Entrez Libre

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Une proposition artistique de Pick Up Poroduction pour le Voyage à Nantes

HORS SÉRIE ENTREZ LIBRE GREFFE DE L’ANCIENNE MAISON D’ARRÊT DE NANTES


Voyage à Nantes : Entrez libre ferme ses portes Un mal étrange s’est emparé des nantais en ce dernier week-end d’août ; tous veulent se rendre à l’ancienne maison d’arrêt de Nantes. Sadomasochiste ? Il faut l’être un peu pour se plonger dans l’univers étouffant de l’association Pickup production. À l’occasion du voyage à Nantes, fresques, créatures et autres graffs se sont invités sur les murs de l’enceinte avec pour thématique l’enfermement. Une étape phare du Voyage En couple, en famille ou en solitaire, ils sont des centaines à s’agglutiner devant l’ancienne maison d’arrêt de Nantes, rue Descartes. Certains sont ici depuis plus d’une heure, mais pas de quoi décourager les visiteurs pour autant. Le site qui a ouvert à l’occasion du voyage à Nantes – parcours culturelle de la ville - le 1er juillet dernier fermera ses portes dimanche soir. Entre les murs ? L’exposition de street art Entrez libre. « Cette année la fréquentation a été énorme, on va approcher les 90 000 visiteurs d’ici la fermeture de l’exposition », se réjouit Guillaume David, chargé de communication de la Pickup Production avant d’ajouter, « l’année dernière, GRAFIKAMA avait fait 40 000 entrées. Le nombre de visiteurs a doublé, c’est au-delà de toutes nos espérances ! » Un univers coloré et bouleversant Frustration, colère, repli sur soi, folie, remords, regrets, souvenirs nostalgiques ou rêves d’ailleurs… Que suscite l’enfermement ? L’association Pick Up Production a invité une dizaine d’artistes français à explorer le sujet au sein du bâtiment du greffe de l’ancienne maison d’arrêt de Nantes. Peintres, plasticiens, illustrateurs, graffeurs et sérigraphistes, tous ont laissé leurs empreintes pour cette 6e édition du Voyage à Nantes. Pour Guillaume, « les artistes se sont appropriés chaque recoin du bâtiment administratif. Murs, sols et plafonds plongent le visiteur dans un univers oppressant ». Peu après avoir franchi les grilles, le visiteur est happé par l’atmosphère apocalyptique des graffitis en noir et blanc. Par opposition, l’entrée surprend par ses tons vifs. « C’est une véritable explosion de couleurs à l’intérieur, pourtant, on ressent une sensation d’étouffement, de mal être », reconnait Paul, 45 ans. Les entrailles sanguinaires de l’entrée passées, on prend son courage à deux mains pour monter l’escalier massif qui s’impose dans l’espace. En haut des marches, un imposant mur de briques rouge, sépare le greffe de l’ancien espace de détention, volontairement resté fermé au public. « On a beaucoup de retours


positifs et pas du « c’est beau, c’est joli », mais plutôt des « merci d’avoir provoquer en moi quelque chose, une émotion » », analyse Guillaume. Du visuel à la parole Plongez dans un univers aussi fort que celui de la prison ce n’est pas de tout repos. Les œuvres réveillent, secouent, émeuvent, il est alors nécessaire de parler. « Afin de rendre plus concrète cette expérience à mi-chemin entre l’exposition collective et l’expérience immersive, nous avons demandé au Collectif Prison 44 d’intervenir », indique Guillaume. À deux reprises, le collectif prison 44 qui regroupe pas moins de 16 associations, a organisé des rencontres avec le public au cœur de l’ancienne maison d’arrêt de Nantes. Pour Étienne Herard, représentant du collectif, « l’intérêt de ces rencontres c’est de présenter les actions des associations et de délier les langues sur l’univers carcéral dans notre société contemporaine. La réinsertion, la psychiatrie, les conditions de détention ont été des sujets redondants dans le débat». Tout doit disparaître L’engouement des visiteurs au sein de l’établissement carcéral, fermé depuis 2012, s’explique aussi par la destruction dans un futur proche de ce lieu historique. Le promoteur immobilier Cogedim a été chargé par la métropole de Nantes de la reconversion du site. La démolition débutera en novembre de cette année, puis à l’horizon 2020, l’ancienne prison laissera place à 160 logements, une crèche et un parking souterrain de 400 Places. Du bâtiment d'origine, avoisinant l'ancien palais de justice devenu hôtel de luxe, seuls resteront le porche d'entrée et le pavillon du greffe, futur théâtre. En attendant les travaux, Entrez libre sera accessible lors de visites guidées exceptionnelles sur inscription au prix de sept euros. Première date le 21 septembre.


LA PAROLE AUX TAULARDS Grolou, tatoueur au salon de tatouage éphémère à l’entrée du greffe : « Je trouve ça fort de tatouer entre ces murs mais paradoxalement mes créations du moment reflètent plutôt des trucs joyeux. Mes clients étaient des personnes déjà tatouées, qui connaissaient mon travail et qui ont trouvé original de venir se faire tatouer en ces lieux. J’ai aussi eu la chance de pouvoir interagir avec d’anciens détenus,

certains ont fait les cacous en me montrant leur tatouage et en soulignant qu’ils étaient les chefs ici ; d’autres ont été interloqués de revenir dans ces lieux, mais tenaient à s’y faire tatouer pour la symbolique »

Françoise, 61 ans « Je tenais vraiment à voir la prison avant qu’elle soit détruite et cette exposition lui rend hommage une dernière fois. Même si l’atmosphère est dérangeante, ce sont des chefsd ‘œuvres qui sont peints entre ces murs. Je regrette que ce soit détruit. »

Étienne, 58 ans « Sur le plan artistique on n’aime ou on n’aime pas, il y a des choses originales intéressantes. Par contre, ça provoque une discussion sur la prison. On oublie très vite qu’on se trouve au cœur de la maison d’arrêt, pour quelqu’un comme moi qui y a mis les pieds une trentaine de fois. Ces artistes sont des fougéniaux ».

Auréline, 27 ans « Il était temps de venir avant la fermeture ! Curieuse des lieux, j’en ressors complétement bouleversée par les œuvres qu’ils contiennent. Les peintures murales représentent parfaitement la notion d’enfermement ; si bien que je me suis sentie un peu étouffée. »


Les artistes invités

« C’est une expérience immersive mais le but n’était pas de restituer ce que vit un détenu. On n’est pas dans une cellule ici, on est dans le bâtiment administratif de la maison d’arrêt. On n’avait pas envie d’exprimer ce qu’était le quotidien des détenus parce qu’on en a jamais été. Ce qu’on nous a demandé c’est de réfléchir sur la thématique de l’enfermement dans ce lieu symbolique et d’élargir le débat à l’enferment universel : en famille, au travail, en couple, dans la société, dans sa tête. Il y a plein de moyens d’être enfermé dans la société contemporaine y compris si on est en extérieur.

» - Nosbé, graffeur originaire de la

banlieue parisienne.

KOSBÉ


RÉMI

SAN RICTUS ET JURICTUS


SKIO

DAVID BARTEX


Extrait du Manifeste Abolitionniste de 1984 On ne peut bâtir l’utopie que sur une absolue rigueur intellectuelle, or, l’emprisonnement repose sur l’espoir que « ça ira mieux après »; c’est-à-dire rien d’intelligible. Ce n’est pas ici le lieu de répéter ces évidences : l’incarcération rend fou, rend malade, rend dur et avide. Personne jamais n’a relevé le défi de dire le contraire. Et nul ne désire vivre dans un monde que d’aucun, en prenant le risque d’enfermer des hommes, rendent plus menaçant encore qu’il ne l’est. Nous avons beaucoup moins à perdre à ouvrir les prisons que les autoroutes et tout à gagner en sérénité, en intelligence, en désir de réfléchir à plusieurs aux moyens de vivre à plusieurs. Et c’est urgent.

Source et photos : Pauline Autin


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