gratuit
expressions
dossier les télés locales
La TNT nous saute au PAF p. 12 à 15
interview
La Panique au Mangin Palace p. 8 à 11
nº12 / décembre 2009 / janvier 2010
Antichambre
pizza aufeu debois
L’académie rochelaise de la cuisine italienne et méditerranéenne 1 & 3 rue Thiers, 17000 La Rochelle - T 05 46 41 07 03 - F 05 46 41 07 10
expressions nº12
Billet nicolas giacometti
04 Bref…
Dans l’ombre des Albert
08
08 Interview de Philippe Collin
À
la Libération, Albert Camus et Albert Cossery faisaient la noce ensemble à Saint-Germain-des-Prés, goûtant les femmes et traquant les impostures. Les deux Albert nés la même année 1913, disparus à quarante-huit ans d’intervalle… Camus est mort trop tôt, seuls ses livres restent et résistent. Parfois de loin, mais toujours sa langue, la simplicité de ses mots comme des évidences résonnent en moi. Noces justement. La Chute aussi. Ses Carnets où l’œuvre est en construction. L’éclat dans le sombre. La pensée solaire d’un homme du peuple vivant parmi les siens. Cossery l’oisif ne quittait son hôtel parisien que pour descendre aux terrasses des cafés, l’œil en alerte, traquant chez les autres ce qui le ferait frémir. Ses livres sont habités par des Égyptiens pauvres à l’humour cinglant, aristocrates de la révolte. Un mot suffit pour décrire ces deux écrivains et ce qui n’a cessé d’habiter leur œuvre : la vie. Henry Miller et son Colosse de Maroussi planent en leur compagnie à la même altitude. Leur panthéon existe, en nous, celui de grands hommes irrémédiablement libertaires, lucides et incurables. Celuidont-on-doit-taire-le-nom a voulu transférer les restes de l’un d’eux pour rehausser les ors d’une république dévoyée. Soyons certains que, fidèles à leur amitié passée, de leurs tombes, ensemble, ils le terrassent de leurs sourires. •
07 L’opinion de Philippe Thieyre
et Xavier Mauduit 18
12 Dossier Les télés locales 16 Niort La Roussille
12
26
17 La Rochelle Patrick Bouchain 18 Angoulême Le Maki 19 Agenda 24 Sculpture Alain Guillet 25 Littérature Robert Marteau 26 Portrait Claude Hudelot 28 Danser !
28
blanche à 31 Carte Marie Monteiro 34 Internet 35 Design Le temps d’Experimenta
31
37 Livres / Disques / Dvds
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Expressions – 36, rue Beltrémieux, BP 32046 – La Rochelle – Tél. 05 46 43 19 20 – Fax. 05 46 00 08 12 email : redaction@magazine-expressions.com / Site : www.magazine-expressions.com Directeur de la publication : Pierrick Zelenay / Responsable de la rédaction : Nicolas Giacometti Ont collaboré à ce numéro : Gilles Diment, Jacky Flenoir, Catherine Fourmental-Lam, João Garcia, Philippe Guerry, Dany Huc, Olivier Jaricot, Pierre Labardant, Élian Monteiro Da Silva, Philippe Thieyre / Carte blanche à Marie Monteiro / Couverture Marine Blandin / Date de parution : Décembre 2009 ISSN : 1960-1050 Photographe : Marie Monteiro / Maquette et mise en page : Antichambre Communication / Impression : IRO - ZI rue Pasteur - Périgny / Service commercial : François Fottorino 05 46 43 19 20 / Expressions est une publication gratuite et bimestrielle de Performances Sports / Tirage : 10 500 exemplaires
Express
bref...
musiques actuelles
têtes blondes
Deux salles, même ambiance
n concert d’applaudissements a retenti à La Pallice pour la présentation de l’Espace musiques actuelles (EMA). Acte 1 : 8 octobre - salle polyvalente de La Pallice Le président de la CdA, l’architecte et les membres de l’association XLR, délégataire de Service public couronnée officiellement dix jours auparavant, se répandent en éloges mutuels. Un soupçon de complaisance. Un brin de divertissement. Le tout saupoudré d’une belle mise en scène lorsqu’une membre anonyme (bien connue de tous) de l’association XLR a surgi du parterre, s’emparant du micro, pour poser spontanément les questions pertinentes à sa « direction ». Avec force vouvoiements. Dont acte 1. Acte 2 : 16 octobre - chantier de l’EMA Toute la population a été conviée, sur invitation, à l’inauguration du chantier. Une foule de Playmobil arborant le casque jaune de sécurité remis en cadeau se presse aux abords de l’Espace pour découvrir les lieux, rencontrer les acteurs de la future scène et distribuer ses CV au délégataire en cours de recrutement. Au rythme de la fanfare, la ronde des remerciements reprend son cours, CdA, architecte et XLR entraînant dans la danse de la gestion des lieux Jackie Marchand et Kader Attou, les jeunes pousses de la musique actuelle rochelaise. Dont acte 2. • P.L.
4 expressions
uel est l’âge d’Estelle Mouzin, de Guermantes, lorsqu’elle disparaît le 9 janvier en revenant de l’école ? » En abonnant votre enfant au journal Le Petit Quotidien des éditions Playbac, vous recevez en cadeau de bienvenue des fiches inédites de la série « Les p’tits incollables » avec des questions portant sur l’année de naissance de votre progéniture. Pour l’année 2003, votre gamin de 6 ans devra répondre à la question ci-dessus. Ou à celle-ci : « Combien d’astronautes meurent dans l’explosion de la navette américaine Columbia le 1er février 2003 ? », ou cette autre : « En 8 lettres, grosse chaleur. À cause d’elle, 15 000 vieux (sic) sont morts en France durant l’été 2003 ? » Mais quelle mouche pique « Les p’tits incollables » ?
P. guerry
P. Rondeau
Réponse : 9 ans
U
«Q
« J’ai voulu ne rien oublier de l’actualité de l’année, du coup ces 3 questions sont difficiles à digérer pour un enfant de 6 ans, surtout Estelle, trop succincte », admet tout aussi succinctement François Dufour, rédacteur en chef. Aaah, d’accord. L’année prochaine, pour ses 7 ans, abonnez Junior au Nouveau Détective. • P.G.
marie ndiaye
Identité nationale ?
É
ric Raoult, spécialiste des vitupérations et des bévues verbales de toutes sortes, a récemment réclamé une intervention du ministre de la Culture pour imposer à Marie NDiaye, prix Goncourt, un droit de réserve vis-à-vis du gouvernement français après son emménagement à Berlin en réponse à l’élection de Nicolas Sarkozy. Bizarre, impudent et indécent. En effet, que devrait penser l’élu UMP du Raincy (93) des nombreux soutiens et amis du président, artistes et sportifs, donneurs de leçons de morale, qui habitent en Suisse ? Trouvent-ils la France monstrueuse ou seulement son régime fiscal ? • P.T.
Express
Accrochage
l’apollo à rochefort
Quel cinéma !
Moderne, jusqu’à l’été, mais jusqu’où ?
À
Rochefort, avec sa façade classée des années 1930, l’Apollo est un vestige de l’époque dorée du cinéma, un des plus grands édifices du genre dans le Sud-Ouest. Il compte plusieurs salles, dont une grande dotée d’une belle acoustique. L’ensemble est indéniablement à rénover, mais il est plutôt question (promesse de campagne électorale à l’appui) de construire un multiplexe dans lequel, pourtant, aucun distributeur n’a voulu investir. Sans doute, dans cette volonté obtuse prime
L
e musée des Beaux-arts de La Rochelle est mieux connu pour ses peintres orientalistes et officiels que pour ses œuvres modernistes. Les élèves de terminale L Histoire des arts du lycée Dautet ont appris cela en procédant à l’accrochage nº 3, à l’invitation de la conservatrice qui offre régulièrement à des groupes de Rochelais l’occasion d’opérer leur choix d’exposition. Les lycéens ont circonscrit leur travail muséographique aux années 1900-1970, sur ce thème du modernisme. Et l’on voit bien que les achats de la Société des amis des arts, censés traduire le goût rochelais au long du siècle dernier, furent très sages, pour ne pas dire à côté de la plaque. Si l’on se réjouit d’y croiser Rouault et Chaissac, l’intérêt de l’exposition réside aussi en ce qu’elle donne à lire du fort décalage entre un art en avance sur son temps, peint ou sculpté à Paris, et celui interprété en province par des artistes qui ont suivi (de loin) le mouvement, en atténuant ses formes. À voir jusqu’à l’été… en se réjouissant qu’aujourd’hui des professionnels connaisseurs de l’art contemporain procèdent aux acquisitions. • E.M.
le désir de se conformer à une vision monolithique balayant les singularités. Vive le pop-corn. À suivre. • P.T.
la rochelle
De bic et de poils
S
© Laith McGregor
ous les lambris de la Maison Henri II, un grand jeune homme caresse d’immenses rouleaux de papier de la pointe d’un simple bic bleu : l’Australien Laith Mcgregor est en résidence au Centre Intermondes. Cet artiste reconnu là-bas est venu emberlificoter des têtes d’ici dans des excroissances de poils et des méandres de lignes, alliance d’un imaginaire pop et d’un dessin classique. Qui sera médusé, pétrifié, empoilé dans sa future exposition ? Nos hommes politiques ? Votre voisine de palier ? Enquête possible dans son atelier, sur rendez-vous. • C.F.-L. Centre Intermondes (La Rochelle) - 23 janvier - 28 février 2010 Visite d’atelier au 05 46 51 50 16 - www.centre-intermondes.com
niort
État de grâce au Pilori Pour tout supplice, des arts visuels ? C’est la nouvelle ambition de la ville de Niort : « un lieu, un artiste, un mois ». La programmation du Pilori se veut de qualité, en partenariat avec trois associations locales, le calendrier soutenu. Les exposants reçoivent une rémunération pour leur temps
de présence. Une initiative à méditer pour toutes les municipalités qui ne se préoccupent de leurs artistes que de manière épisodique ? Ou pour la ville de La Rochelle qui doit reconvertir la salle de l’Arsenal ? Sans doute ! • C. F.-L. Le Pilori, rue Mathurin-Berthomé, Niort ww.vivre-a-niort.com un magazine à l’ouest 5
Extralucide
Opinion Philippe Thieyre
Cercles vicieux L
’annonce d’un désengagement partiel – un premier chiffre de 400 000 € fut annoncé avant d’être ramené à 140 000 € après concertation avec la mairie – de la ville d’Angoulême dans le financement du festival de bande dessinée n’empêchera sans doute pas cette manifestation de renommée internationale de se tenir1. Mais cette volonté de réduction des budgets est surtout annonciatrice des changements à venir au plan de la politique culturelle, en Poitou-Charentes comme ailleurs. Certes la crise est là, enfin pas pour les banques ni les sondages d’opinion, semble-t-il. Elle s’exprime de deux façons pour les communautés territoriales : la très forte baisse du nombre de transactions immobilières (véritable manne pour les municipalités) et les mauvais placements financiers à travers Dexia2, à Châtellerault, par exemple. On pourrait penser qu’il ne s’agit que d’une récession sporadique, mais s’y ajoutent la suppression de certaines taxes (mais pas encore la taxe professionnelle) et le report d’une partie des charges de l’État sur les régions et les départements. Sachant que l’État, suivant sa ligne politique de baisse générale des dépenses publiques (à quelques exceptions près, comme le train de vie de l’Élysée), se désengage financièrement de l’organisation de manifestations culturelles, on peut s’interroger sur l’avenir de celles-ci. Ainsi, le secteur des musiques actuelles, profondément bouleversé par la chute
vertigineuse des ventes de disques, peut se poser quelques questions sur sa survie. Les salles de musiques actuelles n’existent que grâce aux financements publics et les Zéniths bouclent leurs budgets avec des subventions, sauf à Paris. Les festivals3, quant à eux, comptent sur les régions et les départements pour les aider à se maintenir et à se développer (voir Expressions nº 10). À mon avis, l’adaptation pourrait se réaliser selon deux axes : la réduction drastique des frais et des budgets, avec pour conséquence probable la baisse du nombre de spectateurs, et l’augmentation du prix des places en rapport avec les coûts réels. Corollaire : la priorité risque d’être donnée aux valeurs reconnues ou en vogue, le reste étant laissé à des bars, qui, eux, suite aux lois sur les cigarettes et l’alcool, ferment en grand nombre. Cela dit, pour échapper aux cauchemars Bénabar, Renan Luce et autres Cali, il serait alors plus rentable de faire venir les Rolling Stones dans un grand champ charentais à 150 € la place. Il y aurait foule. • 1. Les rapports devenant de plus en plus conflictuels entre la direction du festival et la mairie, l’hébergement posant également un problème récurrent, il est fort possible que le festival parte vers d’autres cieux. Parmi les villes prêtes à l’accueillir, on parle beaucoup de… La Rochelle. 2. Groupe franco-belge de banque et d’assurance, spécialisé notamment dans le secteur public. Détail amusant : le tout nouveau président, un proche de Nicolas Sarkozy, a augmenté son salaire de 30 % pour atteindre 1 million d’euros annuel. 3. L’équipe de la Nef Garden Party vient d’ailleurs d’annoncer l’arrêt de son festival malgré son indéniable succès artistique. Également une façon de faire pression sur les financeurs, mais qui dénote bien une réalité difficile.
un magazine à l’ouest 7
Explosif
interview philippe collin et xavier mauduit
Collin, la
liberté de thon Depuis quatre ans, des voix clandestines résonnent à la radio et dénoncent, sur l’antenne de France Inter, « les absurdités du monde qui t’entourent ». Une voie de la liberté qui sillonne le pays du consensus mou.
P
hilippe Collin est en guerre contre le « total foutraque ». Chaque week-end, il pilonne les défenses adverses au micro de La Panique au Mangin Palace et de La Cellule de dégrisement, tactiquement soutenu par Xavier Mauduit, un « ami fidèle » rencontré au régiment. Délectons-nous de la prose de ces deux comiques troupiers, historiens de formation, adeptes de la tripatouille des pépites et des archives sonores. Une belle bande de « on ». Expressions : Les petits Collin et Mauduit étaient-ils taquins ? P.C. : Sincèrement, non. Je ne vais pas dire que c’est un effort mais c’est quelque chose que je travaille sur moi. C’est un rapport à l’autorité qui m’a amené à ça. C’est-àdire que je ne supportais plus l’autorité pour des raisons privées, familiales. X.M. : Moi, au contraire, c’est ma fascination de l’ordre qui m’a conduit jusque-là. J’aime que ce soit bien rangé, bien propre. C’est pour ça qu’on se complète assez bien. P.C. : Tu rigoles, mais c’est très juste ce que tu dis. X.M. : Moi, je peux faire des super-pochettes et Philippe il peut les mélanger. Mais il n’est pas bordélique. Jamais ! Sur les photos de presse, vous portez des masques. Est-ce une volonté de clandestinité ? P.C. : On n’a pas envie de communiquer sur nos visages particulièrement. On s’est même dit qu’on allait communiquer par nos non-visages. Une logique que certains ont expérimentée avant nous, avec beaucoup plus de succès, tel Daft Punk. X.M. : C’est aussi simplement parce que Philippe est comme ça. Toujours la volonté de ne pas se montrer. P.C. : Je pense que je suis un garçon très pudique. Je ne suis pas du tout exubérant. Pour rien au monde je ne ferais de la télé pour montrer ma gueule ! X.M. : Tu en as eu l’occasion pourtant…
8 expressions
« Au nom de l’allégresse, de l’extase potache et du Jo Dassaint-Esprit »
Exocet
Trombinonomatopées Nous avons demandé à Tac et Tac-tac de réagir à une liste de noms de personnalités. Voici leurs réponses du tac au tac : Nicolas Sarkozy : De Funès Christian Estrosi : Estropié Brice Hortefeux : Quand il y en a un... Eric Besson : Pathétique “Oh la la” Nadine Morano : Cucaracha Claude Guéant : Phare de la pensée Henri Guaino : Balzac Jacques Chirac : Qu’il a l’air sympathique ! Olivier Besancenot : Vélo Martine Aubry : De Meaux François Bayrou : Claque Philippe de Villiers : Il couine encore ce salaud-là ! Philippe Val : On a Val à Inter ! John Paul Lepers : Question pour un champion Julien Courbet : La thune ! Stéphane Guillon : Le matin Didier Porte : C’est pas un gond Laurent Gerra : Poujadiste
J. garcia
Donc, avec la notoriété, vous avez reçu des sollicitations… P.C. : Oui, quelques-unes. Là-dessus, on est très clairs, Xavier et moi. On va choisir le bon moment et la bonne opportunité. On a décrété qu’on allait faire une chose à fond. Il n’est pas question qu’on aille faire les pignoufs à la télévision. C’est pas nous. On ne veut pas gâcher ces quatre années de tarés [ndlr : à faire passer le travail avant la vie privée]. X.M. : La notoriété, jamais on n’en a parlé. Pareil pour la volonté de s’exposer. Je sais que les photos où on voit la tronche de Philippe, c’est parce qu’il était tenu par les couilles ! Vous parlez de la campagne de pub lancée par France Inter en 2008 ? Y avait-il obligation à participer à cette promotion de la station ? P.C. : Ce n’était pas une obligation. Ils nous ont proposé une seconde heure le samedi1 avec, dans le package, une campagne d’affichage à la rentrée. C’était la première fois que j’allais être à découvert. On a réfléchi ensemble et on s’est dit qu’on serait bien débiles de ne pas profiter d’une telle exposition pour notre travail et pour notre notoriété. Le problème, c’est qu’ils ont imposé la photo. Et puis il y a eu le mot. Nous, on voulait « la connivence ». Ils ont imposé « l’exubérance ». Pour tout dire, on a fait aussi des photos avec des masques. Qui tapaient beaucoup plus. Ils nous ont dit : « Elles sont bien mais il va falloir gérer l’ego des autres parce qu’il n’y aura que ta photo qui va sortir du lot. » On a dû renoncer. Et comment se manifeste votre nouvelle notoriété ? P.C. : Par des demandes d’interview ou par une première expérience à Marseille face à un vrai public de fous furieux ! X.M. : Pour Marseille, je ne parlerais pas de notoriété. C’était une sympathie entre les auditeurs et nous. P.C. : Il n’y avait pas de fascination. Ils sont venus comme des amis. Ça nous a fait vraiment plaisir. On était vraiment émus. On a été assez surpris par l’enthousiasme et le nombre de personnes à Marseille. Et ça nous a un peu dépassés. On a eu les nouveaux chiffres de Médiamétrie cette semaine. On hallucine. Sur le dimanche, on est pratiquement à 1 800 000 (ndlr : auditeurs) et, sur le samedi, on fait déjà mieux que la dernière Panique de la saison précédente avec 1 300 000. X.M. : Devant RTL ! P.C. : Ça fait bizarre parce qu’on est, malgré tout, un truc de potes. Très pro comme organisation, mais aussi très amateur sous certains aspects. X.M. : La proximité, ça n’a jamais été un calcul. C’est simplement parce que c’est comme ça qu’on bosse. Pour le samedi, en revanche, c’est un vrai calcul. C’est la ligne éditoriale. On tire vers le haut. On fait plus compliqué. On avait peur mais ça marche. > un magazine à l’ouest 9
Ex æquo
La Panique est-elle en résistance ? En croisade ? X.M. : Croisade contre des gens, non. Plus contre un système ou des idées. On en revient à la lutte contre l’autorité. P.C. : On a réfléchi au mot résistance. On peut l’accepter par certains côtés et le rejeter par d’autres. On ne veut pas être des vengeurs masqués. Ça nous effraie un peu. On dénonce des choses qui nous agacent sincèrement ou qui rentrent dans une idéologie qui nous déplaît. On ne veut pas créer une secte, un truc exclusif, communautaire. En tenant cette ligne, subissez-vous des pressions ? P.C. : En interne à Radio France, en cinq ans, pas une seule pression. Directement. X.M. : Aucune censure en amont. On va à l’antenne, ils ne savent pas ce qu’on va dire. P.C. : Les politiques, on n’en a aucune nouvelle. Rien ! Je crois que c’est plus dur de nous chercher des noises quand on se fout de la gueule de Sarkozy avec De Funès que quand on le fait directement. Mon désir n’est pas de conforter les gens de gauche uniquement, dans leur aigreur et leur désespoir, mais d’aller taper un peu plus large et montrer à des gens qui ne sont pas comme nous qu’on n’a pas complètement tort. On n’est jamais agressifs, méchants ou cruels. X.M. : On essaie de pointer là où ça fait mal. Et ça marche ! P.C. : C’est la première fois qu’un gouvernement, sous prétexte de sauver la presse, s’offre une campagne de pub2 dans Libération et ailleurs. Tout le monde en a profité. Je suis désolé. On n’a jamais vu ça. Ils s’offrent cette campagne avec des fonds publics, notre pognon, pour refourguer leur politique. Il ne manquait plus que le logo de l’UMP en bas. Ça devrait faire chier n’importe quel mec qui paye des impôts. C’est pas moral ! X.M. : Démonter tous les schémas de domination, déconstruire l’image qu’on nous propose. P.C. : Il y a une telle connivence dans les médias qu’il suffit que tu dises trois trucs un peu sincères pour passer pour un dangereux révolutionnaire ou pour Che Guevara. On a pourtant l’impression de faire juste notre job, de marquer des choses qui nous semblent bizarres. Mais rien que de le dire sur une antenne nationale, tu es estampillé… Propos recuillis par Pierre Labardant 1. L’émission Le Ministère psychique a précédé La Cellule de dégrisement en 2008. 2. Le gouvernement a investi 1,9 million d’euros au printemps 2008 dans une campagne de communication expliquant les mesures prises face à la crise.
J. garcia
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Castagne en direct du Mangin Palace*
L
a Panique au Mangin Palace* est une émission radio en direct. Un round d’une heure durant lequel Philippe Collin assène de rudes coups à ses adversaires. En ce dimanche 22 novembre 2009, jour du 180e épisode, M’sieur Collin a enfilé comme à l’accoutumée ses gants à quelques minutes de la prise d’antenne. Dans son coin du ring, il s’échauffe sous la houlette du coach Marco [ndlr : Henri-Marc Mutel, réalisateur de l’émission]. On sent monter la tension dans ce studio nº 72. L’heure du combat approche. Les coups d’œil sur l’horloge digitale se font de plus en plus nombreux. Alors que l’agitation grandit en régie, la concentration s’installe pourtant sur le visage du combattant. Le flash infos vient de s’achever. Dans cette arène, point de gong mais une lumière rouge pour marquer le début de la reprise. « Il est 11 H 05, on est dimanche matin, on est bien… » Calé sur son coude, il se lance à l’assaut du micro, marquant son flow de gestes impératifs de la main, un glaive brandi à chaque intonation. Il y a du gladiateur dans cet homme-ci ! En régie, dans l’agitation du clan Mangin Palace, Marco lève le pouce pour encourager son protégé. Il y a du César dans cet entraîneur-là ! Les traits de Collin se tordent sous une douleur manifeste pendant ses monologues en apnée et la fin du combat vient, enfin, délivrer ses zygomatiques. Xavier Mauduit est monté sur le ring pour brandir avec le titan du Finistère**, dans une liesse modeste, la ceinture de champion du verbe acerbe. Et de déclamer de concert : « Surtout, ne lâchez rien ! » * Le nom de l’émission est tiré de l’adresse des studios de France Inter situés avenue du Général-Mangin à Paris. ** Philippe Collin est originaire de la presqu’île de Crozon, le « doigt du fuck » de la Bretagne.
un magazine à l’ouest 11
Ex nihilo
dossier Les télés locales « à pas cher »
La TNT nous sau La région a vécu sans télévision locale. Ce ne sera bientôt plus le cas. Depuis peu Villages TV émet à Poitiers. Elle est aussi candidate, tout comme Célà TV, pour la fréquence ouverte à La Rochelle-Ré. Deux dossiers actuellement examinés par le CSA. À Angoulême, c’est la communauté d’agglomération qui porte le germe de Grand Angoulême TV.
D
ans les six mois à venir, le paysage audiovisuel local pourrait changer avec la prise d’antenne de La Rochelle. Heureux effet du déploiement de la TNT initié par le CSA en 2005 comme nouveau mode de diffusion. Sous le tapis technique, une mécanique médiatique se met en place. Des espaces se libèrent, des télévisions locales s’en saisissent, de nouveaux enjeux se dessinent. Ils ne relèvent pas seulement de la qualité de la programmation de ces chaînes – souci majeur de la TV locale, elle n’a parfois pas le choix entre produire du contenu ou diffuser un quelconque brouet. Derrière ces médias locaux appelés à croître en nombre, à capter des téléspectateurs et à ouvrir de nouvelles fenêtres de visibilité, il y a du monde : associations, privés, annonceurs, entreprises, groupes de presse, collectivités. Pourtant, lorsqu’on évoque leur modèle économique, c’est souvent pour dire qu’ils sont difficilement viables. Or il n’y a pas un modèle mais plusieurs, et qu’elle soit télévision locale de service public, 100 % privée ou l’instrument d’un groupe de presse, à l’heure de payer, la TV attend des recettes publicitaires dont le volume dépend de la conjoncture. En palliatif, beaucoup pensent à une syndication au plan national. 12 expressions
Reste que le numérique a sur l’analogique l’avantage de considérablement minimiser les coûts – « La télé à pas cher » entend-on dire. Il y a donc des candidats pour tenter l’aventure et chez le zappeur une attente en variété des contenus (proximité en tout : infos, loisirs, culture, environnement, citoyenneté) qu’offriront ces chaînes en toute liberté d’expression, espère-t-on. Certaines s’éteignent quand d’autres s’allument. À Angoulême, on est en veille : promesse de campagne de
Philippe Lavaud, Grand Angoulême TV se positionne prudemment en attendant le signal du CSA. Question de viabilité sur un territoire aussi. Car il en est semble-t-il de plus attirants que d’autres. Lorsque Villages TV a répondu à l’appel à candidatures du CSA pour diffuser à Poitiers, elle était seule à l’audition. Déposant un dossier pour La Rochelle, elle est au coude à coude avec Célà TV, Mativi* ayant levé le doigt lors de la consultation préalable du CSA avant de finalement lâcher prise. La Rochelle serait-elle une bonne place ?
Explications
ute au PAF
Le CSA et les robinets à images locaux
L
’abandon progressif de la télévision analogique et la redistribution de fréquences sur l’ensemble des émetteurs maillant le territoire français Célà TV de service public libèrent un canal réservé aux Avec ses divers festivals, la ville télés locales sur le réseau portuaire s’est bâti une image de ville numérique dédié à France d’écrans. On vient montrer et se montrer. Télévision, le « multiplex R1 ». Paradoxalement, la télévision en était abAvec un coût de diffusion sente, exception faite de Mativi qui, sur le réduit du fait de ce partage web, ne joue pas dans la même cour. Mais d’émetteur, l’enjeu pour les en mars 2008, une consultation du CSA a candidats à la télé locale est réveillé trois candidats potentiels pour d’obtenir leur place sur ce R1. les émetteurs de Mireuil et Ars-enLe CSA attribue cette Ré assurant une couverture de fréquence en deux temps. Rochefort à Marans pour D’abord, il sonde un territoire 300 000 habitants. Le donné en lançant une 19 mai 2009, seuconsultation, afin de vérifier les Célà TV et s’il existe une offre et une Villages TV demande locales, une audience potentielle et des porteurs de projets. Si c’est le cas, 160 télévisions locales le CSA lance alors un émettent en France. « appel à candidatures » En Poitou-Charentes, c’était à l’issue duquel sont jusqu’à présent le désert. auditionnés les candidats crédibles en termes de programmation et de financement. Un cahier des s’étaient charges définit par exemple positionnées. le volume de « programmes Les représentants frais » à produire des deux chaînes hebdomadairement (en général ont été auditionnés 7 heures, progressivement par le Conseil supérieur augmentées à 12). Le CSA peut le 3 novembre. alors décider de l’attribution Célà TV, appuyée sur une d’une fréquence, de son SAS au capital de 500 000 € et partage entre les candidats une association (ATIL), a présenté ou … le stand-by. un projet à fort ancrage local. Son Environ 160 télévisions équipe, 100 % rochelaise et professionlocales émettant en France via nelle, est dirigée par le réalisateur Nicolas la TNT, inégalement réparties Auneau. « Nous avons élaboré un projet sur le territoire. Dans certaines complémentaire des médias agissants régions, l’offre est pléthorique (France 3, Mativi) et nous aurons notre et joue la carte de l’ultra-local. place comme les autres ont trouvé la leur. » En Poitou-Charentes, c’était Cela passe par 12 heures de programme jusqu’à présent le désert, faute frais à la semaine, une diffusion continue, de projets porteurs. • > un magazine à l’ouest 13
Extension
< de l’info, un grand magazine, un agenda, du direct, la parole aux téléspectateurs. « On se positionne comme chaîne locale de service public, qui expliquera le fonctionnement des collectivités en leur offrant la part belle »… et 35 % des parts via une société d’économie mixte où pourraient cohabiter le conseil général et la CdA. Célà TV compte également sur les contrats d’objectifs et de moyens par lesquels une collectivité peut subvenir au manque de ressources d’une télé (jusqu’à 600 000 €/an) ; en contrepartie, celle-ci s’engage sur le terrain du service public à traiter d’éducation, de transports, de citoyenneté, d’écologie… Dans un tel dispositif, la chaîne devra encore récolter 300 000 € de pub afin de boucler son budget annuel d’1 M€ et payer ses douze salariés. Villages TV, de la terre à la mer Le projet rochelais de Villages TV, qui émet depuis septembre à Poitiers, peut paraître moins ambitieux que celui de Célà TV. Son directeur, Marc Flamant, a repris l’antenne sur la TNT de la Vienne avec une nouvelle autorisation du CSA après un premier échec financier en 2006. Réalisateur et directeur de production, il a constitué une société privée, dont il est l’actionnaire majoritaire, avec Public média et quelques amis. Il fait de la télé pour 350 000 € à l’année et va autant sur le terrain que ses trois salariés. Villages TV couvre 80 % du département de la Vienne, un peu des Deux-Sèvres et reste allumée 24/24 h pour 350 000 téléspectateurs potentiels ; mais elle ne diffuse qu’une belle lune de 23 h à 7 h du matin, tant qu’on dort. M. Flamant vit sa TV comme un engagement. « Je la veux citoyenne. On ne fait pas de news, on va chercher l’info, on prend du recul, on va voir les gens. » Pourquoi « Villages » ? Pour la résonance, même vue de la ville, avec la petite place où se tisse l’opinion et parce que ses caméras tournent sous tous les clochers. Quant à la politique, Villages TV en parle, c’est tout. Traiter des compétences d’un conseiller général, oui, mais sans en prendre la couleur. « Si je rencontre un maire de droite, le prochain sera de gauche. » Et si une collectivité veut apparaître, elle paie. Avec la publicité et les parrainages, cet apport est essentiel dans le budget de la chaîne. 14 expressions
exigu
Marc Flamant se dit heureux du challenge sur la zone de La Rochelle, à ses yeux révélateur d’un bon gisement publicitaire. Villages TV s’y installerait avec une thématique dédiée à la mer et mutualiserait moyens et recettes avec Poitiers, de manière à viser l’équilibre (budgétaire ?) des deux. S’il n’est pas l’élu du CSA, Marc Flamant espère mettre en place des synergies entre Poitiers et Célà TV à La Rochelle : « Si on fait le même métier, il faudra se rencontrer. » Angoulême dans l’attente Dans le sillage porteur de Poitiers et La Rochelle, Angoulême, qui se compte aussi parmi les « villes de l’image », espère trouver sa place dans le paysage numérique régional. Le territoire est plus petit – un bassin de 184 000 téléspectateurs potentiels autour du « grand Angoulême » –, il est également moins riche, du fait du recul industriel. Le projet de télé locale a resurgi en Charente dans des circonstances particulières. Le candidat PS à la mairie d’Angoulême, Philippe Lavaud, en avait fait une promesse de campagne. Élu, il a confié la réflexion et le montage du dossier à Thierry Vildary, journaliste à France 3 Île-de-France et exconseiller de campagne du candidat. Le projet repose sur quatre piliers : une volonté de programmation « ultra-locale », avec infos et débats du cru ; le soutien à l’offre de formation présente à Angoulême, dont les étudiants pourraient par exemple assurer la main-d’œuvre ; une « présomption de droit de diffusion » sur les productions et coproductions régionales, garantissant une programmation originale et enfin l’inévitable « valorisation du territoire » sans laquelle il n’est de soutien institutionnel possible. Porté par la communauté d’agglomération – présidée par le maire d’Angoulême –, le montage soutenant l’ensemble associerait en effet mairie, département et région. « Grand Angoulême TV » – c’est le nom du projet – ne demande donc qu’à voir le jour et attend désormais l’appel du CSA (voir encadré). Mais dans un contexte financier difficile pour les collectivités – qui réduisent leurs subventions aux festivals, bande dessinée incluse, et voient vaciller la Garden Nef Party – on se montre finalement plus prudent que réellement impatient. Avec des élections régionales qui s’annoncent
à gros sabots, la coloration politique du projet angoumoisin fragilise peut-être sa candidature. Une faiblesse dont se défend Thierry Vildary qui met en avant la nécessité d’occuper le terrain du numérique : « Si les collectivités ne se positionnent pas sur la TNT, le risque est grand de voir apparaître des groupes comme Hersant ou Hachette, dont les préoccupations sont tout sauf locales. » Une place à trouver Les grands groupes de presse semblent cependant montrer une certaine réserve pour s’approprier les fréquences. À l’appui de leurs titres de presse quotidienne régionale (PQR), qui semblait leur conférer une légitimité naturelle à occuper la télé locale, ces groupes ont tenté un temps de taper tous azimuts. Las, la crise passe par là, les recettes publicitaires dégringolent, la presse se crispe et la PQR se recentre sur ses fondamentaux. D’ambitieux projets TNT périclitent, à Nantes, Toulouse, Marseille. Ces expériences malheureuses incitent les nouvelles vagues de candidats et le CSA luimême à réduire la voilure des projets et à favoriser la fédération d’initiatives locales. La mutualisation des programmes, la syndication de la publicité, les collaborations régionales semblent dessiner un nouveau modèle, plus en rapport avec les enjeux territoriaux. La question qui reste à poser désormais est celle du support lui-même. Un rapport récent du ministère de la Culture pointe l’extrême fragmentation de notre consommation d’écran. Fini le téléspectateur fidèle et à horaires fixes : davantage d’ordinateurs, de contenus portables, un temps de cerveau moins disponible pour la seule télé, qui doit désormais partager. Dans ce débordement d’images, les chaînes locales devront faire la preuve de leur capacité à capter une attention toujours plus fugace et prompte à zapper. • Philippe Guerry et Élian Monteiro Illustrations : Marine Blandin
*Au contraire de bien des TV locales à la peine, la
web TV « qui colore la vie » paraît tenir le cap sur son modèle économique et son mode de diffusion (elle capte un public jeune, plus présent sur l’écran informatique que devant la télé, mais les chaînes de la TNT y seront aussi). Elle s’est développée il y a peu à Marseille, Toulouse et Montréal (Canada)
un magazine à l’ouest 15
Expérimental
niort la roussille
Over-rose À La Roussille, une dizaine d’artistes se sont installés dans les anciens locaux d’une chamoiserie, en bordure de Sèvre. Le lieu est enchanteur, le calme propice à la création … Pourtant, depuis octobre, un des ateliers, transformé en boîte rose, en « boîte de fille », y fait sa révolution : « Le Cabinet de Ginette S. », 9 propositions sur 9 mois à venir « bouliter ».
B
ouliter ? C’est « quand les vieilles dames regardent derrière leurs rideaux ». Le passant, attiré par la lumière et le rose flashy, n’a qu’à venir lorgner derrière la vitre et se laisser happer par les mises en scène soignées qui ont poussé là : Hommage à Spiderwoman étire des rondes de napperons dans une toile énigmatique et aérienne, Cueillette d’assiettes range la vaisselle dans la spirale d’un kiosque brinquebalant, rongé de rouille et envahi de branchages à peine coupés. Et vont se succéder, dînette, bouquet, placard, lit, salon… du domestique
16 expressions
et du quotidien, investis par cet esprit facétieux, « donneur à voir », « responsable de visions ». Une artiste démiurge serait donc à l’œuvre derrière cette drôle de gestation à rideaux découverts ? Aucune prétention pourtant chez Ginette Sarazin, juste une opiniâtreté étonnante dans un trajet apparemment en dents de scie : un milieu agricole, le CAP d’horticulture, les beauxarts à 23 ans pour celle qui se voulait malgré tout artiste, puis un détour par les arts de la rue, les enfants, la maison… « Je me suis longtemps mise en suspens, mais j’ai toujours produit. Les enfants grandis, le travail a repris de l’importance. » Au point qu’en une nuit, apprenant qu’un local format cabane est disponible à La Roussille, elle échafaude le projet du Cabinet, son ordonnance et sa réalisation, sans aucune aide : « J’étais prête, c’est un cadeau que je me suis fait. » « De la nourriture à faire tourner les moulins » Celle qui se fait appeler Ginette, parce que « les ginettes, c’est le petit nom pour les filles, non ? », nous parle des femmes et des tâches qu’on leur assigne. De la place qu’elles savent se donner aussi : Spiderwoman n’est ni une victime, ni une militante. Héritière du mouvement des artistes femmes des années 1970, à sa manière, pas très loin d’une Annette Messager ou d’une Louise Bourgeois, Ginette Sarazin joue avec les niveaux de lecture sans s’y appesantir : des transparences à l’ombre, du mignon à son trop-plein, du comique à l’angoisse, de la fleur à sa jungle, pour arriver à toucher l’intime. À nous de ressentir, dévider les histoires enfouies, « faire tourner les moulins ». Et les hommes ? Ils ne font que regarder ? « Ils vont arriver, ne vous inquiétez pas. » On a le temps, Ginette viendra nous nourrir jusqu’en juin. • Catherine Fourmental-Lam + Le Cabinet de Ginette S., octobre 2009-juin 2010 La Roussille, 74 rue du Moulin, Niort http://cabinetginettes.blogspot.com
extra-muros
Architecture La Sirène, chantier ouvert au public
«E
n France, un bâtiment sur deux est construit avec l’argent public mais au moment de sa matérialisation, on ne montre pas. C’est un drame parce que construire est un acte social, culturel. Un chantier est l’expression de savoirs. Ne pas les montrer tend à dire que le travail manuel est servile. Or on ne peut vivre sans la main. » Le chantier selon Bouchain est un lieu de transmission, de formation, d’accueil organisé et sécurisé. Architectes, ingénieurs, entrepreneurs, ouvriers partagent le même espace à confort égal. Le café est gratuit, la maquette de La Sirène accessible à tous et chacun peut tenir conférence sur ce qu’il sait de l’application d’un enduit ou des lois de l’acoustique. « Un abri pour la démocratie » où le visiteur est bienvenu. De l’interdit vers le possible « Notre architecture résulte de tout cela. » Le crayon de Patrick Bouchain est comme un prolongement du chantier – ce corps vivant – et non l’inverse. Architecture d’interprétation, pas d’exécution. Elle interprète 2 800 m2 d’entrepôt mis à disposition par le port autonome. Un navire à quai entre l’espace privé et le boulevard Delmas. D’où la construction d’une passerelle, jetée « de l’interdit vers le possible » sur un hall-bar-billetterie et, autre possible sans interdit, l’espace fumeur : « On ne sort plus fumer comme un voleur, on a prévu un belvédère. » Clope écrasé, la zique est à l’étage : une salle de concert « posée sur le toit », à jauge variable, 600 places debout, 200 assises. En rez-de-port, entre les piliers du vieux bâti, les amplis jouent les notes des dessous, des grottes, des caves en cinq salles de répét’ et studios. Porter le rock où l’on stockait le grain, c’est donc cela l’architecture ? Affirmatif. « Je n’aime pas le terme réhabilitation, je préfère “remise en vie”. C’est quand on s’en sert que l’on transmet le passé » explique Patrick Bouchain dont on reconnaît la manière** : saisir un bâtiment d’hier, se charger de son histoire, en écrire une nouvelle, contemporaine.
Un abri pour la démocratie Le cabinet d’architecte Construire va transformer un hangar à grain du port autonome de La Rochelle en Espace de musiques actuelles. En dessinant La Sirène*, Patrick Bouchain bâtit une société plus humaniste.
Patrick Bouchain compare son travail à celui d’un metteur en scène.
© construire
« J’ai cessé de faire de l’architecture », dit-il, dans juste un peu moins qu’une provocation. « Tout le monde en fait, celui qui commande, celui qui construit, celui qui utilise un bâtiment. » Si architecture il y a, Patrick Bouchain la veut sociale. Avec La Sirène, il signera son dernier équipement culturel. Il consacrera la suite de sa carrière à l’habitat social. Ce n’est pas le fait du hasard si, de l’autre côté du boulevard Delmas, on projette d’élever de tels logements, en écho aux musiques actuelles. • Élian Monteiro * La CdA en est le maître d’ouvrage. ** À voir : Théâtre Zingaro (Aubervilliers), Lieu Unique (Nantes), Cité nationale de l’histoire de l’immigration (Paris). À lire : Construire autrement (Actes Sud)
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dura lex
Angoulême Art comptant pour rien
Reprendre le
Maki ? © le maki
Le Maki – pour musée d’art kontemporain, et i, au choix : inutile, imaginaire, indiscipliné, imbécile, indispensable … – a pris ses quartiers dans les anciens abattoirs d’Angoulême. Le lieu est menacé par des meringues industrielles.
R
ue des marais de Grelet, ça sonne déjà comme un poème. On entend presque les grenouilles s’époumoner, coassant légèrement abattues pour mieux retourner l’âme sœur … Est-ce pour mieux marquer la prédestination du lieu que les occupants actuels ont pris pour nom le Maki, double hommage à la faune menacée et à la flore clandestine ? Toujours est-il qu’ils y organisent depuis deux ans des festivités diverses dont le raffinement et le bon goût leur assurent la reconnaissance indéfectible de toute la population. « On a fait des défilés de godemichés avec
18 expressions
des mômes hilares. C’est d’ailleurs tout ce que la presse locale a retenu », raconte, emballé, Florent Poujade, qui a créé le lieu avec Marc Hennebert, Laurent Weber et Benoît Delépine, Charentais intermittent. Dans cet esprit d’émulation artistique pointue, l’entregent du Grolandais a pu favoriser le passage au Maki des plus dignes représentants de l’identité culturelle nationale : Siné, Vuillemin, Depardieu… qui sont venus trouver là le calme et la sérénité nécessaires à l’exercice de leur art et contribuer par là même au rayonnement intellectuel de la cité des Valois, ce que la ville reconnaît d’ailleurs avec gratitude, en offrant l’eau, l’électricité et le double des clés du parking. C’est que l’endroit est aussi un lieu de passage, une résidence d’artistes, qui accueille sans tapage ni ostentation sculpteurs, peintres, musiciens, vidéastes … « Nous organisons des expositions, des projections, des concerts, le tout avec les moyens du bord, sans solliciter de subventions. Avant la dernière Garden Nef, on a par exemple accueilli Birdy Nam Nam devant 1 500 personnes, et gratuitement. » Vide industriel Mais il n’est de bonne friche sans ses squatteurs et, depuis quelques mois, le Maki doit cohabiter avec une entreprise de pâtisserie industrielle sans domicile fixe – le dernier ayant brûlé, ce qui est ennuyeux quand on fabrique du surgelé. Faisant fi de l’estime réciproque que se portent artistes et industriels, le bailleur municipal va devoir trancher pour décider qui finalement restera dans ce frigorifique loft, de la bohème créative ou des tartes congelées. Un suspens haletant, où la raison du plus fort créateur d’emploi risque de l’emporter sur la meilleure déraison, et qui nous rappelle en ces temps écologiques troublés que dans les marais, quand les grenouilles s’époumonent légèrement abattues, les crapauds-buffles ne sont jamais bien loin pour les empêcher de retourner l’âme sœur. Philippe Guerry + Le Maki : www.le-maki.org
agenda décembre 2009 + janvier 2010
Envoyez vos informations à agenda@magazine-expressions.com
Musique
Expositions
déc vendredi 04
■ Pablo Parés Empailleur de bulles de savon Méd. Michel-Crépeau - LR 06 19 34 30 20 jusqu’au 02 janvier ■ Ghislaine Escande
« Passages » Passage des Amériques Corderie Royale - Rochefort 06 76 95 42 55 jusqu’au 10 janvier
■ Jassad Project Exposition - Vidéo Performance Chapelle St Vincent - LR 05 46 07 16 93 jusqu’au 12 décembre ■ Melosolex Concert Jazz Fourriers - Rochefort - 20h30 05 46 82 15 15
■ Traces de pneus « et autres parfums de cambouis » Matlama - La Rochelle 05 46 50 12 84 jusqu’au 31 décembre ■ Au temps des
croisades Claude Terrasse - Mise en scène Philippe Nicolle La Coursive - LR - 20h30 05 46 51 54 00
■ Marie Stuart, une
figure romantique ? La destinée artistique de la reine d’Écosse au xixe Musée des Beaux-arts - LR 05 46 41 46 50 jusqu’au 18 janvier
■ Régis Mayoux
Quartet Apéro-concert L ’Astrolabe - La Rochelle - 19h 05 46 67 47 67
■ Il était une fois
Racine Serge Mamadou La Fabrique du Vélodrome - LR 05 46 27 12 12 Jusqu’au 20 décembre
Spectacles
Littérature
Jeune public
audiovisuel
Divers
■ Didier Ben Loulou Série Jérusalem et Les Visages 1991/2006 Carré Amelot - La Rochelle 05 46 51 14 70 jusqu’au 20 décembre
■ Ensemble d’accordéons et orchestre d’harmonie Concert Oratoire - LR - 18h30 05 46 30 37 39
samedi 05
■ Eurovocal Ensemble de jazz européen Église d’Aytré - 20h30 05 46 30 19 41
■ Mère agitée, risque d’orage en soirées ! Spectacle comique Théâtre St Martin - La Rochelle 05 46 07 08 92
■ La petite hotte des créatrices Exposition-vente 8 quai Simenon - La Rochelle 06 24 12 41 87
dimanche 06
■ Mère agitée, risque d’orage en soirées ! Spectacle comique Théâtre St Martin - La Rochelle 05 46 07 08 92 ■ Concert MozartHaydn Ensemble Mensa sonora Église St-André - Niort - 17h30 05 46 00 13 33 ■ Naomi Shelton & The Gospel Queens Soul Gospel / États-Unis Le Confort Moderne - Poitiers - 18h et 21h 05 49 46 08 08
mardi 29, mercredi 30.12 et samedi 02.01
■ Contes au creux du sabot d’un cheval La conteuse Justine Devin vous emmènera à la rencontre de lions, tigres, crocodiles, ours et loups fascinants autant que menaçants, comme d’oiseaux, lièvres et boucs audacieux et malins. Auditorium du Muséum de la Rochelle Réservations : 05 46 41 18 25
mercredi 09
■ Vincent Delerm Trio
■ L’Ours et le magicien
■ Orchestre des champs-Élysées Haydn et Mozart TAP - Poitiers - 20h30 05 49 39 40 00 mardi 08
■ Wajdi Mouawad Une écriture romanesque et dramatique Centre Intermondes La Rochelle - 20h 05 46 34 11 63
■ Makeart Festival international Logiciel Libre, Open Source et arts numériques Maison de l’Architecte et autres lieux dans Poitiers 06 71 07 36 91 Jusqu’au 13 décembre
samedi 12
■ La petite hotte des créatrices Exposition-vente 8 quai Simenon - La Rochelle 06 24 12 41 87 ■ Une nuit sur terre
lundi 07 Concert La Coursive - LR - 20h30 05 46 51 54 00
■ La poésie c’est dramatique Wadji Mouawad Robert Davreu Centre Intermondes - LR - 20h 05 46 34 11 63
3 C.-M. d’animation Moulin du Roc - Niort 05 49 77 32 32 jusqu’au 22 décembre
■ trio pour un p’tit pois Concert improbable Théâtre d’Angoulême - 15h30 05 45 38 61 62
■ Persécution de Patrice Chéreau Moulin du Roc - Niort 05 49 77 32 32 jusqu’au 22 décembre ■ La Princesse au petit poids Cie La Rousse La Coursive - LR - 19h30 05 46 51 54 00
■ La nuit s’en va le jour Cie Le clan des songes Salle polyvalente de Villeneuveles-Salines - La Rochelle 05 46 51 14 70 jusqu’au 12 décembre ■ Marcel et son orchestre 1re partie : MJC / Clandestine Le Camji – Niort – 21h00 05 49 17 50 45 vendredi 11
■ Victor Hugo mon amour Cie Anthéa Sogno La Maline - La Couarde - 21h 05 46 29 93 53 ■ trio pour un p’tit pois
jeudi 10
Concert improbable Théâtre d’Angoulême - 20h30 05 45 38 61 62
■ Lang Toi
■ renegades steel
Mon village La Coursive - LR - 05 46 51 54 00 jusqu’au 13 décembre
orchestra TAP - Poitiers - 20h30 05 49 39 40 00
Cirque Bang Bang Chapiteau Stade Rouge Rochefort - 20h30 05 46 82 15 15 dimanche 13
■ Biviou raconte Contes traditionnels Espace C. Leclerc - Niort 05 49 17 39 17 ■ orchestre poitoucharentes Mozart, Martinu et Brahms Gymnase de la vieille Forme Rochefort - 17h00 05 46 82 15 15 mardi 15
■ Une nuit sur terre Cirque Bang Bang Chapiteau Stade Rouge Rochefort - 20h30 05 46 82 15 15 jusqu’au 18 décembre
■ 19 août 1936, mort d’un poète Federico García Lorca José Manuel Cano Lopez Théâtre d’Angoulême - 20h30 05 45 38 61 62
agenda
Musique
Expositions
Spectacles
■ La Nuit des rois (ou ce que vous voudrez) William Shakespeare Par Jacques Vincey La Coursive - LR - 20h30/19h30 05 46 51 54 00
■ Tango
mardi 29
Metropolis Compagnie Buenos Aires Express Tango La Coursive - La Rochelle 05 46 51 54 00
■ Imagine toi Un clown-mime-show de Julien Cottereau La Maline - La Couarde - 21h 05 46 29 93 53
■ tous les algériens sont des mécaniciens Fellag et Marianne Épin TAP - Poitiers - 20h30 05 49 39 40 00
mercredi 30
mercredi 16
■ Tout l’univers en plus petit Cirque tout public Gymnase Louis Guillet La Rochelle - 18h30 / 17h 05 46 67 47 67
■ La Nuit des rois (ou ce que vous voudrez) William Shakespeare Par Jacques Vincey La Coursive - LR - 20h30/19h30 05 46 51 54 00
■ Tango Metropolis Compagnie Buenos Aires Express Tango La Coursive - La Rochelle 05 46 51 54 00
■ Contes de l’âge d’or film collectif Moulin du Roc - Niort 05 49 77 32 32 jusqu’au 12 janvier
■ L ’arlésienne
■ Tout l’univers
■ Mon colocataire est une garce Pièce de théâtre Théâtre St Martin - La Rochelle 05 46 07 08 92 jusqu’au 2 janvier
Alphonse Daudet et Georges Bizet Théâtre d’Angoulême - 20h30 05 45 38 61 62
■ Kerity et la maison des contes de Dominique Monféry Moulin du Roc - Niort 05 49 77 32 32 jusqu’au 05 janvier ■ Les Pieds nickelés Théâtre musical Moulin du Roc - Niort - 18h30 05 49 77 32 32 ■ Chœur de Clarinettes et Orchestre Symphonique Salle polyvalente St Vivien - 19h 05 46 30 37 39 ■ Pierre et Vincent chantent pour les petites oreilles Concert acoustiques Médiathèque Elsa Triolet Aytré - 16h30 05 46 45 40 67 ■ tous les algériens sont des mécaniciens Fellag et Marianne Épin TAP - Poitiers - 20h30 05 49 39 40 00 jeudi 17
■ Pony Pony Run Run 1re partie : Stout Le Camji – Niort – 21h00 05 49 17 50 45
■ Barbe Bleue Texte de Christian Caro Cie Laurence Andreini Théâtre Amazone - La Rochelle 05 46 51 14 70 jusqu’au 20 décembre ■ L’Armoire C Les Clandestins Chapelle Fromentin – LR – 18h30 05 46 00 00 46 ie
vendredi 18
■ Pony Pony Run Run 1re partie : Moon Pallas Le Camji – Niort – 21h00 05 49 17 50 45
samedi 19
en plus petit Cirque tout public Gymnase Louis Guillet La Rochelle - 18h30 / 17h 05 46 67 47 67
■ La petite hotte des créatrices Exposition-vente 8 quai Simenon - La Rochelle 06 24 12 41 87 dimanche 20
■ Biviou raconte Contes traditionnels Espace culturel Leclerc - Niort 05 49 17 39 17
■ La petite hotte des créatrices Exposition-vente 8 quai Simenon - La Rochelle 06 24 12 41 87
■ Découverte au musée Agnès Brillatz, guide interprète national Les Donjons de Niort - 15h 06 77 02 88 89 mercredi 23
■ Strella de Panos H. Koutras Moulin du Roc - Niort 05 49 77 32 32 jusqu’au 29 décembre ■ Le Père de mes enfants de Mia Hansen-Love Moulin du Roc - Niort 05 49 77 32 32 jusqu’au 29 décembre
■ Ciné-concert spécial de Noël Ciné Passion 17 La Maline - La Couarde - 14h 05 46 29 93 53 lundi 28
■ Résidence de recherche et de développement d’outils multimédia Cie du Veilleur La Fabrique du Vélodrome La Rochelle 05 46 27 12 12 Jusqu’au 31 janvier
Littérature
■ La Merditude des choses de Felix Van Groeningen Moulin du Roc - Niort 05 49 77 32 32 jusqu’au 12 janvier
jeudi 31
jan dimanche 03
■ L’Arbre sans fin Exposition Médiathèque - Niort 05 49 78 70 73 mardi 05
■ Tabarin et son maître Comédie baroque de tréteaux Fourriers - Rochefort - 20h30 05 46 82 15 15
■ Good Morning,
Mr Gershwin José Montalvo / Dominique Hervieu La Coursive - La Rochelle 05 46 51 54 00 jusqu’au 8 janvier mercredi 06
■ Tabarin et son maître Comédie baroque de tréteaux Fourriers - Rochefort - 20h30 05 46 82 15 15 ■ Les Chats persans de Bahmans Ghobadi Moulin du Roc – Niort jusqu’au 12 janvier ■ Petit Paradis Théâtre danse Moulin du Roc - Niort - 15h 05 49 77 32 32 ■ De la voie des siècles
à la voix de son maître Exposition spectacle et animations sur l’histoire de la musique mécanique L ’Astrolabe - La Rochelle 05 46 67 47 67 Jusqu’au 22 janvier
samedi 28 ■ Bjorn Berger Un bluesman à (re)découvrir à La Poudrière à Rochefort où il présentera, entre autres, son dernier album Fretwork. La Poudrière, Rochefort à 21h00 05 46 82 67 77
■ c’est quand qu’on arrive ? Conte musique Théâtre d’Angoulême - 15h30 05 45 38 61 62 ■ madame de sade De Yukio Mishima Par Jacques Vincey TAP - Poitiers - 20h30 05 49 39 40 00
■ Orchestre poitoucharentes Berlioz, Paganini et Mendelssohn TAP - Poitiers - 20h30 05 49 39 40 00 ■ Just jazz Concert Théâtre d’Angoulême - 20h30 05 45 38 61 62
jeudi 07
mercredi 13
■ Né dans un piano
■ Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne De Jean-Luc Lagarce La Coursive - LR - 20h30 05 46 51 54 00
Musiques actuelles Carré Amelot - La Rochelle 05 46 51 14 70
■ madame de sade De Yukio Mishima Par Jacques Vincey TAP - Poitiers - 19h30 05 49 39 40 00 vendredi 08
■ Né dans un piano Musiques actuelles Carré Amelot - La Rochelle 05 46 51 14 70 ■ un homme est mort Cinéma BD-concert TAP - Poitiers - 20h30 05 49 39 40 00 ■ air Love 2 Lieu Unique - Nantes - 20h30 02 40 12 14 34 mardi 12
■ Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne De Jean-Luc Lagarce La Coursive - LR - 20h30 05 46 51 54 00
■ jackie Elfriede Jelinek, Anne Théron et Claire Servant TAP - Poitiers - 20h30 05 49 39 40 00 Jusqu’au 15 janvier ■ zigzag Cie Étandonné Théâtre d’Angoulême 05 45 38 61 62 ■ Pâtacrêp’ Cie Choc Trio Fourriers - Rochefort - 19h30 05 46 82 15 15 jeudi 14
■ Orchestre PoitouCharentes Jean-François Verdier La Coursive - LR - 20h30 05 46 51 54 00 ■ Cinéma Japonais Succès populaires au Japon Le Carré Amelot - La Rochelle 05 46 51 14 70
agenda
Jeune public
audiovisuel
Divers
jusqu’au 16 janvier
jeudi 21
mercredi 27
■ Bertrand Desprez
■ Little big mao
■ Sans objet Aurélien Bory La Coursive - La Rochelle 05 46 51 54 00 jusqu’au 29 janvier
AOBA / La feuille bleue Carré Amelot - La Rochelle 05 46 51 14 70 jusqu’au 24 février
■ Coup D’Marron Apéro-concert L ’Astrolabe - La Rochelle - 19h 05 46 67 47 67 ■ Planète Musica Musée d’Agesci - Niort - 18h 05 49 78 72 00 ■ traîne pas trop
sous la pluie… De Richard Bohringer Théâtre d’Angoulême - 20h30 05 45 38 61 62
■ le triomphe de
l’amour De Marivaux Par Cendre Chassanne Le Gallia - Saintes - 20h30 05 46 92 10 20 vendredi 15
■ Bozilo Bojan Zulfikarpasic / Karim Ziad / Julien Loureau La Coursive – LR – 20h30 05 46 51 54 00 samedi 16
■ zigzag Cie Étandonné Théâtre d’Angoulême 05 45 38 61 62 ■ may b Maguy Marin Le Grand R - La Roche-sur-Yon 02 51 47 83 83 dimanche 17
■ Orchestre PoitouCharentes Le Romantisme à Paris Théâtre d’Angoulême 05 45 38 61 62 mardi 19
■ récital vanessa wagner Chopin et Rachmaninov TAP - Poitiers - 20h30 05 49 39 40 00 ■ don juan + carmen Ballet de Biarritz Le Gallia - Saintes - 20h30 05 46 92 10 20 mercredi 20
■ Festival Télérama Cinéma Moulin du Roc - Niort 05 49 77 32 32 jusqu’au 26 janvier
■ Angelo, Tyran de Padoue Victor Hugo Par Christophe Honoré La Coursive - La Rochelle 05 46 51 54 00 jusqu’au 22 janvier ■ en attendant godot De Samuel Becket Théâtre d’Angoulême - 20h30 05 45 38 61 62
La Grande Compagnie des Musiques à Ouïr Salles des Fourriers Rochefort - 20h30 05 46 82 15 15
■ Le Meunier hurlant Théâtre La Coursive La Rochelle - 19h30 05 46 51 54 00 ■ en attendant godot De Samuel Becket Théâtre d’Angoulême - 20h30 05 45 38 61 62 ■ combat de nègre et de chiens De Bernard-Marie Koltés Le Gallia - Saintes - 20h30 05 46 92 10 20 vendredi 22
■ Chübichaï Théâtre de terre Cie Le vent des forges Yourte de Villeneuve – LR 05 46 51 14 70 ■ baby boom II Concert Jazz TAP - Poitiers - 20h30 05 49 39 40 00 ■ o tuneful voice Haydn et Mozart Abbaye aux Dames Saintes - 20h30 05 46 92 10 20 samedi 23
■ Chübichaï Théâtre de terre Cie Le vent des forges Yourte de Villeneuve – LR 05 46 51 14 70 mardi 26
■ Sortie d’usine Récits du monde ouvrier de et avec Nicolas Bonneau Salle des Fourriers - Rochefort 05 46 82 15 15 jusqu’au 28 janvier
■ Entity Wayne McGregor La Coursive La Rochelle – 20h30 05 46 51 54 00
■ Concert symphonique Musique « In Blue » Espace Encan - LR - 20h30 05 46 30 37 39 ■ Yasmin Levy Concert Moulin du Roc - Niort - 20h30 05 49 77 32 32 ■ my lunch with anna Alain Buffard Lieu Unique - Nantes - 19h00 02 40 12 14 34 ■ parades & changes, replays (2008) Anne Collod Lieu Unique - Nantes - 20h30 02 40 12 14 34
jeudi 28
■ Qui a peur du loup Cie du Veilleur La Fabrique du Vélodrome La Rochelle 05 46 27 12 12 jusqu’au 31 janvier ■ les enfants sauvages Betty Heurtebise Le Gallia - Saintes - 20h30 05 46 92 10 20 samedi 02
■ Bjorn Berge Bluesman Poudrière - Rochefort 05 46 82 67 77 vendredi 29
■ Rod Taylor et Positive Roots Reggae Le Camji – Niort – 21h 05 49 14 50 45
■ Bizet était une femme Récital classico - délirant L ’Astrolabe La Rochelle - 20h30 05 46 67 47 67 ■ comedy Nasser Martin-Gousset TAP - Poitiers - 20h30 05 49 39 40 00 ■ Cosi Fan Tutte Mozart Par Yves Beaunesne La Coursive La Rochelle - 19h30 / 20h30 05 46 51 54 00 ■ les enfants sauvages Betty Heurtebise Le Gallia - Saintes - 20h30 05 46 92 10 20 samedi 30
■ Cosi Fan Tutte Mozart Par Yves Beaunesne La Coursive La Rochelle - 19h30 / 20h30 05 46 51 54 00 ■ Le Catcheur et la pute / Dirty Calling / Diana Klub Concert electro Le Camji Niort – 21h 05 49 17 50 45 ■ comedy Nasser Martin-Gousset TAP - Poitiers - 20h30 05 49 39 40 00
Explicite
de la ville et autres guanos. Glissons sur l’effet, ici on coule du bronze dans le seul four alentour. Guillet, lui, aime mener des projets collectifs : François, Georges et Rémi complètent le Fab four. Leurs pièces entrent en cire et sortent d’airain. Pour que vivent le feu et le lieu, le four est ouvert à qui veut. Avis, artistes et statuettes.
Arts plastiques Sortie d’usine
Alain Guillet et le Fab four
S
ur le seuil d’Aytré, il y a un océan, des galets comme des ventres de poisson, un pré vague et vert flanqué d’une séculaire usine. Elle paie ses dettes au temps et aux tempêtes, s’improvise résidence, atelier d’artiste. Debout sous ses cheveux de tabac blond-roux, Alain Guillet ferraille au marbre – le mot froid dont on frappe l’établi en jargon ferronnier. Il tient l’œil vert celtique d’une mère d’Irlande et la main rouge d’un grand-père qu’il vit chauffer le fer. L’endroit sent beau la basse mer, l’algue sèche. On n’a pas toujours dit ça. Quand l’usine de Noël Delfau mêlait ses remugles à sa voisine Gratecap, elle recyclait en fertiles engrais les rejets excrémentiels
24 expressions
L’Afrique n’est pas une marchandise, c’est une statue Comme l’usine recyclait, l’atelier recycle aussi. « Je récupère pas mal et je compose avec ça. » En ce moment, il a laissé le fer lourd à ses commandes – une grille, un portail – et taille dans les flocons de polystyrène un peuple noir. La peau d’Afrique s’est frottée à son cœur de trèfle : « Je veux témoigner à ma façon, avec des personnages qui parlent de l’exploitation de leur terre pas du tout dans un esprit d’échange et de partage. » Son peuple sur piédestal, nous toisant du haut de ses trois mètres l’air de dire « T’as vu pour ton argent, c’que t’as fait de mon continent ! », il le considère invendable (qui vendrait un peuple ?) mais très montrable sur les places gratuites où l’artiste se trouve à la sienne. Il sculpte pour la pluie et le soleil. Cette plèbe africaine, dit-il, « je voudrais qu’elle m’accompagne au long du reste de ma vie ». Une première génération sera libérée dans quelque lieu public. Alain Guillet projette ensuite de sculpter dix individus par année à venir. Des géants de neige, patinés d’enduit rouille – écho dermique à la langue du fer. Prétendez-le sculpteur, il se dit artisan ; appelez-le ferronnier, il forme du polystyrène en négritude… Et personne ne le sait saxo de jazz et rock. Il le fut bien en capitale, autour de minuit noire dans des boîtes à musique. Un jour de rupture tous azimuts, il a tranché entre Elle et Lui ; laissé Parker, choisi le fer ; changé Paris contre Rochelle. Et le voici là, tombé en amour du port, de ses gens « qui m’ont aidé quand j’ai débarqué avec mon camion » (plus tard il apprit que les quais sont bâtis pour les bateaux !), à dire que faire l’artiste « n’est pas l’essentiel. C’est la relation aux autres qui m’intéresse. » Les portes de l’usine en témoignent. • Élian Monteiro
Expiration
littérature Robert Marteau
Souvenir cochon
J
e dois avoir 8 ou 9 ans, nous roulons, mon père, ma mère, Dédé (le copain avec qui mon père partage la « tuaille ») et moi sur la D … reliant Marans à La Rochelle. Derrière la banquette arrière de la 504, la bête découpée est camouflée sous des draps. Je ne cesse de me retourner, incrédule. Des sons, des images défilent en continu. Résonnent encore les grognements du goret, agacé par la soudaine attention dont il est l’objet. Sorte de mini-rodéo improvisé, le fermier est à califourchon sur l’animal, maintenant rouge très énervé, ça sile à vous fendre les tympans. C’est le moment, tchak ! Un coup de merlin sur la tête, le cochon s’effondre (je me cache le visage, envie de crier à l’assassin, d’enfiler ma tenue de Zorro du Noël précédent, de les zigouiller tous un par un). La bête grommelle doucement, comme cherchant le sommeil, l’autre cow-boy toujours perché
sur l’échine. J’ose un nouveau regard, une chaude giclée de sang vif coule en jet dru dans une bassine. Je suis blême, c’en est trop, je retourne voir les biquettes. J’ignorais tout des séries noires américaines à l’époque, mais je savais ce que c’était que d’avoir un cadavre dans le coffre… Un jour né dans la grisaille Ce souvenir a été ranimé par lecture du très beau roman du poète Robert Marteau, Le jour qu’on a tué le cochon, chronique d’une journée à la campagne, mais un jour hors de la procession des jours, qui se réveille après la tempête, noir comme la forêt, gris comme le ciel. On est en février, saison où chaque maison tue son cochon ; « il faut bien s’affronter aux choses de la vie ». Une mort annoncée donc, mais d’autres vont suivre … Car, ce jour-là, des événements imprévisibles interfèrent et troublent sérieusement le rituel du cochon. Disons, sans mauvais esprit, que cela va tourner en jus de boudin. Salut à Robert Marteau Il naît en 1925 à Virollet, près de la forêt de Chizé. Une enfance sous le signe du travail fermier. Sa jeunesse est nourrie par les histoires de ses aînés, ils sont ses premiers maîtres, ses premiers livres. Il arpente la campagne, tente d’éclaircir la nature et ses mystères. Sa recherche de la pureté originelle va, tout au long de sa vie et de son œuvre, étendre ses ramifications. « En ce monde admirable, incompréhensible, que chaque sens offre à la contemplation. » • Jack Flenoir + obert Marteau, Le jour qu’on a tué le cochon, R Champ Vallon, 1991. Roman, prose ou poésie, toute l’œuvre de Robert Marteau est d’une grande richesse. Quelques recommandations de lecture à piocher dans le catalogue Champ Vallon : Thierry Hesse, Le Cimetière américain : premier roman d’une rare maîtrise. Bernard Jannin, Une vraie boucherie : restons dans la cochonnaille ! délirant et tragicomique. Une bataille rangée dans un marché mémorable. Arthur Bernard, L’Oubli de la natation : on vous le répète, la vie est loin d’être un long fleuve tranquille. Michel Arrivé, Un bel immeuble : il faut de tout pour faire un immeuble.
un magazine à l’ouest 25
Explorateur
portrait claude hudelot
Un mandarin en Ré Il est en l’île de Ré un lieu hors de notre culture, où se tiennent bien droites des dizaines de statuettes de Mao Zedong, où la révolution culturelle chinoise est présente sur les murs comme dans le mobilier, où l’art chinois contemporain et les vestiges d’une vie encore un peu en Orient chargent l’atmosphère d’histoires, celles de l’homme qui l’habite : Claude Hudelot.
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Expatrié
E
Claude Hudelot collectionne par milliers les objets du culte maoïste.
n 1970, il est journaliste et producteur à France Culture, à France Musique puis plus tard à Antenne 2. Un léger frissonnement culturel, par la grâce de la maison de la culture (MC) et des Rencontres internationales d’art contemporain (RIAC), donne à La Rochelle une apparence très ouverte et très au fait des arts. C’est suffisant pour donner envie à Claude Hudelot de proposer des émissions et des portraits d’artistes passant par la cité. Il y rencontre Bernard Mounier, alors à la tête de la maison de la culture, qui l’accueille avec bienveillance.
avec Jean-Louis Foulquier et la MC comme structure organisatrice. La MC semble avoir alors le rayonnement demandé par son titre : Maison de la culture de La Rochelle et du Centre-Ouest ! Mais alors que le renouvellement de son poste semble acquis, Claude Hudelot et sa part d’ombre quittent la Rochelle : s’il est un directeur curieux de tout, monteur d’opérations originales, il n’est pas un meneur d’hommes en symbiose avec l’équipe héritée de Bernard Mounier et ne se plie pas tout à fait au jeu indispensable des courbettes politiques locales.
Homme des années 80… En 1984, Bernard Mounier parti sous d’autres cieux cathodiques, Claude Hudelot postule pour le remplacer. Il conçoit un projet novateur articulé autour de trois axes – espace, corps, mouvement –, déclinés en une couleur ou un thème comme la voix, le duo, le tango, déployé sur une saison ou sur une plus courte durée. À sa grande surprise il est choisi. Une fois en poste il prône l’éclectisme, sans tenir compte des styles, des tendances artistiques, surtout pas l’enfermement dans un art. L’espace qu’il gère s’y prête : salle de spectacle, cinéma art et essai, studio de répétition et lieux dédiés aux expositions. La présence de Régine Chopinot dans les murs à partir de 1986 est aussi propice au dynamisme ; les multiples expositions initient le public à la photographie et à l’art contemporain. Claude Hudelot n’imagine pas – encore aujourd’hui – la direction d’un lieu culturel sans prises de risques ni croisements artistiques. Un lieu conçu comme espace de production et de fabrication, initiateur de rencontres, ce qui ne va pas de soi par les temps qui courent. La richesse de celles qu’il provoque entre les artistes donne naissance à des films via la structure de production dont dispose la MC. Ces images ne résisteront pas au dépôt de bilan quelques années plus tard, à la bêtise et à l’ignorance de certains : tous ces témoignages de l’histoire culturelle locale et nationale disparaîtront de La Rochelle dans un grand nettoyage. Du passé faisons table rase ! Sous son impulsion, la maison de la culture s’engage. Elle soutient le Festival du film, portion résistante des mortes RIAC (jugées politiquement trop élitistes), et le projet Francofolies, déjà dans les cartons de Bernard Mounier, naît en 1985
1 milliard de Chinois et lui et lui et lui… En 1987, son arrivée en Arles à la direction artistique des rencontres photographiques ne se fait pas sans heurts : il veut introduire la couleur dans cette manifestation qui vit encore essentiellement de reportages en noir et blanc. Las des oppositions, il lâche la barre en 1989. Cet homme pétri de Chine, révolutionnaire jusqu’au plus profond, et depuis toujours ancré à gauche, on le retrouve, deux ans après, attaché culturel à l’ambassade de France au Pays du Milieu. D’abord à Pékin (1991-1994), puis à Shanghai (20022007) après un intermède japonais à Kyoto (1994-1998). Là, il n’est plus le grand timonier décisionnaire et s’adapte aux ambassadeurs successifs : de celui qui chaperonne tout à celui qui lui laisse sa liberté d’action. Il ne se satisfait pas d’une culture pour expatriés et travaille en lien avec les lieux culturels chinois ; il organise aussi à Pékin, non sans difficultés, une première Nuit Blanche qui s’en trouve très bridée. Et maintenant que vais-je faire ? Installé désormais sur l’île de Ré, il se décrit comme historien de la Chine contemporaine (il est l’auteur de plusieurs livres sur ce sujet*). Ses liens tissés avec ce pays demeurent : ici, par la vie de son épouse architecte entre la France et la Chine, et là, via le projet avancé d’un film sur Shanghai et l’Exposition universelle de 2010. Mais si sa vie professionnelle l’attire au loin il garde toujours un regard ici, et sa volonté récente de s’investir dans un projet au centre-ville de La Rochelle, avorté faute de soutiens, en est la preuve. Olivier Jaricot * Son dernier ouvrage : Le Mao, Guy Gallice et Claude Hudelot, éditions du Rouergue, 2009. un magazine à l’ouest 27
EXULTER
danse dany danse
E
lle avait cinq ans. C’était l’été. Au cours d’un repas de famille dominical comme toujours animé, joyeux, elle eut droit à LA question : « Et que vas-tu faire quand tu seras grande ? » Sans hésiter, elle déclara droite comme un I : « Couturière pour gagner des sous et danseuse pour le plaisir. » Ils rirent beaucoup, firent des commentaires amusés mais elle les laissa dire… Elle dansait déjà. Couturière, c’était d’évidence, sa mère lui cousait souvent des vêtements « avec du chic » comme disait sa marraine, l’autorité en la matière. Son avenir de couturière serait donc acquis par hérédité. Mais, danseuse… ça c’était la grande affaire ! Elle n’imaginait pas être danseuse avec tutu (ça lui rappelait trop la collerette de papier blanc autour du manche d’un gigot). Elle avait entendu sa mère parler de Loïe Fuller, d’Isadora Duncan qui dansaient sans tutu, avec juste de la lumière et des voiles légers, elle avait vu des images dans de vieux magazines… C’était ça que son corps voulait : danser, voler tout simplement, libéré dans l’air comme une bulle. Alors, à la belle saison, au coucher du soleil, elle prenait possession de la rue où elle habitait, sa rue des quatre maisons aux grands jardins, peu de passants à cette heure déserte. Un long espace, bien plat, vers l’horizon, les lumières changeantes du couchant et des crépuscules poignants. Tout pour l’exalter. La musique ? Dans sa tête ! Elle aimait à la folie et en vrac les compositeurs russes, Ravel, les comédies musicales, Sinatra, Chopin… tout ce qui l’exaltait ! Elle réveillait ces notes dans sa tête et la danse arrivait sur ses sandalettes de toile blanche.
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Elle dansait comme ça venait, inventait des pas de toutes pièces, ne connaissant que le saut de biche dont elle abusait car il lui semblait être le début d’un possible envol ; elle dansait la joie, l’exultation, la révolte, la mélancolie, jusqu’à la fin du jour ; elle attendait alors un peu, immobile, puis quittait la rue gagnée par l’ombre et rentrait… À plusieurs reprises elle demanda à sa mère de prendre des cours de danse. Et chaque fois ce refus plein de sollicitude : « Trop fatigant pour toi. » Mais elle
EXULTER
Les voiles de Loïe Fuller gravés dans la mémoire.
© dr
persistait. Jusqu’au jour où, retour de l’école, elle entendit et vit, trônant dans le salon, un piano sur lequel jouait une amie de sa mère. À cet instant elle sut qu’elle n’irait jamais dans un cours de danse… Ce piano noir, laqué, surgissait dans son univers, avec son sourire jaune et elle savait ce qu’il pensait dans sa tête de piano : « Tous les jours tu vas jouer avec moi, c’est obligatoire, tous les jours ! » Et elle joua tous les jours… Mais elle continua à danser encore, loin des regards, certains soirs.
Les années passèrent et la vie l’invita à des pas de deux avec des partenaires de cœur et d’esprit, tous engagés dans une voie artistique qui l’intéressait, par nature. Il y eut au fil des ans un pas de deux avec un fou de théâtre, empreinte Vilar, puis avec un peintre mouvance contemporaine mais néanmoins hédoniste, puis avec un musicien, guitariste expérimental mais néanmoins rock’n’roll, et chaque fois elle s’investissait spontanément dans ces territoires. De danse, point, ou juste en pointillés. Elle savait que la danse académique perdurait alors qu’une autre naissait en Europe ; par image TV interposée elle avait découvert les splendides noces des corps chez Béjart. Mais ce fut au Havre où la vie l’avait conduite qu’elle vit enfin la danse qu’elle espérait, Jean-Claude Gallotta, sa folie joueuse, déjantée et ses danseurs pas calibrés mus par d’énigmatiques motifs et une énergie contagieuse. Durant quatre ans elle courut à toutes ses créations, jubilatoires, émouvantes et téméraires, ses interventions lunaires, grand corps comme hésitant sous la charge d’une incessante créativité. Il y eut, après, d’autres rencontres avec d’autres chorégraphes, tous porteurs de cette danse « jeune » ou « nouvelle » ou « contemporaine », puisqu’il faut toujours cerner un phénomène et le nommer, sinon il n’existe pas… Pour elle c’était la danse en majesté, corps et âme ré-unis, sans qu’il soit nécessaire de raconter des histoires de cygnes agonisants, de sylphides, ondines et autres princesses. De sa quête, très, personnelle de la danse, de ses rencontres, elle garda des pierres angulaires, Carlson, bien sûr, Maguy Marin, Susanne Linke, Bagouet, Anne Teresa De Keersmaeker, Andréas Schmid et Natalie Pernette, Decouflé, Josef Nadj, Francesca Lattuada, Régine Chopinot dont elle eut la chance de suivre les transmutations pendant une quinzaine d’années. C’est en voyant une de ses créations des années 2000, W.H.A., ou l’invention d’un joyeux et féroce bordel générateur d’énergie, « tabula rasa » salutaire, qu’elle éprouva totalement l’absolue jubilation de la danse, celle qui ouvre le plexus solaire comme on ouvrirait une fenêtre sur l’infini, celle qui porte plus loin et qui donne envie, follement !, d’être parmi les danseurs. • Dany Huc un magazine à l’ouest 29
IRO
carte blanche à marie monteiro
Sable. Serrer son poing autour. Desserrer l’étreinte à peine. Laisser couler le temps – trois secondes, trois millions de grains. L’or de la main suit le vent, forme des pics d’ocre ou de plus douces dunes. Regards pour la mer – roulée en aquarelle –, ligne d’évasion approchée parfois, jusqu’à voir dans l’écume à quoi le monde se résume. Sous d’autres climats – le froid se pèse en Farenheit –, mordre la neige et ses lumières prises au piège. Ce n’est pas ce que j’en dis – l’image est sage, peu bavarde, un sixième sens. C’est ce qu’elle a vu. (Qui compte). Élian M.
carte blanche Ă marie monteiro
carte blanche Ă marie monteiro
Exhortation
internet
De l’histoire d’une technologie qui permet, au choix, de découvrir le monde, de se divertir ou de fouiner chez son voisin. Petit survol de sites remarquables en quelques lignes et clics. http://latelelibre.fr
Canal plus libre
© le monte
La Télé Libre va loin. Elle est une vraie chaîne d’informations qui stigmatise les forces obscures de notre société et les marque d’un point rouge (le code graphique mais également le titre de « l’émission de débat public et citoyen » du site). Mené par John Paul Lepers, connu pour ses interventions « poil à gratter » dans Le Vrai Journal de Karl Zéro ou pour Arrêt sur images, ce canal de liberté diffuse des vidéos réalisées bénévolement par des professionnels (le Réseau Pro) ou apportées par des volontaires extérieurs. Changez de point de vue : passez du Pouvoir en images au pouvoir de l’Image !
http://laconneriedujour.com
Pouvoir ouvrir sa gueule
Expressions et sa liberté de ton, fréquente ritournelle de nos amis lecteurs. Mais serions-nous loués de la sorte si nous développions un contenu vraiment décalé comme celui de la Connerie du Jour ? Les rédacteurs polémistes des magazines Le Monte (parodie du quotidien contenant un « d ») et Le Dictateur mettent en ligne sur le site laconneriedujour.com les couvertures de leurs parutions qu’ils agrémentent d’un contenu vidéo intitulé lecacaduprésident, faux journal télévisé commentant acerbement l’actualité du pouvoir. À découvrir avant qu’ils soient interdits !
Montage © Bernard Hasquenoph
Sélection de Pierre Labardant
www.louvrepourtous.fr
Louvrez-les tous ! La Joconde avec une portion de frites à la main ?! L’image à sensation s’affiche sur la page d’accueil de louvrepourtous.fr. Un sacrilège graphique annonçant l’arrivée du McDo dans la galerie marchande du Louvre. Cet épisode est une des dérives dénoncées par ce site d’informations qui épingle tous les faits et gestes des 1 299 musées (dont 1 213 bénéficiant du label Musée de France) recensés par le ministère de la Culture. Les débats ne manquent pas ! En parcourant le site, difficile de ne pas grogner face à la dérive tarifaire du château de Versailles, au projet sulfureux de musée d’histoire de France et à la politique (dé) culturelle du gouvernement actuel.
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experimenta
design it’s about time
Le temps d’Experimenta La biennale de design ExperimentaDesign vient de fermer ses portes à Lisbonne et a réuni une fois encore les avant-gardes du monde entier.
© j. Garcia
V
oici un aperçu de la base de travail qu’elle a proposée pour cette édition 2009. Avec la globalisation et l’accélération constante du rythme de vie, la communication se passe en live, les décisions sont instantanées et la résolution des problèmes se réduit à des improvisations de dernière minute. Dans un monde au bord de la catastrophe environnementale et financière, le besoin d’action est une évidence. Mais sommesnous capables de réfléchir avant d’agir ? Tout au long du dernier siècle, les progrès scientifiques, technologiques et culturels ont modifié notre perception de l’éphémère et redessiné notre appréhension de l’éternité. Nouveaux moyens de production, transport et communication semblent avoir une influence de plus en plus directe sur notre vie. Ces rythmes, imposés par l’industrialisation, exercent un contrôle serré sur la vie de l’individu et la collectivité. »
Sur place Reste ensuite à déterminer si cette analyse de la frénésie de la vie moderne peut avoir des répercussions sur la manière de faire du design. Comment les créateurs contemporains peuvent réconcilier la vitesse de notre quotidien et le besoin de réflexion ? Quelle est l’implication du temps dans les métiers de création et de quelle façon ceux-ci peuvent-ils contribuer à la création de nouvelles notions de temps ? Sous le thème « It’s about time » (il est temps / à propos du temps), la biennale a attiré l’attention sur les relations entre le design et la culture, la création et le temps pour proposer une grande série d’expositions, de débats et d’interventions urbaines et sociales. On a pu y voir, par exemple, l’exposition Pace of design où on a cherché à savoir si le fait d’être à un endroit ou un autre dans le monde a des implications sur le rythme de travail et sur le travail lui-même. Et celle nommée Timeless, ou comment, dans 4 pays différents, peuton faire mieux avec moins de ressources. Ou encore Jardim de Santos 21, une expérience collective pour repenser l’idée du jardin en centre-ville. Pour ce dernier projet, EXD a invité un architecte paysagiste, des designers de mobilier urbain, de son, de lumières et un graphiste. Ce ne sont là que quelques exemples du vaste programme que proposait la biennale cette année. Si ces sujets vous intéressent, rendez-vous l’année prochaine à Amsterdam, où la biennale présente ses expositions en alternance avec Lisbonne, une année sur deux. Parce que les opportunités de contempler les fruits d’une réflexion aussi mûre sur le design (et au-delà) et en aussi grande quantité se font de plus en plus rares. João Garcia + www.experimentadesign.pt
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Exhausteurs
livre
livre
disque
disque
disque
John Harvey
Gilles Pétard et Florent Mazzoleni
Big Star
Bob and Lisa
Heavy Trash
Traquer les ombres Rivages Moins à la mode que la scandinave, moins prestigieuse que l’américaine, l’école de romans policiers anglaise possède quelques-uns des plus brillants auteurs actuels. John Harvey appartient sans conteste à cette catégorie, avec Ian Rankin dont l’Appel des morts est également fortement conseillé. Dans Traquer les ombres, on retrouve toutes les qualités habituelles de ses romans : une histoire bien structurée et des personnages à la forte présence, le tout, dans contexte social défini, évoluant à la manière empirique des enquêtes sans esbroufe, ni intervention divine. Du grand art. • P.T.
Motown Soul & Glamour
Le serpent à plumes Profitez de Noël pour vous faire offrir (ou vous offrir vous-même) ce magnifique ouvrage racontant l’histoire de la fameuse maison de disques Motown avec des textes érudits et près de 700 reproductions. Créée en 1959 à Detroit, USA (déjà 50 ans), par l’autoritaire et visionnaire Berry Gordy Jr., Motown a produit une grande partie des meilleurs disques de soul et de rhythm’n’blues, s’adaptant pour survivre aux époques et aux modes. Rien qu’en regardant les photos et les pochettes, nos jambes se mettent à remuer. • P.T.
Keep an Eye on the Sky
rosethorns Vicious Circle
Rhino Ce joli coffret de 4 CDs avec un gros livret explicatif retrace l’histoire de Big Star. Formé aux USA par Alex Chilton – encore auréolé du hit mondial The Letter avec les Box Tops – et Chris Bell, ce groupe a sorti trois albums qui n’ont rencontré aucun succès aux débuts des années 1970, mais a marqué durablement ceux qui ont eu la chance de les découvrir. Son parcours chaotique est retracé ici à travers ses trois disques officiels, une multitude de prises différentes et d’inédits et un quatrième album enregistré en public à Memphis en janvier 1973. Il faut absolument redécouvrir les compositions mélancoliques et intemporelles de Big Star. • P.T.
On sentait dans les derniers albums des BellRays une envie de ralentir le tempo et d’offrir à leur public un répertoire assagi. C’est chose faite avec la sortie du side project « rosethorns », recueil de chansons douces interprétées par Bob Vennum et Lisa Kekaula, les deux meneurs de troupe. Publié sur le label émérite et néanmoins bordelais Vicious Circle, l’album égraine dix compositions acoustiques enregistrées tour à tour en studio et à l’occasion d’un concert à la Maroquinerie. Un trésor de soul ! • P.L. Pour ceux qui ont manqué Bob and Lisa lors de leur passage à La Rochelle le 30 novembre dernier, une séance de rattrapage leur est proposée à l’occasion de la venue des BellRays (+ Fleshtones) en mars 2010.
Midnight Soul Serenade Bronzerat / Crunchy Frog
Cela fait quelques années que Jon Spencer n’a plus explosé de Blues, mais il est toujours présent parmi les têtes d’affiche du Rock’n’Roll, le vrai ! Associé à Matt Verta-Ray au sein d’Heavy Trash, il propose des furies binaires faisant shaker des instruments traditionnels comme la guitare demi-caisse, la « slap » contrebasse et la caisse claire. Des rythmes enlevés qui fleurent la brillantine et le cuir. Des hymnes à scander, le bras à la fenêtre, en roulant à plus de 100. Un bel exemple de rééducation musicale à destination des amateurs de pop électronique. • P.L.
un magazine à l’ouest 37
Exhausteurs
disque
dvd
dvd
dvd
dvd
the legendary tigerman
Christopher Nielsen
B. Buckaliew
frères fleischer
The Cramps
Emi Music Portugal
Éd. Action & Communication
Éd. Bach Films
MVD - 2006
Collection en 3 volumes, nommée « Color classics », regroupant une série de courts métrages produits pendant la période illustre des années 1938 à 1940. Cette trentaine de dessins animés raviront, encore et toujours, petits et grands qui ne pourront que s’émerveiller devant le charme désuet de ces animations intemporelles. Les frères Fleischer ont produit, avec W. Disney et T. Avery, ce qui s’est fait de mieux dans le domaine et influencent encore aujourd’hui les grands maîtres de l’anime. • G.D.
Juin 78, égaré dans la campagne californienne par une nuit sans lune, The Cramps, groupe psychobilly punk, vit une lueur qui le guida devant un bâtiment blanc même dans le noir dont il ne remarqua pas la pancarte : « Welcome to the Napa State Mental Hospital ». Accueilli tel un futur patient, il y improvise un concert à la fois des plus surréalistes et des plus normaux en asile d’aliénés. Une captation d’un noir et blanc tremblotant et granuleux retranscrit cette folie à plusieurs, moment unique de l’histoire du rock psychiatrique. Une version déjantée du « Live at Folsom Prison » de Mr Cash. • O.J.
femina
Fuck me, I’m famous ! Tel pourrait être le titre de ce dernier album de Paul Furtado, crooner lusitanien de son état. Dans ce cinquième opus, hypocritement baptisé « Femina », le légendaire homme tigre profite de sa notoriété pour emballer des belles de chant. Asia Argento, Phoebe Killdeer, Maria de Medeiros ou Rita Redshoes subissent ainsi tour à tour ses assauts musicaux, à coups de composition ou de reprise (dont l’ondulant These Boots Are Made for Walking). Des soupirs à deux voix. Du blues voodoo qui susurre au creux… • P.L.
38 expressions
Free Jimmy
Film d’animation qui devrait faire parler de lui, et pas vraiment dans le mauvais sens, parfaitement irrévérencieux et provocateur, ce film d’animation 3D se paie le culot d’ajouter une qualité technique exemplaire à un scénario déjanté destiné aux adultes. Et, pour une fois, le film nous vient du nord de l’Europe. Empiétant volontairement sur les marchés ricain et nippon, Free Jimmy nous offre une bonne dose d’humour noir tirant sur la satire en accumulant toutes les tares d’une société en pleine déconfiture. Courageux de la part d’un éditeur indépendant…• G.D.
La Revanche des vierges Éd. Bach Films Dans cette collection « Sexploitation », l’éditeur sort une salve de 5 nudies qui font bien rire aujourd’hui, d’autant que les jaquettes précisent : « pour un public averti ». Filmé avec 6 francs 6 sous, La Revanche des vierges n’est pas forcément le meilleur mais il présente l’avantage (?) d’avoir été scénarisé par le fameux Ed Wood. À voir comme un document d’époque pour les fans de cinéma ou comme une franche rigolade pour les profanes. • G.D.
L’Anthologie des frères Fleischer
Live at Napa State Mental Hospital