Le bruit du silence

Page 1

LE BRUIT DU SILENCE

MÉMOIRE DE LICENCE EN ARCHITECTURE - 2016/2017 PAULINE LABARTHE ÉTUDIANTE _ IVRY SERRES ENSEIGNANT ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARCHITECTURE DE MARSEILLE



LE BRUIT DU SILENCE Édition présentée, établie et annotée par Pauline Labarthe

Étudiante à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille

TEXTE INTÉGRAL



PRÉFACE

« La construction c’est pour faire tenir ; l’architecture, c’est pour émouvoir. » Le Corbusier D’où proviennent nos émotions ? Quels éléments font que lorsque je regarde un spectacle, une danse, une pièce, un film, un lieu, je puisse ressentir quelque chose, des sensations différentes, parfois intenses, en vivant simplement l’expérience d’une ambiance visuelle, sonore, et/ou scénographique ? Comment l’espace que je vais parcourir, comment le récit qui va m’être raconté et joué peut m’émouvoir, peut me procurer de la joie, de la colère, de la tristesse, de la peur, du doute, du bien-être, du mal-être ou tout à la fois ?

5


Préface

L’expérience vécue d’un lieu est souvent unique et propre à chacun. Une personne peut, de par son identité personnelle, ressentir une émotion différente de son prochain même s’ils sont en train de vivre la même chose au même moment. Il se peut aussi que ce même lieu vécu par une même personne fasse ressentir des émotions différentes selon le moment de la journée, selon son humeur, selon les personnes qui l’entourent, selon le temps extérieur. Les émotions, leurs origines, leurs impacts, leur pure subjectivité, sont des thèmes qui m’ont toujours questionnés. L’un des rôles de l’architecte est d’arriver à comprendre ces émotions, pour pouvoir les créer et les faire revivre dans les lieux qu’il va concevoir. Je me suis donc intéressée aux ambiances qui m’interrogent le plus, qui m’obsèdent, et me fascinent par leur côté très intense, et parfois effrayant. Ce sont les lieux qui arrivent à nous faire prendre conscience de notre taille, de notre échelle par rapport au monde dans lequel nous vivons, et ceux qui arrivent à nous faire sentir seul et invisible. Des lieux qui nous mettent face à une immensité ou à un lourd et pesant silence. Cette pièce de théâtre est basée sur la vie au sein d’un des lieux qui exploite ce silence, plus particulièrement pour y vivre : le Couvent de la Tourette, de Le Corbusier.

6


HISTORIQUE DU DÉCOR

Cette pièce de théâtre est directement inspirée par mon séjour au Couvent de La Tourette, bâtiment conçu par Le Corbusier (et de nombreux collaborateurs tel que Iannis Xenakis). Les décors de chaque scène tentent de retranscrire chacune des pièces de ce couvent. J’ai donc choisi de décrire les décors avec une extrême précision, pour essayer de faire comprendre l’ambiance que l’on pouvait y ressentir. L’interprétation des décors sur scène est donc libre. Libre à vous de choisir l’implicite ou l’explicite, la retranscription ou l’imagination. Je pense qu’il est donc important de connaitre au minima succinctement ce bâtiment pour réellement comprendre les enjeux de la pièce.

7


Historique du décor

PRÉSENTATION DU BÂTIMENT ET DE SON ARCHITECTE Le couvent, qui fut construit entre 1953 et 1960 à Abresle près de Lyon, est la dernière grande œuvre en France de l’architecte moderne Le Corbusier. Bâtiment de la maturité, il explore et met en pratique les théories développées tout au long de sa carrière au service d’une communauté de religieux : les frères dominicains.

LE CORBUSIER Charles-Edouard Jeanneret, dit Le Corbusier, est un architecte aux multiples talents (urbaniste, peintre, designer, écrivain, sculpteur), né en 1887 en Suisse, et décédé en 1965 en Provence. Tout au long de sa vie, il voyagera, il observera d’un œil attentif les anciennes et nouvelles techniques de chaque pays visité pour y trouver l’inspiration. Figure du mouvement moderne, il y amorce une vision nouvelle comme le fonctionnalisme, le purisme et le lien entre nature et architecture. Il théorisa 5 points qui font pour lui l’architecture moderne : les pilotis, le plan libre, la façade libre, la fenêtre en bandeau, et le toit-terrasse.

8


Historique du décor

LE COUVENT DE LA TOURETTE C’est en 1952 que le Frère Couturier propose à Le Corbusier de construire ce nouveau couvent destiné à la vie, à l’éducation et à la formation d’une centaine de religieux. Planté sur les monts Lyonnais, le bâtiment ne ressemble à aucun couvent construit jusque-là. Toutefois, la géométrie choisie par Le Corbusier, l’organisation des volumes et la brutalité du traitement des matières respectent et viennent en adéquation avec les traditions et principes de vie des frères. Dans un souci de concevoir au plus près des besoins de l’homme, il dissociera trois espaces pour trois temps distincts : la vie individuelle, la vie collective, et la vie spirituelle. Ces trois temps correspondent aux trois fonctions fondamentales d’un dominicain : habiter, étudier et prier. Conçu par le dessin de la ligne horizontale de son toit, le bâtiment rattrape en pied la pente du terrain par des pilotis afin d’alléger l’allure de ce massif de béton. Articulés autour d’une cour intérieure qui fait fonction de cloître, les volumes s’organisent face à face dans une composition classique, seul témoignage du passé. L’organisation spatiale se lit par étages en distinguant les trois temps de la vie. Dans une pensée de vérité constructive, les éléments structurels du bâtiment sont en béton brut de décoffrage, le reste en crépi blanc.

9


Historique du décor

a) La vie individuelle Les espaces de la vie individuelle sont répartis sur les deux étages supérieurs, ils contiennent les cellules des frères étudiants et des frères enseignants, ainsi que les salles d’eau communes. Toutes les cellules ont été conçues sur la base du modulor (échelle de mesure crée par Le Corbusier correspondant à la taille d’un homme moyen). Chaque cellule est organisée selon le schéma suivant : espace de toilette, armoire qui délimite l’espace en deux parties, le lit, le bureau et en prolongement la loggia s’ouvrant sur l’extérieur. C’est la traduction de l’ascension de la vie privée à la vie intellectuelle, pour atteindre la vie spirituelle. b) La vie collective La vie collective qui se situe aux étages inférieurs, comporte l’accueil, la salle des hôtes, la bibliothèque, des salles de réunion, les espaces de déambulation du cloître, l’atrium et le réfectoire. L’entrée est marquée par une arche de béton carrée, symbolisant le passage du monde organique désordonné et chaotique, à l’univers construit et organisé de l’homme. Les différents espaces de circulations qui desservent le bâtiments sont soit caractérisés par des longues ouvertures en bandeaux rythmés par des « sucres de béton » soulignant la trame du bâtiment, avec à chaque angle, une fenêtre obstruée par une « fleur de béton » qui guide le marcheur dans son parcours, lui évitant d’être ébloui ou distrait par le paysage. Soit par de grandes

10


Historique du décor

façades vitrées, découpées en montants verticaux, dont le rythme fut dessiné par le musicien Iannis Xenakis. Soit par des panneaux dit «Mondrian», reprenant le rythme des tableaux de l’artiste. L’architecte a apporté une grande attention à la distinction des fonctions de ces façades donnant à chaque élément une des fonctions de la fenêtre : les « aérateurs » pour aérer, les ouvertures semi-obstruées pour éclairer, les vitres pour regarder. c) la vie spirituelle La vie spirituelle est constituée de la salle du chapitre et des volumes autonomes de l’église et de l’oratoire. La salle du chapitre, située à côté du réfectoire, est utilisée pour les offices en hiver. L’oratoire, correspond au lieu de prière réservé aux étudiants. Il prend la forme d’un cube, surmonté d’une toiture pyramidale, éclairé à l’aide d’une fente zénithale qui donne à la prière la direction de la lumière de l’Est. L’église est un grand cube de béton brut qui correspond au volume de toutes les cellules ajoutées les unes aux autres. Elle est conçue par rapport à l’autel (seul élément de pierre noble blanche de tout le bâtiment), qui correspond aussi au point central de rupture dans le mouvement incliné du sol. L’église est éclairée par différents dispositifs lumineux tout au long de la journée suivant la course du soleil : à l’Est, une grande fissure vitrée qui permet de capter la lu-

11


Historique du décor

mière du matin, vient éclairer la croix et l’autel, au centre, un puits de lumière ainsi que des fentes sur les murs Nord et Sud éclairent l’espace de prière des frères toute la journée, et sur la paroi Ouest, une ligne de lumière vient souligner la séparation de la toiture et du mur. Au Nord de l’église vient se greffer la crypte. Seul volume reprenant la courbe naturelle du sol, elle se dresse telle une oreille tournée vers l’extérieur éclairée par trois « canons à lumière » ayant des inclinaisons et couleurs différentes. Au sud se trouve la sacristie, mise en lumière par sept « mitraillettes » imaginées par Xenakis. L’oratoire et l’église sont les seuls espaces de tout le couvent, à ne pas avoir de vue sur l’extérieur. Les ouvertures sont soit voilées, soit mises en hauteur, pour que rien ne puisse venir interférer la prière en lieu saint. Aujourd’hui, seule une communauté dominicaine d’une dizaine de frères forme le couvent de La Tourette et anime les lieux désormais ouverts à toute personne ou groupe qui souhaite venir y réfléchir, prier, échanger. Il a été classé Monument Historique en 1979 et reconnu par les architectes français comme la seconde œuvre contemporaine la plus importante, après le Centre Pompidou de Piano et Rogers.

12


GENÈSE DE L’ŒUVRE

L’inspiration première puise sa source dans des expériences vécues en Italie, à Rome. Je me suis d’abord aperçue que lorsque l’on visite par exemple une église, je me tais, j’adoucis mes gestes et rends ma démarche silencieuse et précieuse. Pourtant rien ne m’oblige à garder le silence et à aborder cette attitude puisque je ne suis pas croyante. Est-ce par respect envers les croyants ? Est-ce par respect des coutumes, des mœurs ? L’architecture ne joue-t-elle pas un rôle dans la création de ce climat ? Je me suis donc intéressée au silence qu’instaure cette architecture religieuse. Pourquoi le lieu de culte est source de silence ? Qu’elle ambiance génère le silence ? Quelles émotions engendrent le silence ? Que permet le silence pour l’homme ? Suite à un voyage à Rome, vu comme le cœur de la religion chrétienne, j’ai pu visiter un grand nombre d’églises, de taille et d’époques différentes (la Chapelle Sixtine, Saint-Charles-aux-

13


Genèse de l’œuvre

quatre-fontaines, Marie Maggiore, Saint-Pierre de Rome…). En expérimentant ces lieux, je me suis rendue compte en restant de longs moments à l’intérieur, que ce fameux silence ressenti lorsque l’on rentre, n’est en fait pas un silence absolu lorsqu’on écoute pendant une période plus longue, et lorsque l’on y prête plus d’attention. Les pas d’un visiteur qui traverse la nef, le déclic du bouton de l’appareil photo de sa femme, la dame qui s’assoit au premier rang, le vieux monsieur qui tousse à ma droite, l’enfant qui tourne avec vivacité les pages de la Bible, les pas rapides d’un autre visiteur, le dialogue d’un couple espagnol… Qu’est-ce que le silence ? Je considérais le silence comme un temps sans bruit, un temps de non bruit. Mais le silence comme je le définissais existe-t-il vraiment ? Peu importe où et quand, je me suis aperçue qu’il y avait toujours un bruit de fond, que le silence n’était jamais parfait. Je me suis renseignée sur un lieu qui offrirait un silence absolu, qui permettrait de se couper de tout bruit extérieur. La maison de la radio à Paris a mise en place une salle totalement isolée acoustiquement qui propose d’expérimenter ce que l’on ressent dans un environnement coupé totalement des nuisances sonores extérieures. Peut-être que dans cette salle je trouverais enfin ce que j’appelle « silence ». Pourtant une fois dedans, après s’être acclimaté à l’apparente tranquillité du lieu, on commence à porter une attention élevée à son corps et au bruit qu’il engendre : la respiration les battements du cœur et la pulsation du sang dans les oreilles, la

14


Genèse de l’œuvre

salive qui glisse dans la gorge, le frottement des ongles sur la peau, le frottement des habits à chaque mouvement. L’absence de bruit de fond, nous pousse à porter attention au moindre bruit même le plus minime, et cela en devient rapidement insoutenable. J’en suis venue à deux conclusions : premièrement le silence absolu comme je l’entendais n’existe pas, deuxièmement, même si ce silence existait, il ne serait pas forcement porteur d’un bien-être puisqu’il nous est insupportable. Je me suis mise à la recherche d’un lieux, qui exploiterai cette ambiance silencieuse plus intensément, et qui veillerait plus à sa préservation. C’est cela qui m’a amenée à aller expérimenter un couvent encore actif pour ressentir au quotidien l’ambiance d’un lieu connu, pensé, construit pour le silence et la prière.

15


THÈMES ET PERSONNAGES

Le théâtre n’est pas composé que de littérature, une pièce se compose d’un ensemble d’éléments destinés à la représentation. Mêlant à la fois la langue parlée et le langage signé (bruitage, gestuelle, éclairage..), la pièce peut être porteuse de messages de valeur morale, sociale ou politique. Cette pièce s’inspire de deux éléments forts : pour le thème principal de l’œuvre, elle s’inspire du Couvent de la Tourette, de la vie, des cultes et pratiques menées là-bas, et pour le style d’écriture, elle puise ses références du théâtre de l’absurde de Ionesco ou Beckett. 1. LE THÉÂTRE DE L’ABSURDE a) Les décors On retrouve des éléments constitutifs de l’absurde dans la description d’une précision extrême des décors, parfois à un tel point que

16


Thèmes et personnages

ces informations peuvent en devenir futiles. b) Les personnages Il y a ici deux types de caractères : ceux qui proviennent d’une personnification d’un élément du bâtiment et ceux qui sont inspirés de personnes réelles. Ce qui n’existe pas, ou ne peux normalement pas parler devient une personne avec un vrai prénom : Cellule, Ombre, Lumière; alors que les personnages inspirés de personnes réelles eux ne sont désignés que par un caractère assez commun, c’est une sorte de dé-personnification des vraies personnes, elles deviennent communes, banales : La Fille, La Dame, Le Frère. c) Les dialogues Même si les dialogues ne traitent pas le non-sens, on peut y reconnaitre des effets de style propres au théâtre de l’absurde comme les répétitions maladives (retranscrites par le personnage Echo).

2. LE COUVENT a) Les décors Chaque scène tente de retranscrire l’émotion ou l’utilité d’une pièce du couvent, les décors décrivent donc avec précision cette pièce pour que toute personne n’y étant jamais allée puisse se faire une

17


Thèmes et personnages

idée de l’ambiance existante. b) Le rythme Le rythme de la composition et temporalité correspond au grandes étapes d’une journée type chez les frères dominicains. c) La messe Le dernier acte tente de retranscrire une messe qui se déroulerait dans l’église en remplaçant la divinité célébrée par le Silence (silence qui, par l’appel de ses fidèles, apparait enfin pour s’exprimer). Elle se décompose en 6 phases : l’accueil, l’acceptation du pêcher de la parole, les lectures, les témoignages, la prière, et l’ouverture pour conclure.

3. LA FONCTION DES PERSONNAGES

a) Personnage de 1er plan La Fille peut être considérée comme le personnage principal de la pièce, c’est elle que l’on va suivre tout au long de la journée, qui va nous amener à penser, à se poser des questions. b) Personnages de 2nd plan Ce sont tous les personnages avec qui la Fille va avoir de vrais échanges, et qui vont lui apporter des réponses, vont la faire évo-

18


Thèmes et personnages

luer : Cellule, Couloir, Ombre, Lumière, Réfectoire… c) Personnages de 3ème plan Ce sont les éléments qui viennent interrompre les dialogues pour retranscrire une émotion, un effet vécu dans la partie du bâtiment ou se déroule la scène. Ils n’apportent pas d’intérêt au niveau du sens des dialogues, ils ne servent qu’à exprimer leurs propres fonctions, ils sont là pour participer aux décors, participer à la vision de l’émotion vécue dans le Couvent. Je parle ici de Écho, Sucre, Fleur, et Pan 1, 2 et 3.

19



LE BRUIT DU SILENCE PIÈCE EN TROIS ACTES

21


PERSONNAGES Par ordre d’entrée en scène

CELLULE LA FILLE LUMIÈRE OMBRE COULOIR SUCRE FLEUR PAN 1 PAN 2 PAN 3 LA DAME LE FRÈRE RÉFECTOIRE ORGUE ÉCHO LE SILENCE

22

ACTE, SCÈNE I. Scène 1 I, II, III I. Scène 2, III I. Scène 2 I. Scène 3 I. Scène 3 I. Scène 3 II. Scène 1 II. Scène 1 II. Scène 1 II. Scène 1, 2, III II. Scène 1, 2, III II. Scène 2 III III III


ACTE PREMIER

23



Acte premier

SCÈNE PREMIÈRE CELLULE, LA FILLE

Décor Une cellule de 1,83 m de large sur 5,92 m de long et 2,26 m de haut. Elle porte le numéro 295 sur sa porte. Les murs sont recouverts de crépi blanc. Le sol lui est revêtu d’un lino jaune. Elle est découpée, par une grosse étagère en bois, en deux espaces. A l’entrée un espace de toilette avec un petit lavabo à deux sorties d’eau, une froide et une chaude, un miroir et un néon aveuglant positionné juste au dessus du miroir. Derrière l’armoire, un lit simple, de taille minimum, un drap marron, un oreiller blanc. Dans la continuité du lit, un bureau en bois avec une chaise, elle aussi en bois, un bois foncé, de style simple, épuré, seule une lampe métallique vient occuper la surface du bureau. La cellule s’ouvre dans sa largeur sur une loggia qui vient à la rencontre d’un grand feuillus vert. La façade qui délimite l’intérieur de l’extérieur est découpée en trois parties verticales non équivalentes : à droite la porte vitrée sur toute la hauteur de la façade, au centre une fenêtre placée à 1 mètre de hauteur éclaire le bureau, et à gauche, un aérateur en bois, du même bois que le mobilier, s’ouvre

25


Acte premier, Scène première

lui aussi sur toute sa hauteur. Avant le lever du rideau, on entend une porte s’ouvrir puis se fermer, des pas hésitants puis, une personne qui s’affale lourdement sur un lit. Si possible sur le lit décrit précédemment. Au lever du rideau, La Fille restera un long moment allongée sans bouger.

Bonjour !

CELLULE

LA FILLE ( Elle se redresse en sursautant ) Qui est là ? Ben c’est moi !

CELLULE

LA FILLE (Elle tourne la tête à droite, puis à gauche) Qui moi ? Qui me parle ? Où es-tu ? Je ne te vois pas ? CELLULE Je suis ici, là, et là-bas. Je suis partout, je t’entoure, je te protège, je suis ta bulle, ton isoloir.

26


Acte premier, Scène première

LA FILLE Me protéger ? m’isoler ? mais de quoi ? de qui ? Pour quoi ? CELLULE Je t’isole du monde, des gens, de l’extérieur. LA FILLE Mais … non merci. Je n’ai pas besoin que tu m’isoles. Je ne veux pas être isolée ! CELLULE Mais je suis là pour te protéger. LA FILLE Mais me protéger de quoi ? Je sais me défendre, je sais me battre tu sais ! Je n’ai peur de rien ni de personne moi ! (Elle se lève et exécute quelques mouvements de combat dans les airs) CELLULE (Elle se mit à rire) Ce n’est pas comme ça que tu vas pouvoir te défendre contre ce que je garde à distance !

27


Acte premier, Scène première

LA FILLE Et pourquoi donc ? tu ne me crois pas assez forte? CELLULE Ce n’est pas quelque chose que tu peux frapper, ou attraper, ce n’est pas quelque chose que tu peux voir ! Comment te défends-tu contre quelque chose que tu ne peux ni voir, ni toucher de tes mains ? LA FILLE Ni voir … ni toucher ? Mais de quoi veux-tu me protéger ? CELLULE Du bruit sourd, du son, de toutes ces nuisances qui ne cessent jamais, qui bourdonnent en continue dans tes oreilles jusqu’à devenir une habitude, une normalité. LA FILLE Mais il ne me dérange pas, et puis de toute façon je n’aime pas quand il n’y a pas de bruit, ça me stresse, ça me gêne, c’est très incommode. (Elle se laisse de nouveau tomber sur le lit) CELLULE Il est important que par moment tu puisse t’y soustraire, et te re-

28


Acte premier, Scène première

trouver dans le silence, pour te découvrir un lieu plus intime encore, un « toi » intérieur. (La Fille gémit puis reste un long moment silencieuse) Aurais-tu peur ?

CELLULE

LA FILLE (Elle se relève brusquement) Moi, peur ? Et de quoi ? CELLULE Je ne sais pas, peut-être de ce que tu découvriras. Peut-être as-tu peur de la vérité, de découvrir qui tu es vraiment. De faire tomber ce masque d’artifice et de te dévoiler à toi-même. Ou de te dévoiler à moi. LA FILLE Qui n’a pas peur de la vérité, nous nous cachons tous derrière des filtres, des faux-semblants. Nous ne sommes que des trompe-l’œil ambulants, un vrai défilé masqué digne d’un carnaval. CELLULE C’est faux. Je ne te mens pas moi, je me montre tel que je suis vrai-

29


Acte premier, Scène première

ment. Je te montre tout, ne te cache rien. Je te dévoile par ce crépi blanc ce qui n’est que pure enveloppe et par ce béton ce qui fait mes os, mon squelette, ce qui m’est essentiel. Je suis simple, je suis minimum, je suis sans décor, sans simulacre, je ne suis que pureté, vérité et nécessité. Je suis fait pour t’accompagner, je suis fait pour t’encadrer, avec moi tu peux te sentir en confiance. Je ne suis qu’un serviteur, qui est à tes ordres, t’accompagne dans ce monde qui est le tien, que toi seule contrôle et dirige, celui de ton esprit. LA FILLE Pourquoi serait-ce si important de savoir qui l’on est vraiment au fond ? Tant que notre masque est assez solide pour que jamais il ne se fissure, je n’ai plus besoin de chercher à le retirer ! CELLULE Comment veux-tu, je dirais même comment peux-tu t’ouvrir aux autres, apprendre à les découvrir, apprendre à les aimer, et apprendre a ce que l’on t’aime en retour, si toi-même tu ne te connais pas et ne t’aimes pas. LA FILLE Tu penses donc qu’il est nécessaire que je me connaisse moimême1 pour être capable de m’ouvrir réellement à l’autre, de pouvoir aimer et être aimée en retour ?

30


Acte premier, Scène première

CELLULE En effet, et tu ne pourras apprendre à te connaitre toi-même, que par la méditation. LA FILLE Crois-tu que tu pourrais m’apprendre à méditer ? CELLULE Je ne sais pas si cela peut vraiment s’apprendre, mais je peux te guider, te montrer le chemin. La méditation peut t’amener vers différents buts, mais c’est tout d’abord une libération. Une libération de l’être et de l’esprit, la méditation peut donc prendre la forme d’une recherche de spiritualité, d’un questionnement sur soi, ou du rêve. LA FILLE Et si je ne trouve jamais les réponses à mes questions, et si je reste coincée dans mon imaginaire, si ce monde fictif est mieux que ma réalité et que je veux y rester ? CELLULE Tu ne peux pas, ton corps a des besoins naturels, la faim, la soif, tu ne peux rester coincée dans un monde imaginaire sans jamais n’être à un moment rappelée à ta réalité. De plus c’est aussi une de mes particularités, pour te permettre de garder une petite accroche à la réalité et au monde extérieur, je

31


Acte premier, Scène première

peux te faire parvenir certains bruits légers qui ne viendront pas te perturber directement mais seulement te rappeler où tu es. LA FILLE Je ne suis pas sûre de comprendre, je croyais que tu me protéger du monde extérieur et maintenant tu me dis que tu lui es perméable. CELLULE En fait je ne le suis physiquement que si tu le décides, que si tu prends la décision d’ouvrir la porte ou la fenêtre. Il en est de même avec les nuisances, si tu décides de tout fermer, elles seront réduites, feutrées, je peux jouer sur leur intensité pour qu’elles ne viennent pas te déconcentrer. Écoute ! Tends l’oreille et ne dis plus rien ! Entends-tu ce bruit de pas ? (La fille fait un signe d’acquiescement de la tête) CELLULE Quelqu’un déambule autour de moi, tu l’entends, mais ne le vois pas. Il ne te voit pas non plus. Il peut s’éloigner, s’approcher, frôler ta bulle, mais il ne peut y pénétrer. L’écho du vide extérieur est fait pour te révéler sa présence, te signaler qu’il y a un dehors mais qu’il ne peut me pénétrer que si tu le décides, que si tu décides de ma perméabilité, et de mon ouverture. Ici c’est ton monde, ce sont tes règles. Ici, tu es en sécurité, ici, tu es libre. Libre de te concentrer, de

32


Acte premier, Scène première

voyager, de te questionner, et libre de rêver. LA FILLE Je crois plutôt que mon esprit devient obsédé par ce bruit, je veux savoir qui est-ce, ce qu’il ou elle fait ? Où il va ? CELLULE Alors c’est que déjà tu as commencé à rêver, tu as commencé à chercher des explications à ce son, des hypothèses sur sa provenance, c’est donc que tu vas pouvoir commencer à imaginer tes réponses, ce son vient au contraire d’éveiller ton imagination. Il te donne à rêver, inventer, chercher la représentation de sa source, son parcours, son chemin, l’identité de ce promeneur, les chaussures qu’il porte, son allure physique, son histoire. Je crois au contraire que tu es maintenant fin prête pour méditer.

33


Acte premier, Scène 2

SCÈNE 2

LUMIÈRE OMBRE, LA FILLE

Décor Une boîte carrée de 2,26m de côté, recouverte de crépi blanc, mis en lumière par un faible éclairage donnant à voir toutes les aspérités des parois. Un plafond bas de 2,26m de hauteur vient clôturer l’espace. Au sol du carrelage froid d’une teinte orangée. Sur le mur de droite est fixée, une tête de douche pas plus grosse qu’une pomme. Je parle ici d’une pomme de taille moyenne, provenant d’un pommier moyen. Au lever du rideau, Ombre et Lumière se font face et se poussent violemment. LUMIÈRE Pousse toi, tu prends toute la place, reste de ton côté ! OMBRE Mais je veux sortir, j’en ai marre d’être caché, laisse moi t’entourer, laisse moi t’atténuer un moment !

34


Acte premier, Scène 2

LUMIÈRE Tu ne peux m’atténuer. Si je ne suis plus, tu n’es plus non plus. LA FILLE (Elle arrive en courant pour les séparer) Que se passe-t-il ici ? Pourquoi vous disputez-vous ? OMBRE Nous ne sommes d’accord sur rien, j’ai l’impression que tout nous oppose, nous nous faisons toujours face sans jamais pouvoir nous nuancer, nous sommes dans un constant rapport de force. Chacun veut prendre la place de l’autre. Et on y arrive parfois, mais cela ne dure jamais très longtemps. LA FILLE Pourquoi rester ensemble si tout vous oppose ? LUMIÈRE Nous ne pouvons pas être séparés, sans l’autre nous ne sommes rien, nous n’existerions pas, nous sommes dépendant l’un de l’autre. Je ne peux exister que par la présence d’Ombre, et Ombre ne peut exister que par ma présence. C’est un sacré dilemme digne d’une tragédie grecque. On ne peut exister sans l’autre, mais l’on ne peut exister si l’autre est trop présent. OMBRE Mais assez parlé de nous, que viens-tu faire ici ? 35


Acte premier, Scène 2

OMBRE Mais assez parlé de nous, que viens-tu faire ici ? LA FILLE Je viens me ressourcer. Essayer un peu de me retrouver. Reprendre contact avec ce que je suis vraiment. Ce que mon corps est vraiment. Mais je ne suis pas sûre que ce lieu soit vraiment le bon endroit. LUMIÈRE Au contraire, l’espace de nudité est l’espace où tu peux le plus te retrouver, retrouver ton enveloppe charnelle, ton aspect, ta « matérialité ». LA FILLE Mais comment je peux prendre pleine possession de mon corps, sans intimité dans un lieu commun a tous. LUMIÈRE Peut-être as-tu seulement besoin de te sentir seule sans l’être forcement réellement. La sensation de protection et de sécurité peut suffire à te faire sentir isolée, cachée des regards indiscrets. LA FILLE C’est vrai que j’ai déjà ressenti cette sensation avec Cellule. Grâce

36


Acte premier, Scène 2

à la protection visuelle, sonore, et physique qu’elle m’a procurée, je me suis sentie bien, en sécurité. LUMIÈRE Ici aussi tu peux trouver une limite physique, les parois que je dessine te protègent. Le plafond que je te dévoile au plus près de toi, est ici pour te rassurer. OMBRE Moi je peux te couvrir, je serai ta protection visuelle. Si tu le désires tu pourras me tempérer : me lever, ou me donner plus d’importance. Je collerai ta peau et épouserai tes courbes pour te préserver. LUMIÈRE Par la matérialité du mur que je te donne à voir, je t’entoure d’une paroi moins lisse, moins parfaite, plus humaine, faite de rugosités, de déformations, d’aspérités, de courbes, de creux, de plis. Je te représente une sorte de miroir pour te redonner la lecture de ton reflet sans que tu n’aies aucune honte. OMBRE Je te plonge dans un monde silencieux, d’intimité où tes sens seront plus à ton écoute. Ils seront démultipliés pour te permettre de prendre conscience de ton importance, de ce qui te définit extérieurement.

37


Acte premier, Scène 2

LA FILLE Il s’agirait donc ici de redécouvrir mon « moi » extérieur, après avoir pu découvrir mon « moi » intime, intérieur. LUMIÈRE Je dirai plutôt qu’il s’agit de mettre en lien tes différents « toi ». Faire dialoguer ton intérieur et ton extérieur pour te construire pleinement. LA FILLE Et si mes ego sont différents, si je ne projette pas l’enveloppe extérieure de ce que mon fort intérieur est réellement ? OMBRE Ce que tu cherches en ces lieux ce n’est pas a changer un de tes « toi » pour qu’il ne devienne qu’une pâle copie de l’autre. Ce que tu cherches ici, c’est le lien, le lien qui unit ces différents « toi ». Ils ne peuvent pas être incompatibles, ils sont obligatoirement liés, même si ils sont opposés, ils ne peuvent vivre l’un sans l’autre. Tu es un peu comme nous, tu es faite d’ombre et de lumière toi aussi. LUMIÈRE Ton enveloppe extérieure n’est pas la définition simple de ce que tu es, ce n’est que la lumière de ta personne. Mais tu es faite et définie aussi par ton ombre, ton « toi » intérieur. Et c’est ce couple qui te

38


Acte premier, Scène 2

définit dans ta généralité, dans ta globalité, dans ton entité. Prendre pleine conscience de ces différents « toi » permet de te définir entièrement.

39


Acte premier, Scène 3

SCÈNE 3

LA FILLE, COULOIR, SUCRE, FLEUR

Décor Un long tube de section carrée de 2m26 de large, par 2m26 de haut et long de 38m43. Sur son côté droit, il est ouvert sur toute sa longueur d’une fenêtre en bandeau placée entre 1m43 et 1m83 de hauteur. Cette fenêtre est découpée tout les 4m79 par un morceau rectangulaire de béton qui vient souligner la trame de sa structure et lui donner un rythme. Au fond de ce couloir, une fenêtre carrée de 1m40 de côté est placée au centre de la façade. Cette fenêtre est séparée en deux montants permettant son ouverture, elle est encadrée par des menuiseries de couleur verte sapin. Et elle est obstruée par un feuille de béton inclinée de façon a ce qu’un fin rayon de lumière puisse s’y glisser. Sur son côté gauche, une série de porte auxquelles correspondent des numéros impairs. Ces portes sont en bois foncé et leurs montants sont jaunes ambrés. Le sol est recouvert d’un lino vert, mais un vert différent de celui de la fenêtre, un vert plus délavé, un vert poireau.

40


Acte premier, Scène 3

Au lever du rideau, La Fille est immobile au milieu de la scène, Couloir et Sucre tournent autour d’elle, Fleur est de dos sur le bout de la scène.

LA FILLE Maintenant que je sais ce que représente mon corps, maintenant que mon esprit est bien conscient de sa présence, des sons qu’il produit, je ne peux m’empêcher de les écouter, j’ai l’impression qu’il résonne dans tout le couvent, j’ai l’impression qu’à chacun de mes pas le bâtiment tremble. Je n’ai pas encore posé mon pied au sol que le pas précédent n’en finit pas de retentir. J’ai l’impression de n’entendre plus que mon souffle, que le frottement de mes habits … tout ces sons, j’ai l’impression d’être perturbante, dérangeante. COULOIR Allons, ce n’est pas parce que tu as appris à écouter ton corps qu’il ne faut sans cesser l’écouter. Tu peux par moment apprendre à t’en détacher. C’est bien là toute la complexité : être capable de l‘écouter comme d’en faire totale abstraction, c’est ça la force du lien qui unit ton esprit et ton enveloppe. LA FILLE Mais maintenant que j’y porte attention je n’entends plus que ça,

41


Acte premier, Scène 3

je ne pense plus qu’à ça. Bloqué

SUCRE

COULOIR Si tu me traverses de tout mon long, sans t’arrêter, ni ralentir, ni accélérer. Peut-être te rendras-tu compte que tes pas, tes habits, ta respiration, sont habituels, normaux, et qu’il ne faut pas leur donner plus d’importance qu’ils n’en nécessite. LA FILLE Vous êtes bien trop long, si je vous parcours, le bruit que je produirai ricochera partout, incessamment il parviendra à chaque oreille tendue, à chaque objet, à chaque paroi, puis il rebondira encore et encore à l’infini, sans jamais s’arrêter. Bloqué

SUCRE

COULOIR Au début, tu entendras l’écho de tes pas, le son que font tes semelles sur le sol à chaque contact, tu te focaliseras donc sur le rythme, sur la mélodie que tu produis.

42


Acte premier, Scène 3

LA FILLE , sur un ton ironique Produire de la musique dans un endroit où le silence est d’or, quelle bonne idée ! COULOIR Cette musique ton esprit, tes oreilles, les oreilles de tous, s’y habitueront rapidement. La monotonie de ce rythme deviendra habituel, et se transformera en un murmure, un fond, un chuchotement, sans jamais disparaître, il s’apaisera et ne deviendra plus qu’un simple souffle qui effleurera ton esprit. LA FILLE Une fois habituée aux sons que je produis, le but est de chercher à retrouver un certain silence ? Un silence cadencé qui assumerai mes déplacements. Bloqué

SUCRE

LA FILLE Je pourrais continuer ma méditation, ma réflexion, tout en avançant. COULOIR En effet, le but est que tu réussisses à trouver un silence intérieur

43


Acte premier, Scène 3

peu importe le bruit qu’il y a autour, peu importe ton action, peu importe l’endroit où tu te trouves. Pour t’y entrainer je suis parfait. LA FILLE Pourquoi cela ? tu n’es qu’un couloir comme tous les autres. Tu me permets d’aller d’un point de départ à une destination. COULOIR Non, je suis plus droit, plus filant, tout te montre le chemin, ici tout est clair, simple, tout t’es montré, indiqué, tu n’as plus qu’a te laisser porter par mon courant, je te guide sans que tu n’aies à réfléchir. Ainsi si ton esprit n’est pas encombré par la réflexion de ton parcours, il laisse la possibilité de t’en servir pour autre chose. Bloqué

SUCRE

LA FILLE Il est vrai que la grande perspective droite que tu m’offres m’invite à avancer tout droit sans réfléchir. Mais je ne peux m’empêcher de voir ce chat qui dort au soleil, de voir ces arbres si verdoyants, d’observer le vent qui fait bouger et tomber ces feuilles dans un tourbillon frénétique.

44


Acte premier, Scène 3

COULOIR Si tu reste immobile, en effet le dehors t’appelle, ton regard est porté vers cet horizon. Mais lorsque tu vas te mettre en mouvement, sucre interviendra a de nombreuses reprises pour te détacher de ton point d’ancrage visuel et de ce qui t’attire au dehors. A force d’être constamment coupé, tu n’auras plus le temps ni l’envie de chercher à observer l’extérieur pour y trouver un nouvel aimant à répétition. C’est aussi la fonction de Fleur. FLEUR Oui, c’est pour quoi ? LA FILLE Bonjour, je souhaiterais regarder dehors s’il-vous-plaît. FLEUR Ah ça ne va pas être possible. LA FILLE Mais je suis habituée à regarder, je le fais souvent FLEUR Circulez, votre regard ne passera pas.

45


Acte premier, Scène 3

LA FILLE Mais je connais couloir et sucre, il savent eux que j’ai déjà regardé. FLEUR Circulez fillette ! Bloqué

SUCRE

LA FILLE Couloir je ne comprends pas, pourquoi fleur ne me laisse-t-elle pas passer ? COULOIR C’est peut-être parce que tu n’es pas encore prête, tu sais il ne faut pas le prendre personnellement, Fleur ne laisse passer quasiment aucun regard, seul ceux qui lui sont proches sont autorisés à passer à sa droite ou sa gauche. A la fin de ma traversée, tu seras sûrement plus proche d’elle, assez proche pour qu’elle t’ouvre, à ton tour, les passages sur ses côtés. LA FILLE Elles sont tous aussi difficiles et impassibles ?

46


Acte premier, Scène 3

COULOIR A peu près oui, chacun de mes confrères en côtoient une quotidiennement, et aucun n’a jamais réussi à en faire bouger ou tourner une. On peut dire qu’elles prennent vraiment leur travail à cœur. LA FILLE Tes confrères ? mais je croyais que tu étais unique. COULOIR Je suis unique, je suis différent. On l’est tous d’ailleurs, mais j’ai aussi des similitudes avec d’autres. Même si l’on garde chacun sa personnalité et ses particularités il est vrai que je fais partie d’une grande famille. LA FILLE Tu veux dire que vous vous ressemblez tous physiquement mais pas mentalement ? COULOIR En fait nous sommes de même composition mais il peut y avoir de petites différences physiques et surtout de grandes différences mentales. Par exemple mon semblable un peu plus bas, me ressemble mais ne fait que la moitié de mon tour de taille. Et le suivant, plus timide, préfère s’enterrer pour se cacher des regards extérieurs.

47


Acte premier, Scène 3

LA FILLE Peut-être aurais-je l’occasion de les parcourir dans la journée. COULOIR Certainement, mais pour l’heure, je crois que tu vas devoir me quitter ici. Tu as finis de me traverser, tu as réussi ! Accompagner ta progression, mentale et physique, fut un plaisir. Repasse me voir quand tu le désires, je ne bouge pas ! Bloqué.

SUCRE

RIDEAU

48


ENTRACTE


« J’ai essayé de créer, à l’Arbresle un lieu de méditation, de recherche et de prière pour les frères prêcheurs. (…) J’ai imaginé les formes, les contacts, les circuits qu’il fallait pour que la prière, la liturgie, la méditation, l’étude se trouvent à l’aise dans cette maison. Mon métier est de loger les hommes. Il était question de loger des religieux en essayant de leur donner ce dont les hommes d’aujourd’hui ont le plus besoin : le silence de la paix. Les religieux, eux, dans ce silence placent Dieu. Ce couvent de rude béton est une œuvre d’amour. Il ne se parle pas. C’est de l’intérieur qu’il vit. C’est à l’intérieur que se passe l’essentiel. » Le Corbusier.








ACTE II



Acte II

SCÈNE PREMIÈRE

PAN 1, PAN 2, PAN 3, LA FILLE, LA DAME, LE FRÈRE

Décor Un cube, mais un cube beaucoup plus grand que celui de la scène 2 de l’acte précédent. Celui-ci en fait peut-être 10 fois la taille. Son toit lui est incliné, allant de 4m52 à 9m04. Une de ses façades est recouverte de crépi blanc dans lequel se devinent deux grandes portes, celle de gauche est jaune ambrée, celle de droite est verte sapin. La façade qui lui fait face est une immense devanture de verre, elle est découpée en 18 pans verticaux, dont chacun a une dimension et une épaisseur différentes. Les deux dernières façades sont découpées en deux parties, une vitrée de même composition que celles décrites précédemment, et une partie opaque recouverte de crépi blanc agrémenté d’un petit banc en bois clair. C’est la partie opaque de cette façade qui est en lien avec la grande façade vitrée, et la partie vitrée en lien avec la grande façade opaque. Le sol est recouvert d’un carrelage de béton lisse décrivant un tout autre rythme que celui des façades vitrées. Au lever du rideau, Pan 1, Pan 2 et Pan 3, sont positionnés sur une

59


Acte II, Scène 1

même ligne, sans bouger, ils répètent incessamment, comme une comptine, des mots de mêmes familles sonores.

Pan Paon Pain Peint ? Pan À quoi jouez-vous ?

60

PAN 1 PAN 2 PAN 3 LA FILLE PAN 1 LA FILLE


Acte II, Scène 1

PAN 2 La question est plutôt « Que jouons-nous ? » Des sons ? Des tons ? Des répétitions ?

PAN 1 PAN 3 PAN 1

PAN 2 Nous sommes l’orchestre de l’Atrium. LA FILLE Oh un orchestre ! Mais qui est votre maestro ? Personne ! Tout le monde !

PAN 1 PAN 3

61


Acte II, Scène 1

Celui qui l’ose !

PAN 2

PAN 1 Celui qui a le courage de nous diriger, de nous faire jouer ! PAN 3 Celui qui a le courage de briser ce silence en premier. PAN 2 Une fois ce silence brisé, il se fait moins imposant, moins effrayant. Sa substitution par la parole en devient plus facile. Il devient plus naturel de produire un son, de s’exprimer, d’échanger, de partager, ou de communiquer. PAN 3 Nous sommes les hôtes qui vous accueillent, Vous présentent Et vous animent

62

PAN 2 PAN 1


Acte II, Scène 1

PAN 2 Avant le grand bal de Réfectoire. PAN 1 Notre mélodie raisonne de plus en plus haut pour vous habiller d’une chaleureuse lumière qui ondule au rythme de vos rencontres. LA FILLE Quelqu’un arrive, taisez-vous ! (La Dame entre sur scène, les personnages se saluent du regard, se sourissent d’un air gêné, puis restent face à face sans se parler.) LA FILLE Les Pans ! Que dois-je faire ? Ça devient gênant, je ne sais pas quoi dire ! Joue-nous ! Guide-nous ! Dirige-nous !

PAN 2 PAN 1 PAN 3

63


Acte II, Scène 1

nger ! Et si elle est en train de profiter du silence pour méditer ! Fais-le !

PAN 2

(La Fille se met à orchestrer les Pans faisant retentir la musique de Xenakis.) LA DAME Oh comme c’est beau ! C’est un magnifique morceau ! Merci !

LA FILLE

LA DAME Vous pratiquez cela depuis longtemps ? LA FILLE A vrai dire, c’est bien la première fois ! LA DAME C’est la première fois que vous venez ici ? Eh bien oui, et vous ?

64

LA FILLE


Acte II, Scène 1

LA DAME Je suis une habituée des lieux je dois bien l’avouer. Cela fait presque 10 ans que je viens faire des séminaires, des ateliers en tout genre. LA FILLE Et vous y séjournez longtemps ? LA DAME J’aime bien venir un week-end, quelques jours, mais je peux rarement plus malheureusement. Mais cela me suffit à me ressourcer. Avec Cellule ?

LA FILLE

LA DAME Oui, c’est vrai que Cellule m’aide beaucoup pour cela, mais aussi Couloir… En faite, c’est tout le parcours, la déambulation, et les vues, les grandes baies qui s’ouvrent sur la campagne, c’est tout cela qui me ressource, qui m’apaise et me redonne de l’énergie. Vous verrez quand nous serons avec Réfectoire les magnifiques vallons qu’il vous offre à contempler. LA FILLE Qu’attendons-nous au juste pour rencontrer Réfectoire?

65


Acte II, Scène 1

LA DAME Et bien il est très occupé vous savez, il passe son temps à se préparer à nous accueillir. LA FILLE Et quand sait-on que Réfectoire est enfin prêt ? LA DAME Et bien c’est le frère qui se charge des présentations et qui nous ouvre les portes vers ces festivités. (Le Frère entre sur scène) Ah bien tiens le voilà ! L’avez-vous déjà rencontré auparavant ? LA FILLE Non je l’ai déjà certainement entendu mais c’est bien la première fois que je le vois. (Le Frère vient saluer les deux femmes) LE FRÈRE Bonjour mesdames, je me présente, je suis le frère hôtelier, c’est moi qui vous accueillerai et guiderai tout au long de votre séjour dans les temps de la vie collective.

66


Acte II, Scène 1

Si vous voulez bien me suivre, vous aller pouvoir enfin faire la connaissance de l’hôte de ces réjouissances. Par ici s’il-vous-plaît ! (Les personnages sortent tous de la scène)

67


Acte II, Scène 2

SCÈNE 2

LA FILLE, LA DAME, LE FRÈRE, LE RÉFECTOIRE

Décor Une grande salle rectangulaire, rythmée d’énormes poteaux de béton, ils sont au nombre de 4, ils soutiennent de lourdes poutres, elles aussi en béton, qui soutiennent d’autres lourdes poutres en béton. Le sol est le même que dans la scène précédente, fait d’un carrelage de béton lisse. Les deux plus petites façades de la pièce sont recouvertes du même inlassable crépi blanc. Les deux plus grandes sont vitrées mais chacune s’exprime différemment. L’une est composée de panneaux « Mondrian », ces panneaux opaques sont colorés, ils sont jaune ambré, vert sapin, rouge carmin. La première façade peut être voilée de grands drapés de velours rouge lui aussi carmin. Elle permet de voir un peu l’extérieur, et donne principalement sur un mur de crépis, un peu moins blanc selon le temps qu’il fait. L’autre façade est composée de pans verticaux, du même style que dans la scène précédente, mais ceux-ci sont différents, ils donnent à entendre et à regarder une nouvelle mélodie. Derrière, on devine par temps dégagé, les beaux monts Lyonnais.

68


Acte II, Scène 2

Au centre de la pièce, organisés en deux rangées bien distinctes, il y a des chaises, des tables, des assiettes, des fourchettes, des couteaux, des cuillères, des verres, des carafes. Placé à équidistance de ces rangées, un demi-cercle de chaises vides qui se font face. Au lever du rideau, les personnages rentrent l’un après l’autre sur scène et viennent prendre place sur ces chaises.

LE FRÈRE, en rentrant Mes chers amis je vous en prie, veuillez-vous asseoir notre hôte va bientôt faire son entrée. (Tous les personnages prennent place puis attendent impatiemment) Votre attention s’il-vous-plaît, j’ai l’honneur de vous présenter, le magnifique, l’incroyable,et le talentueux Réfectoire !! (Les personnages se mettent à l’applaudir timidement, Réfectoire entre sur scène et vient se placer au milieu, fait quelques courbettes puis dit d’un ton énervé)

69


Acte II, Scène 2

RÉFECTOIRE NON, NON, NON, STOP, ARRÊTEZ TOUT ! (Il sort du cercle et va se placer un peu plus loin, Le Frère le rejoins en courant) LE FRÈRE, en balbutiant Que se passe-t-il ? Quelque chose ne va pas ? RÉFECTOIRE C’est une plaisanterie ? Bien sûr que rien ne va, c’est évident quand même ou êtes-vous devenu sourd ? LE FRÈRE Veuillez me pardonner mais je ne comprends pas. Qu’est-ce qui vous contrarie à ce point ? Avons-nous fait quelques gestes déplacés ? RÉFECTOIRE Un geste déplacé, oui c’est exactement ça, c’est extrêmement gênant, je suis outré, scandalisé, mais quelle insulte ! Moi la magnificence, moi la splendeur, moi la somptuosité, je vous donne tout ! Je me démène à commander et à ordonner tout ceci pour être reçu et remercié de la sorte ? Je dis non, je dis non, non, non !

70


Acte II, Scène 2

Je me suis pomponné, j’ai pris ma toilette, j’ai mis mes plus belles étoffes, elles-mêmes toilettées et pomponnées de rouge carmin et de vert impérial. Je m’ouvre sur les plus beaux paysages de cette vallée, pour ça ! LE FRÈRE Mais enfin Réfectoire, cessez-donc de faire votre diva, ne voyezvous pas que nos hôtes sont effrayés et gênés ? RÉFECTOIRE Et bien parfait, comme ça nous sommes deux ! LE FRÈRE Peut-être leur faut-il un temps d’adaptation un peu plus long ? Vous avez été beaucoup trop brusque, ils viennent d’apprendre à expérimenter le silence, ils ne peuvent pas crier et applaudir à se faire exploser les tympans d’un coup ! Leurs oreilles n’en survivraient pas ! RÉFECTOIRE Tout est donc de votre faute à vous mon Frère, et aux Pans ! N’étiez-vous pas censés les réhabituer progressivement au bruit et au brouhaha ?

71


Acte II, Scène 2

LE FRÈRE Il est vrai que nous sommes allés surement un peu trop vite, nous le saurons pour la prochaine fois ! RÉFECTOIRE La prochaine fois ! la prochaine fois ! Mais pour l’instant que faiton de ceux-là ? LE FRÈRE Vous sentez-vous capable d’organiser leur transition ? RÉFECTOIRE Pour qui me prenez-vous, bien sûr que j’en suis capable ! (Le Réfectoire retourne au centre du cercle) Mes chers amis, bonjour ! Veuillez excuser ma conduite, je ne m’attendais pas à un public si frustré. Bien, maintenant que les choses sont claires entre nous, je vais pouvoir me présenter puis ce sera à chacun d’entre vous d’en faire autant. Je me nomme Réfectoire, je suis l’hôte des festivités, des repas, et autres collations. Je suis celui qui vous rassemble et vous nourrit, je suis celui qui vous réintroduit le bruit et les sons de la vie courante et collective. Est-ce que ma fonction me plaît ? Je pense que oui, je ras

72


Acte II, Scène 2

semble, je suis le tisseur de liens et de rencontres, je suis le peintre qui vous donne à contempler les monts Lyonnais, je suis le cuisinier qui remplit vos bedaines affamées, je suis l’aumônier qui désaltère vos gosiers asséchés, je suis le musicien qui vous fait vibrer de mon concerto fourchettes pour couteaux. Mais c’est une fonction fatigante vous savez. Et lorsque vous avez tout donné, que vous voulez enfin vous reposer, il faut d’abord tout ranger, puis vient déjà le temps de réorganiser la festivité suivante. Il fut un poème qui exprimait assez bien la fugacité du rythme qui s’opère en mes journées. Le calme, puis le réveil, les préparatifs, l’organisation, l’installation, les finitions, les danses endiablées, puis l’extinction. La folie se fane, le calme revient, il faut ranger, nettoyer puis tout recommencer. Oui, Il fut un poème qui exprime assez bien, ce cycle continu. Ce poème fut écrit lors d’une chaude soirée d’été, par mon humble personne : « Quand le ciel flamboyant, s’estompe lentement ; La nuit revêtue de sa grande cape noire, Surgit chassant le moindre étincellement, Transforme en néant toute trace de mémoire. Le silence, seul dans l’ombre de mon antre, Enrobe les esprits fraichement endormis ; Le rideau suspendu rêve de s’étendre ; Tout s’éteint, tout se meurt quand résonne minuit.

73


Acte II, Scène 2

Dans ce calme, un pas résonne sur la dalle, Tout s’éveille, et le son élargit sa spirale ; Le pan gémit, la chaise tressaille de ce bruit ; Le pilier le répète en sa cavité sombre ; Le plafond le redit, et s’agite dans l’ombre, Puis tout s’éteint, tout meurt, et retombe en la nuit ! »2 Bien sûr vous pouvez faire plus succinct, nul doute qu’après mon incroyable prestation, la pression qui pèse sur les épaules du prochain est forte, je dirais même qu’elle est écrasante en tout point. Eh bien, à qui le tour ? (Tous les personnages se regardent affolés) Très bien, vous savez que nous n’avons pas toute la journée ! (Tous les personnages se regardent toujours affolés) LE FRÈRE Peut-être ne sont-ils pas encore prêts à se dévoiler devant tous ? Tout le monde n’a pas votre talent d’orateur. RÉFECTOIRE Bien, je vois, nous n’allons donc pas nous présenter, laissez-moi

74


Acte II, Scène 2

plutôt vous initier à un jeu. Un jeu dont le but est simple, vous aurez gagné lorsque vous serez libérés de tout complexe et qu’enfin vous oserez parler, hausser votre voix, crier, chanter jusqu’à ce que vos poumons se soient vidés. Je vois bien que vous ne vous êtes pas réconciliés avec votre enveloppe, avec votre corps, avec les sons que vous produisez. Il faut arrêter de vouloir être sur la retenue, de vouloir absolument tout contrôler, tout dompter. Il faut au contraire vous en libérer. (Il lève les bras au ciel, et commence à parler de plus en plus fort, d’un ton possédé !) Libérez-vous de cette peur de ce que vous êtes vraiment, de ce que vous produisez et générez. Libérez-vous de votre peur de mal faire, de gêner, d’embarrasser, de contrarier, de freiner. Libérez votre esprit en acceptant que votre corps produise du bruit, qu’il est là et bien présent, qu’il est matière et mouvements. (Les personnages se lèvent petit à petit puis commencent à bouger dans tous les sens, à taper des mains, des pieds, a se secouer, à crier) Tournez, courrez, criez, sautez, tapez du pied, des mains, je veux que la mélodie que nous produisons s’entende et se répande au-delà de ces enceintes, qu’elle s’ouvre et déferle sur le monde telle une vague de vibration libératrice. Plus fort, plus fort, je n’entends rien !! Continuez ! Encore, jusqu’à l’épuisement ! Et stop !

75


Acte II, Scène 2

(Tous les personnages s’arrêtent, se regardent puis se rassoient) Je pense maintenant que vous n’avez plus peur de parler.

RIDEAU

76


ENTRACTE


«Tout a ses merveilles, l’obscurité et le silence aussi.» Helen Keller








ACTE III



Acte III

ACTE III

ORGUE, ÉCHO, LE FRÈRE, LUMIÈRE, LA FILLE, LA DAME, LE SILENCE

Décor C’est le lieu final, un immense cube de béton gris brut de décoffrage, avec une très grande hauteur sous plafond. Au centre, surélevé par 8 marches, un autel, en pierres chères, nobles et blanches. Il découpe l’espace en deux parties, une partie principalement vide, avec un sol qui reprend une légère pente, avec comme seul élément remarquable, un mur rouge au fond qui protège une sorte de confessionnal. La deuxième partie est celle qui va abriter toute l’action de cette scène. Elle contient sur deux côtés face à face, trois rangées de bancs. Au centre, un orgue majestueux directement imbriqué dans le mur ; devant, posé au sol, un pupitre. La scène est éclairée par différents dispositifs lumineux : à l’Est, une grande fissure vitrée qui vient éclairer l’autel, au centre, un puits de lumière ainsi que des fentes coupées de biais qui éclairent un béton coloré et qui sont placées au-dessus des rangées d’assises. Et à l’Ouest, une ligne de lumière vient souligner la séparation de la toiture et du mur.

87


Acte III

Au lever du rideau, Orgue se tient assis en hauteur, au centre de la scène. Les personnages viendront s’asseoir tour à tour sur chacun de ses côtés. Écho marche durant toute la durée de la pièce, il ricoche d’un bout à l’autre, sans but, sans direction précise. (Une cloche retentit trois fois)

ORGUE Le Frère, veux-tu bien ouvrir la porte que nos hôtes puissent entrer ? Puissent entrer ?

ÉCHO

(Le Frère fait un signe indiquant d’entrer aux personnages) ORGUE Entrez, je vous en prie, veuillez prendre place nous allons débuter. Nous allons débuter.

88

ÉCHO


Acte III

LUMIÈRE Poussez-vous, je ne vois rien, ouvrez un peu plus ces bandeaux ! ÉCHO

Ces bandeaux ! PAS, PAS, PAS, PAS, PAS, PAS, PAS

LA FILLE , en demandant à La Dame Pourquoi reprend-t-il le rythme de nos pas ? Nos pas ?

ÉCHO

LA DAME C’est Écho, vous ne l’aviez pas encore rencontré en personne ? Il est atteint de la Tourette, il a des tics, il ne peut s’empêcher de reproduire des mots, des phrases, des sons. Des sons.

ÉCHO

ORGUE Si tout le monde est là nous allons pouvoir commencer !

89


Acte III

Commencer !

ÉCHO

LUMIÈRE Non, non, non, attendez-moi, je n’arrive pas à rentrer pleinement ! On m’obstrue, on me contrôle, on me dirige. Mais laissez-moi entrer un peu plus! ORGUE Nous sommes réunis aujourd’hui pour s’absoudre de nos péchés, de notre mauvaise parole, de notre vaine parole, et momentanément de notre parole. Laissez-vous guider en abandonnant peu à peu vos phrases, vos mots, votre voix, sans jamais ne faire taire celle qui résonne intérieurement. Que le silence soit avec vous ! TOUS LES PERSONNAGES Et avec notre esprit. ORGUE Que le silence vous transcende et vous élève. TOUS LES PERSONNAGES Et avec notre esprit.

90


Acte III

ORGUE Que le silence vous offre la confrontation. TOUS LES PERSONNAGES Et avec notre esprit. La remise en question.

ORGUE

TOUS LES PERSONNAGES Et avec notre esprit. La compréhension.

ORGUE

TOUS LES PERSONNAGES Et avec notre esprit. Et le pardon.

ORGUE

TOUS LES PERSONNAGES Et nous te rendons grâce.

91


Acte III

ORGUE Je vais maintenant laisser la parole au Frère pour les lectures du jour. LE FRÈRE Merci Orgue. Je vais vous lire aujourd’hui un extrait de « l’éloge du silence » de Marc de Smelt. LUMIÈRE Laisse-moi regarder par-dessus ton épaule, je n’arrive pas à lire. LE FRÈRE « Si l’on peut dire avec John Cage qu’il n’existe pas de silence total, on peut affirmer que le silence ne cesse jamais d’impliquer son contraire et que seul le fond sonore de notre environnement nous permet de le reconnaître. Le silence, c’est du temps perforé par des bruits. Le silence est la couleur des événements: il peut être léger, épais, gris, joyeux, vieux, aérien, triste, désespéré, heureux... Il se teinte de toutes les infinies nuances de nos vies. Sans cesse, si on l’écoute, il nous parle et nous renseigne sur l’état des lieux et des êtres, sur la texture et la qualité des situations rencontrées. »3 Je vous propose tout d’abord de revenir sur l’œuvre de John Cage pour essayer ensemble de comprendre ce qu’est le silence, ce qui le définit, le caractérise. Quelqu’un ici présent, ayant vécu cette expérience veut-il venir

92


Acte III

partager avec nous ? LUMIÈRE J’aimerais profondément participer mais on me cantonne au plafond par une simple raie, je n’arrive pas à vous rejoindre au pupitre, attendez-moi, je vais essayer de passer par l’autre côté. ORGUE, en montrant La Dame puis le pupitre La Dame, je vous en prie, venez donc vous exprimer devant tous ceux et celles qui sont ici. LA DAME Il y a quelques années, lors d’une visite à Paris, mon mari et moi sommes allés assister à une interprétation du morceaux 4’33’’ composé par John Cage. Devant cette pure mélodie silencieuse, je restais tout d’abord perplexe, étonnée, n’ayant plus rien à dire ni à penser. Puis je me mis à me questionner, à me demander à quoi venais-je d’assister. Que venais-je d’écouter ? Des silences ? Des bruits ? Une musique ? Une musique faite de bruits ? Des bruits désorganisés et désordonnés, des bruits involontaires, improvisés par nos corps assis, immobiles en attente d’une vraie musique, d’un vrai son, d’une vraie mélodie. Mais alors qu’est-ce que le silence ? Qu’est-ce que la musique ? Il semblerait que nous appelons « silence » les bruits que nous ne voulons pas et « musique », les bruits que nous organisons. Pourtant

93


Acte III

la mélodie que nous venions d’écouter était composée de ces sons indésirés et indéfinis. Il n’existait, à cet instant, plus de limite entre le bruit, le son, et le silence, puisque le silence était son, et le son était silence. Cette mélodie m’a révélée deux choses : que le silence dans le premier sens dans lequel nous l’entendions n’existe pas. Que ce silence absolu tant désiré, n’est qu’un mythe. Ce bâtiment en est la preuve. Peu importe où je suis, le bruit finit toujours par me retrouver, et si ce n’est plus l’extérieur qui vient à moi, ce sont mes actions, mes gestes, mon enveloppe ou mon intérieur qui s’expriment, c’est mon cœur par ses battements qui tambourine, c’est par les flux continus d’air qui, dans mes poumons, sont inspirés, puis expirés, c’est ma salive qui dans ma gorge est avalée. Je me suis donc retrouvée nez à nez avec un silence fictif, relatif à un son qui lui était précédent et à un autre qui le suivra. Le silence est donc relatif aux sons, il marque l’arrêt d’un son, d’une parole d’une plus forte intensité sonore, il est donc relatif à l’absence du son. Le silence est donc l’absence. C’est le vide, l’insaisissable, l’impénétrable, le mystérieux. La deuxième réalité que je compris est donc que la seule chose qui appartienne réellement au silence, c’est finalement sa durée. C’est le temps de son expression. Un temps dont nous n’avons plus aucune notion. Un temps dont nous ne connaissons pas la valeur, car il nous coupe de son expression. Le temps n’est identifiable que par une seule et unique personne : Lumière. La lumière est la seule à garder une notion du

94


Acte III

temps en présence de silence. LUMIÈRE En effet, je tourne et je tourne aussi bien réglée qu’une horloge, ma robe change selon le moment, je suis maître de l’instantané, de la mesure, et si tu me laisses entrer, je te renseignerai, car je suis faite pour te guider, pour t’aider, et pour t’éclairer de mes savoirs. LA DAME Tu n’as pas besoin de rentrer ici pleinement, au contraire tu nous éblouirais et nous aveuglerais, alors que contrôlée et dirigée comme tu l’es, tu nous renseignes déjà sur le temps qui passe, tu remplis pleinement ton rôle dans ce lieu par tes différentes tentatives de pénétrer, lorsque tu essayes de parvenir par notre droite tu nous indiques qu’il est tôt, lorsque tu souhaites entrer par la petite fente entre le toit et ce grand mur de droite c’est que nous sommes le soir. Même si ta couleur nous est souvent masquée, déguisée, les points que tu donnes à regarder nous indiquent le moment de la journée et nous permettent de garder une notion du temps qui passe, et de l’extérieur. Tu deviens notre unique lien qui nous raccroche à l’extérieur. ORGUE Merci de votre témoignage, la Dame. Le Frère, je vous laisse poursuivre.

95


Acte III

LE FRÈRE Ce que nous apprend ce Livre, c’est en effet que le silence peut être fictif et relatif à la fois comme l’a si bien démontré la Dame précédemment, mais aussi qu’il est un révélateur. Un révélateur de bruit, de son. Un révélateur du son passé, et annonciateur du son futur. Il permet la pause, la respiration pour nous permettre de nous focaliser sur ce qui mérite notre attention. Sans le silence pour séparer deux paroles, comment pourrions-nous en comprendre le sens ? Car aucune n’aurait le temps d’être assimilée, que la deuxième viendrait déjà la chasser de notre pensée. Mais si ce silence est si important à notre compréhension, et à nos échanges, si il permet l’échange et la lucidité, pourquoi en avoir aussi peur ? Pourquoi le monde aujourd’hui ne veut que l’éviter ? Pourquoi les gens d’aujourd’hui ne veulent que le camoufler ? ORGUE Je vous invite à y méditer. Que vous puissiez par cet instantané accompagner notre pensée au-delà des murs de cette église. TOUS LES PERSONNAGES Et avec notre esprit, nous te rendons grâce. (Tous les personnages sauf Le Silence baissent la tête, et ne bougent plus.)

96


Acte III

LE SILENCE, en pensant Je n’arrive pas à vous comprendre. Je n’arrive plus à vous comprendre. Vous n’êtes que contradictions. Vous m’aimez mais me craignez. Vous me désirez mais me fuyez. Vous me souhaitez mais amplifiez le son qui m’étouffe, qui m’écrase. Dans une même journée, vous vous plaignez du bruit incessant de la circulation, des klaxons, des bruits d’accélération des motards effrontés, puis vous essayez de combler ce désagrément par de la musique encore plus forte qui résonne dans votre tympan, qui ne fera que s’amplifier pour finir la nuit tombée propulsée par d’énormes baffles empilées. Pourquoi me rejeter aujourd’hui alors qu’hier j’étais ce que vous désiriez le plus, ce que vous aduliez, ce qui vous était vital. Le créateur de ce coffret de béton, dans lequel vous vous réunissez, aimait à penser que ce dont vous, les humains, aviez le plus besoin était le silence et la paix. Mais dans cette modernité saturée de bruits, de sons, de paroles, et de musique, je suis contraint de me faire de plus en plus rare. En est-ce fini de moi ? Suis-je voué à disparaitre ? A m’éteindre ? Voulez-vous me nuire, et être responsables de mon extinction comme tant d’autres avant moi ? Par votre connexion permanente, à petit feu vous me consumez. Par votre portable, par vos réseaux sociaux, vous parlez partout et tout le temps, incessamment, sans ne même plus vous en rendre compte. Mais vos âmes sont malades, malades d’absence, malades de mon silence, et vos yeux tel un filtre mensonger, vous éclairent d’ennui pour que jamais vous ne vous rendiez compte de cette

97


Acte III

réalité. Mais si vous êtes assis ici, ensemble, à me convoquer, à m’invoquer, et à me glorifier, c’est peut-être qu’il y a encore en ce monde une place pour moi. Que je compte encore un peu pour quelqu’un. Que j’ai encore une utilité, un rôle à jouer, un but, un devoir, une raison d’exister car je suis une richesse, je suis la condition qui vous permet de rêver, de créer, de vous recueillir, de réfléchir, et de prier. Je suis la condition qui vous permet de vous construire, de penser, et donc d’être. Cela fait de moi votre condition. (Le Silence se tourne vers la fille et dit toujours en pensant) Il est vrai que j’aime nos conversations, nos interrogations. Tu parles et je t’écoute. Tu arrêtes de parler et je t’écoute toujours. Tu sais que même si je ne te réponds pas cela ne veut pas dire que je ne suis pas avec toi. Il peut arriver que ma passivité t’énerve, que la seule chose que tu souhaites est une réponse, un signe clair de ma part. Mais mon seul rôle est d’aider ta conscience et ta raison à sortir de l’ombre et à oser s’exprimer. Mon seul rôle est de t’aider à l’entendre et à l’écouter. (Orgue montre d’un geste le pupitre pour demander au frère de continuer.)

98


Acte III

LE FRÈRE « Dans le silence, l’homme se tient nu, délesté des oripeaux qui le flattent, le mettent en valeur à ses yeux ou au regard d’autrui. »4 Le silence nous déshabille, il nous montre au grand jour tel que nous sommes vraiment, il dévoile notre âme au monde extérieur sans voile, sans filtre, sans masque, sans mensonge. Il ne donne à voir que la vérité des choses, et c’est peut-être cela qui finalement nous effraie. C’est peut-être cela qui nous fait rejeter ce silence, car c’est de la vérité que l’homme a peur, c’est d’être percé à jour, et mis à nu, c’est d’être désarmé, et de ne rien pouvoir contrôler. Il faut pour pouvoir l’accepter, arrêter de se cacher, et s’affirmer, s’affirmer a soi, aux autres, au monde qui nous entoure. Et alors il nous donnera à voir la multiplicité de ses identités, son caractère gênant pourra être enfin remplacé par toutes les autres textures qu’il peut offrir. Il ne demande qu’à s’exprimer, il suffit de bien vouloir l’écouter, et alors il pourra se montrer léger, épais, joyeux, vieux, aérien, ou heureux. Il ne cesse d’ajouter des nuances à sa palette sans qu’une seule ne le définisse. Réconcilions-nous avec nos vérités et laissons enfin le silence s’exprimer.

RIDEAU

99



DOSSIER


NOTES

1. En référence à la phrase de Socrate « Connais-toi toi-même » (phrase connue tout d’abord pour être une des devises inscrites au frontispice du Temple de Delphes, qu’il reprendra à son compte.) 2. Poème fortement inspiré du sonnet de Jules Verne « Le silence dans une église », 1847 3. Extrait de « L’Éloge du silence », Marc de Smedt, Espaces libres, Albin Michel, 1989 4. Marie-Madeleine Davy, Le silence intérieur, Le silence – Corps Ecrit n°12, revue trimestrielle – Direction Béatrice Didier, Editions PUF, Paris, 1984, p. 83

102


BIBLIOGRAPHIE

LIVR E S Tradition et modernité dans l’architecture religieuse, Jean Spiri, 2005 L’éloge du silence, Marc de Smedt, Espaces libres, Albin Michel, 1989 La parole du silence, Michel Maffesoli, Les éditions du Cerf, 2016 Silence et Lumière, Louis Kahn, Editions du Linteau,1996 Architecture, espace pensé, espace vécu, Philippe Bonnin, édition Recherches, 2007 Le Corbusier : le couvent Sainte Marie de la Tourette, fondation Le Corbusier, édition Birkhäuser, 2001.

103


Bibliographie

Le Couvent de la Tourette (Le Corbusier), Sergio Ferro, Chériff Kebbal, Philippe Potié, Cyrille Simonnet

R E VUE S L’architecte et la ville : à plusieurs voix sur Rem Koolhaas, Cairn, La Découverte, p.182-189 Comment l’architecture influence notre pensée, Emily Anthes, revue Cerveau & Psycho, édition n°33 L’architecture influence-t-elle la pensée ?, revue la Libre Belgique, 2003 Le couvent de la Tourette, Plaisir de France (Paris), janvier 1961. « Couvent de la Tourette, Éveux près de Lyon, France», Architecture d’Aujourd’hui (Paris), n°96, juin-juillet 1961.

104


Bibliographie

P O È ME S

Le Silence dans une église, Sonnet de Jules Verne, 1847 Le Silence, Maurice Rollinat, Les névroses, 1883 Le silence du soir, Victor Hugo

P IÈ CE S DE T HÉÂT RE Rhinocéros, Eugène Ionesco, La Cantatrice Chauve, Eugène Ionesco Huis Clos, Jean Paul Sartre

105


Bibliographie

MÉ MO IR E S Le Corbusier en dÊtail_ Flora Samuel https://issuu.com/gulayg/docs/corbusier_in_detail Le Corbusier - Le Couvent de la Tourette_ Mathilde Bouvachon https://issuu.com/matchilde/docs/espace_covuent_2 La Tourette _ AA School AADP - Essay Winston Hampel Term 1 201314 https://issuu.com/aaschool/docs/latourette_pdf_smaller Architectrual silence _ Sung Bok Song https://issuu.com/sungboksong/docs/architectrual_silence__sungbok_son

SITE S INTE RNET Site Internet du couvent de la Tourette : http://www.couventlatourette.com

106


Bibliographie

Site Internet de la Fondation Le Corbusier : http://www.fondationlecorbusier.fr/corbuweb/morpheus.aspx?sysName=home&sysLanguage=fr-fr&sysInfos=1 Explication de l’oeuvre de John Cage : http://epreuvehistoiredesarts.blogspot.fr/2012/02/433-1952-pardavid-tudor-433-est-une.html

107


RÉSUMÉ

ACTE I

Scène 1 La pièce s’ouvre sur une scène d’intimité entre une fille et sa cellule. La cellule tente de faire comprendre à la fille l’importance du silence qu’elle lui confère pour qu’elle puisse s’adonner à de nouvelles pratiques telles que la méditation. Méditer, c’est se trouver à l’intérieur d’un lieu et chercher en ce lieu un lieu plus intérieur encore, un soi intime qui parle silencieusement. La méditation est importante pour se ressourcer, se construire, réfléchir, se questionner… Le silence nous enveloppe et nous plonge dans une bulle séparée du monde, exclu, placé à un point de vue de spectateur duquel on peut ressentir la présence de l’autre et de l’environnement, ou en y restant extérieur. Ce bruit de fond qui vient perturber le silence ne bloque pas la méditation et la divagation de l’esprit, au contraire, il favorise la rêverie et l’imagination.

108


Résumé

Scène 2 Changement de décor, le spectateur devient témoin d’un combat entre l’ombre et la lumière. Ils retrouvent chacun leur place en aidant la fille a se redécouvrir cette fois physiquement. Chacun reconnait le rôle qu’il a à jouer, en l’entourant d’une ambiance d’intimité et de sensualité qui permet de se redécouvrir, de redécouvrir son corps. Scène 3 Changement de décor, la fille apprend par l’aide du couloir à se réhabituer aux sons qu’elle produit après avoir été dans un silence et dans son imagination. Une fois ces sons redevenus habituels, elle peut se rouvrir à la méditation tout en étant maintenant capable de faire une action. Tout au long de la scène, Fleur et Sucre accompagnent la fille dans cet exercice, en l’aidant à ne pas se laisser perturber par le monde qui l’entoure.

ACTE I I

Scène 1 Changement de décor. Le silence permet de se construire pour pouvoir ensuite aller échanger, aller partager, aller s’exprimer dans le monde extérieur. Les pans, aident les personnages à rendre le lieu du premier contact, visuel, physique, verbal plus chaleureux. C’est le

109


Résumé

seuil, l’espace de passage de la solitude à la socialisation, à la compagnie, du silence au dialogue. C’est l’introduction au moment de partage et d’échange qui va suivre. Scène 2 Changement de décor, les personnages rencontrent leur hôte : réfectoire, véritable diva, il va les aider à s’ouvrir aux autres, à se décomplexer du fardeaux qu’est leur corps, en leur montrant l’exemple et en les faisant sortir de leur zone de confort.

ACTE I I I

Changement de décor. La scène est une retranscription d’une messe donnée en la gloire du silence, respectant un schéma classique. L’orgue dirige et orchestre cette cérémonie en distribuant la parole aux différents intervenants. Premièrement les personnages sont accueillis, puis libérés des péchés de la parole, apprennent par le récit d’expérience vécue d’une œuvre de John Cage, quelques généralités sur la définition de ce qu’ils sont en train de célébrer : le silence.

110


REMERCIEMENTS

J’adresse mes remerciements aux personnes qui m’ont aidée dans la réalisation de ce mémoire. En premier lieu, je remercie Ivry Serres, mon professeur référent, pour son assistance et sa disponibilité au cours de l’élaboration de mon mémoire. Je remercie également les frères dominicains du Couvent pour leur accueil chaleureux, et pour leurs réponses qu’ils m’ont apportées avec grand intérêt. Je tiens à remercier tous les visiteurs temporaires et l’artiste Guillaume Badet et son associé pour les témoignages qu’ils m’ont apportés. Je souhaite particulièrement remercier ma famille pour la précieuse aide à la relecture et à la correction de mon mémoire.

111



Préface L’historique des décors Genèse de l’œuvre Thèmes et personnages

5 7 12 14

LE BRUIT DU SILENCE

Acte I Scène 1 Scène 2 Scène 3

21 28 33

Acte II Scène 1 Scène 2

51 58

Acte III

75

Notes Bibliographie Résumé Remerciements

DOSSIER 88 89 93 97




MÉMOIRE DE LICENCE EN ARCHITECTURE - 2016/2017 PAULINE LABARTHE ÉTUDIANTE _ IVRY SERRES ENSEIGNANT ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARCHITECTURE DE MARSEILLE


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.