Expressions 23

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gratuit

expressions

un magazine à l’ouest nº23

janvier+février 2012

numéro spécial

Jeu de mains Collectif et loufoque

Supplément gratuit au journal SUD OUEST du 4 janvier 2012 disponible sur les lieux de ventes des communes référencées en page 3.



expressions un magazine à l’ouest

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édito

nº23 / janvier+ février 2012

love nicolas giacometti

05

09 04

No Sport + Brèves

Lenny Kaye

06 cadavre

06

10

15

05 INTERVIEW exquis À l'Ouest

09 la poderosa Petit traité de mécanique et de révolution appliquées 10 carte blanche

Catherine Fourmental-Lam & Marie Monteiro

13 zarafa La giraffe + art L'été sera Di Rosa 14 net Là où ça blogue 15 revues Dans les revues du monde nouveau 16 agenda 18 dialogue Cuisine équipée + exhausteurs

2012, donc. Une fois n’est pas coutume dans Expressions, nous sacrifions cette année aux bons vœux dégoulinant de sentiments sucrés et vous les adressons sans arrièrepensée. J’espère que vous saurez les refuser avec plus d’enthousiasme qu’il m’en a fallu pour vous les envoyer. Cela étant réglé, et ne sachant guère ce que l’avenir nous réserve à tous, nous avons fabriqué ce numéro avec générosité (comme on dit à la télé) – pour vous… et pour nous (surtout) –, et c’est un peu plus tangible que des vœux ; mais aussi un brin plus facétieux. Explanations (c’est joli en anglais, non ? ça plane) : ce numéro est placé sous le signe du collectif, de la camaraderie, du goût pour l’écriture et les histoires tarabiscotées, de la loufoquerie aussi. La plupart des articles ont été écrits à plusieurs mains, sur des sujets libres de toute pression médiatique ou temporaire. Soit leurs auteurs se sont déchaînés sur un objet commun et l’ont cerné chacun à sa manière, soit ils ont fondu leur écriture dans celle d’un comparse, soit encore l’un a commencé puis l’autre lui a emboîté le pas, bref... autant de jeux de mains que d’articles : il y est donc question, entre autres, de "no sport", de blogs, de moto et de révolution, de sexe, de revues in, de bouffe, d'une girafe… et de rock' n' roll. Là où vous avez l’habitude de lire un dossier approfondi, cette fois-ci vous trouverez un exquis cadavre auquel tous les « écrivants » de ce journal ont fait la peau à tour de rôle. Là où nous proposons habituellement à des artistes extérieurs de montrer leur création, la carte blanche est cette fois le fruit du travail commun de deu(ses) d’entre nous. Ce que vous vous apprêtez à lire et voir n’est donc pas du journalisme académique, pas du travail d’écrivains patentés non plus, c’est simplement une tentative de tisser des liens entre nous et de vous donner envie de faire la même chose à votre manière. Car agir, avec en tête l’idée de liberté, aide à se réchauffer quand le temps se gâte. J’espère que vous prendrez plaisir à tangenter dans l’oblique avec nous, à vous poiler sans vous sentir spoliés. Et cette fois-ci, sobrement, bonne année 2012.

parution du prochain numéro mercredi 7 mars Dpt 17 Aigrefeuille-d'Aunis / Andilly / Angoulins / Arces / Archiac / Archingeay / Ardillières / Ars-en-Ré / Arvert / Asnières-la-Giraud / Aulnay / Aumagne / Authon-Ébéon / Aytré / Balanzac / Ballans / Ballon / Beaugeay / Beauvais-sur-Matha / Bernay St-Martin / Berneuil / Beurlay / Bignay / Blanzac-les-Matha / Bords / Bougneau / Bouhet / Bourcefranc-le-Chapus / Bourgneuf / Boutenac-Touvent / Breuil-Magné / Breuillet / Brie-sous-Mortagne / Brizambourg / Burie / Bussac-sur-Charente / Cabariot / Chaillevette / Champagne / Champagnolles / Chaniers / Charron / Châtelaillon-Plage / Chérac / Chermignac / Chives / Ciré-d’Aunis / Clavette / Clion / Consac / Corme-Écluse / Corme-Royal / Courçon / Cozes / Cram-Chaban / Crazannes / Cresse / Croix-Chapeau / Dampierre-sur-Boutonne / Damvix / Dœuil-sur-le-Mignon / Dolus-d’Oléron / Dompierre-sur-Charente / Dompierre-sur-Mer / Échillais / Écoyeux / Épargnes / Esnandes / Étaules / Ferrières / Fontaine-Chalendray / Fontaines-d’Ozillac / Fontcouverte / Fouras / Geay / Gémozac / Germignac / Grézac / Guitinières / Haimps / Hiers-Brouage / Île-d’Aix / Jarnac-Champagne / Jonzac / L’Éguille / L’Houmeau / La Brée-les-Bains / La Brousse / La Chapelle-des-Pots / La Couarde-sur-Mer / La Flotte / La Grève-sur-Mignon / La Jard / La Jarne / La Jarrie / La Laigne / La Rochelle / La Ronde / La Tremblade / La Vallée / Lagord / Landes / Landrais / Le Bois-Plage-en-Ré / Le Château-d’Oléron / Le Chay / Le Douhet / Le Grand-Village-Plage / Le Gua / Le Thou / Léoville / Les Églises-d’Argenteuil / Les Gonds / Les Nouillers / Les Portes-en-Ré / Les Touches-de-Périgny / Loire-les-Marais / Loire-sur-Nie / Loix / Longèves / Lonzac / Lorignac / Loulay / Lussant / Macqueville / Marans / Marennes / Marignac / Marsais / Marsilly / Matha / Mazeray / Médis / Meschers-sur-Gironde / Meursac / Meux / Migron / Mirambeau / Moëze / Montils / Mornac-sur-Seudre / Mortagne-sur-Gironde / Muron / Nancras / Néré / Nieul-le-Virouil / Nieul-lès-Saintes / Nieul-sur-Mer / Nieulle-sur-Seudre / Nuaillé-d’Aunis / Ozillac / Paillé / Pérignac / Périgny / Pisany / Plassac / Pons / Pont-l’Abbé-d’Arnoult / Port-d’Envaux / Port-des-Barques / Préguillac / Prignac / Puilboreau / Rétaud / Rioux / Rivedoux-Plage / Rochefort / Rouffiac / Royan / Sablonceaux / Saintes / Salignac-sur-Charente / Salles-sur-Mer / Saujon / Semoussac / Semussac / Siecq / Sonnac / Soubise / Soubran / St-Agnant / St-André-de-Lidon / St-Augustin / St-Bonnet-sur-Gironde / St-Bris-des-Bois / St-Césaire / St-Christophe / St-Ciers-Champagne / St-Ciers-du-Taillon / St-Clément-des-Baleines / St-Denis-d’Oléron / St-Denis-du-Pin / St-Dizant-du-Gua / St-Félix / St-Fort-sur-Gironde / St-Genis-de-Saintonge / St-Georges-Antignac / St-Georges-d’Oléron / St-Georges-de-Didonne / St-Georges-des-Côteaux / St-Georges-du-Bois / St-Germain-de-Lusignan / St-Germain-de-Marencennes / St-Hilaire-de-Villefranche / St-Hilaire-la-Palud / St-Hippolyte / St-Jean-d’Angély / St-Jean-d’Angle / St-Jean-de-Liversay / St-Juliende-l’Escap / St-Just-Luzac / St-Laurent-de-la-Prée / St-Léger / St-Loup / St-Maigrin / St-Mard / St-Martin-de-Ré / St-Médard-d’Aunis / St-Nazaire-sur-Charente / St-Ouen-d’Aunis / St-Palais-sur-Mer / St-Pardoult / St-Pierre-d’Oléron / St-Pierre-de-Juillers / St-Porchaire / St-Rogatien / St-Romain-de-Benet / St-Sauvant / St-Sauveur-d’Aunis / St-Savinien / St-Seurin-de-Palenne / St-Sever-de-Saintonge / St-Simon-de-Bordes / St-Simon-de-Pellouaille / St-Sulpice-de-Royan / St-Thomas-de-Conac / St-Trojan-les-Bains / St-Vivien / St-Xandre / Ste-Gemme / Ste-Lheurine / Ste-Marie-de-dRé / Ste-Même / Ste-Soulle / Surgères / Taillebourg / Taugon / Tesson / Thaims / Thairé / Thénac / Thors / Tonnay-Boutonne / Tonnay-Charente / Trizay / Tugeras-St-Maurice / Vandré / Varaize / Vaux-sur-Mer / Vergne / Vérines / Villedoux / Villeneuve-la-Comtesse / Vouhé / Dpt 16 Agris / Aigre / Ambleville / Anais / Angoulême / Ars / Asnières-sur-Nouère / Aubeterre-sur-Dronne / Baignes-Ste-Radegonde / Balzac / Barbezieux St-Hilaire / Bardenac / Blanzac-Porcheresse / Bourg-Charente / Boutiers-St-Trojan / Bréville / Brie / Brossac / Chabanais / Chalais / Champagne-Mouton / Champniers / Charras / Chasseneuil-sur-Bonnieure / Chateaubernard / Chateauneuf-sur-Charente / Chazelles / Cherves-Châtelars / Cherves-Richemont / Cognac / Condéon / Confolens / Deviat / Dignac / Douzat / Étagnac / Exideuil / Fléac / Fontclaireau / Garat / Genac / Gensac-la-Pallue / Genté / Gondeville / Gond-Pontouvre / Gourville / Guimps / Hiersac / Houlette / Jarnac / Juillac-le-Coq / L’Isle-d’Espagnac / La Couronne / La Rochefoucauld / Les Métairies / Lesterps / Lignières-Sonneville / Linars / Louzac-St-André / Magnac-sur-Touvre / Mansle / Marcillac-Lanville / Marthon / Massignac / Mérignac / Montbron / Montembœuf / Montignac-Charente / Montmoreau-St-Cybard / Mornac / Mouthiers-sur-Boëme / Nanteuil-en-Vallée / Nercillac / Nersac / Pranzac / Puymoyen / Rouillac / Roullet-St-Estèphe / RoumazieresLoubert / Ruelle-sur-Touvre / Ruffec / Salles-d’Angles / Segonzac / Sers / Sigogne / Sireuil / Soyaux / St-Amant-de-Boixe / St-Amant-de-Graves / St-Angeau / St-Bonnet / St-Claud / St-Cybardeaux / St-Fort-sur-le-Né / St-Genis-d’Hiersac / St-Laurent-de-Céris / St-Laurent-de-Cognac / St-Léger / St-Même-les-Carrières / St-Michel / St-Romain / St-Saturnin / St-Sornin / St-Sulpice-de-Cognac / St-Yrieix-sur-Charente / Ste-Sévère / Vars / Verrières / Verteuil-sur-Charente / Villebois-Lavalette / Villefagnan / Villognon / Vœuil-et-Giget / Xambes / Dpt 79 Mauzé-sur-le-Mignon / Niort (distribution commerces) / Dpt 85 Damvix / L’Île-d’Elle ... et dans des lieux de culture de Charente, Charente-Maritime et Deux-Sèvres.

Magazine Expressions – 254, avenue Carnot — BP 32046 – La Rochelle – Tél. 05 46 43 19 20 www.performances-pub.fr Site : www.magazine-expressions.com / email : redaction@magazine-expressions.com Directeur de la publication : Pierrick Zelenay Responsable de la rédaction : Nicolas Giacometti Direction artistique : João Garcia Ont collaboré à ce numéro : Gilles Diment, Jacky Flenoir, Catherine Fourmental-Lam, João Garcia, Philippe Guerry, Dany Huc, Olivier Jaricot, Pierre Labardant, Marie Momteiro, Élian Monteiro, Philippe Thieyre

Carte blanche à Catherine Fourmental-Lam et Marie Monteiro Photographe : Marie Monteiro Maquette et mise en pages : Antichambre Communication Impression : Sapeso Service commercial : Performances 05 46 43 19 20 Expressions est une publication gratuite et bimestrielle de Performances Sports / Tirage : 31 000 exemplaires Date de parution : janvier 2012 / ISSN : 1960-1050


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expressions un magazine à l’ouest

No Sport

De suer inutilement mon corps s’est arrêté

bref... bd à Royan

angoulême

ouverture

La Ferraille et les Marteaux

La médiathèque prend de l’avance

Entre 2 eaux

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Pierre Labardant

J

e m’étais fait la réflexion au sortir d’un match de rugby, après avoir été pris dans la ferveur des supporters et m’être surpris à scander les hymnes de tout un stade. Moi qui habituellement déteste les mouvements de foule, fuis les effusions collectives et vois dans le véritable fan de sport un être oubliant, à travers l’effort physique des autres et son port impeccable du survêtement, son profond mal-être. Serais-je une nouvelle victime de cet « opium du peuple* » que les politiques et les grands argentiers distribuent avec largesse ? Un indigène à la vie simple anéantie par l’abondante eau de feu et le discours mystique des prédicateurs ? Des sentiments se sont entrechoqués, voyant mon amour de l’effort physique pâlir au contact de la révulsion que m’inspirait le sport spectacle. J’ai cru soudainement devenir intolérant, méprisant et sans doute imbu de mon statut de petit-bourgeois. Un parvenu fréquentant les tribunes par souci du paraître et de la mode. Sans fondement intellectuel. Et puis des éléments nouveaux sont venus étayer ma réflexion. Quel Sport ? Il existe en effet un courant qui s’oppose à l’élévation du sport comme valeur absolue et qui formalise un nouveau type de pensée. Fabien Ollier est à la tête de ce mouvement. L’homme a poussé son engagement pour la cause jusqu’à devenir professeur d’EPS, refusant cependant d’utiliser le sifflet, le chronomètre et le survêtement dans son apprentissage, et mène une mystérieuse Section française de la critique internationale du sport, qui exprime son opinion dans un périodique à charge baptisé Quel Sport ? Dans cette revue particulièrement documentée, écho de philosophes qui s’opposent depuis des siècles à la prépondérance du corps sur l’intellect, les auteurs, épaulés d’un comité scientifique, dénoncent les patentes dérives de la pratique massive du sport. Et les sujets ne manquent pas. Comment ne pas s’indigner face aux mutants qui malmènent outrageusement leur corps pour parvenir à leurs objectifs sportifs ? Comment ne pas considérer les grands stades comme autant de lieux concentrationnaires ? Comment ne pas voir dans la pratique de masse, parmi le peloton des coureurs du marathon, une expression d’un individualisme grégaire ? Quel Sport ? ne prône pas la haine du sport. Aimer le sport a un sens. Mais le subir est un danger. Il faut arrêter de croire que l’effort physique vide la tête et replacer chaque instant de sueur dans une perspective de pensée. • * Jean-Marie Brohm développe, dans son ouvrage La Tyrannie sportive – Théorie critique d’un opium du peuple (Éditions Beauchesne, 2006), une théorie sur la chloroformisation des consciences résultant de la généralisation du sport dans notre quotidien.

http://quelsport.free-nux.org

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ésormais tous deux bordelais, Ferraille Production et son double papier, les formidables mais menacées éditions des Requins Marteaux, sont venus en voisins installer leur esprit corrosif dans l’espace des voûtes du port de Royan fin 2011. Le 22 octobre, un jumelage improbable entre la tranquille cité balnéaire et une bourgade nommée Villemolle, spécialisée dans la saucisse de hamster et le lac à sangria, a été signé. La projection de Villemolle 81, film d’anticipation zombique foutraque, créa même quelques remous. La confusion de représentants de la mairie aurait pu faire croire que la municipalité n’avait pas beaucoup d’humour… Mais le service culturel a démenti une éventuelle réserve et les propos trop vite montés en épingle par les médias locaux. L’exposition a été un succès en termes de fréquentation, la qualité des BD des Requins Marteaux assurant à tous que l’on était loin de la seule blague de potache. L’association invitante, Captures, en place depuis 15 ans, peut donc s’enorgueillir d’avoir instauré à nouveau des ponts entre les différentes facettes de l’art contemporain… et, cette fois-ci, à notre grand plaisir, par le biais le plus loufoque qui soit. • C.F-L.

as simple d’animer un réseau de lecture publique en l’absence de son équipement le plus emblématique : une grosse médiathèque d’agglo. Celle d’Angoulême sort lentement de terre. En attendant 2013, date annoncée de la livraison, l’équipe de préfiguration de cette médiathèque affiche déjà quelques services intéressants sur son site : catalogue et animations, certes, mais surtout, plus pertinent, sélection thématique de lectures et de visionnages, accès gratuit (pour les abonnés au réseau) à la VOD, portail jeune public… un service en ligne qui tient compte des nouveaux usages et complète utilement l’offre locale. • P.G.

www.fileasweb.fr/

Teasing

Avis de coqueluche japonaise

art

Formation (très) accélérée C u en juin, dans le magazine Artension se préoccupant d’art vivant : devenez agent d’artiste ou bien galeriste en… deux jours ! Le programme : « communication sur l’artiste appréhension de son travail marché de l’art professionnel relations économiques et contractuelles avec l’artiste relations publiques et vente de l’art compréhension des attentes et difficultés des artistes »… fastoche ! Manque une composante essentielle : apprendre à nager en eaux troubles infestées de crabes et de requins. • D.H.

a Pallice, quartier boule à neige de La Rochelle que l’on secoue sans cesse pour découvrir ému ce qui en tombe : bientôt une Méduse en plein sur la queue de La Sirène. Respire un grand coup et imagine ce lieu, entre ripailles et musiques, urticant comme un refuge d’artistes, un endroit en suspension d’objets accrochés donnant à voir la vie, un espace de rencontres comme un coup de pied au cul qui réveille. On n’en sait pas beaucoup plus sinon que cette Méduse familiale s’ancrera au 96 boulevard Delmas dès début 2012. • O.J.

musiques

À Rochefort, l’excellence d’une résidence musicale

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Captures, Espace d’art contemporain, Voûtes du port de Royan. http://www.lesrequinsmarteaux.org/

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L

e sentiment étrange : vous n’avez jamais vu, lu, entendu ce mot de votre vie et il surgit soudain à deux reprises et en un temps très court dans votre quotidien. D’expérience, vous savez que ce mot et la chose qu’il désigne vont multiplier leurs apparitions. Dernière expérience personnelle : kamishibaï. Un théâtre d’images japonais, à la croisée du conte, de la marionnette et de l’écran de télé. Proposé par l’Autre fois, association niortaise de promotion de la lecture jeunesse (première occurrence) ; présent au prochain festival du livre de jeunesse de Ruelle (16) du 28 mars au 1er avril (seconde occurrence). Kamishibaï ? retenez ce mot. • P.G.

u 4 au 12 novembre dernier, la Poudrière a organisé la résidence du Kora Trio Project. Celui-ci, composé du violoncelliste américain Eric Longsworth, du joueur de kora malien Chérif Soumano et du percussionniste et vocaliste Jean-Luc Di Fraya, a ainsi pu répéter au conservatoire, rencontrer des élèves, s’associer à des visites musicales du musée Hèbre de Saint-Clément, donner un concert à la Poudrière et enregistrer un album complet au studio Alhambra Colbert. L’originalité, l’enthousiasme et la qualité musicale rare du trio firent un succès incontestable de cette résidence, et par ailleurs un exemple d’interaction entre différents établissements culturels de la ville. Cette réussite, tant artistique qu’en termes d’audience et de retentissement, montre que, malgré des moyens financiers sans commune mesure avec ceux de La Sirène, Rochefort peut proposer une alternative attrayante, non pas en opposition ou en concurrence face à la nouvelle salle rochelaise, mais dans un autre registre tout aussi indispensable et complémentaire. Les Rochelais et les Rochefortais ne devraient que se féliciter de pouvoir bénéficier de deux scènes aussi dynamiques. • P.T.


expressions un magazine à l’ouest

Un invité de marque à La Rochelle et un musicien rare : guitariste, producteur, journaliste, écrivain, collectionneur de disques, fin connaisseur et véritable défricheur des musiques populaires américaines.

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Philippe Thieyre

atti Smith, dont le concert du 3 novembre à La Sirène a ravi une salle comble, est un véritable mythe. C’était l’occasion d’avoir un entretien, non pas avec la chanteuse, déjà très médiatisée, mais avec son partenaire musical de toujours, le guitariste Lenny Kaye. Outre la réalisation d’un disque sous son nom, « I’ve Got a Right », en 1984, des talents d’instrumentiste, de producteur et de compositeur (il partage les crédits sur de nombreuses chansons de Patti), celui-ci a également conçu, en 1972, la célèbre compilation « Nuggets », qui, en faisant redécouvrir les pépites du psychédélisme et du garage rock, sera une des influences majeures du mouvement punk. « Mon père était pianiste et accordéoniste. À onze ans, j’ai donc d’abord pratiqué l’accordéon. C’est aussi à cet âge que j’ai reçu un électrophone pour mon anniversaire et que j’ai commencé à collectionner les disques. J’étais fasciné par la musique, par le rock’n’roll, mais je n’aurais jamais pensé devenir musicien, j’étais juste un fan. À 16 ans, je suis passé à la guitare. Je désirais jouer dans des groupes de doo-wop, un style très en vogue au début des années 60, notamment dans le New Jersey et à New York. Puis le folk, avec Phil Ochs, Bob Dylan, Joan Baez, a occupé le devant de la scène. J’ai alors appris mes premiers accords en suivant leur modèle, mais, peu après, les Beatles sont arrivés et ont tout balayé. Je me suis immédiatement converti à l’électricité pour jouer dans un groupe de rock*. Ainsi, en tant que chanteur et guitariste, j’ai fait partie des Vandals, de Zoo et de l’éphémère Jimmy The Flea. Au tout début des années 70, après des études d’histoire, j’écrivais des articles sur le rock et le jazz pour Fusion, Crawdaddy, Creem, Rolling Stone… tout en travaillant chez Village Oldies, un disquaire de Bleeker Street**. Jac Holzman, le patron des disques Elektra, m’a demandé de compiler, sous le titre « Nuggets », des titres de groupes n’ayant enregistré qu’un seul morceau remarquable. J’en ai proposé une soixantaine plus ou moins rares ou obscurs, en partie de ma collection, de grandes chansons avec un large éventail stylistique, reflets de la créativité des sixties. J’ai choisi l’ordonnancement et, d’une certaine manière, j’y racontais ma propre histoire, celle d’un gars du New Jersey pas vraiment dans le moule, qui acquiert une autre dimension en prenant sa guitare et en tournant le bouton de l’ampli. Le disque n’a pas été un gros succès commercial, mais il a été écouté par les bonnes oreilles et a montré que le rock, c’était avant tout de bonnes chansons, trois accords et une attitude. » Le 9 février 1971, Lenny accompagne pour la première fois Patti lors d’une lecture. À partir de 1974, le duo se transforme progressivement en un véritable groupe de rock dont le premier 45-tours, Hey Joe couplé à Piss

Lenny interview

Kaye à La Sirène

Ce sont les gens qui sont acteurs, pas le rock, pour changer le monde.

Factory, produit par Lenny Kaye luimême, est considéré comme la première manifestation discographique du punk. Quarante ans plus tard, leur association fonctionne toujours. « Sur la route, de Jack Kerouac, a changé ma vie quand j’avais 14 ans. Les écrivains de la Beat Generation ont été une source d’inspiration par leurs écrits, mais plus encore par leur style de vie. Ils m’ont appris le sens de l’écriture musicale et de la bohème, de la vie d’artiste envers et contre tout, pour peu qu’on croie en ses talents, quitte à faire des sacrifices. Chez Village Oldies, avec Patti, nous avons entamé une discussion au sujet d’un de mes articles sur le chant a capella dans le jazz et le rock. Elle m’a rappelé pour animer sa lecture du 9 février afin d’y apporter le bruit de ma guitare, de la transformer en happening. Deux ans plus tard, nous avons décidé de renouveler l’expérience plus sérieusement. Nous fonctionnons sur la complicité et l’attention portée à l’autre. Je me repère sur la respiration des notes quand elle chante, sur son rythme, et développe les thèmes. Sur scène, elle donne le maximum sans tricher de telle sorte que tous nos concerts sont différents et empreints de la vérité de l’instant. » Parallèlement à sa carrière auprès

de Patti Smith, Lenny Kaye a apporté sa contribution à des disques de REM, Suzanne Vega, Jim Carroll, Soul Asylum, du poète Allen Ginsberg… que ce soit comme musicien ou comme producteur. Il profite aussi de son temps libre pour s’adonner à ses deux autres passions : la collection de disques et l’écriture. Il a ainsi publié un livre sur les crooners des années 30, You Call It Madness, et un autre avec le musicien country Waylon Jennings, Waylon. « Je continue à acheter des albums, des 45-tours, avec éclectisme : country, western swing, blues des années 20 et 30, rock, jazz… Mais je ne suis pas nostalgique. J’aime m’aventurer, découvrir, apprendre. Je vais au concert le plus souvent possible, surtout dans les petits clubs. Récemment, dans la rue, à New York, j’ai acheté un Dobro Magazine de 1910. À part le cinéma, n’y étaient chroniquées que des formes artistiques qui n’existent plus. Qu’en sera-t-il dans cent ans ? Si j’étais un musicien de vingt ans, je serais sans doute inquiet dans un monde en pleine mutation technologique, mais en même temps enthousiasmé par les nouveaux outils. Paradoxalement, nous sommes presque revenus à l’époque où la musique populaire se créait chez les petits labels indépendants, Sun, Savoy ou Fortune. Pour la compilation dédiée

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Concert du 3 novembre

Patti Smith en gloire

… pouvais pas être plus près, rivée à la barrière devant la scène, en prendre plein les yeux, plein les oreilles et plein le cœur, la salle de La Sirène « chauffée » par trois générations, l’âge ne faisant rien à l’affaire, belle victoire sur la fast-music et les carrières jetables… Il y a ce moment où tout est en place sur scène, les musiciens pieds et mains sur les starters, moment suspendu juste avant qu’elle entre, qu’elle salue avec chaleur et simplicité le public et attaque avec My Blakean Year dont elle détourne au début le titre leitmotiv en « In my Tour Bus », jolie façon de dire sa découverte de La Rochelle, de sa lumière, les arbres des parcs… Et c’est parti, elle m’embarque, de douceur en colère, avec cette voix inchangée (ah ! ces inflexions proches du yodle, élan et fêlure…), ce souffle de poésie coulant de source, intime et sauvage. Les morceaux emblématiques, Redondo Beach, Because The Night, People Have The Power… déboulent dans toute leur actualité, le public encore plus debout, avec le point de fusion absolue déclenché par sa version de Gloria, identifiée dès la première note par le chœur spontané d’un millier de voix. Dix minutes de spirale vers le haut qui la traverse, danse chamanique qu’elle tire du plus profond, un phœnix touché par la grâce. On ne sort pas indemne d’une plongée dans son univers. En 1975, par nécessité je vendais des disques dans un grand machin où l’on trouvait le meilleur, rock, jazz, classique, mais aussi le pire : la variété française affligeante qui faisait florès alors, se vendant comme des petits pains, et que l’acheteur voulait écouter, là, tout de suite pour le plaisir… enfin, le sien ; alors, à la fin de la journée, dans la boutique avant de fermer, je posais « Horses », que je venais de découvrir, sur la platine, avec un bon gros volume, pour exorciser toutes ces musiques au kilomètre infligées. Cet album indépassable ne m’a plus jamais quittée, il remet debout, dans l’incandescence. Être debout… Patti Smith a choisi le rock « pour dire des choses importantes qui réveillent, mais ce sont les gens qui sont acteurs, pas le rock, pour changer le monde ». • D.H.

au chanteur Nolan Strong***, j’ai enregistré chez moi, seul, ma contribution qui, au final, sonne comme un enregistrement des années 60 de chez Fortune. Comme le dit Patti : le progrès, ce n’est pas le futur, mais être en phase avec le présent. » L’année prochaine, Lenny Kaye devrait terminer un nouvel album sous son nom. Et peut-être une autre visite à La Rochelle, que Patti Smith a trouvée très photogénique. • Mes remerciements à David Fourrier et à Daniel Joulin pour avoir permis ce long entretien d’après concert. * En 1966, grâce à un oncle, Lenny a quand même sorti un single de folk sous le nom de Link Cromwell. ** Bleeker est une rue de New York qui compte de nombreux clubs de blues et de folk. *** Daddy Rockin Strong : A Tribute to Nolan Strong & The Diablos paru en 2010 sur Norton. Nolan Strong était un chanteur de doo-wop, vedette de Fortune Records.


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expressions un magazine à l’ouest

cadavre exquis DE nous tous

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ans l’Ouest de Quentin, les villes n’ont pas de fin. Les routes se jettent dans l’horizon bouillonnant, les pignons craquent sur l’asphalte ensablé et les dents des enfants crissent. Les cristaux de sel couvrent la bouche des passants que Quentin observe, happés par l’océan du large, quittant la terre des yeux mais solidement ancrés sur la grève. Le rêve de l’ailleurs les avale. Ils ne sentent pas sous leurs pieds le sol qui se dérobe. Quentin se réveille soudain, se lève et heurte du front la baume du voilierchambrette qu’il loue dans le port. Le propriétaire a prévu de l’emmener naviguer aujourd’hui pour la première fois. Son baptême se fera dans les limbes. Retour à l’ouest.

Quentin redoute l’instant où il perdra la terre de vue. Il craint déjà cette plongée vers l’horizon. Le propriétaire ne lui inspire aucune confiance. Cet homme dissimule un secret. L’épiderme de ses bras, chargé d’encre, révèle des voyages dont Quentin ne veut pas connaître le récit. La perspective de passer trois jours en mer avec un individu au passé visiblement trouble l’angoisse. L’air frais du matin balaye encore les pontons, mais une goutte de sueur vient pourtant perler sur son front. Un frisson lui traverse le corps.

C’est à cet instant que le propriétaire apparaît sur le dock. Sa silhouette imposante avance, menaçante. En esquissant un mouvement de recul, Quentin s’entrave, sa main ne trouvant aucun point pour se rétablir. Il heurte de nouveau la baume. De plein fouet. Le choc violent ressenti au niveau du temporal droit le fait tressaillir. Ses jambes ne le portent plus. Il s’effondre, soudain à la merci de cet Henry Malone. L’homme se porte rapidement à sa hauteur et sort de sa poche un couteau. Quentin perd connaissance. Il ouvre un œil. Un seul : l’autre est coincé sous des compresses qui entourent son crâne, tel un maharadjah de la loose. Une chambre d’hôpital. Un ronflement persistant : à côté, une montagne surmontée d’un drap blanc lui barre la vue, il faut croire que c’est un homme et même que cet homme n’a plus qu’une jambe vu l’appareillage qui encercle son bas-train. Le pauvre. Mais bon, Quentin aurait préféré être seul pour réfléchir à la situation. Sans ce monstre sonore, il aurait peut-être pu savoir où il se trouve en regardant par la fenêtre. C’est vrai ça, il ne sait pas où il est.

Et puis il s’appelle comment d’ailleurs ? La chiotte ! il a une perfusion dans le bras. Un de ces tubes avec du bisphénol A à l’intérieur ? Ce truc qui même à une dose infime te donnera des fils à une couille ? Quentin sent qu’immobilisé ainsi sur le lit, il commence à stresser. D’où tenait-il ces informations sur le bisphénol ? Il est un de ces militants verts coriaces ? Un éminent ingénieur plasturgique ? Ou juste un père au foyer qui écoute trop la radio ? La potence de la perfusion a une poignée pour qu’on se balade avec elle, ça c’est de l’ergonomie bien pensée. Quentin, il s’appelle Quentin. Un prénom trop propre pour être honnête. Autant qu’il se casse vite fait. Même avec une perf, nu sous une blouse et plein de bandages. Drôle de tenue, vue de la rue, pour aller se boulotter une tête de veau en tortue. Mais il n’y tient plus. La marée peut bien, chaque vendredi, dépêcher tous ses poissons ; pour le trop proprement prénommé Quentin c’est le jour d’étrangler une addiction grave à la tête de veau. Sa place est au bistrot.


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l’épreuve lui donnait l’impression de se mettre à nu. Il se rappelle encore le supplice de la remise de copie, s’entortillant sur son siège, comme ver de terre à l’hameçon. Il ressent à cette évocation un léger frisson mêlé d’une sueur froide. Mais rien ne se lit sur son visage, et le douloureux souvenir est très vite effacé par le tintement des couverts, tempo rassurant et révélateur pour notre chef. Il lui en a fallu, des heures et des heures de discrète observation, pour évaluer le plaisir du mangeur, mains et couverts dans leur rôle intermédiaire entre mets et bouche, et voir comment les papilles jouent les chefs d’orchestre. Sachez-le, il existe autant de manières de manger que de façons de danser. Notre bonhomme Quentin, assis devant son assiette, en est lui aussi de plus en plus convaincu. Tout comme il est convaincu que le moment est venu de tromper le temps. « Traverse avec moi. » Elle dit ça comme ça, Angèle, souvent. C’est là, maintenant, il le ressent, c’est là, aussi évident que le citron est givré. Il est prêt pour le voyage. Les ponts qui l’effrayaient, écroulés. Les vents contraires, envolés. Il va plonger, crawler, affronter les quarantièmes rugissants. Pourquoi est-il prêt ? Pourquoi l’est-il maintenant ? Le vide de l’assiette, peut-être. Quentin paie l’addition et laisse un pourboire grassouillet. Celui des jours exceptionnels. La petite boule noire qui le retenait ne tourne plus au fond de son estomac ; elle est noyée, dissoute, engloutie. Il prend sa respiration. Il va traverser, il le sait, en diagonale. Une belle, longue diagonale. Une dernière fois, il entend cette phrase qui depuis dix ans hante son esprit : « Traverse avec moi… traverse, Quentin. » Elle ne le sait pas encore, Angèle. Il va la traverser, cette rue qui sépare son deux-pièces meublé de celui d’Angèle. Meublé aussi.

Un vrai bistrot de vrai, le seul en ville qui a réécrit à la craie cette recette de l’Ancien Régime – « Ici, l’Ancien Régime, on en fait tout un plat », annonce le patron aux clients de passage. Alors, bandages et blouse ou pas – la perf, il l’a expédiée au diable –, le trop proprement prénommé Quentin va passer à table. Les fourchettes vont un moment demeurer en suspens, comme le temps dans son vol, devant le spectacle de cet oiseau à peau pâle flottant dans sa djellaba hospitalière ; elles reviendront assez vite aux becquées concluant Ah, mais c’est lui ! pour servir les cervelles à la lente mastication. Le patron n’en soufflera pas plus. Devant le trop proprement prénommé, bourru et fier du fumet, il posera la cassolette : langue, cervelle, ris aussi, champignons, quenelle, cornichons en lamelles ; un œuf de caille et ce bouillon relevé de marjolaine, sarriette, romarin. Les herbes à tortue. Le reptile carrossé est raffiné dans ses choix alimentaires, mais ce n’est pas pour autant qu’on en mangerait comme certains l’accommodent, quand elle est de mer, en soupe… Mais revenons à la cassolette apportée à table, encore chantante du four… la laisser juste un peu se calmer, écouter les derniers frémissements dorés,

Comment disparaître ? quel raccourci emprunter ? comment font les autres ? avant de l’aborder avec délicatesse : des petites bouchées s’il vous plaît, et il vous plaira, car alors c’est une symphonie, une chorale de saveurs, longues en bouche, multiples, harmoniques… Les parleurs se taisent alors, parce que d’abord on ne parle pas la bouche pleine, et qu’un moment de silence se pose, pour écouter ce que l’on goûte. Le patron sait tout ça, pas un causeur – son vocabulaire d’élection c’est la cuisine –, mais sûr de son coup, alors il observe, il évalue le bonhomme, il pourrait écrire les portraits de certains clients juste en décrivant leurs manières de table. Mais écrire, il n’aime pas ça, ça l’a jamais botté. Composer à l’inspiration, à l’instinct devant son fourneau, c’est sa passion. La composition, surtout si elle est française, non merci. Déjà à l’école,

Quentin ne traversera pas. Il a le mal de terre. Il la sent trembler, bouger sous ses pieds, mettre en péril son équilibre. Les immeubles lui offrent le soutien de leurs murs lors de ses excursions hasardeuses, mais ils réduisent l’horizon à de minuscules rectangles. Décidément, cette partie d’écorce terrestre, dont les dernières richesses sont en phase de dépeçage par un nabot frénétique et ses serviles sbires, ne lui convient pas. Emportant l’image d’Angèle dans ses songes, demain, il s’allégera en abandonnant une partie de ses meubles sur le quai, larguera les amarres, remontera les canaux, longeant les platanes mourants, et empruntera une des voies navigables qui sillonnent le delta du fleuve pour arriver jusqu’à l’océan, source d’espérance pour le voyageur. Devant le rythme régulier des vagues, il se sentira empli d’un bonheur intense avant que la mélancolie ne le gagne à l’idée que, bientôt, il aura fait le tour de ce qui lui semblait au prime abord un paysage infini. Il sait que, finalement, il retournera accoster le long de ce quai, dans cette ville où, de l’autre côté de la rue, réside Angèle. Cette ville, cette rue dont il espère tant lui semblent de plus en plus vagues, lointaines, comme si les souvenirs se fondaient au fur et à mesure que la distance qui le sépare d’Angèle se réduisait. Pourtant il ne vit plus

que pour cette rencontre et il imagine leurs premiers regards échangés, ses premiers gestes qui le feront s’élancer vers elle, sa main qu’il osera prendre et serrer contre lui, son souffle atténué par l’émotion trop forte et les larmes qui perleront doucement sur ses joues. Tout ceci n’est-il qu’un rêve, mille fois imaginé, ressassé pour mieux s’en imprégner, ou bien est-ce la peur qui joue avec ses désirs les plus fous, cette peur qui s’insinue pour mieux le convaincre d’abandonner une quête qu’il n’aura jamais la ténacité d’achever ? Mais Quentin n’en est plus là, il a déjà repris sa marche, la tête dans ses rêves, ses songes et ses désirs décidant bien plus que sa conscience, lorsqu’il le voit au loin, comme dérivant au bout de la route. En approchant, il s’aperçoit que l’enfant déambule sur un skateboard, ahanant. Leurs regards se croisent, il lui semble même que l’enfant a esquissé un sourire ; Quentin continue son chemin. Ses pas se font de plus en plus pesants, mais l’envie d’avancer toujours le tenaille. À chaque pas, le temps qui le sépare d’Angèle se réduit. Son téléphone sonne. Allô ? Comment vas-tu ? Non, rien d’important, dis-moi. Oui… oui oui, je vois… Attends, donne-moi une seconde… D’accord, pourquoi pas. À tout à l’heure. L’enfant au skateboard s’approche, comme s’il voulait lui parler. Quentin se laisse rattraper. Souvent il a voulu parler à un étranger, connaître son histoire… pourquoi est-il là avec son skateboard et depuis combien de temps, quel sens y a-t-il à faire des figures avec, où trouve-t-il son plaisir ? Un lien éphémère se crée entre eux. Silence. Ils se regardent. Le son des roulettes. Il est parti. Où sont mes clés ? Les mains dans les poches de la veste, du pantalon, devant, derrière, ah. Il roule doucement pour se donner le temps de penser à ce qu’il peut lui dire. La dernière fois qu’ils se sont vus, il a été désagréable. Pourquoi ? Pourquoi ce besoin de tout mettre en mots ? J’aurais aimé que tu m’embrasses. Tu m’encombres avec tes mots. Le bruit des roues sur de la caillasse. Parking. Elle l’attend déjà. Quentin reste un moment dans sa voiture à la regarder. Je ne suis pas sûr de t’aimer.

Sachez-le, il existe autant de manières de manger que de façons de danser.

Comment disparaître ? quel raccourci emprunter ? comment font les autres ? ils répètent les mêmes gestes, ils rationalisent les procédures domestiques, ils marivaudent dans des bruits de mixeur. Je n’ai pas assez de temps, j’en ai déjà trop dépensé. Ou ils geignent, ils gémissent dans des bouteilles, ils bégaient en pleurant, en cherchant des épaules. Hors de question. Ou ils relâchent l’étreinte, ils plantent des poings dans des sommiers, ils miment les fondations illusoires de la passion, ils existent à peine au bout de l’aiguillon qui les relie au monde. Ils se dégonflent à la débandaison, à la morte saison. Trop incertain. Ou ils tournent des clés. La clé de la porte d’entrée, la clé du portail, la clé du coffre, la clé de la voiture. Ils oublient leur passé sur une aire d’autoroute. Contre une somme dérisoire, ils actionnent un bras mécanique. De ce droit de passage, la nuit seule s’exonère. Derrière eux les danses nuptiales, derrière eux les danses macabres, derrière eux les cadavres exquis. •

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la poderosa

Petit traité de mécanique et de révolution * appliquées

Pierre-Elian Monteibardant

J

e dois flotter quelque part, entre la fumée d’un havane et la douce brûlure d’un maté dans un froid matin des Andes. Mon corps tremble de fièvre autant que de révolte. La toux d’un vieil asthme parfois encore me secoue mais, d’où je suis, je m’en fous. En ces limbes où je vis, je m’emploie à dessiner l’Homme International : il aura un peu de spiritualité, beaucoup de rouge au sang, celui qui coule à

À lire en écoutant Hasta siempre commandante Che Guevara dans la version recomposée par Robert Wyatt

grands flots du corps des taureaux affrontant de leurs seules cornes tout un monde d’hostilité, et il aimera le rugby comme je l’ai aimé, passionnément, violemment, en fraternité, dans le respect, le courage, la discipline. À son école, les bancs sont souvent maculés de boue et le coup de poing a valeur d’enseignement. J’ai l’éternité pour ce dess(e)in. Mais si d’ici je souffle encore aux indignés de la Terre une bouffée rebelle, c’est à Poderosa que je pense. — Poderosa ? — La Poderosa II, camarades ! Vous qui chérissez tant les effigies et les statues, osez Poderosa sur vos drapeaux, élevez-la en airain au piédestal des avenues car c’est sur, dans et par elle, pistons et bielles, que m’est venue la grande idée des 4-temps : compression, combustion, échappement, révolution ! — Tu as encore fumé, camarade… — Non, j’ai beaucoup roulé. Des mécaniques. Vagabond motorisé que j’étais ! Motard céleste ! J’ai connu l’allégresse des routes sans encombre et souffert des chutes spectaculaires dans les taillis épineux. Deux vagabonds ! Car je n’allais pas seul. Alberto était le premier, souvent devant, au guidon. Alberto m’a tiré par le cuir et la Norton était sa chose. Chère Vigoureuse – survireuse et douloureuse aussi – portant nos bagages et nos espoirs dans 500 cm3 d’aventure, de voyage, d’Amérique, de rêve, de filles, d’alcools forts. Une cylindrée largement supérieure à tout ce que nos cerveaux pouvaient imaginer. — Mais quelle mécanique t’agite à ce point ? — La mécanique du cœur, hombres ! De cet amas de métal et d’huile brûlante, je tire l’énergie pour redonner de l’espoir au peuple. Qui l’aurait parié, hein ? que cette machine, produit manufacturé, enfantée dans quelque atelier de l’empire britannique, véhiculerait la libération des sans-grade ? — Et tu crois que ta Poderosa conduira les camarades à lever une armée ? — Évidemment, concrètement, éperdument ! Il y aura toujours des hommes pour choisir l’armure de leur temps et se dresser face aux pouvoirs abusifs. L’Homme International a choisi la Poderosa. Il pilotera sans faillir, cramponné au guidon, sur le chemin du progrès social ! — Tu n’es pas réaliste. Sans doute auras-tu gardé quelques séquelles de la rudesse de ton voyage. Elles te font divaguer… — Réaliste ! Seule l’utopie est réaliste… Je ne suis que fumée, certes, et j’ai quitté le monde matériel. Mais mon inspiration doit vous guider encore sur la route, même semée de caillasses. On the road again ! La Poderosa est votre cheval de fer. Votre vigoureux instrument d’édification d’une conscience politique mondialiste.

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— Sauf le respect que j’ai pour toi, tu perds le contrôle, camarade, tu déjantes. — J’entends bien tes paroles, camarade cynique : la Poderosa, penses-tu, ne suffira pas à enflammer la ferveur des indignés et à les mettre sur le chemin du changement. Regarde-la bien pourtant, notre vieille bécane béquillée sur son piédestal comme une statue équestre dont Alberto et moi fûmes les cavaliers, prêts à affronter l’apocalypse capitaliste. Nous n’étions que deux à traverser les terres du Sud vers des rivages pacifiques, à fréquenter le peuple, la misère, la lèpre, et bientôt nous fûmes cent et mille et plus à étendre le domaine de la lutte. — Pacifique ? Tu rigoles… Il y a dans tes révolutions des massacres qui ne disent pas leur nom. — Tu as sans doute raison, le sang alimente la lutte, il en est le lubrifiant. Les roulements révolutionnaires ne tournent à pleine vitesse que dans ce lubrifiant-là. Malgré tout, ne me malmène pas sur trop ce terrain, camarade. Il y a bien des choses dont je ne suis pas fier, mais ne prétend-on pas aussi que la fin justifie les moyens. La machine a besoin de carburant pour déclencher l’explosion. Ce que je veux te dire, c’est qu’il faudra décider un jour d’enfiler vos cuirs et mettre les gaz, vous les Papandregrecs, les Frankozy, les Italusconi, les morts à crédit et tous les FMIstes globaux. Rincez les poignées, tendez les câbles au max et faites sonner les pétoires. Fichez-leur une bonne frousse, déboulez comme Brando-rebelles dans les rues endormies en bien-pensantes d’Hollister. Qu’ils ferment leurs bourses, essorent leurs fonds mondiaux et tirent la chasse sur leur CAC 40 ! — Tu veux nous voir tous à moto, c’est ça ? Une sorte de concentration internationale ? — Quand le peuple se dressera enfin sur des motos, il pourra se lancer à pleine vitesse contre les injustices, briser de son rugissement métallique le silence convenu des salons feutrés des multinationales et couvrir de sa brûlure les terres hostiles des nantis. Born to be free ! Tout recroquevillés sur leurs craintes et leur petit inconfort, les camarades semblent sourds à mon discours dissonant et au vrombissement de la Poderosa. Mon esprit, je le sens bien, ne fait qu’effleurer leur conscience. Ils ne me suivront plus. Je cale, je toussote, je peine à redémarrer. Le kick de ma lutte n’entraîne plus le puissant moteur des foules. Sur le bas-côté je reste. En panne. La Poderosa a rendu l’âme. Fin du voyage, combat perdu. No more ignition. • * Comme une suite improbable et en forme de 60e anniversaire du voyage entrepris (et du carnet qu’il en composa) par Ernesto Guevara, dit plus tard le Che, le 29 décembre 1951 et mois suivants, sur la Norton 500 Poderosa II, avec son ami Alberto Granado. Lequel voyage, au plus près de la pauvreté d’Amérique latine et jusqu’à Miami, inspira une théorie selon laquelle le remède aux inégalités sociales serait la révolution par les armes. À lire en écoutant Hasta siempre commandante Che Guevara dans la version recomposée par Robert Wyatt.


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expressions

un magazine à l’ouest

carte blanche à catherine fourmental-lam & marie monteiro


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La peau d’Atir luisait comme l’ébène. Tout palefrenier qu’il fut – palefrenier d’une giraffe, avec deux « feux », orthographe d’alors –, Atir était pharaoniquement beau.

zarafa

Pour une fois qu’on peut écrire que Zarafa est une vieille peau !

Catherine Fourmental-Lam & Élian Monteiro

O

n dit qu’à cette époque-là, Atir eut un succès fou – avec un seul « feu » – et que les dames de la société parisienne enfantèrent d’aussi beaux bébés au teint relevé.

En fait de feu, parlons plutôt de feu Atir. De feu encore la supposée descendance d’Atir, et feu la descendance de sa descendance, puisque dans cette histoire tout le monde est redevenu poussière… Seule une peau a été sauvée. Pas la peau d’ébène de cet homme à succès – n’est pas Venus hottentote qui veut, d’ailleurs sans doute n’auraitil pas voulu, personne ne peut désirer un sort pareil –, mais une autre pleine de taches. Et la peau, c’est juste ce qui lui reste, à la girafe ! Les taxidermistes savaient déjà que, pour mieux réussir à conserver la vie, il faut en retirer toute trace, dépecer la bête, n’en garder que la pelure, à la rigueur l’extrémité des membres. Puis la bourrer d’une armature de bois et de plâtre, colmatée par des fibres végétales – avec grand art. Ensuite, c’est parti pour le bichonnage prodigué ad vitam æternam par des restaurateurs patentés, depuis qu’il existe un diplôme national et que le bricolage des premières années n’a plus cours : dépoussiérages à l’aspirateur électrostatique, réparation des coutures sensibles aux variations hygrométriques, maquillage des yeux – à l’eau s’il vous plaît, rien de permanent. La vieille peau, bien ravalée, ne fera pas son âge. Tandis qu’Atir, pffuit… On dit à cette époque-là que la giraffe, capturée dans le désert de Kordofan pour être offerte par Méhémet Ali à Charles X – un présent censé sceller quelque accord politicozoologique –, on dit donc que la giraffe fut embarquée pour Marseille à bord d’un brigantin dont le pont avait été découpé de manière à ce que, depuis la cale, l’élégante ongulée puisse passer son cou et voir s’éloigner la lumière du port d’Alexandrie. Drôle de vigie giraffe.

On dit que trois sacrées vaches d’Égypte furent embarquées de même car, malgré ses quatre mètres, la giraffe n’était pas en âge de sevrage. Il fallait du lait. On dit que Marseille fit dresser en sa préfecture une écurie comme un donjon et qu’elle y stationna en attendant le printemps 1827 et ce fameux voyage à pattes. Elle marcha paisiblement, dit-on. 880 bornes, 25 par jour environ, sur la nationale 7 (enfin, l’actuelle N7), une route qui fait recette. Avignon, Valence, Lyon. Et si pour les feuilles d’Afrique on l’a emmanchée d’un long cou, il fut ici pour piquer dans les ifs, les acacias.

— Où étais-tu encore fourré, Atir ?… — Euh, m’sieur, je peignais la giraffe.

Beaucoup de on-dits… Le cou, c’est vrai, est grand. C’est lui la merveille qui, assortie aux ondoiements de la croupe et à la finesse de jambes, provoque toujours le traitement particulier : l’emplacement dans l’escalier du muséum de La Rochelle depuis son arrivée, en marche immobile vers un mur aveugle, l’unique fenêtre ayant été bouchée lors de la dernière rénovation, pour cause de lumière outrageante… Où d’autre aurait-elle pu être mise ? Cela lui donne de la hauteur face aux hordes de visiteurs qui montent les escaliers, surexcités par la découverte à étapes de la belle. Mais pas question de repos sur les étagères climatisées des réserves, ni d’amitiés avec la

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joyeuse bande de la galerie du 1er étage – comme la magnifique panthère des neiges, mais dont l’exotisme provient du zoo de La Palmyre et qui a été farcie aux matières synthétiques modernes. Pièce historique, star du lieu, Zarafa est pour toujours seule, à jamais à la vue de tous. … Et pour une fois qu’on peut écrire giraFFe avec deux peignes ! Le peuple de France était sur son parcours, comme aujourd’hui sur la caravane du Tour. Celle-ci s’étirait en gendarmes, vaches, chariots, sacs de grain. Il y avait devant Geoffroy Saint-Hilaire, Hassan le saïs et Joseph Youssef, un mamelouk de Marseille, interprète de la giraffe. Entendez par là, traducteur des palefreniers employés à la dorloter. Atir en était. La giraffe entra dans Paris le 30 juin par le pont de Tolbiac, et se posa un moment au muséum. Mais on dit que Mousseline la Sérieuse, au service com’ de Charles Dix dit : « Le cadeau doit monter au Roi. » Et l’on remit la giraffe au pas jusqu’à Saint-Cloud le château, où logeait Charles. L’animal dit-on brouta des pétales de roses dans les mains du souverain et forma une révérence devant la duchesse de Berry, qui sur la tête à ossicônes velus déposa une couronne de fleur. C’était mignon, en attendant la Révolution. Certains l’ont vue, d’autres pas. D’autres encore ont dit avoir connu l’homme qui avait vu l’homme qui avait vu la giraffe. Et parmi les dames de la société de Paris, il en est qui ont dit avoir connu l’homme qui avait vu l’homme qui peignait la giraffe. Atir. On dit d’Atir qu’on le trouvait plus souvent auprès des belles qu’auprès de sa bête. — Où étais-tu encore fourré, Atir ?… — Euh, m’sieur, je peignais la giraffe. De là on imaginait les mains d’ébène luisant, caressant ce cou soyeux, si longuement érigé. Aujourd’hui, on ne les imagine pas, on les voit les nombreuses mains qui touchent le trésor national pour y croire. Même si les girafes se sont multipliées en photo, en documentaire, en latex. Même si c’est interdit et marqué en gros sur un vilain A4. Et même si ça pourrait être dangereux avec ce savon arsenical qui servait autrefois à tanner les peaux, drôle de parfum pour les goûters… La mort rôderait dans cette mise en scène parfaite de la vie éternelle ? Atir a bien eu raison d’en profiter : si la Zarafamania cavale toujours, avec un film d’animation à la clef, les vraies girafes beaucoup moins. Pour lui, au moins, c’était au poil. •

exposition

L’été sera Di Rosa

A

Élian monteiro

u rythme d’une fois tous les deux ans, l’Espace Encan de La Rochelle ouvre ses portes à un artiste contemporain. Après Ernest Pignon Ernest, c’est Hervé Di Rosa qui investira cet espace d’exposition-installation du 6 juillet au 19 août. Inventeur avec quelques autres – son frère Richard, puis Combas, Bois-

rond, Blanchard – de la Figuration libre (au moins du genre si ce n’est du nom qui l’agace profondément), Di Rosa est aussi l’un des fondateurs du musée des Arts modestes de Sète, sa ville d’origine. Mais pour être de là, l’artiste est de partout ailleurs. Plasticien voyageur, d’Amérique en Afrique et de Durban à Tel Aviv, il emprunte autant aux techniques

artisanales du monde (laques du Vietnam) qu’aux arts de la rue (peintures d’enseignes de coiffeurs au Ghana) et vient aussi bien de Picasso que de la BD. Comme si Matisse surgissait d’un comics book, il arrive toujours assez bien où on ne l’attend pas, capable de multiplier les étiquettes « Di Rosa » dans ses boutiques d’Art modeste

comme de dérouler des fresques de 35 mètres de long. On sait encore mal ce qu’il prépare (spécialement ?) pour La Rochelle. Des peintures, des sculptures, certainement ; une œuvre numérique, sans doute ; et peut-être une forme de signature visuelle en divers lieux de la ville… •


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Pas net

Là où ça blogue

Catherine Fourmental-Lam & Philippe Guerry

T

his is the end, par Maître Lapin, lundi 12 décembre 2011 à 20:12 Mes petits lapins, c’est fini. Je traduis pour ceux qui ne percutent pas à la citation des Doors, parce qu’ils sont trop jeunes ou trop incultes, ou trop endormis (ou les trois). Eh ouais, je crois que c’est fini et bien fini. Du blog, y en a partout. Ça blog et ça reblog. Ça gagne de l’argent avec et ça a contaminé tous les autres formats. Mais le blog, le vrai, il a été attaqué à coups de standard blogger, grignoté par les likes, ces baisers empoisonnés via Facebook, assourdi par des milliards de gazouillis tweetés, tumblrisé et raccourci pour rentrer dans les tuyaux smartphone, migration continue vers du plus court, plus visuel, du plus en veux-tu en voilà ! Et surtout que ça circule, le contenu on s’en fout, que ça circule ! Qu’on se réchauffe dans nos petits réseaux, des morceaux de culture comme de la patate chaude. Jusqu’ici, j’étais encore là à écrire pianoter. Vu le trou noir dans lequel tombent les lignes de code de nos bavardages, ce sera même pas pour la postérité… Je croyais en

la révolution au changement, il a dû avoir lieu – mais ça n’a pas bouleversé grand-chose. Ou en pire. On poste pour le monde entier mais finalement dans le brouhaha, personne n’est en mesure d’écouter ! On ne sait même plus si on en a l’énergie, tellement l’indigence de nos billets finit par crever l’écran. De la prétention finalement peut-être… Lecteur, si tant est que tu existes, ce blog se suicide sous tes yeux ! Je ne fais même pas de dessin, je vais aller prendre un livre pour me consoler, entre condamnés on se comprend. Tchao. Commentaires : 1. Le lundi 12 décembre à 20:51 – Pauvresse : Nooooon ! Mais comment je vais te lire moi ?! Tu étais mon plus vieux favori. Dans mon dossier Blog BD, tu existais avant Lisa Mandel, avant Boulet, avant Pénélope Bagieu. Je te lisais à mon rythme, j’avais l’impression que tu écrivais pour moi et pour moi seule. Pourquoi aller te perdre dans le flux des Facebook et autres ? Un blog, c’est peut-être juste pour les happyfew, non ? du virtuel artisanal. Plizzz, don’t give up :-)

Lecteur, si tant est que tu existes, ce blog se suicide sous tes yeux !

2. Le lundi 12 décembre à 21:13 – Un pied sur Terre : @ pauvresse : et tu le lisais sur ton Minitel, non ? Vous pouvez aussi vous écrire avec des vrais timbres, c’est tout aussi virtuel. Les blogs vont retrouver Netscape, Caramail, MySpace et SecondLife au cimetière des éléphants du Net. Désolé les copains, Internet a une histoire et ceux qui traînent rateront le train. 3. Le lundi 12 décembre à 21:39 – BDFan : Je voudrais signaler que Lisa Mandel, Boulet et Pénélope Bagieu s’en sont mis plein les fouilles en publiant leurs blogs sous forme de vrais livres. Le blog c’était un plan de carrière c’est tout. D’ailleurs maintenant, pas un festival BD sans son « prix révélation blog », il y a même un festival QUE de blogs ! mais bon… pour les dessinateurs, c’est juste une carte de visite. Ils peuvent pas manger s’ils publient pas, hein ? D’ailleurs, les éditeurs l’ont bien compris, qui ont tous sorti des collections de blogs, où – entre nous – on trouve de plus en plus de daubes. Marre des blogs publiés « je raconte mon premier stage de boulot », faut quand même avoir un truc à dire. Et je parle pas du dessin. 4. Le lundi 12 décembre à 21:57 – Maître Lapin mort : Ah, j’ai raison de vous appeler mes petits lapins, vous êtes vraiment trop mignons. Il suffit qu’on se suicide et vous vous radinez ! Ça me donnerait presque envie de revivre. Non, je blague… Donc merci Pauvresse :)) mais l’étincelle blog artisanal n’a qu’un temps. Je give up, d’autres reprendront le flambeau, et le meilleur se taillera une place au soleil de la révélation blog au prix de trois mille heures de boulot gratos avec une édition papier naze à la clef (à cause d’éditeurs paresseux surtout, non BDFan ?). Oui, il faut aller sur des sites collaboratifs comme du9 ou Grand Papier, le blog n’est qu’une étape, un book où on fait ses armes… Ok BDFan, le train roule de plus en plus vite ! C’est fatigant… Vous avez pas envie d’aller dormir ? Bisous. Je vais rêver à la prochaine Pénélope. 5. Le lundi 12 décembre à 22:17 – Vieuxsinge : Hé ! attendez, tout n’est pas mort, les quelques blogueurs canoniques dont vous parlez n’ont pas figé le format une fois pour toutes, et les éditeursgirouettes encore moins ! Qui a décidé qu’un blog racontait une histoire ? que c’était juste de la prépublication à compte d’auteur ? Le truc, avec tous ces nouveaux supports, c’est de leur trouver une transposition physique crédible. Et si un blog c’était plutôt un atelier ouvert, avec des choses abouties, et d’autres non ? Perso, si l’artiste décide de me les montrer en publiant ses posts, j’adore voir les travaux en cours, les esquisses, les dessins. C’est peut-être rien de plus, mais ça vaut le coup de continuer à creuser… 6. Le lundi 12 décembre à 23:05 – Le mort : J’oubliais que la vérité sort de la bouche des vieux singes ! D’accord, on va continuer à suivre les artistes. Si ça vaut le coup… •


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XX et unième siècle

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À chacun son mook

Dans les revues du monde nouveau

La presse écrite va mal, les journaux souffrent. Pourtant, en librairie, la revue XXI fait un carton : à titre d’exemple, le numéro de l’été 2010 3 s’est vendu à 44 000 exemplaires ! La formule fait des émules, le sillon est creusé, et les mooks (terme japonais, contraction de magazine et book) fleurissent chez les libraires. En 2008, les éditions Autrement créent Le Mook, au contenu sensiblement similaire à XXI, mais sont très loin de réaliser les mêmes ventes. Au printemps 2010 arrive une sorte d’ovni, Usbek & Rica, avec un credo : « Raconter le présent, explorer le futur. » Moins axé sur le reportage journalistique, U&R s’intéresse aux mouvements du monde, qu’ils soient géopolitiques, technologiques ou philosophiques. Puis c’est au tour du mensuel Muze, la revue culturelle au féminin, d’opérer sa mue en quittant le format magazine pour s’étoffer et devenir trimestriel. Élégant, dense, coloré, une excellente approche pédagogique pour aborder la culture, au sens large. Parmi ces exemples, Usbek & Rica (dont on attend le prochain numéro avec impatience) est probablement le plus original. Limité à 12 numéros – vœu exprimé dès le début –, ce trimestriel est né de l’envie de Jérôme Ruskin. Habilement mis en pages par le studio Gr20 paris 4, son inventivité graphique capte l’attention et lui procure un rythme décomplexé, surprenant et néanmoins sérieux. Et même si parfois la profusion d’informations et la quantité de signes graphiques qui les accompagnent menacent de lasser, ce qui reste après quatre livraisons c’est un mook succulent que l’on dévore avec plaisir, parfois même un peu trop vite. Feuilleton(s)

Jacky Flenoir & João Garcia « Je suis allé, j’ai vu, j’ai rapporté »

Les revues intellectuelles généralistes sont de moins en moins accessibles au commun des mortels, soit que leur diffusion est devenue confidentielle, soit qu’elles s’adressent à un public de plus en plus « spécialiste ». Heureusement, pour qui veut régaler ses yeux et faire pédaler son cerveau, des revues plus compréhensibles mais néanmoins exigeantes viennent à la rescousse.

C’est fort de cette formule que la revue XXI 1 a vu le jour, en janvier 2008. Le journaliste et grand reporter Patrick de Saint-Exupéry et l’éditeur Laurent Beccaria 2 sont partis d’un constat commun : « Le journalisme répond de plus en plus à la logique de l’immédiat. Moins de place pour écrire dans les journaux, moins de temps pour enquêter. » La pugnacité de l’un et l’enthousiasme de l’autre ont fait le reste. À l’heure où l’on ingurgite l’info à la manière d’un Morgan Spurlock des hamburgers dans le film Super Size Me – vite avalée, mal digérée –, la revue XXI renoue avec le reportage de terrain comme au temps d’Albert Londres : aller sur place, regarder, tenter de comprendre et raconter le mieux possible. « Un journalisme de récit » ou, selon le terme anglo-saxon, un « narrative writing », incarné par des revues telles que Granta, The New Yorker ou Vanity Fair. Un plaisir retrouvé : lire des textes longs, éclairants et écrits, belle manière de ralentir l’actualité. XXI s’est doté pour cela d’une maquette atypique. Sous la direction artistique de Sara Deux et Quintin Leeds (tous les deux passés par Libération et Le Monde), la revue a su attirer l’attention d’un public relativement large,

une sorte d’addiction, qui n’est pas sans rappeler celle autrefois ressentie pour le prochain Pif Gadget mais aussi celle de ses collègues de la presse. Les raisons de cet intérêt sont palpables dès la couverture : format vertical, composition horizontale. Si le public est parfois accusé de délaisser ce qui n’est pas immédiatement compréhensible, le succès de XXI en librairie démontre le contraire. Tourner de 90° un magazine entre la couverture et la deuxième page n’est pas un exploit réservé à quelques-uns seulement… Outre cette couverture originale, des jeux de typographie vivants, une structure en trois bandes horizontales (titre, dossier et reportage) et de riches illustrations contribuent à démarquer un peu plus la revue. À l’intérieur, un papier livre de type bouffant, des illustrations élégantes et une mise en page diversifiée qui sait s’adapter à la variété des rubriques font de XXI un objet à regarder, lire, garder et relire – pas forcément dans cet ordre-là.

Mêler fiction et réalité, voici l’objectif de la dernière-née des revues, Feuilleton, typographie alléchante, généreusement hybride et cosmopolite. Sous le regard graphique du duo cplusr 5, cette revue se distingue, tout comme XXI, par le fait d’enrichir utilement sa version papier avec un site web 6. Des textes exclusifs, des vidéos, des documents à télécharger invitent à prolonger notre expérience de lecture avec ce même souci d’élégance et de cosmopolitisme auxquels la version papier nous a habitués. Une nouvelle de l’Américain Jonathan Franzen, un récit inédit de Georges Orwell, un reportage de la journaliste Anne Nivat sur l’Afghanistan… Selon Adrien Bosc, initiateur du projet 7, « plus la qualité sera grande, plus la presse retrouvera les lecteurs ». Pari réussi pour ce premier numéro. Suffisant pour détrôner XXI ? Cela paraît difficile, tant cette dernière crée une sorte d’addiction, qui n’est pas sans rappeler celle autrefois ressentie pour le prochain Pif Gadget. 1. Titre du premier numéro : Le Dollar et le Marteau. 2. Directeur des éditions Les Arènes. 3. XXI n° 11 : Les Deux Israël. 4. www.gr20paris.com 5. www.cplusr.fr 6. www.revuefeuilleton.com et www. revuexxi.fr 7. Revue créée en collaboration avec Gérard Berréby, rédacteur en chef, et par ailleurs directeur des éditions Allia.


16

23 N ! O AB 6s . *!

divers

NE

agenda jan + fév

Envoyez vos informations à agenda@magazine-expressions.com

! S U O Z-V s

expressions un magazine à l’ouest

22/01 KYLESA + CIRCLE TAKES

PARTIE

28/01 JOHN TRUDELL + PURA FÉ 01/02 IMANY + MARIAMA

jeune public

02/02 ORELSAN + 1ÈRE PARTIE Production extérieure : Astérios production 09/02 SALLIE FORD & THE SOUND OUTSIDE + THE KAZEMY

17/02 HOLLIE COOK & BAND Feat

HORSEMAN + PRINCE FATTY FESTIVAL LES NUITS DE L’ALLIGATOR

TWO GALLANTS + DEWOLFF + LEWIS FLOYD HENRY

Littérature

18/02

20/02 DIRTY BEACHES

Concert hors les murs : La Java des Paluches

23/02 ANTHONY JOSEPH

Spectacles

& THE SPASM BAND + SLOW JOE & THE GINGER ACCIDENT

25/02 REGION ON STAGE

LE PRINCE MIIAOU + MICROFILM + OLD BLIND MOLE ORKESTRA + UNISON + CONTACT IN VIVO + ROBOT ORCHESTRA

PROFESSOR & THE ROBOTIKS + BUNNINGTON JUDAH

backed by AMNISTY BAND

11/03 THE JON SPENCER

BLUES EXPLOSION + 1ÈRE PARTIE

16/03 LUCKY PETERSON + 1

ÈRE

PARTIE

21/03 THE EX + LA COLONIE DE VACANCES

25/03

FESTIVAL LES FEMMES S’EN MELENT

DUM DUM GIRLS + COMANECI

26/03 ASAF AVIDAN + ROVER NOTEZ DÉJÀ

06/04 DIGITALISM + SURKIN + ARNAUD REBOTINI

12/04 MIOSSEC

+ JOSEPH D’ANVERS (SOLO)

15/04 PUPPETMASTAZ + 1

ÈRE

27/04 METHOD MAN + 1

ÈRE

PARTIE

PARTIE

28/04 TINARIWEN + FRANÇOIS

& THE ATLAS MOUNTAINS

13/05 GROUNDATION + 1ÈRE PARTIE Production Extérieure : Music Action 30/05 MUDHONEY + 1

ÈRE

PARTIE

+ D’INFOS SUR

www.la-sirene.fr

LA ROCHELLE 111 BD EMILE DELMAS / LA PALLICE

XLR Licences : 1-n° : 1044674 / 2-n° 1036834 / 3-n° 1036835) - GRAPHISME : François Bertin & Guillaume Antzenberger

07/03 LEE PERRY Feat MAD

expositions

ÈRE

musique

27/01 BEN HOWARD + 1

audiovisuel

THE SQUARE + KEN MODE + SONS OF SENOKA

JAN dimanche 01 ■ L’HOMME INVISIBLE Exposition monographique Confort Moderne Poitiers 05 49 46 08 08 Jusqu’au 13/01 ■ ALFONSO BREZMES Photographe – Espagne Galerie V – La Rochelle 06 71 12 97 35 Jusqu’au 21/01 mardi 03 ■ PALETTE, LE MUSÉE DES COULEURS Exposition Médiathèque – Aytré 05 46 45 40 67 Jusqu’au 28/01 jeudi 05 ■ LE PARTI D’EN RIRE Chanson comique Carré Amelot La Rochelle 05 46 51 14 70 Jusqu’au 06/01 ■ LES AMIS DU PRéSIDENT Centre dramique national du Limousin Moulin du Roc – Niort 05 49 77 32 30 Jusqu’au 06/01 ■ DÉJÀ VU Cie Pic la poule Théâtre Angoulême 05 45 38 61 62 Jusqu’au 11/01 ■ LE RECIT DE LA SERVANTE ZERLINE Yves Beaunesne TAP – Poitiers 05 49 39 29 29 Jusqu’au 06/01 ■ DU GOUDRON ET DES PLUMES Cie MPTA Théâtre Angoulême 05 45 38 61 62 Jusqu’au 6/01 ■ OH LES BEAUX JOURS Cie des Petites Heures La Coursive – La Rochelle 05 46 51 54 00 Jusqu’au 07/01 vendredi 06 ■ LES 7 JOURS DE SIMON LABROSSE Cie Aberretio Mentalis Le Palace – Surgères 05 46 07 14 30 ■ LISA CAT-BERRO QUARTET Jazz La Coursive – La Rochelle 05 46 51 54 00 dimanche 08 ■ LA PETITE SIRèNE Chorégraphie de J-C. Galotta La Coupe d’Or – Rochefort 05 46 82 15 15 Jusqu’au 10/01 lundi 09 ■ ET SI LÉONARD… Cie Pointure 23 Moulin du Roc – Niort 05 49 77 32 30 Jusqu’au 13/01 mardi 10 ■ HAMLET Daniel Mesguich Théâtre Angoulême 05 45 38 61 62 Jusqu’au 11/01 mercredi 11 ■ OU VA L’EAU ? O’Naio Théâtre Carré Amelot – La Rochelle 05 46 51 14 70 Jusqu’au 12/01 ■ PROMENADE OBLIGATOIRE Danse CCN – Chapelle Fromentin – La Rochelle 05 46 41 17 75 ■ INOFFEnSIF Humour Théâtre Le Gallia – Saintes 05 46 92 10 20 Jusqu’au 12/01 ■ AFRICA UMOJA Comédie musicale La Coursive – La Rochelle 05 46 51 54 00 Jusqu’au 14/01 jeudi 12 ■ CONCERT-SANDWICH Centre études Supérieures de Musique et Danse TAP – Poitiers 05 49 39 29 29 ■ L’OISEAU DE FEU Orchestre Poitou-Charentes TAP – Poitiers 05 49 39 29 29 ■ SALON PASSERELLE Espace Encan La Rochelle 05 46 45 90 90 ■ A TOUTES LES VIES Nessim Bismuth Maison Georges Brassens Aytré 06 62 18 94 26

Jusqu’au 14/01

■ ARTHUR RIBO Le concert dont vous êtes l’auteur Astrolabe La Rochelle 05 46 67 47 67

vendredi 13 ■ le lac des cygnes Ballet de l’Opéra National Tchaïkovski de Perm TAP – Poitiers 05 49 39 29 29 ■ DJ MFKID + DJ KUSH + SILLYBOY Soirée électro house Barbarella La Rochelle Entrée gratuite dimanche 15 ■ LA PETITE SIRENE Théâtre Danse Le Gallia - Saintes 05 46 92 10 20 mardi 17 ■ MUTATIONS Cie Etre’Ange La Coupe d’Or – Rochefort 05 46 82 15 15 ■ LA VéRITABLE HISTOIRE DE ZARAFA Exposition Muséum d’Histoire naturelle – La Rochelle 05 46 34 11 63 Jusqu’au 15/03 ■ MOUTIN REUNION QUARTET Soul dancers Moulin du Roc – Niort 05 49 77 32 30 ■ QUATUOR éBèNE Jazz-band La Coursive – La Rochelle 05 46 51 54 00 ■ GARDENIA Théâtre Danse TAP – Poitiers 05 49 39 29 29 ■ LE SACRE DU PRINTEMPS Roger Bernat, à partir d'une chrorégraphie de Pina Bausch Le Carré – St-Médard-en-Jalles 05 57 93 18 93 Jusau'au 19 janvier mercredi 18 ■ LA CHATTE Vava Dudu Confort Moderne – Poitiers 05 49 46 08 08 Jusqu’au 28/01

■ FOND DE TIROIR Cie Aline et Cie Maison Georges Brassens – Aytré 05 46 30 19 19 ■ LES FRèRES CASQUETTE Rap pour enfants West Rock – Cognac 05 45 82 48 06 ■ 20 000 LIEUES SOUS LES MERS Théâtre La Palène – Rouillac 05 45 61 77 45 ■ éVASION Groupe Vocal Le Palace – Surgères 05 46 07 14 30 ■ VOYAGE SOLITAIRE De Kôichi Saitô Carré Amelot – La Rochelle 05 46 51 14 70 samedi 21 ■ LINES BALLET Alonzo King Moulin du Roc – Niort 05 49 77 32 30 ■ TAGADA JONES + FACON FEVER Punk + Rock Le Camji – Niort 05 49 17 50 45 ■ TRIBAL ELEK FESTIVAL Création de Didgerid west Salle Bernard Giraudeau – LR 06 70 00 50 74 ■ STATION De Yasuo Furihata Carré Amelot – La Rochelle 05 46 51 14 70 dimanche 22 ■ KYLESA + KEN MODE Metal Hardcore La Sirène – La Rochelle 05 46 56 46 62 ■ THE NEW ROPE STRING BAND Chanson La Palène – Rouillac 05 45 61 77 45 mardi 24 ■ LES 7 DOIGTS DE LA MAIN PSY Moulin du Roc – Niort 05 49 77 32 30

BERNARD CALET

du 5 au 21 janvier 2012 ■ entretemps Exposition Prolongation de l'exposition de Bernard Calet et parution du livre autour du 29 «octobre 23 décembre 2011Sausset, de l'exposition Où en est-onau aujourd'hui ? », texte de Damien Éditions HYX Espace Art Contemporain Espace Art Contemporain – La Rochelle Renseignements : 05 46 34 76 55 Rochelle 28, rue Gargoulleau - La www.larochelle.fr Tél. : 05 46 34 76 55 www.larochelle.fr

■ OUT OF TIME Danse La Coursive La Rochelle 05 46 51 54 00 Jusqu’au 18/01 ■ COMMENT AI-JE PU TENIR Là-DEDANS ? Fable de S. Blanquet Théâtre Angoulême 05 45 38 61 62 ■ RAOUL Pèques et la vaisselle de sept ans Mael Le Mée Les Colonnes – Blanquefort 05 56 95 49 00 jeudi 19 ■ DIRTY JAZZ & CLEAN ROCK Western Trio + diallèle TAP Poitiers 05 49 39 29 29 ■ INSTANTs CRITIQUES De François Morel Le Gallia – Saintes 05 46 92 10 20 Jusqu’au 20/01 ■ SOIREE “WE WANT YOU” Rock Le Camji – Niort 05 49 17 50 45 ■ TORA-SAN – NOSTALGIE DE SHIBAMATRA De Yôji Yamada Carré Amelot – La Rochelle 05 46 51 14 70 ■ Les fuyantes Camille Boitel, Cie Les Choses de Rien Le Carré – St-Médard-en-Jalles 05 57 93 18 93 Jusau'au 20 janvier vendredi 20 ■ JACQUES SCHWARZ-BART Jazz La Coursive – La Rochelle 05 46 51 54 00

■ CASTOR ET POLUX Danse TAP – Poitiers 05 49 39 29 29 ■ LA LINEA DEL SUR renaud Garcia Fons Le Gallia Saintes 05 46 92 10 20 ■ je suis venue Danse Les Colonnes – Blanquefort 05 56 95 49 00 mercredi 25 ■ TARTUFFE Mise en scène E. Lacascade La Coursive – La Rochelle 05 46 51 54 00 Jusqu’au 27/01 ■ bonanza Groupe Berlin Le Carré – St-Médard-en-Jalles 05 57 93 18 93 Jusau'au 26 janvier jeudi 26 ■ UNE BERENICE De D. Ruiz avec S. Teyssier La Coupe d’Or – Rochefort 05 46 82 15 15 Jusqu’au 27/01 ■ RENCONTRE AVEC CATHY YTAK Rencontre Médiathèque – Aytré 05 46 45 40 67 ■ alexis, une tragédie grecque Cie Motus Le Carré – St-Médard-en-Jalles 05 57 93 18 93 vendredi 27 ■ BEN HOWARD Folk Pop La Sirène – La Rochelle 05 46 56 46 62 ■ TANGOCITA TRIO Musique de Buenos Aires Hotel Terminus – Saintes www.cityjazzy.com


expressions un magazine à l’ouest

samedi 28 ■ AMOR A DOSS II Marina Cedro – Tango-Danse-Poésie Astrolabe – La Rochelle 05 46 67 47 67 ■ MAGIC MALIK + ONIZ Jazz + Rock Le Camji – Niort 05 49 17 50 45 ■ RADICAL FACE + MISS SHAPENFINGERS Folk West Rock – Cognac 05 45 82 48 06 ■ GUY BEDOS Rideau – Humour La Palène – Rouillac 05 45 61 77 45 ■ BOUCLE D’OR & LES 33 VARIATIONS Théâtre/Ombre/Musique Le Gallia – Saintes 05 46 92 10 20 ■ ECILIA BENGOLEA & FRANCOIS CHAIGNAUD Danse TAP – Poitiers 05 49 39 29 29 ■ LA TERRE TREMBLE Michel Cloup Confort Moderne – Poitiers 05 49 46 08 08 ■ JOHN TRUDELL + PURA FÉ Blues Amérindien La Sirène – La Rochelle 05 46 56 46 62 dimanche 29 ■ ALFONSO BREZMES - TERRA INCOGNITA Exposition photos Galerie V – LR 0671129735 lundi 30 ■ ECLATS DE VIE Jacques Weber Le Gallia – Saintes 05 46 92 10 20 ■ MILDIOU L’ENFANT DU CHAMP DE PATATES Avec G. Potier et G. Baraton Moulin du Roc – Niort 05 49 77 32 30 mardi 31 ■ SYMFONIA PIESNI ZALOSNYCH Danse La Coursive – La Rochelle 05 46 51 54 00 ■ sans objet Aurélien Bory, Cie 111 Tnba – Bordeaux 05 56 33 36 80 Jusau'au 3 février

FéV mercredi 01 ■ ACCENTUS Laurence Equilbey La Coursive – La Rochelle 05 46 51 54 00 ■ MILDIOU L’ENFANT DU CHAMP DE PATATES Avec G. Potier et G. Baraton Moulin du Roc – Niort 05 49 77 32 30 ■ IMANY Folk Soul La Sirène – La Rochelle 05 46 56 46 62 ■ momentari Cie Nats Nus Les Colonnes – Blanquefort 05 56 95 49 00 ■ tout le monde veut vivre Conception et mise en scène Carole Lorang et Mani Muller Tnba – Bordeaux 05 56 33 36 80 Jusau'au 3 février jeudi 02 ■ ORELSAN Rap La Sirène – La Rochelle 05 46 56 46 62 ■ LE ROMAN D’UN TRADER J-L Bauer – D. Benoin Théâtre Angoulême 05 45 38 61 62 Jusqu’au 03/02 ■ ZIC DATING Rock Le Camji – Niort 05 49 17 50 45 vendredi 03 ■ PIERRE LAPOINTE Chanson Le Palace – Surgères 05 46 07 14 30 ■ VOYAGEURS IMMOBILES Philippe Genty La Coursive – La Rochelle 05 46 51 54 00 Jusqu’au 04/02 ■ INOFFENSIF De et avec Jérôme Rouger La Coupe d’Or – Rochefort 05 46 82 15 15 ■ THE WAILERS Reggae Centre Culturel Leclerc – Niort 05 49 17 39 10 ■ L’ASTICOT DE SHAKESPEARE Clémence Massart Moulin du Roc – Niort 05 49 77 32 30 ■ sun Cyril Teste, Collectif MxM Le Carré – St-Médard-en-Jalles 05 57 93 18 93

samedi 04 ■ JALI + RABSTA FAMILY Soul + Reggae West Rock – Cognac 05 45 82 48 06 ■ JACQUES WEBER Théâtre La Palène – Rouillac 05 45 61 77 45 dimanche 05 ■ ETOILES DU CIRQUE DE PEKIN Cirque Parc des Expo – La Rochelle 05 46 30 08 58 mardi 07 ■ TRIO ALTA Légereté et virtuosité Moulin du Roc – Niort 05 49 77 32 30 ■ MICHEL PORTAL Baïlador Théâtre Angoulême 05 45 38 61 62 ■ DEMAIN, JE NE SAIS PLUS RIEN Sylvain Decure La Coupe d’Or – Rochefort 05 46 82 15 15 Jusqu’au 08/01 ■ FLORENT SILLORAY Auteur Illustrateur Carré Amelot – La Rochelle 05 46 51 14 70 ■ FURIE Jérome Rouger Les Colonnes – Blanquefort 05 56 95 49 00 ■ tout le monde veut vivre Chorégraphie Mourad Merzouki Tnba – Bordeaux 05 56 33 36 80 ■ le chemin solitaire Création tg STAN Tnba – Bordeaux 05 56 33 36 80 Jusqu'au 11 février mercredi 08 ■ RUY BLAS Théâtre La Coursive – La Rochelle 05 46 51 54 00 Jusqu’au 10/02 ■ JE ME SOUVIENS De Eun Young Kim Pernelle Carré Amelot – La Rochelle 05 46 51 14 70 Jusqu’au 09/02 ■ L’OMBRE AMOUREUSE Olivier Balazuc La Coursive – La Rochelle 05 46 51 54 00 ■ petit-bleu petit-jaune Cie Succursale 101 Le Carré – St-Médard-en-Jalles 05 57 93 18 93 ■ La forme d'une ville Conversation littéraire avec Pierre Michon, Bernard Bretonnière et Arno Bertina Le Lieu Unique – Nantes 02 40 12 14 34 ■ LE ROMAN D'UN TRADER Textes J-L Bauer, mise en scène Daniel Benoin Tnba – Bordeaux 05 56 33 36 80 jeudi 09 ■ ULTRA VOMIT Metal Parodique West Rock – Cognac 05 45 82 48 06 ■ SALLIE FORD & THE SOUND OUTSIDE Rock Vintage La Sirène – La Rochelle 05 46 56 46 62 ■ VIGILES DE L’AUBE Marcel Kanche La Coupe d’Or – Rochefort 05 46 82 15 15 ■ FLORENT MARCHET Concert Moulin du Roc – Niort 05 49 77 32 30 ■ FABIENNE AUGIE Le Pays du long nuage blanc Carré Amelot – La Rochelle 05 46 51 14 70 Jusqu’au 17/03 vendredi 10 ■ CHURCHFITTERS Musique Irlandaise La Palène – Rouillac 05 45 61 77 45 ■ LES JOURNÉES DES CULTURES URBAINES Concert, Danse, Graff… Astrolabe – La Rochelle 05 46 67 47 67 Jusqu’au 11/02 ■ ULTRA VOMIT + M.O.T.A Métal Le Camji – Niort 05 49 17 50 45 ■ LE DINDON Georges Feydeau Théâtre Angoulême 05 45 38 61 62 Jusqu’au 12/02 samedi 11 ■ FAMILHA ARTUS + LE GRAND BAROUF Rock Le Camji – Niort 05 49 17 50 45 ■ The buzz Chorale rock-soul de l'Association La Puce à l'Oreille Espace B. Giraudeau – Mireuil 05 46 52 24 64 ■ battle opsession 2012 Battle International de breakdance Le Lieu Unique – Nantes 02 40 12 14 34

lundi 13 ■ NOIR, BLANC, ROND Théâtre T Moulin du Roc – Niort 05 49 77 32 30 Jusqu’au 14/02 mardi 14 ■ VINCENT DELERM Concert La Coursive – La Rochelle 05 46 51 54 00 Jusqu’au 17/02 ■ L’ORAL ET HARDI Allocution poétique Théâtre Angoulême 05 45 38 61 62 ■ black'n'blues, a minstrel show Mark Tompkins, Cie I.D.A. Le Carré – St-Médard-en-Jalles 05 57 93 18 93 jeudi 16• 16mus CARTE BLANCHE A ■ MARCEL AZZOLA Jazz Moulin du Roc – Niort 05 49 77 32 30 ■ AMANDA FAVIER QUATUOR KADENZA Le violon et l’opéra Théâtre Angoulême 05 45 38 61 62 ■ ORCHESTRE DES CHAMPS-ELYSEES Philippe Herreweghe La Coursive – La Rochelle 05 46 51 54 00 ■ THE NINO’S J’avais pas vu Mirza Astrolabe – La Rochelle 05 46 67 47 67 ■ SOWETO ENTSHA Gospel La Palène – Rouillac 05 45 61 77 45 vendredi 17 ■ ABILIFAÏE LEPONAIX Cie Fouic Théâtre Le Palace – Surgères 05 46 07 14 30 ■ LE CIRQUE MISERE Cie La Faux Populaire – Le mort aux Dents La Coupe d’Or – Rochefort 05 46 82 15 15 ■ HOLLIE COOK & BAND FEAT HORSEMAN Reggae La Sirène – La Rochelle 05 46 56 46 62

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dimanche 19 ■ SALLIE FORD & THE SOUND OUTSIDE Rock Blues West Rock – Cognac 05 45 82 48 06 lundi 20 ■ DIRTY BEACHES Rock Indé La Java des Paluches – La Rochelle 05 46 56 46 62 mardi 21 ■ DIMITRY BAEVSKY QUARTET Jazz Moulin du Roc – Niort 05 49 77 32 30 ■ JACQUES ET MYLENE Cie des 260 couverts La Coupe d’Or – Rochefort 05 46 82 15 15 Jusqu’au 23/02 ■ THE SUBWAYS Garage Rock West Rock – Cognac 05 45 82 48 06 ■ 1+1=3 Gérard Delahaye Moulin du Roc – Niort 05 49 77 32 30 Jusqu’au 24/01 mardi 22 ■ LE LAC DES CYGNES Ballet de Perm La Coursive – La Rochelle 05 46 51 54 00 Jusqu’au 25/02 ■ BALLET OPERA NATIONAL DE KIEV Ballet classique La Palène – Rouillac 05 45 61 77 45 ■ LES BONNES De Jean Genet La Coursive – La Rochelle 05 46 51 54 00 ■ ID Cirque Eloize Théâtre Angoulême 05 45 38 61 62 Jusqu’au 24/02 mercredi 23 ■ ANTHONY JOSEPH & THE SPASM BAND World Afrobeat Soul La Sirène – La Rochelle 05 46 56 46 62 ■ CASCADEUR + AN PIERLE Concert Centre Culturel Leclerc – Niort 05 49 17 39 10

17 19 19 février 2012 du au 17 au février 2012 ■ LeCirque Cirque Misère – JuLien Candy – LaPoPuLaire faux PoPuLaire ■ Le Misère – JuLien Candy – La faux 17/02 etet18/02 à 20h30 – 19/02 à 17h 17/02 18/02 à 20h30 – 19/02 à 17h 5 artistes aux disciplines différentes Sous chapiteau au Stade Rougese-rencontrent Rochefortsur la piste. Skate board, vélo, aux manipulation d’objets, jonglage... effets de senssur garantis ! 5 artistes disciplines différentes seetrencontrent la piste. Sous chapiteau au Stade Rouge - Rochefort Skate board, vélo, manipulation d’objets, jonglage… et effets de GARDENIA Renseignements : 05 46 82 15 15 - www.theatre-coupedor.com sens garantis ! Renseignements : 05 46 82 15 15 - www.theatre-coupedor.com www.facebook.com/coupedor ■ CHRISTOPHE ALEVEQUE ■ QUATREVINGT-TREIZE D’après Victore Hugo La Palène – Rouillac 05 45 61 77 45 ■ MARCEL AZZOLA Jazz La Coursive – La Rochelle 05 46 51 54 00 ■ AMANDA FAVIER JEAN-FRANCOIS ZYGEL Concert surprise Théâtre Angoulême 05 45 38 61 62 ■ SALON DES ARTS CREATIFS Découvrez les nouvelles tendances Parc expo – La Rochelle 05 46 30 08 50 samedi 18 ■ IZIA Rock Centre Culturel Leclerc Niort 05 49 17 39 10 ■ POEMES VISUELS Cie Jordi Bertran Carré Amelot – La Rochelle 05 46 51 14 70 ■ ORCHESTRE DES CHAMPS-ELYSEES Direction : P. Herreweghe Moulin du Roc – Niort 05 49 77 32 30 ■ MONSIEUR BILL + EARLY MORNING.UK Chanson + Pop Le Camji – Niort 05 49 17 50 45 ■ FESTIVALS LES NUITS DE L’ALLIGATOR Blues urbain La Sirène – La Rochelle 05 46 56 46 62

Super-rebelle (2) Moulin du Roc – Niort 05 49 77 32 30 vendredi 24 ■ NOUGAROLOGIE EN QUATUOR Hommage à Claude Nougaro Hotel Terminus – Saintes www.cityjazzy.com ■ EL COMUNERO Chanson Le Camji – Niort 05 49 17 50 45 ■ ANA YERNO ET GUILLAUME DE CHASSY Flamenco La Palène – Rouillac 05 45 61 77 45 samedi 25 ■ BLAKE WORREL + ZHI MC Hip Hop + Regga Le Camji – Niort 05 49 17 50 45 dimanche 26 ■ JUNE ET LUNA Rock folklore La Palène – Rouillac 05 45 61 77 45 mardi 28 ■ BOUSKIDOU Rock pour les mômes Le Palace – Surgères 05 46 07 14 30 ■ HANS was heiri Conception, mise en scène et décors : Zimmermann & De Perrot Le Lieu Unique – Nantes 02 40 12 14 34

UREL ESPACE CUELTDE DE LA VILL LE LA ROCHEL

janvier

MERCREDI

11 12 + JEUDI

Jeune public

SALLE DE SPECTACLES

OÙ VA L’EAU ? O’Navio Théâtre D’après Jeanne Ashbé Théâtre, comptines

TOUTE LA PROGRAMMATION SUR WWW.CARRE-AMELOT.NET


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expressions un magazine à l’ouest

Dialogue autour de Kitchen Stories, film nordique

Cuisine équipée

exhausteurs livres, disques, films...

cd

cd

Dany Huc & Philippe Guerry Dany Imagine : Années 50, boom de l’aprèsguerre. Le Home Research Institute de Suède missionne un groupe d’observateurs chargés d’étudier les déplacements de la femme ou de l’homme d’intérieur dans leur cuisine afin d’optimiser leurs travaux et leur éviter « un parcours cumulé égal à la distance de la Suède au Congo ». L’observateur Folke est désigné pour observer Isak, « ours » vieillissant en compagnie d’un antique cheval harassé dans un coin paumé de Norvège… La règle absolue : aucun lien d’aucune sorte ne doit être noué entre l’observateur et l’observé. On voit l’arrivée de la colonne d’observateurs, même look costard grisâtre, mêmes voitures noires tractant les mêmes mini-caravanes verdâtres… Pendant sa mission, du lever au coucher d’Isak, l’observateur muni d’un grand registre et d’un stylo devra être perché, dans la cuisine minuscule, sur une très haute chaise d’arbitre… Philippe J’imagine très bien la suite du film : rapidement, Isak ne supporte pas d’être observé, de voir consignés les plus insignifiants de ses gestes. Il déploie une série de stratagèmes – de la dérivation des arrivées d’eau et de gaz au percement des cloisons à l’arrière des placards – pour installer progressivement sa cuisine dans la pièce voisine. Dubitatif sur ce contournement de la règle mais soucieux de ne pas sortir du protocole, Folke garde sa position et tente une observation « aveugle » de l’activité d’Isak. Confronté un jour au départ de celui-ci – parti tôt le matin enterrer son cheval – et au silence absolu de la maison, il est alors renvoyé à l’absurdité de sa mission et à sa propre inutilité. Rompant avec la règle de l’Institut, il s’en ouvre à Folke à son retour. Les deux hommes décident alors de rédiger ensemble un compte-rendu conforme aux attentes de l’Institut. Au cours de fraîches soirées copieusement arrosées d’alcools forts, ils imaginent – et interprètent, déguisés – des situations domestiques inédites. Sans s’en rendre compte, les deux hommes anticipent le décloisonnement des rôles sociaux et des espaces domestiques, l’ambiguïté sexuelle, les révolutions sociales et culturelles du monde à venir, le tout consigné dans un rapport d’observations détonnant. Dany Tu n'es pas loin ! Les jours passant, la règle absolue va être vite oubliée, Folke et Isak vont d’abord partager du tabac, échanger quelques mots, boire un coup, fêter l’anniversaire d’Isak, ensemble, assister le vieux cheval mourant, devenir amis. Faute professionnelle grave pour Folke, qui n’en a cure. La vie, et une humble et surréaliste poésie font irruption dans un dispositif comme emprunté à Kafka, le dynamitant en douce avec un humour subtil. • * Ce film est sorti en 2003. Bent Hamer, le réalisateur, est norvégien.

The Black Keys

El Camino N onesuch R ecords

cd

Josh Rouse And The Long Vacations

Jono McCleery

Josh Rouse And The Long Vacations

There is N inja T une

RYKO Après leur brillant précédent album « Brothers » paru en 2010, les Black Keys auraient légitimement pu prendre du repos. Se laisser aller. Ils ont pourtant choisi de remettre immédiatement le couvert, de nous délivrer un réjouissant « El Camino » qui met du soleil dans nos matins d’hiver. En 11 titres et une quarantaine de minutes de son, le duo fait s’agiter la cuillère dans le café du lever lorsqu’il entame son Lonely Boy ou scande le message délicieusement impertinent de Money Maker. « Oh, she wants milk and money – Oh, she wants filthy money. » • P.L.

cd

Josh Rouse a quitté les États-Unis en 2004, laissant derrière lui Nashville pour s’installer dans le sud de l’Espagne. Sa musique est depuis cette époque teintée de Sud, d’acoustique et de langueur. Les rythmes chaloupés de Movin’ On ou de Disguise poussent au farniente et donnent envie de s’adonner aux « long vacations » que l’artiste revendique. Josh Rouse affirme les bienfaits des « lazy days » et distille un discours positif sur l’intégralité de son album. Un courant de chaleur musicale qui chauffe l’âme et réconforte les corps endoloris par le vent d’hiver. • P.L.

cd

Jonathan Wilson

Gentle Spirit B ella U nion /C oop

Le soir venu, la tentation est forte de ralentir le rythme et de s’adonner à la mélancolie. On cherche le disque qui convient le mieux à cet état d’esprit du jour déclinant. Et c’est soudain que Jono McCleery apparaît. Cet Anglais pousse dans les retranchements. Dans cet album aux accents de conte (« There is »), le pop singer nous raconte des histoires de cœur, offre dans le fameux Tomorrow des introductions longues et enivrantes, et fait d’une chanson sortie des mémoires (le Wonderful Life de Black) un chef-d’œuvre. • P.L.

cd

The Walkabouts

Travels In The Dustland

Paul Tiernan

Painkillers R ight

stuff records / paultiernan . com

G litterhouse /D iffer -A nt Pour se mettre en forme, rien de mieux que de démarrer la journée sur un nuage avec le meilleur disque de cette fin d’année. Chanteur, guitariste émérite, multi-instrumentiste, compositeur, producteur, Jonathan Wilson, inconditionnel de l’analogique, a conçu, produit et réalisé sur deux ans, dans ses propres studios, ce « Gentle Spirit » aux sonorités incroyablement claires et puissantes. Sa qualité et sa pureté sonores rivalisent avec celles des plus beaux enregistrements des années 70, dignes de ceux de Neil Young, par exemple, sans jamais chercher à les imiter, mais en construisant un univers personnel. Treize longs morceaux splendides de bout en bout. Une merveille. • P.T.

dvd

De 1988 à 2005, les Walkabouts, formés à Seattle autour du duo Chris Eckman et Carla Torgerson, ont enregistré quatorze albums, presque tous excellents. Après un hiatus de six ans, le quinzième vient de sortir. Peut-être encore plus beau que les précédents, il invite à un voyage dans les immenses étendues du rock, du blues et du folk américains à travers onze titres qui s’enchaînent tout en conservant leur force et leur identité propres. Les voies et les mélodies sont immédiatement accrocheuses, l’orchestration somptueuse, les différents instruments en osmose. De quoi entamer la deuxième partie de la journée avec des images et des sons plein la tête. • P.T.

Mandoliniste, guitariste et chanteur, Irlandais installé dorénavant dans le Sud-Ouest, Paul Tiernan possède un art incomparable pour écrire de magnifiques et poignantes chansons sur le mal-être et les rêves déjà perdus de l’adolescence, et plus encore sur la mélancolie de l’âge adulte après la fuite des espoirs. C’est à nouveau le cas avec ce très réussi « Painkillers », en particulier sur l’enchaînement La Violette/ Driver, qui ouvre un disque tout en finesse et en délicatesse, ou sur des titres comme Boxcar Ballerinas et Dark Chocolate Heart. La musique parfaite pour accompagner les mélancolies nocturnes. • P.T.

dvd

dvd

Guy Moshe

Marcus Nispel

Conan

La Locataire

S even 7

S even 7

S even 7

Bunraku est au croisement du western (principalement européen), du film de sabre (chambara) et du polar ultra-violent. Trois ambiances qui s’entremêlent dans des décors de carton-pâte et de dessins qui pourraient faire chavirer le métrage dans un patchwork indigeste de BD. Mais l’intelligence du réalisateur est d’assumer pleinement le film et surtout ses nombreuses inspirations. L’atmosphère déjantée confère aux scènes les plus folles un manque de sérieux en parfaite adéquation avec ce pur produit de genre. Un film « dingue », parfaitement maîtrisé, interprété « joyeusement » par des comédiens venus ici s’amuser autant que divertir le spectateur. • G.D.

Une fois de plus on est confronté au problème de l’adaptation littéraire au cinéma. Et une fois de plus la déception est grande. Plutôt que de parler des qualités ou des défauts du film, il s’agit plus de constater la différence fondamentale entre le roman, qui présente un personnage solitaire, parlant peu, plus bestial qu’humain, et le film, qui l’humanise et dont la seule quête est la vengeance. Difficile, à partir d’un tel postulat, de laisser sa moindre chance à cette bande que beaucoup redoutaient, surtout comparée à la version que nous en avait donnée J. Millius il y a quelques années. • G.D.

Pour la renaissance de la célèbre Hammer, on espérait un sujet plus original que celui-ci. Si le début installe une ambiance pesante comme les aime tout bon amateur de frissons, on déchante rapidement tant le scénario rajoute de clichés ; les personnages deviennent de plus en plus prévisibles. Le réalisateur fait ce qu’il peut avec une histoire mille fois vue et dont le suspense, qui devrait être le maître de ce genre de film, tombe complètement à plat. Du coup, les comédiens passent plus pour des cachetonneurs que pour des acteurs. • G.D.

Bunraku

Antti Jokinen




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