ICEBERG SERIES #3 - Malik (French)

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Personne ne veut vivre dans la pauvreté et personne ne veut vivre dans un monde où existe la pauvreté. Pourtant, celle-ci continue de toucher des millions de personnes chaque année. En outre, elle est fréquemment à l’origine d’autres problèmes mondiaux tels que la violence, les conflits ou les obstacles à l’éducation. La lutte contre la pauvreté ne peut qu’être bénéfique à tous, car ceux qui vivent dans la pauvreté finissent souvent par influer sur la vie de ceux qui tentent de remédier à la situation. Avec l’histoire de Malik, nous avons un aperçu de ce que signifie vivre dans la pauvreté. Nous voyons comment un simple citoyen peut abattre l’isolement de la pauvreté en faisant pour une personne ce qu’il souhaiterait voir faire pour toutes.


Copyright © 2018

La série de publications Iceberg a été inspirée par les infographies « Iceberg » du projet de changement de la perception, qui mettent en évidence ce que les médias choisissent de montrer et ce qu’ils préfèrent généralement occulter ou passer sous silence, lorsqu’ils rendent compte de l’action des Nations Unies face aux problèmes mondiaux.

La production de la présente brochure n’aurait pas été possible sans le concours financier de la Fondation pour Genève. Nous remercions tout particulièrement la Division de la gestion des conférences de l’ONU Genève pour l’édition, la traduction et l’impression des ouvrages, et l’Union University de Jackson, Tennessee (États-Unis) pour les illustrations.

Imprimé en 2018 par la Section de l’impression de l’ONU Genève.

Auteur: Kirsten Deall Illustratrice: Hannah Barr


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La collection « Iceberg » Iceberg Éducation Pauvreté Jeunesse Changements climatiques Genre Santé Droits de l’homme Paix La collection a été créée par l’équipe chargée du projet de changement de la perception, qui relève du Cabinet du Directeur général de l’ONU Genève.

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Pauvreté La pauvreté ne se résume pas à la lutte quotidienne pour joindre les deux bouts. Elle peut aussi conduire à la faim et à la malnutrition. Les enfants qui vivent dans la pauvreté ont moins de chances d’aller à l’école. Les personnes qui vivent dans la pauvreté courent le risque d’être marginalisées, c’est-à-dire d’avoir un accès limité aux services de base et peu d’influence dans la prise de décisions. La croissance économique ne sera pas forcément leur planche de salut, car elle n’est pas toujours pourvoyeuse d’emplois stables ni garante de l’égalité. L’extrême pauvreté, telle qu’elle est définie par la communauté internationale, consiste à vivre avec moins de 1,25 dollar par jour. Depuis 1990, elle a été réduite de plus de moitié dans le monde. Il reste que, malgré ce résultat remarquable, une personne sur cinq vit toujours dans l’extrême pauvreté dans les régions en développement et que des millions d’autres vivent juste au-dessus du seuil de 1,25 dollar par jour ou risquent de retomber dans la pauvreté.

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Je m’appelle Malik. Je travaille comme gardien de parking d’un centre commercial. J’habite cette ville depuis 35 ans. Je ne suis donc plus tout jeune. Pour être exact, j’ai 45 ans. J’ai grandi dans un petit village. Je vivais dans une cabane avec ma mère, mon père et mes deux sœurs. Mon père était un homme violent. Un matin, après le départ de celui-ci pour le travail, ma mère a rassemblé toutes nos affaires et nous a dit que nous devions quitter la maison sur-le-champ, sans faire de bruit. Nous n’étions autorisés à poser des questions qu’une fois montés dans le bus et parvenus loin de ce qui avait été notre foyer.

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Ma mère nous a amenés dans une grande ville, pleine de gens riches et importants, qui vivaient dans de grandes maisons aux hautes clôtures. La ville n’était pas belle, mais pour une raison ou une autre, elle continuait d’attirer toutes ces personnes fortunées. On y rencontrait aussi beaucoup de sans-abri à la recherche d’un emploi, si bien que nous ne nous sentions pas seuls. Je me souviens comme tout semblait nouveau et différent à notre arrivée. Nous ne parlions pas la langue, ce qui rendait les choses difficiles. Il y avait du bruit et du monde en permanence. Je regardai les automobilistes, coincés dans les embouteillages, klaxonner d’impatience. Sur la banquette arrière, leurs enfants, l’air anxieux, craignaient d’arriver en retard à l’école. Ma mère, voyant comme je les observais, se mit à rire. « Tout le monde a des problèmes, mais certains en ont de plus grands que d’autres », dit-elle. 6


Une fois que l’heure de pointe était passée et que les routes avaient retrouvé un peu de quiétude, j’aidais ma mère à trouver des déchets recyclables. Nous les vendions ensuite à un ferrailleur. Nous n’avions toujours pas les moyens de nous offrir de beaux vêtements ni d’aller à l’école, mais au moins nous mangions à notre faim. Mes sœurs fabriquaient des bijoux en perles qu’elles vendaient au coin de la rue. C’est ainsi que se passa notre enfance : nous vivions au jour le jour et étions constamment à la recherche de nouveaux moyens de gagner un peu d’argent.

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À 17 ans, j’ai décidé de partir vivre dans un bidonville, en banlieue. Au début, je n’étais pas sûr de prendre la bonne décision. J’avais besoin de ce que la ville pouvait offrir, c’est-àdire d’argent, mais je savais aussi qu’il était préférable d’avoir à faire un long trajet pour m’y rendre chaque jour que de dormir dans la rue. Le bidonville était surpeuplé, ce qui causait de nombreux problèmes. En raison du faible débit de l’eau, il était difficile de laver ses vêtements, de cuisiner, de prendre un bain et de faire le ménage. Souvent, les égouts étaient bouchés et débordaient. Les raccordements électriques étaient dangereux et illégaux. Vous vous demandez peut-être ce que ce lieu avait de tellement séduisant ; tout simplement, c’était mieux que rien. Au moins j’avais un toit au-dessus de ma tête et je faisais partie d’une communauté. 10


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L’année de mon emménagement, je suis aussi devenu le père d’une jolie petite fille. Ce bébé imprévu est le plus beau cadeau que j’aie jamais reçu. Malheureusement, sa mère ne le désirait pas et nous a quittés. C’est une voisine qui m’a gentiment aidé à élever ma fille. Elle et moi avons fini par tomber amoureux et nous marier. Nous avons eu deux enfants ensemble, deux garçons. 12


Entre-temps, j’avais trouvé un emploi de gardien de parking. Je ne percevais pas de salaire ; ma rémunération se limitait aux pourboires des clients du centre commercial qui me confiaient leur voiture. Pendant les deux premières années, à la fin de chaque journée de travail, mon patron m’obligeait à lui remettre 60 % du montant total de ces pourboires. Mes riches clients s’en sont aperçus et l’ont dénoncé. Mon patron a tout de suite mis fin à cette pratique. J’étais tellement heureux ! J’avais plus d’argent pour ma famille. 13


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Chaque jour, je passais beaucoup de temps à parcourir la ville. Je quittais la maison avant l’aube et je marchais jusqu’à la station de taxis. Beaucoup de gens se déplaçaient en taxi, qui était le moyen de transport le plus économique, si bien qu’il y avait de longues files d’attente. Une fois arrivé en ville, je marchais pendant près d’une heure pour rejoindre mon lieu de travail. 15


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Parfois, l’un de mes fils m’accompagnait. Pendant que je surveillais le parking, il restait debout au coin de la rue et, lorsque le feu passait au rouge, se faufilait entre les voitures pour demander de l’argent aux conducteurs. Bon nombre d’entre eux lui faisaient non de la tête sans lui accorder un regard, afin de l’inciter à déguerpir, mais la plupart faisaient simplement semblant de ne pas le voir. 17


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Un jour, j’ai vu mon fils en compagnie d’une fillette que je ne connaissais pas. Elle lui tendait quelque chose. D’un sac, mon fils a sorti un ordinateur portable d’occasion. Il l’a regardé fixement, d’abord sans aucune émotion. Puis il a compris. Il a serré l’ordinateur contre lui et a couru vers moi. « Baba ! (Papa !) Regarde ! », a-t-il crié. Derrière lui, la fillette et sa mère souriaient. C’était un geste tellement généreux que même moi, son père, je pleurai. La fillette et sa mère se sont approchées. Elles ont dit qu’elles me voyaient souvent lorsqu’elles venaient faire leurs courses. Elles m’ont posé des questions qu’aucune personne riche ne m’avait jamais encore posées. D’où est-ce que je venais ? Où est-ce que je vivais et comment est-ce que c’était là-bas ? Combien de temps est-ce qu’il me fallait pour me rendre au travail ? Combien est-ce que j’avais d’enfants ? Elles s’intéressaient à moi, en tant que personne.

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J’ai été témoin de beaucoup de choses dans ma vie : de la douleur, de la peur, de la colère, de la violence, de la maltraitance. J’ai vu la pauvreté de l’intérieur et la richesse de l’extérieur. J’ai vu le bonheur des fortunés et le bonheur, d’une autre espèce, des défavorisés. J’ai vu tellement de choses. Pourtant, lorsque cette fillette et sa mère ont pris le temps de nous parler et de nous faire un cadeau qui nous serait utile, j’ai été témoin de quelque chose de rare. J’ai vu la gentillesse. Ce jour-là, j’ai compris que la richesse n’était pas dans ce que l’on possédait, mais dans ce que l’on donnait, et que le don le plus précieux de tous était celui de son temps.

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à la recontre des

vrai héros

L’histoire de Malik n’est qu’une fiction, mais elle ressemble à bon nombre de cas réels d’enfants et d’adultes qui vivent dans la pauvreté et qui s’efforcent de surmonter les obstacles du quotidien, et parmi lesquels quelques-uns sortiront victorieux, soit par leur propre persévérance, soit avec l’aide de tiers. Peter « Nous étions huit dans la famille, et nos revenus étaient bien trop maigres pour couvrir nos besoins de base. Mon père était instituteur. C’est l’un des emplois les plus mal payés au Kenya. Pour ne rien arranger, il avait l’habitude de dépenser la moitié de son salaire dans les bars du village. Nous manquions de nourriture et d’eau. Nous n’avions pas l’électricité, pas de maison digne de ce nom, pas de vêtements, rien. Nous luttions pour vivre. Nous ne faisions qu’un repas par jour, qui consistait en une bouillie de maïs et de haricots. Rares et chers, les haricots étaient bien peu nombreux dans cette mixture. Ils étaient en grande partie réservés aux plus jeunes de mes frères. Ma famille souffrait de la malnutrition et nous étions tous décharnés. Notre maison avait des murs en boue et un toit de chaume, qui fuyait énormément lorsqu’il pleuvait. Avec la pluie venaient les anophèles, ces moustiques qui transmettaient le paludisme. C’était moi qui étais le plus sujet aux crises de paludisme dans la famille. Une grande partie de l’argent du foyer servait à payer mes séjours à l’hôpital. Je me souviens très bien de cette fois où, couché sur mon lit d’hôpital, je priais Dieu de prendre mon âme. À l’école, nous étions dix à nous partager un cahier, et trois ou quatre à nous partager un bureau. Ceux qui n’avaient pas de place s’asseyaient par terre. Nous avions le même enseignant pour toutes les matières et, comme si ces conditions n’étaient pas déjà assez difficiles, nous étudions toute la journée le ventre vide ! Pendant les récréations, nous nous précipitions


vers le baobab le plus proche en quête de fruits. Nous en trouvions rarement, car le baobab ne donne des fruits qu’une fois dans l’année. Alors que j’avais neuf ans, le directeur de l’école nous a informés que nous allions bénéficier d’un programme de repas scolaires, qui serait mené par le Programme alimentaire mondial en collaboration avec le Gouvernement. Chaque élève recevrait une tasse de bouillie nourrissante pour le petit déjeuner et cinq biscuits à emporter à la maison pour le repas du soir. C’était la meilleure chose qui puisse nous arriver, à moi et à tous les enfants de mon école. À partir de ce moment-là, nos parents n’eurent plus tant à se soucier de notre prochain repas. Je trouvai l’énergie, une raison de travailler dur et l’espoir en l’avenir. Je suis sûr que, grâce à ce programme de repas scolaires, j’ai aussi pu renforcer mon système immunitaire, être moins souvent malade et, par voie de conséquence, manquer moins de jours d’école. Je suis resté le premier de ma classe. J’ai ainsi pu entrer dans l’un des meilleurs établissements d’enseignement secondaire du pays. En 2007, je me suis inscrit à l’école d’ingénieurs de la Moi University et, en décembre 2012, j’ai obtenu un diplôme en chimie et génie des procédés. Tant de chemin a été parcouru, tellement de choses ont changé. Aujourd’hui, je suis chargé de développer des produits pour une entreprise d’engrais et de produits agrochimiques, installée à Nairobi. J’ai les moyens de manger équilibré et à ma faim. Je suis en mesure de donner en retour. Je peux payer mes factures et pourvoir à tous mes besoins de base. Finie la pauvreté ! Mon avenir s’annonce sous un jour très favorable et de nouvelles possibilités s’offrent les unes après les autres. Au fil des années, j’ai mené à bien des projets dans les domaines de la recherche agricole, de l’environnement et de la transformation des produits alimentaires. Je consacre actuellement une partie de mes propres revenus à l’agriculture sous serre. J’aimerais atteindre un niveau de production suffisant pour faire fonctionner une petite usine agroalimentaire. Je ne manque pas une occasion d’inciter les jeunes à se lancer


dans l’agriculture moderne. Investir dans ce domaine, c’est non seulement créer des emplois, mais aussi assurer la sécurité alimentaire. » Programme alimentaire mondial (PAM)

Moussa « Je suis né et j’ai été élevé à Niamey, au Niger. Mon père est malien et ma mère est nigérienne. J’ai pas mal bougé dans ma vie. Quand j’avais 8 ans, mes parents m’ont envoyé à Agadez, au nord du Niger, où j’ai vécu avec ma sœur et son mari pendant quatre ans. J’aimais la vie là-bas et, si ça n’avait été pour ma sœur, je ne serais pas allé à l’école

ma

sœur m’a beaucoup aidé. Compte tenu des circonstances, je n’ai pas pu rester et je suis retourné chez ma mère, à Niamey. Mon père était parti. Je ne sais toujours pas ce qui s’est passé… « Je viens d’une vraie famille nigérienne. Il n’est pas dans notre nature de rester inactif et de passer à côté de la vie. Ma mère m’a convaincu d’étudier ou de suivre une formation, et j’ai commencé un apprentissage pour devenir menuisier. C’est dans ce contexte que j’ai rencontré des gens de Caritas et de l’organisation non gouvernementale Environment Development Action in the Third World (ENDA). Ils étaient venus visiter l’un des ateliers de Caritas auxquels je participais. Ils ont dû se rendre compte que, bien que jeune encore, j’étais très motivé. Je pense qu’ils ont aussi constaté que j’avais besoin d’être plus encadré pour développer mes compétences, si bien qu’ils m’ont mis en contact avec le Mouvement africain des enfants et jeunes travailleurs (MAEJT), au Niger. Cette organisation informe les enfants de leurs droits, les aide à sortir de la pauvreté et forme un réseau de fraternité entre jeunes Africains.


J’ai d’abord fait du bénévolat, avec beaucoup de passion. J’avais trouvé quelque chose qui me plaisait et que je faisais bien, à savoir aider et coordonner tout à la fois. Très vite, je participai aux programmes de formation. Et puis, le grand moment est arrivé. On m’a proposé un stage de six mois à Dakar, au Sénégal. Évidemment, j’ai accepté. À Dakar, j’ai été accueilli dans une famille sénégalaise. J’ai d’abord eu du mal à m’adapter, leur style de vie était différent du mien. Les Sénégalais aiment s’habiller et ils savent soigner leur apparence ! Ils aiment suivre leurs rêves et ils n’abandonnent pas, même en cas d’échec. En cela, je les admire. Mais il est une chose que les Sénégalais pourraient apprendre des Nigériens, c’est à moins gaspiller la nourriture. Un Sénégalais jettera une tomate si elle est pourrie. Un Nigérien coupera les parties de la tomate qui sont abîmées, séchera ce qui reste et le mangera ou le vendra. Nous ne laissons rien se perdre ! Je vis à Keur Massar, près de Dakar, depuis 11 ans. Je rentre au Niger tous les ans. J’aime mon pays et je me plais dans mon travail ici, au Sénégal. Je compare souvent mes compatriotes à des chameaux, parce qu’ils sont endurants, qu’ils savent trouver des solutions et qu’ils sont souvent en mouvement. Les Sénégalais, eux, ressemblent à des lions. Ils sont fiers, élégants et pleins d’énergie. Sauf quand il fait trop chaud. » Campagne « Je suis migrant », Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Toak « J’étais menuisier dans mon pays, le Soudan du Sud. J’ai su que je pourrais faire du bon travail en venant ici, à Gambela, en Éthiopie », explique Toak, assis devant chez lui. Pendant qu’il parle, l’une de ses filles dort à l’ombre de la véranda qu’il a aménagée à


l’entrée de son abri. Il suffit d’observer l’endroit où il vit avec sa femme et ses enfants, de regarder le poulailler fait d’un tissage complexe de bois et d’herbes, pour se rendre compte de son savoir-faire. « Avec quelques menuisiers de Gambela, j’enseigne comment construire des abris. J’aime voir les autres apprendre. Cela demande du temps car nous commençons par les bases. J’ai hâte que nous passions à l’étape suivante, à savoir la fabrication de meubles », dit Toak, assis sur une chaise en bambou de sa création, prototype de celles qu’il fabriquera, avec des lits, pour les résidents du camp dans les prochains mois. Toak est l’un des quatre menuisiers issus de la communauté de réfugiés qui sont employés par l’OIM. Il dirige une équipe de dix ouvriers. Toak a tout perdu, mais il a su mettre son ingéniosité à profit, pour lui et pour ses voisins. Pour les réfugiés de Gambela, contribuer à créer un lieu où chacun peut vivre en sécurité est l’un des plus beaux cadeaux que l’on puisse faire. Campagne « Je suis migrant », Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Richard « Lorsqu’en 2004, j’ai quitté le Zimbabwe pour chercher un emploi en Afrique du Sud, ma situation économique était très difficile. Je savais que je ne pourrais pas connaître la réussite à laquelle j’aspirais tant si je ne faisais rien. J’ai émigré parce que je savais que, quelque part, l’herbe était plus verte. L’Afrique du Sud se présentait comme un pays plein de promesses. Elle avait une


économie développée et de bonnes infrastructures ; elle offrait un environnement stimulant. Je prévoyais d’y trouver un travail et d’y poursuivre mes études, mais la vie en a décidé autrement. Je suis resté 18 mois sans emploi. Alors que j’étais près d’abandonner, j’ai été convoqué à un entretien d’embauche dans l’une des plus grandes banques du pays, et j’ai obtenu le poste ! Au bout de quelques années, j’ai quitté cet emploi pour créer ma propre entreprise. Je ne l’ai jamais regretté et les choses continuent de s’enchaîner. Cela peut être très difficile d’être migrant lorsque l’on ne bénéficie pas de services d’aide et que l’on n’a pas de famille, de proches ou de connaissances près de soi. J’avais la chance d’avoir quelques parents à mes côtés. Lorsque vous êtes migrant, vous apprenez à persévérer parce que vous êtes loin de votre zone de confort. Vous n’avez pas de structure familiale sur laquelle vous appuyer. Vous vous faites un peu plus « dur à cuire ». Vous surmontez les épreuves et vous apprenez la débrouillardise. Vous vous rendez compte que les autres ne tiennent pas leurs promesses. Vous devenez plus sage en prenant de l’âge et vous commencez à comprendre que certaines choses ne sont pas bonnes pour vous. J’ai été migrant pendant la plus grande partie de ma vie d’adulte et j’en ai tiré quelques enseignements très précieux. Je pense que l’Afrique du Sud est un pays d’ouverture, dans lequel les migrants ont largement leur place. Elle offre suffisamment de possibilités, à la fois aux Sud-Africains et aux migrants, et en fin de compte, les frontières qui nous séparent ne sont que des barrières artificielles, car nous sommes tous africains. Nous devrions pouvoir nous déplacer et mettre notre travail et notre productivité au service du continent, et non nous confiner dans le nationalisme. J’ai suivi un parcours intéressant. Les trois premières années ont été très difficiles.


C’était dur, mais j’ai réussi à aller de l’avant. Avec le recul, je prends mieux la mesure de ce que j’ai vécu pendant ces douze dernières années. Je me rends compte de la chance que j’ai eue. Je comprends que mon foyer n’est pas si loin. Beaucoup de migrants sont très loin de chez eux. Il n’est pas facile d’être migrant, cela suppose de faire face à bien des difficultés, mais cela enseigne aussi la persévérance. » Campagne « Je suis migrant », Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Christine Christine, 14 ans, vit dans un camp de personnes déplacées près de l’aéroport international de la capitale haïtienne. « La seule chose que je sais, c’est que je ne sais rien », affirme cette fille énergétique, qui explique sa motivation pour aller à l’école en citant Socrate. « Une personne sans éducation est une vie sans examen », dit-elle en paraphrasant le philosophe antique. « Il faut étudier, encore et encore, pour devenir un grand philosophe, un grand intellectuel ». Et c’est exactement ce que fait Christine, même si le tremblement de terre qui a frappé Haïti en janvier, détruisant sa maison et déplaçant sa famille, lui a fait manquer l’école pendant trois mois. Les cahiers déchirés de Christine, remplis de croquis anatomiques détaillés, témoignent de son désir de devenir médecin. Christine est de tout cœur avec ses frères et sœurs qui ne vont pas à l’école. Son frère Jean Renee, âgé de 15 ans, a été obligé d’abandonner ses études peu avant le tremblement de terre. Leur mère n’avait plus les moyens de payer les frais de scolarité et a dû faire le choix difficile d’envoyer un seul de ses trois enfants à l’école. Aujourd’hui, Jean Renee se rend chaque jour au garage d’un ami de la famille, où il travaille comme apprenti mécanicien.


« Si je ne peux pas l’envoyer à l’école, je veux au moins qu’il apprenne un métier et qu’il évite les ennuis », dit la mère. De son côté, la sœur de Christine, Afenyoose, 9 ans, souhaite ardemment aller à l’école, mais en vain, car c’est tout simplement trop cher. Même Christine rencontre des obstacles. Par exemple, l’absentéisme des enseignants est une réalité en Haïti, où de nombreux professeurs n’ont pas les moyens de se rendre à leur travail. « Il m’arrive de ne pas vouloir aller à l’école, puisque nos professeurs ne sont pas là », dit Christine. La mère de Christine se fait livrer des chaussures de tennis d’occasion, qu’elle nettoie méticuleusement avec une brosse à dents, avant de les revendre. C’est par ce moyen qu’elle fait vivre sa famille et paie les frais de scolarité de sa fille. Son objectif est de quitter le camp et d’offrir une vie meilleure à ses enfants. « Ma mère n’a pas pu faire des études. C’est pour cette raison qu’elle veut que nous allions à l’école, pour que nous ne connaissions pas les mêmes difficultés qu’elle », dit Christine. she did,” says Christine. Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF)

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DERRIèRE CHAQUE

DONnéE STATISTIQUE, ILA Y

UNE RéUSSITE PERSONNELLE

Voici juste quelques exemples de données statistiques encourageantes, qui mériteraient d’être mises en avant par les médias. Certains des chiffres ci-après pouvant évoluer de jour en jour, il convient de se reporter aux sites Web des organisations concernées pour obtenir les informations les plus récentes. • Depuis 1976, le Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU Habitat) et d’autres entités ont aidé 9,8 millions de personnes à obtenir un logement à un coût abordable ; • En 2016, les conditions de logement de 3 millions de personnes se sont améliorées grâce à des projets de construction, de remise en état, d’aménagement et de réparation ou par la voie de partenariats avec le secteur privé qui leur ont offert de meilleurs abris. • Actuellement, 2,1 millions de personnes sont en mesure d’améliorer leurs conditions de logement grâce aux activités de plaidoyer menées par l’ONU-Habitat. • En 2016, 82,2 millions de personnes ont reçu une aide alimentaire ou financière du PAM. • En 2016, 47 millions de personnes ont bénéficié d’une alimentation plus diversifiée et de meilleure qualité grâce au PAM. • En 2017, des repas scolaires ou des repas à emporter ont été distribués à 18,3 millions d’enfants, par l’intermédiaire du PAM. • En 2016, 4 millions de femmes enceintes ou allaitantes ont reçu des produits nutritionnels spéciaux du PAM. • En 2016, 76 % des femmes enceintes vivant avec le VIH dans le monde ont bénéficié

de traitements visant à empêcher la transmission du virus à leur bébé. • En 2017, 59 % des adultes vivant avec le VIH étaient sous traitement antirétroviral à vie. • En 2015, le nombre de nouvelles infections au VIH a été le plus faible depuis 1991. • En 2015, le nombre de décès liés au VIH dans le monde a diminué de 45 % par rapport à 2005, en raison de la généralisation de la thérapie antirétrovirale. • En 2016, le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a permis d’éviter 11,7 millions de grossesses non désirées. • En 2017, les envois de fonds dans les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire se sont élevés à 466 milliards de dollars, ce qui représente plus du triple du montant de l’aide publique au développement. • Plus d’un milliard de personnes sont sorties de l’extrême pauvreté depuis 1990. • En 1990, près de la moitié de la population des régions en développement vivait avec moins de 1,25 dollar par jour. Ce taux a chuté à 14 % en 2015.


La Genève internationale Située à la pointe sud-ouest du territoire helvétique, Genève peut s’enorgueillir de certains des principaux atouts de la Suisse. Les vues spectaculaires sur les montagnes environnantes subjuguent à la fois les nouveaux venus et les résidents de longue date, le dynamisme de son centre financier attire des gens d’affaires du monde entier, sa qualité de vie est sans pareille, mais surtout, Genève héberge un grand nombre d’organisations internationales. C’est pourquoi l’on parle de la « Genève internationale ». Tout a commencé en 1863, lorsque la Croix-Rouge a été créée dans le but de protéger les victimes de conflits armés. Aujourd’hui, les personnes se réunissent à Genève non seulement pour remédier à des besoins humanitaires, mais aussi pour agir en faveur de la paix, de la santé, de la science et des droits de l’homme, et pour chercher des solutions aux problèmes posés par les migrations ou les changements climatiques. La Genève internationale regroupe des organisations internationales, des établissements universitaires, des entreprises internationales, de nombreuses organisations non gouvernementales et les représentants permanents de 178 États membres de l’ONU. L’action de la Genève internationale est perceptible bien au-delà de la ville elle-même et est guidée par le Programme de développement durable à l’horizon 2030. En poursuivant les 17 objectifs de développement durable, la Genève internationale et ses nombreux partenaires dans le monde luttent contre la pauvreté, préviennent les violences, protègent la planète, et font tant encore. Genève est peut-être petite par la taille, mais elle est grande par son rayonnement. C’est la ville où le monde se donne rendez-vous pour trouver des solutions.


Les objectifs de développement durable

À une époque où nous sommes bombardés par les mauvaises nouvelles, nous pouvons facilement nous sentir découragés et démunis pour améliorer le monde dans lequel nous vivons. Heureusement, pour remédier à ces nombreux problèmes, les dirigeants mondiaux ont adopté le Programme 2030, un document d’orientation consistant en 17 objectifs pour transformer notre planète et en faire un meilleur lieu de vie. Ces objectifs concernent tout le monde, ils ne laissent personne de côté, ils sont tous interdépendants et leur réalisation est de la responsabilité de chacun. Nous avons tout ce dont nous avons besoin pour aider chacun à s’épanouir et à exprimer pleinement son potentiel. Ensemble, créons un monde de paix, de droits et de bien-être.


Le projet de changement de la perception Souvent, lorsque les gens entendent parler de l’ONU pour la première fois, leur regard s’illumine. C’est surtout vrai s’il s’agit d’enfants. Savoir qu’il existe une organisation capable de réunir le monde entier au nom de la paix, des droits et du bien-être offre un réconfort incomparable. Il n’est nul besoin d’expliquer pourquoi cette organisation est nécessaire. Nous savons tous pourquoi. Elle existe, pour nous tous. Et elle fait partie de la Genève internationale. Dans le même temps, ce sentiment d’émerveillement et de sécurité se dissipe rapidement, car l’époque est tumultueuse et, évidemment, la réalité est différente. Nous avons des hauts et des bas, et nous devons aussi sans cesse nous adapter pour relever de nouveaux défis. Il est d’usage que les médias attirent l’attention sur les éléments négatifs et que nous considérions les éléments positifs comme acquis. Il est dans notre nature d’insister sur les problèmes à résoudre, plutôt que de louer nos mérites. Pourtant, l’ONU et ses partenaires maintiennent leurs objectifs, et leur action continue d’avoir des répercussions profondes, ce dont nous n’avons pas toujours conscience dans notre vie quotidienne. La bonne nouvelle est que cette constellation d’organisations qui constitue la Genève internationale est toujours en place et qu’elle poursuit sa noble mission. La Genève internationale appartient à chacun de nous. Pour qu’elle puisse se développer, il faut que sa valeur et son influence soient reconnues et qu’elle soit assurée de pouvoir mener à bien son mandat. C’est dans ce but que le projet de changement de la perception a été créé, et il l’atteint chaque fois qu’il parvient à rallumer cette étincelle dans les yeux à l’évocation de l’ONU.


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Copyright © 2018

La série de publications Iceberg a été inspirée par les infographies « Iceberg » du projet de changement de la perception, qui mettent en évidence ce que les médias choisissent de montrer et ce qu’ils préfèrent généralement occulter ou passer sous silence, lorsqu’ils rendent compte de l’action des Nations Unies face aux problèmes mondiaux.

La production de la présente brochure n’aurait pas été possible sans le concours financier de la Fondation pour Genève. Nous remercions tout particulièrement la Division de la gestion des conférences de l’ONU Genève pour l’édition, la traduction et l’impression des ouvrages, et l’Union University de Jackson, Tennessee (États-Unis) pour les illustrations.

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