Nature morte
La universidad del silencio. Il découpa, puis colla avec soin le titre de l’article, comme en-tête de la page quarante-trois de son livre : El Salvador, pédagogie et politique. Une page tract. L’université du silence. En soixante-douze ans, l’autonomie universitaire salvadorienne avait été violée trois fois. Deux fois par le dictateur Martinez, le général de 1932 ; en 1933, puis 1939 ; durant quelques mois, où il dut céder, la première ; et se démettre, la seconde. La troisième par Molina : 2 500 salariés et 11 000 étudiants à la rue, actualmente. Il ricana en relisant les quelques extraits de la Constitution salvadorienne qu’il avait cités, plus avant : Instruction primaire obligatoire ; nécessité d’une alphabétisation nationale ; enseignement démocratique ; liberté d’enseignement ; autonomie universitaire. Les articles 198, 199, 200, 202, 204 ! La moitié des Salvadoriens de plus de six ans étaient analphabètes absolus, au sens de l’Unesco, c’est-àdire qu’ils n’avaient jamais fréquenté l’école. Le quart de la population était analphabète potentielle, ayant quitté l’école avant terme. Il écrivit, en gros : La sous-éducation caractérise, comme la sous-alimentation, quatre-vingt à quatre-vingt dix pour cent des Salvadoriens. Incontestable ! Il avait tous les documents, y compris officiels.