Babel(s)

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Babel(s)


Babel(s) Installation, par Pétia Tricon « En tant que telle, la nature est invisible, et elle ne devient un objet de perception que par le biais d'un processus de présentation. » Lucius Burckardt L’action se déroule dans un avenir passé. chronique d'une mort annoncée, Babel(s) met en scène la fusion chaotique de 2 ruines, le dernier combat d'une nature en expansion parasitaire et d'une ville rongée, étouffée. Décadence d'une civilisation hypertechnoïde, chant du cygne d'une Babel détruite par un châtiment végétal revenant sur le devant de la scène. Qui parasite l 'autre, qui annonce la mort de l'autre, qui survivra ? Qui faut-il protéger, qui faut-il détruire ? Récit graphique d'un univers sur sa fin, arrêt sur image d'une friche urbanaturelle en pleine expansion apocalyptique. Critique de 2 mondes opposés, mais qui prennent toute leur importance esthétique dans ce combat final. Vanités architecturales, ruines romantiques, temples oubliés, friches industrielles, leur existence sont soulignées par une nature qui les ronge mais les maintient existants.

L’installation Sous forme de frise horizontale composée de 10 panneaux articulés, à hauteur d’homme (deux mètres de haut), l’installation Babel(s) déploie dans l’espace une ville en lutte avec la nature. Le panorama urbain, photomontage en noir et blanc réalisé par ordinateur, est envahi par une nature sauvage, une végétation prolifique à l’état brut, Accentuant les contrastes et la noirceur du milieu urbain, froid et métallique, la nature joue avec la ville. Sa force vive se transmet à l'architecture qui grâce à elle gagne en épaisseur, en élan vital, et devient surprenante. À la vue d’un tel amalgame entre éléments urbains et éléments naturels, une question se pose. La végétation reprend-elle ses droits sur une cité en désagrégation ? Ou bien, au contraire, est-elle une sorte de jungle défrichée, destinée à disparaitre, le dernier vestige d’une nature grignotée par la culture ? Victoire de la nature, victoire de l’homme moderne ?

L’Espace Un paysage millénaire se déroule devant le spectateur, au croisement de l’irréalité (image) et de la réalité (installation). La disposition des panneaux en volume, tel un paravent japonais, permet de donner corps à la perspective. Le spectateur peut dès lors composer lui-même son parcours dans la ville, à travers un système de points de fuite et de focalisations multiples que modifie la manipulation des panneaux. L’installation suppose donc un positionnement, un engagement du spectateur dans l’espace urbain qu’il scrute ; elle lui suggère d’être acteur en traçant son propre chemin dans cet univers, et de s’y promener.

Le Temps Interroger la ville pour interroger l’homme, voilà l’idée. Un paysage urbain porte en effet en lui, tout comme un être humain, les traces de son passé. Les différentes étapes de sa construction, les modifications qu’il a subies à travers le temps – qu’elles soient dues aux modes architecturales ou aux évolutions démographiques et sociales, ou encore aux guerres dévastatrices – se juxtaposent. Figée dans une temporalité indéfinie, Babel(s) donne à voir les différentes strates de sa construction, entre architectures des Temps Modernes et constructions futuristes. Le photomontage, inspiré des collages et des effets de répétition chers à l’esthétique des Nouveaux Réalistes, brouille davantage encore les repères temporels, si bien que Passé, Présent et Futur sont réunis pour conférer à la ville un sentiment d’éternité.

L’utopie Le panorama bio-mécanique dans lequel le spectateur évolue a par conséquent une unité de lieu et une unité de temps propres et uniques : Babel(s) est un espace dans l’espace, un lieu de projection, une utopie. J'utilise la métaphore de Babel car elle illustre à la fois la tentative de création d’un espace de rassemblement, où les hommes quittent leur individualité pour « faire société » en parlant le même langage ; et l’échec de l’homme à surmonter l’altérité, à s’élever au-delà de ses différences. On peut considérer que la ville, comprise comme lieu d’harmonie sociale, est une utopie ; tout comme la tour de Babel, construite de guingois et prête à s’effondrer, a effacé les personnalités de la cité au nom de la cohésion, jusqu’à l’échec. Ce même échec ne prévaut-il pas encore à la construction des mégapoles ? Babels éternellement recommencées – au pluriel, donc – mais cette fois dans l’horizontalité parce qu’elle figure le mouvement de l’homme vers l’homme, et non plus dans la verticalité, mouvement de l’homme vers Dieu.

Nature vs Culture Plusieurs interprétations, plusieurs lectures sont possibles ; le spectateur fera son choix au fur et à mesure qu’il manipule Babel(s). C’est la nature qui opère la transition entre les différentes séquences graphiques, c’est elle qui lie l’espace fragmentaire et lui donne sa continuité. En suivant la prolifération de cette végétation débridée, le spectateur peut s’imaginer une nouvelle lecture du monde qui est le sien, un monde où la nature est essentielle. Une troisième voie, un dépassement de l’antinomie ville/nature : et si l’homme pouvait donner à la nature un réel espace de liberté? Est-il possible, aujourd’hui, d'utiliser nos technologies pour intégrer la nature dans la ville, tout en sauvegardant ce principe d’autonomie, de non-limitation, qui est la sienne , je voudrais pouvoir imaginer une véritable fusion entre le corps urbain et l’écosystème.

« Dans la nature, il y a un espace tactile, je dirai presque manuel... » Georges Braque




pétia tricon

Formé à différentes techniques plastiques aux Ateliers des Beaux-arts de la Ville de Paris (dessin, pastel, acrylique, gouache), Pétia Tricon poursuit ses études à l’Ecole Supérieure d’Arts Graphiques (ESAG- Penninghen). Son diplôme, en 2001, est le prélude à une série de créations interrogeant la fusion de la nature et du monde urbain (« Urban nature », montage visuel), thème qui l’occupe encore aujourd’hui. En tant que Directeur Artistique à l’agence CA Communication, il perfectionne sa maîtrise de la conception visuelle, des outils de photomontage et d’infographie, grâce auxquels il développe un univers graphique aux tendances futuristes. Parallèlement, Pétia Tricon continue son travail plastique sur la friche urbaine. La Petite Ceinture, ancienne voie ferrée qui encercle Paris, est par exemple au cœur de son imaginaire. La lutte perpétuelle entre la nature et le cadre urbain le pousse à revisiter l’exercice pictural de la Marine, et à créer des perspectives architecturales désolées et grises. Le travail soigné du dessin anatomique s’insère dans les lignes d’un monde mécanique et technologique. Il cherche à associer acrylique, encre de chine et pastels sur des toiles rehaussées de bandes de plâtre, dans le souci omniprésent du volume et de la matière. Ses modèles artistiques, allant des expérimentations photographiques des années Trente, aux machines et automates de Tingely, aux peintures d’Hundertwasser ou de Giger, jusqu’aux planches de la bande dessinée contemporaine, sont aussi éclectiques techniquement que visuellement. En juin 2009, Pétia Tricon s’installe dans son atelier de la rue Lepic pour se consacrer exclusivement à sa recherche plastique. Il publie quelques mois plus tard aux Editions Malaxe (Jean-Philippe Boîteux) un recueil d’héliogravures intitulé Métapsychoses, où se déploie un bestiaire futuriste d’insectes et de plantes bio-mécaniques. Babel(s) est à la réunion de ces différentes techniques, mais la mise en espace et l’implication du spectateur dans l’œuvre connaîtront un réel aboutissement. Première pièce d’une nouvelle série de créations (peintures, sculptures, gravures), elle est le reflet d’une expérience plastique longue de plusieurs années.

Métapsychoses Photomontage impression sur toile 2008


Sans titre Acrylique, encre de chine, pl창tre 2008

Sans titre Acrylique, encre de chine, pl창tre 2009


Vernutopie Photomontage impression sur plexiglass 2007


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