui de son projet professionnel d’un compte formation individuel à deux étages. Le premier étage prolongerait et élargirait le chantier « nouvelle chance » pour les jeunes non qualifiés ; il devrait faire l’objet d’un processus de négociation quadripartite. Le second étage sera proposé aux partenaires sociaux en vue d’une nouvelle étape de la réforme de la formation professionnelle. sur la nécessité de distinguer GPEC et PSE voir Henri Rouilleault (2007), Anticiper et concerter les mutations, Documentation Française
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L’ensemble pourrait être mis en place par une loi au premier semestre 2014. Le premier étage serait un droit à la formation initiale différée de six mois à deux ans, en fonction de la distance à la qualification et sur la base d’un projet validé. Ce sera la pérennisation du chantier n°1 « nouvelle chance » et son élargissement progressif des jeunes à l’ensemble des actifs non qualifiés. Une vision partagée et une gestion coordonnée entre les différents acteurs sont nécessaires. L’objectif à moyen terme est de « sécuriser la transition du système éducatif à l’emploi », conformément à la recommandation de l’OCDE, l’objectif à court terme de donner une seconde chance aux jeunes et à l’ensemble des actifs non diplômés. Cela implique qu’à la fois les entreprises, les branches professionnelles, et l’éducation nationale « bougent » pour réduire les sorties sans qualifications et développer l’alternance éducative qui ne doit pas être réservée aux deux bouts, aux jeunes en situation d’échec et à ceux des grandes écoles et IUT. Il ne faut plus de stages hors cursus scolaire. Mais il faut des stages dans tous les parcours de formation qualifiante, avec pour les jeunes une indemnisation et des cotisations chômage et retraite à partir de deux mois, et pour tous un travail en commun entre formateurs et tuteurs. L’effort pour la formation initiale différée des jeunes sans diplôme doit être cohérent avec ce qui est envisagé en matière d’allocation de formation des étudiants11. Le plus juste serait que cette dernière soit universelle12 et financée par une partie des financements dégagés par la suppression du quotient familial13. Un effort supplémentaire pour les actifs non qualifiés doit s’appuyer sur l’existant par les partenaires sociaux pour les salariés (par exemple en passant la cotisation au CIF de 0,2 à 0,3 %) et par les Régions et Pôle emploi pour les demandeurs d’emploi.
réarticuler l’existant qu’inventer ex-nihilo. Le compte individuel formation pourrait être alimenté par le DIF (20 heures par an minimum, cumulables, qui ne s’éteindraient plus au bout de six ans). Le DIF non utilisé pendant deux ans pourrait être, à partir de la troisième année, à la disposition exclusive du salarié. Son montant horaire limité servirait notamment à l’élaboration du projet personnel. Les actions de formation correspondant au projet pourraient être abondées par d’autres dispositifs : une partie du plan de formation négocié, une combinaison de la VAE et de la période de professionnalisation, un CIF sur un projet de reconversion, l’entreprise en cas de restructuration... Le compte individuel formation serait géré par le réseau des Fongecif, après un regroupement entre eux analogue à celui en cours pour les OPCA après la réforme de 2009.
Chantier n°4 : Un accompagnement renforcé14 offert aux licenciés économiques, aux précaires et aux demandeurs les plus loin de l’emploi Tous les demandeurs d’emploi ne sont pas dans la même situation en termes de métier, de projet, de réseau, d’âge, de distance à l’emploi... La question d’un accompagnement renforcé sur la base du volontariat se pose notamment pour les licenciés économiques15, les précaires et les chômeurs de longue durée. La note sur « l’autonomie des jeunes au service de l’égalité » de la Fondation Progressiste Terra Nova de novembre 2010 propose un mécanisme de « capital individuel formation » qui regrouperait l’allocation — formation des étudiants et la formation initiale différée des jeunes non qualifiés. D’un montant égal au taux maximal de bourse pendant trois ans, ce capital serait susceptible d’être concentré sur une période plus courte pour les jeunes salariés non qualifiés après définition du projet professionnel et validation des acquis de l’expérience professionnelle.
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12 L’alternative étant une allocation sur critères sociaux avec abondement des fonds consacrés aux bourses
La suppression du quotient familial serait aussi redéployée sur la petite enfance, les crèches, le premier cycle de l’école primaire (maternelle et apprentissage de la lecture)
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De façon significative, Pôle emploi parle « d’accompagnement » dans ces cas et de « suivi » pour le droit commun des demandeurs d’emploi
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Le second étage du compte individuel formation serait alimenté tout au long de la carrière, à partir de la nouvelle étape proposée de la réforme de la formation professionnelle. Mieux vaut
15 à la fois en raison de la sensibilité politique locale et parfois nationale des plans sociaux, et du fait du risque de chômage de longue durée des salariés peu qualifiés, peu mobiles géographiquement, et perdant leurs conditions de rémunération et avantages sociaux
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Pour les licenciés économiques, après les conventions de conversion entre 1986 et 2000, existait pour les entreprises de moins de 1000 salariés16 la CRP depuis 2005 et le CTP depuis 2006 dans des bassins particulièrement touchés mis en œuvre sous la responsabilité de l’AFPA pour les 7 premiers bassins puis de Pôle emploi pour les autres. Les deux dispositifs ont été rapprochés pendant la récession, notamment en matière d’indemnisation (12 mois à 80 % du brut), et de recours à la formation. Le principe de la fusion CTP — CRP a été acquis dans l’ANI de juin 2011, dans un nouveau « contrat de sécurisation professionnelle » qui, comme le CTP, offrira la possibilité de périodes de travail permettant de valider le projet. Les clés de financement et les modalités du dispositif sont en cours de négociation avec l’état. Des progrès restent à effectuer pour l’accompagnement précoce avant le licenciement17, pour le travail sur la transition en plateforme de reclassement, avec un lieu à la disposition des bénéficiaires, un encadrement pluridisciplinaire18... Des expérimentations aussi, pour tester, comme dans les sociétés de transfert en Europe du Nord, la formule d’un vrai contrat de travail plutôt que d’un simple contrat d’adhésion au dispositif, pour contractualiser entre les plateformes CSP et des entreprises en plans sociaux sur l’accompagnement du reclassement. S’agissant des grandes entreprises, le congé de reclassement pourrait être porté à 12 mois et l’obligation étendue des entreprises aux groupes de plus de 1 000 salariés. S’agissant de l’accompagnement renforcé vers un emploi durable de salariés précaires volontaires en fin de CDD ou de mission d’intérim, des expérimentations ont lieu depuis la récession dans six bassins d’emploi s’appuyant sur des plateformes CTP. L’accord sur le contrat de sécurisation professionnelle prévoit l’extension progressive de cette démarche. La généralisation au niveau national du recours possible à un accompagnement renforcé supposera un accord sur le financement entre les partenaires sociaux qui gèrent l’UNEDIC et les OPCA, l’état, et les régions. La question d’une indemnisation majorée par rapport au droit commun se pose aussi pour
favoriser le recours à des formations qualifiantes. Il serait souhaitable de pousser dans un premier temps à l’automne 2012 à ce que l’expérimentation concerne un ou plusieurs bassins d’emploi dans chaque région, puis d’acter la généralisation en lien avec la négociation de la prochaine convention pluriannuelle UNEDIC fin 2013. S’agissant de l’accompagnement renforcé des publics les plus éloignés de l’emploi, notamment des bénéficiaires du RSA, les départements en ont la charge, une majorité d’entre eux contractualisant avec Pôle emploi et ses sous-traitants. Des conceptions différentes prévalent sur le poids relatif de l’accompagnement vers l’emploi et de l’accompagnement social (transport, hébergement, santé...) et en conséquence le choix du référent unique. L’enjeu est celui de la coopération et de la complémentarité entre les différents acteurs du service de l’emploi et de l’action sociale dans l’accompagnement individualisé des personnes. L’échange de pratiques entre eux, et avec l’économie sociale et solidaire, doit être développé.
Chantier n°5 : Un service public régional de l’orientation La question de l’orientation est posée au niveau national et dans les négociations des contrats de plan régionaux de formation. Mais il faudra aller plus loin que la désignation récente d’un délégué interministériel et la labellisation d’organismes. Les professionnels de l’orientation sont spécialisés par public : jeunes scolarisés, jeunes demandeurs d’emploi, salariés, demandeurs d’emploi... Un service public de l’orientation sous l’autorité des Régions devrait faire travailler en réseau les professionnels de l’orientation de l’éducation nationale, des missions locales, de Pôle emploi, pour les entreprises de plus de 1000 salariés la loi de modernisation sociale a créé le congé de reclassement, CDD de 4 à 9 mois, le licenciement n’intervenant qu’à ce terme si le reclassement n’est pas intervenu
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et non quatre mois après comme pour le droit commun des demandeurs d’emploi et certaines CRP
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18 voir le rapport de Philippe Dole de l’IGAS, et celui d’Henri Rouilleault « L’emploi en sortir de récession... renforcer l’accompagnement des transitions professionnelles» sur le site du Ministère du travail, de l’emploi et de la santé
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des maisons de l’emploi, et des organismes paritaires (FONGECIF). L’objectif est de faire du « sur mesure, de masse ». L’échange de pratiques et la mise en commun d’outils seraient développés pour articuler projet professionnel et projet de formation, professionnaliser les réseaux autour d’un référentiel commun. Le principe d’un « service public régional de l’orientation » devrait être posé par la loi sur la base d’expérimentations.
Chantier n°6 : Une réduction significative de la précarité Les CDD et l’intérim servent de tremplin vers l’emploi, mais beaucoup trop d’actifs alternent chômage et emplois précaires sans parvenir à en sortir. Hors emplois aidés, la part des emplois précaires a continué de croître à un rythme ralenti dans les années 2000 dans le secteur privé et public. Développer la possibilité d’accompagnement renforcé des précaires vers l’emploi durable n’est qu’un volet de l’action nécessaire. Cette action doit être complétée par des mesures visant à limiter la part des emplois précaires. Une première piste porte sur les cotisations chômage. Plusieurs organisations syndicales prônent une surcotisation employeur sur les emplois précaires, la probabilité de transition vers le chômage étant plus forte. Des experts prônent une modulation des cotisations employeurs et salariés en fonction de l’ancienneté du contrat, y compris en CDI. Il serait souhaitable de combiner les deux idées en ajoutant à la cotisation employeur de base (4 %) un complément déclinant avec l’ancienneté du contrat et s’annulant au terme de 12 ou 18 mois. On dégagerait ainsi un financement complémentaire pour l’UNEDIC de l’ordre de 6 % qui pourrait servir à la mise en place de droits rechargeables au chômage, un demandeur d’emploi reprenant une activité stable ou précaire avant la fin de sa période d’indemnisation gardant tout ou partie de ces droits. Des droits rechargeables inciteraient à la reprise rapide d’un emploi même à durée déterminée et réduiraient l’incertitude liée à la période d’essai en CDI. La seconde piste porte
sur l’évaluation et la négociation des différents mécanismes facilitant le travail multi-employeurs et la création d’entreprise.
Chantier n°7 : La négociation des restructurations Sécuriser les transitions professionnelles pose aussi la question du droit du licenciement économique collectif. Trois obligations limitent, dans tous les pays européens, le pouvoir unilatéral de l’employeur de licencier : l’intervention des représentants du personnel, celle de l’administration du travail et celle du juge. Depuis la suppression de l’autorisation administrative de licenciement, en 1986, le principal contrepoids en France est le pouvoir du juge. Lors des restructurations, les alternatives économiques sont moins discutées, même s’il y a quelques succès assurant la pérennité des sites et d’une partie des emplois. La discussion du montant de l’indemnisation extraconventionnelle tend aussi à prévaloir sur celle du reclassement de tous. La législation incite les entreprises à respecter le « grand rituel » de l’information et de la consultation du comité d’entreprise, mais pas à négocier avec les organisations syndicales. La négociation du plan social devrait devenir obligatoire. Afin d’inciter à l’accord, les indemnités de licenciement seraient chargées de cotisations sociales en l’absence d’un accord d’entreprise. Les entreprises et les groupes bénéficiaires souhaitant procéder à la restructuration de certaines de leurs activités ou filiales doivent être exemplaires, en prenant le temps nécessaire à la recherche des alternatives collectives, au reclassement des salariés, et à la revitalisation des territoires. Cette perspective est plus réaliste que « l’interdiction des licenciements boursiers ». Une entreprise cotée en bourse et bénéficiaire, ou dont la société-mère l’est, peut avoir besoin de restructurer certaines de ses organisations sans attendre que ses comptes « passent dans le rouge », mais doit, a fortiori dans ce cas, gérer l’emploi de façon responsable.
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L’obligation de négocier sur les restructurations, en amont si possible, et à défaut « à chaud » entre la première réunion d’information et la réunion de consultation sur le plan social, pourrait être posée par la loi, si les partenaires sociaux ne souhaitent pas négocier préalablement sur le sujet, ou ne parviennent pas à s’entendre comme lors de la dernière négociation interprofessionnelle sur l’emploi en 2003-2004. Alors que les employeurs responsables négocient en cas de plan social hors de toute obligation réglementaire, les organisations d’employeurs seront réticentes à l’introduction d’une nouvelle négociation obligatoire. C’est pourtant une nécessité. Les directives européennes ont à cet égard une vision plus progressiste de la notion de consultation : non seulement recueillir l’avis des représentants du personnel, mais engager un dialogue en vue de rechercher un accord en temps utile et avec un effet utile. En contrepartie, il serait en revanche souhaitable de garantir aux employeurs que les accords d’entreprise majoritaires, fait de concessions mutuelles, intervenant en réponse à des restructurations, des fusions, ou de fortes baisses d’activité, priment alors sur le contrat de travail individuel. Une telle primauté de l’accord collectif a un précédent, dont on peut utilement s’inspirer : la loi Aubry II de 2000 pour encourager les accords de compromis sur l’aménagement et la réduction du temps de travail.
Chantier n°8 : Une assurance-chômage étendue et l’articulation avec les minima sociaux La nouvelle convention d’assurance-chômage porte de juin 2011 à décembre 2013. Son contenu est proche de la précédente convention 20092010 en assurant une couverture à partir de 4 mois de cotisation au lieu de 6 mois. Un groupe de travail paritaire de l’UNEDIC doit réfléchir à des modifications plus profondes d’ici la négociation de la prochaine convention à l’automne 2013 : droits
rechargeables en cas de retour rapide à l’emploi pendant la période d’indemnisation, cotisations employeurs décroissant avec l’ancienneté pour pénaliser les contrats précaires... Cette réflexion est fondamentale quand on sait que l’assurance-chômage ne concerne que la moitié des demandeurs d’emploi depuis la réforme de 1984 séparant assurance et solidarité. La réflexion prospective sur l’indemnisation du chômage nécessaire doit aussi associer l’état qui finance l’allocation de solidarité des fins de droit, et les départements qui financent le RSA. L’objectif serait à la fois d’élargir les financements de l’assurancechômage et le public bénéficiaire, de favoriser le retour rapide à l’emploi, et d’améliorer les revenus des plus pauvres. Les modalités de concertation devront être retenues à l’été 2012, en vue de simuler les différents scénarios, de négocier l’extension de l’assurance-chômage d’ici l’automne 2013. On peut notamment envisager de fusionner l’allocation de retour à l’emploi de l’Unedic et l’allocation de solidarité spécifique de l’état dans une allocation unique, avec une partie fondée sur le salaire antérieur jusqu’à une limite de temps et une base forfaitaire. Pour accroître le financement de l’assurance-chômage et simplifier la gestion, les trois fonctions publiques devraient cotiser à l’UNEDIC pour leurs contractuels plutôt que de gérer elles-mêmes ceux d’entre eux passés au chômage. Elles devraient aussi verser des cotisations employeurs comme pendant du 1 % de solidarité versé par leurs agents, ce qui apporterait un complètement d’environ 4 % de ressources à l’assurance-chômage. Des cotisations chômage sur les indemnités de stages de 2 mois et plus effectués en cours de scolarité renforceraient les financements de l’AC et surtout favoriserait l’accès à l’assurance-chômage des jeunes. Les partenaires sociaux gestionnaires de l’UNEDIC évoqueront également le cas des intermittents du spectacle, le surcoût des annexes 8 et 10 par rapport au régime de droit commun ou à celui
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des intérimaires étant une subvention implicite à la culture de près de 4 % des ressources de l’assurance-chômage, légitime dans son principe mais qui repose sur les seuls salariés du privé. En ce qui concerne les minima sociaux, hors indemnisation du chômage, on pourrait aussi fusionner le RSA, la prime pour l’emploi et les aides au logement, dont le bénéfice est lié selon les cas au revenu de l’année en cours, de l’année précédente ou de deux ans avant. Enfin, la question de l’indexation du RSA (sur les prix à la consommation), moins favorable que celle du SMIC (sur les prix à la consommation et la moitié des gains de pouvoir d’achat du taux de salaire horaire), est posée. L’écart actuel accroissant mécaniquement le taux de pauvreté (pourcentage de personnes en dessous de 60 % du revenu médian), à l’opposé du discours indigne de la droite sur l’assistanat, on devrait indexer le RSA sur le revenu médian. Il faut veiller davantage à réduire les ruptures dans le parcours de retour à l’emploi et de formation en matière de revenus, couverture maladie, prévoyance complémentaire santé et retraites.
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Conclusion
L’ambition du projet de « sécurité sociale professionnelle » et la pluralité des acteurs impliqués conduiront, en cas de victoire de la gauche, à clarifier préalablement l’objectif et la méthode entre l’état, les employeurs, les organisations syndicales et les Régions, et à décomposer la question en plusieurs chantiers articulés. Cette clarification devrait intervenir lors de la réunion de l’agenda social annuel et pluriannuel, complétée le cas échéant par une réunion ad hoc. Huit chantiers ont été évoqués qui selon leur nature et le choix des parties feront d’abord l’objet d’une négociation paritaire, ou d’une concertation quadripartite à l’initiative de l’état. La formule d’accords tripartites ou quadripartites négociés et signés, commune en Europe mais inédite en France, pourrait également être utilisée pour renforcer les engagements réciproques. Sur la base de ces négociations et concertations, une loi sur le droit à la qualification, la mobilité protégée et la sécurité sociale professionnelle, rassemblerait ces différents chantiers à l’automne 2013 ou au premier semestre 2014. En tout état de cause qu’il s’agisse de la formation professionnelle, de l’assurance-chômage et du droit du travail, et en l’occurrence des trois à la fois, les pouvoirs publics devront tenir le plus grand compte du rôle éminent des interlocuteurs sociaux, et du rôle croissant des acteurs publics décentralisés. La gouvernance des politiques d’emploi et de formation est quadripartite, et aucun acteur n’est seul légitime pour la piloter. L’Allemagne sait dégager des priorités et des compromis opérationnels négociés dans le cadre d’un double fédéralisme avec les collectivités territoriales et les partenaires sociaux. La France peut y parvenir. Le « droit pour tous à la qualification et à la mobilité protégée » impliquera un effort financier
principalement de l’état et des Régions. Il impliquera aussi des concessions importantes des employeurs pour instaurer le compte individuel formation, réduire les emplois précaires, négocier obligatoirement sur les restructurations... Les employeurs devraient en contrepartie obtenir le fait que les accords majoritaires globaux de concessions mutuelles négociés en cas de difficultés structurelles ou conjoncturelles s’apprécient globalement et s’imposent sur le contrat de travail individuel et limitent les procédures au seul cas où l’accord contreviendrait aux principes constitutionnels ou aux obligations européennes et internationales de la France. Dans le contexte du recul de la compétitivité, une seconde contrepartie favorable à l’activité et l’emploi serait nécessaire sur les cinq prochaines années, et à articuler avec la réforme fiscale fusionnant l’impôt sur le revenu et la CSG. Une remise à plat du financement des différentes caisses de la protection sociale permettrait de distinguer ce qui est principalement assurantiel (chômage, retraites, accidents de travail et maladies professionnelles) et ce qui est principalement universel (maladie, famille, dépendance), le financement étant dans le premier cas assis sur le travail, dans le second sur l’impôt, et serait la base d’une gouvernance adaptée selon les caisses aux responsabilités de chacun. La droite s’apprête à relancer l’idée d’un contrat unique fusionnant CDI et CDD, illusoire car il laisserait subsister l’intérim, et dangereux parce qu’au mépris de la convention de l’Organisation Internationale du Travail et de la directive européenne concernées, elle supprimerait l’obligation de motiver le licenciement. La gauche dispose, à l’inverse, d’un vrai projet susceptible de répondre aux attentes des français et d’être réalisé par un compromis de l’état, des organisations professionnelles, des confédérations syndicales, et des Régions.
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