Thèse C. Brichlerrichler

Page 1

UNIVERSITE PARIS­X NANTERRE U. F. R. SCIENCES PSYCHOLOGIQUES ET SCIENCES DE L’EDUCATION N° attribué par la bibliothèque ……………………………….

THESE Pour obtenir le grade de

DOCTEUR DE L’UNIVERSITE Discipline : Sciences de l’Education Présentée et soutenue publiquement par CLAUDE BRICHLER Le 29 Juin 2007

L’accompagnement d’équipes­relais : une clinique de la complémentarité Directeur de Thèse : MR JACQUES PAIN,

PROFESSEUR des Sciences de l’Éducation, Université PARIS­X­ Nanterre

JURY MME FRANCOISE CHÉBEAUX, MC.HDR de Sciences de l’Éducation, Université de CAEN, Rapporteure.

1


MME MIREILLE CIFALI,

PROFESSEUR de Sciences de l’Education, Université de GENÈVE, Rapporteure.

MR JEAN­CLAUDE RÉGNIER, PROFESSEUR de Sciences de l’Éducation, Université de LYON 2.

L’acccompagnement d’équipes-relais : Une clinique de la complémentarité Aujourd’hui notre attention est focalisée sur l’école qui semble nécessiter

une

transformation car d’une part élèves et adultes ne s’y retrouvent plus . D’autre part, de plus en plus d’interrogations portent sur les différentes façons d’apprendre à apprendre, et sur l’influence de l’environnement dans l’acquisition du savoir. Enfin il est noté par tous que l’on n’apprend plus à se respecter les uns les autres, bien que ce soit vital. On n’enseigne pas comment affronter les incertitudes. Il n’y a pas une éducation de la civilisation. Notre hypothèse est la suivante : « une équipe-relais fondée sur une complémentarité « accompagnée », restaure la qualité humaine de l’école ». Il a été en effet remarqué que la création d’un tel groupe modifie l’ambiance du lieu scolaire et contribue à la prévention de la violence en milieu institutionnel.

2


Remerciements La période d’enfantement étant souvent fort difficile, nous ne pouvons nous détacher de ce travail, sans demander d’honorer et de féliciter mon épouse, qui par sa compréhension et sa gentillesse, aura favorisé la production de cet écrit. Je lui sais gré de m’avoir accompagné, sans critiquer les instants que je volais à sa sollicitude. Elle avait certainement saisi qu’il me fallait du temps pour faire le deuil de mon ancien métier. Nous exprimons également toute notre reconnaissance à notre famille, à tous nos amis, pour leur patience, leur disponibilité, et surtout leurs encouragements à poursuivre cette route. Pendant près d’une dizaine d’années, ils ont accepté de ne pas s’opposer à cette mutation, transformant un médecin retraité en jeune étudiant. Je leur dois donc beaucoup puisqu’ils m’ont permis de raconter par écrit l’histoire d’un parcours, et surtout de donner une finalité à cette recherche menée dans le cadre de l’Education Nationale. Ils sont nombreux ceux qui ont contribué à la réalisation de cette thèse. Parmi eux que soient remerciés - Madame le docteur N.L. Médecin Conseiller Technique auprès du Recteur , qui par ses initiatives a favorisé le début de cette histoire ; - les enseignants-chercheurs du secteur, dont les conseils, les critiques et l’humour m’ont permis d’avancer ; - les doctorants du groupe des thésards dont la réflexion variée et soignée, fut à la hauteur des repas que nous organisâmes en conclusion de nos séances de travail ; - la lectrice qui eut la patience d’aller jusqu’au bout d’un propos en construction ; - les chefs d’établissements qui acceptèrent de m’ouvrir les coulisses de leur institution ; - enfin les personnels des lycées et collèges, qu’ils soient pédagogues, ou nonenseignants, qu’ils aient ou non participé aux entretiens, car je leur dois beaucoup. Au delà de l’amitié et de la confiance dont me gratifie mon directeur de thèse , je veux rappeler que sans ses conseils et ses corrections, sans son opiniâtreté et sa vigilance, cet ouvrage ne serait pas terminé. Je le remercie du fond du cœur d’avoir été un fidèle compagnon sur cette route semée d’embûches, et c’est pourquoi je reste entièrement 3


disponible pour mener en sa compagnie d’autres actions dans le futur.

Sommaire Général Sommaire détaillé Introduction Prolégomènes

1ère partie : Circonscription et définition de la problématique de la recherche A ­ L’anamnèse de la recherche B ­ Les éléments de la recherche 2ème partie : Problématisation de la recherche 1.­ La complémentarité doit être différenciée 2.­ Le principe de complémentarité 3.­ La restauration de la qualité humaine de l’école

3ème partie :Méthodologie et Analyse des données Méthodologie Analyse des Données 1.­ La rencontre avec des personnels fort différents 2.­ Les thèmes essentiels 3.­ Les autres thèmes 4.­ Les limites de l’action de l’équipe relais

4ème partie : Discussion 1.­ En quoi la complémentarité est un véritable outil de socialisation 2.­ La complémentarité opposée aux dysfonctionnements d’une institution 3.­ La complémentarité : vecteur psychique de changement 4.­ Période d’idéalisation ­ stratégies d’évitement 5.­ Question du « vivre ensemble » Conclusion 4


Bibliographie Glossaire ANNEXES

Sommaire Détaillé Remerciements

p. 3

Sommaires

p. 4 à 9

Introduction

p. 10 à 20

Prolégomènes

p. 21 à 29

1ère partie :Circonscription et définition de la problématique de recherche

p. 30 à 91

A.­L’anamnèse de la recherche

p.31 à 52

1.1 LES CIRCONSTANCES QUI ONT FAVORISÉ LA CRÉATION DE CES ÉQUIPES­RELAIS 1.1.1Comment sommes nous passés d’une équipe régionale à une équipe départementale ?

p. 31

­ Les textes fondateurs (Deux circulaires traitant de la création d’une équipe relais)). ­ L’histoire d’une « équipe ressource » ­ Les apports de l’équipe régionale ­ La disparition de l’équipe régionale et la création d’équipes départementales

1.1.2 Développement et pérennité des équipes départementales

p. 39

1.1.3 Les apports tant de l’équipe ressource que des équipes départementales p. 41 1.2 DIVERSITÉ DE CONSTRUCTION ET D’ÉVOLUTION

p.43

1.2.1 La constitution de ces équipes relais

p. 44

1.2.2 Variations dans les actions qui ont été menées

p. 47

1.2.3 Les spécificités de la conduite des groupes

p. 47

1.2.4 Les décalages entre les options de l’équipe et celle de la Direction p. 48 5


B ­ Les éléments de la recherche 1.3. LES LIEUX DE LA RECHERCHE

p. 51

1.3.1 La recherche de terrain

p. 51

1 Les vicissitudes dans la création de ces équipes relais 2 Les facteurs favorables au démarrage de ces équipes 3 Les facteurs favorisant le dysfonctionnement de l’équipe relais 4 Résumé de l’évolution de 14 équipes relais

1.3.2 Monographies portant sur quatre équipes

p. 58

1.­ Deux anciennes 2.­ Deux récentes 3.­ Que nous apprennent ces monographies ?

1.3.3 Les recherches menées dans d’autres secteurs

p. 78

1.­ Les travaux d’autres chercheurs (articles, colloques, séminaires ou vidéos) 2.­ Notre recherche personnelle en 1962­1966 lors de la création d’un Centre Psychothérapique 3.­ Analyse de notre exercice de psychothérapeute de groupe

1.4 L’OBJET DE LA RECHERCHE 1.4.1 Les paramètres dégagés

p. 82

1.4.2 La recherche sur les difficultés des adultes à poursuivre des actions complémentaires

p. 83

1.4.3 Les conditions nécessaires pour réaliser ce type d’action

p. 85

1.4.4 Les questions que l’on pose aux adultes

p. 86

2ème partie : Problématisation de la recherche 2.1 CE QUE LA COMPLÉMENTARITÉ N’EST PAS

p. 92

2.1.1 Elle est différente de la notion de solidarité

p. 92

2.1.2 Elle est différente de la notion de mutualité

p. 95

2.1.3 Elle est différente de la notion de subsidiarité

p. 97

2.2 LE PRINCIPE DE COMPLÉMENTARITÉ 6


2.2.1 La recherche à partir du vocabulaire

p. 99

1.­ Le mot complémentaire 2.­ Le mot complémentarité 3.­Le mot complémentarisme

2.2.2 Le principe de complémentarité en Sciences Physiques

p. 109

2.2.3 La cohérence nécessaire pour passer des Sciences physiques aux Sciences Humaines

p. 113

2.2.4 Le principe de complémentarité « revisité »

p. 117

2.2.5 La complémentarité doit être « accompagnée »

p. 121

1.­ Que connaissons­nous quant à la notion d’accompagnement 2.­ La place d’accompagnant d’une équipe relais

2.3 LA RESTAURATION DE LA QUALITÉ HUMAINE DE L’ÉCOLE 2.3.1 Les exigences liées au processus de restauration

p. 126

2.3.2 Significations de l’expression « qualité humaine »

p. 126

1.­ Les apports de l’école aristotélicienne 2.­ « La bonne vie » chez Aristote 3.­ Que nous enseignent deux chercheurs inscrits dans le modèle défendu par Aristote 4.­ Les apports des écoles japonaises s’appuyant sur les conceptions éthiques des

Samouraïs ­ Maître Ienao, fondateur de l’école Katori ­ Maître IKEDA Shigeo Sensei s’appuyant sur l’exemple pour favoriser la

construction de soi et des autres 5.­ «Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur» Edgar Morin

2.3.3 Les implications d’une vision plus humaine de l’école

p. 143

1 Les recherches de l’Université de Montréal 2.­ Les travaux du Rectorat de l’Académie de Rouen 3.­Recherche­action menée au Collège de Montfermeil

3ème partie :Méthodologie et Analyse des données

p. 159 7


3.1 MÉTHODOLOGIE 3.1.1 Définition des hypothèses

p. 160 p. 161

1.­ L’hypothèse centrale

2.­ Les hypothèses qui en découlent

3.1.2 La construction du recueil de données

p. 163

1.­ Le choix de la méthode 2.­ La construction du recueil de données 3.­Le choix des personnes pour les entretiens

3.1.3 Le traitement des données

p. 177

3.1.4 Assurer la scientificité de la démarche

p. 189

1.­ La question de l’implication du chercheur 2.­ La triangulation

3.2 ANALYSE DES DONNÉES 3.2.1 La rencontre avec des personnels fort différents

p. 191 p. 191

1.­ L’expression de leur désir de participer à la construction de l’adolescent 2.­ Les réflexions sur les paramètres définissant la place des uns et la place des

autres 3.2.2 Les thèmes essentiels

p. 192

1.­ Les valeurs que l’on voudrait retrouver 2.­ Les paramètres qui construisent un cadre sécurisant 3.­ La nécessité d’un maillage Interne 4.­ La nécessité d’un maillage externe 3.2.3 Les autres thèmes

p. 200

1.­ L’intérêt des lieux de parole et de créativité 2.­ L’utilisation de l’espace scénique 3.­ Un autre regard sur la sanction 4.­ Le désir de lieux d’analyse de la pratique

8


4ème partie :Discussion 4.1 EN QUOI LA COMPLEMENTARITÉ EST UN VERITABLE OUTIL DE SOCIALISATION

p. 206

1.­Proche de la structure élémentaire de la matière 2.­ Pédagogie nécessaire 3.­ Travail de deuil sur les illusions (l’équipe devant être guidée et accompagnée) 4.­ Mise en œuvre d’une réelle d’une disponibilité 4.2 LA COMPLEMENTARITÉ OPPOSÉE AUX DYSFONCTIONNEMENTS D’UNE INSTITUTION

p. 213

1.­ Prévention de la violence à l’état latent 2.­ Réorganisation des complémentarités professionnelles 3.­ Réorganisation des complémentarités dans l’institution 4.­ Action dans la prévention de la violence institutionnelle 4.3 LA COMPLÉMENTARITÉ

VECTEUR PSYCHIQUE DE

CHANGEMENT

p. 222

1.­ Complémentarité , un vecteur psychique de changement 2.­ Engager un travail de deuil sur l’illusion de notre propre cohérence 3.­ Pouvoir entraîner les adolescents dans des projets constructifs

4.­ Intérêt pour les Lycées agricoles 4.4 PÉRIODE D’IDÉALISATION – DES STRATÉGIES D’ÉVITEMENT p. 225 1.­ Les pédagogies actives 2.­ Le concept d’acteur 3.­ La complémentarité représente un coût ­ Un investissement cognitif ­ Une implication forte ­ Un autosurmenage ­ Des risques réels ou imaginaires ­ Mécanismes de défense et anxiété

9


4.­ Un certain renoncement 4.5 QUESTION DU « VIVRE ENSEMBLE »

p. 230

4.5.1 «Vivre ensemble» des personnes 4.5.2 «Vivre ensemble» des équipes 4.5.3 Une attitude « bureaucratique

Conclusion

p. 239

Bibliographie

p. 251

Bibliographie alphabétique par auteurs Bibliographie documentée Glossaire

Table des matières ANNEXES INTRODUCTION La recherche dont nous faisons état dans ce document, s’inscrit dans un essai de compréhension d’un thème qui demande une longue analyse : « la complémentarité des êtres humains ». L’attention prêtée par nous à cet objet d’étude est ancienne, comme en témoigne mon passé de thérapeute de groupe. Afin de ne pas me focaliser sur la notion de soins et élargir ainsi ma recherche, j’avais étudié deux ouvrages d’EDGAR MORIN : l’un ayant pour titre « Introduction à une nouvelle politique de l’homme »1 1et l’autre « Politique de civilisation »22. Mais j’ai

pu appréhender toute l’importance de

MORIN (E.).- Introduction à une politique de l’homme, nouvelle édition, Paris, Seuil, Points, 1999 MORIN (E.), NAÏR (S.) .- Dialogue entre Edgar Morin et Luc Ferry, Le Monde 2, numéro Politique de

1 2

civilisation. Paris : Arlea, 1997168,p.26

MORIN (E).- Le grand débat : Dialogue entre Edgar Morin et Luc Ferry,Le Monde 2, N°168, p.26

3

MONTAIGNE .-De l’institution des enfants- Les essais,La Pochothèque 2001, p.243-244

4 5

LEIBNIZ (G.W.) La Monadologie ,Livre Poche, Classiques de la philosophie, Paris :Gresset,1990

10


l’expression complémentarité des actions, lorsque récemment, dans un dialogue engagé avec Luc FERRY, le premier déclare: « l’individualisation est une des conquêtes de notre civilisation, mais l’égocentrisme et l’égoïsme se sont développés parallèlement »33. Nous vivons donc dans une époque où les repères sociétaux disparaissant progressivement, il devient de plus en plus difficile pour un adolescent d’aujourd’hui, de réussir à se construire harmonieusement. Cette importance donnée à la relation de l’individu avec son environnement m’ a conduit à effectuer une première démarche, il y a fort longtemps ; au moment où mon second fils s’est retrouvé en classe de terminale. Cet adolescent manifestait visiblement l’envie de se confronter à son père, en utilisant pour soutenir ses contestations,

des

écrits de certains philosophes, dont la lecture lui était recommandée par les enseignants du lycée. Me replongeant dans les livres afin de pouvoir étayer nos discussions, je reprenais la lecture MONTAIGNE4, et m’imprégnais des travaux de LEIBNIZ5 . portant sur les substances révélant de la contradiction. J’avais appris durant mes études secondaires qu’il fallait prêter attention aux descriptions antagonistes et apparemment contradictoires. N’arrivant pas toujours à analyser avec profit les propos tenus, dans l’ouvrage traitant des Monades, j’ai eu l’envie de remonter dans le temps et me retrouvais bientôt en compagnie des philosophes de l’Ecole de Milet . Dans ce regard sur le passé de nouvelles interrogations sont suscitées par leurs recherches sur les origines de la vie. Ces hommes sages estimaient que le souffle vital devait prendre ses origines dans l’espace se situant entre les paires contradictoires : sec-humide, chaud-froid, tendredur,... Se posait alors pour moi la difficile question des complémentaires et des antagonistes. Il y avait donc des possibilités d’obtenir des explications d’un même phénomène en utilisant des théorisations différentes. Ce questionnement me conduisit bientôt à examiner la position particulière du chercheur. La philosophie, la sociologie, la psychanalyse allaient fournir des éléments disparates à ce début de réflexion. C’est ainsi que poursuivant ma quête, je me retrouvais bientôt dans un essai de compréhension, de ce qui est formulé par LACAN, lorsqu’il évoque la « schize » du regard6. Si l’on reprend 3

4 5

LACAN.­ La schize de l’œil et du regard.­ Le Séminaire livre XI .­ les quatre concepts fondamentaux de 11

6


les propos de ce chercheur : quand dans l’amour je demande un regard, ce qu’il y a de foncièrement insatisfaisant et de toujours manqué, c’est que jamais tu me regardes, là d’où je te vois ».6 Reprenant Les écrits d’Iéna, je note que chez HEGEL 7, l’amour doit se comprendre comme « un être soi-même dans un étranger ». Me retournant vers les écrits de l’école de Francfort, je suis intéressé par Axel HONNETH8 qui ajoute : « si je ne reconnais pas l’autre, je ne me forme pas moi-même ». En allant plus loin dans mes études de textes, je poursuivais en compagnie de Lise MONETTE, tenant des propos fort déroutants : « l’œil qui fixe et scrute repose sur une logique d’objectivation et de distanciation, celle des regards qui se rencontrent, sur une logique de l’échange et même de la coïncidence potentielle ; celle de la schize du regard et de l’œil, de l’attention divisée, sur une logique de la dissociation, de la division ».19 Tout cela devenant extrêmement complexe, ces citations ne faisaient que m’inciter à poursuivre une meilleure analyse des différentes fonctions du regard. Le sujet est en effet fort vaste, car trois données sont interrogées : le regard que l’on porte sur soi, le regard que l’on porte sur l’autre et le regard sur le monde (la weltanschauung des philosophes germaniques). La façon dont est envisagé le rôle et la fonction d’un autre professionnel exerçant un métier différent, pourrait expliquer la possibilité ou l’impossibilité de participer avec lui à des actions complémentaires. Ce questionnement m’incitait donc à poursuivre ma recherche sur les relations entre statut, rôle et fonction lorsqu’il s’agit de salariés oeuvrant dans un établissement scolaire. Cette ténacité se verra concrétisée par une démarche de travail rédactionnel, lorsque nous aborderons le paragraphe

intitulé: « En

quoi

la

complémentarité

s’oppose-t-elle

aux

dysfonctionnement d’une institution qui aurait tendance à devenir une structure dissociée et dissociative « ? À un autre moment de mon parcours, et cela prend place bien avant le mois de Mai 1968, j’observais que les individus pouvaient avoir un comportement totalement 6

la psychanalyse Paris :Seuil, 1973 p.65­74 HYPPOLITE (J .).- Introduction à la philosophie de l’histoire de Hegel.- Les écrits d’Iéna .Paris :Rivière,1948 8 HONNETH (A.).- La société du mépris.- Paris ; La découverte, 2006 19 MONETTE (L.).­La schize et l’œil.­ Société psychanalytique de Montréal, article retrouvé su internet 7

9

12


différent, suivant qu’ils se retrouvaient en situation duelle, ou au sein d’un groupe. A partir de ce moment-là, ma bibliothèque s’enrichit des articles de KURT LEWIN, de MORENO et de FOULKES, ne sachant pas à cette époque que la formation continue pour adultes allait progressivement s’enrichir de leurs apports théoriques. Depuis lors, connaissance et utilisation des processus groupaux, tant pour favoriser les apprentissages, que pour améliorer la qualité des soins, ont toujours correspondu à l’une de nos préoccupations. Nous sommes passé pour ce faire, premièrement par la fréquentation régulière de psychosociologues imprégnés des théories de KARL ROGERS, puis par une formation personnelle de psychodramatiste analytique . Cette enrichissement a été complété par l’appartenance à une équipe de pionniers qui ont ouvert un Hôpital (le Centre Psychothérapique Edouard Toulouse situé à Marseille 13e), structure élaborée selon les fondements de la Psychothérapie Institutionnelle. Un peu plus tard la nomination en tant que Médecin Temps Plein, en 1966, au C.R.E.A.I. de Bourgogne (Centre Régional de l’Enfance et de l’Adolescence Inadaptée) m’entraîne dans des projets fort différents. J’ai pu agir à la fois, en accompagnant les promoteurs dans la création de nombreux établissements et services, et d’autre part enseignant à l’Ecole Normale d’Instituteurs de Dijon. Dans cet institut de formation, il m’est demandé de faire réfléchir les futurs professeurs de lycée et de collège, sur les liens entre la vie affective et les capacités d’apprentissage. Mais cette charge pédagogique m’implique également dans l’animation d’ateliers interactifs pour les futurs Conseillers d’Education. Suite à la passation, de différents concours, certains de mes anciens élèves sont devenus chefs d’établissement. A leur tour ces derniers me demandent souvent d’animer, dans des classes difficiles, des débats sur l’adolescence. Et c’est ainsi que j’interviens depuis des années des groupes d’adolescents, se posant des questions et attendant des réponses, sur les différentes contraintes liées à la nécessité de dire adieu à son enfance. Or dans les rencontres avec ces jeunes, est évoqué la place de ces non-enseignants

oeuvrant

à l’intérieur du lieu école. Leurs constatations

laissaient entendre que les établissements, exprimant le désir de s’inscrire dans l’altérité, étaient loin d’être identiques. . Ils parlaient de Collèges où les adultes se respectaient et échangeaient. Ils se souvenaient d’autres lieux où était ressentie l’impression d’une collectivité au travail ; dans ces 13


institutions, les adultes étaient intéressés à la fois par le projet individuel concernant l’élève et en même temps se montraient fort vigilants quant à la cohérence du projet institutionnel. Enfin certains Collèges, sans doute peu nombreux, leur laissaient un souvenir peu agréable: celui d’une structure où les salariés s’ignorant, restaient enfermés dans leurs certitudes. Ce constat conduisait les adolescents à supposer, que ces professionnels n’avaient pas envie, de permettre aux élèves d’utiliser ce temps de scolarité, pour la construction de cet adulte qu’ils allaient devenir. Et je comprenais d’autant mieux ce que nous apporte Philippe MEIRIEU 10 lorsqu’il évoque « le rapport à la loi », que nous développerions plus loin. Nous trouvions également intéressante cette phrase de la Principale du Collège Maximilien de Robespierre à Saint Etienne du Rouvray (76) : «Le plus grand danger réside dans la loi du silence et le laxisme ; il ne concerne pas que les élèves. Tout adulte qui n’intervient pas face à une bagarre ou devant une menue infraction, rend la loi relative, susceptible d’être négociée ou ignorée »11. Certes, si l’on se penche sur ces récits, il est à remarquer qu’il s’agit de points de vue subjectifs, mais ces phrases n’ont pas manqué de nous interroger, tant nous retrouvions une certaine constance dans les propos échangés. Ces adolescents, percevaient bien les différents rouages présents dans une structure scolaire, et manifestaient pour la plupart, une forte attente à l’égard de la collectivité adulte. Et c’est ainsi qu’en réfléchissant à leurs propos, nous nous orientons progressivement vers une nouvelle conception de la place des acteurs oeuvrant en milieu scolaire. Ici émerge la notion centrale de notre écrit sur "la complémentarité". Cette notion peut se résumer ainsi : « chaque adulte oeuvrant en milieu scolaire quels que soient son rôle et sa fonction pourrait être reconnu comme chargé d’éducation ». Il s’agit néanmoins d’un aphorisme12difficile à soutenir Ce thème est d’autant plus délicat à aborder qu’il heurte certaines conceptions. Nous n'avons pas tous le même regard, tant sur la nécessité des séparations entre les différentes catégories socioprofessionnelles, que sur la forme revêtue par l’organisation pyramidale en milieu scolaire. MEIRIEU (P.) « Eduquer , la loi fondatrice », vidéo éditée par le CRDP du Rhône

10 11

MEIRIEU (P.) .­La barrière bleue.­ video éditée par le CRDP de l’Eure LITTRÉ (P­E.) Dictionnaire de la languefrançaise, tome 3, monte­Carlo : éditions du Cap, 1957, p.241

12

14


Or

chez les agents administratifs, techniques, ouvriers, ou du service de santé

(A.T.O.S.), on relève bien souvent l’envie de participer à des actions en direction des élèves. Ces personnels non-enseignants souhaitent que nous les conduisions à retrouver les motivations qui ont favorisé ce choix d'un poste dans une école. Ces différents propos sans interroger pour autant la lutte des places au sens de Vincent de GAULEJAC13, attestent de la nécessité de concevoir comme complémentaires, les fonctions des salariés d’un collège . C’est ainsi que pour mieux comprendre ce qu’il y avait

d’utilisable « dans le savoir de chacun sur sa propre vie », développé par

J.OURY14, nous avons voulu comprendre comment ce principe de complémentarité pouvait redonner une dimension humaine au travail institutionnel. Allant dans différentes directions pour approfondir ce concept, nous découvrions rapidement que l’idée de complémentarité avait pu être le point de départ de nombreux mouvements philanthropiques ou encore de grandes illusions. Il nous a donc fallu modifier notre focale afin de pouvoir décrire les conditions dans lesquelles ce concept était utilisable dans une recherche en Sciences Humaines. C’est ainsi que nous avons abouti à la notion de complémentarité stabilisée dans la construction du dispositif progressivement mis en place. Nous commencerons par décrire les conditions du départ d’un travail sur le terrain. Nous analyserons les aléas de fonctionnement d’une « équipe ressources » et nous évoquerons ce qui arriva aux différentes personnes lors de la fin d’un petit groupe, composé de salariés de professions fort différentes. La création d’équipes hétérogènes en se servant des textes officiels traitant des équipes relais illustra

de façon saisissante, les difficultés à faire réfléchir ensemble des

enseignants et des A.T.O.S. alors que les uns et les autres avaient des choses à mettre en commun. Or, l’évolution de groupes hétérogènes, prenants grâce aux textes officiels l’appellation d’équipes relais, souligna la nécessité d’une étude très serrée sur les conditions nécessaires à la poursuite d’actions complémentaires. Parmi les éléments ayant la capacité à freiner les dérives potentielles, nous découvrions qu’il en était un DE GAULEJAC (V.) « La lutte des places : la lutte des places est en fait une lutte des individus qui sont seuls contre la société dans le but de retrouver une « place » un travail ,c’est-à-dire son statut, une identité, une reconnaissance, une existence sociale.Paris 1994 14 OURY (J.).­ Le Collectif.­ Séminaire de Sainte Anne,Paris : éditions du Scarabée, 1986 13

15


particulièrement

révélateur : celui de l’importance d’un accompagnant solide,

fonctionnant comme Tiers, porteur d’un regard extérieur à l’institution scolaire. Il nous a donc fallu définir la place de ce personnage et sa fonction. Nous avons volontairement limité notre recherche à la Région Bourgogne, alors que des actions ont été menées par nous, dans d’autres départements. Pour concrétiser cet accompagnement de quatorze équipes relais, nous avons choisi de présenter des monographies. Tout ce savoir, illustré par une monographie concernant quatre établissements scolaires, différents par leur lieu d’implantation géographique, apporte une connaissance des facteurs pouvant se révéler en tant que accélérateurs ou freins de l’apparition de la violence. Les professionnels ayant eu la gentillesse de s’entretenir avec nous, appartenaient à des Collèges où avait existé une équipe relais . Ces professionnels pouvant être soit membre du groupe, soit simplement salarié de l’Etablissement. En bref, si l’équipe-relais fonctionnait un certain temps, on remarquait une amélioration de l’ambiance du Collège ou du Lycée. La recherche conceptuelle enrichie par le terrain fait sourdre l’idée suivante :ces regroupements d’adultes dans des actions « complémentaires » pourraient-ils avoir un effet bénéfique quant à la modification de l’ambiance du lieu école ?... Cet effet hautement favorable pour la prévention de la violence, exigerait-il que l’on cerne au plus près le principe de complémentarité et sa pertinence dans l’application aux Sciences Humaines ?... Il s’agit bien au départ d’un principe retrouvé dans les Sciences Physiques. Depuis les travaux de Niels BOHR et HEINSENBERG15 et les discussions sur les relations d’incertitude de HEISENBERG16 il est important de différencier ce terme

des

mouvements inspirés par les idées de solidarité, de mutualité, de subsidiarité. Mais cet essai de différentiation nous demande également de réfléchir sur les raisons qui font dévier les mouvements généreux qu’il s’agisse de philanthropie ou « d’empathie” (Carl ROGERS), vers les grandes utopies (l’utopie libérale et humanitaire de Thomas MORE, HEISENBERG (W.).­ La partie et le tout :Discussions entre biologie, physique, chimie, Paris, Champs

15

Flammarion 1972, p.151

HEISENBERG (W.) .­ la partie et le tout : mécanique quantique et philosophie de Kant, Paris, Champs Flammarion, 1972, p.169 16

16


la Cité du Soleil de CAMPENELLA, les institutions républicaines de SAINT JUST, …) Évoquons ici, également les craintes exprimées à l’égard des projets marqués du sceau de l’innovation. S’imposait donc la nécessité d’entourer le principe de complémentarité de quelques garde-fous. Or comme le souligne un de mes amis, docteur en Sciences de l’Education, les précisions attendues de la recherche sur l'utopie, ne peuvent pas se limiter à ses aspects négatifs. Serons-nous conduit à soupeser les éléments qui permettent à l’utopie de se finaliser sous la forme d’une pédagogie innovante, à condition de se fixer certaines exigences ?... Cette question insidieuse risquant de nous faire tourner en rond, nous avons alors interrogé notre passé. En effet, la formation au psychodrame psychanalytique nous avait initié aux théorisations de René KAËS, ARDOINO, De PÉRETTY, MAISONNEUVE, E. ENRIQUEZ, … et fait prêter attention à leurs commentaires sur les dérives si bien décrites sous le terme d’«illusions groupales » par D.ANZIEU17. (Cet auteur illustre ce concept par différents récits: pédagogies innovantes amenant leurs participants à vivre dans la fusion, groupes de formations ou de psychothérapies liées à un leader charismatique, thérapies californiennes, mouvements sectaires…,). En tenant compte de la rigueur à déployer dans l’exploitation d’un concept, nous avons dû successivement créer et analyser les termes de « complémentarité revisitée », et de « complémentarité accompagnée ». Après avoir bien délimité ce principe de complémentarit, nous révèlerons les impératifs dont il est accompagné, pour pouvoir être utilisé de façon cohérente. Il nous faudra par la suite parler de place de l’accompagnant et des critères nécessaires pour que ce dernier garde une certaine distance à l’égard du groupe. Nous n’omettrons pas de citer parmi les notions qui nous ont permis de clarifier cette posture, le concept de « cartel », tel qu’il nous est fourni par LACAN18 et celui « de la place en creux » retrouvée dans les écrits d’Eric LAURENT19 17

ANZIEU (D) et MARTIN (J.Y) La dynamique des groupes restreints, Paris : PUF 1972. LACAN (J).­Actes de fondation de l’Ecole freudienne de Paris.­ Annuaire de l’EFP, Paris :1965 Le cartel.­in L’apport freudien ­ Eléments pour une encyclopédie de la psychanalyse, Paris :Bordas/VUEF, 2003 : p.85 19 LAURENT (E).­ L’empreinte en creux .­ Revue Française de Psychanalyse N°3, 2002 18

17


Dans le droit-fil de cette recherche conceptuelle , un profond souci se fait alors jour, inquiétude qui se trouve liée à l’énoncé de la seconde partie de notre hypothèse : «la complémentarité restaure la qualité humaine de l’école ». Une fois encore, en partant du monde grec et de l’école aristotélicienne, nous sommes conduits naturellement à structurer notre pensée en rejoignant les discours des professionnels qui « proposent une vision plus humaine de l’école ». Et c’est ainsi que nous retrouverons avec les chercheurs de l’Université de Montréal20 La méthodologie mise en avant répondra au souci d’objectivité, par l’analyse de contenu d’entretiens réalisés auprès des personnes des équipes–relais, en tenant compte de leur évolution : (celles qui fonctionnent toujours, celles qui ont eu un certain parcours de vie et celles qui n’ont pas réussi à se constituer). Il s’agit d’interviews de personnes présentes dans les équipes, mais aussi d’autres n’en faisant pas partie mais salariées du même collège. Ainsi aura été recueilli tout un matériel apporté par des professionnels mêlés de près ou de loin à cette création. Ces entretiens ont été quelquefois pris intégralement, mais le plus souvent résumés. Une fois analysés, ils feront apparaître tout un ensemble de données qui seront successivement exploitées. Il restera au vu des résultats de la recherche à émettre des hypothèses quant aux effets positifs et quant aux inquiétudes et exigences que suscite le principe de complémentarité, lorsqu’il est appliqué dans le domaine de l’éducation. Arrivés à ce point de notre exposé, nous tenterons d'établir la portée de ce concept, en précisant qu'il s'agit un véritable outil de socialisation. Nous rappellerons qu'il représente un certain coût pour les acteurs qui veulent l'utiliser. C'est bien pour cela que la complémentarité nous fait aussi peur. Nous émettrons enfin des suggestions, quant à l’éclairage des quelques points qui, inattendus, sont apparus en cours de route. De toute cette recherche, nous retirons surtout l’idée que “ le principe de complémentarité stabilisé “ tel que nous avons essayé de le définir, semble correspondre à “ un instrument social “ en opposition à la violence insidieuse, retrouvée de plus en 20

CAOUETTE (CH­E), HAMEL S.), Eduquer à une vie qui ait du sens, CEQ Université de Montréal :1998

18


plus fréquemment dans les institutions. Ce constat d’une modification de notre société actuelle, rappelle une notion sur laquelle insistaient nos anciens et qui rend, comme le dit Charles ROZJMAN21 « aux êtres humains la capacité de vivre ensemble et de retrouver l’envie d’aider la génération qui leur succédera .» Au début de cette introduction, j’ai évoqué l’influence du second de nos fils sur ma démarche, mais l’aîné n’en a pas moins contribué indirectement à me pousser dans cette recherche. Cet élève doué en géométrie dans l’espace et surtout très performant dans le domaine de l’automatisation, faisait tranquillement son petit bonhomme de chemin au Lycée Gustave Eiffel. Mais soudain, une circulaire ministérielle, (ayant sans doute pour objectif l’harmonisation du niveau en atelier mécanique), a produit un effet déroutant, aboutissant à ce que pour l'année en cours, les exercices proposés étaient d’un niveau inférieur à ceux de l ‘année précédente. Il en a découlé pour cet élève l’impression de régresser, ce qui en plus des problèmes liés à l’adolescence

a entraîné un

désinvestissement scolaire total. Cette incohérence dans la construction du sens donné aux apprentissages, a certainement déterminé chez moi, l’envie d’aider les enseignant à prendre en compte le projet individuel de l’élève et non seulement celui de l’administration centrale : amener une classe d’âge, à 80% de résultas positifs. À partir de ce moment-là, s’installe certainement chez moi un chantier en attente d’une réalisation dans le futur. C’est ainsi que, quelques années plus tard, se montent au Centre Académique de Formation des Adultes (C.A.F.A.), deux modules en direction des personnels non-enseignants de la région Bourgogne. Un premier module intitulé « Violence et maltraitance », dans lequel notre coanimatrice sera Madame F.M. psychosociologue. Une seconde formation programmée sous la désignation « A l’approche de l’adolescence » (cycle de douze journées du mardi réparties sur deux ans), dans lequel je me retrouve en tant que co-animateur avec Madame le Docteur N.L. Médecin Conseiller près du Recteur. Durant ces journées, se retrouvaient à réfléchir ensemble, des chefs d’établissement, des Conseillers Principaux d’Education (C.P.E.), des infirmiers et des Médecins scolaires, des personnels de l’administration et des personnels des Services Généraux . Ce travail en groupe a permis de remarquer, que des adultes de compétences différentes, pouvaient souhaiter aider 21

ROJZMAN (Ch.), PILLODS (S.) .­ Savoir vivre ensemble. Agir autrement contre le racisme et la violence, Paris, Syros, 1998

19


ensemble les jeunes à se construire. Mais ce temps de formation favorisait aussi l’émergence de nouvelles demandes témoignant chez ces personnes d’une véritable capacité professionnelle à participer à des lieux d’échanges, où pouvaient se rassembler adultes et élèves.Les collégiens ou les lycéens dont ils évoquaient le « mal-être » leur avaient fait part de leur envie, de pouvoir les retrouver dans un groupe de parole animé par un intervenant extérieur .

Cette thèse serait donc une façon indirecte de répondre au questionnement de ces salariés de l’Education Nationale, qui ont été reçus par vagues successives, pendant une vingtaine d’années. Avant de décrire le lieu de notre recherche , nous allons rappeler quelques prolégomènes évoquant les difficultés actuelles des adolescents , en quête d’identité dans un monde sans repères. Ces données que nous avons recueillies, en regroupant contenus d’entretiens et lectures d’ouvrages les concernant, renforcent notre sentiment quant à l’importance de la complémentarité des adultes.

PROLEGOMENES Avant d’exposer le lieu de notre recherche , il nous est apparu opportun de rappeler que l’adolescence , dans la mesure où elle est un temps de passage , interroge de plus en plus le chercheur quand il repère à la vitrine des libraires des ouvrages tels que : Interminables Adolescences24 ,La

post-adolescence25

ou le

plus

récent

Les

Adonaissants26. En effet, la question de l’adolescence est plus que jamais un point clé de la problématique sociale aujourd’hui. Sensibilisé aux difficultés qu’éprouvaient les élèves durant cette période (dont la durée semble de plus en plus imprécise), nous nous sommes sentis dans l’obligation de rédiger ces prolégomènes pour essayer de reformuler de façon schématique, leurs différents témoignages et ce que nous en avons compris. Encore une fois la question qui apparaît en préambule et qui est la nôtre peut s’exprimer sous la forme suivante : « des adultes de compétence différentes , réunis en groupe, sontils capables d’oeuvrer

ensemble et de favoriser chez l’adolescent les processus

d’apprentissage , tout en lui permettant de se construire « institutionnellement » en tant que futur adulte ? » ANATRELLA (T.),Interminables adolescences, Paris, 1988, Cerf Cujas GUTTON (P.), La post­adolescence, Paris 1995 P.U.F. 26 DE SINGLY (F.), Les Adonaissants, Paris, 2006, Armand Colin 24 25

20


Cette attention portée à la modification du regard que portent les uns sur les autres, les salariés d’un établissement scolaire, nous parait imposer une réflexion s’appuyant sur les expressions recueillies à la suite de rencontres avec des adultes et des adolescents Tout d’abord nous ferons état d’informations enregistrées par nous, lors de séminaires au Centre Académique de Formation des Adultes (C.A.F.A.) , mais également un listage des propos entendus depuis une vingtaine d’années dans les rencontres avec des groupeclasses.

Dans certains établissement un professeur était présent (mais restait très

discret), dans d’autres nous étions le seul représentant du monde des adultes. Que nous apportent toutes ces réflexions , et comment apparaissent les nouveaux besoins des adolescents ?.. Trois axes de pensée peuvent être ainsi relevés : le premier, il est aujourd’hui plus difficile de se construire en tant qu adolescent ; le second, les éléments essentiels ne sont plus présentés, alors que dans le passé ils permettaient à l’ adolescent de devenir adulte; et enfin le troisième axe :les adultes se donnent peu de moyens pour écouter les suggestions des jeunes. Il est plus difficile d’être “enfant” ou “ adolescent “ aujourd’hui : C’est bien ce que nous ont appris les adolescents rencontrés soit en groupe, soit de façon individuelle. Ils insistent tous sur les éléments qui les fragilisent : 1).- la perte des repères : Ce manque de balisage nous le retrouvons tout d’abord au niveau du langage. Beaucoup d’expressions que nous utilisons sont devenues polysémiques. Que veut signifier un adulte lorsqu’il formule « j’ai les boules,… je suis cool,… il faut rester zen… ». Il n’est pas certain que l’interlocuteur perçoive exactement le sens des expressions utilisées. Plus grave encore nous constatons de plus en plus souvent un détournement du sens.Que souhaite exprimer un collégien quand il dit à son camarade de classe « si tu continues, je t’explose la tête…, si tu n’arrêtes pas je te tue… » Ces mots-valises, ne permettant pas de comprendre ce qu’il signifie pour l’autre , peuvent être sources de malentendus. Or si les élèves ne se comprennent pas lors des propos échangés, la violence gestuelle n’est pas loin. 21


Ce manque de repères nous allons le redécouvrir en ce qui concerne nos valeurs. Citons par exemple les exigences envers soi-même dans l’effort ,la droiture dans la conduite , le respect de l’autre… De plus en plus , les professionnels n’osent plus les affirmer, redoutant de passer aux yeux de autres comme des adultes « ringards ». Quel éducateur aurait aujourd’hui le courage de parler de dévouement , de générosité ou de l’amitié véritable, consistant en la capacité de donner sa vie pour sauver celle de l’autre !... Cette question portant sur la nécessité de transmettre nos valeurs sera retrouvée en filigrane tout le long de notre travail. D’autre part il est actuellement très difficile d’évoquer l’idée de trajectoire socio­ professionnelle, lorsque l’Insee nous apprend qu’il y a moins d’un français sur trois, à œuvrer dans le domaine où il a acquis ses diplômes. Or notre adolescent demande à ce qu’on lui fournisse des modèles. Comme nous n’avons pas d’indications sur les différents métiers qu’il exercera, nous devons rester avant tout des adultes « porteurs d’espoir ». Nous devons rappeler à ce futur adulte qu’il est détenteur, d’énergie, de richesses, de potentialités , et que c’est bien lui qui construira le monde de demain. Enfin, nous ne sommes guère plus à l’aise pour traiter de l’apprentissage des localisations géographiques. Les élèves de l’école primaire, dont je faisais partie en 1938-1939, avaient acquis les connaissances élémentaires leur permettant de comprendre le domaine rural. En citant ces références géographiques nous retrouvions le bourg, le chef lieu de canton, la sous-préfecture, le département , la préfecture. Rappelons-nous que nous pouvions les réciter sans hésitation. Aujourd’hui, l’apprentissage de la géographie est complexe pour le collégien qui voit grandir les métropoles et

assiste à l’appauvrissement du monde rural. Il fait également des

recherches sur internet, entend parler de sociétés multinationales et de délocalisation. Il entend et regarde le journal télévisé ne se doutant pas de la confusion qu’introduisent les images, en présentant ce qui se passe là-bas, alors qu’il est assis ici dans la réalité. En l’absence de propos explicatifs, notre cerveau est-il adapté à ce traitement mélangeant la proximité et l’éloignement ? Les neuro-sciences nous enseignent que nous ne pouvons retrouver des souvenirs, qu’avec l’aide de mots apposés sur les images. Il est donc 22


important d’illustrer en sa présence la notion du territoire, c’est- à dire lui faire saisir par des exemples, l’importance des paramètres qui définissent la place des uns et la place des autres. Les données sociologiques étudiant les sociétés qui ont perdu leurs repères attestent de la perte du sens de la vie en collectivité. Elles insistent sur l’augmentation de l’individualisme, le renforcement de la peur de l’autre (peur de l’étranger), l’apparition de tendances à la somatisation et la perte du respect de l’autre. Il est donc important pour la génération qui nous succédera , de les aider à construire des repères. La meilleure façon de les acquérir est bien d’œuvrer ensemble, en associant des personnes qui ont peu l’habitude de se rencontrer. 2).- La disparition des rites de passage : Arnold VAN GENNEP27, nous a appris que ces rites de passage garantissaient les processus d’appropriation et favorisaient la constitution de liens d’appartenance. Il ajoutait « Les compartiments divisant la société sont soigneusement isolés les uns des autres. Pour passer de l’un à l’autre des formalités et des cérémonies sont nécessaires, qui présentent la plus grande analogie avec les rites de passage matériels » En nous situant dans un plus grande proximité, un ouvrage a alimenté notre analyse, celui de DESPLAT et CHRISTIAN qui traite des « Rites et coutumes, en France aux XVI-XVIIIe siècles ». Quelles sont les précisons historiques qui nous ont touché ?... Ces auteurs font une analyse des formes pyrénéennes de ces rites de passage : la naissance, le mariage, les funérailles. Certains rites étaient le fait de grandes institutions (l’Etat, l’Eglise), d’autres appartenaient à la tradition coutumière. Dans ce rappel du passé ces deux chercheurs insistent sur la nécessité pour le bon déroulement du cérémonial, qu’il s’agisse de gestes ritualisés élaborés dans le passé par des adultes ayant eu la capacité de communiquer entre eux. On remarque donc que les rites de passage dépassent les adultes qui les exécutent et les novices qui les subissent. Or, à l’égard de la tranche d’âge qui nous préoccupe , nous sommes incapables de répondre à la question suivante : A quel moment un adolescent sait-il qu’il est adulte ? » Antérieurement

ces rites ouvraient l’accès à un statut supérieur. Ils manifestaient

l’appartenance à un groupe et favorisaient l’intégration sociale. Le jeune quittait son VAN GENNEP (A.), Les rites de passage, réimpression de l’édition 1901, Paris, Picard, 1981

27

23


milieu et revenait avec une identité autre. O.GALLAND s’inscrit dans le même discours « Le passage a avant tout le sens d’une obligation sociale, qui intègre le sujet à l’intérieur d’un nouveau réseau d’échanges, à la fois matériels et symboliques. »28 La disparition de la conscription et du service militaire ont supprimé un processus touchant à la séparation, à l’inclusion du jeune dans un groupe d’adultes inconnus, puis d’un retour dans le milieu naturel. D’autres éléments interfèrent pour prolonger le séjour de l’ancien adolescent dans son milieu familial , nous les connaissons bien, mais nous ne les citerons pas car ils ne font pas partie de notre travail actuel.. Le système judiciaire avec l’accent porté sur l’âge de 18 ans qui permet de différencier le mineur et le majeur n’ a pas résolu le problème. On observe actuellement les difficultés dans le choix et l’application des sanctions pénales pour les sujets qui ont entre 14 et 18 ans. Je retiens de mon passé dans les Centres Educatifs pour les délinquants, qu’il est important de préciser dès le début de la puberté, que la célébration de l’anniversaire des 18 ans fera l’objet d’un cérémonial qui concernera tout l’établissement. Dans chaque Centre Educatif où cela a été réalisé (tant sur le plan de l’annonce, que sur le plan de la fête), il a été repéré une amélioration de l’ambiance et des obligations pour l’équipe de direction. Un constat identique s’est fait jour dans les Lycées d’Enseignement Professionnel , où nous sommes partis sur les mêmes bases. Ce nouveau regard implique également le gestionnaire. En effet pour les élèves maintenus dans l’établissement en tant que majeurs (c’est-à-dire à leur demande), nous avons dû modifier le lieu d’hébergement, l’organisation des lieux de repas, et établir quelques règles nouvelles puisqu’ils ne sont plus des mineurs. 3).-la fragilité de la famille dans sa fonction éducative : Notre société baigne dans trois leurres : « Il faut que l’enfant soit heureux » , « Il faut qu’il s’exprime », « Les adultes sont poussés à vouloir rester jeunes ». Cette idéalisation de l’enfance conduit les parents à ne pas tenir compte des étapes du développement affectif et à ne rien dire quand cela devient insupportable. N’ayant pas été affronté à la limite , cet « enfant-roi »roi va devenir « un tyran », puis sera rejeté, car perçu comme un objet de consommation n’ayant pas répondu à nos désirs. Il était autrefois essentiel pour les parents d’accepter le fait que « nous avons des enfants pour qu’ils nous GALLAND (O.), Sociologie de l’Adolescence, Paris 1997

28

24


quittent ». Nous remarquons qu’il est actuellement peu de familles où l’on puisse dire à l’adolescent : « je te dis non parce que je t’aime ». Dans ces conditions l’ancien enfant ne peut se construire en s’opposant à ses parents. Combien avons connu de jeunes qui nous ont déclaré : « si mes parents avaient été plus sévères comme je les aurais aimés ». Ils étaient bien en recherche d’un cadre délimitant un espace sécurisant. 4).-la Violence des images, Les recherches menées dans ce secteur attestent que les images non accompagnées de paroles, restent dans la mémoire , mais ne sont pas susceptibles d’être utilisés par la suite. Elles peuvent constituer un fond

d’engrammes inscrits dans le lobe temporal et

introduire une confusion entre la réalité et l’imagination. Pour un être fragile le danger serait de mélanger le virtuel et le réel. 5).-La difficulté à s’individualiser, tant est grande la pression du groupe des pairs. Dans sa quête d’identité l’adolescent en recherche de liens d’appartenance, croit se sentir étayé en adhérant à ce que disent et pensent les autres de son groupe. Un témoignage fourni par un adolescent de notre consultation peut illustrer cette adhésion au groupe des pairs ; « Vous savez je fais mes devoirs à la maison , mais je ne les rends pas. J’apprends mes leçons avec ma sœur aînée, mais si je suis interrogé, je déclare que je les ai pas apprises ; pour ne pas être traité de fayot, de traître ou de jaune par les camarades de ma classe ». Tous ces différents constats attestent de la nécessité d’entraîner les jeunes dans des projets individuels constructifs, pour les aider à élargir leur conscience des êtres et des choses et leur permettre ainsi de mieux se connaître et se comprendre. Peu d’éléments essentiels sont apportés pour permettre à un adolescent de devenir adulte : Dans l’idéal, l’adulte est un être ayant acquis les formes essentielles de l’autonomie financière , affective et intellectuelle. Or le panorama est composite, car coexistent des modèles contradictoires liés à l’évolution de la famille = mariage, concubinage, célibat, 25


couples divorcés, familles recomposées, mobilité amoureuse ou sexuelle ... L’engagement dans une voie et dans un rôle déterminé, n’est pas facilité s’il n’y a pas présentation de repères permettant de différencier normes, variances , déviances. Or dans cet essai de définition de l’autonomie, il n’est pas évoqué de période pouvant se situer entre l’enfance et l’état adulte .Or l’adolescence est un temps de passage et les acquisitions souhaitées ne se font pas sans heurts. Durant ce temps nécessaire à la séparation d’avec l’enfance, le sujet est en recherche d’une identité, il doit accepter la nouvelle image de son corps, et il éprouve la nécessité de prendre du recul à l’égard des représentations (images imaginées de ses parents). Il est donc important qu’il puisse se construire solidement , afin de pouvoir porter son regard sur les autres et également affiner son regard sur le monde . Pour le préparer à devenir adulte , plusieurs éléments nous paraissent nécessaires = lui faire partager nos valeurs, développer chez lui le sens de l’effort , autant pour s’aider soi-même , que pour aider les autres. On s’aide soi-même en retrouvant l’estime de soi. Ce concept repose sur trois items = avoir confiance en soi, avoir une vision positive de soi, avoir la capacité à s’aimer un peu. Mais cet effort n’est possible que si l’on est entraîné par une tierce personne dans une suite de petits projets successifs réussis. Si l’on essaie d’approfondir l’aide aux autres , on retrouve : générosité , altérité , courage , solidarité ... Pour ces jeunes qui doivent se séparer de leur enfance, plusieurs tâches paraissent nécessaires = - les accompagner dans des projets constructifs positifs , - leur proposer la proximité d’adultes cohérents , porteurs d’espoir , capables de leur servir de repères , - modifier le regard sur l’élève en difficulté et sur sa famille , en trouvant d’autres supports, que ceux appartenant à la pédagogie, pour favoriser les différents échanges - avoir conscience que nos institutions sont là pour définir la place des uns et des autres. Il s’agit donc de repenser à la notion du cadre toujours recherché par les individus présentant une personnalité fragile. Cette idée pourrait se formuler de la manière suivante : « si on me fournit un cadre, c’est que je bénéficie dans ce lieu d’une certaine considération ; je ne suis pas un inconnu, donc je suis un membre de cette 26


institution». Il y a chez tout être humain ce besoin d’appartenance et d’appropriation. Nous aborderons cette conception de la place des uns et de la place des autres dans notre dernière partie. On conçoit bien que tout cet étayage, ne peut se réaliser de façon harmonieuse , que si l’on fait appel à la “ grande équipe de l’établissement », ce qui requiert donc la collaboration de tous. Nous aurons donc par la suite à illustrer comment la cohérence de certaines réunions institutionnelles peuvent favoriser la construction d’un projet d’établissement qui entraine l’adhésion de tous.

Les adultes se donnent peu de moyens pour écouter les suggestions des jeunes : Les images médiatiques, toujours à la recherche du sensationnel , (le “ scoop “) n’évoquent les comportement des adolescents que lors d’actions négatives : ( destruction de voitures ou dégradation de bâtiments, rixes sanglantes de bandes rivales , « caillassage »de voitures de police, de pompiers ou de médecine d’urgence ...) Nous oublions qu’il y a beaucoup de jeunes qui réalisent des actions formidables ou qui seraient capables de réalisations positives et constructives s’ils étaient entendus. Mais dans notre société actuelle « dépressive et victimaire » ( Ch. ROZJMAN )29,

nous

avons perdu l’envie ou la capacité à les accompagner dans l’élaboration et la réalisation de leurs projets . Il s’en suit progressivement chez nous une attitude de méfiance

à l’égard de la

génération qui nous suit. Nous doutons de leur énergie, de leurs potentialités, de leurs richesse Ne soyons pas frileux comme le maître de Platon dont les propos nous ont été rapportés par ce dernier. SOCRATE manifestait déjà son inquiétude, or ces faits se passaient il y a fort longtemps. Plus près de nous le constat de

la violence à l’école peut favoriser une certaine

distanciation à l’égard de la jeunesse. « Certaines équipes son efficaces dans leur lutte contre la violence. A l’inverse, certains établissements moyens, marqués par le 29

ROZJMAN (C.),PILOODS (S.).­ Savoir vivre ensemble. Agir autrement contre le racisme et la violence Paris :Syros, 1998

27


déchirement interne des groupes d’adultes, dérivent vers de fortes difficultés, sans savoir où se raccrocher ».30 ou encore pour J.PAIN : « L’opinion publique et l’opinion intellectuelle s’effraient à juste titre de ces mineurs de quinze ans qui vampirisent très tôt leurs écoles, leurs maîtres, les institutions,avec une haine froide à la mesure de la dépression des adultes »31 Au lieu de nous réfugier dans un certain fatalisme, rappelons qu’à toutes les époques difficiles, il s’est trouvé des adultes offrant leurs disponibilités, pour aider les jeunes, à s’en sortir .DELIGNY avait bien su prendre en charge des adolescents porteurs de troubles graves du comportement. A titre d’exemple, rappelons- nous combien beaucoup d’adolescents à la fin de la guerre de 1939-1945, se retrouvant désoeuvrés et pris dans des pulsions de destruction, ont pu être étiquetés comme « inadaptables ». Bien que d’obédiences souvent fort différentes, des adultes qui croyaient en l’humain , ont pu les aider à se reconstruire. Nous évoquerons ici, les patronages, les éclaireurs, les C.E.M.E.A. (Centres d’entraînement aux Méthodes d’Education Active), les Francs Camarades ( les Francas). Au total toutes les analyses développées dans ce chapitre , nous incitent vivement à réfléchir au regard que portent sur nous les adolescents en recherche de modèles identificatoires. Favoriser la proximité d’adultes cohérents, capables d’échanger entre eux sur les mêmes valeurs et sur des attentes semblables, susceptibles de les entraîner dans des projets constructifs positifs, semble constituer pour l’école une nouvelle tâche. Cet effort aura pour effet, d’aider les élèves à quitter les sentiments d’injustice et de préjudice, souvent à l’état de latence dans les esprits.. S’impose aujourd’hui une égale nécessité de les accompagner dans leurs démarches, en sachant recueillir leurs attentes, mais en les prévenant que nous ne pourrons répondre qu’à 2 à 3% de leurs envies de créer ou d’innover. Il y a donc une limitation de la toutepuissance à observer chez les uns et chez les autres . Se retrouver avec un grand groupe d’adolescents, comme cela se passe dans un collège ne constitue pas une tâche simple pour les professionnels. Et pourtant les personnels reçus en entretien nous ont révélé leur DEBARDIEUX (E.) .­ La violence en milieu scolaire 2­Le désordre des choses .­ Paris : ESF, 1999 PAIN (J.) .­ La société commence à l’école – Prévenir la violence ou prévenir l’école ?.­

30 31

Vigneux :Matrice, 1999

28


générosité et fait part de leurs espoirs. Ces prolégomènes ayant été rappelés, nous allons pouvoir situer le lieu de notre recherche.

1ère partie : Circonscription et définition de la problématique de recherche

29


1.-Circonscription et problématique de recherche A.-L’anamnèse de la recherche Notre recherche s’attachera à comprendre comment la mise en place d’une

équipe

pluridisciplinaire paraît susceptible de modifier l’ambiance d’un établissement scolaire. Ce regroupement de salariés oeuvrant dans le même lieu a non seulement permis la conduite de projets en direction des élèves, mais a eu également un effet symbolique sur le fonctionnement institutionnel. Mais avant de décrire ce qui appartient à un projet d’établissement nous évoquerons la construction sur un plan régional puis sur un plan départemental de groupes qui ont eu envie de favoriser une meilleure réponse aux attentes des élèves. La durée de vie de ces équipes aura été très variable et il ne semble pas qu’il y ait une étroite relation entre la longévité de son existence et la qualité des actions entreprises. Plus étonnant encore, les personnels qui n’en faisaient pas partie ont remarqué que sa présence a suscité un climat différent en intensifiant, semble-t-il, les capacités d’échanges entre les différents adultes. Nous nous attacherons par la suite à décrire, ce qu’ensemble, nous avons découvert, et nous nous appuierons sur les propos de ces professionnels. . Ces équipes hétérogènes une fois constituées ont pu se montrer efficaces et productives, car elle disposaient d’un accompagnant capable de catalyser les efforts de ces salariés, tous volontaires, pour étayer le « mal-être » à l’adolescence. Ces professionnels étaient prêts à offrir de leur temps pour transformer ce temps de passage par l’école, en apportant des espaces de créativité où les apprentissages prennent tout leur sens, afin que les jeunes puissent préparer leur devenir. Puisque nous avons parlé d’effet symbolique, il est possible de s’intéresser à la place cette personne, désignée par l’expression « accompagnant ne recherchant pas le pouvoir ». Ce professionnel se retrouvant dans une place de conseiller, en raison de son savoir, mais n’ayant pas à le diffuser, occupe une place privilégiée. Dans le regard porté sur ces équipes, appelées « équipes-relais », nous nous attacherons par la suite

à

démontrer que dans sa fonction de catalyseur, ce professionnel ne s’inscrivait ni dans un rôle de formateur, ni dans celui de superviseur. Ressort également de cette recherche une autre constatation qui tient à ce que l’objectif 30


proposé a été tenu : celui d’informer régulièrement les adultes et les élèves par voie d’affichage. Cette publicité donnée aux travaux de cette équipe-relais n’a laissé personne indifférent, et les élèves ont pu déclarer aux agents de service qu’ils étaient très attentifs à ces écrits. Les termes utilisés par certains jeunes, très favorables à la mise en place d’actions conduites par des adultes et des élèves, · vont dans ce sens. Ils estimaient qu’une telle coopération dans un travail partagé, pouvait leur donner envie de soutenir l’image de marque de leur établissement et renforcer leur désir d’apporter des modifications. Ils pensaient qu’un changement s’imposait afin que les nouveaux venus soient mieux accueillis qu’ils ne l’avaient eux-mêmes été. Nous aurons donc à réfléchir sur l’intérêt des actions complémentaires dans un établissement scolaire et sur tout ce qui est mobilisé par ces pratiques. 1.1 Les circonstances qui ont favorisé la création de ces équipes-relais En différentes étapes, nous allons relater, l’évolution d’une recherche-action, qui se déroula sur plusieurs années. Un tel projet a pu en effet voir le jour, grâce à une idée innovante

du Médecin Conseiller auprès du Recteur. Ce médecin découvrit

l’opportunité de se servir d’un texte administratif, pour favoriser l’installation d’une action qui, envisagée au départ pour la région Bourgogne, déboucha par la suite sur des actions départementales, puis locales. 1.1.1 Comment sommes nous passés d’une équipe régionale à une équipe départementale : - Les textes fondateurs Les deux textes fondateurs sont la Circulaire n° 83-287 du 27 Juillet 198332 et la Circulaire 85-118 du 26 mars 1985. Pour illustrer notre propos nous rappellerons quelques extraits de ce deuxième texte administratif. « CIRCULAIRE n° 85-118 du 26 mars 198533 - Ministère de l’Education Nationale Objet :

Lutte contre les toxicomanies et les conduites déviantes – politique de

prévention du Ministère de l’Education Nationale

32

Circulaire n° 83­287 du 27 juillet 1983 ( texte fondateur de la notion : adultes­relais) Circulaire n° 85­118 du 26 mars 1985 ( texte fondateur de la notion d’équipe­relais)

33

31


Le texte est le suivant : Le terme d’adultes-relais jusqu’alors employé a quelquefois été mal compris : ils complètent l’équipe pédagogique, à moins qu’ils n’en fassent déjà partie, mais ils ne se substituent pas à elle, pour assumer un dialogue avec les enfants et adolescents en difficulté. Il y a lieu de choisir pour cette mission des personnes qui par leurs qualités de contact soient en mesure de répondre à la demande des jeunes, de façon à ce que les relations jeunes adultes s’instaurent dans la confiance au sein de l’établissement. Mais leur rôle est tout autant de démultiplier leur action auprès de leurs collègues. Aussi pour ne pas risquer de focaliser sur une ou deux personnes tous les problèmes de drogue et de violence dans l’établissement, il est apparu préférable de substituer à la notion d’adultes-relais, celle d’équipes-relais, ce qui répond mieux à l’objectif poursuivi et qui permet, dans le cadre des actions à mener, un travail en commun. La formation de ces équipes doit leur permettre de transmettre aux personnels, parfois moins spontanément prêts à répondre à la demande des jeunes, aide et conseils ainsi qu’un savoir-faire dans l’écoute, la communication, la compréhension. Il ne s’agit pas pour l’enseignant de prendre en charge les problèmes que peut rencontrer chacun de ces élèves, mais de ne pas se sentir « désécurisé » par la demande d’un élève en difficulté qui vient le trouver, et de mieux faire face à la situation. Faciliter le travail d’équipe est certainement la meilleure façon de renforcer la communauté éducative, et de résoudre bien des problèmes de communication et de relations entre adultes et jeunes. Dans cette perspective, il est indispensable de favoriser la création ou le renouveau de lieux de rencontres et d’échanges, comme par exemple les clubs « Rencontre, Vie et Santé ». Les médiateurs , en collaboration avec les chefs d’établissement, apporteront beaucoup de soin à la désignation des personnes, parmi les volontaires, qui constitueront les équipes-relais. 32


Ces actions de formation peuvent être complétées par des journées d’information pour tous les personnels, et le cas échéant, les représentants des parents et des élèves aux conseils des établissements Ce dispositif s’inscrit dans une politique générale de prévention des conduites déviantes, qui n’isole pas les toxicomanies des autres conduites déviantes et difficultés des adolescents. Une plus grande coordination doit s’instaurer au niveau départemental avec les différentes instances concernées : service de police, de la justice, direction des affaires sanitaires et sociales, commissions pour le développement social des quartiers, organismes de lutte contre l’alcoolisme » Dans cette circulaire apparaît un certain flou concernant le statut de la personne se retrouvant au départ de l’équipe relais. Quel est ce médiateur dont la présence est évoquée dans le texte, est-ce lui qui définit la répartition des professionnels dans ce groupe relais. On note également un manque de précision sur sa composition et sa durée de vie. Or s’il était souhaitable que soit laissée une grande latitude aux créateurs d’une équipe-relais, cette imprécision a entraîné des singularités que nous retrouverons tout au long de l’histoire de quatorze équipes. Mais avant d’entrer plus en avant dans les détails, relatons dès maintenant les conditions dans lesquelles s’est constituée la première équipe. - L’histoire d’une Equipe -Ressource = Une action de formation s’appuyant sur ce texte, a pu être conduite dans l’Académie de Dijon durant les années 1984 et 1985. Cette action a d’une part trouvé son origine, en réponse à de nombreuses demandes des équipes éducatives, souhaitant dans le champ de la psychologie de l’adolescent, un approfondissement de leurs connaissances. D’autre part, dans le même temps ces mêmes professionnels souhaitaient réfléchir et fournir des appréciations sur les modifications éventuelles des actions de prévention en faveur de la lutte contre les toxicomanies. Or ces interrogations n’apparaissant pas d’emblée comme le problème essentiel, il était apparu plus judicieux de considérer ce questionnement comme l’envie d’en savoir davantage sur le « mal-être » à l’adolescence. 33


D’où l’idée du Médecin Conseiller Technique près du Recteur, qui était porteuse d’une longue expérience en tant que Médecin Scolaire. Ce médecin désirait construire une équipe régionale qui, se rendant sur le terrain, aurait la capacité de pouvoir apporter des réponses satisfaisantes, car tous les membres de ce groupe pouvaient être considérés comme des experts. Pour ne pas désorganiser le fonctionnement des collèges, elle avait prévu que l’intervention de l’équipe-ressource se déroulerait sur une journée. * Composition de cette première équipe = Suite à différentes démarches

auprès du

Directeur Départemental des Polices Urbaines, démarches conduites par le Médecin Conseiller Technique près du Recteur, et par le Proviseur à la Vie Scolaire, il a été possible de mettre sur pied une complémentarité de différents spécialistes. C’est ainsi qu’une équipe apparemment hétérogène a pu rassembler : un Inspecteur de Police (Brigade des Stupéfiants) un Inspecteur de Police (Brigade des Mineurs), un Médecin Conseiller Technique près du Recteur, un Proviseur de la vie scolaire au Rectorat et un Neuropsychiatre, c’est-à-dire nous-même, puisque telle était notre profession à l’époque. Il s’agissait de personnes qui travaillant, en tant que groupe-ressource, pouvaient répondre à toutes les questions pouvant être posées sur l’adolescent. Ces spécialistes étaient volontaires en offrant au Rectorat une journée mensuelle. Étant tous des salariés, leur administration était favorable à l’idée de leur accorder la gestion de ce temps, mais en leur demandant de récupérer dans les meilleurs délais, cette journée consacrée à un autre champ que celui de leur travail spécifique. Le « maître d’œuvre » de cette équipe est le Proviseur de la vie scolaire. Le Médecin Conseiller assiste à toutes les interventions en tant qu’observateur des réactions du groupe, réactions positives ou négatives, mais ayant toute une valeur indicatrice. Dans chaque établissement, il est prévu deux interventions. Ces deux interventions se situent à un mois d’intervalle, et sont l’objet une semaine auparavant, d’une préparation minutieuse, où tous les membres de l’équipe sont présents, participant à l’élaboration de la journée et apprenant à « gérer le temps ». D’un commun accord, l’équipe a décidé que toujours alterneraient exposés théoriques et travaux de groupe. 34


Les thèmes théoriques choisis pour ces journées sont les mêmes : Première journée : -

présentation des membres de l’équipe et des participants,

-

la crise d’originalité juvénile,

-

l’adolescent et le groupe :société, famille, école , copains, bande.

Deuxième journée : -

l’auto-agressivité : fugues, prostitution, tendances suicidaires, toxicomanies,

-

l’hétéro-agressivité : vols, viols, violence, délinquance.

Les travaux de groupe : ils constituent la partie la plus importante de la journée, car ce sont des travaux de réflexion (voire de remise en cause de soi) et il est extrêmement intéressant de noter comment les thèmes sont perçus, reçus, acceptés ou rejetés par les différents participants. En général ils ont été très appréciés car ils représentent un mode de formation, d’information et de réflexion, relativement nouveau et surtout totalement inhabituel. * Les principes d’action = Dans un établissement scolaire en ayant fait la demande, les principes d’action étaient de rassembler toutes les personnes (équipe de direction, C.P.E., équipe de gestion, enseignants, infirmière, assistante sociale, médecin scolaire, A.T.O.S.)

qui soucieuses du devenir des élèves en difficulté, souhaitaient

approfondir leur réflexion sur les problèmes de l’adolescence. En rappelant que ces professionnels semblaient désireux de réinvestir sur le terrain, leur expérience et leurs acquis. Les échanges paraissant d’autant plus fructueux qu’ils reflétaient la situation propre de l’établissement, son environnement socio-économique et culturel. Ces rencontres se fondaient aussi bien sur des apports théoriques, que sur le vécu des personnes et leurs envies de mettre des mots, explicitant le regard qu’ils portaient sur les adolescents. * Le déroulement sur une année = Cette équipe-ressource est intervenue dans sept collèges de l’Académie et voici les propos de cette équipe tels qu’ils apparaissent dans le document intitulé « Compte rendu d’une action de formation dans l’Académie de Dijon 35


1984-198534« Notre module de formation a été expérimenté durant un an sur sept collèges de l’Académie. Consacré à la psychologie de l’adolescence, à la crise d’originalité juvénile et aux déviances, il nous a permis de forger un outil qui ne prétend, certes pas, à l’exemplarité. Il a le mérite d’avoir innové en la matière en permettant aux différents membres d’une communauté scolaire de réfléchir et de s’exprimer librement sur une problématique délicate où chacun peut être appelé à intervenir sans confondre pour autant son rôle et sa fonction avec ceux de ses partenaires ». « Nous souhaitons que cette expérience, loin d’être perdue, puisse être reprise à l’avenir par des équipes départementales tout en rappelant que, dans notre cas, ces actions n’ont pu être menées à bien que grâce à l’amitié qui a su rassembler sur ce thème un médecin, deux policiers, un psychiatre et un chef d’établissement ». Quittant ces propos qui pourraient ressembler à un récit historique, nous allons essayer de raconter la façon dont cela s’est déroulé sur le terrain. Notre Médecin Conseiller, nous a servi à la fois de dirigeant, et de pilote car elle nous transportait dans son véhicule. Dans sa voiture, nous pouvions ainsi traiter des dernières mises au point. Afin de permettre une régularité dans nos planifications le jour le plus fréquemment retenu pour ces actions aura été le mardi. Pour assurer les meilleures conditions de travail, le temps de la journée était découpé en deux sessions (9h00-12h30 , 13h30-17h00) Durant ces sept heures, il y avait de courts exposés théoriques, des temps d’ateliers suivis de séances de restitution, et des débats interactifs. Dans la demi-heure consacrée à l’évaluation, les participants à ce travail manifestaient leur satisfaction d’avoir pu échanger avec des personnes intéressantes, qu’elles soient issues de l’extérieur, ou de l’intérieur

de l’Etablissement. Le plus souvent, ces

personnels souhaitaient qu’il y ait une suite, ayant saisi que chacun d’entre nous était porteur d’un savoir sur les adolescents, et que le partage de ces informations ne pouvait être que bénéfique. Dans certains Collèges, il nous était proposé immédiatement de fixer une autre date, 34

Compte­rendu d’une action de formation dans l’Académie de Dijon, Psychologie de l’adolescent –la crise d’originalité juvénile et les déviances, Dijon Rectorat 1986

36


afin que l’un des membres de cette équipe-ressource puisse venir animer la création et le démarrage d’une “Commission de réflexion” s’intitulant : “A

l’approche de

l’adolescence“. Or, compte tenu des emplois du temps des uns et des autres,

cela n’a

été possible que dans cinq Etablissements. D’emblée apparaissait un décalage entre la taille des sept établissements rencontrés et nos capacités de piloter cinq commissions. Par contre, une certaine concordance était retrouvée dans les propos des différents adultes du lieu scolaire, car ces derniers insistaient sur deux points = - C’était la première fois qu’ils découvraient d’une part l’ensemble des salariés de l’établissement en un lieu où ils pouvaient échanger. La plupart du temps, ils s’ignoraient, se voyant peu car oeuvrant dans des secteurs différents. Le projet institutionnel demande la participation de tous et de cela il n’en avait jamais pris conscience. C’est la raison pour laquelle des chercheurs comme Eugenio ENRIQUEZ évoquent « les groupes de coopération avec la direction»2. François TOSQUELLES utilise plus volontiers l’expression « le collectif des encadrants » qu’il oppose dans l’hôpital au « collectif des soignés ». Certes dans le passé, ces professionnels

se

retrouvaient dans des réunions regroupant tel ou tel secteur, (équipe pédagogique, services généraux, maintenance, entretien, nettoyage..) mais il était très nouveau pour eux d’expérimenter ce travail en grand groupe. - Ils exprimaient également leur satisfaction d’avoir pu avoir enfin des réponses à leurs questions, puisque l’équipe-ressource, par l’hétérogénéité de sa composition recouvrait tout le champ des compétences. Cette évaluation apportait pour les pionniers que nous étions, l’envie d’intensifier nos actions, en rencontrant de nouveaux établissements, tout en amplifiant l’envie de revenir dans les institutions demandeuses d’une poursuite de la réflexion. Il nous a bien fallu précisément évaluer notre résistance physique et nos capacités. La réalité, en effet, nous a rappelé qu’il nous fallait à chaque fois remplacer dans nos services les heures où nous avions été absents. Nous risquions donc par épuisement, de faire un travail déplorable dans les deux secteurs. Et cela nous a conduit à programmer la fin de cette équipe-ressource, tout étant 2

35 ENRIQUEZ (E.), Les jeux du pouvoir et du désir dans l’entreprise,1997,Desclée de Brouwer,p.165

37


également incités à approfondir une nouvelle idée. Il était certainement judicieux d’engager la création d’équipes départementales (une à deux par département), qui pourraient favoriser dans des lieux scolaires, soit des réunions avec les personnels, soit des conférences–débats, soit des Commissions de réflexion. Il paraissait évident pour nous, que la composition de l’équipe départementale devait s’inspirer de l’hétérogénéité de l’équipe initiale. Dans notre esprit, cette équipe devait pouvoir mener des actions auprès des professionnels de plusieurs collèges pour favoriser des actions transversales en utilisant cette variété des professions représentées. En raison de cette ventilation sur plusieurs sites, nous avions insisté sur la régularité des réunions, autant celles précédant la mise en place d’une journée

de formation-débats, que celles destinées à faire ensuite

l’évaluation de ce travail. La répartition géographique allait sans doute compliquer la tâche des intervenants, lorsque les collèges se situeraient en zone rurale. Ainsi à la rentrée scolaire 1985-1986, avec l’approbation du Recteur de l’Académie de Dijon, l’équipe-ressource, appelée dés lors « équipe académique », proposait une mise en place des équipes départementales coordonnées par un membre de l’Education Nationale, et composée des membres de la Police, de la Justice, de la Santé, de l’Education Nationale, du secteur associatif, dans les quatre départements de l’Académie : la Côte d’Or, la Nièvre, la Saône et Loire (Le Creusot), et L’Yonne. À la rentrée 1986-1987, une deuxième équipe départementale s’implantait en Saône et Loire à Macon.36 À cette même rentrée, l’objectif des équipes départementales fut d’élargir leur champ d’intervention en regroupant dans un établissement d’accueil, les membres des équipes éducatives de plusieurs établissements demandeurs (établissements d’Autun, Le Creusot, Macon, Avallon). La raison d’être de ces équipes départementales était d’informer, de sensibiliser les membres des établissements de l’Education Nationale conformément : -

à la politique du Ministère, depuis 1983, en matière de toxicomanies et de

EQUIPE ACADEMIQUE PSYCHOLOGIE DE L’ADOLESCENT, A l’écoute de l’adolescent, Publications du C.R.D.P. Dijon 1989 36

38


déviances, -

à la connaissance de l’adolescent : son développement, ses problèmes, ses difficultés, ses « appels au secours », ses souffrances, mais aussi ses ressources.37

C’est bien à partir de ce document que se mettent en place les équipes départementales. L’équipe académique ressource n’étant plus une équipe de terrain, devenait une équipe « conseil » Nous retrouverons en Annexes la répartition des équipes sur le territoire de la Bourgogne. 1.1.2 Développement et pérennité des équipes départementales Dans les quatre départements bourguignons se sont rapidement constitué des équipes départementales : Côte d’Or, Nièvre, Saône et Loire, Yonne. Dans la composition de ces équipes, nous avions insisté sur cette complémentarité que nous avions découverte. Leur composition était semblable à la nôtre; rappelons-là ici : -Un représentant de la vie scolaire = le chef d’établissement ou son adjoint, (cette personne fonctionnant comme leader et provoquant les différentes réunions nécessaires au fonctionnement de cette équipe). -Un représentant de la Police ou de la Gendarmerie, concerné par les Mineurs, -Un éducateur spécialisé (travaillant à l’Action Educative en Milieu Ouvert ou en Prévention), -Un pédopsychiatre, chef de service hospitalier, ou exerçant sa fonction dans un Centre Médico-Psycho-Pédagogique. La diversité des formations et des compétences permettait ainsi d’affirmer que tout le champ de l’adolescence était recouvert Ces équipes départementales ont donc animé des journées d’information, des Soirées-débats, mais n’ont pas eu la possibilité de favoriser la création de « Commissions de Réflexion ». Dans les lieux scolaires où se sont déroulées ces actions, reste encore aujourd’hui le souvenir de rencontres fort intéressantes. Voici ce que pensaient les différents participants : « la prise en compte par l’équipe éducative de la dimension évolutive de l’adolescent est une nécessité, ce n’est pas une faiblesse. Faute de savoir guérir, on doit, dans ce domaine, pouvoir et savoir EQUIPE ACADEMIQUE PSYCHOLOGIE DE L’ADOLESCENT, cité précédemment

37

39


écouter…Et avec plus d’oreilles (attentives) on guide mieux »38 Notre Médecin Conseiller Technique près du Recteur, a suivi l’évolution de ces équipes, avec lesquelles elle avait d’étroites relations, et nous lui avons demandé de nous faire part des éléments essentiels de ce suivi d’équipes. Le Médecin Conseiller a apprécié l'importance des apports théoriques et la richesse des échanges. Elle regrettait que ces équipes départementales, bien qu’ayant éprouvé beaucoup de plaisir à se constituer, aient eu des difficultés à poursuivre sur plusieurs années les animations dans les Collèges. Les incertitudes concernant la poursuite de leurs actions sont apparues dès le milieu de la troisième année de leur existence. Il leur a manqué certainement la gentillesse, la cohérence et la ténacité de ce médecin, qui nous réunissait régulièrement, nous, membres de l’Equipe-ressource, pour préparer nos séquences. Ce confrère exigeait que nous nous rencontrions après que l’action se soit déroulée, pour procéder à l’évaluation tant du contenant que du contenu, et pour essayer d’améliorer notre pratique. Et c’est ainsi que faute d’une régulation, et certainement, en raison des mutations des chefs d’établissement, pilotant ces équipes départementales, nous avons assisté à leur disparition. Peut-on estimer que leurs successeurs, n’ayant pas été présents au moment du départ de ces groupes, n’ont pas su retrouver le fil conducteur ? Les mutations des chefs d’établissements, qui sont de pratique courante

dans

l’Education Nationale, ne laissent guère la possibilité de rencontres au mois de juin entre une équipe de direction et celle qui lui succède. Cela nous paraît dommageable, car le nouveau principal prenant son poste à la rentrée de septembre, n’a guère la possibilité d’analyser les avantages du fonctionnement antérieur. Cela peut le conduire à soutenir les innovations qu’il a déjà expérimentées précédemment et réserver à plus tard, les actions suscitant ses hésitations. Le jour où il voudra les reprendre les idées de l’ancien chef d’établissement, son équipe de direction sera repartie sur une autre lancée. C’est ainsi que l’histoire du passé d’un collège permet de mieux comprendre la situation actuelle en révélant l’existence de projets inachevés qui avaient pourtant mobilisés des volontaires. L’équipe régionale ayant disparu les promoteurs ont pu réaliser une dernière séance pour RECTORAT DE DIJON. »À l’écoute de l’adolescent / équipe académique.­Dijon,C.R.D.P., 1989, p.8 40

38


évaluer l’intérêt de leurs apports dans la création des équipes départementales. Ce groupe de formateurs, pionniers d’une « Equipe-ressource- Equipe Conseil », s’est révélé avoir eu une durée de vie assez brève (quatre années) et je suis resté bientôt le seul témoin de ce travail. Et pourtant ces rencontres avaient donné lieu à des échanges passionnants, tant lors des actions en établissement que lors des réunions de préparation ou d’évaluation.Nous rappellerons que dans cette équipe « chacun d’entre nous était reconnu comme ayant un savoir sur la vie , et possédant la capacité de faire progresser les autres dans la réflexion sur l’étayage possible des adolescents »39. Avant de se séparer mes amis m’ont demandé de continuer à répondre à la demande d’un Collège ou d’un Lycée de Bourgogne, c’est-à-dire apporter ma participation au projet d’un établissement qui souhaiterait réfléchir sur le " mal-être" à l’adolescence. Et c’est ainsi que je me suis retrouvé seul à continuer cette recherche-action. 1.1.3 Les apports tant de l’équipe-ressource que des équipes départementales Nous retiendrons des différentes rencontres dans les établissements scolaires, tant celles où nous étions présents, que par l’analyse des compte rendus écrits, qu’il y avait une concordance dans les propos émis par les participants . C’est ainsi que se dégageaient cinq points essentiels : - Le grand intérêt des échanges entre personnes issues de l’intérieur et de l’extérieur du lieu scolaire, à condition qu’il y ait une régularité des rencontres dans le même lieu, - La nécessité d’une « souci de l’autre» des personnes qui vont échanger, - Les exigences que comporte la place de l’accompagnant extérieur et l’importance de son engagement, - La lucidité quant à la brièveté de l’année scolaire qui demande à l’accompagnant d’être très vigilant, de façon à favoriser la reprise des travaux de l’équipe relais, dès le début de l’année suivante, - L’obligation pour cette équipe hétérogène de faire régulièrement le point et de pouvoir évaluer l’état de ces travaux . - Un autre élément semble avoir été pris en compte , celui de la communication des écrits (résumant l’état des travaux) à l’extérieur de l’équipe. La contrainte imposant la nécessité d’un texte dactylographié, nous apparaît sous tendue par l’idée que dans un 39

Compte­rendu d’une action de formation dans l ‘Académie de DIJON p.7, cité précédemment.

41


Collège il existe un « Collectif des encadrants » ( les adultes salariés) et également un « Collectif des encadrés » (les élèves)40. Ces deux collectifs ont un réel besoin de savoir qu’il ne s’agit pas d’un « huis–clos » ; c’est-à-dire que l’on soit au clair à l’égard des fantasmes que l’on décrirait en psychanalyse comme, les commentaires circulant autour de la porte de la chambre des parents. Notre expérience, liée à de nombreuses années passées en institution, nous ayant montré qu’un lieu clos, suscite souvent dans un établissement la survenue de tendances à l’interprétation. Cela implique donc pour l’équipe la rédaction d’un texte de quelques lignes, faisant le point des travaux de ce groupe constitué de professionnels de statut différent. Ce résumé d’une dizaine de lignes, doit être apposé sur tous les panneaux d’affichage de l’établissement et cela exige ainsi la rédaction régulière d’un nouveau compte-rendu tous les deux mois. Nous avons pu vérifier que cette sorte de publicité

avait tendance à freiner l’apparition de

rumeurs. Dans l’exposé des monographies, nous reprendrons plus loin les stratégies concernant la diffusion de cette information et nous essayerons d’expliquer pourquoi nous avons pu y associer des clichés photographiques. A ce moment de notre recherche ,nous nous sommes interrogés sur la place particulière qui était celle du Médecin Conseiller ayant escorté l’équipe académique ressource. Dans ce parcours sur quatre années, cette personne a pour nous joué le rôle de timonier, manoeuvrant avec aisance cette barque alors que l’équipage était composé de marins n’ayant pas fait les mêmes études, donc ne possédant pas la même lecture des cartes topographiques. Cela nous a également conduit à repenser aux propos des chefs d’établissement, organisateurs des réunions conviviales de l’équipe départementale ; ces derniers se plaignant régulièrement de difficultés à obtenir la présence de tous les acteurs (et pourtant les absents présentaient des excuses qui paraissaient valables).S’est alors imposé la notion de lieu neutre pour les réunions de l’équipe ( trop de convivialité semblant favoriser une atténuation des exigences liées au contrat de présence). A l’issue de ces remarques, nous avons essayé d’approfondir

la place et la fonction de

l’accompagnant, puisque transparaissait une relation étroite entre la disparition de l’équipe départementale et le changement de chef d’établissement. Le leader d’une TOSQUELLES (F.).­ Note sur la séméiologie de groupe.­ Bulletin technique du personnel soignant de l’hôpital psychiatrique de Saint­Alban,Fasc.B 1962 : p. 36­38 40

42


équipe départementale avant de quitter cette fonction aurait sans doute dû œuvrer dans les derniers six mois avec son remplaçant. Nous exposerons donc plus loin le contenu de nos analyses, dans la fin du chapitre concernant la recherche conceptuelle .

1.2 Diversité de constructions et d’évolution Les équipes départementales inspirées des mêmes principes, ont bien fonctionné durant les années 1985-1986 et1986-1987. Ce n’est qu’au bout de la troisième année qu’elles ont progressivement disparu, sans susciter par la suite l’envie de reprendre de telles actions. Il y a donc à analyser les difficultés des actions continues en collège, puisqu’il y a cette longue période d’inaction, liée aux vacances d’été. Mais il nous reste encore d’autres interrogations. Pourquoi les rencontres sont-elles apparues plus fréquentes dans les départements de Saône et Loire et de l’Yonne, que dans les autres départements ?... Or suite à des mutations liées à l’emploi, ces équipes qui fonctionnaient pourtant, dans une grande convivialité se sont également évanouies. Fort de ce constat, nous avons centré nos efforts sur quelques établissements scolaires en utilisant à nouveau la circulaire définissant les conditions de l’existence de “ l’équipe -relais” (circulaire N° 85-118 du 26 mars 1985). Mais , en dépit de ce cadre administratif la construction et l’évolution de ces équipes se sont avérées très différentes. Ces équipes-relais ont pris place chaque fois que des salariés, souhaitant réfléchir sur le mal-être à l’adolescence, désiraient s’inscrire

dans des actions favorisant la

communication entre jeunes et adultes .S’il y a eu de très petites équipes, il y en a également eu d’importantes comportant jusqu’à douze personnes. Dans l’étude de ces différentes formations, il est à noter que leur présence a partout entraîné une modification de l’ambiance du lieu scolaire. On remarque également, mais cela est plus habituel, que la diversité des actions entreprises est plus grande lorsqu’il y a plus de personnes présentes dans le groupe initial (mais cela ressemble fort à une lapallissade). avions pensé en faire la représentation sous forme d’un tableau, mais ce découpage s’est avéré teinté d’éléments péjoratifs et nous y avons renoncé. Néanmoins nous avions voulu le concrétiser au moment de la rédaction du plan organisationnel. Or, dans ce brouillon il est apparu immédiatement que cela ressemblait à un pseudo-classement des établissements, car trop de paramètres se retrouvaient en jeu. Par exemple , il nous était 43


impossible de préciser les facteurs permettant de comparer les actions entreprises, de même nous ne réussissions pas non plus à identifier la nature des éléments favorisant le passage du désir de l’équipe à la réalisation du projet accepté par l’établissement.Nous avons procédé autrement, il semblerait néanmoins que ce questionnement interroge les relations entre les participants , tant sur le plan de la réalité que sur le plan du ressenti. Nous reprendrons

donc l’approfondissement de ce point particulier dans notre

conclusion finale. Afin de schématiser , ce qui est observable, nous allons reprendre le listage des éléments particuliers repérés dans la constitution de ces équipes. 1.2.1 Variations importantes dans la constitution de ces équipes-relais Suivant le projet d’établissement, il a été observé des variations importantes dans la constitution de ces équipes , tant au niveau du nombre de personnes, que en ce qui concerne les professions représentées. Il est également un élément essentiel : celui du respect des personnes ayant participé aux entretiens. Ces professionnels nous ont demandé de leur garantir l’anonymat et la confidentialité. C’est la raison pour laquelle leur établissement

est désigné par trois majuscules et le numéro du département.

Recueillant leur accord, ce codage particulier de leur lieu d’appartenance, a certainement favorisé les associations libres sur la questionnaire proposé.

En dépit de ces restrictions la figuration de ces quatorze équipes se traduit de la manière suivante. -

trois équipes de 12 personnes ( Côte d’Or et Saône et Loire)

-

trois équipes de 7 personnes (Saône et Loire et Yonne)

-

Trois équipes de 5 personnes (Côte d’Or,Saône et Loire , Yonne.

-

une équipe de 4 personnes (Saône et Loire)

-

quatre équipes de 3 personnes.(Côte d’Or, Saône et Loire, Yonne)

Nous pouvons noter dans ce tableau la profession du salarié ayant été à l’initiative de ce projet d’équipe- relais. C’est ainsi que nous faisons le constat, d’un petit noyau de personnes oeuvrant dans des services différents, mais appelées à se rencontrer régulièrement. 44


TABLEAU CONCERNANT LA DIMENSION DE L’EQUIPE-RELAIS Initiale

Département

Acteurs

Enseignants

A.T.O.S.

A l’initiative de

L.C.D.

21

12

6

6

Proviseur-adjoint

C.V.B

71

12

7

5

Infirmière

L.C.L.

71

12

7

5

C.P.E.

s

+ Médecin scolaire L.D.J.

89

7

7

0

C.P.E.

C.M.S.

89

7

4

3

Principal

L.B.C

71

7

4

3

Infirmière

L.D.A.

21

5

3

2

Proviseur

C.C.C

71

5

3

2

Infirmière

L.T.M.

89

5

4

1

Infirmière

45


C.C.D.

21

3

3

0

Assistante sociale

C.B.P.

21

3

2

1

C.P.E.

C.D.C.

71

3

3

0

Infirmière

C.D.D

71

4

3

1

Médecin scolaire

C.D.P.

89

3

3

0

Principal

1.2.1.1Variations suivant les personnes ( le nombre, la qualité, le pivot, l’autorité) -Variations dans le nombre des personnes regroupées : Comme nous l’indique le tableau, nous pouvons constater que plus l’équipe est importante, plus on y retrouve d’enseignants.Nous notons également que comme le mentionnait la notion « équipe éducative »41les personnels non enseignants apparaissent bien concernés par la constitution de l’équipe-relais. -Variations dans le démarrage suivant la personne qui a été à l’initiative de la création Le plus souvent les personnes incitatrices, ont été l’infirmière ou le CPE . Mais pour que leur parole soit entendue il fallait qu’elles aient l’habitude de se retrouver régulièrement avec les responsables de l’établissement . Il semble donc

qu’une mini-équipe de

Direction, ou encore l’habitude de se rencontrer dans des lieux de direction ont conduit une personne, à jouer le rôle de courroie de transmission favorisant le recrutement de volontaires qu’ils soient enseignants ou d’ATOS. -Variations suivant la personne qui fonctionnait comme pivot central La personne fonctionnant comme pivot central , même si elle déléguait à quelqu’un d’autre la capacité à organiser

la date et le lieu des réunions et la régularité des

rencontres, a toujours été l’adjoint du chef d’établissement. -Présence ou non d’un membre de l’équipe de Direction La difficulté la plus souvent rencontrée se trouve liée au désir de délégation du chef d’établissement. Quand ce dernier

souhaitait

être le timonier de cette action, la

surcharge de travail inhérent à la fonction, faisait que ne pouvant être présent aux réunions de l’équipe, il introduisait par son absence deux paramètres difficiles à gérer. D’une part l’apparition d’un climat d’insatisfaction pouvant se résumer dans la phrase, « il a promis d’être avec nous, son absence prouve que notre travail présente peu RECTORAT DE DIJON, À l’écoute de l’adolescent : équipe académique psychologie de l’adolescent, Dijon, C.R.D.P. 1989, p.8, opus déjà cité 41

46


d’intérêt » . D’autre part, du côté de ce personnage non présent dans le groupe, pouvait se retrouver l’idée suivante : « en mon absence sont-ils capables de mener des actions correctes ? ». Ceci entraînant ipso facto un climat de suspicion par rapport aux propos tenus et un doute quant à la bonne qualité des propositions de cette équipe. Par contre lorsque le chef d’établissement faisait confiance à son adjoint, la présence de ce dernier dans l’équipe relais, favorisait la bonne marche de celle-ci et supprimait les tendances à l’interprétation. 1.2.2 Variations dans les actions qui ont été menées : 1.- En direction des élèves : Séances de théâtre inter-actif. Animation d’un atelier par un Juge des Mineurs ou par un fonctionnaire des services de police. Débat sur les « conduites à risques », ou sur les contraintes ressenties par l’ado Création d’une cellule-écoute 2.- En direction des parents : Conférence-débats, Séances de théâtre inter-actif, Conférence-débats tout public, Participation à une séance de théâtre où les élèves étaient acteurs dans des scénettes traitant du mal-être Participation à des séances où nous avions fait venir des acteurs de métier qui improvisent sur scène les scénari fournis par le public 3.- En direction des membres de l’équipe-relais Thèmes de formation :l’adolescence ordinaire, les toxicomanies, les conduites à risques, Débats sur des vidéo-cassettes, Citons « la Loi du Collège », « Le Mal à dos »… Réflexions techniques sur l’élaboration d’un projet (ex :création d’une cellule écoute) 1.2.3 La spécificité de la conduite de ces groupes Les actions entreprises par l’équipe-relais peuvent être induites par les options de ce salarié qui en est en quelque sorte l’initiateur. En analysant ce qui s’est passé nous 47


retrouvons des tendances qui n’apparaissaient pas évidentes au départ : -Il a pu s’agir d’une plus grande importance donnée au médical : le groupe acceptant que l’infirmière en soit le porte-parole, le groupe déploie le plus souvent des actions dans le domaine de la prévention des toxicomanies et de la violence. L’équipe-relais peut être attirée par la gestion de l’infirmerie, ou par l’envie d’évaluer les prétendues insuffisances du médecin scolaire. - Un renforcement des actions du côté de l’enseignement :l’équipe relais animé par un pédagogue s’attache à une meilleure qualité des résultats scolaires, pouvant être conduite à fourrer son nez dans la pédagogie, et ainsi avoir tendance, soit à vouloir modifier les horaires, soit à vouloir faire une évaluation des collègues en désignant les bons et les mauvais. - Nous avons pu observer une orientation du côté psychologique : le groupe se basant sur la diminution des symptômes exprimant le mal-être chez l’adolescent, risque de fonctionner soit comme un lieu de psychothérapie sauvage, soit de travailler sur l’accord entre les adultes en oubliant complètement la mission de départ. - Nous avons pu observer un renforcement des besoins de justification : l’équipe relais entraînée par un Conseiller Principal d’Education, courrant le risque de polariser son action, soit sur la recherche de conduites destinées à s’opposer à la faiblesse éducative des parents, soit sur le constat d’un manque d’autorité des jeunes enseignants. Il s’agit bien là de différencier le fonctionnement collectif de l’équipe relais, de l’impulsion donnée par le professionnel qui a canalisé les envies. Cette nécessaire prise de recul à l’égard du groupe, apporte un exigence de plus

dans le choix d’un

accompagnant suffisamment formé. 1.2.4 Les décalages entre les options de l’équipe relais et celles de la Direction Il semble que dans une conception bureaucratique de la Direction, l’implantation d’une équipe relais puisse introduire une déstabilisation de ce collège. Fort heureusement ces craintes ne sont pas justifiées, si l’on tient en compte des exigences du principe de complémentarité. Or, sur le terrain nous sommes aperçus que bien souvent le chef d’établissement pèche par trop de générosité ou trop de méfiance. Trop d’altruisme , le Principal estime que l’équipe relais étant constitué de gens raisonnables, les propositions émises par ce groupe, resteront dans les limites de leur 48


tâche, or la réalité révèle que ce n’est pas toujours exact. Trop de méfiance , le Proviseur , utilise cette équipe , comme lieu de consultation et ne lui donne aucune marche de manœuvre pour émettre des proposition. Les volontaires se sentant peu reconnus, désinvestissent, et l’équipe-relais disparaît

par défaut de

carburant. Le combustible nécessaire se concrétise en effet par l’inscription des professionnels dans un pré-projet. Pour clarifier ce champ, nous rappellerons les consignes formulées au départ, lors de la création des équipes-relais. Bien souvent, les dysfonctionnements observés, semblaient en relation avec une insuffisance de précisions fournies au temps d’accueil, (ces propos étant destinés à limiter les risques de dérives potentielles). Qu’avions-nous prévu comme propos à formuler de façon très nette au moment de la constitution de l’équipe relais ? Nous rappellerons ici le petit texte introductif , exprimé oralement lors de la première rencontre de l’équipe relais. Les finalités : -

apporter une aide aux adolescents,

-

conforter les enseignants dans leur place,

-

essayer de faire diminuer la violence en milieu scolaire.

Les objectifs : Créer une équipe reconnue par la communauté éducative (équipe constituée de volontaires bénévoles) ; en tant que personnes ayant des capacités à réfléchir et à discuter avec les jeunes. C’est tout le problème du savoir et du savoir­faire Les limites : Trois points attestent des limites d’une équipe et nous apporterons les éclairages fournis par les propos entendus dans d’autres lieux = Le premier point : Nous devons­nous méfier du sentiment de toute­puissance. Les excès de ce sentiment peuvent apparaître sous les formes suivantes : »vouloir tout savoir sur l’élève en difficulté », « vouloir tout faire à la place de la direction », « porter un regard péjoratif sur les parents » (en les comparant à des instances idéales) Considérer que nos tutelles sont surmoïques ( c’est­ à dire comparables à des parents, ayant tendance à freiner nos actions). Le second point : Nous devons faire attention aux risques liés à un fonctionnement dépressif. Ce trouble de l’humeur peut se retrouver dans les expression qui traduisent la déception des participants : « cela ne va pas assez vite, c’est trop difficile nous n’y arriverons pas, nous ne

49


sommes pas compris, nous ne sommes pas suffisamment formés ». Le troisième point : Nous devons lutter contre le besoin de reconnaissance de nos actes oblatifs. Il nous serait certainement agréable de tout réussir. Alors que dans les faits, si l’on obtient 20% de bons résultats, il faut penser que la suite pourra être positive. Les méthodes -

Réflexions sur l ‘adolescence,

-

Sensibilisation aux éléments qui permettent le décodage de la violence , en pointant les éléments de son apparition.

-

Apports sur les lois qui animent les Groupes.

-

Analyse des indicateurs : ex : la zone­péri­scolaire, ex : les valeurs, ex : la circulation de la parole entre adultes d’un même lieu.

Les moyens : -

Une équipe­relais a besoin d’intervenants extérieurs.

-

Elle doit établir des liens avec des personnes­ressources ( ex : les services de pédo­ psychiatrie, le Brigade des Mineurs, Les Services de Milieu ouvert…)

-

Elle doit favoriser la création de liens avec les réseaux existants.

-

Il est bonne pratique, qu’elle reçoive une formation interne par l’étude de situations vécues dans d’autres collèges (en sachant que l’on ignorera le nom de l’établissement et son lieu d’implantation).

-

Il sera essentiel qu’elle puisse porter un autre regard sur les familles

Les questions qui seront constamment présentes -

Quelles modalités dans l’articulation entre l’équipe­relais et le collectif des encadrants ?

-

Quelles communications entre les écoutants de l’adolescent et l’équipe­relais ? ­ Comment peut­on apprendre à démêler , ce qui appartient à l’ écoute, au décodage, et à la décision ; (décision qui doit rester le privilège du chef d’établissement).

Ce rappel d’un court texte fonctionnant comme un rite d’accueil 4 dans la

première séance de l’équipe-relais, illustre bien notre accord avec les axes de la recherche-action, menée au collège Jean-Jaurès de Monfermeil . «La mémoire du collège, symbolisée par une équipe d’enseignants très stable, est une base solide sur 4

42 BRICHLER (C.) « Rites de passage et souffrances psychiques »Actes du Colloque de l’Association des Psychologues de Franche­Comté, Besançon,1997 p.29­42

50


laquelle s’est construite l’axe majeur des actions quotidiennes : développer un tissu relationnel pluridisciplinaire autour de l’élève afin de mieux l’intégrer à la structure, développer l’école comme lieu de vie »43 Nous développerons plus loin les apports qui nous été fournis par les travaux des chercheurs qui ont participé à cette action.

B.- Les éléments de la recherche 1.3 LES LIEUX DE LA RECHERCHE 1.3.1. La recherche de terrain 1.- Les variations observées lors de la création de ces équipes relais Pour réaliser une recherche sur ces équipes relais il est apparu assez vite qu’il fallait focaliser notre recherche-action sur le site et son environnement immédiat.Nous nous nous sommes efforcés de repérer une condition particulière pour pouvoir répondre à une demande

et cette condition était qu’il fallait qu’elle s'inscrive

d’établissement. Cela nous a amené

dans un projet

à construire une équipe-relais dans des

établissements demandeurs. Nous en avons conservé quatorze pour notre recherche n’ayant pu dans les autres collèges avoir la possibilité de réaliser des entretiens avec les personnels. Cette absence de recueil d’interviews tient, sans doute, à un manque de disponibilité, soit des salariés, soit de nous-même. Cette recherche-action s'est pourtant étalée dans le temps et aura duré ainsi plus de six années. * Les lieux = Compte tenu de notre passé dans la première équipe « l’équipe ressource académique », nous avons donc continué à accepter les demandes telles qu’elles se présentaient Et cela a pu nous amener à en favoriser la création, dans des établissements situés en Moselle, en Haute-Saône ou même dans le Loiret. Nous ne garderons pour notre étude

que les établissements

inscrits dans le territoire

géographique de la Bourgogne. C’est ainsi que nous retrouvons : ° Côte d’Or = 4 établissements , RIBEAUCOURT (L),METRO (M) « De la convivialité à l’efficacité contre l’exclusion : une expérience d’établissement »,Les jeunes en rupture scolaire : du processus de confrontation à celui de remédiation, Paris 1996 Lharmattan, P.145­156 43

51


° Saône et Loire = 6 établissements ° Yonne = 4 établissements. Le fait de n’avoir, aucun établissement du département de la Nièvre peut être en relation avec plusieurs facteurs = - La situation géographique : le Morvan est une barrière naturelle. La circulation routière est vraiment plus difficile durant la période hivernale. Malgré une amélioration certaine, la liaison Dijon Nevers est toujours assurée par un T.E.R.. Il faut près de trois heures pour arriver au terminus alors qu’il y a moins de deux cents kilomètres. Il en résulte, lors des formations installées sur Dijon, que les pédagogues nivernais se plaignent d’avoir davantage de frais d’hébergement que les autres collègues bourguignons. - Le pôle d’attraction du département : ce n’est pas Dijon, mais Paris . La circulation est facile dans le sens Paris province que se soit par la route ou par le train. Citons par exemple le fait que beaucoup de techniciens, travaillant à mi-temps au C.M.P.P. de Nevers, ne logent pas dans la Nièvre car ils demeurent dans la capitale et empruntent le train régulièrement dans leurs déplacements. - Les demandes formulées par des Collèges de ce département n’ont pas abouti. Elles avaient été recueillies par le Médecin scolaire en place dont le planning recouvrait trois établissements. Ce confrère avait bien enregistré les demandes des professionnels, mais son peu de disponibilités (dispersion sur trois sites) n’a pas été un élément favorable. Ses initiatives ont été perçues par les différents personnels et considérées, comme éloignées du terrain, donc peu susceptibles d’entraîner les individus à sortir de leurs habitudes. Son successeur n’a pas eu envie de poursuivre les projets de son aîné, ses intérêts principaux se focalisant sur la prévention de la toxicomanie. * Constitution de ces équipes = En ce qui concerne les paramètres suivants : date de création, mise en oeuvre, composition, les travaux réalisés, les relations avec le reste de l’établissement,… Tout cela nous le développerons dans les quatre monographies qui seront détaillées un peu plus loin. 2.- Les facteurs favorables au démarrage de ces équipes - La présence de l’adjoint du chef d’établissement 52


- L’ engagement de trois ou quatre personnes qui vont impulser l’idée que l’équipe-relais a été créée pour réaliser des actions en direction des élèves. - L’envie que cette équipe soit polycatégorielle et multidisciplinaire (regroupant des pédagogues et des personnes dont le métier n’est pas d’enseigner). - Le souci et le respect de l’autre permettant que les personnels les moins qualifiés , se sentent autorisés à donner leurs indications, en sachant qu’ils seront écoutés. - La gestion efficace des éventuels conflits de pouvoir. - L’ accompagnant reconnu pour son savoir mais n’ayant pas à le diffuser . Il n’est ni en place de formateur , ni dans celle d’analyste du groupe. - Enfin le désir d’un feed back entre l’équipe et le reste de l’établissement, ce qui favorise des écrits et la possibilité d’être interpellés par des personnes qui n’en font pas partie. Nous retrouverons ces éléments dans les équipes qui ont une longue durée d’existence. 3.- Les facteurs favorisant les dysfonctionnement de l’équipe-relais. - Incapacité du groupe à choisir un mode de fonctionnement structuré ; - Difficultés de fréquentation avec nombreuses absences. - Hésitations et doutes sur l’utilité du maintien de la date et de l’heure fixée pour la réunion. - Manifestations non contrôlées de toute-puissance infantile entraînant des conflits de pouvoir, incapacités à choisir un thème commun , bavardages incessants, digressions, non-respect du travail des participants, fusion ou clivage. - Attitude trop compréhensive ou démissionnaire de l’accompagnant. Ce dernier méconnaissant les lois du travail en groupe : l’importance du respect de l’enveloppe groupale et le maintien de l’étanchéité. - Réactions d’opposition ou d’inertie à toute tentative d’élaboration

d’un nouveau

projet. - Non engagement de l’adjoint du chef d’établissement dans le fonctionnement de l’équipe. - Absence d’écrits, relatant l’état des travaux. Le groupe ne voit pas l’intérêt d’une communication avec l’extérieur, puisque l’autosatisfaction y est constamment présente. Nous retrouverons ces facteurs défavorables en analysant les difficultés d’installation de certaines équipes. 53


4.- Résumé de l’évolution de 14 équipes relais Le suivi lié à la création de ces quatorze équipes nous a permis d’alimenter différentes réflexions. Ce rassemblement d’individus, ayant des rôles et des fonctions différents, s’est construit à partir d’un questionnement sur les difficultés de l’adolescent ordinaire. Or le texte fondateur de ce groupe désigné sous le terme d’équipe -relais, apportait peu de renseignements sur ce qui était de sa composition. Nous avons voulu que cette équipe relais soit constituée par des personnels de statut différent, tous volontaires, et qu’ils se retrouvent en groupe restreint . Ce qui nous paraît intéressant à signaler tient au fait que ces groupes n’aient pas fonctionné de façon identique. En essayant de schématiser leur évolution, voici ce qui est apparu : Il y a des lieux où le groupe fonctionne toujours = L’analyse de ce qui s’est passé ne nous a pas été facile, car la composition du groupe est aujourd’hui différente de ce qu’elle était au départ. On repère, en effet, que suivant les statuts, une certaine mobilité chez certains, (problème de mutation des enseignants ) et une grande fixité chez d’autres (les A.T.O.S). Leur projet actuel est le plus souvent centré sur le développement du partenariat, c’est-à-dire une recherche centrée sur les adultes. Pour moi, nous ne semblons plus être dans le cadre de la circulaire initiale 85118 du 26 mars198544 Par contre cinq données semblent toujours essentielles et c’est sans doute pour cela qu’elles constituent le socle de ces équipes : - La relative brièveté du travail durant une année scolaire (les réunions ne sont possibles qu’entre le début du mois d’octobre et la fin du mois de mai). Il y a tout une procédure d’accueil ritualisée à mettre en œuvre dans cette première réunion d’octobre. - Trois obligations fondamentales sont constamment présentes. La première : celle de trouver une fréquence de rencontre qui ne désorganise pas la vie du Collège. (Nous étions partis sur le rythme d’une réunion par mois). Il en est deux autres : trouver un lieu neutre dans l’école qui serve en quelque sorte de siège social, et fournir un compterendu régulier des travaux de l’équipe-relais. - La nécessité d’une participation d’un membre de la direction (qu’il soit là de façon Circulaire 85­118 du 26 mars 1985 cité précédemment pp.26

44

54


régulière ou de façon moins constante en prévenant de ses absences et en exigeant un compte-rendu de la réunion). - La structure du groupe paraît importante. Un travail constructif aboutissant à une production ne peut se faire qu’en groupe « fermé » (c’est-à-dire n’admettant pas de nouveaux membres durant l’année scolaire), mais avec une ouverture en septembre (accessibilité signalée plusieurs fois par affichage dès le retour des vacances de Pâques). - La capacité à accepter que les dates fixées pour les rencontres soient mensuelles, en excluant les jours charnières que sont les lundis et les vendredis.Certaines équipes souhaitant que les rencontres prennent place en fin d’après-midi , il y ait une rotation régulière mardi-mercredi-jeudi pour préserver la vie de famille. A l’issue du survol de ces équipes, il paraît très satisfaisant de constater qu’une partie de l’héritage a bien été transmis, puisque « l’enveloppe groupale »45 que circonscrivaient ces principes a été maintenue. Par contre, il semble indispensable d’accepter qu’un groupe, différent dans sa composition, puisse s’orienter vers d’autres thèmes. C’est toute l’alchimie des groupes qui nous est révélée une fois de plus.46 René KAËS ajoute par ailleurs : « Si le groupe est une topique individuelle projetée, selon la formule de Didier ANZIEU, il nous faut savoir quelque chose du destin de ces contenus inconscients lorsqu’ils sont mobilisés, travaillés, transformés par l ‘appareil psychique du groupe ; il s’agit de connaître, ce qui, des mises individuelles des formations de l’inconscient, demeure inconscient aux sujets en situation de groupe »47 Il y a des lieux où le groupe n’existe plus = Nous avons été très gentiment accueilli dans ces établissements, dans lesquels reste le souvenir de cette équipe. La mémoire des travaux est fidèle, bien que les effets soient bien souvent idéalisés. Le travail de deuil quant à la disparition de ce groupe, n’ayant pas été réalisé, on relève une très grande ambivalence quant à la construction d’une nouvelle équipe-relais. Il est beaucoup parlé d’un éventuel projet, mais rien n’est mis en 45

ANZIEU (D.) Le Moi­peau Paris : Dunod 1985 KAËS (R.),La parole et le lien. Processus associatifs dans les groupes, 1994, Paris, Dunod 47 KAËS (R.) Le groupe et le sujet de groupe, Paris : Dunod, 1993 : p.257 46

55


chantier. Une question peut alors se poser = Pourquoi l’équipe-relais du départ n’a-t-elle pas envisagée lors de sa dernière séance, la possibilité d’une poursuite de l’action ? Il est vrai que nous étions à chaque fois au mois de mai, mois en général, très surchargé pour l’établissement. Autre interrogation = Quelle a été la place de l’accompagnant (même si c’est la même personne qui a été présente, pendant quatre années) et pourquoi n’a-t-il pas pu prévoir une dernière séance pour assurer la clôture du groupe? (Pourquoi n’a-t-il pas voulu pousser le chef d’établissement à programmer une rencontre au mois d’octobre, en sachant que les actes manqués peuvent traduire, parmi autre chose, un investissement insuffisant. « Freud situe l’acte manqué comme une formation entre le conscient et le refoulé. Il ajoute que le sujet a souvent tendance à attribuer les actes manqués au hasard »48 ». Dans notre recherche conceptuelle, nous rappellerons ces éléments qui appartiennent à la psychologie des groupes sur la notion « d’inconscient groupal. » Des structures et des processus déterminés du psychisme sont transformées dans et par l’appareil psychique du groupe ».549 Il y a des lieux où le groupe n’a pas pu se constituer = En reprenant nos notes puisque nous avons des traces écrites de quatre à six séances préliminaires nous relevons plusieurs raisons pour tenter d’expliquer ce manque de concrétisation = - Incapacité du groupe à choisir un fonctionnement, (hésitations renouvelées sur le choix suivant : groupe ouvert ou groupe fermé) - Impossibilité pour les individus à être présents régulièrement aux réunions (les règles n’ont pu être posées dès le départ).La variation de la taille du groupe, favorisant de longues discussions sur les objectifs et l’intérêt d’une telle structure ; - Incapacité des participants à maintenir la réunion au jour et à l’heure qu’ils avaient pourtant fixée ensemble (des changements de date étant annoncés trop tardivement). 48

ANDRES (M.).­L’acte manqué.­ L’apport freudien – Eléments pour une encyclopédie de la psychanalyse, Paris : Bordas, 1993/2003, p. 4 5

KAES (R.) .­ Le groupe et le sujet du groupe.­ Paris : Dunod, 1993 : p.209

49

56


- Manifestations non contrôlées de toute-puissance infantile, émanant de l’équiperelais (celle-ci par exemple voulant traiter des horaires de rentrée des internes le dimanche soir ; or il s’agit d’un problème spécifique dépendant de la direction). Par cette manifestation excessive, ce groupe de volontaires, ôte toute crédibilité aux propositions présentées ultérieurement. - Réactions d'inertie ou d'opposition à toute tentative d'élaboration d’un nouveau projet. Les personnels n’ont pu trouver un lieu d’expression de leurs déceptions, alors qu’ils auraient aimé parler d’un ancien essai de regroupement ; la blessure n’étant toujours pas refermée. Dans de semblables situations, il me semble que l’accompagnant, que nous étions, s’est retrouvé dans l’incapacité de pouvoir provoquer une réunion extraordinaire. Cet espace, aurait sûrement dû être utilisé, pour réfléchir sur les contre– attitudes et sur les stratégies d’évitement. Nous voudrions maintenant illustrer l’intérêt pour le groupe de la présence physique du chef d’établissement ou de son adjoint. Nous avons en effet vécu dans deux établissements, les incidences redoutables provoquées par l’absence de ces responsables, (ces professionnels se contentant du texte rédigé par le secrétaire de séance, ne sont jamais apparu dans les rencontres). Or, dans chacun de ces deux lycées la Direction n’avait pas témoigné un désintérêt pour l’action à entreprendre. Mais bien au contraire, cette autorité avait imposé le jour et l’heure des rencontres préliminaires à la constitution de l’équipe-relais. Il avait été souligné de façon très ferme, que le mardi de 16h à 18h, était le seul moment où l’un ou l’autre (le chef d’établissement ou son adjoint) se retrouvaient très souvent disponibles. Il semble que, de façon presque semblable dans chaque structure, l’équipe de direction, tout en déclarant ne pas être opposée au projet, n’a pas donné son aval pour la constitution de l’équipe-relais. Dans chacun de ces deux lieux scolaires, à 18h, heure de clôture de la dernière séance préliminaire, pressentant sans doute une rupture, nous avions souhaité pouvoir être reçu, par le principal ou son adjoint, à la date et à l’heure qui leur conviendraient le mieux. Le secrétariat nous a fait un courrier, dans un délai très rapide, nous annonçant que nous serions tenu au courant. Nous avons attendu vainement la lettre annoncée… Pour l’un de ces deux établissements, nous avons pu connaître la suite. Dans ce dernier, l’infirmière et le C.P.E. ont demandé leur mutation pour la rentrée suivante. Il est vrai 57


qu’ils avaient été nos élèves, pour l’une au C.A.F.A. et pour l’autre à l’I.U.F.M. On peut supposer qu’ils s’étaient imprégnés de nos idées. Pour nous, avec le recul, leur envie de promouvoir des projets innovants en direction des élèves, ressemblait davantage à un cheminement personnel. C’est ainsi que nous avons appris les résultats de leur maturation. Ils ont réussi, dans un autre département, moins bien équipé en personnel qualifié, à constituer une équipe-relais qui existe toujours et qui fonctionne bien. La complémentarité se fonde donc parfois sur un curieux amalgame, et nous essaierons plus loin d’apporter quelques éclaircissements. Nous avons donc retiré ces deux établissements de notre liste, puisque nous avons limité à quatorze, le nombre de ceux que nous pourrions décrire. Dans l’un il y avait eu deux séances préliminaires assez espacées (une tous les deux mois), et dans l’autre quatre séances ( sur une durée de 4 mois, mais à chaque fois les dates furent changées et reportées), ce qui traduit pour nous des difficultés essentielles dans les processus organisationnels. Que pouvons-nous déduire de tout cela ? Cette vue panoramique sur quatorze équipes laisse apparaître les obstacles qui peuvent freiner la constitution d’une équipe-relais fondée sur la complémentarité institutionnelle stabilisée. Elle pointe également les éléments qui raccourcissent sa durée de vie. Nous venons d’envisager précédemment les facteurs favorables à sa constitution , ainsi que les éléments qui entraînent son dysfonctionnement. Pour essayer de confirmer ou d’infirmer nos critiques générales, nous nous appuierons sur quatre monographies : deux équipes anciennes et deux équipes récentes. Toutes les quatre illustrent parfaitement l’importance des liens entre l’équipe-relais et l’équipe de direction. Elles fournissent également des éléments intéressants sur les envies des personnels, de participer à des actions innovantes, pour aider les adolescent à devenir des adultes équilibrés.

1.3.2 Monographies portant sur quatre équipes Pour illustrer le fonctionnement d’une équipe-relais , nous allons tracer quatre monographies : deux anciennes et deux récentes.Nous noterons que chaque histoire est particulière , mais que pourtant on peut repérer un ensemble de traits communs. 1.- Deux anciennes a).-L’une créée

dans la proximité de Dijon (Recherche-action septembre1995-

septembre 2000) Dans le tableau le sigle est L.C.D.

58


Dans un grand lycée de Côte d’Or, Madame S. proviseur adjoint et Madame A. infirmière ont eu envie de créer un groupe qui assurerait une certaine prévention, chez des adolescents qui n’étaient pas encore en difficultés. Madame S. est donc venue me voir au C.M.P.P. et m’a fait part de son intention de favoriser des actions en direction des élèves de son lycée. Ne voulant pas médicaliser cette structure d’enseignement, nous avons convenu que ce travail se ferait à l’intérieur de l’établissement. Une équipe de volontaires s’est rapidement constituée sous l’action conjuguée de Madame L, et de Madame R, toutes les deux C.P.E. fortement intéressées par la concrétisation de ce projet. Sa composition était la suivante : l’adjoint du chef d’établissement,deux professeurs d’éducation physique et sportive, deux professeurs de Lettres, deux professeurs de Mathématiques, deux C.P.E., une assistante sociale, une infirmière, et un médecin scolaire. Le rythme des rencontres était fixé à une séquence mensuelle, se basant sur une certaine permanence du lieu qui devait se situer dans la partie centrale du lycée, de façon à être bien visible. De notre place d’accompagnant, nous avons fait extrêmement attention à l’accueil du groupe50, c’est-à-dire que nous nous sommes beaucoup exprimé dans la première séance ,le 18 octobre 1995. Cette séance inaugurale a permis de définir le contenant et le contenu d’un processus qui allait durer plusieurs années. Pour ce qui est du contenant , nous envisageons d’emblée l’idée d’un groupe fermé, avec l’obligation pour chaque participant de fournir une photographie d’identité. Cette photo permettant à notre infirmière, volontaire pour cette action, de réaliser un « trombinoscope », apposé sur les différents panneaux d’affichage. Cette idée m’avait été suggérée par Monsieur C. Proviseur, qui était également formateur à la D.A.F.I. (Direction Académique de la Formation et de l’Innovation) animant régulièrement sur la Bourgogne, un module intitulé : « La gestion des Groupes ». Les élèves peuvent donc regarder les photographies aussi bien dans les locaux de la vie scolaire, qu’à l’infirmerie, dans le bureau de l’assistante sociale, ou encore dans le hall 50

BRICHLER (C.) « Les paramètres qui définissent la place des uns, la place des autres », Adolescence et disparition des rites de passage. Actes du Colloque de l’Association des Psychologues de Franche­ Comté, cité déjà précédemment p.40

59


s’ouvrant sur le restaurant. Ce point nous paraît à tous, d’autant plus important, que nous connaissons l’obligation d’écrire régulièrement le résumé de nos travaux, tout en sachant que les rencontres mensuelles de l’équipe se feront à des heures inhabituelles (en soirée de 20h à 22). Il n’y a donc que les élèves vivant à l’internat, à pouvoir connaître notre existence. Nous programmons ces rencontres sur un trimestre, en assurant une rotation sur trois jours mardi,mercredi,vendredi de façon à ne pas trop gêner la vie de famille des uns et des autres. Un tour de table assurant la présentation de chacun et le recueil des attentes, a permis de déceler que l’équipe-relais souhaitait une formation, précédant la mise en œuvre d’actions en direction des élèves. Nous notions donc

d’emblée, la nécessité de

diversifier les actions , pour éviter que l’équipe ne se fasse piéger dans « l’illusion groupale »51En effet, dans notre passé marseillais, nous avions rencontré des équipes de soignants qui s’intéressaient bien plus à un renforcement de leurs connaissances sur la psychose, Ces acquis se faisant au détriment de la réflexion sur les moyens permettant d’atténuer la souffrance psychique de leurs malades ; les réunions se transformant en un lieu d’auto-satisfaction. C’est ainsi que les participants ont demandé à réfléchir sur l’adolescence ordinaire et les conduites à risques. Dans ce climat de formation, fut alors essayé l’utilisation d’une méthodologie s’appuyant sur l’analyse de situations vécues, concernant des adolescent que nous avions aidés dans d’autres départements. Cela semblait garantir l’étanchéité du groupe, tout en assurant le cadrage d’un lieu sécurisant permettant le travail sur les projections des uns et des autres. Ces apports théoriques ont rapidement montré les limites de ce que nous pouvions leur fournir comme éléments d’enrichissement, puisque nous nous étions situé volontairement dans une place d’accompagnant . La demande s’est alors orientée vers la rencontre de professionnels, oeuvrant dans le domaine de prévention de la délinquance. Nous avons ainsi rencontré un juge, un éducateur–chef, un directeur, un psychologue et un médecin appartenant à la Société d’Entraide et d’Action Psychologique (S.E.D.A.P). Le perfectionnement dans le domaine de la toxicomanie apparaissant

long

et

fort

complexe,

nous

avons

alors

travaillé

sur

le

ANZIEU (D.), La dynamique des groupes restreints,10 ème édition corrigée Paris :1968, Presses Universitaires de France, p.38 51

60


thème : « Moderniser sans exclure »52 en participant à des études théoriques de situation, pour être plus à l’aise à l’égard des comportements des élèves du lycée. Mais à force d’accumuler des connaissances, l’équipe a voulu autre chose et a souhaité entreprendre des actions en direction des adolescents. C’est alors que nous avons vu lors de réflexions «sur la place du père», les fragilité de cette équipe qui avait fonctionné dans l’emballement (comme un soufflet qui gonfle puis retombe trop vite). S’installe l’apparition d’une envie précise : celle consistant à construire le projet d’une celluleécoute » en direction des élèves du Lycée. Certains d’entres nous ont rencontré alors à l’extérieur des adultes qui avaient été tentés par cette expérience et l’avaient conduite un certain temps. Or, en écoutant ce récit d’une action menée en région lyonnaise,une partie de l’équipe plus frileuse, nous incita prudemment à reprendre les thèmes déjà exprimées dans les premiers temps de son installation : le malaise à l’adolescence, l’anorexie, l’ingestion de produits toxiques. Pour permettre à chacun d’évoluer à sa propre vitesse sentant que ce pré-projet était prématuré, nous nous sommes engagés dans un approfondissement de nos connaissances sur les processus groupaux et sur les dangers que représentent les sectes pour l’adolescent. Peu de temps après, apparaît un thème risquant de provoquer l’éclatement de l’équipe, lorsqu’au cours d’une réunion est évoquée par un participants, l’existence de conduites auto-mutilatoires. Eclate immédiatement un désaccord entre un mini groupe composé d’adultes considérant que ce n’était pas grave (attestant que le piercing exagéré ne constituait qu’un rite de passage), et le reste de l’équipe, affirmant sa forte opposition à cette idée. Aussi, pour calmer le jeu, nous avons dû entraîner l’équipe sur le fait que le piercing ne fournissait pas de liens de transmission, ni de liens d’appropriation en leur fournissant notre écrit sur les rites de passage53. A la séance suivante, fonctionnant comme une séance de débats autour d’un texte, la rivalité entre les deux sous-groupes s’était bien atténuée. Mais restaient dans notre esprit, les propos des fondateurs d’une cellule-écoute, en région lyonnaise, nous recommandant d’agir avec la plus grande prudence. Tout cela nous a conduit à préparer minutieusement ce projet que nous pouvons isoler ici, sous le terme « histoire d’une cellule-écoute ». WACH (M.) « Les valeurs des français selon l’approche de Schwartz, exploitation des données du

52

volet français du baromètre Environnement.­Paris : EDF­DER,INETOP­CNAM, 1998 53 BRICHLER (C.) Adolescence, rites de passage, violence institutionnelle, déjà cité précédemment

61


Histoire d’une cellule écoute Tout cela commença par un temps de préparation destiné à recueillir les besoins dans ce domaine. La rédaction d’un questionnaire en direction des délégués des élèves suscita beaucoup d‘enthousiasme, aboutissant au texte suivant : QUESTIONNAIRE Vous avez rencontré un jour, dans votre scolarité, une fille ou un garçon qui semblait « aller mal » : difficultés relationnelles, conflits familiaux, échec scolaire, mal vivre.. pouvant mener à une fugue, à une conduite dépendante (tabac, alcool, drogue), à de la violence. -Pensez-vous vous sentir un jour « dépassé(e) » par les confidences d’un(e) camarade ? -Seriez-vous soulagé(e) de partager avec quelqu’un ? -Comment concevez-vous la création au lycée de quelque chose de particulier qui permettrait de donner un coup de main ? -Seriez-vous intéressé(e) par un débat entre lycéens sur le thème : « Les difficultés des jeunes dans leur parcours vers l’autonomie » ? Pour nous, appartenant à l’équipe-relais ces interrogations s’inscrivent dans nos préoccupations. De quoi avons-nous envie, que pouvons-nous construire ensemble ? Les différents membres de l’équipe se sont impliqués dans l’établissement, pour distribuer ce questionnaire qui avait reçu l’aval de la direction. C’est ainsi que 874 questionnaires ayant été distribués 702 ont été récoltés , soit une participation de 80%. Comme nous nous étions engagés à le faire, un regroupement a été réalisé en amphithéâtre pour annoncer les résultats obtenus. Ce grand rassemblement dans l’élaboration de ses finalités, favorisa l’idée de ne prendre pour cette action que des volontaires. Un autre élément apparut également : le lieu d’écoute, ne serait pas là pour apporter des solutions, mais comme un lieu-ressources apportant des conseils ou 62


des orientations. Il apparaissait qu’il fallait au départ un petit nombre de personnes (6 adultes et 6 élèves délégués) qui recevraient une formation.. Comme le terme celluleécoute, pouvait laisser entendre qu’i y aurait un soutien psychologique, il a été décidé que le nom choisi serait : Relais-accueil. Le fait d’avoir tenu notre parole permettant à tous d’entendre la restitution des réponses au questionnaire, installa un véritable climat de confiance, et détermina chez les délégués l’envie d’une rencontre avec les membres de l’équipe-relais. Et c’est ainsi que au cours de cette réunion fut élaboré le cadre de cet action. Il s’agissait d’un stade expérimental se déroulant sur six semaines, puisque nous étions au début du mois d’avril : la permanence prenant place entre 12h00 et 14h00.. Chaque Relais-accueil serait animé par un adulte et un élève délégué de classe. Pour chaque semaine, il était prévu trois jours réguliers où se tiendrait la permanence. De plus, il y aurait tous les quinze jours, une réunion avec les volontaires impliqués dans cette action. La destination de cette rencontre étant de favoriser la formulation des propos recueillis et celles des réponses apportées. Il était prévu une formation à l’écoute, par des professionnels habilités, tout au long de l’année suivante. Enfin au bout de deux mois une évaluation était prévue, repérant les points forts et les points faibles de cette action, pour apprécier les possibilités d’une reconduction d’un nouveau stade expérimental pour une durée de six mois. Il paraissait très important de tester les points suivants : le choix des élèves, le degré de tolérance des adultes, les possibilités de régulation, et enfin l’échantillonnage des demandes. Dans la séance de permanence du relais-accueil nous retrouvions deux accueillants prêts à recevoir un élève en souffrance. Les premiers adolescents reçus : soit le meilleur copain d’un jeune qui « n’allait pas bien » , soit l’adolescent en difficulté accompagné par un camarade, nous firent réfléchir. La prudence mise en œuvre par les accueillis dans les premières visites nous indiquèrent que les lycéens estimaient qu’il s’agissait d’un lieu apportant des ressources. Il nous fallait donc trouver des alliés, c’est-à-dire des professionnels-ressources à l’extérieur de l’établissement. Nous avions donc l’intention d’établir une liste de personnes auxquelles nous accordions notre confiance tant pour leur éthique, que pour leur compétence professionnelle. Cette liste serait à la disposition de nos différents accueillants. 63


D’autre part la situation triangulaire ou quadrangulaire ainsi créée, pouvait fragiliser l’un de nos deux volontaires du relais-accueil, soit l’adulte, soit le délégué des élèves. Nous avons pensé , comme W.R. Bion54 avec ses équipes de pilotes de la Royal Air Force, qu’il était nécessaire d’introduire une séance d’évaluation après la séance d’accueil. (Nous reprendrons cette situation , en faisant l’histoire du mouvement intitulé « psychothérapie institutionnelle ») Dans cette séance de régulation, notre passé de psychothérapeute et animateur de groupes de supervision, nous a autorisé à soulever la question de la capacité de chacun à pouvoir entendre et s’engager à retransmettre. Il n’était pas certain que ce soit le plus jeune qui soit en état de fragilisation. D’autre part, cette séance d’évaluation, permettait d’informer le service médical ou le proviseur, s’il était perçu que l’élève accueilli courrait un danger. Ce relais-accueil fonctionnait tranquillement car les situations étaient simples. Une dizaine de permanences révélaient la variété des situations de mal-être exposées aux accueillants. Les élèves soit demandaient à être rassurés sur leur état, soit étaient en quête de renseignements. Nous avions donc la possibilité durant ce temps d’expérimentation initiale, de mettre sur pied une action de formation (rappelant celle des conseillers conjugaux) animée par des confrères extérieurs, afin que le relais-accueil puisse fonctionner de façon correcte au début de l’année suivante, en respectant les uns et les autres. Et brutalement un coup de semonce apparaît, dans cet univers où il avait été fait très attention au cadre : une mise en demeure

imposée par le médecin responsable

départemental des Médecins scolaires. Il est demandé à l’équipe-relais de stopper ce stade expérimental, alors que le Proviseur adjoint avait bien précisé que nous ferions une évaluation au bout de deux mois d’exercice, aux fins d’apprécier s’il y avait lieu de reconduire l’action l’année suivante. Ce médecin responsable départemental est inquiet par l’annonce du suicide d’un adolescent du lycée, or cet adolescent n’avait manifesté aucun signe annonciateur et n’avait parlé à personne de son mal être. Ce confrère ne comprenait pas que nous ayons accepté un adolescent dans le bipôle accueillant, et pensait que cette place risquait de le fragiliser. Elle ajoutait qu’elle ne voyait pas l’intérêt BION (W.R.).­ Transformations. Passage de l’apprentissage à la croissance.­ Paris : PUF, 1982

54

64


du rapprochement de deux générations différentes. L’équipe-relais, très surprise de l’interruption brutale de ce projet de Relais-accueil, pense aux jeunes qui ont participé, et à ceux qui étaient inscrits comme volontaires pour être présents dans d’autres permanences. Avec l’accord du Proviseur, est décidé un pot d’adieu réunissant tout ceux qui étaient volontaires pour ce projet. Nous reprenons donc ce processus qui exige que l’on fasse toujours attention à la fermeture d’un groupe. 55 Dans cette rencontre conviviale, les adolescents nous ont fait part de leur déception quant à cette fin brutale. Dans leur place de délégués ils attestaient que cette situation les avait fait grandir. De plus ils ajoutaient que cette idée avait recueilli un avis favorable de leurs condisciples , et que cette proposition d’un Relais-accueil avait reçu l’approbation de ceux d’entre eux qui n’avaient pas envie d’évoquer leur malaise, ni auprès du professeur principal, ni auprès de l’infirmière . Ils concluaient enfin en déclarant que cette permanence révélait un nouvel état d’esprit, attestant de la volonté du lycée de promouvoir des actions en direction des élèves. Evoquant le suicide récent d’un des leurs, ils nous ont demandé quel est le type d’action que l’on pourrait monter ensemble. Nous remercions alors très vivement tous les participants de cette rencontre en leur promettant que nous allions nous engager dans autre chose. Et c’est peut être à ce moment-là que s’est inscrit chez quelques uns d’entre nous (adolescents ou adultes) l’envie d’utiliser l’espace scénique.En tenant ce discours , nous indiquions bien qu’il ne fallait pas s’engager dans la reproduction de pièces de théâtre déjà publiées, mais que nous passerions par l’écriture de scénettes. Et c’est ainsi que naquit un atelier d’écriture. Histoire d’un atelier d’écriture : L’équipe–relais ayant trouvé les bases d’un financement suffisant, prend alors contact avec un comédien, pour lui demander ce qu’il pourrait réaliser comme action s’inscrivant dans la prévention du suicide. Ce comédien avisé, porteur d’une longue expérience en tant qu’animateur de troupes théâtrales, nous propose de monter avec des élèves volontaires un atelier d’écriture sur le thème : « le mal être à l’adolescence ». Ainsi ajoute-t-il il y aura bien parmi toutes les séquences, un jeu assez court sur la ANZIEU (D.),MARTIN (J.Y.), Dynamique des groupes restreints , Collection le psychologue Paris : PUF, 10ème édition 1968/1994, p.36 55

65


prévention du suicide, mais qu’il n’est pas possible de se focaliser sur ce seul thème. Cet atelier regroupera douze élèves, et préparera une dizaine de scénettes. Quand le groupe sera prêt, il proposera deux séances théâtrales dans la même journée, durant lesquels les élèves joueront ces scénettes , chacune ne dépassant pas 5-6 minutes. Durant ce temps d’écriture, le comédien s’engage à tenir informé le proviseur adjoint de l’évolution du groupe. Il a demandé à ce responsable d’accepter le contrat tacite suivant : ce sera à lui seul d’indiquer si les élèves sont prêts à franchir le pas et à accéder sans risque à l’espace scénique. L’institution est d’accord avec ce type d’engagement. Après plusieurs mois de travail, l’atelier d’écriture nous signale qu’il est au point et que la séquence théâtrale prendra place dans huit jours, c’est-à-dire le vendredi suivant. Aux deux séances prévues sont invités les adultes du lycée, les élèves et leurs parents. Se déroulant au mois de mai 2000, chacune des représentations a accueilli une centaine de personnes. Dans cet espace de partage, jamais la parole n’a fonctionné aussi bien entre adultes et jeunes, entre

adolescents et parents. L’équipe-relais ayant fait

l’évaluation de cette recherche action, envisage de faire venir l’année prochaine une troupe de comédiens qui s’intitule : « La ligue d’impro ». Ces comédiens font circuler dans la salle un chapeau dans lequel il est possible de glisser un papier indiquant une scénette que l’on aimerait voir représentée. Le metteur en scène sort un papier du chapeau et le donne au groupe d’acteurs. Ceux-ci après s’être concertés cinq minutes démarrent leur improvisation, se déroulant sur un temps bref, (de façon à permettre un grand nombre de scénettes). Il y a ensuite un débat avec la salle. Tout cela se passait au mois de mai, nous étions sans doute dans l’euphorie, et nous étions loin de nous douter de ce qui allait se passer durant les grandes vacances.… Or à la rentrée du mois de septembre 2000, nous apprenons qu’un nouveau chef d’établissement a été nommé dans le lycée. Un rendez-vous nous est accordé très rapidement. Au cours de cette rencontre, nous apprenons que ce proviseur, n’est pas d’accord avec les méthodes

de son prédécesseur. Il nous est donc demandé très

gentiment d’accepter que l’on se passe de nos services, puisque l’équipe-relais n’est pas reconduite. Que pouvions-nous faire d’autre que d’obtempérer, puisque nous nous étions volontairement situé comme accompagnant bénévole, issu de l’extérieur, (ne voulant pas 66


utiliser notre titre de formateur au C.A.F.A.) ? Comme tout cela s’est déroulé dans la courtoisie, nous avons pu obtenir qu’il y ait en quelque sorte une « cérémonie des funérailles »56 La direction a offert une collation aux membres de l’équipe-relais afin que nous puissions faire nos adieux, en quelque sorte « refermer la porte ». Cette cérémonie de clôture a facilité par la suite la rencontre avec les adultes qui ont accepté de nous aider , en participant à un entretien. Quelques mois plus tard, le jeudi 14 décembre 2000, nous sommes invités par le proviseur de ce Lycée à assister à une conférence qui s’inscrit dans le cadre « Télémédecine et échec scolaire ». Il nous est d’abord fait une démonstration rapide de l’utilisation de la visioconférence entre l’établissement scolaire et deux centres de suivi. Nous assistons ensuite à une table ronde et à un débat entre professionnels de santé et enseignants sur le suivi médical des difficultés scolaires (avec l’outil de visioconférence) Ce fut une après-midi fort intéressante, mais dont le thème s’éloignait des préoccupations initiales de l’équipe-relais, qui était d’éviter de médicaliser l’adolescence. Cette première monographie , illustre bien le fait que l’utilisation de la complémentarité peut faire peur à certains chefs d’établissement ou à certains médecins responsables. Nous essayerons d’analyser les raisons de ces craintes dans le chapitre consacré à l’évaluation de nos hypothèses. b).-Un fonctionnement totalement différent Dans l’ouest de la Saône et Loire (LCL dans notre listage) le médecin scolaire avait lancé des actions de prévention dans le cadre de l’éducation pour la santé. Elle trouvait que ces actions ne concernaient que les élèves ayant une certaine familiarité avec l’infirmerie. Ce disciple d’Esculape regrettait de ne pas pouvoir en aider davantage ; d’autre part le proviseur et le C.P.E. souhaitaient assurer une écoute pour les adolescents, ambivalents à l’égard de leur scolarité et n’arrivant pas à se projeter dans l’avenir. Or, les hasards de la formation continue ont amené ces deux professionnels à s’inscrire BRICHLER (C.) Disparition des rites de passage et adolescence, opus cité précédemment p.8

56

67


ensemble dans le module intitulé « A l’approche de l’adolescence » programmé par le C.A.F.A. de Dijon, et dont nous étions le Médecin Conseiller et moi les animateurs. Ces deux techniciens à l’issue de ces douze journées d’approfondissement m’ont sollicité pour entreprendre une action en direction de leur institution . Le contrat était de nous permettre de venir deux fois deux journées par an pour répondre aux demandes de l’équipe-relais animée par le médecin scolaire et le CPE. Durant ces deux journées annuelles , le proviseur était présent et pouvait faire part de ses interrogations tant au niveau des exposés théoriques, qu’au niveau des analyses de situation. La reconnaissance de l’autorité du « patron » estimé par tout son personnel pour sa cohérence, son savoir et son humanité57 créait les bases d’une complémentarité dans un travail pourtant limité mais qui avait des prolongements après le départ de l’animateur. En effet en dehors des deux journées annuelles, l’équipe relais s’est inscrite dans six rencontres mensuelles et cela durant quatre années. La délégation d’autorité confiée par le proviseur au CPE et au médecin scolaire a permis qu’en mon absence ,l’équipe-relais ait bien deux accompagnants . Ce qui était essentiel , pour nous, c’est que grâce à des échanges trimestrielles avec ce CPE et ce médecin, nous arrivions complètement à suivre et à utiliser les digressions des participants lorsque l’un d’eux évoquait une situation ayant déjà été abordée en équipe-relais. Les thèmes théoriques que nous avons traités furent les suivants (nous rappelons qu’il y en a eu une dizaine de sujets de réflexions) : - Pourquoi est-il plus difficile d’être adolescent aujourd’hui ? - Les différentes conduites à risques - Les stéréotypes projetés par l’adulte en présence d’adolescents. - la « crise de parentalité » (pour illustrer les difficultés des parents à se retrouver auprès de leur ancien enfant devenu adolescent.) - L’adolescent et la maladie (pour témoigner des difficultés de l’affirmation d’un diagnostic dans cette période de mouvance des symptômes). - La gestion du stress pour les professionnels voulant s’inscrire dans des projets constructifs avec les jeunes.

MORIN (E.), PIATELLI­PALMARINI (M.).­ L’Unité de l’homme.­ ‘Centre Royaumont pour une science de l’homme, Paris : Seuil, 1974 57

68


Après ce tour d’horizon, concernant l’envie d’apporter une aide (dont l’adolescent ou sa famille nous seront reconnaissant), toute une formation sur le groupe nous a été demandée. C’est ainsi que nous avons abordé : - L’histoire du concept « le groupe » - L’utilisation des découvertes de Kurt Lewin dans différents domaines : celui de l’entreprise (Elton Mayo,Taylor), celui du soin ( Moréno, Foulkes, Didier Anzieu,René Kaës), celui de la formation initiale ( Ardoino, De Peretti, E.Enriquez) - Enfin, comment associe-t-on Pédagogie et Thérapie Institutionnelle ?....

Ces différents thèmes ont été l’occasion de discussions très riches, permettant aux personnes les plus timides de faire part de leur vécu. Ayant reçu une sorte de miniformation , les participants ont souhaité s’engager dans des actions. Cette équipe-relais a alors organisé des conférences-débat en direction des parents, puis en direction de tout public en invitant les différents partenaires du quartier (brigade des mineurs, éducateurs de la P.J.J, assistantes sociales de secteur, enseignants du collège voisin). Or ce qui est intéressant, c’est que malgré des thèmes relativement semblables apparaissant en filigrane dans les actions entreprises, tous les personnels reçus en entretien ont insisté sur la modification de l’ambiance , et sur une plus grande facilité de communication entre les divers salariés du lycée. Ne pouvant plus m’inscrire dans un projet d’établissement, puisque je prenais ma retraite, nous avons pu lors de la dernière séance consacrée surtout à l’analyse institutionnelle, faire un repas rituel de séparation , avec les différents participants. Nous avons appris du C.P.E., devenue Principale dans un autre lieu du département, l’évolution de cette équipe. Elle fonctionne toujours mais à un rythme plus ralenti , essayant de construire un projet en direction des élèves. 2.- Deux équipes récentes a).- Une histoire qui ne se termine pas (L.V.B.) Dans le nord du département de Saône et Loire,une infirmière stagiaire rencontrée au cours d’une réunion au rectorat dans le but de promouvoir des actions d’éducation à la santé, me demande de prendre contact avec sa tutrice. Jointe au téléphone ,l’infirmière de ce collège nous demande de rencontrer le chef d’établissement et son adjoint, pour 69


mettre sur pied une équipe-relais. Dans cet entretien réalisé peu de temps après, il nous apparaît d’emblée que ce projet est celui de l’adjoint et que le principal se montre très dubitatif quant aux effets escomptés. Naïvement, nous pensons que les choses se modifieront progressivement, et nous mettons en route ce projet. Une phrase du principal aurait dû attirer notre attention : « ce n’est possible que si les personnels volontaires s’engagent à rendre à leur service les heures passées en réunion d’équipe ». Mais, nous n’avions rien remarqué et nous avons programmé trois séances préliminaires. Lors de la première rencontre, la constitution de cette équipe atteste de l’hétérogénéité des professions représentées. Nous y retrouvons le principal adjoint, le C.P.E., sept enseignants, l’infirmière, un chef de cuisine et un O.E.A. chargé de la maintenance. Un climat détendu règne au début des échanges et nous commençons à recueillir les attentes des uns et des autres. Dans ce tour de table nous percevons une rivalité entre le principal adjoint et l’infirmière qui tous les deux veulent prendre le pouvoir . Le C.P.E. semble avoir l’habitude de ce conflit car il se plonge dans les dossiers qu’il a apportés.Le chef de cuisine et l’E.O.A. témoignent de leur connaissance de quelques adolescents qui vont mal et de leur envie de construire un projet dans leur direction. Les enseignants formulent une demande de formation car ils se sentent complètement dépassés par les manifestations d’agressivité de leurs élèves.Nous terminons la réunion, sans avoir eu le temps de laisser s’exprimer tous les participants. Lors de la seconde séance préliminaire ,nous notons l’absence de deux personnes faisant partie de l’équipe de direction ; il s’agit du principal adjoint qui n’apparaîtra que durant la dernière demi-heure et qui semblera très préoccupée par la fugue d’un collégien. Le second professionnel est le C.P.E. que nous ne reverrons plus. Il est vrai qu’il avait ostensiblement montré son désintérêt pour l’action entreprise. N’étant plus dans la recherche du pouvoir, l’infirmière facilite le tour de table et favorise l’expression des trois personnes qui n’avaient pu prendre la parole à l’autre séance. Un secrétaire de séance est choisi parmi les participants. Le groupe manifeste davantage son envie de travailler et à la demande d’une enseignante en lettres nous faisons le listage des thèmes qui pourraient être traités par des intervenants extérieurs. Les formations 70


demandées attestent que ce groupe est très défensif, car les interventions souhaitées s’inscrivent dans le domaine théorique et concernent bien peu « l’ici et maintenant ». Dans la dernière séance, il n’y aura aucun membre de l’équipe de direction. Après une dizaine de minutes où à bâtons rompus, les participants expriment leur satisfaction de pouvoir réfléchir ensemble, s’installe progressivement un climat de turbulence. Les uns veulent rechercher un intervenant qui leur apprendra à gérer l’agressivité des élèves. D’autres, affirment leur désintérêt pour les apports théoriques et leur envie de s’inscrire dans des actions concrètes.Nous nous efforçons de redonner à ce groupe un espace de créativité ; et nous proposons de lister quelques actions concrètes comme pistes de travail lors de l’élaboration du projet d’établissement de l’année suivante. Une de ces voies recueille l’approbation de tous : ce serait de s’interroger sur l’accueil dans ce collège. Pour nous ce projet est intéressant, mais complexe car il est à envisager sur plusieurs niveaux. L’équipe-relais découvre que ce thème concerne tant les élèves que les adultes et comporte différentes facettes : l’entrée et la sortie journalière, la rentrée du mois de septembre, le retour après les petites vacances, la fin de l’année. Cette piste interroge également le domaine des adultes : l’accueil des nouveaux collègues, celui des surveillants d’externat, celui des stagiaires. A la fin de la rencontre sentant que les participants sont fébriles, nous leur rappelons qu’il s’agit d’un sujet qui concerne le fonctionnement institutionnel, et qu’ils auraient avantage à favoriser la création d’une Commission de réflexion, pour construire un préprojet suffisamment étayé. Nous leur indiquons également qu’à l’issue des trois séances préliminaires, il avait été prévu un temps de parole avec la Direction , pour faire l’évaluation et pouvoir envisager la suite. La dernière séance préliminaire s’achève sur ces propos. Or, la suite a révélé que nous avons été considéré comme persona non grata. Comme nous le faisons toujours dans les réunions de travail nous indiquons que les réflexions émises par le groupe devaient être affinées, puis proposées à la direction pour évaluation . L’application demandait par suite l’aval du chef d’établissement et surtout son engagement, en déléguant la mission à son adjoint. Ne tenant pas compte de nos 71


suggestions, un sous-groupe formé par l’infirmière et trois enseignants a demandé à être reçu par le principal, pour lui expliquer, comment l’équipe-relais avait l’intention de modifier les conditions de l’accueil dans ce collège. Le chef d’établissement s’est senti menacé à juste titre, puisqu’on lui proposait de modifier le projet institutionnel dont il était le garant. Il a fait savoir que l’équipe-relais ne serait pas constituée, puisqu’il n’en voyait pas les avantages. En réponse à notre courrier sollicitant un rendez-vous, il nous a été indiqué que nous n’avions plus à nous rendre dans l’établissement, puisque l’idée de départ n’avait pas apporté les résultats escomptés.Nous nous trouvons donc ici dans les conflits de pouvoir que nous avons déjà cités. Ils imposent la nécessité d’une analyse institutionnelle. Si nous reprenons cette monographie nous pouvons nous demander, quelles sont les causes conduisant un sous-groupe, à faire une démarche sans avoir sollicité l’accord des autres membres de l’équipe-relais ? Dans un travail d’équipe, quelles sont les raisons qui poussent un sous-groupe à se dissocier des autres et à emprunter un chemin, que ne suivrait pas forcément les autres ? Quel est le sentiment d’insatisfaction, ou le ressenti d’inertie des autres participants, qui amène un sous-groupe à prendre une « position surmoïque » ? (En utilisant cette locution nous voulons signifier « qui se rapproche d’une organisation tyrannique »). Nous aurons donc à reprendre dans la discussion la question, de savoir comment la complémentarité qui exige de nous un renoncement à la toute-puissance, s’oppose à la recherche du pouvoir. b).- Une histoire qui se poursuit (C.D.D.) Dans l’ouest de la Côte d’Or, nous sommes sollicités par le C.P.E. d’un collège pour favoriser la création d’une mini-équipe . Les faits qui nécessitent cette réflexion sont troublants parce que le point de départ est une interrogation du Maire. Ce dernier à reçu en juin les doléances des chauffeurs des bus de ramassage scolaire. Ces professionnels n’ont pas supporté que le jour de la sortie ( début juillet) les élèves aient déchiré dans le bus, leur carnet de liaison et de correspondance ainsi que les différents cahiers qu’ils avaient dans leur sac à dos. Ils ont balancé une partie des fragments de papier par les fenêtres du véhicule et laissé ce qui restait sur le plancher, ce qui donnait un aspect curieux à l’intérieur de ces bus. Au delà de ce surcroît de travail lié au nettoyage de leur autobus, les chauffeurs n’ont 72


pas supporté ce spectacle de dérision, ainsi que le non-respect à l’égard de ces carnets administratifs. Nous réunissant avec le principal et la directrice de la S.E.G.P.A., nous avons évoqué l’idée, que les adolescents ne supportaient pas la disparition des rites de passage58. Nous voulions souligner par là, la nécessité d’un rituel de clôture. Pour mieux nous faire comprendre , nous avons rappelé que dans certains collèges de la région parisienne nous avions remis en place la cérémonie, qui s’est de tout temps appelée « la distribution des prix ». Dans ces collèges, il fallait tenir compte du fait que 40% des élèves admis en sixième n’avaient pas les connaissances de base nécessaires, pour bénéficier réellement d’un programme d’ enseignement secondaire. Tenant compte de ces variables, il a été possible de créer une liste comportant un nombre égal de prix à ceux décernés pour les matières fondamentales. Il y a donc des prix de « l’élève le plus débrouillard, l’élève qui amélioré l’image de marque du collège, l’élève toujours de bonne humeur, l’élève ayant entraîné les autres dans un projet constructif, l’élève qui a préparé la visite d’un musée, etc… ». Cette cérémonie a modifié l’ambiance et modifié le regard des élèves sur leur collège.. Or, ce rite de passage, s’il a pour effet de symboliser la séparation d’avec la période des apprentissages, offre l’avantage de signaler que les vacances correspondent à un autre temps. Dans ces collèges ce rituel illustrant la fin d’une période et l’ouverture sur d’autres occupations, est apparu comme ayant provoqué la diminution de l’absentéisme de fin d’année. Ecoutant le récit de cette situation donnée à titre d’illustration, la petite équipe-relais a prévu une réunion dans un délai assez proche. L’intention était de faire se rencontrer des professionnels volontaires pour entraîner leur adhésion à ce que nous appelions la gestion du temps. Sous ce terme nous voulions pousser les salariés à réfléchir sur l’accueil des élèves dans les différentes situations de rentrée et de sortie du collège (départ et retour des grandes vacances, admission des nouveaux, réflexions sur la vie journalière). BRICHLER (C.) La disparition des rites de passage, ouvrage cité précédemment page 8

58

73


Cependant, n’ayant pas su anticiper les attentes des personnels, au cours de la réunion s’est manifestée une autre idée : celle de programmer immédiatement une série de conférences débats Des soirées ont été mises sur pied ayant pour thèmes :l’adolescent ordinaire, les comportements surprenants de l’adolescent, les conduites à risques. Le public regroupait des parents d’élèves, des travailleurs sociaux , des enseignants du collège et d’autres du collège voisin , mais également quelques agents de service . Ces conférences-débats se prolongeant tard dans la soirée, les salariés du collège ont une demande plus spécifique : celle d’entendre sur une matinée, un sociologue sur le sujet « l’adolescence et l’adolescent ». Cette réunion se situant dans les horaires habituels, a donné du piment à cette réflexion sur l’accueil. D’autant plus que le sociologue Mr D.B. a déclaré que « la jeunesse est devenue un temps indifférenciée, puisqu’il faut être jeune de 7 à 77 ans. Il a ajouté que « s’il y a un brouillage entre les générations, cela pose un problème de places (il est difficile de tenir sa place dans une indifférenciation) ».Ses paroles ont déclanché de vives réactions dans la salle, certains professionnels allant jusqu’à lui reprocher « d’être nostalgique du passé ». Cela créa une ambiance assez houleuse dont nous avions à tenir compte pour l’élaboration des projets à venir. Les réactions défensives des salariés présents nous ont donc démontré, qu’il fallait permettre à ce collectif de cheminer à sa propre vitesse, et lier étroitement l’analyse à la possibilité d’une démarche commune. A ce jour, plusieurs conférences-débats en direction tout public sont encore à réaliser, mais il est prévu pour l’an prochain la constitution d’une Commission de réflexion. Cette équipe-relais récente quoique de petite taille illustre bien les allées et retour entre l’équipe-relais et les volontaires du collège. Cette construction particulière semble avoir favorisé une certaine continuité dans le temps. Nous en déduisons que, pour assurer une certaine durée des actions, il est un élément à retenir : celui de l’existence d’un collectif ( groupe de volontaires qui réfléchissent sur le fonctionnement en se projetant dans les années futures), qui est prêt à s’inscrire dans des projets à moyen terme. La mini-équipe doit se charger de formaliser le cadre. Tout ceci débouchant sur un point essentiel : la nécessité pour les différents salariés de se parler, sortant ainsi de leurs tendances au corporatisme. 74


Au total, ces quatre monographies éclairent de façon objective les variations qui ont pu émailler le parcours des quatorze équipe-relais sélectionnées. Mais nous ne pouvons quitter cette équipe récente, qui continue à grandir, sans oublier ce que nous ont apporté les textes parus durant cet accompagnement. En effet dans la même période , nous prendrons connaissance du décret n°2000-620 du 5 juillet 2000 créant un conseil des délégués pour la vie lycéenne dans les lycées et les établissements régionaux d’enseignement adapté (EREA) L’objectif poursuivi est d’impulser une dynamique nouvelle dans les établissements et de favoriser une meilleure prise en compte des questions touchant à la vie et au travail scolaire dans les lycées Or dans ce texte la complémentarité des salariés est davantage précisé que dans la circulaire de création des équipes-relais. Voici ce que nous avons pu lire : Composition du Conseil des Délégués pour la Vie Lycéenne(CVL)= Le CVL comprend, sous la présidence du chef d’établissement , dix représentants des lycéens. Assistent, à titre consultatif, aux réunions du conseil des représentants des personnels et des parents d’élèves dont le nombre est égal à celui des lycéens. Ceux-ci siègent avec les lycéens sans participer au vote. Les représentants des personnels et des parents d’élèves/ Ils comprennent : -

cinq représentants des personnels d’enseignements et d’éducation qui sont désignés chaque année par le conseil d’administration parmi les personnels d’enseignement et d’éducation volontaires de l’établissement, sur proposition des représentants élus de leur catégorie au conseil d’administration ;

-

trois représentants des personnels administratifs, sociaux, et de santé, techniques, ouvriers et de service volontaires de l’établissement qui sont désignés chaque année par le conseil d’administration, sur proposition des représentants élus de leur catégorie au conseil d’administration.

-

Peuvent être désignés au titre de l’une ou l’autre de ces catégories, tout personnel volontaire de l’établissement qu’il soit ou non membre du 75


conseil d’administration. -

Deux représentants des parents d’élèves sont élus au sein du

conseil

d’administration par les parents d’élèves siégeant à ce conseil. Ce texte semble indiquer , une évolution dans les conceptions de la Direction des Ecoles, puisque une certaine complémentarité des personnels, est affirmée lorsqu’il s’agit d’entendre la parole des élèves, sur les questions « touchant à la vie et au travail scolaire dans les lycées ». 3.- Que nous apprennent ces monographies ?... L’analyse de ces monographies nous apportent des éléments que l’on peut différentier ainsi : a).- D’abord les ressemblances dans le fonctionnement à l’intérieur de l’équipe. Chaque groupement a eu son propre itinéraire mais on retrouve néanmoins des points communs. Tout d’abord, la similarité des représentations émises par les participants, lorsqu’ils évoquent l’adolescent ordinaire, les conduites à risques, ou le fonctionnement de l’institution. On retrouve les mêmes oscillations entre les souhaits de formations supplémentaires pour l’équipe et les envies de construire un projet en direction des élèves ou des parents. Nous relevons ensuite l’importance donnée à l’imagination et aux tendances à l’interprétation, lorsque les adultes évoquent leur représentation de la violence dans un lieu scolaire. La porosité de la porte de l’école et l’invasion des esprits par les images médiatiques ne sont pas étrangères à ces sentiments d’impuissance et d’insécurité. Nous ne nions pas qu’il y ait une augmentation des agressions à l’égard des enseignants, mais nous avons remarqué que ces réactions hostiles auraient pu se produire six mois plus tôt. Une analyse institutionnelle pratiquée à cette période aurait montré que l’ambiance s’était dégradée, et que l’on ne savait plus où se situait la place des uns et des autres . Cette analyse aurait montré que l’équipe de direction ne savait pas anticiper sur l’apparition des conflits, et éprouvait donc en grande difficulté pour les gérer. De plus elle montrait qu’il s’agissait des mêmes thèmes à approfondir, lorsque l’équipe s’embarquait dans des digressions, comme pour fuir ce qui était difficile à aborder, dans le hinc et nunc. 76


b).-La présence de l’équipe-relais n’est pas anodine. Les propos recueillis témoignent que sa création ne passa pas inaperçue, tant au niveau des élèves, qu’au niveau des adultes. Nous avons eu l’impression que des éléments inconscients oeuvraient dans une sorte de transfert latéral. D’un côté des expressions euphoriques,et une certaine fierté habitaient les participants de l’équipe-relais. Les autres professionnels s’inscrivaient dans l’effet symbolique qu’ils traduisaient par l’expression « des gens du collège vont s’occuper de nos problèmes ». Pour les élèves, la lecture des textes affichés sur les panneaux d’affichage, les intéressaient beaucoup et se sentant reconsidérés, manifestaient leur envie de participer à des projets dans l’établissement. c).- Il est attribué à cette équipe hétérogène des influences bénéfiques, citons par exemple : les modifications de l’ambiance de l’établissement, l’apparition d’une liste des obligations permettant le respect de l’autre, un travail sur les modifications de l’accueil, la diminution des réactions agressives, la reprise de la motivation d’être un professionnel de l’école... Nous ferons figurer les propos des personnes reçues en entretien dans la troisième partie de ce travail. Nous aurons à nous interroger sur ce qui se passe dans les transfert latéraux dans notre conclusion. En quelque sorte comment se restaure

la communication entre les adultes et les élèves, et comment les actions

complémentaires développent le sentiment de responsabilité partagée chez les salariés de l’école. d).- Une certaine idéalisation de ce temps de travail en commun ; nous allons devoir, dans le chapitre intitulé « retour sur les hypothèses » étudier en quoi la complémentarité, si elle n’est pas accompagnée, peut conduire les individus à se comporter de façon paradoxale à la fois dans l’emballement et en même temps dans la crainte. Nous retrouvons là, tous les processus habituels en psychosociologie, ces mécanismes inconscients aboutissent à ce que faute d’une analyse institutionnelle, la durée d’existence d’un groupe ne dépasse pas souvent 4 ou 5 années.

1.3.3 Les recherches menées dans d’autres secteurs 1.- Les travaux d’autres chercheurs a).- Une vidéocassette intitulée « La barrière bleue –Répondre à la violence en 77


milieu scolaire », cassette éditée par le C.R.D.P. de l’Eure associé à la Direction des Lycées et collèges du Rectorat de l’Académie de Rouen. « Deux établissements scolaires, des Collèges, là où selon nos observations « la petite violence » est la plus répandue, ont accepté de dire et de montrer avec simplicité comment ils s’y sont pris pour rassembler et coaliser les éducateurs, (qu’ils soient enseignants ou non),organiser leurs propres réponses éducatives et nouer des alliances avec tout ceux qui se reconnaissent des responsabilités dans l’éducation des jeunes. Ces deux établissements se retrouvent dans leur volonté d’aider les jeunes à se comprendre et à se construire, à vivre harmonieusement ensemble, à découvrir leur utilité sociale, bref à donner un sens à leurs études, pour qu’elles leur apparaissent autrement que comme une contrainte arbitraire et injustifiée. Ce qu’ils ont fait doit être regardé comme un témoignage de ce que, face aux désordres naturels et ambiants, un établissement scolaire peut créer les conditions de l’ordre, pour qu’il y trouve sa cohérence, assure sa cohésion avec son environnement et accorde à chacun de ses élèves la considération dont il a besoin.Ce n’est qu’un témoignage et non un modèle : c’est à chacun d’acquérir sa cohérence,d’exploiter son environnement et d’inventer les formes propres d’une pédagogie de la considération, et donc, les actions particulières,qui en rendront visible l’expression ». Nous retrouverons dans la bibliographie documentée une analyse de cette vidéo-cassette. b).- L’article de Laurence RIBEAUCOURT et Michel METRO Intitulé “ De la convivialité à l’efficacité contre l’exclusion : une expérience d’établissement “. Nous détaillerons plus loin les points essentiels mis en évidence par ces chercheurs. Cette article figurera en pièce annexe. c).- Les recherches menées à L’ENESAD à Dijon appelée anciennement Ecole Nationale des Sciences Agronomiques et Agricole ( ENSAA). Dans ce lieu de formation, un de nos amis R.L. pose tout un questionnement sur la création et le fonctionnement des « Groupes Relais Adultes » dans les lycées agricoles. Nous ne nous étendrons pas plus longtemps sur la recherche qu’il mène et qu’il a l’intention de publier. Nous citons simplement quelques lignes, retirées de la quatrième de couverture, du livret faisant état de ces journées d’études 78


« A l’initiative du réseau Réséda, en collaboration avec l’Enesad et particulièrement Roland L., des journées d’études sur le thème des groupes relais adultes ont été proposées en janvier 2004 à Dijon. Ces journées ont regroupé une soixantaine de personnes impliquées dans des groupes relais adultes, pour faire un bilan des fonctionnements et définir ensemble quelques modalités et recommandations dans la mise en œuvre de ces équipes dans les établissements de l’enseignement agricole. Il est en effet nécessaire, au moment où de nombreuses initiatives s’organisent, de repérer les conditions de réussite et de faciliter les futures démarches des établissements volontaires. 2.- Notre recherche personnelle a).- Lors de l’ouverture à Marseille d’un Hôpital par des médecins spécialistes s’appuyant sur la Psychothérapie Institutionnelle.

« A Marseille le 16 août 1962,

nous nous retrouvons, titulaire du poste d’Interne en Médecine, au Centre Psychothérapique Edouard Toulouse, alors qu’il n’ y a encore qu’une cinquantaine de malades et une vingtaine d’infirmiers. Ayant déjà exercé pendant quatre ans les fonctions d’interne en médecine dans l’Hôpital Psychiatrique de Clermont de l’Oise, nous nous joignons donc en tant que pionnier associé, dans ce projet d’ouverture d’une structure totalement nouvelle. Dans cette entreprise nous sommes inféodés à trois médecins : le Docteur M.D. Directeur, et les Docteurs E.M. et E.M., Chefs de service. Ces praticiens dans l’élaboration de ce nouvel hôpital avaient choisi de s’appuyer, sur les travaux du Docteur Edouard TOULOUSE (dont ils avaient eu connaissance ) et sur ceux du Docteur François TOSQUELLES, qui avait dirigé l’Hôpital de Saint-Alban (Lozère). Et c’est sans doute pour mieux aborder la relation soignants-soignés, qu’ils avaient embauché un des surveillants de l’hôpital de St Alban, Monsieur M. avec lequel nous nous sommes beaucoup entretenu. Le docteur TOSQUELLES ayant été nommé par la suite à Marseille deux années plus tard, comme Chef de service, il a pu nous enrichir de ses analyses et de ses conseils. » Qu’avons-nous retiré de cette approche de la Psychothérapie Institutionnelle ? ...Nous présenterons l’histoire de ce mouvement dans la seconde partie consacrée à la recherche conceptuelle. L’ensemble des réflexions issues de ces années de travail dans la cité phocéenne, sera regroupé dans le paragraphe traitant des apports théoriques de notre 79


écrit.

La complémentarité des soignants, des autres professionnels et des malades

restera pour nous une découverte de cette période. b).- Analyse de notre exercice de psychothérapeute de groupe Que l’on soit psychodramatiste ou psychothérapeute de groupes de psychotiques, et nous l’étions, la formation nous avait enseigné, qu’il fallait éviter de se placer en tant que leader d’un groupe, lorsque ce dernier avait des visées thérapeutiques. Aussi dans la place de psychothérapeute oeuvrant en Centre Hospitalier Spécialisé, nous avions pu percevoir combien il était important pour une évolution favorable des patients, qu’il y ait dans le groupe de thérapie plusieurs infirmiers, et plusieurs psychothérapeutes. Le malade souffrant de psychose peut ainsi retrouver des personnes alliées, à qui il fait confiance, et qui, lui semble-t-il, peuvent formuler mieux que lui certaines de ses idées. Mais cette complémentarité demande qu’après la séance, un temps de rencontre soit prévu entre les infirmiers et les psychothérapeutes. Il est très important de verbaliser les transferts latéraux intra et extra-psychiques, car les paroles émises par ce patient reconnu comme porteur d’une psychose dissociative, peuvent provoquer une fragilisation du soignant. Il est donc nécessaire de travailler sur les contre-attitudes des uns et des autres. Dans le temps d’analyse succédant à chaque séance thérapeutique 59, la même notion apparaissait : le groupe s’enrichit si l’on reconnaît la complémentarité de chacun de ses membres. (Mais cela reste tout aussi valable pour les deux ou trois psychothérapeutes présents dans ce travail. Ils ne sont pas dans une situation de dominant-dominé comme dans leur cabinet privé). En dépit des efforts demandés aux psychothérapeutes animant un même groupe, nous restons persuadés de l’importance pour l’évolution du groupe qu’il y ait pour les co-thérapeutes ce temps d’analyse des contre-transferts.

60

. Ces

actions thérapeutiques n’ont de sens que s’il existe en sous-jacence une position éthique : on est responsable de la responsabilité d’autrui, suivant la formule d’Emmanuel Lévinas61 . La position éthique des thérapeutes implique donc qu’ils soient KAËS (R.) et al, Le travail psychanalytique dans les groupes,Paris, 1982, Dunod, pp.158 KAËS (R.) et al. L’analyse du contre­transfert comme source de créativité, Article de BÉJARANO

59 60

(A.) cité précédemment. Paris, 1982, Dunod, pp. 85­102

POIRIÉ (F.), Emmanuel Lavinas­Essai et entretiens, Arles 1996 Actes Sud, pp.185

61

80


responsables de la responsabilité d’autrui, y compris lorsque apparaissent des manifestations de violence dans le groupe. Ce travail de thérapeute m’avait donc préparé à entrevoir de façon particulière «la notion de responsabilité partagée ». Au total : A l’issue de toutes ces réflexions sur les différents lieux de la recherche, nous pouvons commencer à en entrevoir l’objet. Nous débuterons notre propos en rappelant les difficultés de l’institution, mais également celles des adultes, observées lors de l’élaboration de lieux où les adolescents puissent ressentir la notion de cadre qui préside à la création d’un espace où ils se sentent en sécurité. C’est-à-dire comme le formule Philippe Meirieu62 un espace ou le jeune « puisse apprendre par la méthode essaiserreurs, comme dans une auto-école ». On ne laissera pas l’adolescent persister dans une erreur qui aurait des conséquences catastrophiques, pas plus qu’on ne laissera

le

condisciple tourner en dérision celui qui se sera trompé.

1.4 L’objet de la recherche 1.4.1 Les paramètres dégagés Dans beaucoup d’ouvrages (F.DUBET, P.CHARLOT, J.FLORO), les auteurs insistent sur la nécessité d’offrit aux adolescents des espaces où ils puissent trouver un début de réponse à la question : je me demande où est ma place ? Notre poste de formateur nous conduisant à oeuvrer dans différents établissements scolaires, nous nous sommes aperçus que les institutions avaient perdu de vue les différents paramètres qui définissent le territoire des uns et des autres. Il nous a donc semblé important de les sortir de l’oubli, et c’est ainsi que nous avons pu en dégager quatre : la notion de limites, la gestion du passage entre l’intérieur et l’extérieur, les règles de fonctionnement et le renoncement à la toute-puissance. * La notion de limites : Ce terme nous incite à préciser avec l’équipe de direction , les conditions qui permettent de fixer les limites de l’élève, celles du professionnel et celles de l’institution. MEIRIEU (Ph.) Eduquer , le loi fondatrice, Vidéo­cassette éditée par le C.R.D.P. Lyon

62

81


* La gestion du passage entre l’intérieur et l’extérieur, nous invite à observer de très près dans l’établissement, la façon dont fonctionnent les portes. On sait

que ces

panneaux à certains moments sont mobiles et à d’autres sont maintenus en place. Ils sont installés pour séparer les différents espaces : ceux de la vie communautaire, ceux de la vie privée et ceux de la vie intime. L’importance de cette connaissance est essentielle , lorsque l’on doit,

par exemple, installer un camp

sous tentes regroupant des

adolescents. L’analyse de cette gestion du passage, conduit bien souvent le principal et le C.P.E. à réfléchir sur le temps d’accueil . Cette notion peut se révéler d’une grande étendue. Elle concerne aussi bien les élèves (les anciens et les nouveaux), que les adultes remplaçants, sans oublier les familles. * Les règles de fonctionnement : L’acceptation d’un tronc commun de principes, accepté par tous les salariés

de

l’établissement, semble être une nécessité ; d’autant plus que l’adolescent se méfie de l’adulte qui essaie de négocier les règles. * Le renoncement à la toute-puissance : expression qui reviendra très souvent dans notre écrit. Il est important de se rappeler que si l’adulte énonçant une sanction, ne fait pas apparaître le Tiers (le règlement intérieur, la loi, la fonction du chef d’établissement, les valeurs,…), l’élève se figurera qu’il lui en veut. Le sentiment d’injustice surgissant dans l’esprit de ce jeune, risque de se transformer par la suite en agressivité gestuelle.

1.4.2 La recherche sur les difficultés des adultes à poursuivre

des actions

complémentaires, lorsqu’il s’agit d’actions en direction des élèves. Dans la partie que nous avons intitulé « prolégomènes », nous avons évoqué chez l’adulte la possibilité d’apparition de tendances à la projection lorsqu’il désirait aider un adolescent. Nous avions repris le terme de résonance affective pour rappeler que à chaque fois que le jeune « réveille en nous le bébé, l’enfant ou l’adolescent que nous avons été, nous risquons de faire n’importe quoi en croyant l’aider. Alors que dans les faits, nous sommes inconsciemment en train de vouloir réparer quelque chose de notre histoire. Donc l’éducation d’adolescents est un métier à risques63 » BRICHLER (C.) Vision panoramique sur la relation « Parents­Enfants­Educateurs », La Revue de la Foeven n° 146 Décembre 2003 63

82


C’est bien ce qui témoigne de l’insistance de Philippe MEIRIEU à ce que dans la relation avec l’adolescent, nous fassions apparaître du Tiers. Dans son exposé il nous rappelle « que l’on ne résout jamais les problèmes à deux »64 . Par exemple s’il s’agit d’une sanction, le jeune s’imaginera que l’adulte est en train de se venger . Et l’on peut alors prévoir le risque d’escalade… Il est une autre donnée fournie par un psychologue américain E.J.Anthony 65 , qui décrit six stéréotypes que l’adulte risque de projeter sur l’adolescent. Le premier est celui de l’adolescent considéré comme un danger. Citons par

-

exemple les propos d’un de nos amis professeur en économie, qui nous rappelait qu’il lui était interdit par l’Université de recevoir sur le mode duel un étudiant sollicitant un entretien. -

Le second est celui de l’adolescent considéré comme un objet sexuel. Dans

les différentes institutions où nous avons conduit des actions, nous avons pu remarquer que ce fantasme est constamment présent. En effet à chaque fois qu’il était noté qu’un adulte recevait régulièrement en entretien un adolescent ou une adolescente, sans avoir tenu au courant le professeur principal du contenu de son projet, l’institution sommait l’adulte de stopper son action. Le plus souvent, l’équipe pédagogique, évoquait la fragilité psychique de cet enseignant, en déclarant que ce qu’il faisait était inadmissible (voulait-il inconsciemment séduire le jeune ou désirait-il être séduit par lui ?) -

Le troisième est celui de l’adolescent considéré comme un individu immature. On retrouve bien dans l’énoncé de ce stéréotype la difficulté d’une génération a accepter que celle qui la suit immédiatement puisse avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs.

-

Le quatrième est celui de l’adolescence considérée comme un objet d’envie. Ce qui peut se traduire de la manière suivante : cet adolescent arrive à l’aube des premiers émois, d’un nouveau regard sur le monde, saura-t-il le faire aussi bien que moi , si j’étais à sa place.

-

Le cinquième est celui de l’adolescence considérée comme un objet perdu.

MEIRIEU (Ph.) Eduquer –La loi fondatrice, vidéo­cassette déjà citée LEBOVICI (S.), DIATKINE (R.) .­ Les difficultés dans l’accompagnement de l’adolescent.­ Le

64 65

nouveau manuel de Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent , Paris : Masson 2004

83


Dans ce fantasme, est retrouvé le même sentiment de jalousie que dans le précédent. Nous pouvons l’exprimer ainsi : cet adolescent présent devant moi me provoque, puisqu’il me rappelle que je ne serai plus jamais adolescent et que mon destin courre vers son échéance. -

Enfin le dernier : jalousie à l’égard de l’adolescent car il est bénéficiaire d’une autre culture et parce que ces nouveaux apports vont dans sa direction, et qu’ils ne sont pas pour moi.

-

Certes l’adulte ne sera pas envahi au même moment par toutes ces interprétations, mais il est possible d’admettre que de temps en temps certaines de ces images sont vraisemblablement présentes dans la pensée. La relation duelle avec l’adolescent, lors de la gestion d’un conflit peut donc s’avérer fort difficile.

Ce recueil des stéréotypes retrouvés par E.J. Anthony, était bien connu de nous . L’éventualité de voir apparaître ces projections explique tout le cadrage que nous avons mis en place, dans le lycée où nous avions à créer une cellule-écoute. L’histoire nous a montré que malgré toutes les précautions prises , le responsable de la médecine scolaire a prononcé l’arrêt immédiat de l’action entreprise. 1.4.3 Les conditions nécessaires pour réaliser ce type d’action Un éclairage sur certaines exigences nécessaires, nous a été fourni par une recherche de l’INSERM réalisé sur 150 établissements où s’était produit de la violence66 . En inversant les paramètres qui favorisent l’apparition de l’agressivité nous obtenons le listage suivant qui nous indique les conditions nécessaires - Les raisons pour lesquelles l’adolescent se retrouve en ce lieu sont bien connues. - Il y a un projet individuel élaboré pour l’élève. - Dans l’établissement , il y a des possibilités pour les professionnels de pouvoir aller se former à l’extérieur. SELOSSE (J.) compte­rendu du Colloque réalisé au C.N.E.F.A.S.E.S. intitulé Violence et Education, Beaumont sur Oise 1985 66

84


- Dans ce même lieu scolaire,il existe une possibilité pour des techniciens de l’extérieur de pouvoir animer des actions à l’intérieur. - Les professionnels ont progressé dans la connaissance du fonctionnement des groupes et ont accepté que les espaces non-structurés soient susceptibles d’être envahi par la destruction. - L’équipe de direction a acquis la capacité d’anticiper sur l’apparition des conflits et se forme à la gestion des conflits. Avec le recul , nous pouvons mieux saisir les obstacles qui ont pu favoriser la disparition de certaines équipes-relais. Ces conditions nous semblent en relation avec ce qui a motivé la réforme de l’Education au Canada , ce que les chercheurs décrivent sous le terme «une vision plus humaine de l’école » . 1.4.4 Les questions posées aux adultes C’est ainsi que pour avancer dans notre hypothèse de départ : une équipe hétérogène fondée sur la complémentarité accompagnée restaure la qualité humaine de l’école, nous avons essayé de construire la trame des entretiens semi-directifs. Nous verrons comment nous avons été conduits à réaliser un questionnaire qui nous a servi de fil rouge tout au long de notre étude. Si on souhaite le résumer ici, avant de l’exposer plus longuement par la suite, trois axes sont relevés : Quelles sont les valeurs qui vous animent ? Quelles sont vos attentes à l’égard de l’équipe-relais ? Dans quelles actions vous êtes vous engagés ? Ces différents professionnels ont pu associer librement, sur les effets qu’avait produit l’existence de l’équipe-relais dans leur collège. La plupart d’entre eux, nous ont fait part de leur intérêt et leur contentement d’avoir pu lire régulièrement le résumé des travaux de ce groupe. Pour une fois nous disaient-il, il y a eu des facilités de communication. Ce n’était pas une équipe faisant de l’auto-satisfaction, mais qui essayait de nous entraîner dans des actions communes, en direction des élèves ou des parents. Ils ajoutaient souvent « le regroupement de richesse

professionnels ayant différents métiers

a été une

dans les conférences-débats. Chaque salarié se sentait considéré par la 85


direction ». Puisque nous venons d’évoquer la complémentarité des actions, nous allons analyser dans le second chapitre ce que nous a apporté la recherche conceptuelle et comprendre la méthodologie utilisée.

Bibliographie 1

8

MORIN (E.) .­Introduction à une politique de l’homme, nouvelle édition,Paris : Seuil, Points, 1999. MORIN (E.), NAÏR (S.).­Politique de civilisation.­ Paris : Arléa, 1997 MORIN (E.).­ Le grand débat : Où va la France.­ Dialogue entre Edgar Morin et Luc Ferry.­ Le Monde 2, numéro 168 du 5 au 11 mai 2007, p.26 MONTAIGNE .­ De l’institution des enfants ­Les Essais, Paris, Librairie générale française, col. La Pochothèque, 2001, pp. 243­244 LEIBNIZ (G.W.) La Monadologie. Le livre de poche.Classiques de la philosophie. Paris : Gresset,1990 LACAN (J.).­ La schize de l’œil et du regard.­ Le Séminaire livre XI .­ Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse Paris :Seuil, 1973 p.65­74 HYPPOLITE (J .).­ Introduction à la philosophie de l’histoire de Hegel.­ Les écrits d’Iéna.Paris :Rivière,1948 HONNETH (A.).-La société du mépris.- Paris : La découverte, 2006

9

MONETTE (L.).- La schize et l’œil .- Travaux de la Société Psychanalytique de

1 2 3 4 5 6 7

Montréal 2006 10 11

MEIRIEU (P.) Eduquer , la loi fondatrice , vidéocassette éditée par le CRDP du Rhône MEIRIEU (P.).­La barrière bleue, video cassette éditée par le CRDP de l’Eure

12

LITTRÉ (P­E.).­Dictionnaire de la langue française.­tome 3Monté­Carlo :éditions du Cap, 1957 p.241 86


13 14

DE GAULEJAC (V.) .- La lutte des places .-Paris 1994 OURY (J.).­ Le Collectif.­ Séminaire de Sainte Anne

15

HEISENBERG W).­ La partie et le tout : Discussion entre biologie, physique,chimie, Paris Champs Flammarion 1972 p. 151 HEISENBERG (W).­ La partie et le tout : mécanique quantique et philosophie de

16

Kant, Paris Champs Flammarion 1972 p. 169 17

ANZIEU (D) et MARTIN (J.Y) La dynamique des groupes restreints, Paris : PUF 1972.

18 19 20

LACAN (J).­Actes de fondation de l’Ecole freudienne de Paris.­ Annuaire de l’EFP, Paris :1965 Le cartel.­in L’apport freudien ­ Eléments pour une encyclopédie de la psychanalyse, Paris :Bordas/VUEF, 2003 : p.85 LAURENT (E).­ L’empreinte en creux.­ COUETTE , HAMEL, Université de Montréal

21

ROJZMAN (Ch.), PILLODS (S.) .­Savoir vivre ensemble. Agir autrement contre le racisme et la violence.­ Paris : Syros, 1998

22

Une équipe­relais au Lycée Margueritte – Verdun, site retrouvé sur Internet

23

Une équipe­relais au Lycée d’Ugine.­ site retrouvé sur Internet.

24 25 26

ANATRELLA (T.),Interminables adolescences, Paris ; Cerf Cujas,1988 GUTTON (P.), La post­adolescence, Paris : P.U.F.,1995 DE SINGLY (F.), Les Adonaissants, Paris : Armand Colin, 2006

27

VAN GENNEP (A.), Les rites de passage, réimpression de l’édition 1901, Paris : Picard, 1981 GALLAND (O.), Sociologie de l’Adolescence, Paris : Armand Colin 1997

28 29 30 31

ROZJMAN (C.),PILOODS (S.).­ Savoir vivre ensemble. Agir autrement contre le racisme et la violence Paris :Syros, 1998 DEBARDIEUX (E.) .­ La violence en milieu scolaire 2­Le désordre des choses.­ Paris : ESF, 1999 PAIN (J.) .­ La société commence à l’école – Prévenir la violence ou prévenir l’école ?.­ Vigneux :Matrice, 1999

32 33

Circulaire n° 83­287 du 27 juillet 1983 ( texte fondateur de la notion : adultes­ relais) Circulaire n° 85­118 du 26 mars 1985 ( texte fondateur de la notion d’équipe­ relais)

34

Compte­rendu d’une action de formation dans l’Académie de Dijon, Psychologie de l’adolescent –la crise d’originalité juvénile et les déviances, Dijon :1986 Rectorat 87


35 36

ENRIQUEZ (E.), Les jeux du pouvoir et du désir dans l’entreprise.­ Bruxelles :Desclée de Brouwer, 1997 :p.165 EQUIPE ACADEMIQUE PSYCHOLOGIE DE L’ADOLESCENT, A l’écoute de l’adolescent, Publications du C.R.D.P. Dijon 1989

37 38

EQUIPE ACADEMIQUE PSYCHOLOGIE DE L’ADOLESCENT, cité précédemment RECTORAT DE DIJON. »À l’écoute de l’adolescent / équipe académique.­ Dijon,C.R.D.P., 1989, p.8

39

Compte­rendu d’une action de formation dans l ‘Académie de DIJON p.7.

40

TOSQUELLES (F.).­ Note sur la séméiologie de groupe.­ Bulletin technique du personnel soignant de l’hôpital psychiatrique de Saint­Alban, Fasc.B, 1962 p. 36­58

41

RECTORAT DE DIJON .­À l’écoute de l’adolescent : équipe académique psychologie de l’adolescent.­Dijon,C.R.D.P.1989 : p.8.

42

BRICHLER (C.) « Rites de passage et souffrances psychiques »Actes du Colloque de l’Association des Psychologues de Franche­Comté, Besançon,1997 p.29­42

43

RIBEAUCOURT (L),METRO (M) .- De la convivialité à l’efficacité contre l’exclusion : une expérience d’établissement .-Les jeunes en rupture scolaire : du processus de confrontation à celui de remédiation, Paris 1996 Lharmattan, p.145-156

44 45 46 47

Circulaire 85­118 du 26 mars 1985 cité précédemment pp.26 ANZIEU (D.) Le Moi­peau Paris : Dunod 1985 KAËS (R.).­La parole et le lien. Processus associatifs dans les groupes.­ Paris :Dunod, 1994 KAËS (R.) Le groupe et le sujet de groupe, Paris : Dunod, 1993 : p.257

48 ANDRES (M.).­L’acte manqué.­ L’apport freudien – Eléments pour encyclopédie de la psychanalyse, Paris : Bordas, 1993/2003, p. 4 49

KAES (R.) .­ Le groupe et le sujet du groupe.­ Paris : Dunod, 1993 : p.209

50

BRICHLER (C.) « Les paramètres qui définissent la place des uns, la place des autres », Adolescence, rites de passage, violence institutionnelle. Actes du Colloque de l’Association des Psychologues de Franche­Comté,Besançon, 1997 p.40 ANZIEU (D.), La dynamique des groupes restreints,10 ème édition corrigée

51

Paris :PUF, 1968 p.38 88


52

WACH (M.)._ Les valeurs des français selon l’approche de Schwartz,

exploitation EDF­ 53

des données du volet français du baromètre Environnement.­Paris : DER,INETOP­CNAM, 1998.

BRICHLER (C.) Adolescence, rites de passage, violence institutionnelle, Actes du Colloque de l’Association des Psychologues de Franche­Comté, Besançon,1997 p.29.

54 55

BION (W.R.).­ Transformations. Passage de l’apprentissage à la croissance.­ Paris : PUF, 1982 ANZIEU (D.),MARTIN (J.Y.), Dynamique des groupes restreints , 10 ème édition corrigée1968/1994, Paris : PUF, p.200

56

BRICHLER (C.) Disparition des rites de passage et adolescence, in Colloque des psychologues de Franche­Comté, Besançon 1997 p.39

57

MORIN (E.), PIATELLI­PALMARINI (M.) .­L’Unité de l’homme.­ (Centre Royaumont pour une science de l’homme),Paris : Seuil, 1974

58

BRICHLER (C.) Disparition des rites de passage et adolescence, p.8

59

KAËS (R.) et al, Le travail psychanalytique dans les groupes,Paris, 1982, Dunod, pp.158 KAËS (R.) et al. L’analyse du contre­transfert comme source de créativité, Article de BÉJARANO (A.) cité précédemment. Paris, 1982, Dunod, pp. 85­102 POIRIÉ (F.), Emmanuel Lavinas­Essai et entretiens, Arles 1996 Actes Sud, pp.185 MEIRIEU (Ph.) Eduquer , le loi fondatrice, Vidéo­cassette éditée par le C.R.D.P. Lyon BRICHLER (C.) Vision panoramique sur la relation « Parents­Enfants­ Educateurs », La Revue FOEVEN n° 146 Décembre 2003 MEIRIEU (Ph.) Eduquer –La loi fondatrice, vidéo­cassette déjà citée LEBOVICI (S.), DIATKINE (R.) .­ Les difficultés dans l’accompagnement de

60 61 62 63 64 65

l’adolescent.­ Le nouveau manuel de Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent , Paris : Masson 2004 66

SELOSSE (J.) compte­rendu du Colloque réalisé au C.N.E.F.A.S.E.S. intitulé Violence et Education, Beaumont sur Oise 1985

89


2ème partie : ProblÊmatisation de la recherche

90


2ème partie : Problématisation de la recherche 2.1 La complémentarité doit être différenciée d’autres concepts Au cours d’échanges avec une enseignante en économie, à qui je parlais de mes difficultés à trouver ce vocable dans les Sciences Humaines ; cette dernière me faisait remarquer que la complémentarité était très souvent utilisée dans son domaine. Pour objectiver ce concept , cette universitaire me conseillait deux attitudes : -

la première d’accepter que la complémentarité soit fort différente des concepts : solidarité, mutualité, subsidiarité.

-

la seconde de partir de deux ou trois situations expérimentales récentes, afin de mieux analyser les actions complémentaires dans le monde marchand.

2.1.1Elle est différente de la notion de solidarité La référence à la notion de solidarité, en effet, n’est pas dépourvue d’ambiguïtés. L’évocation consensuelle de cette notion peut résulter du discrédit dont est aujourd’hui frappée la charité, obligeant les acteurs sociaux à “ recourir au seul vocable de solidarité, quitte à l’investir de connotations dérivées de son autre, la charité »67 . Il est plus intéressant de constater deux acceptions modernes de la solidarité co-présentes depuis l’origine des associations modernes, et à propos desquelles Royaume-Uni et France apparaissent comme deux cas emblématiques: la solidarité philanthropique et la solidarité démocratique . * la solidarité philanthropique Au Royaume - Uni la charité était appréhendée au XIXe siècle comme un principe social, une composante nécessaire à la société démocratique, VINCENT (G.).­Solidaires de qui… ­ Réflexions épistémologiques in Mission Recherche Mire.­ Rencontres et recherches avec la collaboration de la fondation de France .­Produire les solidarités­ La part des associations.­1997, p.370 67

91


contribuant à la régulation par l’engagement volontaire altruiste. Une grande partie des prestations sociales publiques étaient financées et gérées localement. La limitation des budgets du gouvernement a généré

un ensemble

“d’institutions intermédiaires »,

développées entre l’Etat et le citoyen, qui faisaient partie intégrante du tissu de l’Etat. Ainsi à la fin du XIXe siècle, “ les associations canalisaient autant d’argent que les services chargés de l’application de la loi sur les pauvres “.68 L’impératif charitable renvoyait à une vision particulière de la société dans laquelle les citoyens motivés par l’altruisme remplissaient leurs devoirs les uns envers les autres sur une base volontaire. Cette dynamique d’intérêt général ou d’aide à autrui a constitué dans le monde anglo-saxon , une source déterminante de l’action associative. Focalisée sur la “question de l’urgence “ et la préservation de la paix sociale, elle se donne pour objet le soulagement des pauvres et leur moralisation par la mise en oeuvre d’actions philanthropiques palliatives. Cette acception de la solidarité, n’a rien d’une particularité insulaire, elle est présente à des degrés divers dans chaque pays de l’Europe. En témoignent les travaux de DONATTI69 qui définit l’association comme « privé social » . Ces travaux mettent en évidence le fait qu’il s’agit d’une position récurrente dans les discussions sur la nature des associations. L’inclinaison à aider autrui, valorisée comme un élément constitutif de la citoyenneté responsable, porte en elle la menace d’un don sans

réciprocité, ne

permettant comme seul retour qu’une gratitude sans limite et créant une dette qui ne peut jamais être honorée par les bénéficiaires. Autrement dit, elle est porteuse d’un dispositif de hiérarchisation sociale et de maintien des inégalités, adossé sur les réseaux sociaux de proximité. * La solidarité démocratique : A cette version “bienveillante“ s’oppose une conception de la solidarité, comme principe de démocratisation de la société, résultant d’actions collectives. Cette seconde version suppose une égalité de droit entre les personnes qui s’y engagent, indissociable de l’héritage révolutionnaire et de l’idéal républicain; elle a façonné en LEWIS (J.).­Le secteur associatif dans l’économie mixte de la protection sociale Voir note 82 p.169 DONATTI (J.)._ Sociologia del terzo settore.­ La nuova scientifica Roma 1994

68 69

92


partie la réalité française . La fraternité révolutionnaire prétendait bien en effet rompre avec le langage de la charité, pour lui substituer une politique de la solidarité reposant sur la commune appartenance de tous, à un espace politique qui ne connaît plus désormais que des individus libres et égaux. Néanmoins cette politique de la solidarité régie par l’idéal de citoyenneté fut en France presque originellement méfiante à l’égard des associations volontaires. En témoigne la proscription des associations économiques et professionnelles par

le

décret

d’ALLARDE et la loi LE CHAPELIER . Rien ne paraissait alors plus contraire à la liberté individuelle et au principe de souveraineté, que ces associations de compagnons, qui pourtant s’engageaient, pour quelques unes

d’entre elles au moins, dans un

processus de sécularisation en totale harmonie avec le nouvel ordre révolutionnaire. C’est dans ce contexte général de proscription et de répression, malgré des périodes plus tolérantes, que le mouvement ouvrier et socialiste naissant devient le laboratoire des formes associatives et des utopies de l’Association. C’est au nom de la solidarité que foisonnent les associations ouvrières entre 1830 et 1848. Après le traumatisme de 1848, où la répression sanctionne la prise de parole ouvrière, c’est à la fin du XIXe siècle que la notion de solidarité apparaît comme le moyen pour les républicains, de réconcilier les droits individuels et la responsabilité de l’Etat. Défendue par des hommes politiques juristes ou sociologues ( BOUGLE, BOURGEOIS, FOUILLEE...), cette notion prend un sens nouveau , La notion de solidarité désigne un fait scientifique. Pour les “ solidaristes “, l’homme sans même qu’il le veuille ou qu’il le sache, est solidaire, c’est-à-dire associé. La société constitue en premier lieu une totalité où tous dépendent de chacun . Elle n’est pas régie , sur le modèle de la charité chrétienne , par la dette de tous envers Dieu, mais par la dette de tous envers la société. Ainsi, ne pas acquitter les obligations mutuelles qu’engendre la vie en société, et qui résulte de la solidarité sociale, équivaut à la violation d’un contrat. Dès lors comme l’indique L.BOURGEOIS, « le devoir social n’est pas une pure obligation de la conscience, c’est une obligation fondée en droit, à laquelle on ne peut se dérober sans un violation d’un règle de justice “.70 BOURGEOIS (L.)._ Solidarité.­ Paris : Colin, 1992

70

93


Néanmoins , en dépit des multiples réformes dont il a été l’initiateur, notamment en matière de protection sociale, le solidarisme républicain a contribué à dépolitiser la question sociale. En domestiquant par le droit l’association, ses pratiques, ses utopies, il a refroidi l’évolution inventive qui l’avait précédée. En témoigne la législation républicaine qu’il a inspirée et qui va fixer, à partir de la fin du XIXe siècle et au cours du XXe siècle, les statuts distincts des coopératives, des mutuelles et des associations. 2.1.2 Elle est différente de la notion de mutualité = Le dictionnaire Larousse nous rappelle que ce mot désigne “ un système de solidarité entre les membres d’un groupe professionnel, à base d’entraide mutuelle“. Cet essai de clarification ne nous fournit pas les raisons expliquant les différences de vue du mutualisme et du syndicalisme. Aussi est-ce en reprenant l’évolution historique, que nous allons saisir le point de départ de leurs divergences. Depuis la révolution industrielle, les fonctions de revendications et de prises en charge ont été assurées, tant bien que mal, au sein du monde du travail par les sociétés de secours mutuel. Or nous avons vu précédemment que depuis 1791, la loi Le Chapelier interdit aux ouvriers toute autre forme d’association pour défendre leurs intérêts. Au lendemain de son coup d’Etat, en mars 1852 , Napoléon III jette les bases d’un mouvement mutualiste original. Des sociétés d’un type nouveau, les sociétés approuvées, sont désormais organisées sur la base géographique de la commune ou de la ville, et non sur une base professionnelle comme cela était le cas auparavant : elles perdent ainsi tout caractère d’organisation pré-syndicale . Par ailleurs ces sociétés se voient accorder de nombreux avantages, mais au prix d’un contrôle social étroit effectué par les notables, qui désormais dirigent ces sociétés sous la surveillance étroite du pouvoir . Or depuis 1840, nombre de sociétés de secours mutuels s’étaient transformées progressivement en sociétés de résistance (résistance au patronat et à ses tentatives de baisse des salaires) qui soutiennent des grèves. Ces sociétés de résistance deviendront des chambres syndicales, en partie par imitation de ce qui s’était passé en Grande -Bretagne, où déjà depuis plusieurs décennies, des trade-unions, étaient apparues, et à la suite du voyage qu’avait fait à l’Exposition Universelle de Londres en 1862 , un certain 94


nombre d’ouvriers envoyé par l’ empereur . Dans l’évolution qui s’amorce, la guerre de 1870-1871, la Commune, et la répression introduisent une brutale coupure . Il faut attendre plusieurs années pour que le mouvement reprenne. Dès lors la mutualité se spécialise dans la prise en charge des besoins sociaux du monde du travail ( obsèques , maladies , peu à peu retraites ). Vers 1880 , les débuts de la structuration nationale du mouvement ouvrier coincident avec ceux de l’ère réformatrice républicaine. Les républicains mettent en oeuvre un ensemble de réformes parmi lesquelles la loi de 1884 sur les syndicats: elle limite leur intervention “à la défense des intérêts économiques” et leur interdit toute intervention dans le politique. Les syndicats peuvent aussi constituer des caisses de secours mutuels et de retraite. Une autre loi également votée en 1884 autorise les municipalités à aider à la constitution de Bourse du Travail. Ces bourses organisent le soutien aux salariés en les aidant à trouver un emploi, à se développer sur les plans professionnels et culturels; elles sont aussi des centres de résistance et d’agitation révolutionnaire .Pourtant en associant ainsi revendications et prises en charge , les Bourses du travail ne comblent pas le fossé existant entre mutualistes et syndicalistes. Ces derniers rejettent l’union entre les classes que défendent les mutualistes; par ailleurs les besoins sociaux pris en charge par les bourses du travail diffèrent de ceux dont s’occupent les mutualistes. Alors que le travail formation, recherche et sauvegarde d’un emploi, amélioration du salaire, est au coeur de l’activité des Bourse ; ce sont les questions de santé (prise en charge de la maladie ) et de vieillesse (retraites , obsèques) qui constituent le fondement de l’activité mutualiste. L’instauration de la Sécurité Sociale à la Libération représente une revanche des syndicalistes sur les mutualistes. Pour la première fois de notre histoire est envisagée une couverture sociale de toute la population, ainsi que sa gestion démocratique par les organisations syndicales. Mais si le rapport des forces de la Libération a joué, la Sécurité Sociale n’est pas seulement “une conquête ouvrière », contrairement à ce qu’affirmeront ultérieurement les syndicalistes. Le plan de Sécurité Sociale est adopté le 4 octobre 1945 et complété par deux ordonnances le 19 octobre. la première aménage les assurances sociales; la seconde définit à la Mutualité de nouvelles orientations complémentaires à la Sécurité sociale. Jusqu’alors, la Mutualité s’est chargée de “ risques classiques”: maladie, vieillesse et maternité. Maintenant elle doit s’engager 95


dans trois directions :

prévention des risques sociaux et réparation de leurs

conséquences; encouragement de la maternité, de la protection de l’enfance et de la famille; aide au développement moral ,intellectuel et physique de ses membre . Au total la Mutualité devient l’expression d’un nouveau concept = celui de la réponse à des besoins sociaux que ne peuvent prendre en charge, ni un parti, ni un syndicat. Mais cela fait également que ce concept est fort éloigné du principe de complémentarité . 2.1.3 Elle est différente de la notion de subsidiarité (Ce

concept

de

subsidiarité

semble

attaché

au

principe

de

réciprocité)

Pour nous fournir le meilleur éclairage possible allons donc feuilleter le dictionnaire. Que nous apporte la lecture du Littré =* subside: secours d’argent que les sujets donnent à leur souverain . Levée de deniers faite pour les nécessités de l’Etat. * subsidiaire: qui vient en aide à quelque chose de principal . Terme de jurisprudence : qui sert à fortifier un moyen principal. * Principe de subsidiarité :transferts des pouvoirs vers les niveaux les plus bas et droit d’accès aux espaces publics où se confectionnent et sont mis en délibération les projets liés à un territoire et à des populations donnés. Pour essayer d’illustrer ce principe nous partirons d’un essai d’analyse sur les Services d’Echanges Local. Ces services constituent une sorte de structure d’expérimentation équivoque. Ce sont nous semblent -il “des formes organisées d’insoumission cognitives ou des espaces de rétivité qui se sont glissés dans les interstices des structures sociales, déployant leur logique et leur efficacité propres entre deux systèmes auxquels ils sont organiquement liés, le système de solidarité social garanti par l’Etat et le système de solidarité locale qui se manifeste dans le principe de subsidiarité71 Tout se passe comme si les S.E.L. avaient pour fonction de relayer la solidarité nationale, tout en s’appuyant sur elle, afin d’accroître et d’élargir l’espace de la solidarité locale. Ils ne mettent nullement en cause la structure des inégalités sociales , LACHER (S.), Les S.E.L. entre utopie politique et réalisme économique, La Découverte, 2002 : Mouvement n°19 71

96


mais ils utilisent le système d’échange étatique: la monnaie, le prélèvement, la redistribution et renforcent la solidarité locale. Cet apprentissage de la solidarité civile “ entre soi “ parce qu’il est ouvert sur le monde

“ reste propice à l’invention de

nouveaux types de liens sociaux , qui ne laissent personne , sans foyer où s’abriter et sans marché où échanger »72 Les activités au sein des S.E.L. ne peuvent juridiquement, être ni qualifiées de bénévoles (dans la mesure où elles appellent à une réciprocité), ni d’activités lucratives (car elles n’apportent ni monnaie ni profit, et l’association elle-même ne prélevant pas de pourcentage sur les transactions ne peut être qualifiée d’entreprise), ni d’activités subordonnées ce qui les assimilerait au salariat (car personne ne commande personne). Au total, cette brève réflexion sur le principe de réciprocité, nous apporte l’idée qu’il s’agit peut être d’un autre modèle de lutte, à la fois privée et collective, contre l’exclusion, la désaffiliation par le biais d’une nouvelle forme de marchandisation des relations d’aide entre voisins. Nous sommes encore fort à distance du principe de complémentarité que nous voulons définir; mais cela exigera peut être que nous puissions citer dans les chapitres suivants quelques utopies communautaires qui ont eu une portée philosophique Car c’est bien dans leur application sur le terrain que se sont avérés les échecs. A l’issue de toutes ces observations quel est dans notre recherche le regard que nous pouvons porter sur le principe de subsidiarité?... - il s’agit d’un concept qui est lié au domaine économique; - il s’inscrit comme cela a déjà été observé dans l’étude sur les Bourses du Travail , dans le soutien aux salariés en les aidant à trouver un emploi, et à se développer sur le plan professionnel et culturel ( création de nouvelles solidarités dans un environnement local); - il est cependant fort éloigné de la notion d’un collectif, dans lequel “ chaque individu quelque soit sa rémunération , son rôle et sa fonction , est reconnu comme ayant la capacité de participer à une mission commune”. Or dans notre recherche sur le principe de complémentarité nous allons essayer de démontrer que tout sujet singulier , SUPIOT (A.), Les mésaventures de la solidarité civile : pacte civil de solidarité et S.E.L., Droit Social n°1 Janvier 1999 72

97


dans la mesure où il retrouve des liens d’appartenance est capable d’apporter une aide aux autres. Nous nous trouvons ainsi bien loin d’un principe qui s’inspirant du monde marchand , présente ici des effets réducteurs . En effet comme le dit Jean OURY72 bis « ce qui uniformise les gens, c’est un mauvais usage de l’imaginaire, un imaginaire laissé à l’état de nature ». Alors que ce qui parait essentiel à développer dans la notion de complémentarité c’est «que chaque personne soit reconnue comme ayant un savoir sur sa propre vie » .Nous pouvons en déduire que la complémentarité se fonde sur la distinctivité Au total, les résultats de notre travail sur la délimitation de notre sujet, en écartant les effets secondaires qui ont émaillé l’évolution des idées concernant les mots= solidarité , mutualité , subsidiarité nous incite à une extrême prudence quant à l’approche d’un concept. Pour éviter qu’un principe ne soit pas contaminé par la notion dominants dominés, il est très important de lui adjoindre en quelque sorte des “ garde-fous”. Après avoir essayé de traiter tout ce qui a conduit au modèle décrit par Bohr, nous tenterons de reprendre les huit composantes de C.KAISER 73 (permettant de décrire et d’analyser la complexité de la réalité), de façon à dégager le principe de complémentarité de toutes les scories qui peuvent en altérer le sens .

2.2 Le principe de complémentarité 2.2.1 La recherche à partir du vocabulaire Nous avons éprouvé une réelle difficulté à faire émerger le terme lui-même , et le peu de littérature sur la question , nous permettait de supposer qu’il y avait sûrement un autre terme qui en réduisait l’utilisation dans le domaine des Sciences Humaines . En effet à chaque fois qu’apparaissait dans un ouvrage le mot « complémentarité » , l’auteur devenait hésitant comme s’il semblait redouter que les propos soutenus par lui-même , ne l’entraînent soit du côté de l’ utopie , soit du côté de l’illusion groupale . Aussi pour essayer de retrouver l’élément qui allait fonctionner comme une sorte de fil rouge, nous avons interrogé les différents champs où l’on retrouvait

les mots ,

72 bis

OURY (J.)Séminaire de Ste Anne « le Collectif »

KAISER (C.), reproduit en tête d’un deuxième recueil de ses articles, Quantum Physics and Philosophie, et paru sous le titre Essays 1958­1962 on Atomics Physics and Human Knowledge, New York Interscience Publishers 1963, pp.7 73

98


complémentaire , complémentarité, complémentarisme , pour terminer notre exploration par le principe de complémentarité . 3.-- le mot : “ complémentaire = - en mathématiques = les angles et les figures complémentaires - en physique = les couleurs complémentaires , avec la particularité qu’offre la couleur blanche, qui en est le stade extrême. - en pétrographie = la découverte d’un certain type de roche , laisse présager qu’il y a du pétrole dans son voisinage immédiat . - en philosophie = les premiers philosophes grecs (école de MILET 600 ans avant J.C.) soutenaient que le point de départ des origines de la vie devait sourdre dans l’interstice entre les termes liés aux paires contradictoires (chaud-froid , sec-humide , dur-tendre ...)

Pour la première fois

apparaissent les mots

contradictoires et

antagonistes . Les interrogations que pose la lumière blanche, les paires contradictoires, mais aussi l’un et le multiple nous plongeant dans l’embarras , quittons ce terme pour envisager le terme suivant : le mot complémentarité . 2.-- le mot : “ complémentarité “ a).- dans le domaine religieux : Prenons l’exemple de HUNAYN IBN ISHAQ ( 808 - 873 ) . HUNAYN a oeuvré aux confins de trois langues et de trois traditions = la philosophie gréco-paÏenne, la tradition arabo-musulmane et la culture syriaque chrétienne. Ce sage était pourtant cité comme une référence de la culture arabo-musulmane . La réflexion dans ce domaine nous apprend que la complémentarité demande qu’il y ait une culture commune , mais qu’elle exige également une tranversalité . Au nom de l’œcuménisme, des religieux peuvent se rassembler pour participer à des actions complémentaires. b).- dans le domaine philosophique : * DEMOCRITE et les “ atomes formels “ constitutifs de la matière . * LEIBNIZ dans son oeuvre portant sur les monades et les agrégats , insiste sur la nécessité d’une harmonie . « Le mécanisme qui est le propre de la nature 99


composée, n’est autre chose qu’une imitation de l’harmonie interne de substances »75 * Cornelius CASTORIADIS développe les conditions qui vont permettre à un individu autonome de participer à une société autonome. Dans ce travail, consistant à élucider ce qu’est une vraie démocratie, l’auteur insiste sur la nécessité d’une éducation au départ, et sur la disparition de la fraction dirigeants / exécutants. Il y a chez cet auteur deux idées essentielles : l’une portant sur la nécessité d’une culture commune; l’autre fondée sur le constat que chaque individu a un savoir qu’il peut enseigner aux autres.76 - c).-dans le domaine sociologique : * DUPRÉEL Eugène (professeur de Sociologie à Bruxelles) qui développe le concept de complémentarités sociales77 Chaque personne responsable doit maintenir la distance entre statut, rôle et fonction. Pour faire cette gymnastique diacritique , il est nécessaire de mettre en place une structure adequate qui favorise un « processus d’institutionnalisation »Il ne s’agit pas d’un puzzle, ni d’une structure mathématique, mais plutôt d’une matrice de tenseurs. Eugène DUPRÉEL décrivait des rapports complémentaires entre les êtres humains en les distinguant en tant que rapports directs et indirects. Les rapports complémentaires indirects ont un rôle particulièrement important dans le tissu institutionnel. Ils sont inséparables de la responsabilisation. Chacun d’entre nous partage avec les autres une certaine responsabilité, et cela semble renforcer la nécessité d’une transmission de nos valeurs à la génération qui nous suit. Nous insisterons plus loin sur cette notion de responsabilité partagée. -

d).--dans le domaine économique

Au début de cet écrit , nous avons relaté nos discussions avec Madame M-C.P. Doyen de la section Economie et Gestion à l’Université de Dijon. Cette enseignante alors que nous évoquions des difficultés dans nos recherches sur la complémentarité, nous a appris que ce concept était très souvent utilisé en économie, et qu’il entretenait beaucoup de confusions . Elle nous a donc conseillé de choisir des exemples récents pour mieux analyser les rapports complémentaires existant dans le domaine du monde marchand. BOUTROUX (E.).­ La Monadologie de Leibniz.­,Paris : Librairie Générale Française, collection Livre de Poche : 1991,p. 208 76 CASTORIADIS (C.).­ L’institution imaginaire de la société.­ Paris : Seuil, 1975 77 DUPREEL (E.).­ Le pluralisme sociologique, fondements scientifiques d’une révision des institutions.­ Bruxelles : Office de publicité : 1945, 13x18, 80 pp 75

100


C’est la raison pour laquelle nous relatons trois situations expérimentales . Il s’agit pour nous d’exemples cités dans l’émission “ La rue des entrepreneurs » ( Didier HADES et Dominique GAMBERT ) le 29 Janvier 2000 sur la chaîne de radio « France Inter » * Exposé de Michel GANDET ,Conservatoire National des Arts et Métiers, Chaire de Prospectives en Entreprises qui interroge la question : “ Pourquoi ne pas s’inspirer de ce qui réussit ?...” Il relate cette situation particulière qu’il a observé en Lorraine et dans le Nord de la France : Lorraine une douzaine de groupements d’employeurs , Nord 17 groupements d’employeurs soit 218 entreprises L’objet est de fédérer les chefs d’entreprises dans l’utilisation d’un personnel temporaire qui devient fidélisé . Ce personnel connaît l’entreprise et est adaptable immédiatement, lorsqu’il revient sur le site . Les travailleurs préfèrent en général le travail sur deux entreprises . Cette organisation fournit à la fois un apport intéressant pour les entreprises, mais aussi pour les salariés qui obtiennent ainsi un contrat à durée indéterminée (C.D.I.). * Signalons une situation apportée par Eric BESSON , Maire d’une petite commune de la Drôme qu’il intitule : “ Pour un plan d’urgence à la création de petites entreprises “ Il s’inspire de ce qui est fait aux U.S.A. sous le terme de Small Business Act . Cette organisation peut offrir la possibilité de travailler pour des marchés publics, à des gens qui paraissent défavorisés et qui présentent un projet de petite entreprise . Cet auteur insiste sur l’idée d’un partenariat local. Le conseil Municipal pouvant être promoteur s’associe à ce groupement de petites entreprises.

* Cette même idée de complémentarité est reprise par les habitants du village de Plomeudeuc ( Morbihan ) Pour faire aboutir les projets de petites entreprises, les villageois vont verser de 500 à 1.500 euros pour qu’un jeune adulte ait un capital pour démarrer son entreprise. Les villageois deviennent actionnaires. Ils acceptent le risque , soit de perdre , soit de recevoir des dividendes liés à leurs actions . Or cela marche, au moment même où les banquiers refusent de financer les projets des 101


jeunes et n’acceptent pas d’apporter leur concours. Ils ne s’intéressent qu’aux projets de haute technologie , qui donneront des résultats dans les dix ans. De plus, cette idée a permis de créer de nouveaux emplois dans le village . Ces trois situations expérimentales illustrent, ce qui était décrit par Eugène DUPRÉEL, sous le terme de rapports complémentaires indirects. On retrouve une notion intéressante celle de responsabilité partagée, au bénéfice d’employés à temps partiel, de gens défavorisés, ou de jeunes qui n’ont pas de trésorerie. Notre amie, enseignante en économie, nous avait donc bien dirigée. Nous traiterons un peu plus loin du contenu de sa phrase « concept entretenant des confusions », lorsque sera abordé le diagnostic différentiel du principe de complémentarité. Il sera également traité de l’idée de responsabilité partagée, lorsque nous analyserons les raisons qui poussent des salariés d’un collège à participer à des modifications permettant à l’élève de prendre sa juste place. -e).- dans le domaine de l’Education : 

la Pédagogie institutionnelle= Le mot institutionnel ne doit pas être pris dans le sens d’une structure établie, mais dans une perspective dynamique. D’après Jean OURY« il s’agit de l’institution de systèmes de médiation dans lesquels les personnes ne sont plus simplement face à face, mais parlant de quelque chose qui existe et oeuvrant sur quelque chose qui existe en dehors d’eux et dont ils sont responsables »78

Fernand OURY et Françoise THEBAUDIN

79

, réélaborent les bases de la pédagogie

institutionnelle. Cette pédagogie se voulant « instituante » pour les élèves de la classe. Elle laisse une large place à la médiation par la parole et au conseil coopératif qui vise à réguler les tensions dans le groupe. Le « Quoi de Neuf » permet le récit d’évènements du week end ou la formulation de découvertes personnelles. Le « Conseil de Classe », dont la présidence est assurée à tour de rôle à chaque séance par un élève, autorise la verbalisation de conflits récents ainsi que l’évocation des troubles du comportement de tel ou tel condisciple. Par exemple, nous aspirons une véritable bouffée d’oxygène , à la OURY (J.)­La Psychothérapie Institutionnelle et –L’angoisse à l’école, Cahiers Pédagogiques n° THÉBAUDIN (F.), OURY (F.)­ Pédagogie Institutionnelle, Mise en place pratique des institutions

78 79

dans la classe, Paris 1995 Matrice, 153 pages

102


lecture du récit d’une situation dans laquelle « l’enfant bolide »

80

a pu entendre qu’il

dérangeait la classe. Et combien la mise en place de lieux de silence lui a permis de réfléchir sur lui-même, de voir que les autres avaient envie de le voir grandir, et qu’il serait épaulé et accepté s’il commençait à faire des efforts. Cette pédagogie reprenant les idées de Célestin FREINET s’appuie beaucoup sur l’extériorité par le biais de l’imprimerie et la correspondance régulière avec une autre classe semblable située à une grande distance. Elle favorise enfin, l’intégration de la Loi et des Règles par le biais du système des « ceintures de comportement » (inspirées du judo). Cette hiérarchisation des couleurs, débouchant sur des responsabilités, sanctionne les aspects positifs ou négatifs du comportement de l’élève. Il y a bien là, mise en commun de l’auto-évaluation de chaque élève, sous l’attitude socialisante du groupe. Dans le domaine de l’institution scolaire nous pouvons également citer les Ateliers d’Intervention Relationnelle A.I.R. du Lycée de MILLAU (Lozère) . Ces ateliers fonctionnent durant la semaine et permettent aux élèves et aux différents salariés de l’établissement de réfléchir ensemble sur l’organisation et les modifications à envisager pour l’année suivante. - f).-Dans le domaine psychologique et psychothérapique : Il est long et difficile de retracer l’histoire de la Psychothérapie institutionnelle car il s’agit d’un mouvement qui met en cause pratiques et conceptions du champ psychiatrique. En premier lieu il nous faut citer Hermann SIMON de l’hôpital de Warstein, puis celui de GÛTERSLOH et dont le livre fut traduit en 1941 par TOSQUELLES. Herman SIMON privilégie « une thérapeutique plus active ». Il insiste sur la collaboration de tous les membres du personnel : enseignement au personnel, entretiens cliniques communs, étude des résistances des psychiatres et du personnel, etc… Kurt LEWIN, émigré aux Etats-Unis en 1932, met en valeur à partir d’une psychologie phénomènologique gestaltiste, les relations individuelles entre l’individuel et le social. Il insiste sur les rapports dynamiques de réciprocité et sur l’influence de l‘ambiance, de IMBERT (F.).­ Médiations, institutions et loi dans la classe dans la classe.­ avec le GRPI, Paris : ESF, 1994,2èmeedition,1995. 80

103


l’atmosphère culturelle, sur la personnalité des travailleurs. A partir de 1943 en Angleterre, BION et RICKERMAN, s’inspirant de LEWIN et de FREUD étudient « les tensions intérieures au groupe dans la thérapeutique ». A partir d’une expérience collective dans l’armée anglaise pendant la dernière guerre , ils établissent un plan d’action, répartissant les hommes en petits groupes différenciés en respectant leur initiative ; un rassemblement quotidien étudie l’évolution de chacun de ses groupes. L’influence de H.SULLIVAN ne peut être mise de côté. Malgré son attachement au culturalisme et à la psychologie du Moi, il essaie de reformuler les problèmes de la psychiatrie dans son ensemble à partir des conception de dynamismes interrelationnels et celles de la personnalité. Il met en valeur l’importance du « premier entretien », et des interventions spontanées quotidienne dans la « rencontre » avec tel ou tel malade. Il insiste sur le style de la pratique journalière psychiatrique et sur la formation des collaborateurs. Paul Claude RACAMIER reprend les études de A.STANTON et SCHWARTZ sur « l’importance des relations des thérapeutes entre eux dans les prises en charge psychothérapiques ». Il définit les principes de la « flexibilité et de l’individualisation des soins », évoquant aussi bien les problèmes de « résistance », aussi bien des malades que du personnel. « Il suffit que le milieu thérapeutique se dissocie pour que le malade se dissocie »81 Nos reprendrons la phrase de ce grand clinicien que nous avons connu à l’Hôpital de Prémontré, lorsque nous réfléchirons sur les effets positifs de la complémentarité sur les structures scolaires en voie de dissociation. Cette étude fera l’objet de nos discussions dans la dernière partie de notre thèse. Mais reprenons, notre survol de l’histoire des psychothérapies institutionnelles. C’est à l’hôpital de Saint Alban que se rencontrent pendant l’Occupation, François TOSQUELLES, Paul BALVET, André CHAURAUD, Lucien BONNAFÉ,… Sous l’égide de la Société du Gévaudan, ils élaborent les bases théoriques et pratiques du champ psychiatrique dans sa réalité polydimensionnelle. « Le mot multidimensionnel, ne veut pas dire étanchéité entre diverses dimensions, mais mise en acte d’approches différenciées : le social, le psychologique, le psychanalytique , le biologique. RACAMIER (P.C.).­ Psychanalyse sans divan

81

104


Tout ceci montre l’impossibilité de prendre en charge psychothérapique un psychotique si on est seul, et s’il n’existe pas un milieu de référence.82 Autrement dit pour qu’une collectivité puisse fonctionner de façon à peu près efficace, il est nécessaire qu’il y ait une analyse permanente de tous les éléments qui sont des facteurs d’aliénation. Cette fonction analytique fait partie de ce que j’ai appelé « le collectif » : sorte de machine abstraite, dont la fonction diacritique ne peut fonctionner qu’à partir de ses éléments :un club, des tiers-régulateurs, et une quantité d’ouverts .Ce collectif produit la possibilité de sauvegarder un certain degré de liberté, d’initiatives, donc de rencontres ».83 Dans ces Séminaires de Ste Anne Jean OURY précise sa pensée“ mettre en place quelque chose de profondément enraciné dans la vie des gens “ Si l’on pense à collectif il s’agit d’un système très complexe qui permette une expression de l’individu. Il faut que l’on puisse poser une question et qu’il y ait une réponse par un détour institutionnel. » L’essentiel est de délimiter des espaces, pour qu’il y ait des espaces de jeu ( au sens de WINNICOTT ) « Là où il puisse se manifester quelque chose , où çà puisse apparaître », « chaque individu a un savoir qu’il peut partager avec les autres ».Ce chercheur insiste beaucoup sur la création permanente

“d’une

distinction dans un ensemble “ , et il ajoute “ il faut qu’il y ait cheminement du sens dans le respect de la singularité de chaque participant84 “ . Nous pouvons rappeler que c’est Georges DAUMEZON et Philippe KOECHLIN qui introduisent le terme de « psychothérapie institutionnelle » en 1952, dans les « Anals Portugais de Psichiatria ». Il s’agissait de réaliser une transformation radicale de la pratique psychiatrique, cette modification ne pouvant être envisagée qu’avec la participation du personnel infirmier et des différents secteurs professionnels de l’hôpital. Enfin c’est en 1965 qu’est fondée la Société de Psychothérapie Institutionnelle (SPI). C’est ainsi que ce groupement prit naissance sous l’impulsion en particulier de Félix GUATTARI, et de la Fédération des groupes d’études etr de recherches institutionnelles. Sa revue « Recherches », réunissait des groupes de psychiatres, de psychanalystes, d’architectes, d’éducateurs, d’instituteurs, et de psychologues. OURY (J.)­ Psychanalyse et Psychiatrie et psychothérapie Institutionnelle, L’apport freudien­Eléments pour une encyclopédie de la Psychanalyse 1993 Bordas­pp.828 82

OURY (J.), opus cité précédemment, p.837 OURY (J.) Séminaire de SteAnne­ Le Collectif, Paris, 3e scarabée, 1980, p.32

83 84

105


Cette remarque sur « le cheminement du sens dans le respect de la singularité de chaque participant » atteste que ce mouvement s’est élaboré à partir de la notion de complémentarité des individus. Conclusion = Dans cette réflexion sur la vie des Groupes et sur la vie Institutionnelle , apparait très fortement l’idée que la complémentarité n’est possible que s’il y a un élément stabilisateur. Nous pourrions donc choisir et adopter le terme de “complémentarité stabilisée“ . Pour éclairer davantage notre propos, nous allons découvrir les exigences du complémentarisme et celui du principe de complémentarité “ . 3.- Le mot complémentarisme Nous prendrons comme

concept le “complémentarisme ».La vie de Georges

DEVEREUX (1908-1985) a été une succession de spécialisations très approfondies, d’abord la musique, puis les mathématiques et la physique. Elève de Marcel MAUSS, de Lucien LEVY BRUHL et de Paul RIVET, au début des années 1930, il associe toujours la pratique de l’ethnologie à celle de la psychanalyse. Or, dans le cadre de la mécanique quantique, en 1927 le physicien allemand Werner HEISENBERG formule le principe d’incertitude, appelé parfois aussi principe d’indétermination. C’est en transposant aux phénomènes humains le principe d’incertitude de Heisenberg “ il est impossible de déterminer ( mesurer ) simultanément et avec la même précision la position et le mouvement d’un électron »85 , que DEVEREUX développe la pensée complémentariste “ construction théorique et pratique qui précise les lignes de démarcation et les apports de deux disciplines face aux mêmes matériaux . Les phénomènes accessibles par “ l’expérience sensible immédiate “ constituent les matériaux de base de tout travail scientifique. Suivant le postulat qu’aucun phénomène n’a de sens inhérent, chaque fait brut est susceptible de plusieurs interprétations . Si l’on reprend l’idée de Freud suivant laquelle , les comportements des êtres humains sont surdéterminés, « cela conduit à chercher plusieurs mécanismes de causalité . Chaque DEVEREUX (G.).­ Ethnopsychanalyse complémentariste Paris 1972, p. 21

85

106


mécanisme étant capable d’expliquer cet acte surdéterminé »

86

DEVEUREUX ajoute qu’en sciences humaines , un fait brut n’appartient automatiquement ni à la sociologie ni à la psychologie , mais que chaque cadre explicatif l’oblige à se transformer en donnée de la science choisie. « C’est parce que ces deux explications ont trait au même fait brut que les deux discours ne peuvent être tenus simultanément. Ceci explique qu’il existe un rapport de complémentarité , au sens rigoureux du mot , entre ces deux discours » 87 « L’incomplétude de mes explications n’est pas seulement ce qu’il y a de plus valable dans mon oeuvre - elle est aussi ce qui me protège des inévitables séductions et pièges de la pose d’omniscience . En effet , la méthode complémentariste présuppose et exige même la coexistence de plusieurs explications, dont chacune est presque exhaustive dans son propre cadre de référence , mais à peine partielle dans tout autre cadre de référence. Ce qui importe, c’est la définition des rapports entre ces différentes explications » .83 Quittant le domaine de la science, DEVEUREUX va évoquer sa conception de l’homme , qu’il a fondé sur une telle posture en s’intéressant à ce qu’il y a de commun à tous les hommes. Sa définition de l’être humain est basée sur la distinction entre l’homme être de culture et l’homo sapiens, conçu en termes biologiques. Mais la précision va encore plus loin « Or la qualité d’être humain implique précisément la capacité d’être hautement

unique, hautement

différent des autres .C’est la

dissimularité, fonctionnellement pertinente, d’un homme par rapport à tous les autres qui le rend humain; semblable aux autres précisément de par son haut degré de différenciation ». 6 Les recherches de cet auteur nous révélant bien les paradoxes du mot complémentarisme s’il est utilisé en Sciences Humaines, nous allons mieux saisir les exigences du principe de complémentarité tel qu’il est abordé dans ce domaine . 86

DEVEREUX (G.).­ Essais d’ethnopsychiatrie générale.­ Paris : 1970 p.87 DEVEREUX (G .).­ Ethnopsychiatrie complémentariste , ouvrage déjà cité : p 22 83 DEVEREUX (G.).­ Ethnopsychiatrie complémentariste , ouvrage déjà cité : p.23 87

6

107


2.2.2 Le Principe de complémentarité dans le domaine de la Physique 2.2.2.1.-Les circonstances ayant favorisé l’apparition du Principe

de

Complémentarité L’utilisation de ce terme par Niels BOHR , lui a été inspiré par un de ses maîtres. Rappelons que ce chercheur était un physicien célèbre , mais également très intéressé, étant jeune étudiant, par le cours d’histoire de la philosophie et de la logique, professé par un ami de son père nommé HÔFFDING qui reconnaissait lui-même dans ses travaux l’influence de KIERKEGAARD. Or, HÔFFDING évoquait fréquemment que ce qui retenait l’attention dans l’oeuvre de Kierkegaard, c’était avant tout, l’accent mis sur le rôle de la discontinuité. « Cet auteur avait pour idée principale, que les différentes conceptions possibles de la vie présentent une opposition si profonde qu’il faut faire un choix , de là sa maxime ou bien ou bien ; et un choix où la personnalité individuelle doit se décider elle-même- de la maxime l’individu ». (Höffding - Histoire de la philosophie moderne). L’insistance de Kierkegaard sur la discontinuité régnant entre des pôles incompatibles, sur le “saut “ plutôt que sur une transition progressive, et sur la nécessité de tenir compte de chaque individu. Cette position “ non classique “ en philosophie“ va apparaître en filigrane dans la théorie de Copenhague, lorsque BÖHR dans son exposé évoque : les sauts quantiques, la causalité probabiliste, la description liée à l’observateur et la dualité, et qu’il mettait en évidence la dichotomie intrinsèque avec la physique classique. Mais comment Niels BHR a -t-il connu HÖFFDING ?... Christian BÖHR, le père de Niels, était professeur de physiologie à l’université de Copenhague. Dans son adolescence Niels BÖHR eut accès au laboratoire de son père, étant admis à y travailler, ainsi qu’à y rencontrer les chercheurs curieux de philosophie avec lesquels son père était en étroite relation, comme Harald HÖFFDING, professeur de philosophie. HÖFFDING venait souvent rendre visite au professeur BÖHR, lors de 108


réunions d’un cercle informel constitué par le physicien Christian CHRISTIANSEN, le philologue WILHEM et le professeur BÖHR C’est ainsi que le jeune BÖHR se lia d’amitié avec HÖFFDING et qu’il a ainsi pu assister au cours portant sur l’histoire de la philosophie et de la logique . Dans ses leçons HÖFFDING évoquait toute son admiration pour William JAMES . La lecture du chapitre que JAMES a consacré au” Courant de la pensée “ ménage des surprises au physicien, au fait des apports de Niels BÖHR à la physique atomique “ (ROSENFIELD “ Niels BÖHR ‘s Contribution to epistemology ) Afin de mieux comprendre la terminologie utilisée dans la physique quantique, il nous faut écouter JAMES. Ce philosophe envisage le « courant de la pensée » comme une suite de changements individuels, d’un état stationnaire à un autre, avec de brèves périodes d’arrêt sur un de ces états. Relisons JAMES= « Il semble que le courant de la conscience , comme la vie d’un oiseau , est fait , tour à tour , d’envols et de haltes à un perchoir . . C’est ce qui s’exprime dans le rythme du langage où chaque pensée s’exprime dans une phrase et chaque phrase est close par un point . Appelons “ états substantifs “ ceux où le courant de la pensée s’arrête, et “ états transitifs “ ceux où il vole “ Mais une difficulté se présente , c’est celle de se « rendre compte par l’introspection, de la vraie nature des états transitifs ». Si , par contre, on attend que la conscience se retrouve dans un état stationnaire , alors s’en est fini de l’état transitif. » Comme l’écrit William JAMES “ Qu’on essaye un peu de faire une coupe transversale d’une pensée , et d’en examiner la section ; et l’on saisira la difficulté d’une observation , par l’introspection , des passages transitifs. Ou, si l’on est assez vif pour l’arrêter, elle cesse à l’instant d’être elle-même. Tenter une analyse introspective dans ces conditions reviendrait à monter le gaz assez vite pour voir l’obscurité ». On retrouve ici les attitudes de l’enfant qui souhaite comprendre comment peuvent apparaître soit l’obscurité, soit le lumière. Le fait de laisser ses pensées suivre leur cours, et, celui de prendre ces pensées comme sujet d’analyse introspective, constituent en quelque sorte deux situations expérimentales, telles que l’une exclue l’autre. Arrivés à ce point de réflexion ,comment se conçoit la complémentarité en mécanique quantique ?... Dans ce domaine , la description des particules élémentaires (comme l’électron ) qui 109


constituent la matière nécessite l’utilisation de termes qui apparaissent mutuellement exclusifs et que nous appellerons contradictoires “ ou antagonistes (A et non A ) . Ainsi un électron par exemple est une particule élémentaire bien connue : sa trace et son impact peuvent être enregistrés dans un détecteur (propriétés corpusculaires) .Mais ses propriétés ondulatoires sont tout aussi bien établies et elles se manifestent notamment dans les phénomènes de diffraction (avec interférométrie) . Pour décrire une particule , la physique quantique parle d’onde et de corpuscule , même si expérimentalement, le caractère ondulatoire

ou

le caractère corpusculaire se manifeste seul. Or ces deux

images, onde et corpuscule s’excluent l’une l’autre. En effet une chose donnée ne peut pas être en même temps dans notre langage classique, une onde (c’est-à-dire un champ qui s’étend sur un espace assez grand) et une particule (c’est-à-dire une substance enfermée sous un très petit volume) . Pourtant avec la complémentarité, la continuité (aspect ondulatoire) et la discontinuité (aspect corpusculaire) vont être appréhendés simultanément dans la description des particules élémentaires .

2.- L’exploitation de ce concept par Niels BÖHR

C’est au mois de septembre 1927 , en Italie , que Niels BÖHR présenta pour la première fois à un congrès sa formulation du concept qu’il avait isolé sous l’expression : « le principe de complémentarité ». Pour l’essentiel les propos de ce physicien faisaient suggérer qu’il convenait, non pas de résorber les antagonismes, mais de bien comprendre le caractère complémentaire que présentent les différentes descriptions. On trouve ainsi de nombreux couples contradictoires (ou d’antagonismes) en mécanique : continuité - discontinuité ,

séparabilité - non-séparabilité ,

symétrie-rupture

de

symétrie , causalité locale-causalité globale. La question est alors, comment concilier la continuité et la discontinuité, la séparabilité macroscopique , et la non-séparabilité microscopique ?... Parmi les différentes approches proposées pour résoudre cette question , celle des 110


physiciens BÖHR et HEISENBERG avec le principe de complémentarité constitue semble-t-il la plus probante à ce jour. Pour eux le complémentarité décrit un phénomène par deux modes différents qui doivent être exclusifs. C’est seulement en considérant ces deux modes contradictoires que l’on peut entrer dans une compréhension du phénomène, « En jouant de deux images (onde-corpuscule) par exemple, en passant de l’une à l’autre et en revenant à la première, nous obtenons finalement l’impression juste sur l’étrange sorte de réalité qui se cache derrière nos expériences atomiques. »89 BÖHR montrera ainsi que le postulat fondamental, en mécanique quantique, de l’indivisibilité du quantum d’action nous oblige à adopter un nouveau mode de description désignée comme complémentaire. Toute application donnée des concepts classiques empêche l’usage simultané d’autres concepts classiques qui, dans un contexte différent, sont également nécessaires pour l’élucidation des phénomènes. Soulignons ici fortement, l’importance du mode de couplage des conditions expérimentales et de l’appareil conceptuel qui est à la base du principe de complémentarité. Ce point est essentiel pour l’analyse philosophique de l’idée de complémentarité. Dans les dernières années de sa vie , Niels BÖHR souhaitait que son principe déborde le champ de la mécanique quantique . La conférence de 1927 se concluait par cette phrase : « J’espère toutefois que le concept de complémentarité est susceptible d’élucider les difficultés actuelles, qui présentent une analogie si profonde avec les difficultés d’ordre général, dans la formation des concepts humains, résultat de la nécessité de faire une distinction entre sujet et objet ». C’est ainsi que dans son essai intitulé “ Physique quantique et philosophie » concluait par ces mots : « Il est significatif

90

BÖHR

que en d’autres domaines de la

connaissance, nous rencontrons des situations rappelant celles que nous connaissons en physique quantique . Ainsi, l’intégrité des organismes vivants, et les caractéristiques de la conscience des individus autant que celle des cultures humaines, présentent les traits d’un tout, qui impliquent pour en rendre compte , un mode de description typiquement complémentaire “. HEISENBERG (W.),.­La partie et le Tout.­ Paris : Albin Michel, 1972 pp.144 BOHR (N.), Physique quantique et connaissance humaine.­Edition établie par Catherine Chevalley

89 90

coll. Folio­Essais,Paris : Gallimard 1991. Les racines de la complémentarité cité dans le recueil de HOLTON L’imagination scientifique,Paris : Gallimard, 1981, p.126

111


Les racines de la complémentarité chez BÖHR, sont donc à chercher non seulement dans l’histoire du concept de lumière, mais aussi dans son expérience personnelle avec des préoccupations plus existentielles que purement scientifiques. En se heurtant à la complexité de la réalité (ce qui résiste à nos représentations, la nature dont l’homme fait partie pour le scientifique), les représentations du scientifique laissent souvent apparaître des aspects contradictoires (antagonistes) à un certain niveau de compréhension ou d’expérience.

2.2.3 La cohérence nécessaire pour passer des Sciences Physiques aux Sciences Humaines Les exigences de la pensée scientifique moderne sont bien décrites par ULLMO “ Nous n’avons d’autre moyen de connaître un « système constitué par un élément utile (électron proton, etc...) comme tout objet, qu’en le soumettant à une interaction avec un autre système, en particulier avec un champ de lumière (en incluant dans ce terme les radiations de toute longueur d’onde, rayons X, rayons gammas,jusqu’aux photons de la plus grande énergie dont on dispose , si l’on veut le « voir ». Plus nous voulons que ce repérage soit précis, plus l’interaction doit être finalement localisée. »91 C’est là le phénomène physique objectif qui est au fondement des limitations expérimentales et par contre a fait apparaître les relations d’incertitude. Ce point a été souvent obscurci par la terminologie positiviste et même subjectiviste, de BÖHR et surtout

de HEISENBERG, qui ne parlent que de contrariétés d’observations et

d’interventions du sujet observant, et font oublier ainsi la source objective de ces contrariétés et de ces interventions. “ L’expérience de la localisation ne correspond jamais à un simple contact: c’est toujours un choc. Ce n’est jamais une vision gratuite: c’est toujours un échange énergétique »92 Les exigences de la pensée scientifique moderne vont faire apparaître l’importance de ULLMO (J.), La pensée scientifique moderne, Paris 1969, Champs Flammarion, pp. 118 BACHELARD (B.), L’expérience de l’espace et la physique contemporaine, 1937, Paris, Alcan, pp. 35­

91 92

36

112


trois termes : le travail sur les corrélations répétables, la contrainte, et la notion d’objet collectif. a).- Le travail sur les corrélations répétables : c’est-à-dire en quoi le concept scientifique peut s’appliquer aux sciences humaines. Donnons un exemple tout théorique de la désignation d’un être scientifique par une telle corrélation répétable, en étudiant ce que pourrait être la définition objective d’une “ espèce “ de fleurs. Dans une première approximation, nous aurons des raisons de penser que certaines fleurs choisies d’après des critères extérieurs convenables (par exemple, issues d’oignons de même apparence et ayant le même âge, etc….) appartiennent à la même espèce. Si nous prenons une première collection de ces fleurs, et que nous fassions la mesure simultanée de deux grandeurs caractéristiques pour chacune d’elles, nous n’obtiendrons pas une relation rigoureuse entre ces deux mesures valable pour toutes les fleurs, mais une corrélation ; chaque couple de valeurs aura une certaine fréquence relative dans la collection . Si nous répétons l’expérience collective sur d’autres collections choisies d’après les mêmes critères extérieurs et s’il arrive que nous retrouvions toujours, pour les deux caractères choisis la même corrélation, nous pourrons affirmer que toutes les fleurs étudiées appartiennent bien à la même espèce, et que les critères adoptés en première approximation, étaient bien valables. Nous pouvons dire que “ l’espèce “ est commune à toutes ces fleurs parce qu’elle a donné lieu à des corrélations répétables. “ La constatation d’une corrélation répétable nous a permis d’atteindre , de désigner un être objectif »93 Notre place d’accompagnant auprès de 14 équipes, n’a pu nous fournir de données interprétables, que parce que dans leur constitution et leur évolution , nous avons retrouvé des corrélations répétables. b).- La contrainte : Elle est plus puissante encore, comme argument de réalité et source de conviction: le savant croit à ce qu’il trouve parce qu’il ne peut pas faire autrement. L’histoire de la science depuis cinquante ans est celle des luttes et des résistances des savants contre des nouveautés qui bouleversaient leurs ULLMO (J.), La pensée scientifique moderne, ouvrage déjà cité, pp.46

93

113


habitudes, ou choquaient leurs modes de pensée les plus invétérés, et qui se sont imposés inexorablement. « La contrainte qui est déjà source d’objectivité au niveau élémentaire de la relation répétable dont le choc nous soumet au réel, parachève cette objectivité au niveau des grandes théories et des structures profondes , en se moquant de nos préférences et de nos partis pris subjectifs 94 » Cette recherche n’a pu nous fournir des éléments objectifs, susceptibles d’être analysés, que par le fait que les établissements scolaires étaient bien soumis aux mêmes contraintes ( les textes administratifs issus du Ministère de l’Education Nationale) et qu’ils avaient bien reçus au même moment la circulaire 85-118 du 26 mars 1985, promulguant la création de l’équipe-relais. c) L’objet collectif : Si nous voulons définir opératoirement l’état d’un système décrivant un élément ultime (l’électron par exemple), nos opérations utiliserons des instruments comportant le plus grand pouvoir séparateur possible, au sens général, pour être capable de discriminer au mieux entre systèmes analogues dans des états différents. Mais évidemment tous les systèmes qui auront des différences inférieures au pouvoir séparateur du montage instrumental, seront atteints de même par l’opération, qui ne pourra les distinguer, et, par conséquent, définis de même. Une telle définition opératoire atteint donc et désigne un objet collectif, une collection d’objets semblables que l’opération ne peut discriminer. Ceci, remarquons le est vrai à tous les niveaux expérimentaux, et « la définition opératoire » présente toujours ce flou imputable à la précision limitée des expériences 95 .» Mais aux niveaux plus grossiers, ceci n’a pas d’importance, parce que la collection d’objets voisins ainsi définie reste une collection d’objets voisins quand on la suit dans le temps , et peut être ainsi schématisé en un objet unique et bien défini. Ainsi dans l’analyse structurale Gestaltiste qui se retrouve en filigrane dans le mouvement de la Psychothérapie Institutionnelle, est retrouvée ce concept «le Collectif », que J.OURY ULLMO (J.) La pensée scientifique moderne, pp.123 BACHELARD (G.), L’expérience de l’espace dans la physique contemporaine, opus déjà cité

94 95

114


essaie d’expliciter. L’analyse structurale gestaltiste permet de reconnaître les points de prégnance, « les figures » qui vont se détacher, et sur lesquelles on va pouvoir agir pour modifier l’ensemble. « Par exemple, on constate que s’il y a un certain nombre de personnes qui ont travaillé sur leur personnalité, ce qui permet de se mettre en question en tant que sujet, leur présence va modifier le style de la collectivité, mais à condition que ces personnes ne soient pas reléguées dans un statut particulier »96 . » Nous osons croire qu’en ayant respecté les conditions imposées par J.ULLMO le principe de complémentarité, puisé au départ dans les Sciences Physiques, puisse être utilisable dans les Sciences Humaines. . 2.2.4 Le principe de complémentarité « revisité » La méthode de la complémentarité revisitée depuis BÖHR et HEISENBERG , permet de décrire et d’analyser la complexité de la réalité. Les huit caractéristiques suivantes ont pu être mises en évidence par C.KAISER97 . Ces caractéristiques apportent de la rigueur à l’utilisation du principe de complémentarité . . - l’unité : les modes complémentaires appartiennent à un seul et même objet . Ce qui apparaît être une onde ou un corpuscule selon les circonstances expérimentales est relié en fait au même objet, à la même entité physique . - les propriétés communes : les propriétés communes correspondent aux invariants d’une

transformation complémentaire; ainsi en est-il dans le domaine des phénomènes atomiques, de la masse au repos, de la charge électrique et du moment angulaire du spin - la suffisance de chacun des modes de description : en physique quantique avec le problème onde-corpuscule, chaque mode de description de la particule est complet en lui-même dans le sens que l’objet peut être complètement décrit dans une situation expérimentale donnée, en termes d’onde ou de corpuscule. Ce n’est que lorsque la situation expérimentale changera qu’on pourra avoir besoin de l’autre mode , et bien sûr pour la description générale. - la co-exhaustivité : deux modes sont co-exhaustifs s’ils sont ensemble , suffisants pour

OURY (J.) Psychiatrie et Psychothérapie Institutionnelle , opus déjà cité, pp. 834

96 97

KAISER (C.), The logic of complementarity, Presse de l’université d’Edimbourg, 1974

115


décrire complètement l’objet étudié quelles que soient les conditions . - l’égale nécessité : les deux modes sont également essentiels, également importants, également indispensables et également nécessaires dans le sens que les deux pris ensemble sont nécessaires et suffisants pour une analyse exhaustive de l’objet quantique .- l’alternance :dans la logique de la complémentarité, une entité une particule est décrite en utilisant alternativement les deux modes. - la co-inhérence : directement associée à l’idée d’alternance, on trouve dans la logique de la complémentarité, l’idée de co-inhérence de deux modes : chaque mode existe potentiellement à l’intérieur de l’autre. - le caractère mutuellement exclusif : en physique les modes onde et corpuscule s’excluent mutuellement

Aborder la complémentarité en Sciences de l’Education = Quand on envisage de transposer une manière de penser d’une discipline à une autre , il convient d’examiner comment les contraintes propres à la première discipline déterminent la portée de la méthode dans cette première application, et ensuite d’étudier ce que devient cette manière de penser ainsi déterminée , lorsqu’on la place sous les contraintes

caractéristiques de la deuxième discipline.

Le sens qu’a l’idée de

complémentarité en physique quantique est dépendant du statut épistémologique de cette discipline. En particulier, le couplage des conditions expérimentales et de l’appareil conceptuel est typique de la physique quantique. Le sens que pourrait avoir l’idée de complémentarité en Sciences Humaines ne peut être fixé qu’en fonction des contraintes qu’impose

à la méthodologie de la sociologie, le statut épistémologique de cette

discipline . « Autrement dit, dans la complémentarité qui nous intéresse ici, ce qui apparaît contradictoire à un niveau de réalité pour la description d’un objet donné peut être uni (une unité d’antagonismes) à un autre niveau de réalité correspondant au tiers inclus» Ce « et ... et » ne correspond donc pas à une synthèse, à la recherche d’un équilibre ou d’un compromis, entre deux propositions contradictoires. Il induit la recherche d’un niveau de réalité où l’unité d”antagonismes est possible. 116


Reprenant notre titre= « Une équipe-relais fondée sur une complémentarité accompagnée

, restaure la qualité humaine de l’école » il parait important

de

démontrer que la complémentarité correspond à une approche du réel, tenant compte de ces aspects antagonistes . Reprenons les observations menées dans le cadre de l’Education Nationale : Une équipe-relais est composée de salariés d’un Collège ou d’un Lycée, ayant des professions aussi différentes que possible. Les antagonismes entre ces personnes sont nombreux. En apportant des exemples nous illustrerons ce que nous voulions signifier lorsque précédemment , nous évoquions le « et … et ». C’est ainsi que pour un salarié et suivant sa profession il va se trouver dans des conditions d’exercice particulier : - être dans un emploi à temps plein et ne pas faire le même nombre d’heures de présence dans l’établissement , - être salarié pour l’exercice d’un métier , et pouvoir être rémunéré pendant le temps où l’on se retrouvera en réunion pour réfléchir sur l’aide à apporter aux élèves , ou sur l’amélioration du projet d’établissement , - n’être pas au sommet de la hiérarchie et pouvoir dire dans un lieu formalisé nos observations sur le comportement des élèves ou sur le fonctionnement institutionnel - pouvoir aider un groupe (l’équipe-relais) à progresser dans ses travaux, alors que l’on a des professions basées sur l’accueil ou les travaux manuels, - être connu par les élèves et les adultes comme faisant partie de l’équipe-relais et ne pas être autorisé à critiquer individuellement les travaux écrits de cette équipe. Nous citons là toutes les difficultés liées au maintien de l’enveloppe groupale98 et de son étanchéité.99Or, cette équipe repère en son sein toutes les exigences décrites dans la gestion des groupes. Tenant compte des propos entendus lors de rencontres avec les A.T.O.S. est- il possible de tirer partie de l’éclairage fourni par les huit points de C. KAYSER en les appliquant à l’équipe relais ?

98

ANZIEU (D.), Cadre psychanalytique et enveloppes psychiques Journal de la psychanalyse de l’enfant,2,12­24, 1986 99 ANZIEU (D.) et al. Les enveloppes psychiques­ Les signifiants formels et le moi peau.­ in D.Anzieu et D. Houzel , Paris : Dunod, 1987

117


a).- L’unité = Les modes complémentaires appartiennent à un même sujet (le sujet « se regardant regardé » concept retrouvé chez

Lacan, que nous avons évoqué dans

l’introduction ) b).- Les propriétés communes = Les propriétés communes appartiennent aux invariants d’une transformation complémentaire. Notre recherche concerne des fonctionnaires de l’Education Nationale , exerçant leur profession dans la même institution ( collège ou lycée ) c).- La suffisance de chacun des modes de description = Chaque mode de description est complet en lui-même. Il s’agit d’individus salariés par l’Education Nationale. Chaque salarié exerce sa profession, qui est bien précisée dans ce lieu = enseignant , E.O.A., Cuisiniers Documentaliste , C.P.E. Assistante Sociale, Infirmière, Médecin scolaire… d).- La co-exhautivité =Les deux modes de description décrivent bien le sujet e).- L’égale nécessité =Les deux modes sont également importants , également indispensables. (Cela exclue les remplaçants, les stagiaires, les emplois jeunes.) Or, dans la constitution de ces groupes de réflexions, ces personnels temporaires n’ont jamais été invité. .f).- L’alternance = On peut choisir l’un des deux modes pour décrire son travail professionnel et ses actions dans l’équipe relais. Si l’on prend l’exemple de la formation continue , il y a des formations différentes pour les ATOS et pour les Enseignants . g).- La Co-inhérence = Chaque mode existe à l’intérieur de l’autre. Dans le collège ou le lycée, l’ensemble des salariés correspond à la notion de « collectif des encadrants ». Chaque adulte dans l’établissement peut être reconnu comme chargé d’éducation. .h).- Le caractère mutuellement exclusif = L’enseignant a une fonction pédagogique manifeste. Chaque ATOS

(personnel des Services Généraux, personnel de

l’Administration, de la Direction ou de la Vie Scolaire) contribue au fonctionnement de l’entreprise pédagogique que constitue un Collège ou un Lycée. Conclusion = Le principe de complémentarité revisité fonctionne comme une voie intermédiaire pour éviter que les individus ne sombrent soit dans l’illusion groupale, soit dans l’idée de grandeur. Nous restons dans le domaine du « Collectif » en conservant le maintien de la subjectivité, et ce n’est ni l’illusion, ni l’utopie. « Dans le Collectif chacun reste 118


dans son sujet, c’est “ une machine sociale “ qui respecte les personnes. »101 L’accompagnement n’est possible que s’il y a une analyse institutionnelle, systématique, régulière et répétée 102 .

2.2.5 La complémentarité doit être « accompagnée » 1.- Généralités sur l’accompagnement : Pour essayer de dégager la fonction d’accompagnant dans une équipe relais , nous analyserons différents domaines, comme la pédagogie ou la pédo-psychiatrie où cette place a fait l’objet de nombreuses réflexions. * L’ accompagnement dans le domaine pépagogique : C’est d’une pratique de « suivi des équipes pédagogiques » et par toute une réflexion sur cette pratique, qu’est né ce concept. G.WIEL103 en suivant des équipes pédagogiques sur plusieurs années, en essayant de le définir précise : « l’idée s’est imposée peu à peu qu’une fonction nouvelle tout à fait différente de toutes les fonctions assurées au sein du système éducatif,était appelée à naître et se développer ». Ce changement était associé à deux pratiques distinctes et indépendantes : la pratique de la concertation pédagogique et la pratique du projet de formation. Cela conduit cet auteur à analyser ces deux types de projets, en essayant de définir cette fonction nouvelle. * Les apports de la psychosociologie au concept de « Groupe » Dans l’analyse du fonctionnement des Groupes se pose régulièrement des questions concernant les processus de différenciation et de distanciation. Qu’est-ce qui distingue les groupes « fusionnels ( dans lesquels les participants ne peuvent plus se séparer tant sur le plan de la pensée que sur le plan de la réalité), des « groupes où les membres se choisissent et ne travaillent ensemble qu’un an ou deux, mais également en respectant la

PAIN (J.).­La pédagogie institutionnelle d’intervention.­ Vigneux : Matrice, 1993 PAIN (J.), HELBRUNN (R.).­Intégrer la violence.­Vigneux : Matrice , 1987

101 102 103

WIEL (G.).­ Fonction accompagnement et Fonction formation dans une stratégie d’innovation pédagogique.­D.E.A. Paris X Nanterre 1994,p .130

119


notion d’un nombre limité de personnes : 4 ou 5 »105 * Les apports de la psychanalyse ( sa fonction dans l’institution) En interrogeant la place du psychanalyste dans l’institution nous retrouvons les propos d’Eric LAURENT105bis : « Le psychanalyste s’inspirant du philosophe106 cherchant autre chose, dérobe une quantité négative, un plus de symptôme, un hors-sens, dans le fonctionnement de l’institution »107. ) Nous retrouvons également la notion de « l’espace en creux » , notion développée par l’antenne 110. « Le responsable thérapeutique dans certaines institutions, comme l’antenne 110, définit sa place en creux, non pas présence, un maintien du cadre ,mais doit provoquer le deuil d’un sujet supposé savoir, seule position de faire émerger le plus de savoir chez chacun » * La fonction d’accompagnant en psychiatrie Si nous portons ailleurs notre regard nous découvrons que lorsque l’on quitte le terrain des apprentissages, en direction des élèves, ou en direction des adultes ( la formation continue), il apparaît que ce concept a été également utilisé dans le domaine la psychiatrie infanto-juvenile Il s’agissait alors de permettre à une équipe multidisciplinaire et polycatégorielle de pouvoir assurer, de façon cohérente , un suivi du projet de l’enfant. Rappelons ici les propos du psychanalyste James GAMMILL, doué d’un immense talent, médecin reconnu par ses équipes, comme faisant un « véritable travail d’accompagnant ». Ce spécialiste d’origine britannique, avait été membre de la Tavistok Clinic et participé à ce titre à l’élaboration des psychothérapies de Groupe, avec W.R.BION, Francès TUSTIN et Donald MELTZER. Il insistait beaucoup sur la notion suivante :« le fait de demander à des professionnels de s’occuper d’enfants en difficultés, les inscrivaient dans un métier à risques ».109 Il insistait donc très fort sur la nécessité de fournir à ces travailleurs 105

BENEDETTI (A.) Psychanalyste et chercheur)nous ayant incité à reprendre les travaux d’Eric Laurent : et à approfondir le concept de « cartel » 105bis LAURENT (E.)ouvrage cité précedemment 106 MONTAIGNE .­Notes de bas de page, citées dan l’introduction P.20 107 LAURENT (E.), Les deux plis du symptôme et de l’institution Revue Française de Psychanalyse N°3 2002 109 GAMMILL (J.) , HAYWARD (R.).­Névrose infantile et position dépressive.­in Gammill J.

120


sociaux, des lieux d’analyse de leur pratique. D’éminents professionnels, comme les professeurs Serge LEBOVICI110 et René DIATKINE, ont illustrés brillamment par leur présence et par leurs théorisations, que cette place d’accompagnant était bien liée à l’équation personnelle de ce personnage et qu’il lui fallait donc analyser son contre-transfert. Ces deux maîtres nous ayant quittés, nous avons pu noter que, dans le champ du suivi des enfants par un soignant ou par un travailleur social, le mot accompagnement est devenu une expression polysémique. De cela découle certaines difficultés à pouvoir se comprendre entre adultes, et favorise chez les professionnels, une sorte de « cécité psychique » à l’égard des projets morcelants dans lesquels ils inscrivent les jeunes. Citons par exemple le fait que les textes administratifs en pédopsychiatrie insistent beaucoup sur les obligations des partenaires de l’enfant. Mais que rien n’est évoqué, concernant les liens entre ces personnes. Il ne leur est pas non plus indiqué comment organiser le temps et retrouver l’envie, celle décrite par Charles ROZJMAN111 sous l’expression« l’envie de « vivre ensemble » (cet auteur insiste sur le fait qu’il est essentiel de faire exister des liens de connaissance, entre des gens qui ne se rencontrent pas d’habitude). Dans le domaine de la psychiatrie adulte, une idée généreuse instillée par DAUMEZON, PAUMELLE, AYME, KOECHLIN, HORATIUS, MISÈS,… consistant à vouloir traiter le patient en dehors des murs de l’hôpital, s’est vue modifiée de façon technocratique, par la notion de pouvoir, avec comme alibis, entre autres, des raisons de cartographie (le secteur) ou des raisons économiques (le secteur Hospitalier Public). Que pouvons-nous penser aujourd’hui de l’expression « médecin-chef de secteur » ? Comment se situeraient aujourd’hui, « les pères fondateurs du Secteur » ? Il nous semble donc ainsi que dans le domaine de l’adulte le modèle dont nous pouvons nous rapprocher est celui de la Psychothérapie Institutionnelle. Nous irons donc entendre ce que peuvent nous en dire François TOSQUELLES et Jean OURY * La place de l’accompagnant dans la psychothérapie institutionnelle - Cette personne doit être attentive au milieu ;Ce véritable concept qu’est le milieu , A partir de Mélanie Klein.­Meyzieu : Césura, 1980 110 LEBOVICI (S.).­ Le nourrisson, la mère et le psychanalyste.­Paris :Paidos/Le Centurion, 1983 p.340 111 ROZJMAN (C.) .­ Savoir vivre ensemble.­ Paris :Syros, 1998,p.198

121


c’est ce travail de nettoyage qui permet de voir clairement les choses avant de commencer à travailler ou en commençant à travailler »112 - L’accompagnant doit tenir compte de la précarité « Il y a toujours de l’arbitraire dans les choses à construire.La précarité est construite , cà se tient, çà tombe , çà se détruit, çà se défait. Les pratiques humaines sont essentiellement précaires »113 - Il doit faire du milieu une instance de médiations « c’est-à-dire un jeu, des enjeux de lieu , d’espace et de temps, des lieux au sens psychique, dans lesquels on puisse circuler, dans lesquels les groupes, puisent se retrouver,bouger, se recombiner, faire autre chose. - Enfin il doit tenir compte de la qualité des rapports sociaux, car « c’est la qualité des rapports sociaux qui va faire la rencontre »114 . Ayant essayé de retrouver dans les différentes pratiques, la manière dont a pu être envisagée la fonction d’accompagnement, nous allons focaliser maintenant notre réflexion sur l’équipe-relais.

2- Les exigences pour l’accompagnant d’une équipe relais 

La spécificité de la fonction d’accompagnement : - C’est répondre à une demande, - Cela suppose un engagement réciproque et un contrat, « dans la mesure où

l’accompagnement a pour objet d’inscrire un projet d’équipe dans la durée, il est souhaitable d’aller au delà d’une année scolaire »115 - C’est se mettre à distance de l’équipe-relais, « L’accompagnant en tant que personne extérieure est à bonne distance de l’équipe. Cette distance lui permet de mieux cerner le projet de l’équipe ; en même temps, elle permet à l’équipe de se mettre à distance d’elle-même et de son projet116 . - C’est faire des propositions pour faciliter les décisions, « Au moment qu’il juge opportun, l’accompagnant intervient et parle : il ne s’enferme pas et ne se laisse PAIN (J.) Les invariants vers une pratique de l’institutionnel, Institutions N°34­Psychothérapie et Pédagogie Institutionnelles, p.43 113 PAIN (J.), ouvrage cité p.44 114 PAIN (J.), Les invariants en pédagogie institutionnelle Institutions n°34 p.49 115 WIEL (G.) .­ Fonction accompagnement et fonction formation dans une stratégie d’innovation pédagogique p 132 116 WIEL (G.).­ Fonction accompagnement et fonction formation dans une stratégie d’innovation pédagogique p .133 112

122


pas enfermer dans le rôle du muet. Soit en réponse à une question venant de l’équipe, soit en écho à une attente silencieuse, soit pour faire avancer une situation donnée, l’accompagnant s’exprime. »117 - C’est animer la procédure bilan-évaluation. « Il revient à l’accompagnateur d’animer ces temps réguliers de bilan-évaluation » qui portent sur l’équipe et sur son projet. L’initiative de la demande de bilan peut venir de l’équipe elle-même ou de l’accompagnant, mais il est important qu’à un moment de son parcours, l’équipe se mette « en situation de distanciation »par rapport à elle-même et à son projet - C’est faire des apports. L’accompagnant « ne peut faire que des apports concentrés et précis qui nourrissent l’auto-formation du groupe et qui peuvent susciter le désir d’une véritable hétéro-formation »7 * La place de l’accompagnant= Pour mieux cerner cette place nous partirons de ce qu’elle n’est pas. « L’accompagnateur n’est pas dans une place : -

Lui permettant de faire des constats et des analyses,

-

L’autorisant à apporter le reflet de ce qui se passe dans le groupe,

-

Lui demandant de s’inscrire dans la fonction intervention-miroir

-

Prononcer ces analyses n’est pas au cœur de son travail »119

Ces exigences fournissent des éléments d’explication quant à la disparition rapide des équipes départementales de la Région Bourgogne. Dans ce type de contrat et dans les échanges réciproques, il nous semble que plus l’accompagnant est reconnu comme possédant un savoir, plus il doit être un agent catalyseur dans la réalisation de projets et non inscrit dans une place de maître. 2.3 LA RESTAURATION DE LA QUALITÉ HUMAINE DE L’ÉCOLE WIEL (G.) .­ Fonction accompagnement et fonction formation dans une stra tégie d’innovation pédagogique.­ p.136 7 WIEL (G.).­ Fonction d’accompagnement et fonction de formation dans une stratégie d’innovation pédagogique.­p .137 119 WIEL (G.) ,Fonction accompagnement et fonction formation dans une stratégie d’innovation pédagogique .­ ouvrage déjà cité p.138 117

123


Nous structurons cette seconde partie de la recherche conceptuelle, afin d’élaborer un questionnement sur les valeurs qui peuvent servir à la construction de l’être humain. Cette réflexion, nous sera nécessaire pour dégager une typologie des valeurs, afin de lister nos attentes à l’égard de l’école. Dans notre hypothèse le mot « restauration » demande à ce que nous fournissions davantage d’explications sur sa signification. Nous résumerons maintenant les réponses que suscite ce vocable.

2.3.1 Les exigences liées au processus de restauration Si nous réunissons plusieurs collaborateurs pour lister les expressions qui surgissent dans une sorte de « brain storming » nous retrouvons en ce qui concerne la restauration: -

redonner du neuf, retrouver les qualités premières,

-

restaurer un tableau ou un parchemin. Pour le professionnel qui en est chargé il s’inscrit dans le changement, il est exécutant parce qu’il possède les compétences , les capacités d’un artisan spécialisé, expert dans son art.

-

remettre en état , comme à l’origine,

-

retrouver les matériaux, les couleurs utilisés par l’artiste,

-

ôter ce qui est usé, défraîchi, abîmé, moisi,

-

remplacer ce qui est supprimé par quelque chose qui n’est pas le même, mais qui est « identique »,

-

cela entraîne donc une certaine « permanence de l’objet »

2.3.2 Signification de l’expression « qualité humaine de l’école » L’expression : « restaure la qualité humaine de l’école » est dans notre recherche la locution qui nous a demandé le plus de lectures et de réflexions. En effet, quels sont les éléments qui permettent de définir que cet espace va permettre la libre expression des qualités de cet individu, qui comme le souligne Edgar MORIN, « est un individu, vivant dans un environnement, appartenant à une espèce : celle des mammifères supérieures

124


doués du langage ». Pour éclairer ce propos , reprenons la phrase de Michel ROUX120 « L’être singulier ou collectif, qui vit en harmonie avec son territoire, dessine les contours d’une géographie poïétique. L’être heureux est sans doute celui qui, comme l’enfant « ici et maintenant », s’abandonne à une lecture inventive des formes familières et quotidiennes de son jardin, pour les métamorphoser en un monde nouveau, apprivoisé où tout se transforme sans pourtant se dévoiler entièrement ». En s’appuyant sur la nécessité d’une géographie poïétique caractérisée par le fait que le dévoilement n’est jamais total, nous sommes conduit à nous interroger sur ce qui constitue réellement la qualité humaine d’une institution. Nous avons d’abord interrogé les écrits de DEVELAY, et nous notons que «pour apprendre il faut parvenir à mieux se connaître, tant au plan cognitif qu’au plan affectif, c‘est être capable d’anticiper ses manières de faire les plus efficaces pour apprendre. »121 Cet auteur se focalisant avant tout sur les apprentissages à l’école, nous reprenons les travaux de SCHWARTZ, dans l’ouvrage rédigé par WACH122 . Nous apprenons que « les valeurs sont l’expression de motivations destinées à atteindre des objectifs spécifiques comme la sécurité, l’accomplissement, l’autonomie. Elles guident le choix et permettent l’évaluation de comportements envers des personnes ou des évènements. Elles sont ordonnées selon une importance relative en tant que principes qui guident la vie. » De ces travaux nous retirons l’idée d’une hiérarchie relative des postulats qui conduisent à se comporter de façon harmonieuse en société . Mais quelles sont les valeurs essentielles qui, dans un environnement donné, vont permettre à un adolescent de se construire pour devenir un adulte équilibré, ayant la capacité de les retransmettre à son tour ? Pour essayer d’avancer dans ce propos, nous allons focaliser notre regard sur 5 axes de pensée qui seront les suivants= -

La description de la « bonne vie » pour ARISTOTE,

ROUX (M.),Mémoires d’espaces, Rapport de synthèse de l’Habilitation à Diriger des Recherches, Rennes, 2000, (à paraître) 121 DEVELAY (M.).­ Donner du sens à l’école.­ Paris : ESF, 1996 122 WACH (M.).­ Les valeurs des français selon l’approche de Schwartz, exploitation des données du volet français du Baromètre Environnement.­ Paris : EDF­DER, INETOP­CNAM, 1998. 120

125


-

Les propositions de trois économistes de culture anglo-saxone (même si l’un d’entre eux a vu le jour au Bengale),

-

Les apports

de deux écoles japonaises qui s’inscrivent dans l’éthique

retrouvée chez les samouraïs, -

Les propos d’Edgar MORIN : « Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur »,

-

Nous terminerons ce tour d'horizon par l'analyse des recherches menées par les auteurs canadiens et notamment les travaux de Charles E. Caouette, professeur titulaire et Suzanne Hamel, chercheurs au département de psychologie de l’université de Montréal qui nous proposent une vision plus humaine de l’école123

Ces références apparemment disparates, nous sont apparues très utiles pour élucider les qualités d’ une école, lieu de construction du futur citoyen. Ce détour par les apports de théoriciens très différents, dans leurs rôles et leurs fonctions, nous a permis d’isoler les valeurs qui restent fondamentales quelles que soient les époques. Pour les raisons que nous venons d’invoquer, ce travail dégagera des items susceptibles de servir à l’élaboration d’un questionnaire, constamment présent, dans les entretiens réalisés auprès des professionnels des Lycées et Collèges. Nous retrouverons dans leur discours cette même constatation : la motivation professionnelle est d’autant plus renforcée, que sont développés les liens d’appartenance et d’appropriation. En effet M.ROUX ajoute : « L’enchantement de l’espace ne naît-il pas de ce paradoxe qui donne à la proximité des lieux aimés, la faculté de nous transporter ailleurs que là où nous avons coutume d’être et nous convie vers un « lointain » à peine discerné mais qui résonne comme un appel ». Ne retrouve-t-on pas ici l’idée que l’école correspond à un temps de passage, permettant d’entendre l’appel que constitue le désir de devenir adulte. Ne sommes-nous pas dans cette évocation du « lointain » en train d’essayer de retrouver les éléments sollicités quand il y a un processus d’attachement à telle ou telle institution ?.. CAOUETTE (CH. E.) , HAMEL (S.) Propositions pour une vision plus humaine de l’école.­ Université de Montréal, La réforme de l’éducation au Canada, site sur internet,2006 123

126


.Nous rejoignons aussi l’idée exprimée par G.BACHELARD à propos de la maison la plus simple : « examinée dans les horizons théoriques les plus divers, il semble que la maison devienne la topographie de notre être intime. La maison plus que le paysage est un état d’âme. » Dans cette réflexion, très proche des propos de J.PAIN « l’institution, une « maison », se dévoilent les fondements du concept dégagé par la Pédagogie Institutionnelle, celle d’une « institution instituante » 1.- Les apports de l’école aristotélicienne Se basant sur diverses caractéristiques de l’éthique aristotélicienne, trois auteurs ont réfléchi sur les éléments définissant les qualités de la vie : AMARTYA SEN, Martha NUSSBAUM, et enfin John FINNIS. 1.- La « bonne vie » chez ARISTOTE Afin de définir « la vie bonne » Aristote « identifie le bien d’une action avec sa finalité,et la finalité de cette chose à sa fonction. »124 L’idée de la nature humaine est liée chez lui, à l’essence de l’être humain telle qu’elle est révélée dans ses activités ou fonctions caractéristiques. Cette conception du bien humain basée sur des caractéristiques inhérentes à la nature humaine a pu être qualifiée de perfectionnisme : « est bon tout ce qui réalise la nature humaine, tout ce qui actualise les potentialités qui font de l’être humain un être humain » 125 Or l’éthique aristotélicienne fait référence à la nature humaine et à ses potentialités, non pas parce que ARISTOTE croyait que l’univers avait un but cosmique, mais parce que toute théorie éthique dans la mesure où elle est vécue par les hommes, se doit d’être en accord avec la nature humaine. L’éthique pour ce philosophe consiste en une recherche évaluative de ce qui est le plus fondamental et indispensable à toute vie humaine. A partir d’expériences fondamentales à la vie humaine, ARISTOTE nous engage à l’exercice d’une pluralité de vertus. Les vertus ne sont pas choisies en vue de la vie ARISTOTE.­ Ethique à Nicomaque.­ traduction J.Tricot, Paris :Vrin, 1994, p. 1­4 RASSMUSSEN (D.).­ Human Flourishing and the Appeal to Human Nature.­Social Philosophy and

124 125

Policy Winter, 1999

127


bonne, mais en vue d’y contribuer comme élément constitutif. Aucun

ordre

hiérarchique, seule la vertu de la sagesse pratique (ou de la prudence ou phronesis) ordonne toutes les autres, et fixe en quelque sorte la règle de choix concernant le comportement adequat à adopter en fonction des circonstances particulières. La vie bonne est elle-même action, et non le résultat d’actions, elle est un mode de vie en soi et non la conséquence d’un certain mode de vie, « la vie bonne est l’exercice d’une pluralité de vertus incommensurables. »126 Même si les vertus sont les meilleures réponses à une expérience humaine, ARISTOTE ne spécifie pas le contenu de la meilleure vertu. Par exemple même si le courage est une vertu qu’il définit dans l’expérience d’un danger, le courage n’est pas défini de manière déterminée toutes circonstances confondues. Non seulement le contenu de la vertu est incomplet au sein même d’une sphère d’expérience, mais encore les vertus ne sont pas établies en une liste exhaustive de ce que signifierait mener une vie vertueuse. C’est pour cela que trois chercheurs ont voulu compléter la description des conditions conduisant à la réalisation d’une bonne vie. 2..- Que nous apprennent trois chercheurs inscrits dans le modèle défendu par Aristote ?... * La théorie des capacités chez Amartya SEN et Martha NUSSBAUM

D’inspiration aristotélicienne, la théorie des capacités, chez Amartya SEN127 , évalue la qualité de vie en terme de fonctionnements, c’est-à-dire que les personnes sont ou font (comme être en bonne santé, lire et écrire, se déplacer librement, ou encore avoir part à la vie de la communauté), et plus particulièrement en termes de capacités, c’est-à-dire ce que les personnes sont capables d’être ou de faire (comme pouvoir être en bonne santé, pouvoir lire et écrire). Une capacité d’une personne correspond à la liberté que la personne possède de choisir une vie ou une autre , elle représente « les combinaisons alternatives des choses qu’une personne est capable de faire ou d’être. » ARISTOTE, Eudemian Ethics, transl.W.D. Ross, Oxford University Press 1925 SEN AMARTYA (K.), Capability and Well­being, in Nussbaum and Sen (eds),Oxford Clarendon

126 127

Press, pp.30

128


Martha NUSSBAUMva plus loin que AMARTYA SEN et essaie de pallier à l’incomplétude délibérée de son approche, en élaborant une liste objective de capacités. Elle ajoute « SEN doit être plus radical, en introduisant une conception normative et objective des fonctionnement humains , et en décrivant une procédure d’évaluation objective à partir de laquelle les fonctionnements peuvent être évalués selon leur contribution à la vie bonne. »128 Elle établit des expériences fondamentales partagées par tous les êtres humains, qui peuvent être interprétées comme les activités caractéristiques communes à tous être humain : mortalité, corporéité (faim et soif, logement, mobilité), les expériences de plaisir et de souffrance , la capacité cognitive ( capacité de percevoir, d’imaginer et de penser), développement du nourrisson (les expériences d’extrême dépendance sont communes à l’humanité), la raison pratique (tout être humain se pose la question de comment mener sa vie), le lien avec d’autres personnes (toute personne a besoin d’être en relation avec d’autres), les relations avec l’environnement naturel et animal, les expériences de rires et de jeux.129 Dans chacune de ces sphères d’expérience, l’être humain va agir d’une manière ou d’une autre , en l’occurrence la meilleure possible. Les fonctionnements mentaux seront donc les réponses appropriées,ou les meilleures manières de fonctionner dans ces expériences humaines.

* Les « biens fondamentaux » chez John FINNIS

Egalement de nature aristotélicienne, (en passant par THOMAS d’AQUIN) la théorie de droit naturel de John FINNIS 130 (et autres condisciples) identifie la vie bonne à des actions entreprises en fonction de certaines raisons qu’il appelle biens fondamentaux. Ces biens sont des raisons d’action qui ne nécessitent pas d’action supplémentaire, et « sont des aspects de l’épanouissement intégral des NUSSBAUM (M.), Nature, Function and capability : Aristote on Political Distribution, 1988, Oxford Studies in Ancient *hilosophie,Supplementary Volume, pp.176 129 NUSSBAUM (M.),Non Relatives Virtues, An Aristotelian Approach, in Nussbaum M, and Sen A, (eds) The quality of Life,1993, Oxford Clarendon Press, pp.244 130 FINNIS (J.) et al.(1987b), Practical Principles, Moral Truth, Ultimate Ends, Americal Journal of Jurisprudence 32, pp. 99­51 128

129


personnes et correspondent à la complexité inhérente de la nature humaine. »131 Il définit 7 catégories de biens fondamentaux : «

- vie, santé et sécurité (comme être animés, les personnes sont des substances

organiques) ; -

connaissance et expérience esthétique (comme êtres rationnels, les personnes sont capables de connaître la réalité et d’apprécier la beauté) ;

-

donner sens et créer de la valeur (comme êtres animés et rationnels, les personnes sont capables de donner un sens au monde et de créer de la valeur) ;

-

harmonie entre les personnes (amitié) ; harmonie avec soi-même (harmonie entre ses sentiments et ses choix, paix intérieure) ;

-

cohérence entre le soi et l’expression du soi (harmonie entre les choix, paix de conscience);

-

harmonie avec une source supra-humaine de sens et de valeur. »

Comme les capacités fondamentales chez NUSSBAUM, les biens fondamentaux sont appréhendés à partir de l’expérience humaine. Ces biens sont des raisons d’actions qui ne nécessitent aucune raison d’action supplémentaire. Ce sont les raisons finales qui répondent à la question pourquoi l’être humain accomplit telle ou telle action. Ce sont des «vérités qui sont évidentes en soi et non des conclusions dérivées d’un savoir théorique »132 Malgré quelques points de divergences, la conception aristotélicienne de la vie bonne, nous a conduit à une conception plurielle incomplète et incommensurable des finalités du développement. Quelles conclusions peut­on retirer de ces quatre conceptions perfectionnistes de la vie bonne et quelle est la pertinence de chacune en termes d’évaluation normative du développement ? Le tableau compare les quatre approches que nous venons de développer.

Détermination du

Aristote A partir

Amartya Sen Pas de

Martha Nussbaum A partir

John Finnis A partir de raisons

FINNIS (J.) Social, Political and Legal Thougths of Thomas Aquinas, 1998, Oxford University Press FINNIS (J.) et al. Practical Principles, Moral Truth and Ultimate Ends .­American Journal of

131 132

Jurisprudence, 32,pp.99­151 ,1987

130


contenu de la

d’expériences

détermination si ce

d’expériences

d’actions

« vie bonne »

fondamentales à la

n’est la liberté

humaines

fondamentales

vie humaine

comme

partagées

composante

(essentialisme

essentielle de la vie

internationaliste)

Espace

Exercices d’une

bonne Opportunités

Opportunités

Pas d’évaluation

d’évaluation de la

pluralité de vertus

d’exercer des

d’exercer une liste

(raisons pré-

« vie bonne »

(actuations)

capacités (liberté)

de capacités

morales d’action,)

Fonctionnements

Fonctionnements

en termes

en termes

d’évaluation

d’évaluation

+ essentialisme

pratique +internalisme

pratique + internalisme

Fondation

internaliste

essentialisme

essentialisme

métaphysique

-vertus comme

-sur-spécification

- sur-spécification

internaliste

catégories morales

des capacités

des capacités

+ composantes

de la vie bonne

fondamentales

fondamentales

pré-

+ capacités

+ capacités

+ capacités

morales de la vie

architectoniques

architectoniques de

architectoniques de

bonne

de la raison

la raison ( et

la raison (et

liberté)

liberté)

Force et faiblesses

Points communs

Conception plurielle, inclusive, incommensurable et incomplète (tant au niveau de la spécification du contenu de la vie bonne qu’au niveau de la spécification de chaque

composante) du bien humain. ( ce Tableau a été extrait de l’article de Séverine Demoulin)133

Ainsi ARISTOTE, NUSSBAUM et FINNIS identifient le bien humain à partir d’expériences fondamentales ou d’actions fondamentales inhérentes à la nature humaine. Ces quatre approches ont été résumées en une seule, ainsi les faiblesses des unes peuvent peut­ être s’éliminer en regroupant les points forts des autres. La sur­spécification chez NUSSBAUM et la sous­spécification chez SEN peuvent peut­être se renforcer en revenant aux expériences initiales de la vie humaine et inclure dans ces expériences les

DEMOULIN (S.).­Fins et moyens : une interprétation aristotélicienne du développement économique.­ Queen Elisabeth House, International Developpement Centre, Oxford 2006 p. 7 133

131


biens fondamentaux chez FINNIS, venant au manque d’applications concrètes de sa conception. Il est possible de regrouper les expériences fondamentales chez NUSSBAUM en trois expériences fondamentales qui font de l’être humain, un être humain et rien d’autre (l’être humain comme être animé, l’expérience de la pensée en tant qu’être moral et comme être politique). Et dans chacune de ces expériences, l’être humain va fonctionner d’une manière ou d’une autre et exercer certaines capacités. « . Capacités fondamentales nécessaires à une vie physiologique ( vie, santé sécurité chez Finnis, avoir la capacité de vivre une vie de longueur normale et de ne pas mourir prématurément, avoir la capacité d’être en bonne santé, d’être nourri, d’être logé, de se déplacer, capacité d’éviter autant que possible toute souffrance chez Nussbaum). . Capacités fondamentales nécessaires à une vie raisonnée (être capable d’utiliser ses sens, de raisonner de manière critique, de mener une réflexion critique à propos de sa vie, capacité de s’amuser chez Nussbaum ; connaissance et expérience éthique, donner sens et créer de la valeur, cohérence entre le soi et l’expression du soi chez Finnis. . Capacités fondamentales nécessaires à une vie relationnelle (être capable de vivre en relation avec d’autres personnes, être capable de vivre et de s’occuper de l’environnement naturel chez Nussbaum ; harmonie entre les personnes, harmonie avec une source supra­humaine de sens et de valeur chez Finnis).834 Ces trois sphères d’expériences (qui peuvent être assimilées à des dimensions de la qualité de la vie) sont évidemment interconnectées. Chacune des sphères est une catégorie ouverte, incommensurable, et incomplète dans laquelle peut s’exercer une pluralité de capacités fondamentales. L’incommensurabilité et l’incomplétude des dimensions de la qualité de vie posant de sérieux problèmes en matière de choix, nous allons essayer de voir comment les maîtres 834

DEMOULIN (S.) .­ouvrage cité p.16

132


japonais ont essayé d’approcher cette question. Mais en attendant de traiter de la formation des samouraï, essayons de développer comment un décideur s’appuyant sur les trois expériences fondamentales, se retrouve avec les moyens de discerner la cible à viser, de discerner les capacités fondamentales que les politiques de développement ont l’obligation morale de promouvoir. Schéma général

Cible à viser ?

Cible atteinte

(spécification

(exemples de capacités)

(exemples de fonctionnements)

universelle) Capacités

Capacité de ne pas mourir prématurément,

Espérance de vie, taux de

fondamentales

de vivre en bonne santé, d’être logé,

mortalité infantile, insuffisance

nécessaires à une vie

capacité d’être adéquatement nourri, de

pondérale à la naissance, nombre

physiologique

vivre dans un environnement non-pollué…

de décès dus aux accidents de la route, nombre de suicides,taux de criminalité, taux de pollution ou

Capacités

Capacité d’accéder à la connaissance,

de déforestation… Taux d’alphabétisation,

fondamentales

capacité de raisonner de manière critique

pourcentage de diplômés de

nécessaires à une vie

l’enseignement supérieur, poids

raisonnée

des études classiques par rapport

Capacités

Capacité de s’exprimer librement, d’adhérer

aux scientifiques… Participations aux élections,

fondamentales

librement à diverses associations, capacité

participation à diverses

nécessaires à une vie

de donner sens, capacité d’exercer sa

associations, chômage de longue

relationnelle

religion, d’exprimer sa culture…

durée… Ce tableau nous paraît très utile à conserver en mémoire, si nous voulons en conclusion

émettre quelques pistes de recherche, favorisant l’abord de stratégies permettant de restaurer la qualité humaine de l’école. Dans la fin de ce chapitre nous aurons en effet à souligner ce qui différencie les capacités nécessaires à une vie raisonnée et celles nécessaires à une vie relationnelle. C’est bien dans ce domaine que se situent les professeurs canadiens, lorsqu’ils séparent les aides à mieux se connaître et se comprendre, et les éléments apportant une amélioration dans sa relation aux autres. Même si chaque pays se pose des priorités différentes (et se doit de se les poser) en termes de capacités fondamentales à atteindre, cela ne veut pas dire pour autant que la 133


conception de développement est un concept relatif qui dépend de la société dans laquelle on se trouve. C’est un concept universel basé sur des expériences fondamentales de la vie humaine, mais contextuel dans son application et son évaluation. Le concept de développement ne nous paraissant pas apporter un éclairage suffisant sur les questions que nous nous posons, nous allons interroger deux sages, réputés comme fondateurs d’école. En nous rapprochant du présent et nous retrouvant dans les années 1300 , nous découvrons dans le monde japonais le nom d’un maître qui toute sa vie s’est efforcé de trouver les éléments qui définissent l’éthique des samouraï. Nous compléterons notre réflexion dans le milieu religieux japonais en laissant parler le disciple de maître Sheido IKIDA . Cette quête basée sur les valeurs qui favorisent la maîtrise de soi, vont nous fournir des items utilisables dans le questionnaire utilisé dans les entretiens semi­ directifs.

4.­ Les apports des écoles japonaises : * Maître IENAO , fondateur de l’école Katori

Maître IENAO est né en 1387. Selon une version de l’histoire, c’est en 1449, au moment de la nomination du Shôgun Yoshimarasa, que IENAEO, âgé de soixante ans, se serait rendu à Kyôto et aurait demandé à se mettre à son service en tant que maître d’armes. Pour le fondateur de cette école, le soldat devait être particulièrement fort en vue de combattre sa nature animale inférieure aussi bien que pour sauver les plus faibles ou protéger sa réputation, sa famille, son seigneur et son idéal religieux. Maître IENAO insistait tout particulièrement pour que la notion de clan soit remplacée par celle de communauté fraternelle cherchant la coopération et non la compétition. Maître IENAO ressentit donc très fortement la nécessité de constituer une école dont les membres seraient soudés par des idéaux élevés, grâce auxquels chaque élève pourrait s’épanouir, se réaliser, et grandir, non plus à son seul profit, mais pour celui de la collectivité. 134


Il était recommandé aux élèves les plus avancés de faire preuve de discrétion, d’impersonnalité et de simplicité. C’était une attitude autant stratégique que religieuse. La discrétion évite de se mettre à jour devant l’adversaire et arrive ainsi à lui fournir un minimum d’informations sur vos capacités martiales. L’impersonnalité doit permettre à l’ego d’être en sommeil pour que les réactions au cours d’un combat soient issues d’une âme pure. Quant à la simplicité, elle devait briser l’orgueil qui détruit les plus beaux élans du cœur. Au total nous retiendrons comme items les mots : -

combattre sa nature animale inférieure,

-

grandir pour le profit de la collectivité,

-

chercher la coopération et non la compétition

-

simplicité.

* Maître IKEDA Shigeo Sensei

Ce maître s’appuyait sur l’exemple pour favoriser la construction de soi et des autres. Le mot qui symbolise sa pédagogie est « BUSHIDO » Qu’évoque pour nous le mot bushido, c’est-à-dire le code de l’honneur, illustrant l’éthique des samouraï ? Jacques MARTIANO, en tant que disciple nous apprend que son maître a essayé pendant toutes ces années passées ensemble, de lui faire comprendre la notion de « Kokoro », en ajoutant chaque fois qu’il lui était possible, un nouvel éclairage à ce concept. « Le Kokoro est l’expression d’une philosophie de l’action et surtout pas une attitude à connotation cosmique qui se complairait dans la recherche de mots pour en expliquer d’autres et ainsi de suite. Le Kokoro c’est l’enveloppe qui contient la mise en œuvre des valeurs du bushido que j’ai faites mienne. Makoto

Honnêteté

Meiyo

Honneur

Chugi

Loyauté

Yu

Courage 135


Jin

Bienveillance et Compassion

Gi

Droiture dans la Conduite

Rei

Respect et Politesse

Tchi

Intelligence et Intuition

Shin

Croyance en la nature humaine ».

Le Shoshin Kan-Dôjo, IKEDA Shigeo Sensei l’avait voulu « lieu de vie », car toutes les composantes de la vie y sont rassemblées : « Le respect des anciens. L’exigence envers soit-même dans l’effort. La générosité pour les autres. La modestie dans la réussite. Le courage dans l’échec. La volonté de servir la seule cause digne d’intérêt : celle du cœur. » Jacques MARTIANO ajoute : « Unis par une passion commune, et le désir de bien faire, nous qui avons été nourris de la flamme qu’IKEDA Sensei avait allumée, nous continuons sans relâche à véhiculer ces valeurs. »135

Au total, nous retiendrons comme items : -

intelligence et intuition,

-

respect et politesse,

-

exigence envers soi-même dans l’effort,

-

droiture dans la conduite,

-

croyance en la nature humaine.

Ces valeurs principales, associées à d’autres que nous découvrons chez d’autres auteurs vont constituer un ensemble de huit questions qui seront posées lors des entretiens. Nous poursuivons donc par l’analyse d’autres écrits. 5. Les exigences d’Edgar MORIN « Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur» MARTIANO (J.).­ Le bushido –Le code de l’honneur, site sur internet

135

136


-

a) Les Cécités de la connaissance- L’erreur et l’illusion

« Il est remarquable que l’éducation qui vise à communiquer les connaissances soit aveugle sur ce qu’est la connaissance humaine, ses dispositifs, ses infirmités, ses difficultés, ses propensions à l’erreur comme à l’illusion et ne se préoccupe nullement de faire connaître ce qu’est connaître »136 Pour favoriser l’acceptation de l’autre qu’il soit adolescent ou qu’il soit adulte, nous avons appris que cela passait par la connaissance de soi. Il apparaît que si l’on a acquis de la modestie, quant à ses propres capacités, cela permet de mieux comprendre les exigences des processus de la connaissance et de la production de ce qui a été mémorisé. Boileau nous l’indiquait bien dans le passé » vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, polissez le sans cesse et le repolissez »137 -

b) Les Principes d’une connaissance pertinente

« La suprématie d’une connaissance fragmentée selon les disciplines rend souvent incapable d’opérer le lien entre les parties et les totalités et doit faire place à un mode de connaissance capable de saisir ses objets dans leurs contextes, leurs complexes, leurs ensembles. »138 Il serait important que dans les établissements scolaires, il y ait un temps d’accueil officiel, permettant au début des deux cycles secondaires d’indiquer aux élèves, l’intérêt de ce découpage en années, en correspondance avec la fragmentation des savoirs. Mais il serait également très utile de les aider à comprendre les apports généraux fournis par les matières fondamentales dans l’édification de la connaissance. Notre intelligence s’adapte d’autant mieux aux différents apprentissages que cet enseignement se fait par vagues, avec comme sur le rivage de nombreux retours en arrière, lors des marées montantes ou descendantes. L’enseignement secondaire, n’a pas pour objectif, la construction de « forts en thèmes », mais d’adolescents bien construits et susceptibles de s’adapter aux différentes situations qu’ils rencontreront dans le monde des adultes. Ainsi que le dit Edgar MORIN : « L’être humain est à la fois physique, biologique, psychique, culturel, social, MORIN (E.).­ Les sept savoirs nécessaires – in Penser la crise de l’école.­Paris : La Découverte ,Revue du Mauss N° 28, second semestre 2006 137 BOILEAU (N.).­L’art poétique ­ L’art d’écrire.­vers 46­47, 1674 138 MORIN (E .).­Les sept savoirs nécessaires.­ Revue du Mauss N°28 , p.59 136

137


historique. C’est cette unité complexe de la nature humaine qui est complètement désintégrée dans l’enseignement, à travers les disciplines. Il est aujourd’hui impossible d’apprendre ce qui signifie être humain, alors que chacun où qu’il soit devrait prendre connaissance et conscience à la fois du caractère complexe de son identité et de son identité commune avec tous les autres humains ».140 Comme cela avait été noté dans l’introduction , le petit enfant acquiert son évolution psycho-motrice et affective en acceptant la disparition de la relation fusionnelle avec la mère. Les auteurs anglo-saxons nous rappelant que l’adolescence est une seconde petite enfance, l’élève au collège doit prendre du recul à l’égard des trois dimensions du regard : le regard que l’on porte sur soi, sur l’autre et sur le monde. Il est ainsi en recherche d’un environnement qui puisse l’étayer dans sa quête d’identité et ses difficultés d’identification. -

c) Enseigner

l’identité terrienne

« Il convient d’enseigner l’histoire de l’ère planétaire, qui commence avec la communication de tous les continents au XVIe siècle, et de montrer comment sont devenues inter-solidaires toutes les parties du monde, sans pourtant occulter les oppressions et dominations qui ont ravagé et ravagent encore l’humanité ». En lisant ces propos, il semble possible de retrouver les bases de la relation d’estime que pouvaient manifester certains élèves à l’égard de leur professeur de géographie, lorsque ce dernier en dehors de son programme leur apportait ses idées sur les actions intersolidaires en développement dans différentes régions du monde. -

d) Affronter les incertitudes

« L’attendu ne s’accomplit pas, et à l’inattendu un dieu ouvre la voie. L’abandon des conceptions déterministes de l’histoire humaine qui croyaient pouvoir prédire notre futur, l’examen des grands évènements et accidents de notre siècle, qui furent tous inattendus, le caractère désormais inconnu de l’aventure humaine doivent nous inciter à préparer les esprits à s’attendre à l’inattendu pour l’affronter. Il est nécessaire que tous ceux qui ont la charge d’enseigner se portent aux avant-postes de l’incertitude de nos temps » . Cette phrase d’EURIPIDE, cité par Edgar MORIN, nous conduit à réfléchir sur le fait que la vie de l’adulte est remplie d’imprévus, alors que l’adolescent qu’il a été dans le MORIN (E.).­ Les sept savoirs du futur.­ in Penser la crise de l’école.­ Revue du Mauss N°28, p.61 138

140


passé, éprouvait beaucoup de difficultés à pouvoir anticiper. Comme nous le rappelle Philippe MEIRIEU dans la vidéo-cassette, le modèle dont on pourrait s’inspirer est celui de l’auto-école. 9On pourrait imaginer que l’école puisse fournir des situations ,où un élève accompagné d’un adulte expérimenterait de nouvelles situations ; le professionnel auprès de lui ne le laissant pas partir dans des conduites catastrophiques -

e) Enseigner la compréhension

Ecoutons à nouveau Edgar MORIN : « La compréhension est à la fois moyen et fin de la communication humaine. Or l’éducation à la compréhension est absente de nos enseignements. La planète nécessite dans tous les sens des compréhensions mutuelles. Étant donné l’importance de l’éducation à la compréhension, à tous les niveaux éducatifs, et à tous les âges, le développement de la compréhension nécessite une réforme des mentalités. Telle doit donc être l’œuvre de l’éducation pour le futur. La compréhension mutuelle entre humains, aussi bien proches qu’étrangers, est désormais vitale pour que les relations humaines sortent de leur été barbare d’incompréhension .» Nous pourrions visionner à nouveau la vidéo-cassette citée précédemment et intitulée « Eduquer : la loi fondatrice », dans laquelle Philippe Meirieu, nous rappelle « que nous sommes semblables parce que nous appartenons au genre humain , mais que nous sommes tous différents en fonction de notre ethnie, de nos traditions, de notre culture et que nous avons des choses à nous apprendre »139 -

f) L’éthique du genre humain

« L’éthique doit se former dans les esprits à partir que la conscience que l’humain est à la fois, individu, partie d’une société, partie d’une espèce. Nous portons en chacun d’entre nous cette triple réalité. Aussi tout développement vraiment humain doit-il comporter le développement conjoint des autonomies individuelles, des participations communautaires et s’appuyer sur la conscience d’appartenir à l’espèce humaine. » Edgar Morin insiste donc sur les participations communautaires. Dans notre propre

MEIRIEU (P.) Eduquer : la loi fondatrice.­vidéo­cassette éditée par le C.R.D.P. de Lyon MEIRIEU (P.).­ Eduquer, la loi fondatrice .­ cassette vidéo éditée par le C.R.D.P. de Lyon

9

139

139


cursus scolaire, nous nous souvenons

de certains condisciples que nous avons vu

soudainement grandir et devenir des modèles, parce qu’ils avaient accepté des responsabilités au sein d’associations, soit dans le collège, soit à l’extérieur. A la fin de l’étude de ce texte, nous retrouvons donc dans les propos de ce chercheur les éléments suivants : -

Les contextes, leurs complexes, leurs ensembles ;

-

Ce concept de complexité se dégage de ses travaux. C’est ainsi que Edgar MORIN, ajoutait

142

, »Aujourd’hui les problèmes fondamentaux de chacun

comme individu, citoyen, et membre de l’espèce humaine sont complètement désintégrés par le morcellement disciplinaire ». Ce constat ne facilite guère la mise en place de stratégies qui soient applicables à l’école. Il semble que ce soient avant tout des éléments dont on devrait tenir compte dans les stages de formation continue pour adultes. Nous allons davantage insister sur la réforme de l’éducation au Canada, où le thème est bien précisé :

propositions pour une vision plus humaine de l’école.143 2.3.3 Les implications d’une vision plus humaine de l’école En utilisant cette expression , ces universitaires canadiens évoquent avant tout dans la réforme proposée, l’idée d’éduquer les adolescents à une vie qui ait du sens. 1.- Les recherches de l’Université de Montréal Dans le cadre de la réforme de l’éducation et notamment des programmes d’études Charles E.CAOUETTE, professeur titulaire et Suzanne HAMEL, docteure en psychologie de l’éducation (Université de Montréal) nous proposent une vision plus humaine de l’école. Face aux difficultés que vivent leurs parents, devant la perte des repères sociétaux et la disparition des rites de transmission, les adolescents se demandent quel sens peut bien avoir ces années de fréquentation scolaire qu’on leur impose. Quel sens peut avoir le MORIN (E.)Les sept savoirs nécessaires.­ Revue du Mauss N°28, p. 62

142

MORIN (E.) .­Entretien avec Luc Ferry.­Le Monde 2, N° 168 supplément au Monde n°19370 du samedi 5 mai 2007 143

140


métier pour lequel on cherche tant à les préparer ? Quel sens peuvent avoir ces lendemains qui font peur à tout le monde ? Enfin quelle signification peut avoir l’existence? Est-ce que çà vaut vraiment la peine de la faire durer, comme le veulent les nutritionnistes ? Un tel questionnement ayant été entendu régulièrement lors de nos différentes rencontres dans les Collèges et Lycées , nous avait conduit à écrire un avanttexte intitulé « prolégomènes ». Devant ces interrogations retrouvées également lors de la Réforme de l’Education , ces deux universitaires canadiens ont développés cinq axes de réflexion. - Aider le jeune à trouver la signification de ce qu’on lui fait apprendre. - Aider le jeune à mieux se connaître et se comprendre. - Aider le jeune à développer sa vitalité personnelle. - Aider le jeune à élargir sa conscience des choses et des êtres. - Aider le jeune dans sa relation aux autres. Nous allons donc étudier successivement ces idées-forces , en essayant de souligner ce qu’elles nous ont apporté pour la préparation de nos entretiens. a).- Aider le jeune à trouver la signification de ce qu’on lui fait apprendre :

De nos études, nous gardons le souvenir donné par certains enseignants du secondaire. Nous percevions un décalage évident entre le sérieux et les exigences attachés au programme lors de la rentrée du mois de septembre, et la précipitation de ces mêmes pédagogues à la fin de l’année scolaire pour liquider les derniers chapitres de ce programme. Durant tout notre cursus, nous n’en avons qu’exceptionnellement terminé l’étude (que se soit en histoire ou en littérature). Pour lequel d’entre nous, cet ensemble de chapitres, avait-il un sens ? L’élève peut mémoriser des contenus académiques, si on l’encourage à le faire, compte tenu qu’ils sont exigés pour la réussite des examens. « Mais on apprend réellement et l’on intègre que des contenus qui ont du sens, des contenus qui répondent à des questions et à des besoins personnellement ressentis144 . CAOUETTE (CH­E.) et HAMEL (S.).­Eduquer à une vie qui ait du sens .­ Nouvelles CEQ, site sur internet http//csq.qc:nouvelle/nov98/eduque:htm 144

141


C’est dans cette démarche d’identification de ses besoins et de découverte du sens des apprentissages, que le jeune a besoin de l’aide et de l’accompagnement des personnes qu’il côtoie régulièrement.. Quand un adolescent, peut se situer comme personne dans ce qu’il apprend et de ce qu’il entreprend, quand il peut donner un sens à ses efforts et à ses actions, cela augmente non seulement son sentiment de compétence, mais aussi son sentiment de considération ; et l’estime qu’il se porte à lui-même rayonne à son tour sur l’estime des autres. « Tout se tient : son rapport avec lui-même et son rapport avec les apprentissages et avec l’environnement »145 b).- Aider le jeune à mieux se connaître et à se comprendre :

« L’approche transpersonnelle en éducation, donne la première place à l’être plutôt qu’au faire et, à travers la connaissance profonde de soi qu’elle favorise, elle a été reconnue comme moyen efficace de prévention des désordres psychologiques, des conflits interpersonnels, du décrochage scolaire et du suicide. »

146

Il est vrai que dans nos institutions on trouve de moins en moins le temps d’aider les jeunes à prendre véritablement contact avec ce qu’ils sont, « avec ce qu’ils veulent être, avec leurs intuitions, leurs émotions, leur créativité, leur poésie et leurs rêves » 147 Dans notre première monographie , nous avons illustré ce que l’équipe-relais tentait de faire, en favorisant la création d’un atelier d’écriture, destiné à la rédaction de saynètes. Ce travail, nous l’avons vu, fut suivi d’effets positifs au niveau des échanges entre adultes et élèves. Dans leurs propositions les mêmes auteurs ajoutent :« Les préoccupations de performance, de mesure, de comparaison et de compétition nous ont-elles fait oublier que l’objectif premier de l’éducation demeure celui de former des êtres humains, aussi vrai et humains que possible ». c).- Aider le jeune à développer sa vitalité personnelle

Il semble important de faire appel tout particulièrement à l’imagination et à la créativité MORIN (E.).­ Les sept savoirs Revue du Mauss N° 28 p. 60 CAOUETTE(CH­E.) et HAMEL (S.) Eduquer à une vie qui ait du sens, ouvrage cité p.3 147 CAOUETTE (CH­E.) et HAMEL (S.).­Eduquer à une vie qui ait du sens, ouvrage cité p. 2 145 146

142


des adolescents . « Pour ce faire, il est depuis longtemps démontré que l’école doit partir des intérêts des jeunes, de leurs besoins et respecter tout autant leur façon créative » Rappelons-nous que dans les différents documents qui traitent de l’école primaire en milieu rural, il était fait état de la pédagogie utilisé par l’instituteur lorsqu’il partait dans la campagne avec sa classe. d).- Aider le jeune à élargir sa conscience des choses et des êtres

A titre d’illustration nous pouvons apporter ici des exemples que nous ne pouvons que citer, puisqu’ils n’entrent pas dans notre recherche. Dans certains collèges qui ne se situaient pas en Bourgogne, où nous avons été convié lors de la rédaction de projets d’établissements, a été évoquée l’existence de groupes d’élèves volontaires, animés par des membres de leur équipe pédagogique ayant pu impulser une réflexion, soit sur le nom officiel de leur établissement, soit sur l’organisation de portes ouvertes en direction de tout public. Il en découle que « l’approche centrée sur la personne » permet également aux jeunes de devenir davantage conscient

des choses et des êtres qui les entourent.

Il est

important de leur permettre de prendre un écart à l’égard de leurs propres pensées, sensations, émotions.En comprenant mieux par l’intuition , ce qui se passe en eux et autour d’eux , les adolescents ont une perception plus juste et une conscience élargie 148 .Il faut donc permettre à ces futurs adultes de prendre et de se donner le temps nécessaire, donc de combattre « l’immédiateté ». C’est ainsi que des supports peuvent leur permettre « de réduire au maximum l’agitation intérieure et extérieure , la turbulence des pensées et le stress.» e).-Aider le jeune dans sa relation aux autres

« La question est d’aider le jeune à établir des relations plus authentiques avec les autres. .Tout en recherchant un dépassement de soi le jeune apprend à le faire en tenant CAOUETTE (CH­E.) et HAMEL (S.).­ Eduquer à une vie qui ait du sens .­ouvrage cité p. 3

148

143


compte des autres et de son environnement, dans un réel esprit de coopération et de convivialité, plutôt que d’individualisme, de compétition et de consommation effreinée ». Et c’est en nous inspirant des principes de la Réforme de l’Education au Canada, que nous avons commencé à entrevoir , ce qui allait être en quelque sorte le squelette de nos entretiens semi-directifs. Mais comme nous manquions d’informations sur le fonctionnement des établissements de Montréal, nous avons repris les textes rédigés dans des lieux scolaires plus proches de nous, en l’occurrence

Le Havre, Rouen,

Montfermeil. 2.- Les travaux du Rectorat de l’Académie de Rouen) Une recherche-action menée sur deux Collèges situés l’un sur Le Havre, l’autre dans la région rouennaise nous révèle que « la politique de l’établissement réside dans la volonté de = -

de s’appuyer sur les richesses individuelles de tous les personnels et adultes, au delà de leurs seules compétences professionnelles,

-

d’offrir une diversification des parcours scolaires tant en structures qu’en contenu, mais aussi en actions éducatives,

-

de construire des lieux où l’expression individuelle

et collective est

possible : « lieu « Ecoute-Ados », théâtre-forum, conseils de classe, conseils de délégués, conseils d’administration, -

de matérialiser le respect que le système éducatif a pour les parents : rencontres, écoute, invitations, conseils de classe individualisés,

-

de montrer que l’école n’est pas le seul lieu institutionnel où la relation adultes-jeunes peut prendre d’autres aspects ( informations par les policiers, par les représentants de la justice, par des sociologues, par des comédiens)149

La politique de l’établissement réside surtout dans la cohérence entre les discours et les actes, et dans la cohésion des membres de l’équipe. Un terme revient constamment en direction des élèves : « le respect de l’autre ». Ce concept n’est pas toujours facile à expliciter. Nous pouvons dire qu’il est sous-tendu par Cassette­vidéo La Barrière bleue, éditée par le CRDP de l’Eure

149

144


l’interdiction de nuire aux autres, l’interdiction de la dérision à l’égard de l’autre et l’obligation de lui laisser le temps de s’expliquer quand il a fait une erreur. Cette considération de l’autre en tant que personne aboutit , à ce que « on ne règle jamais les problèmes à deux ». Si on oublie cela et que l’adulte décide de la sanction , « l’élève pensera que l’adulte est en train de se venger ; »151 Les chercheurs qui nous ont proposé cette étude ajoutent :Ce qui fait la différence entre l’intérieur du Collège et l’extérieur : dans le Collège le respect est instauré, à l’extérieur c’est la « jungle »152 .

3.- La recherche-action menée au Collège Jean Jaurès de Montfermeil Le Collège Jean-Jaurès de Montfermeil classé ZEP, zone sensible est en contrat ville. Il scolarise 800 élèves dont près de la moitié habitent la cité des « Bosquets » ; le reste de la population venant de deux quartiers pavillonnaires à revenus moyens ou modestes. La cité des Bosquets est en difficulté extrême : forte proportion de familles immigrées, taux de chômage très élevé, délinquance endémique. Elle est et a été le lieu d’affrontements très violents et représente un repoussoir absolu pour les autres quartiers. Pourtant plus du tiers des enseignants sont au collège depuis plus de 10 ans, la totalité des maîtres auxiliaires et titulaires académiques demandent leur maintien prioritaire ai collège. Les demandes de mutation sont liées à des rapprochements de domicile. Malgré un public scolaire pour partie en grande difficulté sociale, l’atmosphère du collège est chaleureuse et conviviale. Les élèves y sont très attachés, respectent les locaux et les personnes et évitent d’y importer les conflits de la cité. Les réunions de parents touchent régulièrement près de 80% des familles. L’ensemble du personnel a conscience du caractère particulier de l’établissement. Les professionnels en retirent l’idée que le collège Jean Jaurès était radicalement différent des autres, en raison sans doute de la personnalité de chacun. Pou éclairer nos propos citons quelques paragraphes du rapport d’évaluation : « L’axe majeur

des actions quotidiennes dans l’institution : développer un tissu

Cassette­vidéo Eduquer : la loi fondatrice, éditée par le C.R.D.P. de Lyon, déjà citée Cassette­vidéo La Barrière bleue, vidéo­cassette éditée par le CRDP de l’Eure

151 152

145


« relationnel pluridisciplinaire, développer l’école comme lieu de vie. De cela découlent « des principes de fonctionnement= « Le positionnement des adultes dans l’établissement :Le seul fait d’être adulte donne « à la fois la responsabilité et un « statut ». Dans les rapports avec les élèves , il est « entendu que tout adulte de l’agent au « professeur en passant par l’infirmière ou la « Conseillère

Principale

d’Education,

a

« délégation

d’autorité

du

chef

« d ‘établissement. Chacun a droit au même respect de la « part des élèves. Chacun « accepte dans le même temps d’assurer ses responsabilités. « La professionnalité des acteurs -

« Il nous semble que se situant bien au delà de

« la simple exécution d’obligations de services, la majorité du personnel a le sentiment « d’exercer une responsabilité : responsabilité de service centrée sur l’élève. Ainsi la « gardienne assure sa fonction de gardiennage, mais elle est aussi capable d’écouter les « élèves, de discuter avec eux de sentir les tensions. Il va de soi que l’assistante sociale « traite les cas de détresse individuelle, mais elle sortira de son bureau s’il y a une « agitation anormale dans le couloir et participera aussi bien à une sortie ou à une « activité avec les élèves. Un incident à la grille après les cours ne sera pas ignoré par « un professeur qui est à proximité .La qualification professionnelle intègre donc « l’adaptation au lieu où elle s’exerce ». - Une prise en charge intégrée des élèves : A une maîtrise forte de sa propre « mission » correspond une forte capacité d’intervention commune, avec les autres « acteurs autour de l’élève. Lorsqu’un professeur repère un élève en détresse, il ne se « contente pas de le confier, comme un paquet, à l’assistante sociale, à l’infirmière, ou au chef d’établissement ». Autant que faire se peut, les différents points de vue sont « croisé »s et la personne en charge principale du cas traité assure la diffusion des « informations et le suivi des interventions. Ainsi chacun assume la plénitude de sa « fonction, sans confusion des compétences, mais en complémentarité. » On évite « l’isolement et on limite les risques « d’erreurs. Pour sa part « l’élève a la 146


possibilité de « saisir l’interlocuteur

de son choix en étant assuré de la

confidentialité. »153 Nous allons essayer d’illustrer par un tableau le tronc commun des principes énoncé dans ces deux recherche­actions. L’axe des actions quotidiennes

Rectorat de l’académie de Rouen

Collège de Montfermeil

Complémentarité

Reconnaissance des ressources

Tissu relationnel

individuelles

pluridisciplinaire

de

tous

les

personnels.

Le respect de l’autre

Chacun, qu’il soit adulte ou élève

Chacun à droit au même respect

a droit au même respect.

Exercice d’une responsabilité

Tout adulte qui n’intervient pas

Un incident la grille après les

lors d’un incident ou d’une

cours ne sera pas ignoré du

bagarre, rend la loi susceptible

professeur qui est à proximité.

d’être ignorée ou négociée

Capacité à écouter les élèves

Prise en charge à plusieurs

L’expression individuelle ou

La qualification professionnelle

collective est possible.

intègre donc l’adaptation au lieu

Différents lieux existent

où elle s’exerce.

Cohérence entre les discours et

La personne en charge principale

les actes.

de l’élève, assure la diffusion des

Cohésion l’équipe.

des

membres

de

informations et le suivi des interventions

Ce tableau illustre bien le fait que ces deux structures ont mis au points des actions

RIBEAUCOURT (L.),METRO (M.)de la convivialité à l’efficacité contre l’exclusion : une expérience d’établissement, Les jeunes en rupture scolaire : du processus de confrontation à celui de remédiation,Paris 1990 L’Harmattan, pp.151 153

147


centrées sur l’élève. Que pouvons nous retenir à l’issue de cette longue recherche qui nous a conduit au constat d’une restauration possible de la qualité humaine de l’école ? Nous avons relevé deux idées forces : la première, est que cette question intéresse beaucoup de chercheurs et cela depuis fort longtemps. La seconde, tient au fait que cette modification n’est possible que si elle est entreprise par des adultes « porteurs d’espoir »154 Pour appuyer cette assertion nous ne pouvons mieux faire que citer la phrase de deux chercheurs qui s’inscrivent dans le même registre « Un collège ne peut avoir la prétention de résoudre des problèmes sociaux qui le dépassent, même en développant des collaborations avec les familles, le quartier. Par contre, l’éducation nationale a un potentiel humain (en qualité et en dévouement) qui fait penser qu’elle peut trouver en son sein, des réponses aux multiples questions qui lui sont posées. »155 Dans un souci de synthèse nous avons rassemblé sur le même tableau les apports fournis par l’analyse de ces différents courants de pensée.Ce cadre synoptique illustre le fait que notre recherche conceptuelle a parcouru plusieurs étapes avant de pouvoir conserver l’essentiel. Sur la page suivante nous trouverons ce tableau synoptique , c’est-à-dire page 153.

BRICHLER (C.) Vision panoramique sur la relation « Parents­Enfants­Educateurs »La revue

154

FOEVEN, n° 146, Décembre 2003, pp.42 155 RIBEAUCOURT (L.), METRO (M.) ouvrage cité pp.156

148


Tableau synoptique Les

Rattachement à une

auteurs

école

Maître

Ecole Katori

Idéaux élevés

Code de

Ecole plus

l’honneur

humaine

Discrétion.

Combattre sa

Impersonnalité.

nature

Simplicité.

animale

Ienao

inférieure. Grandir pour le profit de la communauté. École basée sur une

Exigence envers

Honneur.

Intelligence et

philosophie de

soi-même dans

Loyauté.

intuition.

Maître

l’action =

l’effort.

Courage.

Respect et

Ikeda

L’exemple

Droiture dans la

Honnêteté.

politesse.

favorisant la

conduite.

Croyance en la

construction de soi

nature humaine

et des autres. Charles E. Couette

Dépassement de

Réel esprit de

Aider le jeune

Université de

soi.

coopération et

à

Montréal

Se situer comme

de convivialité.

prendre contact

(Dans le cadre de la personne dans

avec

Suzanne

réforme de

ce qu’il apprend,

ses intuitions,

Hamel

l’éducation)

de ce qu’il

sa créativité, et

entreprend.

à faire la différence entre 149


la réalité et le ressenti. En reprenant les items dégagé -

Développement conjoint des autonomies individuelles et des participations

communautaires -

Cultiver la simplicité et la modestie,( complexité de l’identité de l’être humain)

-

Changer les mentalités (compréhensions mutuelles)

-

Développer la capacité à saisir les objets de connaissance dans leurs contextes.

-

En analysant l’argument suivant : « développer la capacité à saisir les objets de connaissance dans leur contexte, leur cadre, leurs limites » nous trouvons des points d‘appui pour restaurer les qualités de l’école . Le souhait de ce chercheur qui s’appuie sur l’envie de changer les mentalités nous paraît en harmonie avec les stratégies retrouvées dans les différents travaux. Pour aller dans le même sens nous conserverons pour notre questionnaire les valeurs suivantes qui semblent être celles qui apportent le plus de clarification sur les qualités humaines. Nous considérons que leur formulation simple et très compréhensible, doit permettre à

tout professionnel d’un collège de se

prononcer à leur sujet. Pour recueillir le maximum d’éléments illustrant les stratégies destinées à modifier la structure scolaire, dont nous pensons nous en servir en tant que point de départ ; nous regroupons ces valeurs issues de notre recherche . Elles seront l’ossature des entretiens. -

Intelligence et intuition,

-

Respect et politesse,

-

Exigences envers soi-même dans l’effort,

-

Droiture dans la conduite,

-

Croyance en la nature humaine,

-

Cherchant la coopération et non la compétition

-

Grandir pour le profit de la collectivité,

-

Simplicité. 150


Bibliographie 2 67

VINCENT (G.).­Solidaires de qui… ­ Réflexions épistémologiques in Mission Recherche Mire.­ Rencontres et recherches avec la collaboration de la fondation de France .­Produire les solidarités­ La part des associations.­1997, p.370

68 69

LEWIS (J.).­Le secteur associatif dans l’économie mixte de la protection sociale Voir note 82 p.169 DONATTI (J.)._ Sociologia del terzo settore.­ La nuova scientifica Roma 1994

70

BOURGEOIS (L.)._ Solidarité.­ Paris : Colin, 1992

71

LACHER (S.), Les S.E.L. entre utopie politique et réalisme économique, La Découverte, 2002 : Mouvement n°19

72 73

OURY (J.).­ Le Collectif.­ Séminaire de Sainte­Anne, Paris : Le Scarabée,1986 KAISER (C.), reproduit en tête d’un deuxième recueil de ses articles, Quantum Physics and Philosophie, et paru sous le titre Essays 1958­1962 on Atomics Physics and Human Knowledge, New York Interscience Publishers 1963, pp.7

74

RACAMIER (P­C.).­ De la psychanalyse en psychiatrie.­ Paris : Payot,1979.

75

BOUTROUX (E.).­ La Monadologie de Leibniz.­,Paris : Librairie Générale Française, collection Livre de Poche : 1991,p. 208 CASTORIADIS (C.).­ L’institution imaginaire de la société.­ Paris : Seuil, 1975 DUPREEL (E.).­ Le pluralisme sociologique,fondements scientifiques d’une révision des institutions.­Bruxelles : Office de publicité : 1945, 13x18, 80 pp

76 77 78 79

OURY (J.)­La Psychothérapie Institutionnelle et –L’angoisse à l’école, Cahiers Pédagogiques n°3 1988 THÉBAUDIN (F.), OURY (F.)­ Pédagogie Institutionnelle, Mise en place pratique des institutions dans la classe, Paris 1995 Matrice, 153 pages

80

IMBERT (F.).­ Médiations, institutions et loi dans la classe dans la classe.­ avec le GRPI, Paris : ESF, 1994,2èmeedition,1995.

151


81 82

RACAMIER (P.C.).­ Psychanalyse sans divan.­ Paris :Payot, 1970, 1983,3ème édition OURY (J.)­ Psychanalyse et Psychiatrie et psychothérapie Institutionnelle, L’apport freudien­Eléments pour une encyclopédie de la Psychanalyse 1993 Bordas­pp.828

83

OURY (J.), Psychanalyse et Psychiatrie et Psychothérapie Institutionnelle ,pp.837

84 85

OURY (J.) .­ Le Collectif.­ Séminaire de Sainte­Anne, Paris : Le Scarabée,1986 p.32 DEVEREUX (G.).­ Ethnopsychanalyse complémentariste Paris 1972, p. 21

86 87 88

DEVEREUX (G.).­ Essais d’ethnopsychiatrie générale.­ Paris : 1970 p.87 DEVEREUX (G .).­ Ethnopsychiatrie complémentariste , Paris 1972 p 22 DEVEREUX (G.).­ Ethnopsychiatrie complémentariste , Paris 1972 p.23

89 90

HEISENBERG (W.),.­La partie et le Tout.­ Paris : Albin Michel, 1972 pp.144 BOHR (N.), Physique quantique et connaissance humaine.­Edition établie par

Catherine Chevalley coll. Folio­Essais,Paris : Gallimard 1991. Les racines de la complémentarité cité dans le recueil de HOLTON L’imagination scientifique,Paris : Gallimard, 1981, p.126 91

ULLMO (J.), La pensée scientifique moderne, Paris 1969, Champs Flammarion, pp. 118

92

BACHELARD (B.), L’expérience de l’espace et la physique contemporaine, Paris, Alcan,1937 pp. 35­36

93 94

ULLMO (J.), La pensée scientifique moderne, opus déjà cité, pp.46 ULLMO (J.) La pensée scientifique moderne, pp.123

95

BACHELARD (G.), L’expérience de l’espace dans la physique contemporaine, Paris :Alcan 1937,p .36 OURY (J.) Psychiatrie et Psychothérapie Institutionnelle , pp. 834

96

97 KAISER (C.), The logic of complementarity, Presse de l’université d’Edimbourg, 1974 98 ANZIEU (D.), Cadre psychanalytique et enveloppes psychiques Journal de la psychanalyse de l’enfant,2,12­24, 1986 99 ANZIEU (D.), Le moi­peau.­Paris : Dunod, 1985 100 ANZIEU (D.) et al. Les enveloppes psychique –Les signifiants formels et le moi peau.­ Paris : Dunod, 1987 p.1­22 101 PAIN (J.).­La pédagogie institutionnelle d’intervention.­ Vigneux : Matrice, 1993 102 PAIN (J.), HELBRUNN (R.).­Intégrer la violence.­Vigneux : Matrice , 1987 152


103 WIEL (G.).­ Fonction accompagnement et Fonction formation dans une stratégie d’innovation pédagogique.­D.E.A. Paris X Nanterre 1994,p .130 105 LAURENT(E.) 106 MONTAIGNE .­ 107 LAURENT (E.), Les deux plis du symptôme et de l’institution 109 GAMMILL (J.) , HAYWARD (R.).­Névrose infantile et position dépressive.­in Gammill J.A partir de Mélanie Klein.­Meyzieu : Césura, 1980 110 LEBOVICI (S.).­ Le nourrisson, la mère et le psychanalyste.­Paris :Paidos/Le Centurion, 1983 p.340 111 ROZJMAN (C.) .­ Savoir vivre ensemble.­ Paris :Syros,1998,p.198 112 PAIN (J.) Les invariants vers une pratique de l’institutionnel, Institutions N°34­ Psychothérapie et Pédagogie Institutionnelles, p.43 113 PAIN (J.), Les invariants d’une pratique institutionnelle ; Institutions N°34 p.44 114 PAIN (J.), Les invariants en pédagogie institutionnelle Institutions n°34 p.49 115 WIEL (G.) .­ Fonction accompagnement et fonction formation dans une stratégie d’innovation pédagogique p 132 116 WIEL (G.).­ Fonction accompagnement et fonction formation dans une stratégie d’innovation pédagogique p .133 117 WIEL (G.) .­ Fonction accompagnement et fonction formation dans une stratégie d’innovation pédagogique.­ p.136 118 WIEL (G.).­ Fonction d’accompagnement et fonction de formation dans une stratégie d’innovation pédagogique.­p .137 119 WIEL (G.) ,Fonction accompagnement et fonction formation dans une stratégie d’innovation pédagogique .­ p.138 120 ROUX (M.),Mémoires d’espaces, Rapport de synthèse de l’habilitation à diriger des recherches, Rennes, 2000, (à paraître) 121 DEVELAY (M.).­ Donner du sens à l’école.­ Paris : ESF, 1996 122 WACH (M.).­ Les valeurs des français selon l’approche de Schwartz, exploitation des données du volet français du Baromètre Environnement.­ Paris : EDF­DER, INETOP­CNAM, 1998.

123 CAOUETTE (CH. E.) , HAMEL (S.) Propositions pour une vision plus humaine de l’école.­ Université de Montréal, La réforme de l’éducation au Canada, site sur internet,2006 124 ARISTOTE.­ Ethique à Nicomaque.­ traduction J.Tricot, Paris :Vrin, 1994, p. 1­4 125 RASSMUSSEN (D.).­ Human Flourishing and the Appeal to Human Nature.­ Social Philosophy and Policy Winter, 1999 153


126 ARISTOTE, Eudemian Ethics, transl.W.D. Ross, Oxford University Press 1925 127 SEN AMARTYA (K.), Capability and Well­being, in Nussbaum and Sen (eds),Oxford Clarendon Press, pp.30 128 NUSSBAUM (M.), Nature, Function and capability : Aristote on Political Distribution, 1988, Oxford Studies in Ancient Philosophy ,Supplementary Volume, p.176 129 NUSSBAUM (M.),Non Relatives Virtues, An Aristotelian Approach, in Nussbaum M, and Sen A, (eds) The quality of Life,1993, Oxford Clarendon Press, pp.244 130 FINNIS (J.) et al.(1987b), Practical Principles, Moral Truth, Ultimate Ends, Americal Journal of Jurisprudence 32, pp. 99­51 131 FINNIS (J.) Social, Political and Legal Thougths of Thomas Aquinas, 1998, Oxford University Press 132 FINNIS (J.) et al. Practical Principles, Moral Truth and Ultimate Ends .­ American Journal of Jurisprudence, 32,pp.99­151 ,1987 133 DEMOULIN (S.).­Fisn et moyens : une interprétation aristotélicienne du développement économique.­ Queen Elisabeth House,International Developpement Centre ,Oxford 2006 p. 7 134 DEMOULIN (S.) .­Fins et moyens : une interprétation aristotélicienne du développement économique p. 10 135 MARTIANO (J.).­ Le bushido –Le code de l’honneur, site sur internet 136 MORIN (E.).­ Les sept savoirs nécessaires – in Penser la crise de l’école.­Paris : La Découverte ,Revue du Mauss N° 28, second semestre 2006 137 BOILEAU (N.).­L’art poétique ­ L’art d’écrire.­vers 46­47, 1674 138 MORIN (E .)Les sept savoirs nécessaires.in « Penser la crise de l’école »­ Revue du Mauss N°28 , p.59 139 MEIRIEU (P.).­ Eduquer, la loi fondatrice .­ cassette vidéo éditée par le C.R.D.P. de Lyon 140 MORIN (E.)Les sept savoirs nécessaires.­ Revue du Mauss N°28, p. 61 141 MEIRIEU (P.).­ Eduquer, la loi fondatrice .­ cassette vidéo éditée par le C.R.D.P. de Lyon 142 MORIN (E.)Les sept savoirs nécessaires.­ Revue du Mauss N°28, p. 62 143 MORIN (E.) .­Entretien avec Luc Ferry.­Le Monde 2, N° 168 supplément au Monde n°19370 du samedi 5 mai 2007 144 CAOUETTE (CH­E.) et HAMEL (S.).­Eduquer à une vie qui ait du sens.­ Nouvelles CEQ, site sur internet http//csq.qc :nouvelle/nov 98/eduque ; htm 145 MORIN (E.).­ Les sept savoirs Revue du Mauss N° 28 p. 60 146 CAOUETTE (CH­E.) et HAMEL (S.).­ Eduquer à une vie qui ait du sens .­ ouvrage cité p. 3 147 CAOUETTE(CH­E.) , HAMEL (S.).­ Eduquer à une vie qui ait du sens, ouvrage cité p.3 154


148 COUETTE (CH­E.) et HAMEL (S.).­ Eduquer à une vie qui ait du sens ,ouvrage cité précédemment p.3 149 Cassette­vidéo La Barrière bleue, éditée par le CRDP de l’Eure 150 MEIRIEU (P.) Eduquer : la loi fondatrice, cassette vidéo éditée par le C.R.D.P. de Lyon, déjà citée 151 La Barrière bleue, cassette­vidéo éditée par le CRDP de l’Eure 152 La Barrière bleue, cassete vidéo éditée par le CRDP de l’Eure 153 RIBEAUCOURT (L.),METRO (M.)de la convivialité à l’efficacité contre l’exclusion : une expérience d’établissement, Les jeunes en rupture scolaire : du processus de confrontation à celui de remédiation,Paris 1990 L’Harmattan, pp.151 154 BRICHLER (C.) Vision panoramique sur la relation « Parents­Enfants­ Educateurs »La revue Foeven, n° 146, Décembre 2003, pp.42 155 RIBEAUCOURT (L.), METRO (M.) ouvrage cité pp.156

3ème partie : Méthodologie et Analyse des données

155


3ème partie :Méthodologie et Analyse des données 3.1 METHODOLOGIE Pour illustrer la clinique de la complémentarité , nous avons tout d’abord essayé de préciser le diagnostic différentiel, c’est-à-dire tout ce qui pouvait y ressembler mais n’en était pas. En effet les rencontres que nous avons eu avec des chercheurs en Sciences Economiques nous ont appris que ce concept était fort utilisé dans leur secteur. Ces amis nous ont conseillé de rappeler que les actions complémentaires pouvaient se retrouver dans d’autres contextes comme la solidarité , la mutualité et la subsidiarité . Il y avait eu dans le passé disaient-ils l’utilisation de ces formes d’échanges vers d’autres finalités que ce qui figurait au départ. En nous appuyant sur leurs remarques, nous avons repéré qu’il s’agissait d’actions collectives pouvant se présenter sous différentes formes, mais qui tenaient assez peu compte de l’individu et de ses envies. Nous nous sommes intéressés à la lecture de deux ouvrages, pour essayer de mieux saisir les différentes facettes de ce fonctionnement économique particulier. En effet cette analyse qui se situe dans un domaine proche de la psychosociologie nous a conduit à reprendre à nouveau 156


des travaux d’AYMERTA SEN155bis Cet auteur essaie de comprendre s’il existe un lien entre les principes économiques et les principes moraux. Au cours du développement de la seconde partie de cet ouvrage , nous avons indiqué que l’on pouvait prendre appui sur les recherches de certains auteurs qui ont mis en évidence les constituants d’une institution où il ferait bon vivre. Or, parmi ces théoriciens revenait souvent le nom d’Aymerta SEN, dans des articles traduits de l’anglais. Ce chercheur insistait sur les éléments nécessaires à l’adaptation de l’individu à une société, puisqu’il donne des conseils à de futurs gouvernants. Dans l’analyse de cette sorte de paradoxe, qui favorise les actions de la collectivité en vue d’une amélioration du sort de chacun, nous avons pointé qu’il pouvait se produire des dérives ; celles-ci pouvant se situer soit du côté de l’illusion groupale, soit du côté de l’utopie . Nous avions ajouté que puisque notre étude concernait l’institution, il était important d’être au clair dans l’étude de ce concept sur une autre façon d’assumer la direction de l’établissement. Dans cette dynamique axée sur le changement, il était important de bien expliquer la fonction de cette équipe-relais pour ne pas trop inquiéter ou déstabiliser, ceux qui étaient détenteurs du pouvoir. Nous avons ainsi décrit les aléas d’une équipe-relais, lorsqu’elle avait menacé le pouvoir du chef d’établissement. Dans ces conditions, il paraissait logique que le fonctionnement institutionnel puisse se modifier progressivement et que, pour éviter la réapparitions de fantasmes persécuteurs, il fallait que la complémentarité ne reste pas uniquement du côté des actions spontanées, mais qu’elle soit accompagnée d’un référent extérieur. Dans un domaine aussi complexe que celui des Sciences Humaines, nous avons dû faire très attention à l’objectivité, car nous nous sommes retrouvés en position d’enquêteur ayant avec certaines équipes un passé d’accompagnant. Nous allons donc reprendre successivement les hypothèses posant la problématique de la recherche, puis démontrer comment nos entretiens ont respecté les conditions d’une démarche scientifique.

3.1.1 Définition des hypothèses AYMARTA SEN, DRÉZE (J.).­Indian : Economic Developpement and Social Opportunity.­ Oxford : University Press,1995 155bis

157


1.- L’hypothèse centrale = Une équipe-relais fondée sur une complémentarité « accompagnée » restaure la qualité humaine de l’école Nous avons dans la recherche conceptuelle tenté de démontrer que la complémentarité devait être accompagnée et c’est ainsi que nous avons essayé d’évoquer la place de l’accompagnant ainsi que sa fonction. L’hypothèse formulée nous a conduit à faire un long retour sur le passé pour retrouver ce qu’il en était des qualités humaines. Les écrits retrouvés ont montré rapidement leurs limites en s’attachant à détailler les critères qui permettent d’obtenir« une bonne vie » c’est-à-dire à préciser les éléments qui favorisent dans des conditions favorables, un séjour sur la terre.. Les chercheurs, disciples éloignés d’Aristote, ont distingué les capacités nécessaires à une vie physiologique, celles nécessaires à une vie raisonnée, et enfin celles nécessaires à une vie relationnelle. C’est pour cette raison que nous nous sommes intéressés à la biographie des maîtres de l’école des Samouraï, ainsi qu’aux valeurs que ses écoles défendaient. Par la suite les écrits d’Edgar MORIN sur « les savoirs nécessaires à l’éducation du futur » ne nous ont fourni que deux items concernant notre sujet : le premier : le développement des autonomies individuelles et des participations communautaires, le second : changer les mentalités. Nous n’avons pas retenu ce que ce chercheur évoquait sous l’idée de cultiver la simplicité et la modestie , puisque nous retrouvions cet enseignement chez les Samouraï. Avec les travaux de deux professeurs canadiens Charles E. CAOUETTE et Suzanne HAMEL, nous avons pu enfin comprendre et argumenter sur « les implications d’une vision plus humaine de l’école » Pour alimenter leur recherche sur la réforme de l’éducation, ces auteurs s’appuient sur cinq axes de réflexion 1.- Aider le jeune à trouver la signification de ce qu’on lui fait apprendre. 2.- Réformer pour aider le jeune à mieux se construire et se comprendre. 3.- Partir des intérêts et des besoins des jeunes et respecter leur façon créative, 4.- Aider le jeune à prendre un écart par rapport à ses propres pensées, sensations, émotions, 158


5.- Développer chez lui l’esprit de coopération et de convivialité. Dans ces différentes démarches se retrouve bien l’idée défendue par Edgar MORIN lorsqu’il évoque pour la structuration de l’homme du futur, la nécessité de « développer les autonomies individuelles et les participations communautaires. » En agissant sur la construction de l’individu, il paraît souhaitable que l’école s’attache davantage à tenir compte de l’énergie et des potentialités que l’on retrouve chez les adolescents, et que l’on puisse les entraîner dans des projets collectifs positifs pour la cité. De notre côté nous estimons que cette réforme de l’éducation ne peut donner des résultats que si l’on s’attache à l’analyse de la vie institutionnelle et au décodage des manifestations de violence insidieuse ou physique qui se produisent en son sein.

2.- Les hypothèses qui en découlent : De cette hypothèse centrale se dégage

d’autres hypothèses qui pourraient être les

suivantes : -

L’équipe-relais réfléchit sur le concept de cadre, puisque les adolescents ne savent plus où se trouve leur place. Dans cette analyse du territoire, cette équipe doit s’interroger sur la notion d’accueil.

-

Elle favorise une meilleure ambiance scolaire en redonnant du sens aux apprentissages, puisqu’elle démontre par sa composition que les métiers sont complémentaires.

-

Elle agit sur le respect de l’autre, en illustrant pas ses actions que nous avons tous des choses à nous apprendre.

-

Elle redonne confiance aux élèves en tenant compte de leurs réflexions quant aux modifications à apporter. La prévention de la violence demande à ce qu’il existe des lieux de rencontre entre adolescents et adultes.

-

Enfin, tout ce qui permet aux adultes de se retrouver pour élaborer des projets communs, permet aux élèves de se sentir considérés autrement. Du côté des salariés, le fait de pouvoir émettre leurs suggestions, redonne du sens à leurs motivations de départ.

Ayant rappelé la problématique de notre recherche, nous allons pouvoir comprendre 159


comment les entretiens réalisés auprès de personnels aussi différents, vérifient les hypothèses posées.

3.2 La construction du recueil de données 1.- Le choix de la méthode Nous avons choisi de partir d’entretiens semi-directifs, avec un axe de questionnement élaboré à l‘aide de tous les éléments retrouvés lors de nos investigations sur les qualités humaines de l’école. Pour cela nous avons fait la liste des valeurs sur lesquelles nous nous appuyons. Ce sont : Intelligence et intuition ­ Respect et politesse ­ Exigences envers soi­même dans l’effort ­ Droiture dans la conduite ­ Croyance en la nature une humaine ­ Chercher la coopération et non la compétition ­ Grandir pour le profit de la collectivité – Simplicité. Ces valeurs nous semblent essentielles . Elles doivent donc être défendues dans les lieux chargés d’éducation . Elles constituent le socle sur lequel les adultes peuvent se sentir en harmonie. L’adhésion des professionnels à ces données appartenant à l’éthique favorisera leur appropriation par les élèves. Dans le domaine des attentes ,il nous semblait important de tenir compte du fait que le collège s’adresse à des adolescents se préparant à devenir des adultes, autant qu’à devenir des réservoirs de connaissances. Voici résumées les attentes que nous pouvons avoir à l’égard de ces jeunes qui entrent dans l’enseignement secondaire.

­ Aider les jeunes à trouver la signification de ce qu’on leur fait apprendre ­ Aider le jeune à mieux se connaître et se comprendre ­ Aider le jeune à développer sa vitalité personnelle ­ Aider le jeune à élargir sa conscience des choses et des êtres ­ Aider le jeune à combattre l’immédiateté ­ Aider le jeune dans sa relation aux autres

160


* en favorisant leur participation dans des projets qui demandent leur coopération. * en les convainquant que l’entente entre les humains a besoin d’instants de convivialité. Cette synthèse des propositions d’écoles se différenciant par les lieux et par l’époque, nous a incité à regrouper des interrogations suivant trois axes : les valeurs partagées par des professionnels, leurs attentes à l’égard de la génération suivante et les actions qu’ils aimeraient entreprendre. Dans un souci méthodologique il est alors apparu qu’il nous fallait séparer ce qui était du présent de ce qui était du passé. Pour les propos concernant leur regard actuel nous souhaitions des réponses très courtes. Par contre pour ce qui était de leurs souvenirs et de leur projection dans l’avenir, il convenait de laisser le libre cours à leurs pensées en sachant que beaucoup d’entre eux ne supportaient pas l’enregistrement sur dictaphone. Il y avait certainement pour eux à maintenir les conditions d’un témoignage anonyme, en se rappelant que c’était bien parce que nous acceptions leurs exigences, qu’ ils avaient accepté de participer . Pour nous, cette situation était fort difficile puisqu’il s’agissait devant eux , de prendre des notes manuscrites, et nous nous étions engagés à n’indiquer que leur fonction, leurs initiales et celles de leur établissement.. Dans un souci de clarification, nous avons programmé le découpage du temps. Notre projet a été conduit de la manière suivante : d’une part, des secondes réservées à l’expression restreinte et d’autre part, des minutes largement imparties lors du recueil des idées et suggestions. Cette fragmentation volontaire a été perçu, par nous, comme un des éléments essentiels de la recherche sur le terrain. Nous l’avons retrouvée en faisant l’histoire de la mécanique quantique et notamment dans les propos tenus par Niels BÖHR. A certains moments ce physicien émet des phrases très courtes et à d’autres moments il se lance dans de longs exposés. Ce découpage du temps était également perceptible dans les écrits et nous l’avons observé lorsque nous recherchions le soubassement des qualités humaines. Les différents auteurs interrogés sont constamment en train d’évoquer le présent et le futur : les conditions « d’une vie bonne » chez les 161


auteurs s’inspirant des travaux d’Aristote , l’homme du futur pour Edgar MORIN, la Réforme de l’Education chez les professeurs de l’Université de Montréal. Qu’en a-t-il été de l’espace , c’est-à-dire le lieu où j’ai pu rencontrer ces professionnels. Les entretiens ont pu se dérouler dans des locaux, mis à notre disposition par la direction. Cette dernière s’était engagée à ce que nous ne soyons pas dérangés durant ce travail. Pour préserver la discrétion et l’étanchéité à l’égard des propos recueillis, il avait été convenu que les informations reçues, ne seraient communiquées que par le biais de cet écrit, une fois qu’il serait terminé. Enfin au niveau de la démarche, ce qui était fondamental pour nous l’était-il également pour les salariés du collège ou du lycée ? Cette question pouvait être posée sous une autre forme : la complémentarité, pour se construire, ne nécessite-t-elle pas un socle commun, une communauté de pensées ? N’y avait-il pas à observer des éléments positifs attestant que ces idées partagées, qu’elles soient évidentes ou qu’elles soient à l’état de latence, étaient bien partagées par l’ensemble des personnes reçues en entretien ?. Pour répondre à ces interrogations, nous avons construit un questionnaire, que nous leur lisions à voix haute, puis nous notions leur réponse à chaque question.De cette façon, les entretiens avaient le même axe directeur. Dans un souci de rigueur , nous avons suivi le même protocole : le petit texte énoncé au temps de l’accueil , les consignes formulées pour l’obtention du même cadre, et les quelques phrases terminales pour clôturer l’entretien. Voici les phrases correspondant à cette mise en place = . - Le texte énoncé au temps d’accueil= Monsieur ou Madame, comme vous avez eu la gentillesse d’accepter cet entretien pour faciliter les recherches sur la complémentarité des professionnels , oeuvrant dans une école, je vais vous préciser le déroulement de cet échange. Dans un premier temps , je vais vous poser vous poser une série de questions , auxquelles il vous sera Demandé de préciser si ce thème recueille votre accord , votre désaccord ou vous laisse indifférent.Ces interrogations porteront sur les valeurs auxquelles vous adhérez, vos attentes, et les actions dans lesquelles vous avez été ou vous aimeriez être impliqués Dans un second temps, vous pourrez nous faire part de vos idées et suggestions à l’égard de cette formulation : que pouvons-nous modifier pour restaurer les qualités humaines de l’école ?

162


Les consignes formulées : Dans le premier temps nous souhaitons un seul mot : accord, pas d’accord, indifférent.Par contre dans le second temps, vous pourrez donner cours à toutes vos remarques. Lors de la clôture de l’entretien : Monsieur ou Madame, je vous remercie très vivement de votre participation à ce travail. Vos formulations me font avancer dans la compréhension des actions complémentaires susceptibles d’être réalisé dans un établissement scolaire, et je m’engage personnellement à vous fournir les avancées dans ce travail.

Je joins donc ici cette liste de questions qui me servaient de fil conducteur. Il s’agit d’un questionnaire -Valeurs – Attentes – Actions.

Questionnaire VALEURS-ATTENTES et ACTIONS en direction des salariés reçus en entretien « À l’approche de l’équipe­relais » Nom : ( initiales) Fonction dans l’établissement : Participation à l’équipe­relais : Oui Non Durée ………………mois A quelles valeurs adhérez­vous ? = Intelligence et intuition Respect et politesse Exigences envers soi­même dans l’effort Droiture dans la conduite Croyance en la nature humaine Cherchant la coopération et non la compétition Grandir pour le profit de la collectivité Simplicité Vos attentes 163


­ Aider les jeunes à trouver la signification de ce qu’on leur fait apprendre ­ Aider le jeune à mieux se connaître et se comprendre ­ Aider le jeune à développer sa vitalité personnelle ­ Aider le jeune à élargir sa conscience des choses et des êtres ­ Aider le jeune à combattre l’immédiateté ­ Aider le jeune dans sa relation aux autres * coopération * convivialité

Dans quelles directions se situent ou pourraient se situer vos actions (participants ou acteurs ) En direction des élèves : ­ Animation d’un atelier par un Juge des mineurs, ou un fonctionnaire des services de police ­ Débat sur « les conduites à risques ­ Débat sur les contraintes liées à l’adolescence ­ Création d’une cellule écoute ­ En direction des parents : ­ Conférence­débats, pour parents ou tout public ­ Séances de théâtre interactif ­ Assistance à une séance de théâtre où les élèves sont ou étaient acteurs dans des saynètes (de dix minute)s traitant du mal­être à l’adolescence ­ Séances animées par des acteurs de métier, qui improvisent à partir de questions posées ­ En direction des membres de l’équipe­relais = 164


­ Thèmes de formation ­ Débats sur des vidéocassettes ­ Stratégies pour l’élaboration d’un projet AUTRES IDEES OU SUGGESTIONS =

Ce listage de questions dont nous nous étions bien imprégné, a été réalisé afin qu’il y ait une instance tierce entre le professionnel interviewé et l’enquêteur que nous étions. Mais ce cadre a révélé que dans le temps consacré à l’association des idées, les personnels non­enseignants témoignaient plus que les autres de leur envie d’une école en tant que lieu de construction de l’adolescent. Les entretiens réalisés, au nombre de 46, nous ont amené à collationner des attentes diverses et de nombreux désirs . En faisant l’analyse de contenu nous avons pu dégager des thèmes essentiels , d’autres qui l’étaient moins et surtout percevoir les limites de l’équipe-relais. 2.- La construction du recueil de données Une fois reproduits sous forme d’écrits , ces entretiens bien différents les uns des autres ont été abordé suivant la méthode de l’analyse de contenus. L’analyse de contenu retenue ici s’inspire de divers travaux BARDIN, 1977/1993, RONGERE 1979, DESMET, POURTOIS 1985, GHILIONE,LANDRE, BOMBERG, MOLETTE, 1998. Elle est d’abord une analyse thématique qui vise à étudier le sens de chacun des interviews étudiés, en les rapportant aux quatre catégories qui ont été dégagées : enseignants ou non-enseignants faisant partie de l’équipe-relais, et par symétrie enseignants ou ATOS salariés de l’établissement scolaire, mais n’appartenant pas à cette équipe. Elle recherche des référents-noyaux qui composent l’architecture de la pensée des locuteurs. L’unité de codage à ce niveau reste souple :le texte, la phrase, la proposition, le mot, le contexte déterminant l’unité de sens. 165


L’analyse thématique découpe l’ensemble des entretiens par une grille de catégories projetée sur les contenus.On ne tient pas compte de la dynamique et de l’organisation, mais de la fréquence des thèmes relevés dans l’ensemble des discours considérés comme données, segmentées et comparables. La méthodologie est d’inspiration critique. Elle met en relation un objet : la restauration de la qualité humaine de l’école et les difficultés des professionnels à se retrouver dans une communauté de pensée concernant leur adhésion aux mêmes valeurs, leur envie d’aider l’élève à se construire, et le style d’actions dans lesquelles ils seraient prêts à s’engager. 3.- Le choix des personnes pour les entretiens Les personnels ayant accepté de participer aux entretiens semi-directifs ,nous ont demandé de garantir l’anonymat et la confidentialité, afin de leur permettre d’exprimer librement leurs propos. C’est la raison pour laquelle nous avons inscrit le nom de leur établissement sous une désignation par trois majuscules en citant par contre le département. Pour assurer cette étanchéité de l’entretien , nous avons renoncé à faire une comparaison des idées émises par ceux qui avaient appartenus à l’équipe-relais et par ceux qui n’en faisaient pas partie. Voulant respecter la scientificité de la démarche, nous nous sommes aperçus que le processus de distanciation par rapport à l’objet d’études allait se faire de lui-même, en constatant que les intentions des équipes n’étant pas identiques, les personnes reçues en entretien auraient vécu des situations différentes. Certaines équipes restaient centrées sur l’éducation, redoutant sans doute de se focaliser sur l’échec scolaire ou sur le mal-être à l’adolescence et en conséquence d’oublier d’autres thèmes. D’autres groupes s’attachaient à la réflexion sur les normes et les règles. Enfin , il en est quelques unes où l’attention s’est centrée sur les conduites à risques et la souffrance psychique du jeune. C’est ainsi qu’ayant observé ces variations et pour rester dans une tendance moyenne, nous avons illustré par quatre monographies, la vie d’équipes hétérogènes repérées comme ne donnant pas trop d’importance à la pédagogie ou à la médecine. Les dix autres équipes que nous avons accompagnées n’ayant pas eu tout à fait le même 166


cheminement , nous avons souhaité qu’il soit tenu compte du fait qu’il y avait des variations dans leur parcours. Il était donc important que lors des entretiens, les professionnels salariés pour le même emploi appartiennent à des établissements différents. L’ attention qui fût la nôtre, était bien de tenir compte des exigences de C.KAISER, que nous avons essayé de reprendre lorsque nous traitions de la « complémentarité revisitée ». Nous en citerons rapidement quelques une : les propriétés communes, la suffisance de chacun des modes de description, l’alternance et l’égale nécessité. L’observation scientifique correspondait aux conditions précisées par ce chercheur, en raison du fait que appartenant ou non à l’équipe, ces salariés du collège avaient été présents dans des établissements où ce groupe hétérogène avait existé . Dans chacune des équipes-relais par contre existait le même fil rouge : « La reconnaissance que chaque individu à un savoir sur la vie », était vraiment le liant ; dans ces groupes les participants appartenant à des professions différentes avaient des choses à s’apprendre. Et c’est cette diversité des regards portés sur l’équipe-relais qui renforce pour nous ce souci de l’objectivité. Voici un premier exemple qui traite de la construction d’une équipe­relais « Il y avait un texte qui incitait les chefs d’établissement à créer une équipe­relais. De là est venu le démarrage dans mon établissement d’un espace de réflexion en direction des élèves. Cette équipe a rassemblé douze personnes : six enseignants et six ATOS. L’infirmière du Lycée m’a beaucoup aidé à construire un groupe hétérogène, en rencontrant les personnels qu’elle supposait intéressés par un projet en direction des élèves. C’est également elle, qui a eu l’idée de réaliser un tableau regroupant les photographies des personnes faisant partie de l’équipe­relais, production que l’on afficherait dans plusieurs lieux du lycée. Or ce tableau ont vivement intéressé, les élèves et les personnels non­enseignants. Les uns et les autres nous ont interrogée à ce sujet. Cela a fait comme un déclic. Tout s’est passé disaient­ils comme si « on ne se sentait plus seuls, mais on oeuvrait ensemble à la construction de l’élève ». (RE) 9 p. Ce fonctionnement avec absence de poulie de relais entre l’équipe et l’institution n’a pas été le seul a être constaté, d’autres modes d’articulation ont pu exister . Voici un autre 167


exemple apporté par un proviseur adjoint « Notre équipe­relais était composée de sept enseignants et de cinq autres personnes, qui comme moi n’avaient pas de charges d’enseignement (agents, cuisinier, gestionnaire). Devant mon manque de disponibilité, c’est le médecin scolaire qui a fonctionné comme leader. Je n’ai eu qu’à me louer de son sens de l’organisation et de sa ténacité. Je ne me sentais pas sur la touche puisque je la rencontrais régulièrement pour comprendre l’évolution du groupe, et je m’arrangeais fort intéressé par ce travail, à participer de temps à autres aux séances ».(RE), 8 p. Voici en complément ce qui est formulé par un professeur d’éducation physique : « Je viens avec plaisir aux réunions du groupe. Ce qui me plait dans ce travail, c’est de réfléchir avec les agents de service et les personnels non­enseignants » RE 26 p. Un agent de service ajoute de son côté : « Dans mon lycée, il y avait un fait nouveau , c’est qu’il était demandé à des professionnels appartenant à différentes catégories, de réfléchir sur l’aide à apporter aux élèves. L’équipe­relais, tel était le nom donné à ce groupe. Donc des personnels, peu considérés comme moi, pourraient faire part de leurs réflexions et apporter des suggestions. Cela devenait intéressant. J’en ai parlé à une professeure de mathématiques qui faisait partie de cette équipe. Elle semblait enthousiaste à l’égard de ce type de travail. Elle avait noté que des agents de service avaient une connaissance des élèves, que n’avaient pas certains enseignants de ce groupe ».(RE) 22 p. 296 ligne 10 Ces différents témoignages attestent que la création d’une équipe-relais entraîne des réactions chez les différents professionnels. En les rencontrant on découvre chez eux une attente et des envies, révélant qu’ils sont prêts à participer à des actions en direction des élèves. Nous estimons que nous avons eu des entretiens avec des personnels assez représentatifs de la diversité des postes dans les services de l’Education Nationale. Enfin, nous avons souhaité qu’il y ait une parité dans la répartition des adultes, ce fait se retrouve dans la participation aux entretiens. Notre propos peut être éclairé par le tableau suivant dans lequel est illustré le fait que 168


nous avons bien respecté cette proportionnalité. Le nombre global des personnes ayant participé à un entretien étant de 46, nous retrouvons : 23 enseignants et 23 A.T.O.S Pour clarifier la répartition des personnes, nous avons ajouté le sigle « Non-ER » , pour désigner les professionnels qui n’appartenaient pas à l’équipe-relais . Sous la dénomination A .T.O.S. le Rectorat regroupe les agents administratifs, techniques, ouvriers, personnels du service de santé. Sous le sigle O.E.A. l’administration rassemble les ouvriers chargés de l’entretien et de l’accueil. Regroupant tous ces éléments nous obtenons le tableau suivant , indiquant la fonction et l’appartenance des personnels reçus en entretien.

REPARTITION DES PARTICIPANTS AUX ENTRETIENS Initiales

Département

Enseignants

A.T.O.S.

Enseignants

A.T.O.S.

de l’équipe-

de l’équipe-

du collège

du collège

relais

Non-ER 1

Non-ER 2

Totalisation

LCD

21

3

relais 4

CBP

21

0

3

2

2

7

LVB

71

2

1

3

1

7

LCL

71

1

2

2

0

5

CDD LDJ

71 89

2 1

0 2

3 1

1 2

6 6

CDP

89 Nb d‘adultes

2 11

3 15

0 12

0 8

46

10

5

Interviewés

La disponibilité des uns ou des autres pour trouver du temps permettant un entretien, a entraîné une distribution assez aléatoire comme le montre la répartition des chiffres. Certes, nous avons rencontré un nombre plus élevé que celui de 46 professionnels, mais pour les autres , il n’a pas été possible de respecter le protocole que nous avions établi . C’est pour cela qu’ils ne figurent pas dans notre tableau. 169


Par contre malgré leur peu de disponibilités ou leur incapacité à se situer dans notre cadre, ces salariés nous ont apporté des indications que nous pouvons traduire d’une façon plus générale.

La création de l’équipe-relais ne les avait pas laissé indifférents,

qu’ils y aient participé ou non. Nous avons retrouvé une constance dans les analyses de son évolution. Les termes utilisés sont bien souvent identiques , avec beaucoup de locutions d’allure dépressive dans les lieux où l’équipe existe toujours, et bien plus d‘expressions laudatives dans les établissements où l’équipe-relais n’existe plus. Nous aurons donc à reprendre par la suite , l’analyse des effets fantasmatiques, que ce groupe produit dans l’institution. Il semble en effet s’agir de processus divers (idéalisation, idées de grandeur, impressions d’épuisement ou sentiments d’abandon). Ces mécanismes sont souvent liés à la façon dont le groupe a été créé ou encore à l’attention prêtée par le chef d’établissement. Qu’apporte le recueil des propos témoignant d’une certaine déception :« c’était mieux au début, il y avait une meilleure entente dans le groupe, il y a maintenant des sousgroupes, nous n’avons plus le même animateur, il y a une diminution des possibilités à prendre la parole pour nous qui ne sommes pas chargés d’enseigner ».Passé ce temps de récolte de témoignages, attestant que le travail de deuil sur la séparation d’avec les pionniers n’a point été fait , apparaissent des constats positifs : « L’ambiance du collège a continué à s’améliorer…, les adultes se parlent…, des intervenants issus de l’extérieur continuent à alimenter des réunions-débats.., il y a toujours des réflexions sur le mal être à l’adolescence. Des ateliers de réflexion vont ouvrir pour aborder avec parents et élèves des débats sur de grands thèmes de société. Il existe de plus en plus de possibilités d’introduire les manifestations théâtrales pour favoriser des discussions entre parents–élèves et nous salariés du collège ». En reprenant le tableau de la composition de ces quatorze équipes, nous notons que bien souvent nous n’avons pas pu faire d’entretiens avec l’infirmière stagiaire ou la remplaçante qui auraient pu nous faire part de leur regard sur les effets de l’équiperelais. Cet éventuel regret ne semble pas tenir devant les exigences de C.KAISER, qui exclue de ce travail sur la complémentarité, les stagiaires et les remplaçants. Pour que ce concept puisse se manifester ; il faut qu’il y ait développement des liens d’appropriation et d’appartenance. Or, ces postes ne s’inscrivant pas dans la durée, ne permettent pas que 170


le processus de maillage se produise. En revanche, au niveau des autres professionnels il a été plus facile par exemple d’interviewer la directrice de la SEGPA (section d’enseignement général et professionnel adapté) ou l’ancienne enseignante qui animait le C.D.I., souhaitant très fort parler de l’établissement.

La commodité des horaires et notre image connue, (de formateur

MAFPEN ou d’animateur de conférence-débat en direction des parents), a facilité la rencontre avec des enseignants du collège et des A.T.O.S. qui n’appartenaient pas à l’équipe-relais. Si nous essayons de différencier les enseignants en s’appuyant sur la matière enseignée, et les A.T.O.S. suivant leur champ d’activités, nous trouvons les chiffres suivants :

REPARTITION DES PARTICIPANTS SELON LA PROFESSION Fonctions Professeur de dessin Professeur d’éducation physique Professeur de langues Professeur de lettres Professeur de mathématiques Professeur de Sciences Directrice de S.E.G.P.A. Chef d’établissement Chef d’établissement-adjoint Conseiller Principal d’Education Infirmière Personnel administratif Personnel de la cuisine O.E.A.

Appartenant à l’équipe-relais 0 1 4 3 2 1 0 Personnels ATOS dans l’E-R 0 3 3 4 2 2 1

Enseignants en dehors de l’E-R 1 2 4 2 0 2 1 ATOS en dehors de l’E-R 0 2 0 0 1 2 3

Chez les enseignants Professeur de dessin et d’arts plastiques = 1 Professeurs d’éducation physique = 3 Professeurs de lettres = 5 Professeurs de langues = 8 Professeurs de mathématiques = 2 Professeurs de Sciences = 3 171


Directrice de SEGPA = 1 Au total 23 personnes Les professionnels ayant d’autres charges que l’enseignement se répartissent de la manière suivante Chez les personnels non-enseignants Chef d‘établissement = 0 Chef d’établissement adjoint = 5 Conseiller Principal d’Education = 3 Infirmière = 4 Personnel administratif = 3 Personnel de cuisine = 4 O.E.A. = 4

Au total 23 personnes

Cette distribution fournie par la participation des professionnels ayant eu la gentillesse de collaborer avec nous, illustre notre souci d’objectivité. Aussi pour tenir compte des réponses des uns et des autres , nous avons conservé le même nombre pour les personnes ayant des charges pédagogiques, que celles rassemblées sous le sigle A.T.O.S. ( en nous rappelant l’hétérogénéité des professions rassemblées). Il a été plus difficile de trouver une égalité parfaite pour les personnes appartenant à l’équipe-relais, que pour les autres professionnels interviewés, mais n’en faisant pas partie (figurant sous le sigle non-ER dans les tableaux). Nous retrouvons en effet : Enseignant ER = 11

Enseignants non-ER = 12

A.T.O.S.

A.T.O.S.

ER = 15

non-ER = 8

En complément de notre réflexion, essayons de décoder les propos dans l’établissement : Analyse des propos des professionnels non-ER = Dans ce bout de chemin entre le lieu du rendez-vous et la pièce où se déroulait l’entretien, certains professionnels nous ont fait part des raisons qui ne leur ont pas permis de faire partie de l’équipe-relais. - l’absence de disponibilité,leurs autres occupations, - le poids de la personne faisant autorité, (leurs propos ne seraient pas entendus), - leur participation à des actions sans lendemain,(un certain découragement lié à leur passé) , 172


- leur état de fatigue,(le plus souvent lié à un métier peu gratifiant) - la peur de risques encourus (interrogeant avant tout les avantages attendus) - leur manque de confiance en soi (« les autres feront cela mieux que moi »), - l’âge (« je suis à trois ans de ma retraite, avant je comprenais les jeunes »…) - la perte de la foi dans l’avenir ( cela se retrouve bien proche des propos de Socrate qui exprimait son peu d’attente à l’égard de la jeunesse). Nous sentions bien qu’il s’agissait de propos teintés vraisemblablement d’ambivalence, puisqu’ils acceptaient de venir réfléchir avec nous. Ce qui nous a semblé intéressant par la suite, était de reprendre ces locutions lorsque nous traiterons dans le dernier chapitre des peurs et des freins que nous mettons lors du démarrage d’une action innovante. 3.1.3 Le traitement des données : Pour analyser le contenu des propos exprimés , nous avons dû retenir deux champs . Nous avions 46 feuilles simples et 46 feuilles doubles. D’une part les pages simples où étaient inscrites les réponses laconiques au questionnaire, et d’autre part la transcription des idées et des suggestions émises par le participant lorsqu’il associait alors librement. Pour le premier champ cela nous a fourni des tableaux apportant des pourcentages témoignant de leur adhésion à des valeurs qui attestent de notre humanité, à leurs attentes et aux actions dans lesquelles ils se sont engagés (ou qu’ils auraient aimé voir se dérouler dans l’avenir). Pour le second champ , celui intitulé : idées et suggestions émises , nous les regrouperons par thèmes essentiels. Pour rester dans la droite ligne des propos tenus lors de l’accueil, nous avons fait une répartition sous trois items : propositions recueillant leur accord, les laissant indifférents, ou entraînant leur désaccord. Nous allons retrouver à la suite plusieurs tableaux dans lesquels sont chiffrées les réponses à notre questionnaire. C’est ainsi que nous trouverons successivement : -

a).-le tableau des valeurs,

-

b).-le tableau des attentes, 173


-

c).- enfin, le tableau des actions menées, en direction des élèves, en direction

des parents, ou en direction de l’équipe-relais.

a).- L’adhésion à des valeurs : TABLEAU DES VALEURS Professions

Valeurs recevant

Les laissant indifférents

l’accord

Entraînant leur désaccord

Professeur de dessin Professeur d’éd

62% 68%

38% 24%

physique Professeur de langues Professeur de lettres Professeur de maths. Professeurs de Sciences Directrice de S.E.G.P.A. Chef d’établ. adjoint C.P.E. Infirmière Personnel administratif Personnel de cuisine O.E.A.

82% 57% 63% 50% 87% 92,5% 83% 78% 79% 81% 91%

18% 43% 37% 50% 13% 7,5% 17% 22% 21% 19% 9%

8%

Pour la rubrique « professeurs de lettres », devant ce faible taux d’adhésion à des valeurs, qui pour nous appartiennent aux qualités humaines de l’école, nous avons dans ce groupe de cinq personnes, essayé de séparer ce qui était des participants à l’équipe et ceux qui n’en faisaiaient pas partie (enseignants non-ER). Cette opération nous a fourni des éléments peu interprétables : Professions

Valeurs recevant

Les laissant indifférents

l’accord Professeurs lettres E-R Professeurs lettres non-

Entraînant leur désaccord

75% 50%

25% 50%

174


ER

La question que nous nous sommes posée alors et qui semble bien difficile à résoudre, s’agit-il d’un processus défensif, ou s’agit-il de valeurs qu’ils auraient souhaité développer plus longuement. En effet compte tenu de la différence de formations des personnels interrogés, je leur ai demandé comme aux autres personnels de répondre à chaque interrogation par un seul mot (accord, désaccortd, indifférent). En ont-ils ressentis une certaine contention ou une certaine brutalité ? Plus à l’aise dans le champ consacré à leurs idées et suggestions, ils nous ont fourni beaucoup d’éléments positifs alimentant des thèmes essentiels. Un autre chiffre nous a étonné celui de la faible adhésion à nos valeurs, lorsqu’il s’agissait de questions posées aux professeurs de sciences et aux professeurs de mathématiques. Les chiffres sont 50% et 67%. Ces enseignants ont-ils été déroutés par notre protocole et nous ont-ils répondus alors par civilité ? Leur nombre discret nous fait penser que, trop préoccupés par la transmission de leurs savoirs, ils ne semblent pas avoir suffisamment réfléchi à ce que sous-entendent les mots « apprentissages » et « motivation ». Une autre hypothèse a également surgit : ces professeurs inscrits dans un modèle cognitif, ne

se montrent-ils pas très frileux, quand on leur présente

l’éventualité d’un changement ? Enfin la position du professeur de dessin a été très particulière. Il semble qu’il adhérait à nos valeurs, mais qu’il a répondu de façon adolescente à nos questions, car il trouvait que cette réflexion devait se faire avant l’entrée au collège. Voilà ce qu’il nous a déclaré Lorsque en début d’entretien, vous m’avez posé ces questions sur les huit valeurs auxquelles vous sembliez attacher du prix, j’ai retrouvé des termes qui appartiennent à l’éthique. Les questions que je me pose sont les suivantes : pourquoi faut­il attendre que le jeune soit au lycée, pourquoi la transmission de ces valeurs ne ferait­elle intégrée dans l’enseignement délivré à l’école primaire ?(RE) N°25 p. 301 ligne.3 Son indifférence n’était sans doute, qu’un mouvement d’humeur. Dans la suite de la rencontre , il montre qu’il est partie prenante dans des actions en direction des élèves. J’ai été informé qu’il y avait un équipe­relais, réunissant des volontaires. J’ai peu de liens avec les professionnels de ce lycée, car je demeure à cent kilomètres. Si j’habitais 175


sur place j’aurais sûrement demandé à être accepté dans ce groupe. Je crois que des adultes de professions différentes peuvent susciter dans une école des actions innovantes entraînant des modifications de l’ambiance et une plus grande participation des élèves ». (RE) N°25 p. 301,ligne23 On ne peut donc tenir compte de ces propos teintés d’ambivalence, alors que l’on ressent chez ce pédagogue une grande envie de participation. Ayant donc classé à part, ce témoignage d’un être hypersensible, nous observons que l’ensemble les entretiens nous a montré que ces données éthiques semblaient très importantes pour la plupart d’entre eux. C’est ainsi qu’un proviseur-adjoint nous déclarait : « Dans mon enfance, mon grand père évoquait souvent l’image de l’instituteur qui animait sa classe unique. Quand je reprends votre expression « grandir pour la collectivité », me reviennent les propos de mon parent qui racontait combien ce professeur était attentif aux bons résultats fournis par les élèves de condition modeste. Il leur offrait des cours particuliers, pour leur permettre de réussir le concours des Bourses et ainsi avoir accès aux études secondaires. Dans le village on disait que certains de ses anciens élèves , guidés par lui, avaient présenté le concours d’entrée à l’Ecole Normale d’Instituteurs. Mon grand père ajoutait que si Jean GUEHENO était rentré à l’Académie Française, il le devait en grande partie à ce souci de la collectivité, qu’avait manifesté très tôt, un instituteur d’une classe de campagne de la région de Fougères. Quand je vous ai entendu prononcer les valeurs que vous avez sélectionnées, ces images de mon enfance sont subitement revenues. Je me demande maintenant, si ce grand­père, exigeant pour lui­même comme pour les autres, ne m’a pas inconsciemment poussé dans le métier que je fais actuellement. » (RE) N°10 p. 282, ligne 1 Un autre adjoint au chef d’établissement nous tient les propos suivants « Je suis en accord avec les valeurs que vous m’avez présentées, mais pourquoi ne sont­ elles plus rappelées à l’école primaire et dans la famille ? En ce qui concerne les attentes pour une école lieu d’éducation, je suis dans les mêmes dispositions que vous , mais comment peut­on aider le jeune à développer sa vitalité personnelle »(RE) N°7 p. 176


277, ligne 11 Une cuisinière a complété ce propos sans en avoir pourtant eu connaissance : « Au début de l’entretien, vous m’avez demandé de réfléchir sur des valeurs et des attentes. J’ai retrouvé avec une certaine émotion , des termes très proches des propos tenus par mon grand père que j’admirais. Je ne dis pas cela pour vous signifier que vous appartenez à une autre époque, mais parce que cela me pose question. Qu’est­ce qui fait que l’école n’enseigne plus aux jeunes ces valeurs, qui permettaient de trouver un sens à sa vie ? Pourquoi nous parle­t­on tellement de programmes, et de l’importance des diplômes ? Dans ma famille l’essentiel était d’avoir acquis les données essentielles pour continuer à apprendre chaque jour de sa vie. » (RE)N°21 p. 293, ligne 23 En associant ces différents témoignages, à ce que fournissent les indications chiffrées, il semblerait que les différents personnels considèrent que ces valeurs sont essentielles. Il y aurait donc tout un creuset de bonnes idées et la possibilité de restaurer les qualités humaines de l’école. b) Le recueil de leurs attentes : TABLEAU DES ATTENTES Professions Professeur de dessin Professeur d’éd. physique Professeur de langues Professeur de lettres Professeur de maths. Professeur de Sciences Directrice de S.E.G.P.A. Chef d’établ. adjoint C.P.E. Infirmière Personnel administratif Personnel de cuisine O.E.A.

Recevant l’accord 62% 68% 87% 79% 67% 73% 99% 90% 78% 94% 99% 75% 83%

Les laissant indifférents 38% 26,5%

Entraînant le désaccord 5,5%

13% 21% 33% 27% 1% 10% 22% 6% 1% 25% 17%

Ce tableau des attentes illustre bien le fait qu’il y a dans l’école d’aujourd’hui beaucoup d’attentes des différents personnels, concernant les différentes façons de venir en aide aux élèves, en complément des matières formant la base des processus d’apprentissage. 177


Par contre si nous reprenons la question des professeurs de lettres , paraissant avoir moins d’attentes que leurs collègues enseignants en langues, le tableau réalisé n’apporte pas plus de précisions. Professions

Attentes recevant

Les laissant indifférents

l’accord Prof. de lettres E-R Prof. de lettres non E-R

Entraînant leur désaccord

90% 75%

10% 25%

Se pose ainsi la question des freins apportés à l’envie de participer à l’équipe-relais. Existe-t-il des difficultés de communication, ou encore le fait qu’il y ait un nombre élevé de participants fait-il peur à ceux qui souhaitent faire participer aux travaux d’une équipe de travail? Y aurait-il une certaine crainte concernant le fait de se retrouver avec des professionnels ayant des métiers différents ? L’acte éducatif est fondé sur un discours qui s’égrène au nom d’un idéal du bonheur et du bien de l’enfant ; mais pour que soient respectées ces valeurs, « on prescrit parfois des mesures qui ont pour résultat l’accomplissement d’un véritable meurtre psychique, d’un assassinat de l’âme.Les difficultés de l’enfant ne seraient pas forcément les siennes ,il les aurait reçues en héritage. Légataire de nos dettes d’adultes, il réactualiserait ce qui est noué dans les générations qui l’ont précédé. Nous pouvons consentir à nous interroger sur nos actes avant de tourner les regards vers les autres 157 Si les tendances naturelles incitent les adultes

à se retrouver avec des individus

identifiables, comme semblables (rencontres corporatives, réunions d’associations, groupes de formation,…), c’est sans doute pour éviter que les propos émis les rendent vulnérables, tant au regard des autres qu’à leurs propres yeux. On conçoit l’importance des mécanismes défensifs qui peuvent surgir lors d’actions appuyées sur le principe de complémentarité. La peur d’être conduit à dévoiler à l’autre une partie de ses faiblesses, peut certainement freiner l’envie de participer à une équipe-relais dont la composition est hétérogène Pour compléter notre analyse, nous avons repris les quatre professions d’enseignants qui avaient suscité notre attention lorsque nous nous interrogions sur l’adhésion

aux

valeurs. Nous avons inscrit leurs particularités sur un nouveau tableau : TABLEAU REGROUPANT QUATRE PROFESSIONS D’ENSEIGNANTS 157

CEFALI (M.) Le lien éducatif : contre­jour psychanalytique .­ Paris :PUF, 1994.

178


Professions

VALEURS Recevant l’accord

Prof.de dessin Prof. d’EPS Prof de Math. Prof. Sciences

62% 68% 63% 50%

VALEURS Les laissant

ATTENTES Recevant

ATTENTES Les laissant

indifférents 38% 24%% 37% 50%

l’accord 62% 68% 67% 73%

indifférents 38% 26,5% 33% 27%

En le lisant nous remarquons les éléments suivants : -

Le professeur de dessin continue à fonctionner sur la même lancée. Ses options sont toujours aussi peu interprétables.

-

Les trois professeurs d’éducation physique et sportive, s’opposent toujours à notre questionnement. Les valeurs qu’ils refusaient : la croyance en la nature humaine et grandir pour le profil de la collectivité. Les attentes qu’ils contestaient :aider le jeune à élargir sa conscience des choses et des êtres, aider le jeune à combattre l’immédiateté.

-

Les trois professeurs de mathématiques restent toujours hésitants.

-

Les deux professeurs de sciences semblent bien plus à l’aise pour essayer de définir leurs attentes.

Il sera certainement intéressant de reprendre ces positions dans notre partie consacrée à la discussion. c).- Interrogations sur les actions à envisager ou déjà réalisées Dans le dernier tableau réalisé à partir du questionnaire s’attachant aux actions qui ont été effectuées ou que l’on aimerait voir s’installer, il nous a fallu faire trois divisions : -

Tableau des actions en direction des élèves,

-

Tableau des actions en direction des parents,

-

Tableau des actions en direction de l’équipe-relais.

Il apparaît ainsi que les personnels interviewés non-ER soient davantage favorables à une diversité d’actions, alors que ceux inscrits dans l’équipe-relais semblent davantage inscrits dans la prudence. Par contre nous ne retrouvons aucun élément apportant un éclairage sur l’envie que ces projets se poursuivent dans la continuité. Le principe de complémentarité semble donc exiger des qualités particulières, si l’on souhaite que l’action s’inscrive dans la durée. 179


TABLEAU DES ACTIONS ENVISAGÉES En direction des élèves Professions

Actions recevant

Les laissant indifférents

l’accord

Affirment leur désaccord

Professeur de dessin

60%

40%

Professeur d’ed.

47%

13%

physique Professeur de langues Professeur de lettres Professeur de maths Professeur de Sciences Directrice de S.E.G.P.A . Chef d’établ. adjoint C.P.E. Infirmière Personnel administratif Personnel de cuisine O.E.A.

85% 47% 60% 68% 80% 88% 87% 80% 60% 80% 80%

15% 13% 40% 32% 20% 12% 13% 20% 40% 20% 20%

40%

40%

Si l’on analyse les chiffres se pose alors la question de trouver les raisons, qui font que deux catégories d’enseignants, éprouvent des difficultés à envisager des tables rondes avec les professionnels dont le métier est concerné par la prévention de la délinquance . On retrouve en effet chez ces salariés interviewés une impossibilité à imaginer un travail avec les juges pour enfants ou avec les fonctionnaires des services de la police. Or les travaux des chercheurs français que nous avons cités en référence insistent bien sur l’intérêt d’une reconnaissance de ces techniciens en tant que partenaires de l’école.Si l’on reprend notre idée que l’adolescent a besoin de connaître les lois le concernant , il n’est pas toujours simple d’envisager un atelier abordant le domaine juridique et cela dans le déroulement des programmes traditionnels. Et pourtant en s’appuyant sur les travaux de VYGOSKI qui établit une distinction entre les concepts spontanés et scientifiques, les collégiens manient les outils du droit notamment, dans des sphères, des domaines et des espaces de signification spécifiques. Ils acquièrent des éléments de cette compréhension, analysent le réel, le disent suivant les règles. Ils sont amenés à

180


comprendre que le droit dit la norme, ce qui doit être , non la réalité dans le quartier.158 « Tout enfant à en lui des forces vives, quelles que soient les catastrophes qui lui sont réservées, quels que soient les parents dont il est né. Il est capable d’affronter les pires obstacles si l’on fait confiance à ses potentialiés .»159 Dans ce même tableau , on relève que les personnels non-enseignants sont prêts à des actions en direction des élèves. Il y aurait donc là , tout un réservoir d’adultes disponibles acceptant de s’inscrire dans des actions complémentaires. C’est ainsi qu’un proviseur nous déclare : « Nous avons été surpris de constater que les agents avaient une connaissance bien plus importante que la nôtre des difficultés éprouvés par les jeunes. Sous leur influence a été monté une journée en direction des élèves. Trois ateliers ont donc été constitués pour accueillir les élèves volontaires pour cette action : un premier débat sur la loi et les déviances, animé par un membre de la Brigade des Mineurs, un second sur la santé où je me suis retrouvé avec mon aide­soignante, le dernier traitant des comportements paradoxaux à l’adolescence avec un pédopsychiâtre. . Chaque atelier regroupait trente élèves, puisqu’il y avait quatre­vingt­dix participants. Durant ces échanges les jeunes ont été très actifs, posant de nombreuses questions. Ils ont accepté par la suite, de témoigner de leurs regards sur ces lieux de communication et d’apporter des suggestions pour de nouvelles actions. Chaque élève ayant séjourné successivement dans les trois ateliers, il lui a été demandé, en fin de journée de répondre à un petit questionnaire, en indiquant que sur la feuille un espace avait été laissé en blanc pour rédiger leurs apports ».(RE) N° 16 p.289 l. 19 La cohérence des projets d’établissements , en direction des élèves , exigeraient donc , que pour aider les jeunes à « élargir leur conscience des choses et des êtres, et à mieux comprendre et se connaître », le projet pédagogique doit s’étoffer en s’appuyant sur les autres professions. Ces interrogations étant posées, voyons ce qu’il en est des projets en direction des parents. Ecoutons ce que dit ce proviseur-adjoint AUDIGIER (F.), LAGELLE (G.).­ Education civique et initiation juridique dans les collèges.­ Paris :

158

I.N.R.P.,1996 159 CIFALI(M.).­ Le lien éducatif : contre­jour psychanalytique.­ Paris : PUF, 1994.

181


« Nous avons organisé le mardi soir à 19 heures des Conférences débats où étaient invités les parents. Ceux­ci, alors qu ‘ils étaient peu nombreux pour les premières rencontres , nous ont invité à prendre la parole, ayant constaté que dans ces conférences venaient également des salariés du Collège , qu’ils côtoyaient dans leur voisinage. Nous progressons puisque après chaque soirée, les parents nous suggèrent des thèmes nouveaux qu’ils voudraient voir aborder.Nous n’avons pas encore pu saisir tous les effets de ces échanges impulsés par la mini­équipe, mais nous en attendons beaucoup. » (RE) 7 p.277 L .16 Ce propos nous intéresse d’autant plus que nous avons évoqué dans les prolégomènes, la fragilité de la famille dans sa fonction éducative. Examinons maintenant ce que nous apporte le tableau des actions envisagées en direction des parents :

TABLEAU DES ACTIONS ENVISAGÉES En direction des parents Professions

Actions recevant

Les laissant indifférents

l’accord

Affirment leur désaccord

Professeur de dessin Professeur d’éd.

99% 83%

1% 17%

Physique Professeur de langues Professeur de lettres Professeur de maths Professeur de Sciences Directrice de S.E.G.P.A .

87% 85% 75% 64% 99%

13% 15% 25% 33% 1%%

182


Chef d’établ. Adjoint C.P.E. Infirmière Personnel administratif Personnel de cuisine O.E.A.

75% 83% 88% 84% 88% 82%

25% 17% 12% 16% 12% 18%

Dans ce listage, on observe qu’il y a un accord entre les personnes , pour tout ce qui est des participations des familles. Ils se retrouvent d’accord pour favoriser chez les parents une diminution de leur envie de confier à d’autres la construction de leur enfant. On retrouve bien là, cette réflexions des personnels interviewés , en ce qui concerne les attitudes d’allure démissionnaire observées chez les parents, avec la même volonté de les aider pour que leurs attitudes puissent changer. Ayant fait l’approche du tableau concernant les familles, étudions maintenant celui qui traite des actions en direction de l’équipe-relais

TABLEAU DES ACTIONS ENVISAGÉES En direction de l’équipe­relais Professions Professeur de dessin Professeur d’éd.

Recevant l’accord 66% 99%

Les laissant indifférents 34% 1%

physique Professeur de langues Professeur de lettres Professeur de maths Professeur de Sciences Directrice de

80% 86% 99% 78% 67%

20% 14% 1% 11% 33%

S.E.G.P.A . Chef d’établ. adjoint C.P.E. Infirmière Personnel administratif Personnel de cuisine O.E.A.

87% 88% 75% 89% 82% 83%

13% 12% 25% 11% 18% 17%

En désaccord

11%

Le tableau des actions en direction de l’équipe-relais semble indiquer la présence en filigrane de ce même constat « nous les professionnels, nous ne sommes pas assez 183


formés, pour aider les jeunes « à combattre l’immédiateté, à trouver la signification de ce qu’on leur fait apprendre. » CAOUETTE, Université de Montréal 3.1.4 Assurer l’objectivité de la recherche La question de l’implication du chercheur La difficulté rencontrée au niveau des participants de l’équipe-relais, tenait à la double casquette de l’intervieweur (qui avait antérieurement fonctionné comme accompagnant). La situation était bien plus claire lorsqu’il s’agissait d’adultes qui n’étaient pas dans l’équipe. Dans un souci d’objectivité nous avons rencontré un nombre équivalent de salariés du collège ,ne faisant pas partie de cette équipe (vingt-trois E.R. et vingt-trois non-ER.) La triangulation Pour tenter de tenir compte des exigences des Sciences Physiques dans l’analyse des données, nous avons choisi un protocole identique pour chacun des participants.Les propos tenus avant le début de l’entretien apportait un cadre, pouvant apparaître pour certains comme très contraignant. Les personnels nous ont fait remarquer l’inégalité des durées : restriction pour les réponses au questionnaire et élargissement du temps réservé aux idées et suggestions. Ils ont également signalé un aspect frustrant, celui de ne pouvoir s’attarder dans la première partie sur le contenu des valeurs et des attentes. Par contre ils ont reconnu que cette limitation de la parole, leur a donné envie d’utiliser au maximum le temps de libre expression, en sachant que nous n’avons jamais laissé durer l’entretien au delà d’une heure et quart. Cette gestion particulière du contenant , a semble-il situé le questionnaire en position d’instance tierce, conduisant les professionnels à considérer que ce listage étant incomplet, ils se devaient de nous apprendre des choses. Cela nous a également permis d’éviter les discussions sur les valeurs proposées, cela n’étant pas l’objet de notre recherche. La réflexion sur les exigences de C.Kaiser , nous a également apporté la notion de tiers dans ce qui était transposition d’une cohérence scientifique, au domaine d’une recherche en Sciences Humaines. Il était en effet important d’aider les professionnels à 184


prendre un certain recul à l’égard de leur profession. « Les propriétés communes, l’égale nécessité, l’alternance » sont les expressions utilisées par ce chercheur. Il est possible d’en comprendre le sens de la manière suivante, quand il s’agit d’un lieu scolaire : - être dans un emploi à temps plein et ne pas faire le même nombre d’heures de présence dans l’établissement , - être salarié pour l’exercice d’un métier , et pouvoir être rémunéré pendant le temps où l’on se retrouvera en réunion, pour réfléchir sur l’aide à apporter aux élèves , ou sur l’amélioration du projet d’établissement , - n’être pas au sommet de la hiérarchie et pouvoir dire dans un lieu formalisé ses observations sur le comportement des élèves ou sur le fonctionnement institutionnel ; - pouvoir aider un groupe (l’équipe relais) à progresser dans ses travaux, alors que l’on a des professions basées sur l’accueil ou les travaux manuels, - être connu par les élèves et les adultes comme faisant partie de l’équipe relais et ne pas être autorisé à critiquer individuellement les travaux écrits de cette équipe. Ces constatations illustraient bien l’intérêt pour chaque salarié du collège, de réfléchir lucidement sur la question : en quoi était-il concerné par l’éducation ? Ce concept a également fonctionné comme instance tierce ; et comme nous venons de le voir dans les extraits cités plus haut, cela apparaît nettement dans les résumés d’entretien. La triangulation mise en place par cette méthodologie particulière (un temps

de

questionnement rigide, puis un temps de libres propos) , nous a paru être responsable de la richesse des thèmes soulevés.

3.2 Analyse des données 3.2.1 La rencontre avec des personnels fort différents Ces derniers nous ont fait part de leur désir à participer à la construction de l’adolescent. Les personnes ayant participé à l’entretien ont été flattées de pouvoir être acteurs dans cette recherche, essayant de créer des liens, entre leur envie d’apporter une aide à l’édification de la personnalité du jeune et, leur motivation quant à l’exercice de ce métier en milieu scolaire. Dans le temps précédant la séparation en fin d’entretien, je 185


leur ai demandé ce qu’ils attendaient d’une transformation dans les années à venir . Tout en faisant leurs adieux, ils exprimaient pour la plupart la même idée : s’y prendre autrement avec l’élève, et contribuer à l’élaboration d’un espace sécurisant pour tous, espace permettant de retrouver sa motivation de départ (travailler auprès des jeunes pour leur apporter quelque chose d’autre que la connaissance du programme) ; 1.- Personnels animés par le désir d’apporter leur concours à la construction de l’adolescent Ces personnels faisaient état de deux constats :le premier : l’environnement et notamment le monde marchand, laissaient le jeune sans étayage

dans sa quête

identitaire. Il risque de s’en sortir par du bricolage identitaire F.IMBERT

160

.Quels

adultes d’aujourd’hui étaient susceptibles de fonctionner comme des adultes-repères, capables d’entraîner les jeunes dans des projets constructifs ? Ils ajoutaient que la famille ne tenant pas la route, c’est à nous salariés du collège de faire quelque chose. 2.- Réflexions sur les paramètres qui définissent la place des uns et des autres Ces professionnels s’interrogeaient sur le fait que dans le collège on entend très souvent qu’il faudrait un cadre

pour les élèves,

mais on ne sait plus très bien à quoi

correspondent les notions de limites, de règles. On retrouve là , les indications de l’enquête anglaise faite sur 200 établissements où se sont produits des situations de violence. Nous nous étions servi des résultats de cette enquête pour évoquer les principaux facteurs favorisant l’apparition de l’anomie dans un collège. Dans le propos intitulé il est plus difficile de trouver sa place dans le lieu scolaire, nous avions insisté sur le flou et le manque de cohérence, concernant les notions suivantes : les limites, l’accueil, le tronc commun des principes admis par tous. 3.2.2 Les thèmes essentiels 1.- Les valeurs que l’on voudrait retrouver dans l’école -

Le respect et la politesse

-

Les exigences envers soi-même dans l’effort

-

La droiture dans la conduite

IMBERT (F.), L’inconscient dans la classe, Paris :ESF, 1990

160

186


-

La croyance en la nature humaine, qui se traduit par la phrase suivante : « élèves

et adultes ont des potentialités, des richesses qu’ils peuvent utiliser pour réaliser ensemble des solutions positives ». 2.- Les paramètres conduisant à l’élaboration d’un cadre sécurisant : « Les différents incidents survenus dans l’année (éraflures volontaires sur la voiture des enseignants, dégradation des outils pédagogiques, agressivité verbale et absentéisme en progression, interrogations des personnels de cuisine sur le peu d’intérêt des élèves pour le repas, bousculades à l’entrée du collège, bagarres entre élèves…) nous ont fait longuement réfléchir. Nous avons il y a quatre ans monté une mini­équipe­relais pour mieux aborder ces difficultés. » (RE) 7 p.27 ligne 9 Ces phrases illustrent bien que des agents de service se sentent déroutés par le comportement ou les attitudes des élèves. Ils expriment très souvent leur désarroi lorsqu’ils se rencontrent auprès de l’ intendant du lycée. Ces personnels insistent beaucoup sur les craintes manifestées par l’adolescent lorsqu’il envisage son avenir Ils reprennent les locutions entendues dans la bouche des élèves : « je me demande où est ma place, je me demande à quoi sert la vie, je me demande pourquoi j’existe »et beaucoup d’entre eux désiraient connaître la signification de telles phrases. Ils se demandaient quelles étaient les modifications à apporter à l’école pour qu’elle devienne « un lieu où l’on puisse faire des essais et des erreurs , sans que quelqu’un se moque de vous »161 Ils posaient la question du « comment faire » pour que l’école soit un lieu fonctionnant comme un espace de sécurité où l’on peut disposer de toute son intelligence pour acquérir des connaissances . Un personne ayant la fonction de gestionnaire nous a apporté des éléments allant dans le même sens : « Pourtant mes agents ont pour la plupart un véritable sens de l’autre . Quand dans les réunions de service, ils évoquent les injustices dans les traitements de certains élèves, je découvre qu’ils ont un regard lucide sur le fonctionnement. Ayant accepté de favoriser l’existence de réunions destinées à préparer la rentrée, j’ai découvert que ces professionnels constituaient un réservoir d’idées et de disponibilités à l’égard de ces MEIRIEU (P.) Eduquer le loi fondatrice Vidéo du C.R.D.P. de LYON

161

187


jeunes reçus pour plusieurs années ». (RE) N° 17 p. 291 l. 16 Le second point concernait aussi bien les jeunes que les adultes : ces personnes évoquaient la montée de la violence en milieu scolaire :violence insidieuse, violence verbale et violence gestuelle..Que pouvait-on améliorer dans le fonctionnement de l’institution afin que tous aient l’envie de se retrouver dans ce lieu , le lundi matin , ou encore lors de la rentrée après des vacances plus ou moins longues ? « Il semble que nous pouvons rattacher la modification de l’ambiance, aux effets liés à la constitution de cette équipe­relais . Depuis ce moment, un nouveau vent souffle dans le lycée, les adultes se parlent et les élèves me disent qu’ils se sentent mieux considérés. Ils ajoutent que ce travail des adultes en direction de projets dans l’avenir, leur a fait percevoir qu’ils étaient dignes d’intérêt, même si cette réforme concernera les élèves de l’an prochain. Ils paraissent plus calmes, il y a plus de discussions dans les intercours et moins de bagarres ». (RE)N°18 p. 292 l.24 Les différents personnels semblent donc d’accord sur le fait que l’impression de sécurité ou le sentiment d’injustice dépendent de la façon dont on a établi le cadre. a) Un travail sur la notion de limites : Les personnels reçus en entretien insistent sur le fait que l’équipe-relais leur a permis de réfléchir sur la notion de limites . Il peut s’agir des limites de l’élève, mais aussi des limites du professionnel oeuvrant dans l’école. On ne peut oublier non plus les limites de l’institution. Dans l’entretien avec un C.P.E. voici ce qui est entendu : « Le travail de réflexion m’a fait percevoir que nos jeunes recherchent dans le lycée , à s’affronter à la notion de limites. Le rapport à la loi , si l’on reprend l’expression de Philippe MEIRIEU, doit être à nouveau promulgué. Il faut que les adultes osent manifester leur désaccord lorsqu’ils sont présents devant un incident, si l’on souhaite que la loi ne prenne un aspect dérisoire. Il est donc très important qu’il y ait un ensemble de principes sur lesquels tous les adultes du lycée, puisent s’entendre ». (RE) N°12 p. 308, ligne 21. b) La notion d’accueil : Il est nécessaire de s’interroger sur les modifications à apporter à l’accueil. 188


On retrouvait dans ce thème tout ce qui concerne la gestion du passage entre l’intérieur et l’extérieur et réciproquement. - Accueil en début et en fin d’année,et pour cela ré-instaurer des rites de passage - Accueil au retour des petites vacances -Accueil journalier lors de l’entrée et la sortie du collège Les modifications souhaitées concernaient également les personnes : les nouveaux élèves surgissant en cours d’année, l’accueil des professionnels nouvellement embauchés , sans oublier les stagiaires dans les différentes disciplines. « Pour nous que signifie travailler sur l’accueil ? Nous entendons par là le fait de réfléchir aux situations où adultes et élèves, franchissent cet espace de séparation entre l’extérieur et l’intérieur. Nous avons redécouvert la notion de temps circulaire. Il n’y a pas que les grandes et petites vacances, mais aussi les allers et retours, chaque semaine et également chaque jour. Et c’est là où nous avons décidé avec le C.P.E. et la Directrice de la SEGPA , qu’il y ait toujours l’un d’entre nous sur le trottoir à la rentrée et à la sortie des cours . Ce « bonjour », ou cet « au revoir » prononcé par un adulte, au moment où arrivaient les bus de ramassage scolaire a complètement changé le temps d’accueil. » (RE) 7, p. 276 , ligne 20 Un autre C.P.E. nous livre un contenu identique « Le chef d’établissement m’ayant demandé d’être présente , à l’entrée de l’établissement à 7h30, j’ai pu remarquer que le fait de saluer les élèves modifiait leur attitude. Cela m’a conduit à inciter l’équipe à réfléchir sur la notion de l’accueil.. Après un long débat entre nous, il a été possible de s’engager dans une concrétisation de nos intentions . Les propositions visant à modifier certaines habitudes ont eu des effets étonnants. Les adolescents s’appropriaient à nouveau les règles de politesse. Ils étaient plus respectueux à l’égard des agents, alors qu’antérieurement ils les considéraient comme leurs inférieurs ». c) La présence de l’équipe-relais provoque une modification de l’ambiance du lieu scolaire, Cette modification de l’ambiance ne peut se réaliser que si chaque professionnel est 189


conscient de la part de responsabilité que cela comporte. On retrouve là le tableau des lignes de force des collèges de Rouen, Le Havre et Montfermeil, que je reprends ici pour mémoire. Un proviseur-adjoint nous indiquait : « J’ai eu l’impression que progressivement changeait dans l’établissement la communication entre les adultes. La notion du respect de l’autre devenait évidente, et du coup on observait une diminution de la violence. Les élèves et les parents étaient accueillis différemment. Les salariés de professions différentes découvrant du plaisir à réfléchir ensemble, envisageaient de s’impliquer dans le nouveau projet d’établissement ». Un autre chef d’établissement nous a également fait part de ses observations : « En relation avec cette équipe, j’ai pu observer une modification de l’ambiance, une disparition de la violence entre jeunes. Certes il reste des conflits mais ils se règlent par la parole, et la porte de mon bureau est toujours ouverte. J’interviens comme Tiers en rappelant la loi. J’ai noté une reprise du respect de l’autre qu’ils soient adultes ou qu’ils soient élèves ». (RE) 8 p. Pour essayer de mieux comprendre la signification des discours émis par les adjoints des chefs d’établissement nous avons repris la tableau évoquant les axes des actions quotidiennes, dans différents collèges. Nous retrouvons les mêmes constats concernant l’exercice d’une responsabilité, le respect de l’autre, la capacité à écouter les élèves. La multidisciplinarité produit donc des effets bénéfiques, lorsqu’elle constitue l’un des fondements du projet d’établissement.

190


TABLEAU DES ACTIONS QUOTIDIENNES DANS DEUX COLLEGES L’axe des actions quotidiennes

Rectorat de l’académie de Rouen

Collège de Montfermeil

Complémentarité

Reconnaissance des ressources

Tissu

individuelles

pluridisciplinaire

de

tous

les

relationnel

personnels.

Le respect de l’autre

Chacun, qu’il soit adulte ou élève

Chacun à droit au même respect

a droit au même respect.

Exercice d’une responsabilité

Capacité à écouter les élèves

Prise en charge à plusieurs

Tout adulte qui n’intervient pas

Un incident la grille après les

lors d’un incident ou d’une

cours ne sera pas ignoré du

bagarre , rend la loi susceptible

professeur qui

d’être ignorée ou négociée

est à proximité.

Expression individuelle ou

La qualification professionnelle

collective est possible.

intègre donc l’adaptation au lieu

Différents lieux existent

où elle s’exerce.

Cohérence entre les discours et

La personne en charge principale

les actes.

de l’élève, assure la diffusion des

191


Cohésion

des

l’équipe.

membres

de

informations et le suivi des interventions

Les professionnels interviewés, souhaitaient être reconnus comme chargés d’éducation. Leurs propos semblaient en harmonie avec ce que déclarait la principale du Collège de St Etienne du Rouvray : « tout adulte qui n’intervient pas lors d’un incident ou d’une bagarre, rend la loi susceptible d’être ignorée ou négociée ». Par contre, pour éviter toute dérive, les professionnels estimaient que l’intervenant dans cette situation, devait le signaler et à échanger avec la personne assurant la prise en charge principale de l’élève. 3.- La nécessité d’un maillage interne, Les différents salariés souhaitaient sortir d’un fonctionnement corporatif et pouvoir aboutir à ce que le lieu scolaire devienne également un lieu d’éducation. Certains d’entre eux insistaient sur la reconnaissance par tous d’un tronc commun de règles auquel on adhère , que l’on soit élève, ou salarié. Il s’agit bien de réaliser un tissu relationnel pluridisciplinaire . La création de lieux d’échanges adultes-adultes et adultes élèves , ne pouvait que se révéler bénéfique à l’expression collective. De tels espaces n’étant pas réalisés, on repère de grandes difficultés de communication dans beaucoup d’établissements. « Avoir un rôle pédagogique auprès d’un groupe d’élèves m’a passionné pendant un certain temps. J’ai eu par la suite envie de quitter la place de guide dans les progressions et les apprentissages, pour m’inscrire dans une place de facilitateur dans la construction de la personnalité des élèves. Je pense que si j’ai pu favoriser la création de l’équipe­relais dans le collège, c’est qu’il me paraissait important d’aider le jeune à mieux se connaître et se comprendre, afin qu’il puisse élargir sa conscience des choses et des êtres. L’équipe m’a à son tour relayé dans son envie d’aider le jeune dans sa relation aux autres ». (RE) 10, p

192


Un autre responsable s’exprime ainsi : « Ces jeunes avaient beaucoup d’attentes à l’égard des adultes. Ils évoquaient également le fait qu’ils demandaient souvent des conseils à des salariés du collège , dont la tâche n’était pas d’enseigner. Ils déploraient le manque de considération à leur égard, surtout ceux qui avaient un parent oeuvrant comme agent dans un autre lieu scolaire. « (RE) 8,p. Si nous voulons compléter notre étude sur la circulation de la parole , voici ce qu’en pense un proviseur –adjoint : « Dans les réunions entre les A.T.O.S. salariés du Collège et cette petite équipe, nous avons été favorablement impressionnés par le bon sens de ces personnels. En réfléchissant avec la professionnelle qui fait fonction de concierge, nous avons pu noter que nous ne savions plus faire « l’accueil ». Nous ne savions plus définir les limites, tant pour lés élèves , que pour les adultes ». (RE) 7 p. Les agents de service se sentent donc autant concernés que les personnels de l’équipe de direction. « Un autre point nous semble remarquable : celui d’avoir donné une place dans l’équipe­relais à des personnels non­enseignants, n’appartenant pas à l’équipe de direction : agents de service, personnels de la cuisine, membres de l’administration. Comme la composition de l’équipe a été illustré par des photographies, tout le monde a été au courant. Il en est découlé une modification du regard porté sur les uns et sur les autres ». ( RE) 11 p. Il est donc possible de retrouver ensemble les modifications éventuelles à appliquer à la rentrée de septembre. Mais comme nous l’avions indiqué dans la partie où nous évoquions les éventuelles dérives observées dans la réalité, le pouvoir de décision appartient au chef d’établissement. 4.- La nécessité d’un maillage externe : Nous avons tous remarqué qu’un adolescent en difficulté, est suivi par différents services. Les adultes participants aux entretiens estiment qu’il faudrait élaborer des réseaux avec les partenaires extérieurs, avant que les troubles n’apparaissent. Ils ajoutent que si le réseau fonctionne bien, on trouvera des personnes-ressources. Si on ne se 193


connaît pas, ou si l’on n’a pas l’habitude de se rencontrer, les relations resteront frileuses. « L’année suivante un groupe d’élèves nous a demandé s’ils ne pourraient pas organiser une exposition des travaux réalisés dans l’établissement. Certains d’entre eux avaient des frères ou des soeurs plus jeunes, encore à l’école primaire, et ils n’avaient pas de preuves à leur fournir ,vantant l’intérêt de venir au collège ». Un autre proviseur adjoint constate : « Il nous reste encore du travail à mener avec l’extérieur pour rencontrer les éducateurs et les assistantes sociales qui suivent nos jeunes. L’institution devient bien plus facile à organiser et à gérer. Je pense que le médecin scolaire par son action nous a beaucoup apporté. » 3.2.3. Les autres thèmes 1.- L’intérêt des lieux de parole et de créativité Voyons en les définitions : LIEUX

DE PAROLE

: De tels espaces regroupent des professionnels , ou différents

membres de l’institution collégiale (adultes et jeunes), qui se rencontrent peu souvent. Dans ces échanges s’atténue la peur de l’autre et s’affaiblissent les stéréotypes projetés ; les participants découvrent que l’autre a un certain savoir sur la vie et qu’il peut nous apprendre des choses. La circulation de la parole suscite non le désir de s’opposer à l’autre , mais l’envie de s’entendre avec lui pour construire un projet. La création de tels espaces est un des moyens de prévenir l’apparition de la violence. LIEUX

DE CRÉATIVITÉ

: De tels lieux, tout en démontrant que l’on ne peut obtenir

d’emblée un objet complètement fini et qu’il faut des démarches inscrites dans la progression, permettent de développer « la notion de temps à venir ». Le fait d’être mis en situation de création, favorisant la confection de projets à moyen terme, combat la tendance à l’immédiateté et freine l’impulsivité. 2.- L’utilisation de l’espace scénique Au delà de ceux qui avaient vécu par le biais de l’équipe-relais une action dans ce sens, d’autres professionnels en avaient entendus parler, par des parents oeuvrant dans d’autres établissements. 194


Il est en effet possible dans l’institution scolaire d’utiliser des « praticables » notion chère à François TOSQUELLES. Ce chercheur utilisait ce mot au sens figuré , en rappelant qu’au théâtre, il existe des lieux qui ne sont pas situés sur le même plan que la scène, mais où peuvent prendre place de courtes situations qui contribuent au déroulement de la séquence théâtrale. Dans l’hôpital de St Alban, il s’en servait pour induire des échanges entre les soignants, les soignés et leurs familles. A une lointaine époque les athéniens avaient bien remarqué l’intérêt des tragédies de SOPHOCLE, pour la progression de tous. Dans le collège le théâtre-forum offre l’occasion de s’affirmer avec ses mots, ses gestes, son vécu. Le groupe d’élèves, réuni une fois par semaine, a toute liberté pour proposer un thème et le mettre en scène. Le spectateur est invité à intervenir. En cas de désaccord , il remplace l’un des acteurs et développe , son point de vue, en le jouant. « La drogue, les relations familiales, le racisme, alimentent le jeu où cohabitent des fragments de réalité et accès de défoulement, fantasmes et lieux communs médiatiques. Des actions semblables ont été conduites , en dehors de la Bourgogne, par Madame BELHANDOUZ163 (appartenant au groupe Crise et Dépassement de l’Univerite-é Nanterre Paris-X), Ses conclusions sont bien en faveur d’une plus grande utilisation de cet espace cathartique. L’espace scénique , ainsi conçu, offre un lieu où construire ensemble la normalisation sociale. Le jeune par tâtonnements successifs, trouve les frontières à ne pas dépasser. « L’apprentissage de la dure réalité est rendu supportable parce qu’il emprunte les voies du jeu et de l’imaginaire »165 Un agent de service précise : « Il y a une autre action qui a été satisfaisante. Il s’agit de ces séances théâtrales réunissant tout le monde, et en plus les parents. Dans une grande salle les lycéens ont proposé des scénettes, correspondant à des situations vécues. Ces spectacles, car j’ai pu être présente aux deux séances, m’ont apporté beaucoup sur les qualités et le sérieux des jeunes, qui jouaient leur rôle avec application. Après la fin du spectacle j’ai remarqué combien étaient riches les discussions et comme les gens arrivaient à

BELHANDOUZ (H.)._ Un exemple d’action­recherche en milieu scolaire : le théâtre d’intervention, Université Paris­X Nanterre, 1999, 12p. 163

195


s’écouter. Il s’agit, je le crois, d’un nouveau moyen de communication permettant aux individus de mieux se parler ». (RE)22 p. 3.- Un autre regard sur la sanction : Évoquant des situations dans lesquelles les élèves fonctionnaient dans la transgression, les personnels interviewés nous ont raconté , le peu d’intérêt et l’absence d’effet des heures de retenue, ou encore le manque de cohérence observée dans les décisions de certains Conseils de discipline. Suite à ces récits fort déroutants, les participants reçus en entretien souhaitaient se retrouver en Commissions de réflexion sur la sanction positive. Ils avaient noté la confusion souvent relevée entre le mot « sanction » et le mot « punition » et ils pensaient qu’il y avait sûrement un autre mode de régulation que la sanction négative. Certains d’entre eux énuméraient la liste des sanctions négatives, en témoignant que cela n’avait rien appris au sujet puni. Ils avaient envie de se réunir dans leur collège, pour s’interroger sur les différentes façons de régler les manifestations d’opposition à la Règle. Dans ce type d’action, ils voulaient reprendre des exemples qu’ils avaient entendus en formation165 ,car ils en avaient bien saisi les soubassements. Ils avaient ainsi appris que « La sanction positive est utilisée pour réparer le dommage causé, par un effort physique, dans un projet constructif, apportant un bénéfice à la structure ou à l’établissement » Certains professeurs de lettres ont été surpris par les réactions des élèves. C’est ainsi que j’ai pu entendre les propos suivants : « J’ai été étonné par cette sanction donnée à un élève : sanction correspondant à un travail d’intérêt général . Je pensais qu’il ne s’exécuterait pas . Or il a eu l’air très satisfait et son comportement a changé ».RE 30 Une directrice de SEGPA nous raconte les apports d’une sanction positive : « J’ai été très étonnée par le comportement d’un adolescent de 14 ans, qui faisait preuve d’une agressivité verbale, en chantant ses chansons « paillardes » au début de chaque cours d’une jeune professeure d’anglais très jolie. Cette attitude traduisait certainement chez lui, l’envie de séduire cette personne. Grâce à l’appui du CPE, de l’infirmière et du Principal nous avons pu autoriser l’élève à se rendre au Centre de Planification Familiale, car la sanction était de faire 165

LENEUF (N.) et BRICHLER (C.),A l’approche de l’adolescence, Séquences de formation réalisées au C.A.F.A. de Dijon( 1983­2000) ( texte remis pour publication)

196


un exposé sur les méthodes contraceptives. Il s’est constitué un dossier destiné à faire un exposé devant toute sa classe . Ses camarades l’ont applaudi pour sa présentation et son texte. Je l’ai moi-même félicité. Depuis il a complètement changé et s’intéresse à sa scolarité. Je ne pensais pas qu’une sanction positive ait un tel effet. Depuis je regarde différemment les adolescents et je réfléchis à toutes les possibilités que peut offrir un collège pour la construction de ces futurs adultes. Ces jeunes que je vais côtoyer plusieurs années, méritent bien que l’on se retrouve avec eux , en dehors des temps pédagogiques » RE 46 Dans nos Annexes l’entretien n°20, correspond à l’enregistrement des propos détaillés, d’un aide de cuisine n’appartenant pas à l’équipe relais. De cet échange nous retenons les propos suivants : « j’ai fait état d’une sanction positive réalisée par un cuisinier qui a été mon formateur.La situation qui m’a été raconté par ce collègue, m’a démontré que nous pouvions tous contribuer , quelque soient nos postes, à une amélioration des comportements difficiles de certains élèves. J’aimerais rencontrer d’autres cuisiniers, dans un colloque ou dans des formations au C.A.F.A. de Dijon, pour imaginer les actions que des agents pourraient conduire. De toutes façons j’ai hâte qu’une nouvelle équipe­relais se constitue , car alors là j’en ferai partie ». E 20 p. 314 4.- L’impérieuse nécessité de lieux d’analyse de la pratique Dans leur vision de cette réforme de l’établissement , les professionnels affirmaient ce besoin essentiel de lieux d’analyse, pour exprimer dans un groupe, (fondé sur un climat de confiance, tout en restant un espace tenu par le secret), leurs erreurs et sur leurs contre-attitudes. De leurs diverses formations, ils avaient retenu

les méfaits et les dangers. de la

« résonance affective ». Ce concept peut s’exprimer de la manière suivante : « à chaque fois qu’une situation réveille le bébé, l’enfant ou l’adolescent qui dort en nous, nous sommes capables de faire n’importe quoi en croyant aider l’autre, alors que nous sommes inconsciemment en train de réparer quelque chose de notre histoire » 166 GAMMILL (J.).­ Sur la notion de contre­vérité psychique de l’enfant et de l’adolescent, dans : Avancées métapsychologiques, Paris, 1991, Apsygée 166

197


Ils attestaient de leur envie d’aider l’adolescent à se construire en menant des actions en tant qu’adultes-repères cohérents, en reconnaissant leur manque d’outils, de conseils et de supports appropriés. Que pouvons- nous ajouter à l’issue de ce long propos traitant de la Méthodologie et de l’analyse des données ? Il semblerait que la constitution d’une équipe-relais, qu’elle soit de petite dimension (3 professionnels) ou plus importante (12 personnes), suscite tout un mouvement dans le lieu scolaire. En effet dans leurs différents témoignages, les professionnels indiquent qu’ils ont découverts grâce à la présence de ce nouvel espace, qu’ils étaient complémentaires. Ils signalent également qu’ils se sont sentis reconnus comme ayant la capacité d’apporter leur concours à la réalisation d’actions en direction des élèves et futurs projets abordant les conditions d’amélioration du fonctionnement de leur établissement. Plus important que les actions de l’équipe-relais, c’est la révélation de l’existence d’un groupe officiel, ayant la fonction de « penser », qui se manifeste comme un levain, pour catalyser l’envie d’une modification favorable de l’institution scolaire. Mais comme pour la pâte à pain, l’utilisation de ce levain répond à certaines exigences, car à partir d’un certain moment, cette substance lorsqu’elle n’est pas contrôlée, peut s’accompagner d’une exagération des effets recherchés. Pensons à tous ces apprentisboulangers qui n’ayant pas tenu compte du temps de levage se retrouvent avec des panetières débordant de pâte et intransportables jusqu’au four. Il nous reste donc à nous interroger sur les apports et sur les craintes qu’apporte cette mise en lumière des actions complémentaires. Nous aborderons maintenant dans le chapitre : « retour sur les hypothèses »les avancées et les doutes que l’on décèle dans l’utilisation du principe de complémentarité.

198


Bibliographie 3 155 AYMARTA SEN, DRÉZE (J.).­Indian : Economic Developpement and Social Opportunity.­ Oxford : University Press,1995 156 AYMARTA SEN.­ La complémentarité en économie est­elle morale ?, Paris Livre de Poche, La Découverte,2003 157 CEFALI (M.) Le lien éducatif : contre­jour psychanalytique.­ Paris :PUF, 1994. 158 AUDIGIER (F.), LAGELLE (G.).­ Education civique et initiation juridique dans les collèges.­ Paris : I.N.R.P.,1996 159 CIFALI(M.).­ Le lien éducatif : contre­jour psychanalytique.­ Paris : PUF, 1994. 160 IMBERT (F.), L’inconscient dans la classe, Paris :ESF, 1990 161 MEIRIEU (P.) Eduquer le loi fondatrice cassette idéo du C.R.D.P. de Lyon 162 La barrière bleue, vidéo­cassette éditée par le CRDP de l’Eure 163 BELHANDOUZ (H.).­ Un exemple d’action­recherche en milieu scolaire : le théâtre d’intervention ,université Nanterre ParisX, 1999 , 12 p. 164 La barrière bleue, vidéo­cassette édité par le CRDP de l’Eure 165 LENEUF (N.) et BRICHLER (C.) .­A l’approche de l’adolescence.­ Séquences de formation réalisées au C.A.F.A. de Dijon( 1983­2000) ( texte remis pour publication) 166 GAMMILL (J.).­Sur la notion de contre­vérité psychique de l’enfant et de l’adolescent, dans : Avancées métapsychologiques.­ Paris,1991, Apsygée

199


4ème partie :discussion sur les éléments qui fondent la complémentarité

4ème partie : Discussion 200


La reformulation de notre hypothèse de départ : -Une équipe-relais fondée sur une complémentarité « accompagnée » restaure la qualité humaine de l’école- nous révèle l’étendue de la tâche qui nous attend. L’examen de cette hypothèse, éclairée par 46 entretiens nous est apparue riche d’enseignements, car l’analyse du contenu de ces interviews, nous a apporté tout un matériel que nous avons essayé de regrouper par thèmes. Rappelons également que dans le listage des éléments fournis par les différents chercheurs, nous avions auparavant, isolé quelques locutions qui ont servi d’axes de pensée lors des entretiens semi-directifs, de façon à bien rester dans notre sujet. Notre démarche pose ainsi deux questions complexes bien soulignées par les professeurs de Montréal : - d’une part, quels sont les apports précis du principe de complémentarité sur la re-structuration de l’école ?.., - et d’autre part, quelles sont les exigences à formuler pour encadrer les volontaires mettant en œuvre ce principe ? Nous nous interrogerons donc sur les capacités de la complémentarité a apporter des éléments positifs, ainsi que sur les peurs qu’elle suscite. C’est ainsi que nous développerons les arguments retirés de notre analyse sous quatre rubriques = -

La complémentarité est un outil de socialisation

- La complémentarité s’oppose dans l’institution, à la réalisation inconsciente d’une structure dissociée et dissociative -

La complémentarité est un vecteur psychique de changement - Enfin quelques hypothèses sur les raisons de notre peur lorsqu’il est proposé de

s‘appuyer sur la complémentarité.

4.1 En quoi la complémentarité est un véritable outil de socialisation ?... Nous interrogeant sur les processus de socialisation, nous découvrons que l’on peut regrouper les relations entre les êtres humains, suivant trois catégories fondamentales : le lien social peut impliquer de la positivité, de la négativité, ou encore un fonctionnement sous-tendu par de la neutralité. Les liens sociaux positifs, désigneraient des relations humaines orientées vers 201


l’émancipation, la liberté, l’égalité, la justice, la solidarité. Ces éléments sont présents dans les perspectives entre autres de Locke, Rousseau, Proudhon, Durkheim. Les liens sociaux négatifs relèveraient des constats de La Boétie, Hobbes, Marx, Bourdieu. Ils soulignent la prévalence, dans les interactions et les institutions de situations contraignantes, de rapports de domination et de subordination. Les liens sociaux neutres se présenteraient comme « vecteurs et pratiques permettant aux individus de s’exprimer et d’atteindre les buts qu’ils se sont fixés, liens instrumentalisés par la finalité que poursuit l’individu stratège.

Stirner, Weber,

Goffman, Boudon en exposent les données ».167

10

Ce bref rappel nous incite à préciser ce que le principe de complémentarité peut fournir comme indications dans ce domaine, lorsque l’on essaie d’analyser ce par quoi il est sous-tendu. Dans notre recherche nous nous retrouverions assez proche de cette conception des liens sociaux neutres. Nous avons, en effet, observé que les individus avaient en eux la possibilité de s’exprimer et de se rapprocher des buts qu’ils s’étaient fixés. 1.- La complémentarité est proche de la structure élémentaire de la matière Si l’on accepte l’idée que la complémentarité est proche de la structure élémentaire de la matière, cette notion implique d’emblée que pour utiliser cette métaphore, il faut passer par un temps d’expérimentation. Trouverions-nous là quelques raisons pour expliquer que certaines équipes relais n’ont jamais réussi à se constituer ?... Comme dans un laboratoire, l’institution peut permettre, autoriser ou interdire sa création. C’est ainsi qu’en physique se pose la question des expérimentateurs et des procédés utilisés. Proche de la matière, le principe de complémentarité a été conçu par Niels BÖHR pour suivre le trajet des électrons dans la chambre de Wilson. Rappelons qu’en mécanique quantique, on ne peut à la fois connaître la masse et la vitesse d’un électron, et en même temps avoir des précisions sur sa direction. Si l’on veut comprendre la possibilité de la complémentarité dans un collège, il faut accepter que toute personne qui séjourne dans ce lieu, qu’il soit élève ou professionnel, est reconnu comme ayant un savoir sur la vie. Que nous donne la comparaison avec un 10

202


électron dans une chambre de Wilson. Cette métaphore a un corollaire, c’est que l’on ne demandera pas au chef de cuisine, à l’O.E.A.. ou au collégien d’exprimer à tout moment « son savoir sur la vie », mais l’institution pourra lui fournir des occasions où il pourra échanger avec les autres (adolescents ou adultes) sur ce savoir. Si cette formulation s’avère recueillir un certain accord, cela entraîne ipso facto dans les établissements scolaires l’existence de lieux formels, dans lesquels les échanges peuvent se produire. C’est bien dans cette argumentation que s’installe J.PAIN 168 quand il insiste sur l’intérêt des lieux de parole et des lieux de créativité, en ajoutant qu’il faut également laisser la possibilité d’échanger entre collègues. Cette exigence ne se situe pas du côté de la nondirectivité, mais dans des lieux formalisés avec des supports, ce que F.TOSQUELLES appelle des « praticables »169, des lieux intermédiaires, comme il peut exister sur la scène d’un théâtre. Dans son livre « Violence ou Pédagogie » J.PAIN nous rappelle qu’il « a connu des Lycées où les gens n’ont pas l’habitude de se rencontrer »170. Si, par exemple pour être plus concret nous orientons notre regard sur l’équipe pédagogique, il est facile de retrouver des établissements où elle n’existe concrètement qu’à l’occasion des conseils de classe ou du Conseil de discipline. Comment dans ces conditions l’élève ne risque t-il pas d’être utilisé et considéré, comme un objet, permettant aux adultes d’entrer en relation et d’avoir ainsi un langage commun. A quel moment cet élève qui dérange est-il considéré comme sujet , c’est-à-dire « comme acteur de son projet »?... Nous saisissons mieux les propositions de Ch. ROZJMAN « faire se rencontrer des personnes qui n’ont pas l’habitude de se réunir ».Dans le même champ, nous retrouvons des psychosociologues, qui nous invitent à une analyse régulière des procès verbaux des conseils de discipline, afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs. La complémentarité s’oppose également à cette « réduction identitaire », que l’on découvre dans certains textes administratifs, où l’on traite de la relation de « l’apprenant » avec les apprentissages. Or il y a fort longtemps ARISTOTE déclarait que pour lui l’être humain était un individu constitué par trois secteurs : le champ cognitif, le champ affectif et celui moins souvent exposé du conatif ( ce que l’on peut traduire par « élan vital, envie de mordre dans la vie »). Or nos animations dans différents collèges de France,et surtout notre expérience de médecin dans un Centre-Médico-Psycho-Pédagogique nous ont sensibilisé à l’échec scolaire. Dans ces structures dites pédagogiques, nous nous sommes rendus 203


compte qu’il était possible de se servir du champ du conatif pour permettre à l’enfant la réappropriation personnelle de l’acquisition de connaissance. Bien souvent pour l’élève en échec scolaire, il était important de passer par un détour. Encouragé dans la découverte de son envie de fonctionner autrement, l’adolescent devenait acteur de sa propre construction. C’est ainsi que nous utilisions des ateliers de créativité, permettant l’apparition d’une parole vraie et la reprise des processus cognitifs. Des années d’exercice, dans ces lieux d’accompagnement et de rééducation, ont fait naître en nous l’idée, que la complémentarité était bien le fil rouge qui guidait les premiers spécialistes du secteur infanto-juvénile. Les professeurs R.DIATKINE et S.LEBOVICI, qui ont utilisé cet axe de pensée et ses indicateurs de la vie psychique, ont œuvré comme des timoniers. Ils ont ainsi tracé la route, favorisant ainsi une meilleure prise en charge des enfants et adolescents. Ces médecins nous ont laissé la notion d’équipe pluridisciplinaire et multicatégorielle qui paraît aujourd’hui s’imposer d’ellemême, qui illustrait l’idée d’un travail effectué à plusieurs. Si l’on essaie d’analyser le lieu scolaire en se servant de la grille de lecture apportée par Félix GUATTARI, et sa description de la transversalité, on s’aperçoit qu’il y a dans l’intérieur de l’école des groupuscules qui fonctionnent bien de façon « machinique ». Or la complémentarité s’oppose à ce fonctionnement, puisqu’elle s’intéresse à ce que raconte le collègue et non à ce qui appartient aux interprétations. Ce professionnel peut être entendu avec profit en tant qu’individu ayant un savoir sur la vie et à ce titre il peut nous permettre de progresser .La complémentarité peut être repérée, par analogie comme assimilable au sens figuré comme très proche de la structure élémentaire de la matière, puisqu’elle oblige à distinguer les différents salariés, en tant que constituant d’un tout qui est l’institution collège. Son utilisation nous conduit à considérer que la structure du collège, est de façon imagée, sensiblement comparable au fonctionnement moléculaire, Chaque salarié étant compris dans un ensemble indissociable, il est à la fois important en tant que rouage de l’entreprise, et en même temps il conditionne l’ambiance du lieu, tant par sa présence que, par ses actions. 2.- La complémentarité nécessite une pédagogie, puisse qu’elle passe par « une déconstruction » de l’établissement, suivie, par une restructuration des rapports humains. 204


Cette déconstruction de l’établissement peut agacer les chefs d’établissement ou les directeurs de l’institution, car le principe de complémentarité entraîne une modification des différentes structures pyramidales sur lesquelles se fonde l’autorité. Ce principe exige du responsable, une analyse du système bureaucratique » qu’il va découvrir dans l’établissement où il a été nommé. Il se retrouve donc tout seul , en tant que figure d’autorité, et il doit apprendre à composer autrement. Or, par ce qui est du fonctionnement en cascade, chaque

personne ayant dans

l’établissement une petite responsabilité (en pédagogie, dans la gestion, ou à la cuisine), se retrouve confrontée aux mêmes difficultés. C’est ainsi que devant cette modification de l’agencement jusque là fondé sur la structure pyramidale, les adultes de la structure deviennent très défensifs, s’opposant à tout changement, dans l’institution qu’ils critiquaient pourtant la veille. Retrouvant donc ici, les principes de la physique, il nous semble nécessaire dans l’appréciation des conditions permettant l’implantation d’une équipe relais, de passer par une évaluation , une recherche de ses alliés, et un listage des conditions permettant une création possible. Il y a donc la nécessité d’une expérimentation, ce que nous pourrions désigner sous le terme de séances préliminaires. Cette pédagogie possible est désignée par les auteurs canadiens sous le terme : stratégies pour favoriser le changement.171 3.- La complémentarité demande un travail de deuil sur les illusions Deux illusions sont toujours présentes chez l’être humain. Ce sont pour la première l’illusion concernant l’idéal du métier, et pour la seconde celle qui est attachée à notre propre cohérence .Or cette vision idéale du métier, peut soit renforcer un certain dogmatisme, soit donner trop de relief à l’esprit corporatif. Cette absence de travail de deuil sur les illusions peut également entraîner de la passivité et du découragement. C’est ainsi que cela peut enfermer les enseignants dans un sentiment de toute puissance, sentiment d’autant plus vif que le décalage est grand, entre le fonction d’enseigner et les capacités des élèves à manifester leur intérêt pour la matière diffusée . De la même façon un écart peut être retrouver chez le chef de cuisine, entre ses envies d’être un bon restaurateur et les manifestations négatives des élèves servis au self. De même, il y a clivage entre les envies des ouvriers chargés de la maintenance ,« souhaitant qu’il n’y ait pas de pannes et que tout roule bien » et le peu de reconnaissance manifestée par le 205


chef d’établissement. La notion de complémentarité apporte avec elle l’idée que chaque professionnel est indispensable à la bonne marche du navire, et que pour cela, au delà de l’idéal du métier, chacun fait ce qu’il pense être juste et bon pour tous. Ce travail de deuil , peut se manifester dans la réalité par exemple,sous la forme d’une Commission des menus, d’un « Groupe de travail sur la sanction », ou par une attention très marquée à la régularité des séances de réflexion sur le projet d’établissement. Mais cela nécessite de la part du principal de programmer ses réunions à l’avance, en ayant tenu compte des horaires des uns et des autres, de façon à ce que les volontaires soient disponibles. Combien en avons- nous vu de ces réunions préparatoires à l’élaboration du projet d’établissement, fixées à une heure où les Atos ne sont pas disponibles ? Cette situation fréquemment rencontrée, nous a toujours incité à souhaiter l’aval du chef d’établissement, et à la désignation par lui, d’un membre de l’équipe de direction qui le représenterait. Nous avons insisté sur le fait que cela lui permettrait d’être informé des propos échangés en équipe relais. Plus difficile à concrétiser est le travail de deuil sur notre propre cohérence. Or, le suivi du projet pédagogique individuel, fournit le meilleur exemple de nos égarements ou de nos comportements paradoxaux.Nous avons tous tendance à oublier que si nous nous sentons débordés par un jeune (si nous nous sentons envahis, hors de nous,) notre générosité se transformera en quelques secondes en un rejet .C’est dire l’intérêt de lieux d’analyse de la pratique dans les collèges dits sensibles, pour travailler sur les contreattitudes des uns et des autres. On ne peut en effet évoquer le travail de deuil sur notre propre cohérence, sans voir apparaître le mot « résonance affective ». Nous entendons par là, le fait qu’un adolescent en difficulté risque de réveiller chez l’adulte «le bébé, l’enfant, l’adolescent qu’il a été. Or si l’un de ses trois personnages est sorti du sommeil , l’adulte risque de faire n’importe quoi, croyant aider le jeune, alors qu’il est inconsciemment en train de réparer quelque chose de son histoire »172 Si ce travail de deuil n’est pas effectué, on observe, sans très bien en saisir les raisons, une augmentation des Conseils de disciplines, et également dans la population des adultes une amplification des arrêts de travail pour raisons de maladie.

206


4.1.4 La complémentarité participe à la mise en œuvre d’une réelle disponibilité Les revendications exprimées à l’égard des horaires, tant par les Atos que par les pédagogues illustrent bien le fait qu’il s’agit d’un domaine sensible. La complémentarité révèle à tous que les adolescents méritent mieux que, cette obstination à mettre en avant les heures supplémentaires. Nous avons connu des collèges, où les élèves étaient prêts à conduire une action en direction de leurs condisciples, pour améliorer l’image de marque de l’établissement. Ces projets n’ont jamais vu le jour, entraînant un désespérance chez les jeunes, surpris qu’ils étaient par le comportement de ces adultes mettant en avant, (en tant que processus défensif),

leur impossibilité à se comporter différemment des autres

professionnels. Et pourtant nous avons pu, en région parisienne, grâce à l’équipe relais, faire que quelques collèges soient ouvert du lundi matin au dimanche soir. Les Atos ont prévu la maintenance en ayant obtenu le feu vert du principal ; des adultes retraités, ou des membres d’associations, ont pu avec l’autorisation de l’Inspection Académique, animer dans l’établissement, le samedi et le dimanche , des ateliers pour adolescents et d’autres pour adultes. Grâce à ce maillage externe, le collège est devenu un lieu fort valorisé, et il n’y a plus eu d’incidents, ni de manifestations de violence dans cette institution. Il est devenu un lieu d’appartenance et d’appropriation et en conséquence un lieu de la cité . C’est ainsi que tout le monde le respecte et fait très attention à son existence. A l’issue de cette réflexion , il nous semble donc que, faisant bouger les individus dans leurs certitudes, la complémentarité modifiant les liens entre les personnes, se révèle bien comme un véritable outil de socialisation.

4.2 La complémentarité s’oppose à une institution qui se mettrait à fonctionner comme une structure dissociée et dissociative 1.- Elle freine l’apparition de la violence « en état de latence » Reprenons notre dictionnaire et allons voir ce que nous donne le Littré : Dissocier : disjoindre, désagréger 207


Dissociation (terme de chimie),Etat où les corps sont sous leur forme élémentaire et simple, mais où ils ne se combinent pas, empêchés par une température élevée. En utilisant le détour par l’étude du vocabulaire, nous retrouvons le fait que chaque fois qu’est utilisé le mot dissocié, se révèle une impossibilité d’assembler soit les symptômes, soit les phénomènes, soit les actions. Ce mot voilerait-il le risque du surgissement possible d’un processus de fragmentation, déclanchant l’impression d’une menace psychique. D’où l’idée que de telles situations pourraient susciter de la violence. Pour illustrer ce que nous voulons exposer , nous passerons par deux situations vécues. Histoire d’un préau. = Nous nous retrouvons un jour dans l’Yonne escorté par le Proviseur, à visiter un grand Lycée, et la scène se passe alors que nous longeons un grand préau, situé auprès de la salle des professeurs. Il s’agit bien de deux lieux adjacents, puisqu’il faut passer par le préau pour ouvrir la porte de cette salle où les enseignants retrouvent leurs collègues. En regardant ce lieu avec attention, j’aperçois dans un coin de cet espace un ramassis d’objets hétéroclites (un vieux panneau de basket, des bureaux hors d’usage et des chaises cassées). Je demande au chef d’établissement les raisons qui l’ont conduit à transformer son préau en dépotoir. Ce dernier me répond qu’il s’agit d’une situation provisoire et que je m’inquiète pour bien peu de choses.. Ayant de mon côté regardé attentivement les différents objets, je note que l’épaisseur de la couche de poussière les revêtant, témoigne d’un séjour de plusieurs mois en ce lieu. Je préviens donc le proviseur qu’ayant favorisé l’existence d’un « espace non structuré « , il peut s’attendre à ce que ce territoire puisse être envahi par la destruction. Le chef d’établissement me regarde d’un air étonné, et ne prend aucune décision. Dès le lendemain des élèves, qui sans doute nous avaient observés , sont venus agrandir cette pseudo-décharge, en amenant des bicyclettes cassées, et des vieux sacs de sport usagés. D’autres élèves ont alors commencé à coloniser ce préau, en venant y fumer leurs cigarettes, en laissant leurs mégots s’accumuler sur le sol. Par la suite il a fallu ouvrir une nouvelle porte sur un autre mur de la salle des professeurs, et fermer la première ouverture, tant les professeurs faisaient l’objet de railleries quant ils traversaient le préau pour entrer à la salle des professeurs.

208


Prenons une seconde situation : Histoire d’un pavillon à un étage. = Je suis amené à intervenir à la demande d’un ancien élève et ami devenu Proviseur , car le gestionnaire lui a demandé des explications quant à l’évolution d’un pavillon à un étage, construit depuis moins de deux ans, et manifestement plus abîmé que s’il avait dix années d’existence. Utilisant la grille de lecture que j’ai décrit plus haut sous le terme « les paramètres qui définissent la place des uns et des autres », je demande donc à ce professionnel de bien vouloir me rappeler les règles de fonctionnement de ce lieu. A ma grande surprise, je m’entends dire que ce pavillon fonctionne suivant le principe de la polyvalence. Le même local fonctionne donc successivement dans la journée, comme salle de classe, puis comme salle des professeurs, puis comme salle d’études ou d’EMT. Il n’y a donc pas pour les individus qui fréquentent ce pavillon la possibilité de développer des liens d’appartenance et des liens d’appropriation. Je signale donc qu’il s’agit d’un espace non-structuré où les processus de destruction peuvent se donner libre cours, puisque ce lieu n’appartient à personne. Il va donc falloir qu’il y ait tout un travail à effectué sur la « désignation ». Une commission fait de volontaires, tant adultes qu’élèves, est chargée

d’apporter une

destination à chacune des pièces du pavillon. Ayant presque achevée sa mission, la commission signale qu’il reste encore 5 pièces (une grande au rez-de-chaussée et quatre très petites). La plus grande sera transformée en cafétéria (salle dont on évoque l’utilité depuis des années), mais que va-t-on faire des 4 petites salles ?... La commission décide alors que ces salles seront des salles d’études gérées par l’autodiscipline mais avec des règles très précises. La première étant qu’elles ne pourront pas recevoir chacune plus de huit élèves, et pour cela les tables et les chaises sont vissées au sol La seconde, c’est que la seule personne adulte autorisée à pénétrer dans ces lieux, après avoir frappé à la porte, avant d’en franchir le seuil, sera le chef d’établissement et lui seul. Ces deux règles ont suscitées beaucoup de discussions, mais finalement elles ont été acceptées. A partir de ce moment-là, ce pavillon n’a plus été dégradé. Ces deux situations vécues , nous paraissent illustrer, comment la complémentarité s’appuie bien sur un autre regard quant à l’organisation dans la réalité. Elles confirment l’idée que les espaces non-structurés favorisent pour les groupes la survenue de la pulsion de destruction. La complémentarité, en demandant un effort pour structurer 209


l’espace et le temps, concentre l’énergie déployée dans le sens de la constructivité. 2.- Réorganiser les complémentarités professionnelles Pour comprendre les exigences concernant cette réorganisation, nous serons conduit à rédiger un court essai, en appuyant notre argumentation suivant trois axes : tout d’abord ce qu’il en est sur le plan de la vie psychique de l’individu, puis nous essayerons de décoder les propos exprimés par les jeunes qui ont été violents, puis nous terminerons par la question :«qu’évoque le mot schize dans l’analyse de l’institution ? » Nous essaierons en quelque sorte de mettre en avant, ce qui nous est apparu d’un phénomène dissociatif, pouvant se mettre en œuvre, soit chez l’individu, soit dans le fonctionnement du groupe, soit plus insidieusement dans l’institution. Le mot schize et l’individu : Que pouvons-nous retirer des propos de Giséla PANKOW sur la dissociation dans le domaine de la vie psychique. Citée par Jean OURY cet auteur déclare que « la dissociation est une destruction de l’image du corps telle que ses parties perdent leurs liens avec le tout, pour réapparaître dans le monde extérieur … sous forme d’hallucinations auditives ou visuelles ».173 Giséla Pankow illustre bien par ces propos, l’idée d’une relation entre la dissociation et la possibilité d’images délirantes persécutrices. Mais si nous restons dans ce registre, nous sommes bien proches des travaux de KRAEPELIN et de BLEULER, le premier décrivant la démence précoce et le second la schizophrénie. Quittant le domaine de la psychopathologie, pour nous intéresser à l’adulte ordinaire nous allons retrouver des éléments intéressants chez les psychanalystes. Reprenons la phrase de LACAN : « quand dans l’amour je demande un regard, ce qu’il y a de foncièrement insatisfaisant et de toujours manqué, c’est que jamais tu me regardes, là d’où je te vois » Si nous pensons établissement scolaire nous pouvons retrouver la situation suivante. Un chef de cuisine formulant de justes propos, en direction d’un élève qui manifeste des troubles du comportement en salle à manger, qu’est ce qui peut traverser la tête du surveillant de réfectoire, regardant l’attitude du jeune, et entendant les paroles de ce 210


professionnel, alors que dans sa formation d’éducateur, il n’a reçu aucune donnée sur le service de la restauration . C’est ce que nous dit J.OURY «chacun d’entre nous a un savoir qu’il peut partager avec les autres ». Dégager la place de l’autre, c’est d’abord créer un espace de parole, « espace du dire qui fait place libre pour l’émergence du désir »La complémentarité nous demande d’accepter que l’autre salarié ait des envies concernant une modification éventuelle de l’école et qu’il faut se donner du temps pour l’écouter et le comprendre. Et J.OURY ajoute une condition supplémentaire: « il faut qu’il y ait un cheminement du sens dans le respect de chaque participant ».175 Reprenons la phrase de Lise MONETTE : citée dans notre introduction « L’œil qui fixe et scrute repose sur une logique d’objectivation et de distanciation, celle des regards qui se rencontrent , sur une logique de l’échange, celle de la schize du regard et de l’œil, de l’attention divisée, sur une logique de la dissociation, de la division. » Si nous pensons établissement scolaire, et l’intervention de la concierge qui a remarqué une bagarre sur le trottoir entre deux élèves. Que pense le plus souvent l’enseignant ou le parent qui passent devant l’entrée du collège au même moment. ?.. Et pourtant rappelons nous la phrase de la principale du collège de St Etienne du Rouvray(76) : « le plus grand danger réside dans la loi du silence et le laxisme. Il ne concerne pas que les élèves. Tout adulte qui n’intervient pas face à une bagarre ou devant une menue infraction, rend la loi relative, susceptible d’être négociée ou ignorée ». Si nous reprenons les propos de Lise MONETTE nous aurons à étudier l’exploitation des mots : objectivation, distanciation, échange, dissociation, division. Les deux situations vécues décrite précédemment, illustrent bien le fait que la complémentarité bouscule ces cinq mot-clés.Et c’est peut être cela qui rend les individus hostiles à tout changement. 1).- La complémentarité et l’objectivation. Elles nécessitent une prise de distance par rapport à soi, car elles ouvrent sur le fait que l’autre doit être considéré comme plus important que soi, dans la mesure où nous cherchons ensemble une option commune pour aider l’élève à se construire. 2).- La complémentarité et la distanciation. L’autre est apprécié comme ayant une vision 211


différente sur les évènements qui se déroulent en ce lieu. 3).- La complémentarité et la logique de l’échange. Chacun d’entre nous ayant un savoir sur la vie, nous sommes capables d’échanger à partir dese réflexions des uns et des autres. 4).- la complémentarité et la logique de la dissociation. Le salarié est à la fois un professionnel compétent et également un adulte qui peut contribuer à une modification de l’ambiance du lieu scolaire. 5).- La complémentarité et la division. Un de nos amis nous conseille de réfléchir sur ce qui fait s’opposer la complémentarité aux processus d’exclusion et d’inclusion ; ce principe faisant tellement peur, qu’il conduirait à la mise en oeuvre de stratégies d’évitement. Décodage des propos soutenus par les jeunes qui ont réalisés des actes de violence Analysons l’expression de J.OURY «la violence c’est une rencontre ratée ». Pourquoi est-ce que des individus appartenant à l’espèce des mammifères supérieurs douée du langage, se trouvent-ils dans des conditions où ils n’ont plus de mots à disposition, ou sont dans l’incapacité à penser. On peut supposer qu’ils ne peuvent métaboliser le contenu de leurs pensées, ce qui entraînerait chez eux

le ressenti d’une menace

psychique Pour éclairer cette difficulté à penser, essayons de décoder ce que nous déclarent les jeunes que nous avons rencontrés suite à des manifestations de violence. Nous remarquons qu’il s’agit toujours des mêmes locutions : « on est mal aimé, on est abandonné, on n’intéresse personne, tout le monde s’en moque ». Ces expressions semblent sous-tendues par des idées de persécution, floues et polymorphes, dans lesquelles on ne peut préciser qui est le persécuteur . C’est ainsi que l’institution, ou le quartier, peuvent recéler des espaces non-structurés, favorisant les tendances à l’illusion, à l’interprétation et mettant en route des processus de destruction.176 L’analyse de l’institution Et c’est dans des situations semblables souvent rencontrées dans des lieux où l’individu n’arrive pas à retrouver des liens d’appropriation et d’appartenance que le principe de complémentarité offre tout son intérêt en aboutissant à ce que l’institution devienne « instituante ». Ce concept a donc une fonction de structuration, quand l’ambiance de l’école se teinte de couleurs évoquant la dissociation. 212


Une autre situation pourra nous permettre d’avancer dans cette analyse de l’établissement scolaire Il y a quelques années, je suis conduit à intervenir dans un grand lycée à la demande du proviseur. La question posée est la suivante :comment peut-on aider la personne qui fait l’accueil, alors que son bureau est dans le hall d’entrée ? L’O.E.A. occupant ce poste a déclaré à son chef d’établissement « dans ce poste que j’aime bien, je suis tout à fait à l’aise de 8h00 à 10h00. Durant la tranche suivante, c’est-à-dire jusqu’au repas de midi, je suis d’humeur maussade. Et après le repas, c’est pire je suis franchement insupportable. Aidez-moi à ne pas devenir odieuse ». Or, en arrivant sur place , je constate que ce hall d’entrée est comparable à un grand cylindre dont une partie est ouverte sur l’extérieur. Pour accéder à la sortie dans la cour, un escalier de trois marches est utilisé. Je m’étonne d’emblée de ce que l’architecte ait placé le bureau de l’hôtesse d’accueil au centre du hall, c’est à dire à un endroit où il y a accumulation de tous les bruits parasites. Ma surprise est grande lorsque je comprends l’origine de ces bruits. Il y a quatre groupes différents s’agitant plus ou moins. Un groupe d’une douzaine d’élèves, assis ou plutôt vautrés sur le dallage, serrent très fort leur sac à dos, attendant visiblement l’heure du cours suivant. Un peu plus loin trois élèves n’arrêtent pas de crier et de tourner sur eux-mêmes comme des derviches tourneurs. Légèrement en arrière cinq ou six élèves essaient, les livres reposant sur les genoux, d’apprendre ou de rédiger leurs écrits. Enfin tout au fond à droite un groupe de sept jeunes s’efforcent de discuter . Et tout ce petit monde-là fait un joli tintamare… Le proviseur et moi, décidons sur le champ de créer une Commission de réflexion dont la tâche sera d’apporter une solution aux difficultés manifestées par l’expression d’un langage gestuel. Pour les premiers élèves, il est prévu d’ouvrir cette cafétéria dont on parle depuis longtemps. Pour les seconds on envisage la création dans le gymnase d’une petite salle de musculation, un professeur d’éducation physique s’engage à y être présent deux matinées par semaine. Pour le troisième groupe, la Commission envisage d’organiser un petit espace d’écriture limité par une bordure de bacs de fusains ; et pour éviter les grincements inutiles, de visser aux dalles de comblanchien, quelques tables avec le nombre de chaises nécessaires. Enfin pour le dernier regroupement, il est envisagé dans ce hall un espace se situant à l’opposé, limité par une bordure constituée par des bacs de fusains, et là aussi les bancs seront amarrés au sol. La suite est 213


intéressante, car depuis cette restructuration, l’hôtesse d’accueil, en permanence de bonne humeur, nous a adressé tous ses remerciements. A noter que par la suite, la Commission de réflexion a été encore plus loin, en remarquant que les parois verticales de ce cylindre pouvaient attirer le regard. Elle a prévu des concours de dessins entre classes. Les productions graphiques obtenues, à condition qu ‘elles ne portent pas la signature de leur auteur, méritaient une exposition. Cela fut fait, et surprise : aucun dessin affiché ne fut déchiré.

3.- La réorganisation des complémentarités dans l’institution Pour mieux analyser les fonctions positives de la complémentarité, nous allons être conduit à réfléchir sur la nécessité d’une réorganisation des complémentarités professionnelles et des complémentarités dans l’institution. Tout d’abord comme le dit un de nos amis «elle s’oppose aux mécanismes d’exclusion et d’inclusion, et en conséquence, elle évite les stratégies d’évitement » Que

voulons-nous

signifier

lorsque

nous

évoquons

la

réorganisation

.des

complémentarités professionnelles. Nous voulons exprimer l’idée, qu’au delà de la création de lieux de parole, il faut y associer un respect des personnes. Une secouristelingère, un aide de cuisine peuvent nous apporter des éléments très précis sur le comportement d’un élève ou donner son avis sur une amélioration potentielle qui se révèlera favorable dans l’évolution de l’établissement. Cela implique donc une reconnaissance de cette personne en tant que sujet capable de faire progresser les autres. Cette réorganisation aboutit à ce que J.OURY estime

nécessaire

« une analyse

diacritique » : séparer les plans, les registres, ce qui peut être utile sur le plan des groupes ou d’un système institutionnel ».177 Dans les modules que j’animais au CAFA de Dijon, certains ATOS me disaient : « nous aimerions bien pouvoir parler de ce qu’on fait » et Jean OURY nous indique qu’il faut prendre en compte ce type de demande et il ajoute : « Je ne dis pas qu’on peut parler de tout dans un groupe comme çà, mais il y a de la résonance, de la mise en écho, et c’est çà qui peut avoir une très grande importance. »178La complémentarité s’inscrirait bien dans la lutte contre les tendances humaines à la persécution et à l’interprétation. Autrui (tout en étant semblable à moi mais également différent de moi), devient un personnage 214


digne d’intérêt. Nous sommes donc prêt à l’entendre, tout en ayant la capacité de lui apporter notre concours. En conclusion, le fait d’avoir pointé que la complémentarité était un bouclier pareexcitation lorsque la structure tend à devenir dissociée et dissociative, semble déboucher sur la mise en œuvre de stratégies particulières. Nous sommes donc conduits à accepter que pour organiser un lieu favorisant la construction des élèves, il doit y régner des exigences. En sortant les individus de leur pré carré, pour leur permettre de porter un regard différent sur l’autre. Mais nous notons également combien cette déconstructionreconstruction peut entraîner l’apparition de processus défensifs, chez les plus généreux, les plus altruistes, et les pousser à devenir frileux, et c’est ainsi que l’on peut voir les mêmes professionnels se révélant hostiles au changement et donc à tout figer. 4.- Une action de prévention de la violence institutionnelle La reconnaissance des paroles émises par un habitant et l’acceptation de son « dire » était un des fondements de la solidarité dans le monde rural. Nous avons oublié (depuis la fin de la guerre 1939-1940), que dans le village : « tout adulte avait le droit de dire quelque chose, à un enfant qui manifestait des troubles du comportement, à partir du moment où il avait franchi le seuil de sa maison. » Il y avait donc une sorte de prolongation des actions éducatives menées au sein du clan familial. C’est dire qu’à partir du moment où, grâce à l’existence d’un rite de passage, l’individu était reconnu en tant qu’adulte, il se sentait en partie responsable de ce qui allait se dérouler au sein de la collectivité villageoise. Les seules instances possédant un poids institutionnel se résumaient à l’église et l’armée. Peu à peu, il a été démontré que d’autres institutions ont pesé de tout leur poids sur les individus : l’école (reprenons les propos de Fernand OURY sur « l’école-caserne ») , la prison, et l’hôpital psychiatrique. On voit alors apparaître les premières recherches sur les violences menées par l’institution, violences sur les « encadrants » et sur les « encadrés ». « Il nous faut désormais considérer que les institutions, et nous entendrons ici tous les établissements éducatifs et scolaires, ou plus simplement tout établissement à dimension éducative, sont les premières interfaces de la violence »178 La complémentarité permet de fonctionner dans trois lignes de régulations 215


institutionnelles : 1.« Elle permet de travailler avec le contexte familial et social en vrai grandeur, avec les parents, les familles d’accueil, les réseaux sociaux de référence ; 2.Elle favorise l’aménagement de l’institution « à l’interne », dans l’éthique de la parole et du respect « professionnellement » partagé. 3.Elle débouche sur une analyse des pratiques et des formations continues intégrées à l’institution »178 Si l’établissement scolaire se trouve en mesure d‘appliquer ces régulations, le climat de violence s’atténue et disparaît. Dans le même temps se développent tant pour les élèves que pour les adultes des liens d’appropriation et d’appartenance. Cela se traduit notamment par le besoin de magnifier l’image de marque de l’établissement, en le considérant comme un lieu fédérateur pour le quartier.

4.3 La complémentarité vecteur psychique de changement 1.- Devenir des adultes repères = Dans nos séminaires intitulés « À l’approche de l’adolescence », les ATOS nous ont apporté des propos qui vont dans le même sens que ceux retrouvés dans les entretiens réalisés. Ces personnels soulignent que devant la disparition progressive des repères sociétaux (le langage, les valeurs, les processus de transmission, les données éducatives,…) les adolescents souhaitent rencontrer des adultes cohérents qui fonctionneraient comme des balises. Lorsque l’on fait du bateau, on ne vient trop près d’une balise, mais on sait parfaitement où elle se situe. Je rappellerai ici ce que m’a apporté une élève de terminale que je recevais tous les quinze jours en entretiens de soutien. Comme nous avions des difficultés à saisir ce qu’elle voulait signifier lorsqu’elle évoquait son besoin d’adulte-repère , voici ce qu’elle a ajouté : « Dans mon lycée, il y a un homme qui pour moi a servi d’amer180, c’est Monsieur Schmidt. Cet enseignant qui avait un fort accent alsacien était connu par tout le monde comme une personne cohérente. Avec lui, c’était blanc ou noir, c’était oui ou c’était non, il n’y avait jamais d’affirmations mitigées. Or, je n’ai jamais été dans sa classe, je ne lui ai jamais parlé. PAIN (J.), Ecoles : Violence ou pédagogie, Vigneux, : Matrice,1992,p.170

178

216


Et pourtant , combien il a été important pour moi ». C’est ainsi que cette jeune fille a attiré mon attention , sur le fait que les élèves font très attention aux différents salariés oeuvrant dans le lieu scolaire. La différence des générations dans le lieu scolaire offre des situations dans lesquelles les adolescents ont sous leur regard, des adultes auxquelles ils ont envie de s’identifier. Il paraît donc important que les professionnels oeuvrant dans le collège puissent en tenir compte. 2.- Engager un travail de deuil sur notre propre cohérence : Ce travail sur nos illusions est très difficile. Il nous demande de considérer avec attention la notion de suivi : qu’il s’agisse de l’accompagnement d’un élève en difficulté, d’un collègue « déstabilisé » ou d’un remplaçant. Les ruptures observées, lorsque l’on prend le temps de réfléchir sur la poursuite d’une action d’étayage, nous révèlent nos incohérences et nos volte faces. Une remise en question de nos attitudes ne peut se faire de façon satisfaisante que dans un lieu d’analyse de la pratique. 3.- Pouvoir entraîner les adolescents dans des projets constructifs= Dans le domaine de la connaissance, les adultes interviewés ont insisté sur le fait que les adolescents dans cette période de la vie, recherchent un autre savoir que celui indiqué par les programmes édités par la Direction des Ecoles. Cette préparation à l’accès au monde des adultes demande que l’on puisse entraîner les adolescents dans l’élaboration de projets à court terme (rédaction d’un journal, préparation d’une porte ouverte, organisation d’une exposition, tribunes permettant des exposés sur des sujets d’actualité, correspondance avec un autre groupe composé d’adolescents du même âge…) La réalisation de projets constructifs positifs est un terreau sur lequel poussent la pédagogie Institutionnelle, ainsi que les pédagogies nouvelles (écoles Waldorf, méthodes Steiner, Padovan, école de La Neuville, Lycée expérimental de St Nazaire…) 4.- Intérêt pour les Lycées agricoles La circulaire DGER :POFEGTP :C2002-2013 du 17 Décembre 2002 dont nous citons le passage concernant la mise en place des groupes-adultes relais, groupes d’aide. Nous en reproduisons ici quelques lignes = 217


« Dans un souci d’aide aux jeunes en formation qui en ressentent le besoin ,il est souhaitable d’encourager la mise en place de groupes adultes-relais associant des personnels enseignants et non-enseignants. Ils ont vocation d’être à l’écoute des jeunes en formation et à les orienter, le cas échéant vers le ou les professionnels qui leur apporteront une aide dans la compréhension de leur situation. Ces groupes adultes-relais ou groupes d’aide travaillent en lien avec un réseau de professionnels (psychologues, psychiatres, médecins, travailleurs sociaux, conseillers d’orientation,…). En aucun cas, ils ne se substitueront à eux. Ces groupes adultes-relais peuvent éventuellement exercer leur mission d’aide au sein d’un lieu appelé « Point écoute » qui pourra leur servir de supports d’activité ». Nous évoquons cette circulaire du Ministère de l’Agriculture en sachant qu’il s’agit d’un champ différent, mais nous citons ce texte pour attester que d’autres Ministères se sentent également concernés par la complémentarité des salariés du lieu-école. Comme nous l’avions indiqué précédemment, nous laissons à notre ami L.R., enseignantchercheur et responsable de la formation des C.P.E. à l’E.N.E.S.A.D. à Dijon, le soin de faire état de ses travaux Dans notre recherche nous souhaitions aller plus loin que la compréhension d’une situation ou le désir d’une orientation. Nous avions conservés de nos études secondaires, l’image d’un ou de deux adultes qui respectaient les élèves et ainsi avaient pu être pour nous au départ d’un changement essentiel. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu reprendre,

les propos de Philippe MEIRIEU :

« l’institution scolaire se devrait d’être un espace de sécurité où, l’élève puisse faire des essais, sans être humilié quand il a fait une erreur, comme cela se passe dans une autoécole »179 . Lorsque nous avons appris à conduire un véhicule, le moniteur nous permettait de faire des essais, mais ne laissait pas une erreur provoquer des conséquences catastrophiques. Il est donc inacceptable qu’un enseignant laisse un élève se faire humilier par la classe lorsqu’il a dit une bêtise. Il n’est pas non plus admissible, d’accepter que les adultes ferment les yeux quand un élève se fait ridiculiser ou maltraiter dans la cour de récréation. Dans les entretiens réalisés, nous avons pu enregistrer les attentes des adultes MEIRIEU (P.) Eduquer­ La loi fondatrice,Vidéocassette éditée par le CDRP de l’Eure

179

218


concernant le respect des uns et des autres. En conclusion de ce paragraphe nous citerons Jean OURY en rappelant son Séminaire et son ouvrage sur le “ Collectif “

180

.Dans ses différents travaux on relève les phrases

suivantes:« Mettre en place quelque chose de profondément enraciné dans la vie des gens“ “ Il s’agit d’un système très complexe qui permette une expression de l’individu. Il faut que l’on puisse poser une question et qu’il y ait une réponse par un détour institutionnel. »(p.130) “ L’essentiel est de délimiter des espaces , pour qu’il y ait des espaces de jeu (au sens de Winnicott). Là où il puisse se manifester quelque chose , où çà puisse apparaître”. “Chaque individu a un savoir qu’il peut partager avec les autres ».. Ce chercheur insiste beaucoup sur la création permanente « d’une distinction dans un ensemble »,et il ajoute : “il faut qu’il y ait cheminement du sens dans le respect de la singularité de chaque participant “ . Les différents passages cités illustrent le fait que les échanges, enrichis par la singularité de chacun, vont être les assises de la complémentarité. Ayant construit ce socle nous pouvons analyser les craintes que suscite ce concept.

4.4.Après une période

d’idéalisation, la complémentarité est

susceptible de déclancher des stratégies d’évitement Nous avons plusieurs fois signalé, les stratégies d’évitement qui apparaissent dans l’entreprise, lorsqu’un groupuscule

désire proposer un changement de méthode ou

d’organisation. En fournissant un autre modèle, la complémentarité n’échappant pas à ce risque, nous allons tenter de comprendre sur quel terreau s’appuient les difficultés de sa mise en œuvre.

1.-Elle atteste de notre ambivalence à l’égard des actions innovantes En reprenant notre ambivalence à l’égard des pédagogies actives nous retrouvons toutes les craintes qui sont le lot de l’humanité. Il en est une constamment présente qui se focalise sur la peur de l’inégalité des chances. OURY (J.) Séminaire de Sainte Anne : Le Collectif Paris, Editions du Scarabée,1986, p.46

180

219


« Par les valeurs dont elles se réclament autonomie, épanouissement,….par le rapport désintéressé au savoir qu’elles privilégient, par la place qu’elles font au jeu et au plaisir, par l’accent qu’elles mettent sur les apprentissages fondamentaux, les pédagogies actives créent peut être de nouvelles inégalités. »181 Alors que nous rêvons à l’égalité des chances, la réalité du terrain nous apprend qu’il n’existe pas de recette qui convienne à tout le monde. L’activité enseignante est complexe, en reconstruction permanente et l’amélioration de sa maîtrise peut relever selon P.PERRENOUD

181

de deux stratégies opposées :

- une stratégie de prolétarisation du corps enseignant «visant à plier leur activité dans le cadre codifié de comportements opérationnels, cela suppose l’existence de « bonnes solutions » élaborées par des spécialistes, à l’extérieur des situations pédagogiques toujours singulières et que les enseignants n’auraient qu’à mettre en œuvre. - une stratégie de professionnalisation visant à renforcer l’autonomie et à développer les responsabilités individuelles et collectives. L’enjeu est d’importance car il s’agit de préparer des « praticiens réfléchis », des professionnels capables de repenser leur façon d’agir et de penser tout au long de leur vie professionnelle. »182 Au lieu de déplorer le conservatisme des enseignants, il est important de réfléchir à de nouvelles formes de participation collective et à des dispositifs de valorisation des investissements consentis. Ce constat nous oriente vers une modification du programme de formation dans les U.I.F.M. avec des travaux en ateliers sur la psychosociologie des groupes. Comme l’indiquent les entretiens , les personnels non-enseignants semblent manifester une plus grande envie d’actions collectives, que les pédagogues, centrés avant tout sur le lieu-classe. Les propos exprimés par les adjoints des chefs d’établissement témoignent d’un souhait : celui de voir les professeurs

s’intéresser davantage à la vie

institutionnelle.

2.- Elle nous force à réfléchir sur le concept d’acteur de l’innovation « Lorsque les jeux sont mobiles et les positions instables, la réitération de PERRENOUD (P.), Réflexions sur les contradictions de l’école active, Genève, 1985 PERRENOUD (P.), Réflexions sur les contradictions de l’école active,Genève 1985 182 PERRENOUD (P.) ,La formation des enseignants entre théorie et pratique, L’Harmattann 1994 181 181

220


l’investissement stratégique et identitaire conduit certains à se lasser de leur action.Ils préfèrent retrouver un rôle, se soumettre à la contrainte,plutôt que d’exercer un pouvoir qui suppose le recours constant à l’effort et au risque .»183 Dans le lycée , il est possible de trouver d’autres activités , que celles visant à l’obtention d’un diplôme. C’est dans cette recherche à L’Université Paris-X Nanterre, que s’inscrit Marie-Anne Hugon. 184 Ce chercheur insiste sur le dynamisme personnel du professionnel ayant pris l’initiative d’un changement de méthode ou un changement d’organisation.

3.- La complémentarité représente un coût a) Elle nécessite un investissement cognitif : Pour permettre une meilleure relation à l’autre , il semble nécessaire de s’informer a minima du contenu reçu dans ses apprentissages. Cela indique qu’il faut faire un effort dans la connaissance, en direction de la quintessence du savoir de l’autre sur son métier. Au delà de l’accueil chaleureux que nous pouvons réserver à l’autre, nous pouvons nous retrouver fortement agacé par son questionnement, et par les difficultés qu’il éprouve à saisir le contenu de nos interrogations ou de nos réponses. b) Elle demande une implication forte Le fait d’accepter que l’autre détient un savoir que nous ne possédons pas, demande une

implication

forte,

pour

atténuer

le

sentiment

de

désappropriation.

Cette motivation à œuvrer ensemble dans des actions complémentaires, peut nous révéler que le travail sur l’illusion de notre compétence n’est pas encore achevé. c) Elle peut apporter un auto-surmenage . L’excès de fatigue peut se retrouver en relation, non pas tant du côté d’une augmentation du temps de présence en établissement, mais par le souci induit par la préparation de la 1 83

ALTER (N.), La lassitude de l’acteur de l’innovation, Sociologie du travail, n°4, 1992, Dunod, p.447­ 468

1

184

HUGON (M.-A) et al. Construire ses apprentissages au lycée, Paris, 2000, INRP, p.273

221


prochaine réunion , en réfléchissant de façon sérieuse et appliquée aux projets que l’équipe-relais s’était engagée à traiter dans les séances à venir. Pouvoir affirmer ses propres idées devant d’autres professionnels peut être bien plus déstabilisant que de s’inscrire dans le conformisme.

d) Elle suscite des risques réels ou imaginaires Assez rares ont été les situations où le salarié s’est retrouvé en but à des moqueries, ou à des rétorsions, pour s’être différencié de ses collègues en participant à l’équipe-relais. Le plus fréquemment, nous avons relevé des sentiments de doutes ou des peurs de l’isolement et de la stigmatisation, par tous ceux qui s’opposaient à toute velléité de changement. Dans de tels moments ressurgissent nos besoins d’appartenance et notre peur de l’exclusion. Cela peut s’avérer difficile pour celui qui fonctionne le plus souvent dans l’ambivalence, qui s’illustrait autrefois dans le langage populaire par l’expression « peut-être bien que oui, peut-être bien que non ». d) Elle peut mettre en œuvre des mécanismes de défense pour freiner notre anxiété « L’incertitude est également une source d’anxiété parce que ni les stratégies du groupe d’appartenance, ni celles des autres groupes ne sont fixes : il n’existe pas de représentation stable du jeu social pour cause d’imprévisibilité des stratégies. »185 Les mécanismes de défense, que sous-tendent les stratégies d’évitement (impression de perte du pouvoir, fuite en avant, lassitude, épuisement, incapacité à penser, effacement à mesure, impression d’inutilité…) seraient sûrement à interroger, à propos des équipes relais qui n’ont jamais réussi à se construire. e) Son utilisation demande un renoncement à la toute-puissance La reconnaissance des processus conduisant à la complémentarité, indique qu’il faut faire preuve de modestie et de persévérance. Il faut donc accepter de faire un travail de deuil sur les illusions de l’équipe-relais. Les erreurs d’anticipation peuvent apparaître à l’égard de la notion de ALTER (N.), La lassitude de l’acteur de l’innovation, Sociologie du travail n°4, 1993, Dunod, p. 447­ 468 185

222


durée, en direction d’une recherche du pouvoir, ou encore dans un besoin idéal de fraternité risquant de se transformer en relations fusionnelles. Ce renoncement qui est exigé par le principe de complémentarité doit nous rendre attentif

- à la maîtrise du temps : On observe que la durée moyenne des équipes- relais est inférieure ou égale à trois années. - au jour et à l’heure de la réunion : Les réunions se situant le plus souvent entre 17 et 20 heures, il nous est apparu important que les salariés qui ne travaillent pas ce jour-là, puissent connaître dès leur passage à la conciergerie, l’étage et le numéro de la salle réservée ce soir là à cette action. - au nombre des personnes qui en font partie : le nombre moyen qui se dégage de notre recherche , se situe autour de cinq. Ce chiffre est retrouvé dans le concept de « cartel », il nous semble qu’il permet une ouverture sur l’analyse institutionnelle. - à la notion de groupe fermé ou ouvert : Notre recherche nous a indiqué que la formule la plus appropriée était celle d’un groupe fermé pouvant s’ouvrir à chaque rentrée scolaire. Cela a permis à l’équipe qui a duré cinq années, d’accepter que suite à des demandes de mutation, il a fallu que trois personnes soient remplacées à chaque rentrée. - à la procédure d’évaluation : Il nous est apparu que le temps le plus favorable à l’évaluation se situait à la rentrée du mois de septembre lors de l ’accueil des nouveaux participants . Ce temps qui prenait l’apparence d’un rappel historique, a toujours été bien accepté par les anciens. - à la nécessité d’une publicité ou du moins d’un écrit en direction des membres de l’établissement scolaire : Il semble que là, il y ait à prévenir le fantasme suivant « qu’est ce qui se passe derrière la porte fermée ?... » De là découle cette obligation, que nous avons impulsée dans les différentes équipes-relais, celle de rédiger tous les deux mois un texte cours, résumant l’état des travaux de cette constellation. - à la désignation d’une personne en son sein reconnue comme occupant une place d’autorité, cette personne doit accepter que la présidence soit alternative. A chaque fois que les circonstances n’ont pas permis que dans l’équipe relais s’inscrive, le chef d’établissement ou son adjoint, et parfois le médecin scolaire, le groupe a vu sa durée de vie très rapidement s’abréger. Dans notre étude, le poids du CPE ou de l’infirmière ne paraît pas suffisant pour garantir une certaine durée de vie. Il y a derrière ce constat, 223


quelque chose à creuser, car un compte-rendu fidèle de la réunion, qui était pourtant très bien réalisé par ces techniciens, n’a pas suffi. - à l’envie d’en faire un lieu pour traiter le « mal être » des adultes. A notre place d’accompagnant, cette situation était pour nous une dérive à éviter. Nous avons su mettre des garde-fous. Par contre, notre inquiétude reste entière à la lecture de la circulaire du Ministère de l’Agriculture, traitant des Groupes Relais Adultes (Circulaire DGER :POFEG TP/C2002-2013 du 13 Décembre 2002) ; nous notons dans ce texte rien n’est mis en place pour prévenir un éventuel dysfonctionnement. - aux conflits de pouvoir : Eclairé par les dérives d’équipes, peu conscientes de l’envie du groupe de s’emparer du pouvoir du chef d’établissement, nous nous sommes inspirés du concept désigné par Eric LAURENT

186

sous le terme « l’empreinte en

creux ». Ce chercheur insiste sur la place particulière de l’accompagnant connu pour son savoir, mais restant rassurant parce qu’il répond discrètement aux questions du groupe, sans s’embarquer dans des développements théoriques

4.5 la complémentarité pose la question du « vivre ensemble » 1.-Le « vivre ensemble » des personnes (dans l’acceptation des différences et dans une possibilité de coopération). A ce point de discours , il nous paraît nécessaire d’établir comment dans l’équipe-relais le regroupement, se distingue de la notion de « Collectif », tel que ce concept est utilisé en Psychothérapie Institutionnelle. « Le Collectif , c’est ce qui donnerait la possibilité d’organiser concrètement des collectivités ayant une finalité psychothérapique ». Dans ce concept il y a quelque chose qui tient compte des qualités du sujet et qui peut être efficace à un certain niveau de son existence, efficace thérapeutiquement. « Empiriquement , on avait bien vu –c’était les premières démarches de ce qui allait devenir ce mouvement de psychothérapie institutionnelle -qu’en modifiant certaines configurations dans une collectivité, on arrivait à, sinon « guérir », du moins, supprimer des manifestations extraordinairement pathologiques : les quartiers d’agités, les quartiers de gâteux. »187 LAURENT (E.), L’empreinte en creux, revue Française de Psychanalyse n°3, 2002 OURY (J.), Le Collectif, Séminaire de Sainte Anne, Paris, Le Scarabée, 1986, p.209

186 187 1

224


Une des premières démarches sur le plan collectif, des équipes qui travaillaient à ce niveau, a été d’introduire un minimum de respect à l’égard des gens que l’on appelait des agités, de développer des méthodes actives, de favoriser une vie active, de leur donner petites responsabilisations, une ouverture vers autre chose, vers des clubs, etc… Si, lors de notre séjour à Marseille, nous avons participé à ce mouvement lors de l’ouverture d’un Centre Psychothérapique, animé par des médecins et des infirmiers qui avaient été à l’hôpital St Alban.(avec BONNAFÉ et TOSQUELLES), c’est volontairement que la recherche, dans cet ouvrage, s’est focalisée sur le lieu école et non sur le milieu hospitalier. Par contre ce que nous pouvons conserver de ce modèle c’est l’idée que : « Réunir des gens, ce n’est pas simplement les mettre les uns à côté des autres, mais les placer dans des situations où ils puissent s’exprimer »188. La mise en place et le suivi des équipes relais, nous a permis de constater que ce qui était en question avait pour objet « les formes d’incarnation pyramidales de relations surmoïques ». Or, dans les entretiens avec les personnes qui ne faisaient pas partie de l ‘équipe relais, elles insistaient sur une modification de l’ambiance du lieu. Ces professionnels nous apprenaient que la publicité réalisée, sous la forme d’un texte cours apposé sur les différents panneaux d’affichage, leur avait fait prendre conscience de leur appartenance au groupe des « encadrants », leur permettant de partager avec d’autres l’envie de s’inscrire dans des projets d’établissement. Ils ajoutaient que ressentant moins le poids de leur hiérarchie, ils pouvaient penser que le collègue (quelque soit son rôle ou sa fonction) pouvait leur apporter des propos constructifs. Ils retiraient de ses rencontre l’impression d’un étayage de leurs motivations (exercer un métier dans une école). Il y aurait donc dans cette application du principe de complémentarité, quelque chose qui atténuerait l’impression d’isolement et la tendance à projeter sur l’autre

des

stéréotypes liés à notre vécu. Ce regard sur le monde se rapprocherait sans doute de la re-découverte de « l’humanitude » au sens d’Edgar MORIN, c’est dire un renforcement du sentiment d’altérité et de transversalité. L’autre est différent de moi, mais il a des choses qu’il peut m’apprendre., et nous pouvons œuvrer ensemble en direction de la génération suivante.

2.- Le vivre ensemble des équipes durablement dynamiques et OURY (J.), Le Collectif, Séminaire de Ste Anne, Paris 1986, Editions Le Scarabée, pp.161

188

225


inventives Pour arriver à cette conception, nous avons exposé antérieurement , combien il était important de pouvoir renoncer à la toute-puissance. Et nous retrouvons là, ce qui a été apporté par la notion de « cartel » chez LACAN. Il semblerait qu’une équipe ne peut rester inventive que, si elle est inscrite dans des projets à court terme, et si elle se donne l’obligation de réaliser une production d’un « écrit en direction de l’extérieur ». Arrivé à ce point de notre écrit, la question suivante se pose pour nous, : ne sommesnous pas en train d’essayer de vouloir apporter un éclairage sur les éléments fédérateurs du « lien social » ? Il semble s’agir d’une question fort difficile qui demanderait une autre étude. Par contre , tout en restant dans le sujet, nous pouvons élargir notre argumentation, en nous appuyant sur « les invariants de la pédagogie institutionnelle. Jacques PAIN , nous les a rappelé : « L’homme est le spécialiste de l’institutionnel, tout autant de sa construction que de sa déconstruction, de son déni, de son oubli, ou de son exclusion. »189 Citons ici ses invariants : -

la nature humaine est sociale,

-

la précarité de l’existence humaine,

-

la parole fait la différence,

-

c’est le milieu qui construit les symptômes et qui fait ce qui tient de l’être humain,

-

Faire du milieu une instance de médiation,

-

L’organisation tient l’appareil mental,

-

La qualité des rapports sociaux dans la relation , va faire la rencontre,

-

Les institutions sont nos maisons,

-

Le savoir est de la science humaine.

Ecoutons Félix GUATTARI : « Le problème n’est donc pas de lancer des ponts entre des domaines déjà tout constitués et séparés les uns des autres, mais de mettre en place de nouvelles machines théoriques et pratiques capables de balayer les stratifications

PAIN (J.), Les invariants vers une pratique de l’institutionnel, Institutions n° 3 – Psychothérapie et Pédagogies Institutionnelles, p 42­52 189

226


antérieures, et d’établir les conditions d’un nouvel exercice du désir »190 Ne nous retrouvons-nous pas dans ce domaine ?... Pour élargir notre analyse, n’est-il pas intéressant de se rapprocher des théories identifiées sous le terme : « sociologie de la traduction ». Ce modèle met l’accent sur les freins retrouvés dans une organisation, quand il n’y a pas de rencontres entre les individus. Des personnes intéressés par la même activité, restent habituellement dans l’ignorance de ce qui est réalisé par l’autre. Or il peut en être autrement. Dans la situation décrite par CALLON 191 et LATOUR192, on retrouve bien comme dans notre principe de complémentarité, la possibilité d’alliances avec des personnes qui à priori ont peu de liens avec la production directe de patelles. La scène se déroule en baie de Saint Brieuc ; elle place dans les rôles principaux, des chercheurs, des marin pêcheurs et des coquilles Saint Jacques. Ces coquillages dont on souhaite amplifier la production sont considérés comme des organismes vivants très importants dans ce maillage, il est donc nécessaire de traduire leurs manifestations. Ces auteurs les désignent comme des êtres animés « non-humains ». 169 Dans les thèmes dégagés par nos entretiens , nous avons noté les bénéfices offerts par la rencontre avec des personnes fort éloignées des actions pédagogiques, citons par exemple les O.E.A. chargés de la maintenance du collège. Et là on va retrouver leur contribution à l’élaboration et la réalisation de sanctions positives.

3.- Une attitude « bureaucratique » ne contribue pas à humaniser le collège L’attitude s’appuyant sur une conception rigide du fonctionnement de l’école, ce que l’on peut exprimer synthétiquement par l’expression « c’est l’heure…, on ferme » , ne contribue pas à faire circuler de la parole entre les générations. Si nous reprenons l’expression « collectif des encadrants - collectif des encadrés », nous la retrouvons soutenue, par les propos émis tant par les adultes que par les élèves. Les adultes évoquent le danger des pyramides hiérarchisées, en signalant que ce type de GUATTARI(F.).­ Psychanalyse et transversalité .­Paris :Maspéro, 1972 CALLON (M .), L’opération de traduction comme relation symbolique, Incidence des rapports sur le

190 191

développement scientifique et économique, Paris, Maison des sciences de l’homme, 1974­1975. 192 LATOUR (B.), Les Microbes guerre et paix, Paris : Métaillé,1984

1

227


fonctionnement renforce le cloisonnement. Chaque adulte pour échapper à ce système bureaucratique au sens de CROZIER, renonce à sortir de son secteur d’activité et se met à renforcer ses attitudes de toute-puissance. Dans nos entretiens avec les personnels du collège n’appartenant pas à l’équipe-relais, nous en avons des exemples : Un aide de cuisine : « je viens au travail en traînant les pieds, j’ai l’impression que je suis là uniquement pour faire du manger. Je m’enferme dans ma tâche, attendant qu’il soit l’heure de la sortie. Dans le collège précédent, institution dont je me suis éloigné, pour acquérir un logement plus grand, j’ai ainsi pu constater que le climat était différent. Participant à la Commission des menus, (groupe que j’ai dû quitter ayant changé d’établissement, alors que j’aurais aimé continuer à y être présent en tant qu’agent extérieur), je pouvais apporter une nouvelle façon de présenter les plats, apporter des éléments pour une cuisine plus naturelle ou encore suggérer une nouvelle recette de cuisine. En rentrant chez moi, je me retrouvai avec ma motivation de départ (apprendre aux jeunes à s’alimenter),et je feuilletais ainsi un tas de livres ou encore , je faisais très attention lorsque je déjeunais dans un bon restaurant, Cela pouvait me conduire à poser des questions au chef de rang ou même au restaurateur, et je prenais quelques notes. Mais ce qui me plaisait le mieux c’était de pouvoir discuter avec les élèves présents dans cette commission, avec l’assistante sociale, avec l’infirmière, et de pouvoir les retrouver à la réunion du mois suivant. Cela débouchait sur quelque chose de nouveau, dans notre salle à manger, puisque des élèves ou des adultes pouvaient nous faire des compliments sur la présentation des hors d’œuvre ou sur la qualité des sauces. De plus le chef d’établissement, qui ne pouvait être présent à la commission des menus, venait régulièrement en cuisine, pour goûter les plats et nous interroger sur le repas de midi. Il y avait donc dans ce lieu un respect des élèves et des personnels, appuyé sur le fait que l’alimentation était bien inscrite dans le domaine des apprentissages. »(RE) 4 p. Un O.E.A. chargé de la maintenance « Je me sens reconnu dans mon collège. Avec le gestionnaire et le principal adjoint, nous faisons, une visite de l’établissement à chaque rentrée scolaire, en gros un regard sur l’institution toutes les six semaines. Avec ces deux personnes, outre le listage des petites réparations à effectuer, nous envisageons ce que nous pourrions modifier,pour un meilleur confort de tous (accueil à l’entrée, salle 228


d’attente pour les parents, panneaux d’affichage, foyer des collégiens),…Dans ce lieu scolaire, je ne suis pas là uniquement pour éviter la survenue des pannes électriques et la réparation des portes et des carreaux cassés » RE) 22 p. Un professeur d’éducation physique et sportive : « Portant un regard sur le corps en mouvement et les difficultés des adolescents pour accepter de sortir de la passivité et de l’inertie, je rends grâce à l’équipe de direction de ce collège, qui grâce aux liens établis avec le conseiller municipal, délégué aux sports, a pu favoriser l’ouverture du gymnase durant les vacances scolaires. Les adolescents que je regroupe durant leur temps de loisirs, ont un regard différent sur leur collège et développent de plus en plus des liens d’appartenance. Ils expriment leur envie de mener des actions positives en direction des plus jeunes » (RE) 28 Un élève ayant participé à un atelier d’écriture animé par un comédien : « je ne sais pas si je me lancerai un jour dans le théâtre, mais je sais que pour moi, cela était fort différent des groupes d’expression, dans lesquels je me retrouvais à la M.J.C. » Un professeur d’anglais qui avait réfléchi avec nous à la sanction positive, imposée à un élève qui perturbait la classe en chantant des chansons de corps de garde. (nous avons explicité cette situation supra), nous dit « grâce à l’appui du CPE, de l’infirmière et du Principal adjoint nous avons pu autoriser l’élève à pouvoir se rendre au Centre de Planification Familiale, pour se constituer un dossier destiné à faire un exposé devant toute sa classe . Depuis je regarde différemment les adolescents et je réfléchis à toutes les possibilités que peut offrir un collège pour la construction de ces futurs adultes. Ces jeunes que je vais côtoyer plusieurs années, méritent bien que l’on se retrouve avec eux , en dehors des temps pédagogiques. » A la fin de ce chapitre que pouvons-nous ajouter ? De cette recherche, nous conserverons le souvenir de rencontres avec des adultes « porteurs d’espoir », qui ont su nous faire partager leurs envies. Ils exprimaient pour la plupart, le souhait de voir se modifier les conditions actuelles de la scolarisation. Le 229


regard qu’ils portaient sur l’établissement, semble tout à fait en harmonie avec les propos de deux chercheurs du Collège de Montfermeil : « L’Education Nationale a un potentiel humain (en qualité et en dévouement) qui fait penser qu’elle peut trouver en son sein, des réponses aux multiples questions qui lui sont posées ».193 Si nous avons aussi longuement réfléchi sur « les paramètres qui définissent la place des uns et des autres »194 cela est justifié par notre séjour dans différentes institutions, nous demandant de prêter attention à la notion d’accueil ; On constate aujourd’hui, une grande porosité de la porte de l’école, en remarquant que tout incident survenu dans le quartier aura des répercussions dans l’établissement scolaire. Dans ces conditions, la frilosité et la peur du changement de certains salariés sont fortement compréhensibles. En franchisant les murs de l’école 195 la diminution des repères sociétaux est très vite observée. Il y a bien actuellement une exagération de l’individualisme , une amplification de la peur de l’étranger (la peur de l’autre), des tendances à la somatisation chez les individus, et enfin une perte du respect de l’autre. Dans ces conditions , il est envisageable d’assister à un renforcement des tendances au corporatisme, et la mise en œuvre de stratégies d’évitement. Nous avons également dans cette recherche retrouvé, la part importante liée aux processus qui sous­tendent le fonctionnement des Groupes. Nous rappelons ici, le fait que même chez des individus volontaires pour s’engager dans la mise en construction d’un projet, la durée de vie d’une équipe­relais efficace dépasse rarement quatre années. Cette difficulté à mener une actions prolongée, demanderait sans doute à poursuivre l’analyse des conditions qui facilitent la persistance de la motivation à se retrouver dans le même groupe.

RIBEAUCOURT (L.), De la convivialité à l’efficacité contre l’exclusion : une expérience d’établissement ; Les jeunes en rupture scolaire : du processus de confrontation à celui de remédiation, opus déjà cité, pp.156 194 BRICHLER (C.), Vision panoramique sur la relation parents­enfants­éducateurs­la notion d’accueil, la revue de la FOEVEN n°46, 2003, p.40 195 DEROUET­BESSON (M.C.), Les murs de l’école, Paris, 1998, Editions Métaillé, pp.181 193

230


Bibliographie 4 167 BOUVIER (P.), Le lien social, Paris 2005, Edition Gallimard 168 PAIN (J.).­ Écoles : violence ou pédagogie.­Vigneux : Matrice ,1992 p.168 169 TOSQUELLES (F.).­Des praticables.­in J.Oury Psychanalyse,Psychiatrie et psychothérapie institutionnelles, L’apport freudien Eléments pour une encyclopédie de la psychanalyse, Paris : Bordas, 2003 p.829 170 PAIN (J.) .­Écoles :violence ou pédagogie.­ Vigneux :Matrice, 1992 p.170 171 MALETO (F.) Stratégies pour favoriser le changement, Tours ,1997, Conférence donnée à la Chambre de Commerce (texte en voie d’impression). 172 BRICHLER (C.) Citation extraite du livre de Gammill J. Sur la notion de contre­ vérité psychique de l’enfant et de l’adolescent, dans Avancémétapsychologiques, 1991, Paris, Apsygée, reprise dans l’article Visipanoramique sur la relation parents­enfants­éducateurs, 173 OURY (J.).­ Le Collectif .­Séminaire de St Anne ,Paris :le Scarabée, 1986. 174 BRICHLER (C.).­Adolescence, disparition des rites de passage , Colloque des Psychologues de Franche­comté.­ Besançon 175 OURY (J.),Le Collectif,Séminaire de Ste Anne, Editions du scarabée,Paris,1986, pp.44 176 OURY(J.) .­Le Collectif.­ Séminaire de Sainte­Anne .­1986 p.54 177 PAIN (J.),Violence et violence institutionnelle. La responsabilité de l’institution, Paris, 2004 178 PAIN (J.) Violence et violence institutionnelle.­ La responsabilité de l’institution Paris 2004 179 MEIRIEU (P.) Eduquer la loi fondatrice, vidéo­cassettte éditée par le CRDP de l’Eure 180 OURY (J.) .­Séminaire de Sainte Anne­Le Collectif .­Paris : Editions du Scarabée, 1986 p.46 231


181 PERRENOUD (P.), Réflexions sur les contradictions de l’école active, Genève, 1985 182 PERRENOUD (P.) La formation des enseignants entre théorie et pratique, L’Harmattan, 1994 183 ALTER (N.), La lassitude de l’acteur de l’innovation, Sociologie du travail n°4, 1993, Dunod p.447­468 184 HUGON M.­A, et al. (2000), Construire ses apprentissages au lycée, Paris, INRP. 273 p 185 ALTER (N.) « La lassitude de l’acteur de l’innovation », Sociologie du travail, n° 4 Dunod, p.463 186 LAURENT E. L’empreinte en creux, Revue Française de Psychanalyse N°3 2002 187 OURY (J.).­ Le Collectif Séminaire de Sainte Anne.­ Paris : Le Scarabée,1986 p.209, 188 OURY (J.), Le Collectif, Séminaire de Ste Anne, Paris 1986, Editions Le Scarabée, p.161 189 PAIN (J.), Les invariants vers une pratique de l’institutionnel, Institutions n° 3 – Psychothérapie et Pédagogies Institutionnelles, p 42­52 190 GUATTARI(F.).­.­ Psychanalyse et transversalité.­Paris :Maspéro, 1972 191 CALLON (M .), L’opération de traduction comme relation symbolique, Incidence des rapports sur le développement scientifique et économique, Paris, Maison des sciences de l’homme, 1974­1975. 192 LATOUR (B.), Les Microbes guerre et paix, Paris : Métaillé,1984 193RIBEAUCOURT (L.), De la convivialité à l’efficacité contre l’exclusion : une expérience d’établissement ; Les jeunes en rupture scolaire : du processus de confrontation à celui de remédiation, opus déjà cité, pp.156 194 BRICHLER (C.).­ Vision panoramique sur la relation : parents­enfants­ éducateurs­La notion d’accueil.­ la revue de la Foeven ° 46, 2003 p.40 195 DEROUET­BESSON (M.C.), Les murs de l’école, Paris, 1998, Editions Métaillé, pp.181

232


CONCLUSION A l’issue de ce travail de recherche qui a pris sa naissance en 1985, il me semble important de faire le point, puis de décoder ce qui a été établi, et enfin d’envisager les apports sur le plan théorique et pratique. Il était pour nous essentiel de faire le point car la clinique de la complémentarité demande à ce que l’on s’intéresse à des champs de connaissance bien distincts, si l’on souhaite envisager la généralisation de ce principe, puis son application dans différents domaines. Cette recherche a mobilisé chez nous beaucoup d’attentes dans des domaines qui auraient demandé encore plus d’efforts : sciences physiques, économie, psychosociologie des groupes, scolarisation. Dans un premier temps, cet écrit nous a incité à amplifier nos connaissances dans le domaine des sciences physiques. Ce fut d’autant plus facile qu’au début de nos études universitaires, nos choix s’orientaient vers le concours d’entrée à l’Ecole de Physique et Chimie Industrielle de la ville de Paris. Le diplôme une fois obtenu, nous devions nous retrouver normalement dans le secteur de l’énergie nucléaire. Notre destin nous conduisit sur un autre parcours. Ce fut donc un véritable plaisir de retrouver cette approche scientifique très particulière : la mécanique quantique. Nous connaissions les différends et les mouvements d’hostilité, qui secouèrent les sociétés savantes, lors du constat des difficultés d’application des lois du monde macroscopique au monde microscopique, qui est celui de l’électron.. Nous ne savions pourtant pas que les premières discussions entre BÖHR, HEISENBERG et SCHRODINGER sur leurs recherches communes, étaient apparues lors de longues marches en montagne ou pendant des temps de navigation sur le même voilier. De retour dans leur laboratoire, 233


chacun de ses chercheurs repensait à ses propos , et organisait son discours de façon plus structurée, de façon à étayer la théorisation de ce nouveau champ de la physique. Leur amitié les rendait certainement plus attentifs aux exigences de la science dans l’analyse des faits expérimentaux. Au delà de sa conception de l’atome, BÖHR a également proposé des applications du concept de complémentarité, en psychologie, en anthropologie, ou en biologie. Selon lui, la mise en œuvre d’un même instrument de pensée (la complémentarité) ne saurait se justifier, par une vague et problématique similitude des objets à connaître, mais seulement par une analogie des situations qu’occupe le sujet connaissant, par rapport à eux. Et comme le signale Michel BITBOL « dans tous les cas on se heurte à l’impossibilité de séparer complètement l’objet des moyens d’investigation dont dispose l’expérimentateur ».11 Or ce physicien danois, connaissant parfaitement les écrits de William JAMES, avait observé par exemple, que dans la psychologie introspective, l’objet examiné « le courant des idées » ne se distingue pas univoquement de la pensée du sujet qui l’examine. « La physique n’aurait fait que découvrir pour son propre compte une situation d’implication cognitive du sujet dans son objet d’investigation, déjà familière dans les sciences humaines ».12 On peut comprendre à partir de là que la complémentarité ait été saluée par certains auteurs comme un patrimoine commun aux sciences de la nature et aux sciences de l’homme. Ayant dans une première période, focalisé notre attention sur les Sciences Physiques, notre surprise a été grande, lorsque dans nos échanges avec un professeur de l’Université de Dijon, cette enseignante nous a appris que ce concept était également utilisé en économie. En suivant ses conseils nous avons essayé d’examiner tout ce qui pouvait ressembler à la complémentarité, mais n’était pas en relation directe avec ce principe. Nous citions alors les mots : solidarité, mutualité, subsidiarité. Cette professeure nous BITBOL (M.), ­ La complémentarité ,Dictionnaire d’histoire et philosophie des sciences.­

11

Paris :1993/2003 . PUF Grands Dictionnaires : p. 202 12 BITBOL (M.) ouvrage précédemment cité

234


avait également incité à analyser trois expériences innovantes récentes, ce qui nous a permis de dégager un mot­clé, le mot « responsabilité partagée ». Or, ce terme évoque pour un être humain, l’obligation d’apporter son concours à ceux qui ont besoin d’aide. En quelque sorte : « je suis responsable de l’autre et ne suis pas le seul à être dans cette situation ». D’où notre attachement à l’expression retrouvée dans les écoles japonaises de formation des samouraïs : « grandir pour le profit de la communauté ». De plus, dans ce regard explorateur que nous portions sur le vaste domaine de l’économie, un nouveau document est venu enrichir nos réflexions. Notre directeur de thèse, nous indiquait un ouvrage illustrant le fait, que le plus souvent, le monde marchand manifeste une faible considération pour les êtres humains. Il s’agit de l’écrit d’Aymarta SEN « L’économie est une science morale ». Son auteur est un philosophe inclassable : philosophe et par dessus tout humaniste. Il s’est efforcé de montrer que l’analyse économique traditionnelle était incapable de penser la diversité des sentiments humains et qu’il était important d’y introduire des considérations politiques, sociales et surtout éthiques. Ses travaux sur la famine et la grande pauvreté l’ont conduit à s’interroger sur le rapport entre liberté individuelle et égalité sociale, entre démocratie et développement économique. Dans ce livre il est rappelé qui était Adam SMITH « injustement perçu comme le chantre de l’égoïsme rationnel et du laisser faire absolu, ce chercheur était professeur de philosophie morale à l’université de Glasgow » 13 Auteur d’une « Théorie des sentiments moraux », admirateur des stoïciens grecs, Adam SMITH écrivait à leur propos « L’homme (…) devrait se considérer non pas comme séparé et détaché de tout, mais comme un citoyen du monde, un membre de la vaste communauté de la nature (…), dans l’intérêt de cette grande communauté, il devrait être prêt à sacrifier son propre petit intérêt »14 Soulignant la notion de vaste communauté de la nature et pour le citoyen le devoir de sacrifice de ses propres intérêts, cette lecture ne fit que renforcer la réflexion sur les conditions d’un changement possible pour une institution envahie par la dilution des AYMARTA SEN .­ L’économie est une science morale.­ SMITH (A.).­ The theory of Moral Sentiments.­ Oxford : Clarendon Press, 1975 . Cité par Sen in

13 14

Ethique et économie, Paris : PUF, 1993

235


valeurs morales. Au delà de la transmission des principes de base en éducation, la complémentarité impliquait donc la nécessité d’une structure expérimentale regroupant des adultes partageant une éthique commune. C’est alors qu’apparaissait le terme de « transversalité subjective ». Nous sentions que derrière cette expression se cachaient les fondements de la complémentarité. Ce regard différent porté sur l’autre , apportait la conviction que ce professionnel reconnu comme ayant un savoir sur la vie de l’établissement pouvait le partager avec ses semblables. C’est ainsi que notre attention à l’utilisation de ce principe dans le domaine de l’économie nous aura permis de mieux comprendre la signification de notre hypothèse principale : « l’accompagnement d’une équipe­relais « fondé » sur la complémentarité restaure la qualité humaine de l’école ». Il y avait donc à démontrer que dans un lieu destiné à l’acquisition des apprentissages, les notions de morale et de valeurs pouvaient être retrouvées malgré l’usure du temps. Un troisième champ de connaissance, sollicité par l’élaboration d’une clinique de la complémentarité aura été celui de la psychosociologie des groupes . Les différentes fonctions que nous avons occupées successivement , nous ont sans doute mieux permis de cerner la fonction d’accompagnant d’une équipe. Outre le poste de médecin­chef que nous avons occupé trente ans, nous avons d’abord été animateur de training­groupe (rencontres d’inspiration lewinienne), psychodramatiste (formé par une école française s’appuyant sur MORÉNO), puis psychothérapeute de groupe et appartenant aux groupes de formation animés par des élèves de Didier ANZIEU et René KAËS. Notre rencontre avec François TOSQUELLES et la Psychothérapie Institutionnelle, nous ont permis d’acquérir des méthodes pour analyser ce qui se passe dans un établissement. Deux modèles me paraissent à conserver dans l’analyse diacritique de l’institution. Tout d’abord le terme de « constellation » de TOSQUELLES15 : chaque individu va donner une place particulière à certaines personnes qu’il rencontre régulièrement et qui prennent de l’intérêt pour lui. Dans certains collèges ces constellations se sentaient inconsciemment chargées de la transmission des valeurs du passé. 15

236


Pour le second modèle, le terme de « cartel » me paraît expliquer les avancées de certaines équipes­relais.

181

TOSQUELLES (F.) Expression citée par J.OURY dans son article Psychanalyse, Psychiatrie et

Psychothérapie institutionnelles, ouvrage cité précédemment p .830.

Conçu comme un maillon élémentaire de l’Ecole Freudienne de Paris, le cartel désigne un petit groupe composé de « 3 personnes au moins, 5 au plus, chargées de la sélection, de la discussion et de l’issue à réserver au travail de chacun »16 Dans ce type de fonctionnement il est fait état d’exigences précises. Ces contraintes le différentient des groupes ordinaires et sont censées en prévenir les principaux travers : clivage ou fusion, sacrifice à l’intérêt du groupe, inhibition du travail individuel. Or dans les équipe­relais qui existent toujours (durée de 8 à 10 années) , nous retrouvons ce petit groupe de trois à cinq personnes qui se fixent une action à entreprendre. Exposant ensuite leur projet dans une assemblée intitulée : « Commission de réflexion sur l’avenir », ils rencontrent des volontaires prêts à les aider à mener jusqu’au bout leur tâche. La mission terminée , ils se retournent devant la commission pour évaluer leur action. Pour un autre projet ils utilisent le même schéma, en sachant que d’autres volontaires apporteront leur concours. Ce mode de fonctionnement semble rappeler celui du cartel , « il n’a pas vocation à durer et pas d’ordre préférentiel pour les participants » souhaitant s’engager. On y retrouve le souci de faire jouer la permutation. Un nouveau terme apparaît : « actions successivement impulsées » ; Nous voulons signifier le souci de faire apparaître des réalisations mises en route, puis évaluées par un même groupe. Une fois que ce premier projet a été concrétisé, le groupe reste disponible pour engager avec d’autres participants une seconde ou une troisième mission. Cette régularisation des actions successives s’appuie donc sur le principe de permutation, qui consiste à faire JEZEQUEL (A.).­ Le cartel.­ L’apport freudien­Elements pour une encyclopédie de la psychanalyse, Paris :Bordas, 1993/2003, p.85Le « cartel » Deux conditions le définissent : il n’est pas fait pour durer Le « cartel » : Deuxième condition : « il n’existe en droit qu’à entrer dans une chaîne circulaire ; d’autres cartels annulant tout ordre préférentiel et permettant de faire jouer une loi de permutation » 16

237


appel à des volontaires différents dans chaque nouvel engagement , alors que le groupe de base reste le même. Nous reprendrons cet exemple un peu plus loin lorsque nous traiterons des apports théoriques de ce travail. Arrivé à ce point de notre exposé il est possible de se demander comment la complémentarité a–t­elle pu être le fil rouge de nombreuses actions en direction des élèves ? Dans notre recherche l’organisation choisie s’est trouvée être l’école. Dans un parallélisme avec ce qui s’est passé pour BÖHR, HEISENBERG et SCHRODINGER qui se retrouvaient régulièrement durant leurs loisirs, nous avons fait état de l’amitié que me portait le Médecin Conseiller Technique près du Recteur et qui était réciproque. Ce médecin, me demanda un jour si je désirais participer à la constitution d’un équipe­ relais regroupant des professionnels ayant un statut différent. Mon adhésion à ce projet, outre le plaisir de côtoyer des personnes authentiques, sollicitait mon envie d’analyser les interactions entre un petit groupe (notre équipe) et une assemblée réunissant les salariés d’un collège. Utilisant alors les leçons reçues tout au long de mon parcours professionnel, j’étais donc tout disposé à m’inscrire dans l’accompagnement d’équipes­ relais dans différentes institutions scolaires. La diversité des demandes m’a conduit à m’impliquer dans des projets sur une trentaine d’établissements, mais dans cet ouvrage je n’en ai conservé que 14, qui par leur cohérence garantissaient l’objectivité de la recherche. Pour illustrer plus particulièrement les lieux je n’ai rédigé un récit complet que pour certaines d’entre elles. Les quatre monographies citées comme exemple de fonctionnement, tout en illustrant les variations possibles dans la durée de vie d’une équipe, apportent tout un questionnement sur les effets produits dans le lieu scolaire. Le récit que nous en avons fait, a permis de constater que les personnels n’avaient pas toujours les mêmes valeurs et les mêmes attentes. Se posait alors la question suivante : quelles qualités pouvaient­elles être souhaitées dans l’école de demain ? Nous avions dans l’esprit le discours d’Edgar Morin : « 17Je pense que l’enseignement MORIN (E.) .­ Où va la France ? Dialogue entre Edgar Morin et Luc Ferry.­ Le Monde 2n°168 :Supplément au Monde n°19370,du samedi 5 mai 2007, p.27 17

238


est atteint d’une grande sclérose. Aujourd’hui les problèmes fondamentaux de chacun comme individu, citoyen et membre de l’espèce humaine sont complètement désintégrés par le morcellement disciplinaire. » Ce même auteur tient le propos suivant : « On apprend plus ce qu’est d’être humain. » M’appuyant sur les propos de ce chercheur j’ai donc essayé de rassembler les écrits traitant des qualités humaines de l’école. Et c’est par l’étude de la réforme de l’école au Canada qu’un début de réponse est apparu. Voici ce que nous en disent les professeurs Charles E.COUETTE et Suzanne HAMEL: « La réforme de l’éducation doit revoir en profondeur l’aspect humain de l’école et les rapports artificiels qu’elle crée souvent entre les personnes (jeunes et adultes). Une éducation favorisant les projets de coopération aura comme effet positif, d’aider les jeunes à se défaire de leurs sentiments de non­sens, d’inutilité, et leur désespérance quant à l’avenir. »18 A aucun moment n’est utilisé par eux le mot complémentarité, mais le contenu de l’article illustre bien le fait que ces deux techniciens insistent sur l’intérêt d’une véritable rencontre entre les êtres humains se retrouvant dans l’école. Ils indiquent qu’il est important d’être méfiant à l’égard des « rapports artificiels crées entre les personnes ». L’expression » projets de coopération », se retrouve en filigrane dans l’enseignement proposé par l’Université de Montréal. Citons par exemple le fait qu’un tronc commun de formation existe pour les pédagogues, les assistant sociaux et les éducateurs. Dans de telles conditions d’enseignement, nous est­il permis de supposer que cette réforme, instillée par leurs soins, comporte en filigrane l’idée d’attitudes complémentaires, exigées des adultes ? Si cette analyse reste admissible, serait­il possible d’envisager le partage d’une certaine communauté de pensée entre ces professeurs canadiens et nous­ même ? Les propos émis dans cette thèse semblent se retrouver en état de congruence avec ceux rédigés par Edgar MORIN dans son énumération des « sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur »19. D’autres chercheurs pourront s‘approprier notre travail et avancer ainsi dans leurs conceptions d’une réforme centrée sur l’école. Des hésitations semblables seront CAOUETTE (CH­E.),HAMEL (S.).­ Eduquer à une vie qui ait du sens.­ ouvrage cité précédemment MORIN (E.).­ les sept savoirs nécessaires à l’indication du futur.­Paris : Le Seuil, 2000. 239

18 19


retrouvées sans doute, pour élaborer le listage des conditions impliquées par la restauration des qualités humaines. L’analyse de l’évolution de plusieurs équipes­relais, leur révèlera les capacités que peuvent avoir les participants d’un groupe à s’entendre sur un même projet, et leur rappellera les risques de dérives éventuelles (conflits de pouvoir, toute­puissance ou illusion groupale). L’importance d’une articulation entre un petit groupe et un collectif des salariés de l’établissement leur apparaîtra, comme une exigence, afin que les actions menées restent cohérentes. Une formation à l’analyse institutionnelle ne pourra leur être épargnée, s’ils veulent s’engager dans des analyses régulières et répétées de l’établissement. Dans notre mise au point, nous aurons donc isolé quatre termes : amitié, responsabilisation partagée, transversalité subjective, actions successivement impulsées. Nous les reprendrons par la suite lorsque nous traiterons des apports de cette thèse sur le plan théorique. Il nous reste pour l’instant à élucider ,ce que nous avons établi dans cette recherche. -

L’école est encore capable de se modifier, et les valeurs morales ne sont pas effacées. Il est par contre essentiel dans réanimer le souvenir, et d’aboutir à ce qu’elles fassent partie du fonds commun. Leur transmission aux élèves doit être considéré comme un apport éducatif.

-

­ Les professionnels attestent de leurs envies de voir ce temps de passage par l’école comme un temps de construction pour favoriser un mieux être chez les adolescents ; Ils souhaitent pour la plupart, que cet espace destiné avant tout aux apprentissages, laisse aux élèves des images enrichissantes d’actions périphériques (péri ou post­scolaires) réalisées ,alors qu’ils étaient accompagnés par des adultes­repères cohérents.

-

La majorité des salariés pensent qu’ils sont capables de prêter une attention favorable au discours de l’autre, et qu’en conséquence, ils ont la possibilité d’unir leurs forces dans la 240


réalisation de projets communs. -

Enfin des échanges et des rencontres avec des professionnels oeuvrant à l’extérieur, leur semblaient indispensables, afin de restaurer l’image de l’école, en tant que lieu du quartier en direction aussi bien des jeunes que des adultes.

En reprenant la notion de cadre de structurant, nous admettions que l’importance donné au concept : « la limite » pouvait favoriser un autre regard sur la sanction. Nous ne pouvions oublier ce qu’indiquaient également les professionnels reçus en entretien. La plupart d’entre eux signalaient que conscients de l’importance de l’environnement dans l’évolution d’un adolescent, une des façons de l’aider était de porter un autre regard sur la famille. Ainsi, tous ces points sont en harmonie avec les indications de Jacques PAIN développées dans «Enseigner autrement »20. Ils sont des facteurs de prévention de la violence institutionnelle et sont susceptibles de créer de la bien­traitance dans l’établissement. Alors, l’agressivité gestuelle tendra à s’atténuer , puis à disparaître. Mais cela demande des lieux de parole et de créativité où adultes et jeunes puissent élaborer ensemble des projets constructifs positifs. En nous proposant de faire la synthèse de nos résultats, nous relevons les éléments suivants attestant que :

1).­ l’ équipe­relais est un modèle intéressant :

* Sa présence contribue à modifier l’ambiance, en développant la notion de respect , contribuant ainsi à la diminution de la violence. * Elle favorise une modification de l’accueil dans l’établissement ( accueil institutionnel s’attachant à toutes les situations de séparation : entrées et sorties journalières, congés de durée limitée, grandes vacances). * Elle impose la nécessité d’un maillage , à la fois à l’intérieur de l’institution et une PAIN (J.).­Enseigner autrement. Repris par C.Brichler dans l’article Vision panoramique sur la relation parents­enfants­éducateurs . Des stratégies pour éduquer autrement , Revue de la Foeven, N°146 Décembre 2003, p 44.­ 20

241


relation de proximité avec les partenaires extérieurs . * Son existence fait apparaître une attente importante, en direction des adultes et des élèves : lieux de parole et de créativité, espace scénique, autre regard sur la sanction , animation de débats sur les problèmes sociétaux. * Très souvent est reformulée la nécessité de lieux d’analyse de la pratique, afin d’éviter l’usure des personnels, à l’aide d’un travail sur les contre­attitudes. 2).­ La restauration des qualités humaines a des effets bénéfiques Les professionnels découvrant qu’ils sont complémentaires, s’associent pour mener des actions en direction soit des élèves, soit des parents, soit de l’institution. Comme l’équipe s’attache à définir la différence entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas, elle fait découvrir la notion de responsabilité partagée. Les salariés découvrent une satisfaction à œuvrer ensemble, sortent de leur fonctionnement d’allure souvent dépressive et commencent à se projeter dans l’avenir. Et c’est ainsi que progressivement ils vont pouvoir critiquer dans un sens positif leurs motivations de départ. En effet, ce n’est pas le plus souvent le hasard qui conduit à œuvrer en milieu scolaire. Ils retrouvent grâce au travail de l’équipe­relais leurs envies d’aider l’adolescent à faire de ce temps de passage un temps de construction de sa personnalité. 3) L’équipe­relais a la capacité de transformer une institution , en y développant les liens d’appropriation et d’appartenance. Salariés et élèves estiment qu’ils sont à nouveau considérés comme des personnes remarquables, ils en conçoivent donc la fierté d’appartenir à ce collège. Dans beaucoup d’établissement est apparu ce besoin de favoriser la création d’espaces (portes ouvertes, expositions, débats,…) pour permettre aux habitants du quartier de s’y retrouver. Ces modifications dans la relation entre adultes, mais aussi entre adultes et élèves ne peut se faire de façon durable que s’il y a une analyse institutionnelle régulière. En essayant d’évaluer les apports théoriques auxquels ce concept est attaché, notre recherche nous a démontré qu’il était susceptible d’être envisagé comme un principe d’ordre général , et donc applicable dans différentes structures du milieu pédagogique et 242


éducatif. La complémentarité est un concept riche car elle associe des éléments objectifs et d’autres qui restent subjectifs. * sur le plan objectif : -

Elle demande un temps d’expérimentation pour évaluer les conditions de ses possibilités d’existence

-

Elle nécessite une pédagogie, car elle entraîne un double mouvement d’abord déconstruction, puis reconstruction. La place d’un accompagnant est essentiel, il agit comme catalyseur, pour favoriser ce cheminement.

-

Elle demande une réorganisation des compétences individuelles.

-

Elle conduit la population du collège à œuvrer dans le respect des uns et des autres.

-

Sa durée de vie est assez courte et c’est ce qui avait déjà été observé dans les cartels, mis en place par l’Ecole freudienne de Paris. On retrouve donc qu’un groupe a une durée moyenne de vie de 4 ou 5 années.

* sur le plan subjectif : Elle participe à un travail d’élaboration psychique, en reconnaissant que des adultes de différentes compétences peuvent s’associer dans une tâche commune. Par le biais des transferts latéraux elle conduit à un sentiment de bien être voire d’euphorie, en raison des liens d’appartenance et d’appropriation. La transversalité étant le plus souvent subjective, il y aura à veiller quant aux risques d’invasion par l’illusion groupale. L’accompagnant ( quel est pou lui le garde­fou) ?... Il doit être attentif aux tendances à l’idéalisation. Si ces tendances ne sont pas décelées, s’il n’y a pas un travail de deuil sur les illusions, le groupe peut 243


accentuer ses processus d’exclusion ou de repli, en mettant en œuvre des stratégies d’évitement . Nous redoutons tous que notre générosité se transforme un jour en rejet. Dans ces conditions , la complémentarité en tant qu’outil social doit susciter d’une part la vigilance chez l’accompagnant et d’autre part une analyse institutionnelle régulière. Sa théorisation la rattache aux Sciences Humaines, puisque nous avons retrouvé les items suivants : modifications du regard sur soi ou sur les autres, théorie de la transversalité, responsabilité partagée, effets symboliques, les effets inconscients (avec l’importance des transferts latéraux). Nous pourrions donc à ce titre, estimer que nous avons apporté notre contribution à l’effort de restauration de l’école de demain. Au total = Cette recherche nous a permis de préciser la signification de la complémentarité. 1) Elle produit un processus de tuilage, en allant au delà du statut, du rôle et de la fonction des personnes concernées. Ce tuilage a une fonction « contenante ». Il détermine un espace de sécurité où l’adolescent peut progresser par la méthode essais­erreurs, comme auprès d’un moniteur d’une auto­école. 2) Elle suscite un effet d’interprétation dans la mécanique institutionnelle , une sorte de cadrage construit qui permet à l’élève de se retrouver. 3) Elle favorise les processus de maturation chez les jeunes, en les aidant à se construire harmonieusement. 4) Elle fonctionne en tant qu’appareillage psychique aussi bien mental que institutionnel, qui sert à faire de l’humain. Nous aimerions poursuivre cette recherche, en analysant les raisons qui poussent d’un côté, des salariés non­engagés dans l’équipe­relais à vouloir restaurer l’école, et de l’autre, pour ceux qui en font partie, à obtenir des bénéfices pour eux­mêmes. Les réactions de défense seraient­elles moins présentes, lorsque l’on est reconnu comme appartenant à un groupe qui impulse des actions en direction des élèves ? Il y aurait donc tout un travail que nous aimerions poursuivre sur les manifestations fort variées des 244


stratégies d’évitement. Un autre champ reste à explorer : celui des élèves. Si nous reprenons la première monographie, c’est­à­dire celle où l’on découvre l’histoire d’une cellule­écoute, dont la vie s’est arrêtée brutalement sur ordre d’un responsable académique, que pouvons­nous en déduire pour la suite de nos travaux ? Il y avait bien eu une forte participation des délégués de classe, confortés par l’accord de leurs condisciples, voyant en ce nouveau lieu un espace détaché du domaine de la santé et de celui la pédagogie. Leur déception, suite à cette fin brutale a donc été d’autant plus grande. Dans la réunion conviviale destinée à clôturer cette action expérimentale, nous avons dû argumenter avec plus ou moins de bonheur, pour les convaincre que d’autres actions semblables prendraient place dans le futur. Leurs suggestions ont tourné autour du même thème : ces adolescents nous conseillant pour les futurs élèves, de tenir compte de la brièveté du séjour en Lycée, et donc de nous y prendre autrement, si nous désirions rester des promoteurs de créations nouvelles. Il nous reste donc à poser la question suivante : le principe de complémentarité ne serait­ il pas davantage mis en oeuvre, si l’on essayait de pouvoir promouvoir des rencontres régulières avec les jeunes ? Il serait sans doute possible de s’appuyer sur le texte traitant du Conseil des Délégués pour la vie Lycéenne . En effet dans sa rédaction il évoque la présence de différents professionnels réfléchissant avec les élèves. Dans de telles conditions, la qualité humaine de l’école se retrouverait­elle mieux soutenue si nous nous y prenions autrement ? Ne pourrait­on pas, dans de futurs projets d’établissements, favoriser une rencontre avec les adolescents lorsqu’il s’agit de questions touchant à la vie et au travail scolaire ? Cela reste pour nous une interrogation parmi beaucoup d’autres.

245


BIBLIOGRAPHIE Présentation La bibliographie principale se compose de 82 œuvres (livres,articles, conférences) présentées de diverses manières. D’abord en fin de chapitre dans l’ordre des appels de notes. Elles sont au nombre de quatres. Bibliographie 1 à la fin du chapitre Circonscription et définition de la problématique de

la recherche, elle est composée des notes allant de 1 à 66. Bibliographie 2 a la fin du chapitre Problématisation de la recherche, elle est composée des notes allant de 67 à 154. Bibliographie 3 A la fin du chapitre Méthodologie et analyse de données, elle est composée des notes allant de 155 à 166. Bibliographie 4 A la fin du chapitre Discussion, elle est composée des notes allant de 167 à 195. Suivent deux présentations des oeuvres sous les formes suivantes : Une bibliographie alphabétique par auteur.s Une bibliographie documentée de 17 œuvres qui ont été déterminantes pour ce travail.

Bibliographie alphabétique par auteurs A 246


1­ AMBLARD (H.), BERNOUX (P.),HERREROS (G.).­ Les nouvelles approches sociologiques des organisations.­ 3ème édition,Paris : Seuil, 2005 2­ ANZIEU (D.).­Le groupe et l’inconscient . L ‘imaginaire groupal.­ Paris : Armand Colin, 2e ed. 1981 3­ ANZIEU (D.), MARTIN (J.Y.) .­ La dynamique des groupes restreints .­ Paris : PUF, 10e ed. 1994 4­ AUDIGIER (F.), LAGELEE (G.).­Education civique et initiation juridique dans les collèges.­Paris : I.N.R.P.,1996

B 5­ BANCAL(J.).­ Proudhon et le proudhonisme.­Paris :Encyclopédie Universalis, 1985. 6­ BAREL (Y.).­La quête du sens –Comment l’esprit vient à la cité.­Paris : Seuil 1987 7­ BARDIN(L.).­ L’analyse de contenu.­Paris : 1977/1993. 8­ BAYADA (B),(sous la direction de).­ Conflit mettre hors jeu la violence .­ Lyon : Chronique sociale, 1997 9­ BEAUVOIS (J­L.),DUBOIS (N.), DOISE (W.).­Construction sociale de la personne.­ Paris : P.U.G.,1997. 10­ BEILLEROT (J.), BOUILLET (A.), BLANCHARD­LAVILLE (C.), MOSCOLNI (N.).­Savoir et rapport au savoir.­ Bruxelles : Editions universitaires, 1989. 11­ BERNOUX (P.).­ La sociologie des organisations, Paris : Seuil, 1985 12­ BERNOUX (P.) .­La sociologie des entreprises.­ Paris : Seuil 1985/1999. 13­ BION (W.).­ Recherches sur les petits groupes,traduit de l’anglais,Paris : PUF , 1976. 14­ BITBOL (M.) .­ La complémentarité ,Dictionnaire d’histoire et philosophie des sciences.­Paris :1993/2003 . PUF Grands Dictionnaires : p. 202 15­ BLIN (J­F.) .­ Classes difficiles – Des outils pour prévenir et gérer les perturbations scolaires .­ Paris : Delagrave, 2001. 16­ BOUTROUX (E.) .­ Leçons sur Platon.­ Paris : Editions universitaires, 1990. 247


C 17­ CALLON (M.).­ L’opération de traduction comme relation symbolique.­Incidence des rapports sociaux sur le développement scientifique et technique.­Paris : Maison des Sciences de l’homme, 1975 18­ CASTORIADIS (C.).­ L’institution imaginaire de la société.­ Paris : Seuil 1995 . 19­ CASTORIADIS (C.).­La montée de l’insignifiance.­ Paris :Seuil, 1995. 20­ CELLIER (H.), PAIN (J.).­ Une micro société : le conseil de classe un apprentissage de la démocratie.­ Informations sociales N° 65, 1998. 21­ CELLIER (H.).­ La démocratie à l’école, apprendre mais ensemble.­ Paris Lharmattan, 2000. 21­ CELLIER (H.), sous la direction de VULBEAU (A.).­ Citoyenneté, école et projets fédérateurs.­

in

La jeunesse comme ressource.­Ramonville/St Denis :

Eres/OBVIES,2001. 22­ CHARLOT (B.),EMIN (J.C.).­Violences à l’école ; État des savoirs.­Paris : A.Colin, 1997. 23­ CHESNAIS (J.­C.).­Histoire de la violence.­Paris : Laffont, 1981. 24­ CIFALI (M.).­ Le lien éducatif : contre­jour psychanalytique.­Paris : PUF, 1994.

D 25­ DEBARDIEUX (E.), GARNIER (A.), MONTOYA (Y.).­ La violence en milieu scolaire 2.­ Le désordre des choses.­ Pris : ESF, 1999 26­ DELANNOY (C.) .­ Elèves à problèmes, écoles à solutions ? .­Paris : ESF, 2000 27­ DELEUZE (G.), GUATTARI (F.) .­ Qu’est ce que la philosophie. Paris :Editions de Minuit,1995. 28­ DESMET (H.), POURTOIS ( J­P.) .­ Épistémologie et instrumentation en Sciences humaines.­ Bruxelles : Mardaga, 1988. 29­ DEVEREUX (G.).­ Essais d’ethnopsychiatrie générale.­ Paris : 1970 30­ DEVEREUX (G.).­ Ethnopsychanalyse complémentariste Paris 1972. 248


31­ DURU­BELLAR (M.), VAN ZANTEN (A.).­ Sociologie de l’école.­Paris : Armand Colin/VUEF, 1999/2002

F 32­ FOTINOS (G.) .­ Ecoles sans violences ? de l’urgence à la maîtrise .­ Paris : Hachette , 2000

G 33­ GIRARD (R.)._ Des choses cachées depuis la fondation du monde.­Paris : Grasset, 1978 34­ GHIGLIONE (R.), LANDRE (A.), BROMBERG (M.), MOLETTE (P.) .­ L’analyse automatique de contenu.­ Paris : Dunod , 1998 35­GODELIER (M.).­Autour de Maurice Godelier­ La production du social.­ Colloque de Cerisy. Sous la direction de Philippe Descola, Jacques Hamel et Pierre Lemonnier.­ Paris : Arthème Fayard,1999. 36­ GOROT (J.), BUCALO­TRIGLIA (A.).­L’espace de la relation : le réel et l’imaginaire.­Colloque Cerisy ,Paris EDK, 2003. 37­ GUATTARI (F.).­Psychanalyse et transversalité.­ Paris : Maspero, 1972.

H 38­ HELBRUNN (R.)._Pathologie de la violence Paris : Réseaux ; Helbrunn R. Pain J. 1986,Intégrer la violence, Vigneux : Matrice, 1982 39­ HÉRITIER (F.).­ De la Violence­. Séminaire de Françoise Héritier, Paris : Odile Jacob,1996. 40 ­ HUERRE (P.) .­Ni anges, ni sauvages­ Les jeunes et la violence.­ Paris : Editions Anne Carrière, 2002.

I 41­ IMBERT (F.).­Si tu pouvais changer l’école –L’enfant stratège.­ Paris : Le Centurion, 1983 42­ IMBERT ( F.) et le Groupe de Recherche en Pédagogie Institutionnelle.­ Médiations, institutions,et loi dans la classe. Paris : ESF, 1994. 249


43­ IMBERT (F.) et le Groupe de Recherche en Pédagogie Institutionnelle.­ L’inconscient dans la classe­ Transferts et contre­transferts.­ Paris : ESF, 1996 44­ IMBERT (F.) .­ Vivre ensemble, un enjeu pour l’école.­ Préface de Mireille Cifali, Paris : ESF, 1997.

K 45­ KAËS (R.), ANZIEU ( D.), BEJARANO (A.) .­Désir de former et formation du savoir.­Paris : Dunod, 1976. 46­ KAËS (R.), MISSENARD (A.),GINOUX (J­C.) .­ Le travail Psychanalytique dans les groupes 2­ Les voies de l’élaboration .­ Paris : Bordas, 1982 47­ KAËS ( R.), ANZIEU (D.), THOMAS (L.V.) .­Fantasme et formation.­ Paris : Dunod, 2e éd. , 1984. 48­ KAËS ( R.), BLEGER (J.), ENRIQUEZ ( E.) .­L’institution et les Institutions, études psychanalytiques .­ Parsi : Dunod, 1987 49_ KAËS (R.) .­ Le groupe et le sujet du groupe .­ Paris : Dunod, 1993 50­ KAËS (R.), PINEL (J.P.), KERNBERG (O.) .­Elements de la pratique psychanalytique en institution.­ Paris : Dunod, 1996 51­ KAËS (R.), PINEL (J.P.), KERNBERG ( O.) .­Souffrance et psychopathologie des liens institutionnels.­ Paris : Dunod, 1996. 52­ KARLI (P.) .­ Les racines de la violence – Réflexions d’un neurobiologiste .­ Paris : Odile Jacob, 2002 53­ KAUFMAN (P.).­L’apport freudien ­ Éléments pour une encyclopédie de la psychanalyse.­ Paris : Bordas, 1993/2003

L 54_ LAGRANGE (C.), BAUDRY (P), sous la direction de.­ L’institution, la violence et l’intervention sociale.­ Vigneux : Matrice, 1994. 55_ LATOUR (B.).­La science en action.­ Paris : La Découverte, 1989 250


56­ LAURENT E. L’empreinte en creux, Revue Française de Psychanalyse N°3 Année 2002 57­ LEBOVICI (S.).­ La connaissance de l’enfant par la psychanalyse.­ Paris :PUF, 1970 58­ LEHMANN (J.P.).­La clinique analytique de Winnicott­ De la position dépressive aux états­limites.­31520 Ramonville Saint­Agne : Eres , 2003/2004 59­ LÉVINE (J.).­ Je est un autre.­ Paris : ESF, 2001

M 60­ MENDEL (G.).­ La démocratie dans l’école. Une pratique d’expression des élèves.­ Paris : Syros, 1997 61­ MEIRIEU (P.) .­ l’école, mode d’emploi, des méthodes actives à la pédagogie différenciée.­ Issy les Moulineaux : ESF 1985.

O 62­ OLWEUS (D.).­ Violence, harcèlement et brutalité à l’égard des élèves.­Préface de Pain J.,Paris : ESF, 1999 63­ OURY( F.), VASQUEZ (A.).­ Vers une pédagogie institutionnelle ? .­ Vigneux :Matrice 1967/1991. 64­ OURY (F.), THÉBAUDIN (F.).­ Pédagogie institutionnelle : mise en place et pratique des institutions dans la classe.­ Paris : Matrice, 1995 65­ OURY (J.).­Psychiatrie et psychothérapie institutionnelle.­ Paris : Payot, 1976 66­ OURY (J.) Séminaire de Sainte Anne­Le Collectif.­ Paris : Editions du Scarabée, 1986.

P 67­ PAIN (J.), HELBRUNN (R.).­Intégrer la violence.­ Vigneux : Matrice, 1987. 68­ PAIN (J.).­ Écoles : violence ou pédagogie.­ Vigneux : Matrice, 1987 251


69­ PAIN (J.).­La pédagogie institutionnelle d’intervention.­Vigneux : Matrice, 1993. 70­ PAIN (J.), OURY (F.).­ Chronique de l’école caserne.­ Vigneux : Matrice, 1972,Réédition 1998. 71­ PAIN (J.),DEGOIS (M.P.), LE GOFF (C.).­ Banlieues : les défis d’un collège citoyen.­Paris : ESF, 1998. 72­ PAIN (J.).­La non violence par la violence, une voie difficile.­ Vigneux : Matrice,1999. 73­ PAIN (J.), Les invariants vers une pratique de l’institutionnel, Institutions n° 3 – Psychothérapie et Pédagogies Institutionnelles. 74­ PERRENOUD (P.).­ Construire des compétences dès l’école.­Paris : ESF, 1997. 75­ POCHET (C.), OURY (F.).­ Qui c’est l’conseil. La loi dans la classe.­ Vigneux : Matrice, 1979 ; Réédition 1997

R 76­ ROCHÉ (S.), SCHLEGEL (J.­L .) .­ La société d’hospitalité.­Paris : Seuil, 2000.

S 77­ SELOSSE (J.)._Adolescence, violence et déviances.­(1952­1995), sous la direction de Pain Jacques et Villerbu Loïc, Vigneux : Matrice, Rennes,ARCP,1997.

T 78­ TOMKIEWICZ (S.),VIVET (P).­ Aimer mal, châtier bien, enquête sur les violences dans des institutions pour enfants et adolescents.­ Paris : Seuil, 1994 79­ TOSQUELLES (F.).­ Éducation et psychothérapie institutionnelle.­ Vigneux : Matrice,1984.

V 80­ VANDER BOGT(C.) (coordonnée par).­L’institution résidentielle, médiateur thérapeutique.­ Vigneux : Matrice, 1994. 81­ VAN GENNEP (A.) .­Paris Les rites de passage.­Paris :1969/1981, Picard 252


W 82­ WALGRAVE (L.).­Délinquance systématisée des jeunes et vulnérabilité sociétale, essai d’une théorie intégrative.­Paris : Méridiens KlincksiecK,1962

Bibliographie documentée La bibliographie documentée résume les idées principales qui, parmi les thèses de ces 17 ouvrages, ont constitué des points d’appui à nos propres travaux. Le classement est alphabétique à partir du nom des auteurs . 1 AMARTYA SEN.­ L’économie est une science morale .­, Paris : La Découverte/Poche,2003 En octobre 1998, le prix Nobel d’économie est attribué à un économiste issu du tiers monde et spécialiste internationalement reconnu des questions de développement. Amartya est un économiste inclassable : philosophe et, par dessus tout , humaniste. Il s’est efforcé de montrer que l’analyse économique traditionnelle était incapable de penser la diversité des comportements humains et qu’il était nécessaires d’y introduire des considérations politiques, sociales et surtout éthiques. Ses travaux sur la famine et la grande pauvreté l’ont ainsi conduit à s’interroger sur le rapport entre liberté individuelle et égalité sociale, entre démocratie et développement économique, ainsi que sur le rôle de l’Etat dans la redistribution des recherches. Ce qui est important pour Amartya Sen c’est que « les individus puissent véritablement jouir de la liberté de choisir le mode de vie qu’ils ont raison d’apprécier ». Ce qu’il s’agit de distribuer de façon équitable, ce ne sont pas seulement des libertés formelles, des revenus, et des ressources , mais des « capacités » (capabilities) de développer des modes fondamentaux de fonctionnements humains (human functionings), permettant de vivre une vie digne et sensée plutôt que seulement accumuler des biens.

253


S’il reconnaît l’affinité de sa dette à l’égard d’ARISTOTE, il précise cependant : »Je crois qu’Aristote est allé trop loin avec sa liste de modes de fonctionnement bons pour les individus…C’est trop ambitieux. Il y a de bonnes raisons de penser qu’il existe une pluralité de capacités parce qu’on relève une pluralité de fins et d’objectifs que les êtres humains peuvent poursuivre ». Un auteur très proche de SEN, la philosophe américaine Martha NUSSBAUM, a proposé une liste de capacités fonctionnelles de base, qui a une certaine validité transculturelle Nous avons fait état de cette liste dans la partie qui traite des qualités humaines, parce qu’elle illustre fort bien le type de champ d’investigation qu’une économie normative comme celle de Amartya SEN peut explorer en collaboration étroite avec la philosophie éthique et politique. Martha NUSSBAUM a édité avec Amartya SEN, un volume d’essais, The Quality of Life, Clarendon Press,Oxford : 1990, sous l’égide des Nations Unies de Helsinki 2 AUDIGIER (F.),LAGELEE (G.).­ Education civique et initiation juridique dans les collèges.­ Paris : INRP , 1996. L’éducation civique ne se réduit pas à une discipline scolaire, mais il est fécond d’inscrire la réflexion dans la problématique de la discipline scolaire. Partant de l’idée ddu concept de pensée empruntée à ALTHUSSER, il s’agit d’apprendre aux élèves à conceptualiser. En s’appuyant sur les travaux de VYGOTSKY, qui établit une distinction entre les concepts spontanés et scientifiques, les collégiens manient les outils du droit notamment dans des sphères, des domaines et des espaces de signification spécifiques. Ils acquièrent les éléments de cette compréhension, analysent le réel, le disent selon les règles. Ils sont amenés à comprendre que le droit dit la norme, et ce qui doit être, non la réalité. 3 BITBOL (M.).­ Mécanique quantique – Une nouvelle introduction philosophique.­ Paris : Flammarion/Champs, 1996

254


Il y a un paradoxe de la mécanique quantique : une théorie considérable de la physique contemporaine dont on est bien en peine de dire sur quoi elle porte et ce qu’elle signifie. L’auteur, dans un premier temps ne veut s’appuyer que sur les certitudes et les normes qui conditionnent la vie, la communication et le travail en laboratoire. Cette façon de reconduire l’œuvre scientifique en s’intéressant aux gestes du chercheur doit cependant éviter de n’aboutir qu’à un empirisme sans grande signification. Dans cet ouvrage il est noté que la forme de la théorie loin d’être conditionnée par la seule nécessité de préserver les faits expérimentaux, reflète de manière contraignante les conditions de possibilité d’un mode très général d’anticipation et d’objectivation des résultats La notion de quantas et les effets ondulatoires apparaissent découler de ces conditions. Reprenant les travaux de Niels BÖHR, l’auteur nous rappelle que ce chercheur trace plus généralement texte après texte,les grandes lignes d’une théorie de la signification dans laquelle la référence à la vérifiabilité ou à la confirmabilité est partie intégrante de la signification du concept. Michel BITBOL essaie de développer la notion d’exclusivité mutuelle , présente dans la mécanique quantique, en nous rappelant les propos de BÖHR : « les valeurs de variables conjuguées doivent être considérées comme complémentaires, en ce sens que seule la totalité des phénomènes épuise l’information sur les objets. » Cela laisse entendre que ces phénomènes auparavant isolés, singuliers, fugaces, convergent vers une entité permanente qui les lie d’une manière ou d’une autre. 4 CASTORIADIS (C.).­ L’institution imaginaire de la société Paris : Seuil,1975 Le marxisme ne dépasse pas la philosophie de l’histoire. La rationalité qu’il semble dégager des faits, il la leur impose. Mais en démocratie le sens n’est pas donné, il est à créer. L’aliénation ne consiste pas, bien entendu, dans la théorisation.mais dans la transformation de cette théorisation en absolu, en prétendue connaissance complète de l’être historique, aussi bien comme être donné que comme sens. L’autonomie n’est pas l’élucidation sans résidu et élimination totale du discours de l’Autre. Elle est instauration d’un autre rapport entre le discours de l’autre et le discours du sujet . Il y a possibilité

255


permanente de regarder, objectiver, mettre à distance, détacher et transformer le discours de l’autre en discours du sujet. Est appelé praxis, ce faire dans lequel l’autre ou les autres sont visés comme êtres autonomes et considérés comme agents essentiel du développement de leur propre autonomie. La vraie politique, la vraie pédagogie, la vraie médecine, pour autant qu’elles n’ont jamais vraiment existé, appartiennent à la praxis. Dans la praxis, il y a un à faire , mais cet à faire est spécifique : c’est précisément le développement de l’autonomie de l’autre ou des autres. On pourrait dire que pour la praxis, l’autonomie de l’autre ou des autres représente à la fois la fin et le moyen ; la praxis est ce qui vise le développement de l’autonomie comme fin et utilise l’autonomie comme moyen.

5 CIFALI (M.).Le lien éducatif : contre­jour psychanalytique.­ Paris : PUF, 1994 L’acte éducatif est fondé sur un discours qui s’égrène « au nom d’un idéal du bonheur et du bien de l’enfant ; mais pour que soient respectées ces valeurs « on prescrit parfois des mesures qui ont pour résultat l’accomplissement d’un véritable meurtre psychique, d’un assassinat de l’âme ». Plusieurs hypothèses sur l’enfance et ses maux : l’enfant est innocent , l’adulte le pervertit ; la difficulté de l’enfant vient de lui­même, l’adulte est innocenté. Les difficultés d’un enfant ne seraient pas forcément les siennes, il les aurait reçues en héritage. Légataire de nos dettes d’adultes, il réactualiserait ce qui est resté noué dans les générations qui l’ont précédé.. Nous pouvons consentir à nous interroger sur nos actes, avant de tourner le regard vers les autres. Nul ne peut y échapper : tout éducateur est animé par son histoire inconsciente, par l’enfant demeuré en lui. Personne n’est responsable de ses bricolages psychiques, de ses aveuglements. Mais s’ils sont niés alors, l’éducateur devient responsable. Il s’agit de travailler pour soi­même ce qui relève de son histoire. Tout enfant a en lui des forces vives, quelles que soient les catastrophes qui lui sont réservées, quels que soient les parents dont il est né. Il est capable d’affronter les pires obstacles si l’on fait confiance à ses potentialités. Le respect du sujet n’est jamais assuré et nul n’est garant contre les exactions qui sont 256


relevées au titre du dévouement , de la préservation des souffrances au nom même parfois d’une éducation dite nouvelle. « L’enjeu se situe dans une éthique nécessaire de notre rapport à l’autre où il s’agit pour lui de grandir et d’apprendre, ce qui importe c’est de l’autoriser à construire sa vie, sa connaissance, de se confronter aux difficultés et de les dépasser. Mais là nous sommes déchus de la toute puissance. »

6 DEFRANCE (B). Le droit dans l’école.­ Paris : Castells Labor, 2000. L’éducation produit de la violence parce qu’elle se fonde sur l’illusion que nous pourrions esquiver les exigences nécessaires à la survie de la communauté humaine. Un autre leurre serait de croire que l’on peut éviter la nécessité pour chaque petit d’homme de reparcourir l’itinéraire de « l’humanisation ». C’est un des principes du droit dont il s’agit, ceux qui permettent l’écriture du droit positif. Douze principes auxquels s’ajoutent les sept niveaux de règles aboutissent à cinq propositions : des instances de médiation, la séparation de l’évaluation et de la validation, l’élaboration des règlements intérieurs, l’organisation du cursus concernant l’orientation et la formation, et enfin le service des enseignants. Cet ouvrage porte un regard critique sur le décret N°2000­620 du 5­7­2000 J.O. du 7­7­2000 paru au B.O. spécial n°8 du 13 juillet 2000 intitulé « Procédures disciplinaires et règlement intérieur ». 7 DE VISSCHER (P.).­ La dynamique des groupes d’hier à aujourd’hui.­ Paris : PUF, 2001 L’expression « dynamique des groupes », évoque des références multiples et souvent inappropriées. L’auteur clarifie la naissance du terme et l’évolution de son référent , durant les deux dernières années de vie de Kurt Lewin, puis de l’action des chercheurs­ praticiens. Sont également repris les actuels présents sous le vocable « groupe » De Visscher par la suite explicite un processus de reconstruction et de réappropriation conceptuelles. La dynamique des groupes, en tant que science­action est définie comme une forme particulière de construction du groupe psychosocial , dont le contenu et les limites sont précisées . Ce chercheur insiste sur la spécificité du paradigme dynamico­ 257


groupal tant en regard de la sociologie que de la psychosociologie. Dans la fin de son ouvrage, il développe les postulats, les intentions et les principes sous­jacents aux processus d’approche de la dynamique des groupes restreints. Cette étude fournit une méthodologie fiable de l’animation des groupes. 8 DEVELAY (M.).­ Donner du sens à l’école.­ Paris : ESF,1996. Aider les élèves en donnant du sens à l’école, c’est en dernier ressort donner du sens aux apprentissages. Apprendre c’est ce qui se passe lorsqu’un sujet s’approprie un objet de savoir. Trouver du sens relève des cinq entrées possibles : parvenir à mieux se connaître, tant au plan cognitif qu’affectif, c’est être capable d’anticiper ses manières de faire les plus efficaces pour apprendre. Maîtriser ce qu’il y a à connaître. C’est également percevoir les relations entre la situations d’apprentissage et son usage possible à deux niveaux : d’une part au niveau personnel en se référant à des pratiques sociales dans le cadre d’un projet individuel. Et d’autre part, au niveau professionnel, en replaçant cet usage dans le cadre d’un projet touchant au métier. Pour aller dans le même sens , il est important de s’impliquer dans le processus d’apprentissage,tout en gardant la capacité de se distancier de la situation. Dans l’apprentissage, l’élève est tour à tour psychologue, épistémologue, stratège, méthodologue, analysant. 9 HABERMAS(J.).­ L’espace public.­ Paris : Payot 1962. La faillite du socialisme a renforcé l’espace public. L’horizon d’une démocratie radicale se caractérise davantage dans la perspective d’un déplacement des forces au sein d’une division des pouvoirs. Ainsi ce n’est plus entre les pouvoirs de l’Etat, mais entre les différentes ressources de l’intégration sociale , qu’un nouvel «équiilibre est établi. De cette façon, la représentation propre à la philosophie de la praxis, de l’aliénation et de l’appropriation des forces objectivées peut être congédiée. Un changement radical du processus de légitimation vise un nouvel équilibre entre les différents pouvoirs, au principe de l’intégration de la société. Pour cela il faut que « la force d’intégration sociale de la solidarité, la force productive de communication, puisse s’imposer contre 258


les puissances des deux autres sources régulatrices que sont l’argent et le pouvoir administratif. » 10

HEISENBERG (W.).­La partie et le tout. Le monde de la physique atomique.­

Paris : Albin Michel, 1972 Werner Heisenberg est, né en 1901 en Allemagne est un des grands physiciens de ce siècle. Elève de Max Planck et Sommerfeld, il travailla avec Niels Bohr. Il a aporté des idées essentielles à la nouvelle théorie de la mécanique quantique, en particulier avec ses fameuses relations d’incertitude. Ses travaux lui ont valu le prix Nobel de physique. Dans cet ouvrage Heisenberg retrace l’évolution de la physique au XXe siècle telle qu’il l’a vécue, depuis ses premiers contacts avec la théorie atomique (1919­1920) jusqu’aux découvertes de nouvelles particules élémentaires(1961­1965) en passant par les discussions avec Einstein. Ecrits de manière très simple et très vivante, ses propos sont une extraordinaire introduction aux grands problèmes scientifiques de notre siècle. 11

HOLTON (G.) .­ L’imagination scientifique.­ Paris : Gallimard, 1981, pour la

traduction française Comment la science se constitue­t­elle en réalité ? Qu’en est­il de la réalité instituée par la science ? Ces interrogations fondamentales de la philosophie naturelle renvoient d’emblée aux catégories d’une anthropologie de la science. Dans cette perspective rigoureuse Gerald Holton ­ titulaire à la fois d’une chaire de physique et d’une chaire d’histoire à l’Université d’Harvard – vise à dégager les moments fondamentaux de la démarche scientifique à partir d’études de cas portant sur les épisodes cruciaux de l’histoire de la science. Son expérience de physicien et de pédagogue, autant que ses recherches historiques, l’amènent à révoquer en doute, l’image de la science. La construction inductive­ déductive de l’empirisme rationaliste n’intervient que dans le contexte de justification, seul pris en compte par la « science publique ». Mais le contexte de découverte met en jeu les options personnelles du chercheur, son intuition expérimentale et théorique. La création scientifique est aussi œuvre d’imagination. 259


Dans cet ouvrage l’auteur traite des racines de la complémentarité et relate la manière dont Niels BÖHR a construit son principe. Il ajoute que ce grand physicien était lui­ même bien conscient , depuis l’origine que la complémentarité représentait un programme, bien plus qu’une œuvre achevée, c’est­à­dire qu’elle demandait d’être étendue et approfondie par le biais de bien d’autres travaux. 12

LURCAT (F.).­ Niels Bohr et la physique quantique.­ Paris : Seuil, octobre 2001

L’atome de Bohr fait partie de l’histoire de la physique, tout comme « l’interprétation de Copenhague » qui marque la naissance de la mécanique quantique. C’est en effet dans cette ville que le physicien danois Niels BÖHR, réunit dans les années 1920 et 1930 un groupe de brillants physiciens, avec qui il défricha les bases théoriques et expérimentales de la nouvelle physique, inventant pour l’expliquer un langage tout aussi novateur. Cet ouvrage nous fait mieux connaître un homme hors du commun, et fait revivre une époque charnière pour notre compréhension du monde. 13

IMBERT (F.).­ La question de l’éthique.­ Vigneux : Matrice, 1987/2000

Ayant vidé l’enfant de sa place de sujet , l’entreprise pédagogique peut alors se mouvoir sereinement dans l’ordre de la manipulation, de l’activité instrumentale. L’éthique pose que la relation ne vise pas à la maîtrise de l’autre, mais qu’elle se confronte à l’inépuisable, à l’infini des personnes et des situations. La question éthique conduit à un travail de déliaison et se réalise comme engagement dans une praxis. L’affirmation de liberté et de singularité du sujet, constitue le seul repère, la seule loi qui puisse sous­ tendre le projet d’une praxis éducative : conduire le pédagogue et l’éducateur à reconnaître leur envie aveugle de fabriquer et de ranger, de posséder et de manipuler, et, dans le même temps s’interdire de se laisser prendre à l’entraînement de la pulsion. 14

PAIN (J.) .­ La violence institutionnelle : aller plus loin dans la question sociale.

In la Nouvelle Revue de l’Adaptation et de l’Intégration Scolaire, N° 12, 4ème trimestre 2000. Définir la violence est une prise de position et une orientation intellectuelle, devant une réalité à haute incidence subjective. La violence est une culture, avec ses rites, ses 260


rituels, ses normes, ses figures, où le désir dénature l’agression, pour mieux détruire.La violence est une atteinte de l’autre, elle tend toujours socialement vers la destruction, consciemment ou inconsciemment. Sont entendues comme violentes, des actions ou des attitudes usant directement ou indirectement de la force, de la contrainte ou les permettant. On peut y ajouter des actions ouvertes ou diffuses , de malmenances institutionnelles.On peut alors approcher l’enseignement , le travail social, l’entreprise sous cet angle.On peut avancer le concept de maltraitance scolaire : à partir du degré déficitaire avoué,jusqu’au au degré surspécifique toléré, voire provoqué.Les maltraitances scolaires seraient les actes, les agirs ou les refus d’agir y compris par négligence, de violence institutionnelle du milieu scolaire. La qualification de bien­ traitance scolaire pourrait s’étayer à partir de cinq dimensions à incidence symbolique, structurante de l’école de demain qui préoccupée par le respect des personnes : l’état des lieux physiques, l’accueil institutionnel, la sociabilité (la vie scolaire), la pédagogie (les relations, la communication et les méthodes pédagogiques), l’éthique (l’esprit des lois, le statut de la parole). 15

TROCMÉ­FABRE (H.).­ Réinventer le métier d’apprendre.­Paris : Editions

d’organisation,1999 Les recherches en neurobiologie et en sciences cognitives confirment que nous sommes capables d’apprendre tout au long de notre vie. Nos étonnantes ressources cognitives( nos mémoires, nos perceptions sensorielles, nos langage, notre capacité d’abstraction, de décision…) constituent le véritable patrimoine de l’humanité. Celui qui apprend va à la rencontre de l’inconnu et doit constamment réorganiser sa relation à ses savoirs antérieurs, à son environnement, aux autres et à lui­même. Pour réinventer le métier d’apprendre, il en va comme dans le bâtiment : construire implique de déblayer le terrain, creuser les fondations, trouver les matériaux adequats, adapter l’habitacle à l’environnement et de l’ouvrir sur l’horizon. Pour reconstruire le tissu éducatif et entrer dans une dynamique de développement, de nouveaux concepts sont nécessaires, ceux de transaction éducative, d’apprentissage réciproque, et d’organisation apprenante. 261


Des qualités spécifiques sont requises pour accompagner. L’authenticité ( surtout ne pas faire semblant), la spontanéité (réagir en résonance avec ce qui a été vécu), la flexibilité (savoir changer de point de vue), la générosité ( savoir donner et recevoir de l’autre), l’ouverture (accepter l’imprévisible, les contradictions de l’autre), l’accueil des différences (voir la richesse d’un autre point de vue)… La reliance pour Henri Desroche (cité par l’auteur de l’ouvrage), a une double dimension coopérative et coopérante : il s’agit « d’entreprendre », c’est­à­dire entreprendre d’apprendre en apprenant à entreprendre, et de faire que les réseaux d’éducation alternative et de développement solidaire se rencontrent. L’éducation solidaire ignore l’acharnement pédagogique, elle pratique l’écoute, la flexibilité, la responsabilisation. On y apprend à demander et à recevoir. On y apprend dans l’action. Les Réseaux d’Echanges Réciproques de Savoir ( MRERS) ont plus de quinze ans. Ils sont au nombre de 450. Les effets de ce type d’échanges qui tient beaucoup du partage, dépassent les limites de ce qui est appris, car le fait même d’apprendre ouvre les yeux sur la relation »maître­élève », sur son prore savoir et sur les stratégies pour apprendre. 16

ULLMO (J.).­La pensée scientifique moderne.­ Paris : Flammarion –Champs,

1969 Depuis plus d’un siècle la science a transformé non pas la connaissance , mais la pensée elle­même et l’ensemble des représentations à partir desquelles nous construisons notre image du monde. Sans que l’on s’en rende toujours compte, une mutation s’est produite sous nos yeux, transformation intellectuelle qui doit beaucoup au renouvellement de la physique. L’auteur développe largement la construction de la connaissance et cite les conditions nécessaires pour qu’un concept découvert dans le monde des sciences physiques, soit utilisable de façon scientifique dans un autre domaine. 17

WACH (M.).­ Les valeurs des français selon l’approche de Schwartz, exploitation

des données du volet français du Baromètre Environnement.­ Paris : EDF­DER, INETOP­CNAM, 1998 262


Pour Schwartz les valeurs répondent à la définition suivante : ce sont des concepts ou des croyances. Elles se rapportent à des fins ou à des comportements désirables, elles transcendent des situations spécifiques. Elles sont l’expression de motivations destinées à atteindre des objectifs spécifiques comme la sécurité, l’accomplissement, l’autonomie. Elles guident le choix et permettent l’évaluation de comportements envers des personnes ou des évènements. Elles sont ordonnées selon leur importance relative en tant que que principes qui guident la vie. Ces valeurs traduisent trois nécessités universelles : satisfaire les besoins physiologiques des individus, favoriser l’interaction sociale,assurer le bon fonctionnement et la survie des groupes. Schwartz postule que les valeurs forment un continuum et correspondent à dix grands types de motivation : autonomie, stimulation, hédonisme, accomplissement, pouvoir, sécurité, conformisme, tradition, universalisme et bienveillance. Ils sont représentés au moyen d’un schéma circulaire où les rapports de compatibilité et d’antagonisme entre valeurs sont définis ainsi : deux types adjacents sur le schéma correspondent à des valeurs compatibles, tandis que deux types diamétralement opposés correspondent à des valeurs antagonistes.

263


Glossaire A.T.O.S.

Agents travaillant dans les services Administratifs, Techniques, Ouvriers ou Service de santé

C.A.F.A.

Centre Académique de Formation pour Adultes (Ce lieu depuis la disparition de la MAFPEN et la création de la DAFI, assure la formation des personnels de l’Education Nationale qui n’ont pas de charge d’enseignement.)

C.P.E.

Conseiller Principal Educatif .(Ils ne sont pas chargés d’enseigner. Leur formation initiale est assurée par l’IUFM, mais leur formation continue est déléguée au CAFA.)

C.M.P.P.

Centre Médico­Psycho­Pédagogique.

C.R.E.A.I.

Centre Régional de l’Enfance et de l’Adolescence Inadaptée.

D.A.F.I.

Délégation Académique à la Formation et à l’Innovation

M.A.F.P.E.N.

Mutuelle Académique de Formation du Personnel de l’Education Nationale. ( Avant sa disparition permettait un tronc commun de formation de tous les salariés de l’Education nationale).

O.E.A.

Agents ouvriers chargés de l’entretien et de l’accueil.

S.E.G.P.A.

Section d’Education Générale et Professionnelle Adaptée. Ce lieu a remplacé dans le collège, l’ancienne Section d’Education Spécialisée (S.E.S.)destinée à la scolarisation des enfants d’intelligence normale ou subnormale ayant des difficultés scolaires.

264


ANNEXES Dans ces annexes nous aborderons successivement : la table des matières, les données fournies par les entretiens et enfin les articles, extraits de livre, documents

Table des matières Remerciements

p. 3 265


Sommaire général

p. 4

Sommaire détaillé

p. 5 à 9

Introduction

p. 10 à 20

Prolégomènes

p. 21 à 29

1ére partie :Circonscription et définition de la problématique de recherche

p .30 à 91

A.­L’anamnèse de la recherche

p. 31 à 52

1.1 LES CIRCONSTANCES QUI ONT FAVORISÉ LA CRÉATION DE CES ÉQUIPES­RELAIS 1.1.1Comment sommes nous passés d’une équipe régionale à une équipe départementale ?

p. 31

­ Les textes fondateurs (Deux circulaires traitant de la création d’une équipe relais)). ­ L’histoire d’une « équipe­ressource » ­ Les apports de l’équipe régionale ­ La disparition de l’équipe régionale et la création d’équipes départementales

1.1.2 Développement et pérenité des équipes départementales

p. 39

1.1.3 Les apports tant de l’équipe­ressource que des équipes départementales p. 41 1.2 DIVERSITÉ DE CONSTRUCTIONS ET D’ÉVOLUTIONS

p. 43

1.2.1 La constitution de ces équipes­relais

p. 44

1.2.2 Différence dans les dans les actions qui ont été menées

p. 47

1 En direction des élèves 2 En direction des parents

1.2.3 Les spécificités de la conduite des groupes

p. 47

1.2.4 Les décalages entre les options de l’équipe et celle de la Direction p. 48

B.­Les éléments de la recherche 1.3 .LES LIEUX DE LA RECHERCHE 1.3.1 La recherche de terrain

p. 51 à 81 p. 51 p. 51 266


1 Les vicissitudes dans la création de ces équipes relais 2 Les facteurs favorables au démarrage de ces équipes 3 Les facteurs favorisant le dysfonctionnement de l’équipe relais 4 Résumé de l’évolution de 14 équipes relais

1.3.2 Monographies portant sur quatre équipes

p. 58

1.3.2.1 Deux anciennes 1.3.2.2 Deux récentes 1.3.2.3 Que nous apprennent ces monographies ?

1.3.3 Les recherches menées dans d’autres secteurs

p. 78

1.3.3.1 Les travaux d’autres chercheurs (articles, colloques, séminaires ou vidéos) 1.3.3.2 Notre recherche personnelle en 1962­1966 lors de la création d’un Centre Psychothérapique 1.3.3.3 Analyse de notre exercice de psychothérapeute de groupe

1.4 L’OBJET DE LA RECHERCHE 1.4.1 Les paramètres dégagés

p. 82

1.4.2 La recherche sur les difficultés des adultes à poursuivre des actions complémentaires

p. 83

1.4.3 Les conditions nécessaires pour réaliser ce type d’action

p. 85

1.4.4 Les questions que l’on pose aux adultes

p. 86

2ème partie : Problématisation de la recherche 2.1 CE QUE LA COMPLÉMENTARITÉ N’EST PAS

p. 92

2.1.1 Elle est différente de la notion de solidarité

p. 92

2.1.2 Elle est différente de la notion de mutualité

p.95

2.1.3 Elle est différente de la notion de subsidiarité

p. 97

2.2 LE PRINCIPE DE COMPLEÉMENTARITÉ

2.2.1 La recherche à partir du vocabulaire

p. 99

2.2.1.1 Le mot complémentaire 2.2.1.2 Le mot complémentarité

267


2.2.1.3 Le mot complémentarisme

2.2.2 Le principe de complémentarité en Sciences Physiques

p. 109

2.2.3 La cohérence nécessaire pour passer des Sciences physiques aux Sciences Humaines

p. 113

2.2.4 Le principe de complémentarité « revisité »

p. 117

2.2.5 La complémentarité doit être « accompagnée »

p. 121

2.2.5.1 Que connaissons­nous quant à la notion d’accompagnement 2.2.5.2 La place d’accompagnant d’une équipe­relais

2.3 LA RESTAURATION DE LA QUALITÉ HUMAINE DE L’ÉCOLE 2.3.1 Les exigences liées au processus de restauration

p. 126

2.3.2 Significations de l’expression « qualité humaine »

p. 126

2.3.2.1 Les apports de l’école aristotélicienne 2.3.2.2 « La bonne vie » chez Aristote 2.3.2.3 Que nous enseignent deux chercheurs inscrits dans le modèle défendu par Aristote 2.3.2.4 Les apports des écoles japonaises s’appuyant sur les conceptions éthiques des

Samouraïs 2.3.2.4.1 Maître Ienao ,fondateur de l’école Katori 2.3.2.4.2 Maître IKEDA Shigeo Sensei s’appuyant sur l’exemple pour favoriser la

construction de soi et des autres 2.3.2.5 «Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur» Edgar Morin

2.3.3 Les implications d’une vision plus humaine de l’école

p. 143

2.3.3.1 Les recherches de l’Université de Montréal 2.3.3.2 Les travaux du Rectorat de l’Académie de Rouen 2.3.3.3. Recherche­action menée au Collège de Montfermeil

3ème partie : Méthodologie et Analyse des données p. 159

3.1 MÉTHODOLOGIE 3.1.1 Définition des hypothèses

p. 160 p. 161 268


3.1.1.1 L’hypothèse centrale

3.1.1.2 Les hypothèses qui en découlent 3.1.2 La construction du recueil de données

p. 163

3.1.2.1 Le choix de la méthode 3.1.2.2 La construction du recueil de données 3.1.2.3Le choix des personnes pour les entretiens

3.1.3 Le traitement des données

p. 177

3.1.4 Assurer l’objectivité de la démarche

p. 189

3.3.4.1 La question de l’implication du chercheur 3.3.4.2 La triangulation

3.2 ANALYSE DES DONNÉES

p.191

3.2.1 La rencontre avec des personnels fort différents

p.191

3.2.1 L’expression de leur désir de participer à la construction de l’adolescent 3.2.2 Les réflexions sur les paramètres définissant la place des uns et la place des

autres 3.2.2 Les thèmes essentiels

p. 192

3.2.2.1 La notion de l’accueil 3.2.2.2 L’importance du respect de l’autre 3.2.2.3 La nécessité d’un Maillage Interne 3.2.2.4 La nécessité d’un Maillage externe 3.2.3 Les autres thèmes

p. 200

3.2.3.1 L’intérêt des lieux de parole et de créativité 3.2.3.2 L’utilisation de l’espace scénique 3.2.3.3 Un autre regard sur la sanction 3.2.3.4 Le désir de lieux d’analyse de la pratique

4ème partie :Discussion 4.1 EN QUOI LA COMPLÉMENTARITÉ EST UN VERITABLE OUTIL DE SOCIALISATION 4.1.1Elle est proche de la structure élémentaire de la matière,

p. 206 p. 207 269


4.1.2 Elle nécessite une pédagogie, dans la mesure où elle passe par une « dé­ construction » de l’établissement, puis une restructuration des rapports humains 4.1.3 Elle demande un travail de deuil sur les illusions (l’équipe devant être guidée et accompagnée)

p. 210

4.1.4 Elle participe à la mise en œuvre d’une réelle d’une disponibilité p. 212 4.2 LA COMPLÉMENTARITÉ OPPOSÉE AUX DYSFONCTIONNEMENTS DE L’INSTITUTION 4.2.1 Elle freine l’apparition de la violence qui est « en état de latence » p. 213 4.2.2 La réorganisation des complémentarités professionnelles

p.215

4.2.2 La réorganisation des complémentarités dans l’institution

p. 219

4.2.3 Elle agit dans la prévention de la violence institutionnelle

p. 221

4.3 ELLE EST UN VECTEUR PSYCHIQUE DE CHANGEMENT p. 222 4.3.1 Pouvoir devenir des adultes–repères

p.222

4.3.2 Essayer de faire un travail de deuil sur l’illusion de notre propre cohérence

p. 222

4.3.3 Pouvoir entraîner les adolescents dans des projets constructifs p. 223

4.3.4 Intérêt pour les Lycées agricoles

p. 223

4.4 PÉRIODE D’IDÉALISATION­ DES STRATÉGIES D’ÉVITEMENTp.225 4.4.1 Elle atteste de notre ambivalence à l’égard des pédagogies actives p. 225 4.4.2 Elle nous force à réfléchir sur le concept d’acteur

p. 226

4.4.3 La complémentarité représente un coût

p. 227

4.4.3.1 Un investissement cognitif 4.4.3.2 Une implication forte 4.4.3.3 Un auto­surmenage

270


4..4.3.4 Des risques réels ou imaginaires 4..4.3.5 L’utilisation de mécanismes de défense pour freiner notre anxiété « L’in

4.4.4. L’utilisation de ce principe demande un certain renoncement p. 228 4.5 QUESTION DU « VIVRE ENSEMBLE »

p.230

4.5.1 «Vivre ensemble» des personnes (dans l’acceptation des différences et dans une possibilité de coopération)

p. 230

4.5.2 «Vivre ensemble» des équipes durablement dynamiques et inventives p. 231 4.5.3 Une attitude « bureaucratique ne contribue pas à humaniser le collège p. 233

Conclusion

p. 239

Bibliographie

p. 251

Bibliographie alphabétique par auteurs

p. 253

Bibliographie documentée

p. 259

Glossaire

p. 269

Annexes

p. 276

A N N E X E S 1).­ Les données

271


Dans le chapitre qui traitait des données recueillies, nous avons fait apparaître de courts extraits de réflexions fournies par les différents professionnels. Aussi pour concrétiser ces différentes affirmations , nous allons reproduire successivement deux types d’apport des résumés d’entretiens (RE), et deux entretiens plus détaillés (E).

a).­ Les résumés d’entretien : ENTRETIEN N° 7 C.B.P.Monsieur G.B. Principal Adjoint appartenant à l’équipe­relais « Les différents incidents survenus dans l’année (éraflures volontaires sur la voiture des enseignants, dégradation des outils pédagogiques, agressivité verbale et absentéisme en progression, interrogations des personnels de cuisine sur le peu d’intérêt des élèves pour le repas, bousculades à l’entrée du collège , bagarres entre élèves…) nous ont fait longuement réfléchir . Nous avons il y a quatre ans monté une mini­équipe­relais pour mieux aborder ces difficultés. Dans les premières rencontres de ce petit groupe ont été évoquées les difficultés à se construire chez l’adolescent , le manque de repères dans la société d’aujourd’hui, le poids des copains. Nous notions également l’envahissement de l’espace réservé à rédiger ses devoirs par le monde de la technologie et de l’image. Et suite aux rencontres avec les parents, la découverte d’une famille qui ne sait plus ce qu’elle doit faire. Pour nous que signifie travailler sur l’accueil ? Nous entendons par là le fait de réfléchir aux situations où adultes et élèves , franchissent cet espace de séparation entre l’extérieur et l’intérieur. Nous avons redécouvert la notion de temps circulaire. Il n’y a pas que les grandes et petites vacances, mais aussi les allers et retours, chaque semaine et également chaque jour. Et c’est là où nous avons décidé avec le C.P.E. et la Directrice de la SEGPA , qu’il y ait toujours l’un d’entre nous sur le trottoir à la rentrée et à la sortie des cours . Ce « bonjour », ou cet « au revoir » prononcé par un adulte, au moment où arrivaient les bus de ramassage scolaire a complètement changé le temps d’accueil. Dans les réunions entre les A.T.O.S. salariés du Collège et cette petite équipe, nous avons été favorablement impressionnés par le bon sens de ces personnels. En réfléchissant avec la professionnelle qui fait fonction de concierge, nous avons pu noter 272


que nous ne savions plus faire « l’accueil ». Nous ne savions plus définir les limites, tant pour les élèves , que pour les adultes. Nous avons eu envie de prendre en compte l’absentéisme scolaire, en forte augmentation après les réunions des conseils de classe du début du mois de mai. Cette recherche nous a conduit à remettre à l’honneur en fin d’année la distribution des prix accompagnée d’une réunion conviviale avec les parents. L’année suivante un groupe d’élèves nous a demandé s’ils ne pourraient pas organiser une exposition des travaux réalisés dans l’établissement. Certains d’entre eux avaient des frères ou des soeurs plus jeunes, encore à l’école primaire, et ils n’avaient pas de preuves à leur fournir ,vantant l’intérêt de venir au collège. Je suis en accord avec les valeurs que vous m’avez présentées, mais pourquoi ne sont­ elles plus rappelées à l’école primaire et dans la famille ? En ce qui concerne les attentes pour une école lieu d’éducation, je suis dans les mêmes dispositions que vous , mais comment peut­on aider le jeune à développer sa vitalité personnelle. Voici quelques unes de nos actions. Nous avons organisé le mardi soir à 19 heures des Conférences débats où étaient invités les parents. Ceux­ci, alors qu ‘ils étaient peu nombreux pour les premières rencontres, viennent plus souvent, osent prendre la parole, ayant constaté qu’y venaient également des salariés du Collège , qu’ils rencontraient dans le voisinage. Nous progressons puisque après chaque soirée, les parents nous suggèrent des thèmes nouveaux qu’ils voudraient voir aborder.Nous n’avons pas encore pu saisir tous les effets de ces échanges impulsés par la mini­équipe, mais nous en attendons beaucoup » .

ENTRETIEN N° 8

L.C.L. Monsieur H.F. Proviseur­Adjoint appartenant à l’équipe­relais

273


« C’est grâce au Médecin scolaire, que notre équipe­relais a vu le jour. Ce médecin , avait remarqué que de plus en plus d’élèves recherchaient un lieu d’écoute : soit pour évoquer leur mal­être, soit pour obtenir un sédatif pour une douleur erratique. En parlant avec eux et en réfléchissant aux propos de ses infirmières, elle avait repéré que ces jeunes avaient beaucoup d’attentes à l’égard des adultes. Ils évoquaient également le fait qu’ils demandaient souvent des conseils à des salariés du collège , dont la tâche n’était pas d’enseigner. Ils déploraient le manque de considération à leur égard, surtout ceux qui avaient un parent oeuvrant comme agent dans un autre lieu scolaire. Notre équipe­relais était composée de sept enseignants et de cinq autres personnes, qui comme moi n’avaient pas de charges d’enseignement ( agents, cuisinier, gestionnaire). Devant mon manque de disponibilité, c’est le médecin scolaire qui a fonctionné comme leader. Je n’ai eu qu’à me louer de son sens de l’organisation et de sa ténacité. Je ne me sentais pas sur la touche puisque je la rencontrais régulièrement pour comprendre l’évolution du groupe, et je m’arrangeais étant fort intéressé, à participer de temps à autres aux séances. Grâce à son animation tout un travail a été réalisé, en utilisant les apports d’un formateur sur les exigences que comporte la gestion d’un groupe. Cette réflexion a permis de repenser que dans le lycée, il n’y avait pas que la classe et l’équipe pédagogique. Il y avait également à tenir compte du projet institutionnel. Ces professionnels découvrant qu’ils étaient d’accord sur les valeurs à promouvoir dans l’établissement et ayant constaté qu’ils avaient les mêmes attentes à l’égard des élèves, ont mis en place des actions. Suite à des mutations : celle du C.P.E. et le départ en retraite du médecin scolaire, l’équipe a bien du mal à se réunir mais des actions isolées continuent De toutes façons je fais le constat suivant en relation avec cette équipe, j’ai pu observer une modification de l’ambiance, une disparition de la violence entre jeunes ». Certes il reste des conflits mais ils se règlent par la parole, et la porte de mon bureau est toujours ouverte. J’interviens comme Tiers en rappelant la loi. J’ai noté une reprise du respect de l’autre qu’ils soient adultes ou qu’ils soient élèves.

274


Nous avons monté une Commission de réflexion sur la sanction positive. Dans le processus de réparation du dommage causé, les ATOS sont des alliés précieux. Il nous faut modifier le regard que nous portons sur les punitions, car les heures de retenue ne servent plus à grand chose, d’autant que les surveillants qui encadrent les « punis », n’ont aucun lien avec l’adulte qui a choisi ce mode particulier pour dire « çà suffit ». Quand j’étais élève , la sanction était avant tout prononcée, pour freiner l’envie de recommencer. Actuellement quel processus réparateur peut–on attendre , de ces heures d’écriture ? Votre listage sur les valeurs, les attentes me va très bien . Il nous faudrait reprendre ces thèmes dans l’établissement pour aboutir à un tronc commun de principes sur lesquels tout le monde s’accorderait. A ce jour quelles sont les observations que je peux formuler :il y a moins d’incidents dans la structure. Les adultes ne s’ignorent plus. Ils s’entraident pour que les réunions de parents soient plus conviviales. Il nous reste encore du travail à mener avec l’extérieur pour rencontrer les éducateurs et les assistantes sociales qui suivent nos jeunes. L’institution devient bien plus facile à organiser et à gérer. Je pense que le médecin scolaire par son action nous a beaucoup apporté ». ENTRETIEN N° 9

L.C.D. Madame E.S. Proviseur Adjoint appartenant à l’Equipe­relais

« Ayant rencontré un pédo­psychiatre pour lui demander conseil dans l’accompagnement d’un lycéen difficile, j’ai pu donc m’entretenir avec lui. Comme il évoquait l’idée que cet adolescent avait besoin de repères et de limites, j’ai immédiatement pensé aux autres lycéens. A cette date un texte incitait les chefs d’établissements à créer une équipe­relais ; de là est venu dans mon établissement, le démarrage d’un espace de réflexion en direction des élèves. Cette équipe a rassemblé douze personnes : six enseignants et six A.T.O.S. . L’infirmière du Lycée m’a beaucoup aidé à construire un groupe hétérogène, en me demandant d’inviter à y participer, les personnels qu’elle supposait intéressés par un 275


projet en direction des élèves. C’est également elle qui a eu l’idée de réaliser un tableau des photographies des membres de l’équipe­relais, production que l’on afficherait dans plusieurs lieux de l’établissement. Or cette sorte de photothèque a vivement intéressé les élèves et les personnels non­enseignants. Les uns et les autres nous ont interrogée à ce sujet. Cela a fait comme un déclic. Tout s’est passé disaient­ils comme si « on ne se sentait plus seuls, mais que l’on oeuvrait ensemble à la construction de l’élève ». Si j’essaie d’analyser ce qui s’est passé puisque j’ai quitté cet établissement pour me rendre dans un autre poste ; voilà ce qu’il m’en reste. Ce groupe a oscillé entre une envie de formation continue pour adultes et le désir de créer un lieu d’écoute pour les élèves. La réalisation du premier point a été assez facile ; j’ai reçu l’appui du proviseur de l’établissement qui m’a trouvé des intervenants extérieurs. Pour la création d’un relais­écoute, ce projet a mis longtemps à voir le jour, compte tenu de l’ambivalence des uns et des autres. Comme l’équipe­relais souhaitait que les permanences entre 12h00et14h00, soit animées par un élève et par un adulte, il a fallu sérier les questions. Tout d’abord il a été demandé à trois membres de l’équipe, de se rendre à l’extérieur dans des lieux scolaires, où se pratiquait l’écoute des jeunes. Ces collègues sont revenus en nous conseillant d’être très prudents et de débuter par la création d’une petite unité. Les personnes consultées leur avaient conseillé de faire une formation personnelle et de commencer en prévenant les volontaires qu’il s’agissait d’un stade expérimental. Des réunions de régulation prenant place tous les quinze jours permettraient de jalonner la route. Une question qui nous a rendu très attentive était celle de m’assurer de la solidité psychique des enseignants volontaires. Pour cela à la suite d’entretiens individuels pour cerner les objectifs de ces professionnels, des séances d’analyse de la pratique ont été programmées pour les accueillants. La seconde qui me paraissait plus difficile était de choisir parmi les élèves , les 5 ou 6 délégués qui avaient présenté leur candidature à cette fonction. Nous pensions en effet que cette place particulière leur permettait de recevoir une mini­formation ,qui paraissait suffisante puisqu’il y avait un autre accueillant qui était un adulte et qui lui 276


allait participer à un travail de préparation à l’écoute, se déroulant sur plusieurs années. Nous avions donc à tenir compte de la fonction d’accompagnant­écoutant. , fonction tenu par l’adulte dans le temps de la permanence. C’est pour cette raison que durant les premiers mois l’ objectif de la cellule­relais était d’orienter l’élève accueilli, et cela avec son accord vers une personne ressource. Malgré cette préparation, cette cellule­relais a eu une durée de vie assez brève ( six semaines), car le responsable des médecins scolaires, nous a demandé brutalement d’interrompre cette action. J’ai été vraiment surpris de l’engagement des délégués, de leur maîtrise et de leur retenue, lorsque très déçue, je leur ai annoncé la fin de cette recherche­action. De mon côté je pensais à la possibilité, dans un cadre bien précis, de mener ensemble des actions où nous pouvons nous compléter. C’est ainsi que je les ai soutenus lorsqu’il y eu la création d’un atelier d’écriture, animé par un comédien que j’estime.. L’espace théâtral servant de support à un débat, a permis des échanges très riches, lors de la présentation des scénettes aux différents publics regroupés dans la même salle (élèves et leurs parents, enseignants, ATOS) Cette participation de quatre années au sein de l’équipe­relais, grâce à l’aval du chef d’établissement, m’a prouvé que les actions complémentaires sont possibles, lorsque les adultes sont fédérés par les mêmes valeurs, et se retrouvent avoir des objectifs communs dans l’aide aux élèves ». ENTRETIEN N° 10 C.D.P. Monsieur A.L ; Principal Adjoint , ne participant pas à l’équipe­relais

« J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt le travail de réflexion et la mise en place d’actions dans le collège où j’ai ce poste d’adjoint. Un surcroit de tâches ne m’a pas permis d’être présent lors des réunions, mais une professeur de lettres m’a fait régulièrement le récit des séances. L’équipe­relais se sentait rassurée par ce système de liaison et de mon côté je pouvais impulser des conseils et des mises en garde. Vous avez sollicité mes réponses à un questionnaire qui a retenu toute mon attention, mais j’ai trouvé que ce type d’enquête ne me laissai pas le temps de développer ce 277


qu’évoquait pour moi , l’énoncé des huits valeurs que vous avez isolées. J’aurais aimé développer deux de vos items Droiture dans la conduite, et Grandir pour le profit de la collectivité. Dans mon enfance, mon grand père évoquait souvent l’image de l’instituteur qui animait sa classe unique. (En tant qu’élève, il habitait un petit village à la campagne). Cet enseignant leur parlait souvent de l’honnête homme du XIIIéme siècle. Il le leur présentait comme modèle, les incitant vivement à prendre exemple sur lui. Comme cet instituteur était un personnage très humain, cultivé, de tenue modeste, n’hésitant pas à donner de son temps après la classe pour aider un élève en difficulté ; il semblait avoir beaucoup marqué mon parent. Je me suis toujours demandé si mon grand père n’en n’avait pas fait une image idéale à laquelle il avait tenté de s’identifier. . Quand je reprends votre expression » grandir pour la collectivité », me reviennent les propos de mon parent qui racontait combien ce professeur était attentif aux bons résultats fournis par les élèves de condition modeste. Il leur offrait des cours particuliers, pour leur permettre de réussir le concours des Bourses et ainsi avoir accès aux études secondaires. Dans le village on disait que certains de ces anciens élèves , guidés par lui, avaient présenté le concours d’entrée à l’Ecole Normale d’Instituteurs. Mon grand père ajoutait, que si Jean GUEHENNO était rentré à l’Académie Française, il le devait en grande partie à ce souci de la collectivité, qu’avait manifesté très tôt, un instituteur d’une classe de campagne de la région de Fougères. Quand je vous ai entendu prononcer les valeurs que vous avez sélectionnées, ces images de mon enfance sont subitement revenues. Je me demande maintenant, si ce grand­père, exigeant pour lui­même comme pour les autres, ne pas inconsciemment poussé dans le métier que je fais actuellement. Avoir un rôle pédagogique auprès d’un groupe d’élèves m’a passionné pendant un certain temps. J’ai eu par la suite envie de quitter la place de guide dans les progressions et les apprentissages, pour m’inscrire dans une place de facilitateur dans la construction de la personnalité des élèves. Je pense que si j’ai pu favoriser la création de l’équipe­relais dans le collège, c’est qu’il me paraissait important d’aider le jeune à mieux se connaître et se comprendre, afin 278


qu’il puisse élargir sa conscience des choses et des êtres. L’équipe m’a à son tour relayé dans son envie d’aider le jeune dans sa relation aux autres. J’ai eu l’impression que progressivement, la communication entre les adultes était en train de changer. La notion du respect de l’autre devenait évidente, et du coup on observait une diminution de la violence. Les élèves et les parents étaient accueillis différemment. Les salariés de professions différentes découvrant du plaisir à réfléchir ensemble, envisageaient de s’impliquer dans le nouveau projet d’établissement. De mon côté, j’envisage pour l’an prochain de mettre sur pied deux commissions : la première étudiant les différentes facettes que présente la notion d’accueil, et la seconde s’attachant à définir des lieux de parole avec les élèves ». ENTRETIEN N° 11

L.P.J. Madame R.L. Proviseur –Adjoint, non participant à l’E.R.

« Vous m’avez profondément déroutée avec vos questions sur les valeurs. Et cela d’autant plus que vous me pressiez d’y répondre rapidement. Notre société actuelle prône la compétition et l’individualisme, en oubliant que l’argent et la carrière, ne suffisent pas à faire le bonheur de l’humanité. Nous n’osons plus affirmer nos valeurs, tant nous redoutons d’être perçus comme « nostalgiques du passé ». Quel enseignant s’autoriserait dans sa classe à parler de courage, d’altérité, de dévouement ? Or si nous interrogeons des adolescents en groupe pour essayer de réfléchir à la situation qu’ils occuperont dans une dizaine d’années, leurs réponses sont troublantes. Ils évoquent des professions de la santé, des actions humanitaires, ou encore des vies rappelant celle de l’abbé Pierre ou celle de Sœur Emmanuelle. Il y a donc chez eux tout un champ qui reste en friches. Par quel biais pourrait­on les amener à partager les valeurs que vous nous apportez. Comment une école s’appuyant sur ces valeurs pourrait être considérée comme plus humaine ?

279


Il est fondamental que cette génération qui nous suit, puisse être en accord avec elle même sur des notions essentielles comme le respect et la politesse, la droiture dans la conduite, les exigences dans l’effort. Que peut vouloir dire pour un adolescent en quête d’identité, l’expression « grandir au profit de la collectivité » ? Il serait donc intéressant que le lieu scolaire aide le jeune à se socialiser. Pour aider un adolescent dans sa relation aux autres, il paraît important de l’aider à comprendre le sens de ce qu’on lui fait apprendre. Il n’y a pas que l’enseignement des matières fondamentales, il y a aussi à leur présenter le récit des grands hommes ou des femmes remarquables, qui ont fait la grandeur de notre nation. La mise en route de cette équipe­relais impulsée par l’infirmière et le médecin scolaire qui ont sollicité mon accord, m’a fait prendre conscience de mon peu de disponibilité pour les élèves. J’ai essayé de me tenir au courant des travaux c’est­à­dire de leurs attentes et de leurs actions. De mon côté, j’ai pu faire partager à l’infirmière mon envie d’une réflexion sur la notion d’accueil. Reprenant les expressions de l’agent qui se trouve à l’entrée du lycée, j’ai souhaité que l’on puisse analyser le constat de ce professionnel « ils rentrent dans l’établissement comme une horde sauvage ». L’équipe­ relais m’a fait part de sa découverte : nous ne savons pas accueillir les nouveaux qu’il s’agisse de nos élèves ou de stagiaires engagés dans la profession, alors que certains d’entre eux occuperont un jour nos postes. Depuis ce temps de travail, nous avons modifié les conditions lors des entrées et des sorties journalières. Une des personnes de l’équipe de direction ( le chef d’établissement, son adjoint , l’un des deux CPE) est présente chaque jour scolaire sur le trottoir qui borde le lycée, de 7h30 à 8h00 et salue chaque élève. Il en est de même à la fin de la journée. Depuis les jeunes rentrent tranquillement dans l’établissement. Dans votre questionnaire vous soulevez l’idée de jeux théâtraux que vous désignez sous le terme : séances du théâtre­forum. J’en avais entendu parler par Madame KAHN qui en vantait les mérites lors d’une conférence. L’espace scénique permet d’accepter le dure réalité parce que la mise en scène utilise les voies du jeu et celles de l’imaginaire. L’équipe m’a demandé de trouver un comédien, habilité à créer des clubs théâtre dans

280


les établissements scolaires. Nous partirons prochainement dans ce genre d’actions, en direction des parents, des salariés et des élèves ». ENTRETIEN N° 13

L.C.D. Madame H.G. Conseillère Principale d’Education, appartenant à l’équipe­ relais « J’ai su que vous aviez eu un entretien avec ma collègue conseillère, vous a­t­elle dit que ce souci d’entraîner les adultes du lycée dans des actions complémentaire a produit beaucoup d’effets ? Les personnels de la cuisine échangent avec les enseignant en salle à manger ou en dehors des repas. La Commission des menus s’est remise à fonctionner de façon cohérente. Les plats sont attractifs, bien décorés, les repas sont appréciés. Les reliefs du repas sont bien moins importants. Il y a moins de gaspillage de la nourriture. Les adolescents découvrent que les agents peuvent discuter avec eux et apportent parfois de bons conseils. Le questionnaire oral que vous m’avez fait passer m’a révélé que mon éducation familiale, avait ancré en moi, des valeurs qui me paraissaient évidentes. Or ce travail dans l’équipe, m’a apris que beaucoup d’entre nous , ne s’attachaient pas à les transmettre, par crainte de passer pour des nostalgiques du passé. Il y a donc à réformer l’accueil en classe de seconde. Il faudrait que durant le mois de septembre, par des propos et par des ateliers , les nouveaux élèves accèdent à ces valeurs partagées par tous. D’autre part, sommes­nous assez attentifs aux paroles prononcées par nous, lors de l’accueil de nos stagiaires ou des remplaçants ? Dans beaucoup d’ouvrages traitant de la violence en milieu scolaire , transparaît l’idée d’un déficit dans la communication. Ne peut­on pas promouvoir des lieux où par petits groupes, des adultes et des élèves réfléchiraient sur des projets à court terme et à moyen terme ? J’aimerais, que l’on ne me considère pas uniquement comme un responsable de la vie scolaire, mais comme en quelque sorte un levain pour aider les jeunes à mieux se connaître et se comprendre. Je souhaiterais participer à des ateliers de créativité ,se 281


déroulant le samedi. Certains agents m’ont déclaré qu’ils étaient tout disposés à assurer la maintenance dans les lieux, si l’on pouvait ouvrir des sections d’apprentissage en direction des adultes et des jeunes. Ils voyaient ces temps de travail animés par des professionnels en retraite. Cette organisation nécessiterait l’aval du chef d’établissement et du Conseil d’administration. Certains m’ont dit avoir rencontré dans des Colloques, des agents qui leur ont raconté des situations innovantes. Des contrats d’assurances ayant été signés, ils peuvent se retrouver en atelier auprès de jeunes et d’adultes soit en tant que co­animateurs, soit en tant que débutants, le samedi ou le dimanche matin. La seule obligation qui était imposée c’est que le groupe ait un nombre de participants, inférieur à quinze , en sachant qu’avec les absences, les participants se retrouvent le plus souvent à douze. Ayant découvert sur Google, les éléments concernant la réforme de l’éducation impulsée par le Ministère du Canada, je souhaiterais pouvoir réfléchir en équipe, sur les principaux axes de cette réforme ». ENTRETIEN N° 14 LCD Madame B.L. Infirmière , participant à l’équipe­relais « Vous savez que je suis très impulsive, et que je n’ai pas apprécié votre questionnaire oral : »Valeurs­Attentes­Actions ». Vous avez noté ma réaction de suspicion. Ayant rapidement réfléchi, j’ai pensé qu’il s’agissait certainement d’une méthodologie particulière vous permettant de recueillir des éléments pour votre recherche, centrée sur le fonctionnement de l’équipe­relais. Au cours des cinq années , je me suis souvent comporté en deux temps : d’abord fortement opposée à vos suggestions , puis appuyant celles­ci lorsque j’avais saisi l’incidence et l’articulation de vos idées. Il en a été de même au début de cet entretien , et puisque vous me connaissez , ne m’en tenez pas rigueur. Ces valeurs que vous m’avez présentées, sont les miennes et j’ai envie d’en faire un affichage dans l’infirmerie. Ne pourrait­on pas s’en servir pour construire une plaquette qui pourrait être offerte au nouveau qui pénètre dans le lycée. Cela me semble pouvoir favoriser la création d’un esprit maison, en développant les liens 282


d’appartenance et d’appropriation. Rappelez­vous , mon rôle de starter dans l’équipe, et cela grâce à mon statut dans l’établissement.Si j’ai bousculé le groupe, je l’ai fait en ressentant que nous nous retrouvions dans une sorte d’obligation, celle de nous interroger sur les espaces de vie dans le lycée. En,effet, les élèves demandant une attention médicale régulière, témoignaient de la même envie : celle de faire avec nous, un projet pour une transformation de l’institution, qu’ils trouvaient intéressante, mais trop frileuse. Les attentes dont vous êtes le garant, me paraissent résumer, tout ce qui peut favoriser la construction de cet adolescent , qui va séjourner plusieurs années auprès de nous. Si je pouvais impulser une action, j’aimerais qu’on insiste sur l’aide au jeune à combattre l’immédiateté. Très spontanée, j’ai au cours de ma formation d’infirmière, appris qu’il fallait accepter les opinions de l’autre, afin de pouvoir secondairement en faire avec lui la discussion. C’est ainsi que j’ai compris que vivre dans l’instant présent et fonctionner suivant le principe du « plaisir immédiat », ne permet à personne de pouvoir s’engager dans des projets à moyen terme. Or si l’on souhaite que l’adolescent devienne progressivement « acteur de sa vie », il faut l’éduquer à pouvoir émettre des désirs qui pourront se réaliser dans l’avenir ; dans l’aide ,permettant au jeune d’élargir sa conscience des choses et des êtres, il m’apparaît qu’il faut développer chez lui, l’esprit de solidarité. L’accompagnement de l’équipe­relais, tel que vous l’avez conçu, m’allait parfaitement bien. Nous connaissions l’étendue de vos connaissances, or nous apprécions votre discrétion, et votre souci constant d’amener chaque participant à pouvoir s’exprimer dans un climat de confiance. Même les plus fragiles d’entre nous, pouvaient apporter leurs suggestions . J’ai beaucoup appris en écoutant les remarques de cet agent qui oeuvrait à la cuisine. Il avait une véritable connaissance de l’institution, et des insuffisances de celle­ci à l’égard de certains élèves. Son envie de construire avec nous un projet, m’a permis de comprendre les raisons de son choix professionnel. Il n’avait pas postulé pour un poste de cuisinier en établissement scolaire par hasard. Il se sentait parfaitement impliqué dans la transmission à la génération suivante des effets favorables d’une bonne alimentation. L’engagement dans ce groupe d’adultes, où vous 283


étiez avant tout facilitateur de la parole, lui a été sans doute bénéfique, en découvrant que nous pouvions mener ensemble des actions complémentaires. Pour moi qui m’était retrouvée dans mon passé, en difficulté avec des membres de l’équipe de direction, mais également avec certains agents, ces échanges entre adultes dans ce lycée me laisseront un souvenir durable. Puisque je dois interrompre l’entretien, pour me rendre à l’infirmerie ou m’attend un élève, je voudrais dire combien , j’ai trouvé inadmissible cette fin brutale de l’équipe­ relais ». ENTRETIEN N° 15 L.C.L. Madame E.D. Infirmière, participant à l’équipe­relais

« Ma place dans l’équipe­relais a sans doute été plus complexe que celle des infirmières oeuvrant dans d’autres lycées, puisque l’animatrice était le médecin scolaire. Madame F. est un excellent médecin, très dévouée, attentive aux propos tenus par les aides­ soignantes. Par contre dans ce groupe elle s’était située comme leader, et j’ai eu l’impression que sa présence m’avait confinée dans une place d’auxiliaire médicale. Je n’ai pas pu exprimer toutes mes idées et apporter les suggestions qui me venaient à l’esprit. C’est peut être moi, qui n’ai pas su me différencier, car lorsque vous veniez présider des réunions à thèmes, une fois par trimestre, je trouvai que ce médecin émettait des idées pertinentes, et j’étais fière de faire partie de son staff. Notre équipe­relais paraissait trop centrée sur la prise en charge des adolescents en difficulté, et lorsque vous étiez présent, nous réfléchissions sur les insuffisances ou les maladresses de l’institution à l’égard des personnes reçues. Grâce à vos apports théoriques, j’ai pris conscience de tous ces groupes qui séjournent dans le lieu scolaire. J’ai ainsi compris le comportement de notre proviseur qui n’était dans son bureau qu’après seize heures. Ce personnage remarquable, se retrouvait régulièrement soit dans les ateliers, les services, les couloirs, soit dans les locaux des différents membres de l’équipe direction. Ses facilités de communication avec les 284


personnels, faisaient qu’il était aimé de tous. Nous savions tous que nous pouvions facilement le rencontrer sur notre terrain ou dans son bureau. C’est au moment de son départ en retraite que nous avons découvert l’affection que lui portaient les élèves. Ils ont tenu à organiser avec nous la cérémonie de son départ et ils nous ont étonné par l’importance des cadeaux offerts. Un autre moment formidable dans cette soirée, c’est le moment où ils nous ont fait assister à des scénettes qui racontaient avec humour : « Une journée du chef d’établissement dans le lycée ». C’était la première fois où, je pouvais percevoir les actions complémentaires des adultes de ce lieu. Notre médecin continue à animer l’équipe­relais, mais par les liens qu’elle a su construire auprès des partenaires extérieurs, les thèmes traités sont envisagés sous leur versant médical. Nous fonctionnons de plus en plus comme une antenne, permettant l’accès au Centre Médico Psychologique, d’adolescents porteurs d’une souffrance psychique. Nous ne nous orientons plus du côté des élèves ordinaires et les salariés du lycée (enseignants ou non), se sentent moins concernés. C’est bien dommage, car les actions complémentaires réalisées du temps de l ‘ancien proviseur, avaient véritablement transformé l’ambiance. Actuellement les adultes échangent moins et se réfugient davantage dans leur pré carré ». ENTRETIEN N° 16 L.D.J. Madame E.R. Infirmière, appartenant à l’équipe­relais

« Dans notre établissement , l’équipe de direction constituée du proviseur adjoint, des deux C.P.E. et de moi­même, se réunit chaque semaine pour faire le point. Nous évoquons les bagarres entre élèves, le peu d’effet des punitions sur les situations où le manque de respect est prévalent, et enfin l’augmentation de la démotivation des élèves. Il n’y a pas d’incidents notoires, mais nous sentons les élèves en attente d’un changement. Grâce à ces rencontre régulières dans le bureau du chef d’établissement –adjoint, l’équipe­relais s’est constituée rapidement sous la houlette de ce dernier. Notre médecin 285


scolaire, ne peut venir à ces réunions de travail. Mais il est tenu au courant par le compte­rendu que je lui en fais. Les participants à l’équipe­relais étaient de professions diverses : enseignants , équipe de direction et deux agents. Pendant plusieurs années , nous avons reçu des apports théoriques sur l’adolescence,sur la prévention de la violence, et sur les toxicomanies. Les enseignants ont alors souhaité se retrouver avec les parents sur des thèmes centrés sur l’éducation. Je me souviens de quelques titres : « être parents, pas facile » , « les comportements surprenants de l’adolescent », « les petits enfants choyés deviendront­ils des adolescents fragiles ? »Les parents n’ont pas été nombreux à venir à ces réunions. Les personnels A.T.O.S. nous ont entraîné à conduire une action en direction des élèves, qui leur paraissaient bien plus intéressés par les problèmes de société, que leurs géniteurs. Ils évoquaient les interrogations qui leur étaient posées par les élèves qu’ils rencontraient au cours de leurs activités de service.. Nous avons été surpris de constater que ses agents avaient une connaissance bien plus importante que la nôtre des difficultés éprouvées par les jeunes. Sous leur influence a été monté une journée en direction des élèves. Trois ateliers ont donc été constitués pour accueillir les élèves volontaires pour cette action : Un débat sur la loi et les déviances, animé par un membre de la Brigade des Mineurs, un second sur la santé où je me suis retrouvé avec mon aide­soignante, le dernier traitant des comportements paradoxaux à l’adolescence avec un pédo­psychiâtre. . Chaque atelier regroupait trente élèves, puisqu’il y avait quatre­vingt­dix participants. Durant ces échanges les jeunes ont été très actifs, posant de nombreuses questions. Ils ont accepté par la suite, de témoigner de leur regard sur ces lieux de communication et d’apporter des suggestions pour de nouvelles actions. Chaque élève ayant séjourné successivement dans chaque atelier, il lui a été demandé, en fin de journée de répondre à un petit questionnaire, en indiquant que sur la feuille un espace avait été laissé en blanc pour rédiger leurs suggestions. Comme nous leur avions promis de leur fournir un listage de leurs besoins et de leurs attentes , nous nous sommes retrouvés, à près de 200 dans la salle polyvalente, Dans ces échanges, les jeunes ont insisté sur leurs besoins de lieux de parole et des lieux de 286


créativité. Ils ont également demandé la création d’une Commission qui s’efforcerait de trouver les modes de réparation des dommages causés, lorsqu’il a eu transgression du règlement intérieur. Enfin, ils ont insisté sur la nécessité d’un renforcement de l’image de marque du collège, ils souhaitaient pouvoir dire leur fierté d’appartenir à ce type de structure. Il y a donc chez eux un réservoir d’idées que l’on n’exploite pas assez. De cette journée d’échanges, durant lesquelles les élèves ont longuement discuté avec nous lors des temps de repos entre les ateliers, j’ai conservé l’idée, que cette action gagnerait à être menée chaque trimestre. Depuis ce jour , l’ambiance du collège s’est modifiée et les personnes (adultes et jeunes) se respectent bien plus qu’auparavant. J’ai également remarqué que les agents de service, étaient tout à fait disposés à nous aider, si dans notre réflexion sur les sanctions, nous utilisions les travaux d’intérêt collectif. Leur participation à l’équipe­relais, attestait de l’envie d’apporter une aide aux jeunes. Je les ai trouvés faisant preuve de davantage de bon sens que les enseignants, notamment en ce qui concerne la gestion des entrées et des sorties de l’établissement. Je ne crois pas à l’école­sanctuaire, je pense que les adultes pourraient eux aussi y trouver des lieux de formation continue. Mais cela demanderait à ce que des liens se tissent avec les partenaires que les adolescents côtoient, lorsqu’ils ne sont pas dans le lycée et retrouvent des adules ayant une autre fonction dans la ville. Je veux parler de tous ces volontaires :responsables d’associations de quartier, élus locaux, médiateurs sociaux, éducateurs. Avant de terminer cette discussion avec vous, je voulais insister sur le plaisir éprouvé à oeuvrer en votre compagnie et vous dire combien je partage vos attentes à l’égard de la jeunesse. Il y a bien en eux, tout un potentiel qui nous permet d’être des adultes remplis d’espoir. Ils sauront nous succéder en transmettant à leur tour nos valeurs ». ENTRETIEN N° 17

L.V.B Madame H.V. Personnel administratif appartenant à l’équipe­relais

Je regrette que ce travail d’équipe, n’ait pas pu s’étaler sur plus d’une année. J’y retrouvais une reconnaissance, tout en découvrant que beaucoup de mes agents 287


souhaitaient une modification des conditions pratiques de la scolarité. Je saisissait plus finement, les désirs d’amélioration, manifestés par les différents services, pour transformer le lieu scolaire en un espace où les jeunes, puissent se retrouver ensemble dans des actions positives. Il me semble que la violence entre élèves ou dans une classe à l’égard du professeur, traduit une absence de communication. Déjà les adultes ont du mal à échanger. Je vois ce qu’il en est des mauvaises conditions d’accueil des remplaçants ou des stagiaires. Pourtant mes agents ont pour la plupart un véritable sens de l’autre . Quand dans les réunions de service, ils évoquent les injustices dans le traitement de certains élèves, je découvre qu’ils ont un regard lucide sur le fonctionnement. Ayant accepté de favoriser l’existence de réunions destinées à préparer la rentrée, j’ai découvert que ces professionnels constituaient un réservoir d’idées et de disponibilités à l’égard de ces jeunes reçus pour plusieurs années. Il est regrettable, que sous prétexte de surcharge de travail, le chef d’établissement ne puisse assister à ces échanges, car il apprendrait beaucoup sur les effets positifs de la mise en commun des ressources des individus. Dans l’équipe­relais, je sentais une liberté de propos des A.T.O.S., quand ils évoquaient les modifications éventuelles à apporter à l’établissement . Ce groupe commençait à se structurer et il est peu satisfaisant de voir que tout s’est arrêté. ENTRETIEN N° 18

L.C.L. Monsieur F.B. Personnel administratif , n’appartenant pas à l’équipe­relais.

« Assumant une partie du fonctionnement de l’établissement, j’ai découvert les modifications observées suite aux travaux de l’équipe­relais, qui avait été lancée par le médecin scolaire . Ce changement me semble lié à deux types d’actions : d’une part ces journées trimestrielles de formation ouvertes à tous les personnels, et d’autre part la taille du groupe appelé équipe­relais.

288


Pour le premier point, l’articulation entre ce groupe de réflexion et les temps destinés aux apports théoriques (auxquels je participais) m’est apparu un élément essentiel . Il existait des liens entre cette commission et l’ensemble de l’établissement ; or ce type de fonctionnement est toujours bénéfique. Pour le second point, la taille relativement réduite du groupe, (le nombre des participants étant limité à douze personnes), apportait les conditions d’efficacité nécessaires. J’ai appris dans ma formation , que ce chiffre de douze offre les garanties d’un plus grand sérieux , tout en assurant les possibilités d’expression de chacun. Ce qui m’a le plus étonné, tenait à la composition du groupe : sept enseignants et cinq A.T.O.S. Je m’étais interrogé sur les capacités des uns et des autres à pouvoir échanger. Ma surprise a été complète lorsque j’ai découvert sur les panneaux d’affichage, le compte­rendu de cette commission, qui nous informait régulièrement de ses travaux. La parole circulait donc et ce n’était pas un lieu où l’on se regarde le nombril. La lecture de cet écrit apportait la possibilité de comprendre la progression des idées, tout en laissant la possibilité de pouvoir ainsi être consulté en tant que professionnel n’appartenant pas à l’équipe. Il semble que nous pouvons rattacher la modification de l’ambiance, aux effets liés à la constitution de cette équipe­relais . Depuis ce moment, un nouveau vent souffle dans le lycée, les adultes se parlent et les élèves me disent qu’ils se sentent mieux considérés. Ils ajoutent que ce travail des adultes en direction de projets dans l’avenir, leur a fait percevoir qu’ils étaient dignes d’intérêt, même si cette réforme concernera les élèves de l’an prochain. Ils paraissent plus calmes, il y a plus de discussions dans les intercours et moins de bagarres. Je voudrais ajouter que cette reconnaissance de notre capacité à pouvoir porter un regard juste sur les élèves, et d’être entendu à ce sujet, m’a permis de mieux comprendre , ce qui avait été mon choix d’un métier au sein de l’Education Nationale. Il me semble que les différents professionnels oeuvrant dans le lieu scolaire devraient se sentir complémentaires pour réaliser des actions, comme cela a été possible dans notre établissement. Pourquoi les adultes sont­ils aussi conservateurs, lorsqu’il s’agit de faire progresser une structure ? 289


ENTRETIEN N° 21

L.V.B.Madame L.R.,personnel de cuisine n’appartenant pas à l’équipe­relais

« Ayant entendu évoquer votre nom, lorsque le proviseur –adjoint m’a demandé si je pouvais faire partie de l’équipe­relais, j’ai tout de suite donné mon accord. Mes collègues m’avaient vanté vos talents, puisqu’ils vous avaient entendu dans des séminaires du C.A.F.A. intitulés « A l’approche de l’adolescence ». Vous étiez décrit comme un personnage utilisant une langue claire, sachant favoriser la compréhension de textes difficiles en les illustrant par des situations concrètes. En participant à l’équipe, je m’attendais à être submergé par un afflux de savoirs psychologiques, que j’aurais eu du mal à digérer. Par votre présence vous avez facilité les échanges entre nous. J’ai pu écouter les enseignants et madame la proviseure­ adjoint, qui abordaient des sujets que je connaissais. J’ai pu donner mon opinion et me suis sentie partie prenante dans les actions qui ont été engagées. Les discussions à partir de vidéo­cassettes m’ont enrichie et j’ai tiré un grand profit des formations réalisées dans l’équipe relais. L’impression que les enseignants enfermés dans leur savoir, avaient tendance à nous mépriser, s’est drôlement atténuée, et j’ai éprouvé du plaisir à échanger avec certains d’entre eux . Nous pouvions ensemble envisager des actions en faveur des élèves. Cela a été pour moi une découverte. Malgré le départ de l’ancien proviseur, il faut que nous continuions dans ce sens. En ce moment je viens avec joie au travail , et ma tête fourmille d’idées. Au début de l’entretien, vous m’avez demandé de réfléchir sur des valeurs et des attentes. J’ai retrouvé avec une certaine émotion , des termes très proches des propos tenus par ce grand père que j’admirais. Je ne dis pas cela pour vous signifier que vous appartenez à une autre époque, mais parce que cela me pose question. Qu’est­ce qui fait que l’école n’enseigne plus aux jeunes ces valeurs, qui permettaient de trouver un sens à sa vie ? Pourquoi nous parle­t­on tellement de programmes, et de l’importance

290


des diplômes ? Dans ma famille l’essentiel était d’avoir acquis les données essentielles pour continuer à apprendre chaque jour de sa vie. Régulièrement j’essaie de me perfectionner et j’évoque de nouvelles recettes que j’ai essayées. Je me sens de plus en plus dans une fonction qui vise à transmettre les éléments de base de l’alimentation . Lors des réunions de la Commission des menus, je sens les élèves devenir de plus en plus attentifs à mes propos. Il y a certainement pour nous adultes une tâche à remplir, car les attitudes et les égarements des adolescents m’apprennent qu’ils ont besoin d’un cadre et de repères. Je ne voudrais pas être à leur place, je ne les envie pas. La rédaction d’un écrit résumant régulièrement l’état de ses travaux, a été pour moi, un temps fort de l’équipe­relais . Dans cette rédaction, faite en commun, j’avais l’impression que nous faisions passer des messages à nos jeunes et qu’ils allaient nous regarder autrement. Je ne m’étais pas trompée,ayant observée par la suite que les élèves , ne nous interpellaient plus comme ils le faisait antérieurement , et nous parlaient avec respect. En échange, je faisais de même, et ces jeunes se sentaient heureux d’être considérés comme des grands. Je ne devais pas être la seule à agir ainsi , car l’ambiance s’est progressivement modifiée. Parmi les actions menées par l’équipe­relais il en est deux qui m’ont particulièrement intéressée. La première c’est l’idée de la création d’une cellule­écoute, en sachant que les jeunes m’en ont beaucoup parlé, m’ayant repéré sur le tableau des photographies des membres de l’équipe. Ils trouvaient que l’idée de retrouver dans cette permanence, un adulte et un élève du lycée, en faisait un lieu différent. D’une part , on ne pouvait pas penser qu’il s’agissait d’y déposer des propos intimes ,mais la présence d’un élève le caractérisait comme un relais permettant d’y demander des conseils, ou d’éventuelles suggestions. D’autre part le fait d’une rencontre à trois tendait à prouver que les accueillants s’inscrivaient dans la confidentialité. J’ai beaucoup regretté que suite à un ordre d’un responsable des médecins scolaires, tout s’arrête brutalement. C’est la seconde action, qui m’a le plus étonnée, alors que j’aime beaucoup le théâtre, faisant partie actuellement d’une troupe d’amateurs. Je ne pensais pas à une telle qualité du débat entre jeunes et adultes, après la production des dix scénettes. Ayant assisté aux deux représentations (cela s’est produit un de mes jours de repos), la 291


richesse des échanges et le respect de la parole de l’autre m’ont enthousiasmée, alors que dans chaque séquence le public était différent. J’avais l’impression que transportés dans un autre lieu les gens se comprenaient. En fin de cet entretien, je dirais que j’attends la reprise de ce travail , pour continuer en groupe, à promouvoir des actions. Je garderai un bon souvenir de cet entretien, ou après le temps rigide du questionnaire, j’ai pu discuter avec vous sur mes valeurs et mes attentes à l’égard des jeunes. Je retiendrai avant tout : aider le jeune à élargir sa conception des choses et des êtres, car nous lui laissons bien peu de temps pour réfléchir. Il est regrettable que cette équipe­relais n’ait fonctionné que quatre mois. J’avais trouvé que notre infirmière avait impulsé une très bonne idée. L’élève n’était plus seulement une tête qu’il fallait remplir de connaissances , afin que le jour de l’examen il ressorte avec un diplôme, mais un adolescent ayant une vitalité personnelle. La composition de cette équipe où pouvaient échanger des professeurs et des agents de service, me paraissait correspondre à l’évolution de l’époque actuelle. Mener ensemble des actions en commun me paraissait être la meilleure façon d’envisager l’avenir et ainsi d’atténuer les manifestations de violence. Les élèves avaient paru surpris en constatant que sur les photographies, l’équipe comportait d’autres personnes que les enseignants. Certains jeunes que je connaissais ont trouvé que cette création allait peut­être réformer l’établissement , qu’ils trouvaient trop pris dans la reproduction d’attitudes dépassées. Il y avait chez eux toute une énergie qu’il fallait utiliser dans un projet pour les années suivantes. J’ai été très étonnée quand j’ai appris que suite à ce stade préliminaire, l’équipe­relais officielle ne serait jamais constituée. Ma déception a été importante, mais je crois que beaucoup d’élèves ont éprouvé la même désillusion. Pourquoi le chef d’établissement n’a­t­il pas souhaité un prolongement de cette réflexion ? Pourquoi a­t­il craint que l’on touche à son pouvoir, alors que sa participation à ce groupe de travail, n’aurait fait que renforcer son autorité » ENTRETIEN N° 22

292


L.C.D. Madame L.B. Agent de service E.O.A. n’appartenant pas à l’équipe­relais

« Lorsque j’ai su que des adultes allaient pouvoir se rencontrer à 19 heures dans les locaux de l’établissement, j’ai pensé que c’était une tocade de la direction ; en estimant que ces volontaires avaient toutes une vie familiale dont elle devait tenir compte. Je me suis demandé s’il ne s’agissait d’une action en réponse à un texte administratif. Interrogée par moi, Madame la Conseillère Principale m’a déclaré qu’il y avait bien, un écrit émanent du Ministère. Cela m’a donc confirmé dans mon impression d’une action qui serait de courte durée. Depuis mon embauche au sein de l’Education Nationale , j’en ai tellement entendu parler de ces réunions rassemblant des personnes altruistes, qui sont restées sans lendemain. Dans mon lycée, il y avait un fait nouveau , c’est qu’il était demandé à des professionnels appartenant à différentes catégories, de réfléchir sur l’aide à apporter aux élèves. L’équipe­relais, tel était le nom donné à ce groupe. Donc des personnels, peu considérés comme moi, pourraient faire part de leurs réflexions et apporter des suggestions. Cela devenait intéressant , mais je voulais attendre et ainsi voir ce qui allait se passer. J’en ai parlé à une professeure de mathématiques qui faisait partie de cette équipe.Elle semblait enthousiaste à l’égard de ce type de travail. Elle avait noté que des agents de service avaient une connaissance des élèves, que n’avaient pas certains enseignants de ce groupe. Cette pédagogue m’a déclaré que serait déposé régulièrement sur les panneaux d’affichage, un résumé traitant des thèmes abordés et des projets en cours de réalisation, afin que ceux qui n’en faisaient pas partie soient tenus au courant. J’ai pensé qu’il y avait dans cette équipe le souci d’une information de tous, aussi bien des adultes que des élèves. Cela me paraissait trop beau pour être vrai. J’ai donc continué à observer ce qui allait survenir. Lorsque j’ai lu que l’on avait fait venir dans le groupe, des éducateurs et des médecins qui parleraient de l’aide aux consommateurs

293


de produits toxiques ; j’ai pensé que cette action allait imiter les émissions de télévision. Je suis restée très méfiante. Mon opinion s’est modifiée, lorsque dans l ‘écrit suivant on pensait à la création d’une permanence, se situant durant les heures des repas, pour écouter les élèves en difficulté. Je me suis dit , on va enfin s’intéresser à nos jeunes. Certains adolescents que je rencontrais dans les couloirs me disaient que c’était une bonne idée, notamment, pour ceux qui ne voulaient pas se rendre à l’infirmerie. Pour moi, le lieu où se trouve les infirmière, est réservé aux malades. Je comprenais que cette cellule « Accueil­relais », puisque c’était le nom qui avait été trouvé, pouvait être plus facile d’accès , pour les plus fragiles ou ceux qui se plaignaient d’être dans le malaise. Il y a une autre action qui a été satisfaisante. Il s’agit de ces séances théâtrales réunissant tout le monde, et en plus en acceptant les parents. Dans une grande salle les lycéens ont proposé des scénettes, correspondant à des situations vécues. Ces spectacles car j’ai pu être présente aux deux séances, m’ont apporté beaucoup, sur les qualités et le sérieux des jeunes, qui jouaient leur rôle avec application. Après la fin du spectacle j’ai remarqué combien étaient riches les discussions et comme les gens arrivaient à s’écouter. Il s’agit, je le crois, d’un nouveau moyen de communication permettant aux individus de mieux se parler. Depuis ces actions dans notre lycée, l’ambiance m’a paru se modifier, et pour moi je considère différemment les élèves. Eux aussi me regardent d’un autre œil et me posent beaucoup de questions. Je souhaite que le nouveau proviseur continue de telles actions pour que l’établissement s’ouvre de plus en plus sur l’extérieur ». ENTRETIEN N° 23

C.D.D. Madame F.B. Agent de service n’appartenant pas à l’équipe­relais

« Nous avons un médecin scolaire, qui est une femme remarquable, et qui pour moi, reste très disponible pour nous fournir des conseils. Elle a sa maison, pas très loin du 294


village où j’habite. J’ai su par ses voisins que sa vie n’était pas simple. C’est peut être pour cela qu’elle me paraît plus humaine. Elle a su me remonter le moral , au moment où, déçue par la vulgarité des élèves, et leur manque de respect à mon égard, je pensais à démissionner. Elle m’a appris que Madame la Principale avait l’intention de créer une équipe de volontaires qui allaient réfléchir sur les faits de violence apparaissant de plus en plus fréquemment dans le collège. Il est vrai que sur le trottoir bordant l’entrée de l’établissement se passent des choses « pas très chouettes » = bagarres, moqueries à l’égard des plus faibles ou des plus jeunes, menaces envers ceux qui sont trop bien habillés. Il y aurai de racket, que je n’en serais pas autrement étonnée !... Dans cette équipe appelée « équipe­relais », on retrouve des volontaires de toutes catégories qui veulent agir pour modifier le comportement des élèves. Les collègues qui appartiennent au groupe m’ont dit qu’ils allaient revoir le temps d’accueil avant la prise des cours et comprendre ce qui se passe sur le trottoir. Si les élèves sont pénibles, c’est je pense, parce qu’ils ne sont pas assez encadrés. Quand j’étais collégienne, de telles situations de violence n’existaient pas. Il est donc temps de s’en occuper. Dans un premier temps je me suis demandée, si nous agents de service ou cuisiniers, nous avions une connaissance suffisante des collégiens. Puis repensant à ma jeunesse, je me suis souvenu que je posais souvent des questions à une dame, chargée du nettoyage et qui de plus était une amie de mes parents. Cette personne me paraissait avoir du bon sens et je profitais largement de ses conseils. Il y avait donc chez ces professionnels , qui ne font pas la classe, un savoir sur le comportement des adolescents inscrits au collège. Il pouvait donc être intéressant de recueillir leurs remarques sur le fonctionnement des uns et des autres dans l’établissement. Madame le Médecin scolaire, interrogée par moi, m’a dit que cette équipe­relais rassemblait aussi bien des professeurs que des salariés qui sont chargés de la maintenance. Les discussions qui avaient lieu, permettaient de partager le souci d’améliorer l’ambiance de l’établissement. Elle a ajouté qu’elle voyait apparaître des pistes de travail , mais que cette commission allait sûrement trouver d’autres réflexions. 295


Parmi les idées que rapportait ce médecin, certaines me semblaient correspondre aux valeurs et aux attentes sur lesquelles vous m’avez questionnée au début de l’entretien. Les thèmes qui me tiennent à cœur : réfléchir à l’accueil des nouveaux et des anciens, remettre en évidence la notion de limites pour les adultes et aussi pour les élèves. Il y a aussi mon envie de voir se produire des échanges avec les adultes qui s’occupent des jeunes à l’extérieur. Cette ouverture sur l’extérieur ,me paraît importante , car il n’y pas que le temps où ils sont à l’école. Je regrette le fait que mes occupations familiales ne me laissent guère du temps pour participer aux travaux de cette équipe. Peut­être le pourrais­je une autre année ? » ENTRETIEN N° 24

L.D.J. Monsieur L.B. Agent chargé de la maintenace, (ancien plombier­ chauffagiste) n’appartenant pas à l’équipe­relais.

« Vous me demandez ce que je pense de cette équipe­relais qui a été mise en route par la direction et je vais essayer de rassembler les souvenirs que j’en ai gardés. Il y avait tout d’abord ce groupe de quatre C.P.E. qui étaient très actifs, mais un peu turbulents quand ils avaient fini leur journée. Il est vrai que s’occuper de la vie scolaire avec l’obligation de cadrer les adolescents d’aujourd’hui, devaient leur demander des efforts. Ils avaient sûrement le besoin de décompresser… Dans cette même équipe de direction , il y avait une personne dont j’ai regretté vivement le départ, il y a six mois, c’était l’infirmière très attentive à tous , et qui a lancé ce groupe de réflexion, dont elle avait entendu vanter l’intérêt par une collègue. Présidant aux destinées du Lycée, il y a également Madame le Proviseur­adjoint qui a contribué au lancement de ce groupe. Je la rencontre régulièrement, et je peux affirmer que cette personne n’est pas fière. Certes , elle a eu besoin de mes services pour des problèmes de plomberie dans son logement de fonction. Mais j’ai remarqué qu’elle profite de nos inspections de l’établissement , lors du contrôle des vannes eau chaude­eau froide, pour me demander ce que je pense du fonctionnement de l’institution.

296


C’est ainsi qu’elle m’interroge sur l’ambiance du Lycée, ou sur l’image de marque de l’établissement dans la tête des habitants de la ville. Ayant été artisan, avant d’être embauché comme agent, j’ai conservé beaucoup de relations à l’extérieur. Je lui ai souvent déclaré que les parents que je connaissais semblaient fort contents de sa façon de diriger. Les adultes me faisaient part de leur souhait d’une école, restant un lieu , où les élèves puissent dans un espace sécurisant , mener jusqu’au bout leurs apprentissages. C’est ainsi que j’ai pu lui dire que certains parents aimeraient lui apporter leur concours pour des actions se situant à l’intérieur : organisation de portes ouvertes, de matinées d’information sur les métiers, exposition de travaux d’élèves, cours du soir pour adultes… C’est en faisant une tournée d’inspection de l’établissement que j’ai pu lui signaler une nouveauté : les écrits réguliers de l’équipe­relais sur les panneaux d’affichage. Elle m’ alors confirmé qu’elle avait mis sur pied cette équipe en s’appuyant sur l’infirmière et les C.P.E. Elle a ajouté que l’équipe faisait régulièrement part de ses travaux, afin que toute personne intéressée puisse lui faire parvenir en échange ses propres suggestions. Faisant plus attention à ce que pensaient mes autres collègues, j’ai remarqué, qu’ils ont progressivement eu envie de faire partie de cette équipe. Je ne sais pas, si je pourrai être un jour admis comme participant, mais je reste toujours très intéressé par ce qu’elle va apporter dans le lycée. Il est une question que je me pose fréquemment et pour laquelle je n’ai pas encore obtenu de réponse. Comment pourrais­je être reconnu comme accompagnant d’un élève peu motivé par sa scolarité, en lui permettant de retrouver l’estime de soi et en lui faisant sentir que dans la maintenance, comme dans tout autre métier on ne peut progresser qu’en faisant des efforts. Dans mon passé d’artisan, j’ai eu prés de moi en stage des jeunes scolarisés dans un lycée professionnel. Certains de ces jeunes devenus aujourd’hui de bons artisans, me remercient de ce qu’ils ont appris en ma compagnie ». Le sens de l’effort, et l’acceptation d’étapes progressives, pour une meilleure maîtrise du geste professionnel, pourraient sans doute être acquis, par des stages en alternance auprès des agents de service.Il y aurait certainement quelque chose à faire passer par l’exercice d’un travail manuel pour des adolescents qui ne comprennent pas le sens de 297


l’école. J’ai pu voir avec mes stagiaires en plomberie, qu’une plus grande confiance en soi, s’accompagne d’un regard favorable porté sur soi et diminuant le sentiment d’injustice, freine les réactions de violence. Si j’essaie d’analyser les modifications que je perçois dans notre lycée, je constate que l’ambiance s’est vraiment modifiée et que mes collègues se sentant reconnus sont de meilleure humeur et plus agréables à fréquenter. Ils parlent bien plus avec les élèves. Nous ne sommes plus dans les affrontements de deux mondes qui se méprisent , depuis que notre direction a pu par une exposition, vanter les mérites du travail manuel. Je pense que les élèves respecteront d’autant plus leurs professeurs, que ces derniers autoriseront certains directeurs de petites entreprises à animer des débats dans leur salle de cours. Il faudrait que l’équipe­relais puisse mener des actions valorisant davantage l’amour du travail bien fait, que l’entrée à l’Université. Il y a semble­t­il trop d’étudiants qui reculent l’entrée dans la vie professionnelle qui leur fait un peu peur, tant ils ont vécu dans un monde artificiel ». ENTRETIEN N° 25

L.D.J. Monsieur B.L. Professeur de Dessin, n’appartenant pas à l’équipe­relais « Lorsque en début d’entretien, vous m’avez posé ces questions sur les huit valeurs auxquelles vous sembliez attacher du prix, j’ai retrouvé des termes qui appartiennent à l’éthique. Les questions que je me pose sont les suivantes : pourquoi faut­il attendre que le jeune soit au lycée, pourquoi la transmission de ces valeurs ne serait­elle intégrée dans l’enseignement délivré à l’école primaire ? Ce que vous me racontez aujourd’hui arrive pour moi trop tard dans la scolarité. Je trouve donc votre attitude fort critiquable. Ce que vous pensez, je m’en moque… Si, je me calme, parce que vous me paraissez être de bonne foi. Je peux ajouter que ces valeurs que vous nous rappelez sont bien le soubassement de ce qui devrait correspondre aux finalités de l’école. La notion de Collège Unique aurait­«elle fait oublier qu’il n’y a pas si longtemps, à l’âge de quatorze ans et le certificat d’études en 298


poche, l’adolescent avait acquis le bagage permettant de vivre parfaitement adapté dans la société. L’obligation scolaire jusqu’à l’âge de seize ans a­t­elle occulté le fait qu’il y a tout un ensemble de données qu’il faut avoir acquises, avant que ne survienne la crise d’identité, (terreau de choix pour les manifestations d’opposition si fréquentes à l’adolescence). Dans mes cours de dessin et d’arts plastiques, j’essaie d’inculquer le sens des apprentissages, les travaux coopératifs, la vitalité personnelle. Dans le même temps je leur montre des diapositives représentant des chef­d’œuvres, pour élargir leur conscience des êtres et des choses. J’ai été informé qu’il y avait un équipe­relais, réunissant des volontaires. J’ai peu de liens avec les professionnels de ce lycée, car je demeure à cent kilomètres. Si j’habitais sur place , j’aurai sûrement demandé à être accepté dans ce groupe. Je crois que des adultes de professions différentes peuvent susciter dans une école, des actions innovantes entraînant des modifications de l’ambiance et une plus grande participation des élèves. Un collègue professeur de dessin dans un autre collège m’a décrit les actions bénéfiques déployées dans son établissement par le travail de l’équipe­relais . Il évoque le sérieux qui a été introduit par des discussions en classe, avec un juge des enfants accompagné d’un fonctionnaire des services de la police. Ces élèves ont par la suite demandé à pouvoir construire une exposition ayant pour titre « les droits et les devoirs des élèves ». Donc à vous entendre, si je veux être logique avec les valeurs que je défends, je devrais mener des ateliers permettant aux élèves de trouver le signification de ce qu’on leur apprend durant leur scolarité. Je vais voir ce que je peux faire ».

ENTRETIEN N° 26 L.C.D. Monsieur F.M. Professeur d’éducation physique et sportive, appartenant à l’équipe­relais

299


« Depuis des années , je ne voyais pas un grand intérêt à échanger avec les membres de l’équipe pédagogique d’une classe. Nous n’avions pas le même regard sur l’élève, et nos discussions apportaient peu d’éléments pour évaluer ses capacités. Or le fait d’appartenir à l’équipe­relais a modifié totalement mon regard sur les pédagogues, quoique de temps à autres je me dois de tempérer leurs actions. Par exemple je n’ai pas compris les propositions d’ateliers animés par un juge des mineurs ou par un éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse. Dans le Centre Educatif et Thérapeutique où j’avais fait un stage, cela me paraîtrait plus approprié. Je n’ai pas non plus bien saisi la raison de séquences de formation concernant la gestion des conflits. Ce thème pour adultes, il nous a été enseigné , en utilisant la technique des jeux de rôle par nos formateurs de l’UFR­STAPS, alors pourquoi le reprendre ? Ce désaccord mis de côté, je viens avec plaisir aux réunions du groupe. Ce qui me plait dans ce travail, c’est de réfléchir avec les agents de service et les personnels non­ enseignants. Leur présence dans l’équipe a freiné la superbe des professeurs. En découvrant que d’autres professionnels ont une meilleure connaissance du fonctionnement de l’institution, ils s‘expriment avec bien moins de componction. Certains sont modestes et avec ceux là la discussion est agréable. Nous avons demandé une formation et je pense que nous allons nous engager dans des actions. Nous sommes vraiment au début de tout un mouvement et j’attends donc la suite. Ces échanges avec les agents de service m’ont fait découvrir,qu’ils peuvent être nos alliés, lorsque nous voulons sanctionner un élève, en lui imposant un travail d’intérêt collectif. Je ne les savais pas aussi lucides sur le côté dérisoire des prescriptions d’heures de retenue. Si notre équipe fonctionne bien je pense que nous allons ensemble pouvoir modifier le climat et créer des lieux d’échanges entre les adultes , et d’autres lieux avec les élèves ». ENTRETIEN N° 27

L.C.D. Monsieur G.S. Professeur d’education physique et sportive. N’appartenant pas à l’équipe­relais. 300


« Autant j’étais d’accord pour vous rencontrer en entretien ; autant votre questionnaire m’a hérissé le poil. Je me suis contenu, alors que le plus souvent je suis d’un tempérament explosif, car j’avais entendu évoquer votre nom bien avant que je vous retrouve dans ce lycée. D’autres professeurs d’éducation physique vous avait eu comme formateur dans un module intitulé « Le corps à l’adolescence ». Cette rencontre s’était déroulé à Montchanin durant quatre journées. Ces collègues m’avaient faire part de votre envie d’aider l’élève en se servant de l’approche sportive. Ils m’avaient rapporté l’impression de bien­être produite par ces journées de réflexion, tant par le travail en groupe que par la qualité des exposés. Je reviens donc sur mon désaccord en ce qui concerne quelques valeurs mises en parallèle. Pourquoi insistez­vous sur la croyance en la nature humaine ? N’êtes­vous pas un de ces nostalgiques du passé, qui ne supporte pas la société actuelle. Celle­ci paraît proche des options de Hobbes et cultive les bienfaits de l’individualisme. En tant que sportifs, nous aimons la compétition qui va désigner le ou les meilleurs. Vous mettez également en évidence : « grandir pour le profit de la collectivité ». Ne craignez vous pas que cette idéologie ne dérive vers le collectivisme , avec une restriction de la liberté de l’individu ? Il est possible que je n’ai pas exactement compris le sens de votre questionnaire et que ce ne soit qu’une légère différence de vue. J’adhère par contre aux autres valeurs que vous avez énoncées, et je trouve que l’enseignement les suppose acquises par celui qui vient s’instruire. Les familles sont de plus en plus en difficultés pour édifier les fondements nécessaires pour vivre en société. Mes rencontres avec les parents dans le club sportif où j’entraîne les jeunes à pratiquer le hand ball, me révèlent le manque à ce niveau. Par contre j’ai encore moins apprécié vos interrogations sur les actions que peut conduire une équipe. Je ne vois pas l’intérêt de temps de rencontre entre un Juge des Mineurs ou encore un fonctionnaire des services de police. Je me demande, si en tant que psychiatre, vous n’êtes pas trop centré sur la délinquance. Vous avez trop 301


longtemps exercé votre art dans les Centres Educatifs. Mon opinion est qu’il faut laisser les jeunes se construire par la confrontation avec la réalité et que l’école ne peut constituer un endroit axé avant tout sur la prévention et la répression. Les adolescents ont d’autres lieux dans la cité, pour se confronter aux règles et aux normes de la vie en société. Mais cette discussion demanderait un temps d’échanges plus important , afin que vous m’expliquiez les effets produits par ces ateliers dans d’autres collèges. Si je reviens aux raisons qui m’ont conduit à ne pas faire partie de l’équipe­relais, je les trouve assez variées. Tout d’abord je rappellerai mes divergences de vue avec les membres de l’équipe pédagogique. Lors d’un Conseil de Classe, en tant que professeur d’EPS, nous n’avons pas l’impression que nous parlons du même élève. Notre envie d’aider l’adolescent dans le développement de sa vitalité personnelle est rarement prise en compte dans l’évaluation des résultats de ses efforts à acquérir des connaissances. Nous ne sommes pas non plus en accord avec les sanctions proposées lorsque des élèves ont transgressé le règlement intérieur. J’aurai aimé pouvoir discuter avec des professeurs sur le fait que certains d’entre eux ne savent pas faire de leur classe un lieu où l’on se sente en sécurité , permettant d’analyser ses erreurs et de pouvoir ensuite les surmonter ».

ENTRETIEN N° 29

L.D.J. Madame M.F. Professeur de lettres , appartenant à l’équipe­relais

« J’ai accepté de partager cet entretien, car j’ai toujours été intéressée par les recherches sur le terrain. J’avais imaginé que vous me poseriez des questions sur mon travail en équipe et je m’étais préparée à vous livrer mes observations sur ces échanges encore assez nouveaux pour moi. Les discussions avec les personnels qui ne sont pas des pédagogues, m’ont apporté beaucoup. Je ne pensais pas qu’ils avaient les moyens de faire une analyse aussi pertinente du fonctionnement de notre établissement. Dans l’installation de l’équipe­relais Madame la proviseur­adjoint a su s’appuyer sur les C.P.E. et l’infirmière . Je pensais que nous retrouverions le discours habituellement 302


tenu. La participation des agents de service a donné au groupe une physionomie différente. Vous envisagez sans doute que je suis surprise du peu de temps que vous me laissez pour répondre à vos questions. Je partage en partie vos valeurs et vos attentes, mais la réalisation d’un atelier avec un policier ou un juge me dérange ; Que voulez­ vous signifier par l’expression « croyance en la nature humaine », alors que les jeunes ne sont plus élevés correctement par leurs parents. Vous me semblez parler davantage de croyances que de valeurs. Voilà mes impressions. » ENTRETIEN 30

L.C.D. Madame S.T. Professeur de lettres, appartenant à l’équipe­relais

« J’aurais aimé reprendre avec vous l’histoire de notre groupe. Je pense qu’il a eu des effets bénéfiques sur le climat qui règne dans l’établissement. Il y a bien moins de violence. Les adultes se parlent et les élèves manifestent davantage de respect à notre égard. J’ai dans ma classe un élève suivi par une éducatrice. J’aimerais la rencontrer , mais elle est peu disponible. J’ai été étonné par cette sanction donnée à un élève : sanction correspondant à un travail d’intérêt général . Je pensais qu’il ne s’exécuterait pas . Or il a eu l’air très satisfait et son comportement a changé. Je suis donc favorable à l’idée de travailler en partenariat. Par contre je ne suis pas entièrement d’accord avec certaines de vos valeurs. Que voulez­vous signifier par grandir pour le profit de la collectivité, alors que nous sommes de plus en plus individualistes ?.... » ENTRETIEN 31

L.V.B. Madame E.V. Professeur de lettres , n’appartenant pas à l’équipe­relais.

« D’accord avec vos valeurs et vos attentes. J’ai envie que l’on retrouve dans l’école la même ambiance que lorsque j’y étais élève. Il faut de la rigueur. J’ai l’impression qu’en ce moment l’ambiance se modifie, il y a des échanges tant à l’intérieur que sur le

303


trottoir. Pourquoi les élèves nous parlent­ils d’une transformation de l’accueil à la rentrée prochaine ? Les élèves sont plus souriants . De mon côté je suis plus à l’aise et je discute plus avec eux. Je viens avec plaisir faire ma classe. Je constate également que les cuisiniers font des efforts . Cà sent bon dans les cuisines . » ENTRETIEN 32

L.V.B. Madame C.C , Professeur de lettres, n’appartenant pas à l’équipe­relais

Je suis très pressée, mes enfants m’attendent pour faire les courses. Que puis­je vous dire ? Je suis en harmonie avec les valeurs que vous me proposez et j’en parle souvent en classe. Mes élèves ont besoin qu’on leur rappelle ces choses du passé, çà les intéresse. En ce qui concerne les attentes , j’ai envie de m’inscrire, mais je n’ai guère de temps. Cette équipe avec les photos paraît faire du bon travail. On en voit les effets ».

ENTRETIEN N° 35

L.C.L. Madame U.B. Professeur de lettres appartenant à l’équipe­relais

« L’ambiance du collège a continué à s’améliorer, les adultes se parlent, des intervenants issus de l’extérieur continuent à alimenter des réunions-débats,il y a toujours des réflexions sur le mal-être à l’adolescence, nous commençons à réfléchir sur des possibilités d’ouverture sur l’extérieur. Des ateliers de réflexion vont ouvrir pour aborder avec parents et élèves des débats sur de grands thèmes de société. Il existe de plus en plus de possibilités d’introduire les manifestations théâtrales pour favoriser des discussions entre parents–élèves et entre parents et nous salariés du collège ». ENTRETIEN N°42 C.D.D Monsieur G.L Professeur de Mathématiques , appartenant à l’équipe-relais 304


« Pourquoi m’avez-vous posé des questions sur les valeurs et les attentes. Je ne suis pas un gamin. J’ai mes valeurs morales et je m’y tiens. Dans ma classe çà ne bronche pas, ils me connaissent. Quand » je dis oui, c’est oui ». J’ai l’impression de leur fournir un cadre sécurisant où ils peuvent découvrir les mathématiques par la méthode essaiserreurs. Je conçois que l’on puisse faire des erreurs, mais je n’admets pas le mensonge ou les digressions. J’aime bien participer à l’équipe-relais, celà m’apporte beaucoup de rencontrer des gens qui ne sont pas enseignants et qui veulent faire bouger le collège.J’ai l’impression que l’ambiance est en train de changer dans un sens positif. Il n’y a plus de violence et les individus qu’ils soient, adultes ou jeunes, se respectent. » ENTRETIEN N°46 C.B.P . Madame E.L. Directrice de Segpa, appartient à l’équipe-relais « Je suis très étonnée par le comportement d’un adolescent de 14 ans, qui faisait preuve d’une agressivité verbale, en chantant des chansons de corps de garde au début de chaque cours. Certes la professeure d’anglais qu’il dérangeait ainsi, était une jeune et jolie femme. Et j’ai pensé qu’il en était amoureux. Grâce à l’appui du CPE, de l’infirmière et du Principal nous avons pu autoriser l’élève à se rendre au Centre de Planification Familiale, car la sanction était de faire un exposé sur les méthodes contraceptives. Il s’est constitué un dossier destiné à faire un exposé devant toute sa classe . Ses camarades l’ont applaudi pour sa présentation et son texte. Je l’ai moi-même félicité. Depuis il a complètement changé et s’intéresse à sa scolarité. Je ne pensais pas qu’une sanction positive ait un tel effet. Depuis je regarde différemment les adolescents et je réfléchis à toutes les possibilités que peut offrir un collège pour la construction de ces futurs adultes. Ces jeunes que je vais côtoyer plusieurs années, méritent bien que l’on se retrouve avec eux, en dehors des temps pédagogiques.»

2).­ Deux entretiens : ENTRETIEN N° 12

305


L.C.D. Madame E.M. Conseiller Principal d’Education, appartenant à l’équipe­ relais

« L’appartenance sur plus de cinq années à l’équipe­relais m’a apporté beaucoup de satisfaction. J’ai pu rencontrer les enseignants sur un autre terrain car bien souvent je me sens emprisonné dans mon statut de responsable de la vie scolaire. Dans ma fonction de Conseiller d’Education les professeurs m’utilisent pour donner plus de poids à la sanction qu’ils ont déterminée, pour essayer de redresser les erreurs d’un élève. Dans cet effort mené en groupe pour apporter une aide à la construction des jeunes, j’ai constaté un prolongement des actions que je mène déjà dans mon bureau. On oublie trop souvent que le C.P.E. fournit davantage de conseils, qu’il n’enregistre de punitions. En équipe­relais nous avons pu réfléchir ensemble sur le fait qu’il est plus difficile d’être adolescent aujourd’hui qu’il y a quarante ans. La disparition des rites de passage, la faiblesse éducative des familles, renforcent la dépendance du jeune à l’égard de ses camarades de classe, en favorisant l’impulsivité.. Durant les intercours, j’entends les taquineries des plus anciens à l’égard de ceux qui ne suivent pas la mode vestimentaire ou la néo­culture de la jeunesse (alimentation, musique, usage d’excitants, recherche de la défonce) Cela est d’autant plus net, que cette culture se fait suivant l’appartenance à telle ou telle tribu : les surfeurs, les rapeurs, les goths, etc… Les propos étant le plus souvent injurieux, la moquerie dérape en bagarre entre la personne accusée et le moqueur. La limite n’apparaît pas non plus pour marquer la fin de l’adolescence. Que pourrions­ nous inventer pour manifester l’importance de l’anniversaire des 18 ans ? J’ai appris que dans certains Lycées Professionnels, il est fait très attention à ce stade transformant l’ancien enfant en adulte majeur. Le travail de réflexion m’a fait percevoir que nos jeunes recherchent dans le lycée, à s’affronter à la notion de limites. Le rapport à la loi , si l’on reprend l’expression de Philippe MEIRIEU, doit être à nouveau promulgué. Il faut que les adultes osent manifester leur désaccord devant un incident, pour éviter que la loi ne prenne un aspect 306


dérisoire. Il est donc très important qu’il y ait un ensemble de principes sur lesquels tous les adultes du lycée, puisent s’entendre. Le chef d’établissement m’ayant demandé d’être présente , à l’entrée de l’établissement à 7h30, j’ai pu remarquer que le fait de saluer les élèves modifiait leur attitude. Cela m’a conduit à inciter l’équipe à réfléchir sur la notion de l’accueil.. Après un long débat entre nous, il a été possible de s’engager dans une concrétisation de nos intentions . Les propositions visant à modifier certaines habitudes ont eu des effets étonnants. Les adolescents s’appropriaient à nouveau les règles de politesse. Ils étaient plus respectueux à l’égard des agents, alors qu’antérieurement ils les considéraient comme leurs inférieurs. Depuis que l’équipe­relais a proposé à tous et cela régulièrement, un petit texte résumant l’état de ses travaux, un climat d’entraide est apparu. Non seulement les adultes échangent volontiers, mais l’ambiance s’est considérablement modifiée. Au moment où les élèves se sentaient considérés, comme des êtres en devenir , il est dommage que nous ayons dû stopper , le fonctionnement de la cellule « Accueil­relais ». Je reste persuadée que si elle avait pu continuer, nous aurions retrouvé de plus en plus d’adultes à partager les mêmes valeurs. Je garde de ce travail en équipe un constat rassurant qui est le suivant : nous sommes nombreux dans l’établissement à penser que l’on pourra obtenir davantage de coopération de nos jeunes, si nous leur permettons de comprendre le sens des études qu’ils poursuivent. Un autre point nous semble remarquable : celui d’avoir donné une place dans l’équipe­ relais à des personnels non­enseignants, n’appartenant pas à l’équipe de direction : agents de service, personnels de la cuisine, membres de l’administration. Comme la composition de l’équipe a été illustré par des photographies, tout le monde a été au courant. Il en est découlé une modification du regard porté sur les uns et sur les autres. La notion de respect de l’autre ayant été mis à l’honneur, les élèves se sont sentis traités avec plus de considération et l’ambiance s’est bien améliorée. C’est ainsi que la reconnaissance de l’utilité de la fonction de chaque salarié du Lycée, a créé un esprit

307


maison , et rendu attentif les élèves aux remarques qui leur étaient faites par des personnels ATOS. Suite aux relations que j’ai pu avoir avec l’équipe­relais, s’est alors posée la question de l’utilité des heures de retenue quand l’adolescent avait manifesté un trouble du comportement. Nous avons pu créer une Commission de réflexion, ayant pour intitulé « un autre regard sur la sanction ». Enfin j’ai pu noter que d’autres établissements ont pu utiliser l’espace scénique. Il nous a été projeté en formation continue la vidéo intitulée « la barrière bleue », où l’on observe la capacité des élèves à mettre en scène les soucis de leur vie actuelle. La descrpition de la réalité est possible puisqu’elle empreinte les voies du jeu et de l’imaginaire. Il me restera de ce parcours l’idée que nous n’utilisons pas assez le théâtre. La production de scénettes, écrites puis présentées sous forme de spectacles m’a apporté beaucoup sur le sérieux et l’authenticité de nos élèves. Il me paraît donc regrettable au niveau d’un maillage externe, que nous n’ayons pas encore pu favoriser l’élaboration d’une association d’anciens élèves. Nous aurions ainsi des partenaires qui pourraient animer des tables rondes. Entretien N° 20 L.D.J. Monsieur H.M. personnel de cuisine, ne participant pas à l’équipe­relais. « Je ne m’attendais pas à ce que la rencontre avec vous débute par une série de questions, auxquelles je ne pouvais répondre que très brièvement. Mais, au fur et à mesure de l’entretien, je me suis rendu compte que si vous ne m’aviez pas prévenu avant de commencer, je n’aurais sûrement pas arrêté de parler des valeurs auxquelles je crois. Dans mon enfance, un voisin chez lequel j’allais désherber les platebandes essayait, tout en m’accompagnant, de m’inculquer sensiblement les mêmes valeurs que celles émises par vous. Il insistait sur le respect de l’autre et sur la croyance en la nature humaine. M’ayant trouvé un peu feignant il essayait de me rendre attentif au

308


sens de l’effort. Bon je stoppe mon discours et je vous parlerai des effets que m’a semblé produire cette équipe­relais créée dans l’établissement. Je me rappelle que les premiers qui en parlaient en salle à manger étaient les deux C.P.E. qui ne semblaient pas d’accord. Dans les discussions qui les entraînaient à rester un long moment après le café, l’un pensait que cela ne concernait que les enseignants, et l’autre souhaitait la parité entre non­enseignants et professeurs. Moi j’étais d’accord pour que plusieurs agents en fassent partie, et je leur ai dit. Malheureusement mes heures de service et mes obligations familiales ne m’ont point permis d’en faire partie. Je le regrette d’autant plus que suite au départ de l’ancien proviseur, l’équipe s’est mise au repos. A quelle date envisagera­t­elle de se remettre en route ? Un moment aura été important pour moi, celui où pour la première fois j’ai remarqué sur le panneau d’affichage de la cuisine, les photographies des membres de l’équipe, accompagnées d’un court texte résumant ses travaux. Ainsi nous étions reconnus comme capables de fournir un avis. J’ai donc posé des questions à certaines de ces personnes. Mais mon étonnement s’est accru lorsque j’ai trouvé ce même texte apposé sur le panneau d’affichage des élèves, dans les différentes cours de l’établissement. Comme je vérifiais qu’il s’agissait d’un écrit identique, des élèves sont venus me demander ce que j’en pensais. Je leur ai dit que cela me paraissait une démarche positive. Ils m’ont répondu que ce texte les avait entraînés dans de longues discussions . La plupart, mais avec des avis divergents sur les effets à en attendre, semblaient satisfaits de voir qu’ils étaient pris en considération. Ayant noté qu’il y avait dans l’équipe­relais, des personnels non­enseignants, j’ai eu l’impression qu’ils pensaient que notre métier contribuait à faire de notre établissement , un lieu où il fait bon à vivre ensemble. Je n’ai donc pas été surpris , quand il y a eu une telle participation des élèves , à cette journée consacrée à l’adolescence. Deux grands groupes de plus de quatre vingt personnes ont été animés par le même conférencier, ce dernier introduisant le sujet. Une séquence le matin pour les classes de seconde et de première. Une autre l’après­ midi pour les terminales et les bac pros. Il y eu une pause puisque la séance durait deux 309


heures et demie, mais les jeunes étaient très attentifs lors de la reprise des débats. Ils m’en ont beaucoup parlé ce jour là et les semaines suivantes. Je peux constater que l’équipe­relais avait parfaitement ciblé son action , cette journée fut une réussite. Et c’est là que j’ai vu progressivement changer le climat dans notre établissement. Les jeunes ont proposé eux aussi, une liste de thèmes qu’ils aimeraient aborder l’année suivante en assemblée. Certains d’entre eux se déclaraient volontaires pour animer des expositions, d’autres évoquaient l’idée d’ateliers créatifs après les cours. Il y avait un vrai bouillonnement… Les élèves ont alors commencé à se regarder autrement , et nous les non­enseignants nous nous sommes sentis plus respectés. L’équipe­relais a de son côté proposé une Commission de réflexion appelée « Un autre regard sur la sanction ». Ce groupe existe toujours. Bien souvent nous participons en tant qu’accompagnant lorsque un jeune ou lorsque un groupe classe doit exécuter un travail d’intérêt collectif . Cela se passe très bien et j’ai l’impression que ce type de sanction leur redonne de l’espoir, ainsi qu’une vision positive d’eux­mêmes. Ce mode de réparation me semble plus adapté à l’adolescence que les heures de colle et ne provoque pas de sentiment d’injustice. Ce travail collectif qui sert à améliorer l’établissement, a d’autant plus d’effet que sa trace reste visible longtemps. Je souhaiterais maintenant vous raconter comment un de mes amis, plus âgé que moi, a été le promoteur d’une action en direction d’un élève difficile . je reste profondément marqué par cette situation. En voici l’histoire : Dans un établissement de Bourgogne un Chef de cuisine avait remarqué le comportement d’un élève de 3ème. Cet adolescent avait une ou deux années de plus que l’âge moyen des autres. Lorsque ce jeune arrivait en salle à manger, c’était toujours la même chose. Il manifestait sa fierté en voulant toujours être le premier servi au self. Les autres élèves connaissant son travers, le laissaient passer. Il s’installait avec son plateau dans un coin de la salle et engloutissait son repas en une dizaine de minutes, … et alors ça commençait … Passant près du panier où l’on dépose les verres, il mettait volontairement le sien à côté et le verre se brisait sur le carrelage. A l’endroit où l’on range les couverts, il faisait de même et cela faisait un joli bruit en heurtant le sol. Dans la poubelle où l’on jette les reliefs du repas, il lançait ses restes à côté, … et pareil pour le rangement des bols et des récipients creux, d’où nouveau tintamarre.Enfin il s’arrangeait pour poser son plateau de telle manière que toute la pile s’écroulait à terre. 310


Les surveillants de réfectoire furieux voulaient infliger à ce provocateur, des heures de retenue pour qu’il respecte les règles. Le Chef de cuisine leur dit alors: « pourquoi voulez-vous lui donner un devoir supplémentaire à faire sous surveillance, alors que l’incident se passe dans le domaine de l’alimentation ?Je propose comme sanction, qu’il vienne servir au self le midi pendant deux semaines. » Les surveillants lui répondent : « ce n’est pas une punition…, il va s’amuser… » Le Chef de cuisine de reprendre : « Quel mépris vous avez pour nous, gens de la cuisine, si vous en êtes encore à penser que nous nous amusons en servant au self. » Les surveillants, un peu confus lui disent : « proposez cette réparation du dommage causé à l’équipe pédagogique. » Argumentant fort bien son propos, le Chef de cuisine obtient l’accord de la majorité des professeurs, à l’exception de deux enseignants, qui s’expriment de la même façon que les surveillants du réfectoire, en disant : « ce n’est pas une punition, il va s’amuser… » Le Chef de cuisine rappelle alors que : « servir au self , correspond à un métier et que ce n’est pas du tout une façon de se distraire « A ce moment-là, il a l’accord de toute l’équipe pédagogique. Et voici comment se déroulèrent les faits=Le lundi matin de la première semaine, l’adolescent est présent en cuisine à 7 h 45, et là le Chef de cuisine lui annonce : « Va prendre ta douche, brosse avec soin tes ongles . » Jugez de la stupéfaction du jeune qui s’attendait à tout, … sauf à cela… Lorsque l’adolescent revient, briqué comme un sou neuf, le Chef lui tend un uniforme blanc tout neuf, et fraîchement repassé. Comme il était beau !… Après avoir donné un coup de main, puis partagé le repas avec les gens de la cuisine, le garçon se retrouve à son nouveau poste. Tout fier de lui, il sert les élèves, … les professeurs…, et même le Principal. Au bout de quarante minutes, il exprime l’envie de se reposer. Mais le Chef de cuisine lui répond : « j’ai dit tout le service… » L’adolescent continue dans son poste et noue des liens d’amitié avec les autres personnes qui sont comme lui en train de travailler à la chaîne. D’avoir à effectuer ensemble un même effort, cela le rapproche des autres. Chaque jour il effectue avec application son service. Et progressivement la cuisine devient pour lui, un lieu où il est reconnu, un endroit où il se sent bien. A tel point que les deux semaines, imposées étant terminées, il demande l’autorisation de pouvoir revenir travailler dans ce poste durant deux autres semaines. A la fin de cette participation volontaire, ce garçon a souhaité faire une formation dans le domaine de la cuisine. » Cette situation qui m’a été raconté par ce collègue, m’a démontré que nous pouvions tous contribuer , quelque soient nos postes, à une amélioration des comportements difficiles de certains élèves.

J’aimerais rencontrer d’autres cuisiniers, dans un colloque ou dans des formations au C.A.F.A. de Dijon, pour imaginer les actions que des agents pourraient conduire. De 311


toutes façons j’ai hâte qu’une nouvelle équipe­relais se constitue, car alors là j’en ferai partie ».

2).­ Articles, extraits de livres, documents

a) articles de claude Brichler ­ Relation » parents –enfants ­éducateurs 2003 (article entier) ­ Rites de passage 1997 (article entier)

b) Documentation commentée ­ A l’écoute de l’adolescent 1989 pp.1­8 et listing des équipes départementales ­ Extrait d’un schéma de traits exploratoires des attentes1984­1985 c) Articles et documents ­ Collège de Montfermeil un chapitre .­ De la convivialité à l’efficacité contre l’exclusion :une expérience d’établissement.­tiré d’un livre Les jeunes en rupture scolaire Paris :L’Harmattan 2000 ­ CEQ Canada Eduquer à un vie qui ait du sens ­ Livret d’accompagnement de la vidéo « la barrière bleue ­ répondre à la violence en milieu scolaire ». Centre Départemental de Documentation de l’Eure ­ Fiche du Lycée Jean Auguste Marguerite à Verdun »Une équipe­relais » sur Internet 1997 ­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­

312


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.