Les Éphémères

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Un magazine créé par la Mauvaise Troupe

Volume unique, numéro unique, Printemps 2015

Sommaire : En guise d’éditorial................................................ 2 Souvenirs, souvenirs ............................................ 3 En jouant avec les mots........................................ 4 Elfe......................................................................... 5 Les Milliardaires de la terre .................................. 6 Le sorcier qui ne jurait que par le silence ............ 8 Une histoire rapportée par Gisèle ........................ 9 Les Sirènes, mythe ou réalité?............................. 10 Deux poèmes de Monique.................................... 11 Rencontre entre deux espèces ............................ 12 L’Échange ............................................................. 13 La main-esclave.................................................... 14 Le Club de lecture................................................. 15 La Magie des mots................................................ 15 La Disparition des cennes noires ......................... 16

Petite charade .......................................................17 La respiration, notre souffle vital...........................18 Variations sur le mot ÉPHÉMÈRE .......................19 Un petit garçon parmi tant d’autres ......................20 Lorsque l’économie rime avec philosophie..........21 Le Fantôme de saint Ludger.................................21 L’Interviewer interviewé ........................................22 Éphémères : quelques pensées..........................23 Agriculture et civilisation .......................................24 Qui a eu cette idée folle? ......................................26 Vive la diversité! ....................................................28 Une rencontre de haut niveau ..............................29 Nestor, chapeau melon et salon funéraire ...........30 Quizz : avez-vous bien lu?....................................31 Les Éphémères et la Mauvaise troupe................32 1


En guise d’éditorial Il y a maintenant cinq ans que Richard Levesque dirige des ateliers d’écriture* à la Bibliothèque Françoise-Bédard. Avec le temps, les participants et leur mentor se sont même trouvé un nom, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il est sans prétention: « La Mauvaise Troupe ». Les ateliers ont mené à la création de trois livres (que vous pouvez emprunter à la Bibliothèque). Par ailleurs la Mauvaise Troupe a offert plusieurs présentations en public, à la salle Bon-Pasteur ou à la Bibliothèque, à l’occasion d’événements comme les Journées du Livre ou lors de la Fête Nationale à l’été 2011. Après avoir touché aux contes, aux légendes, à la poésie, à l’écriture scénique, aux jeux de mots, aux conférences et causeries, à la syntaxe du cinéma et de la bande dessinée, la Mauvaise Troupe s’attaque maintenant à une forme de publication particulière: le magazine. Encore une fois, l’ardeur et la générosité des membres de la Mauvaise troupe ont mené à la création d’une œuvre foisonnante, diversifiée et peaufinée. Le magazine « Les Éphémères » traite de santé et de culture, touche aux récits du terroir, fait le compterendu d’observations de la faune (chevreuils et sirènes!), parle de lecture et d’écriture, de récits de voyage, de rencontres, de musique, des petites bibliothèques gratuites, d’école, de milliardaires... Nous pouvons aussi y lire des contes, des poèmes -et une entrevue avec Busque, éditeur du magazine « confrère » La Rumeur-du-Loup. Bravo, la Mauvaise Troupe! Encore une fois, vous avez été bien inspirés et votre imagination débordante a fait le reste! Les Éphémères ne vivront que l’espace d’un numéro, mais à vous je dis: « Longue vie, Mauvaise Troupe! » Sylvie Michaud, Directrice de la bibliothèque Françoise-Bédard 2

*Pour mémoire, voici la liste complète des ateliers d’écriture animés par Richard Levesque : 1) Contes du mercredi (Automne 2010) – Livre en biblio. 2) Mardis-légendes (Printemps 2011) – Livre en biblio. 3) Poésie (Printemps 2012) – Un recueil a été publié. 4) Atelier d’écriture scénique (Automne 2012) – Recueil non publié mais en fichier + vidéo. 5) Jeux de mots 1 (Printemps 2013). 6) Jeux de mots 2 (Automne 2013). 7) Conférences et causeries (Printemps 2014). 8) Syntaxe du cinéma et de la bande dessinée (Automne 2014). 9) Production d’un magazine (Printemps 2015).

Ce numéro unique du magazine Les Éphémères est produit par une Mauvaise Troupe composée de Mireille Bernard, Marcel Caron, Madeleine Desjardins, Odette Litalien, Gisèle Lebel, Gisèle Moreau, Anne-Marie Ouellet, Marie Paquet, Monique Thériault, Valérie ThériaultDeschênes, Louis-Philippe Thouin et accessoirement Richard Levesque. La distribution est confidentielle et chaque exemplaire sera dorénavant considéré comme un document précieux…


Madeleine Desjardins

Souvenirs, souvenirs... C’est vendredi après-midi, le centre commercial fourmille de gens plus pressés les uns que les autres. Les mamans ont peine à contenir les petits marmots qui refusent de leur tenir la main. Les bancs dans les allées sont tous occupés par des maris qui, tout en attendant leurs épouses qui font les courses, piquent des jasettes avec leurs pairs. De quoi peuvent-ils bien parler: les matchs de hockey des Canadiens, leurs nouveaux pneus d’hiver, les frasques de nos politiciens ou mille autres sujets futiles? Peu importe, le temps leur paraît moins long... Parmi cette foule hétéroclite, Laurentin se promène, il semble heureux. Il ne parle à personne, il déambule nonchalamment sans se soucier de ce qui se passe autour de lui. Il n’entre dans aucune boutique jusqu’au moment ou il aperçoit un magasin de disques. Laurentin aime la musique, il a toujours aimé la musique. Il se rappelle ses leçons de piano avec monsieur Caron. Il s’est souvent fait taper sur les doigts le petit Laurentin, c’était la coutume dans le temps. Il était talentueux pourtant. Ses pratiques quotidiennes n’étaient nullement contraignantes pour lui, il aimait pianoter, il composait même des petites mélodies en secret. Monsieur Caron n’aurait sans doute pas apprécié cette initiative... Mais, revenons au magasin de disques; Laurentin y entre et se promène dans les allées. Il ne semble pas trouver ce qu’il cherche. Cherche-t-il des oeuvres de Bach, de Beethoven, de Mozart, de Wagner ou de tout autre génie de la musique? Il cherche et cherche encore et semble quelque peu perplexe. Une demoiselle s’approche et lui dit: — Bonjour monsieur, puis-je vous aider? — Je ne sais pas si vous pouvez

m’aider... — Quel style de musique vous intéresse? — J’aime tous les styles de musique, mais vous ne semblez pas avoir ce que je cherche. Je suis bien dans un magasin de disques et, pourtant je n’en vois aucun... La jeune fille ne comprend pas! — Mais, monsieur, que voulezvous dire? Les étagères en sont pleines... Laurentin devient quelque peu impatient: — Mademoiselle, savez-vous vraiment ce que c’est qu’un disque? Vous savez, ce grand cercle noir que l’on installe délicatement sur un tourne-disque et qui nous permet d’écouter de la musique... — Je comprends monsieur, je pense que vous voulez parlez de 45 tours ou de 33 tours? —Mais, je parlais de quoi d’autre selon vous? réplique Laurentin. C’est ça un disque!!!!! — Vous savez, monsieur, ce sont des disques compacts que l’on vend ici.. Notre mélomane est de plus en plus irritable... — Qu’est ce que c’est, des disques compacts? La demoiselle sort un disque compact de son comptoir, le sort du coffret et le montre à Laurentin qui semble ne rien comprendre. Il devient triste et paraît même désemparé. La demoiselle vient juste de comprendre ce qui se passe: son grand-père est atteint de la maladie d’Alzheimer, et cet homme devant elle a le même comportement que cet être si cher à son coeur, qui ne la reconnaît plus depuis quelques années. Un peu émue, elle lui demande de sa voix la plus douce: — Monsieur, êtes-vous seul, est-ce que quelqu’un est avec vous? Il reste muet....

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Elle prend donc l’initiative de demander un agent de sécurité qui pourra certainement apporter de l’aide à cet homme pour qui elle ressent une grande empathie... Une heure plus tard, monsieur Laurentin Turcotte est de retour à la résidence Au Clair Soleil où il vit depuis quelques mois. Sa chambre est jolie et chaleureuse. Des photos de famille ornent les murs, une table tournante trône sur un magnifique meuble en bois. On peut y entendre une magistrale symphonie de Beethoven. Laurentin est calme, il ne se souvient pas de sa mésaventure de l’après-midi. Il ne se doute pas du branle-bas et du grand stress que sa fugue a causés à sa famille et aux responsables de la résidence. Un homme et une femme sont assis près de lui, mais il ne les connaît pas. Il écoute Beethoven en se berçant dans son fauteuil préféré.

L’homme et la femme se lèvent, s’approchent de lui : — Au revoir papa, je t’aime, dit la femme en l’embrassant sur la joue. L’homme fait le même geste. Mais Laurentin reste indifférent à ces marques d’affection. Il est perdu quelque part avec son compositeur préféré et plus rien d'autre ne compte...


Gisèle Moreau :

En jouant avec les mots... Georges marchait lentement sur la rue Lafontaine en s’appuyant sur le long parapluie qu’il apportait toujours avec lui. Ce jour-là, il ne s’en doutait pas, une grande aventure l’attendait. Un vent puissant soufflait en rafales et bientôt un sombre nuage s’accumula au-dessus de sa tête. Il ne s’en inquiéta pas outre mesure, étant donné qu’il avait son parapluie pour le protéger de toute avarie. Bientôt, quelques feuilles volèrent autour de lui. Il leva le regard et aperçut ce qui lui sembla, au premier abord, être les feuilles d’un grand bouleau qui se trouvait tout près. Mais il ne tarda pas à s’apercevoir qu’il s’agissait d’autre chose... un amas de feuilles toutes pareilles s’étaient accumulées dans le ciel et

suivaient son pas. Il pointa son long parapluie dans leur direction et réussit à attraper une des feuilles qui voulait s’accrocher à lui. Il sortit des lunettes de sa poche et pût déchiffrer le message suivant: Apprends à aimer... Il nota qu’il

s’agissait de la page 283 d’un livre qu’il ne connaissait pas. « Mon Dieu! » se dit-il, « c’est sans doute un livre qui s’est échappé d’une des petites bibliothèques offertes au grand public et que l’on peut trouver un peu partout en ville. Quelle responsabilité pour moi! Apprendre à aimer, me semble tellement important que je sens comme un devoir de rassembler toutes les autres pages de ce livre pour lui redonner sa forme originale et son sens, ce qui veut dire une multitude de feuilles à recueillir... Ce n’est pas une mince tâche! Comment y arriver seul avec un parapluie, si long et pointu soit-il? » Georges réussit quand même à attraper une autre feuille... la page 237 qui clamait: Va vers toi-même et deviens libre, et quelques autres feuilles tout aussi significatives, ce qui le motiva à amasser toutes les pages de ce livre qui devenait, pour lui, de plus en plus intrigant. C’est alors qu’il vit un attroupement d’enfants sortant tout joyeux de l’école... Alertes et habiles, ils se prêtèrent au jeu d’attraper les feuilles qui voletaient un peu partout au ras du sol, le vent coquin s’étant apaisé. 4

Et c’est ainsi que toutes les feuilles d’un livre qui portait pour titre SOCRATE, JÉSUS, BOUDDHA Trois maîtres de la vie furent récupérées et confiées aux bons soins de la bibliothèque municipale. Par la suite, Georges obtint le privilège d’être le premier lecteur du livre rapaillé; il pût enfin connaître le début, la suite et la fin de ce livre de sagesse, s’il en est un.

Depuis, Georges fréquente souvent les petites bibliothèques gratuites* installées aux quatre coins de la ville, afin de permettre aux livres qui y sont déposés d’accomplir leur véritable mission, celle de partager leur contenu plutôt que de s’y ennuyer dans l’oubli... *Savez-vous que les petites bibliothèques gratuites existent réellement...? Quatre petites bibliothèques sont mises à notre disposition pour échanger un livre gratuitement: nous en prenons un, nous en déposons un. Elles sont installées au Parc Blais, à la Pointe, au Parc du Campus-et-dela-Cité et dans le petit Parc, coin Lafontaine et Frontenac.


Marie Paquet:

ELFE Les plus beaux souvenirs de voyage ne sont pas toujours captés sur caméra. Ils n’apparaissent pas dans les guides touristiques. Ils ne s’inscrivent nulle part ailleurs que dans la mémoire affective de celui ou celle qui les a vécus, l’espace d’un court instant. On peut garder pour soi un moment magique, où choisir de le partager à la manière d’un conteur, sans preuve à l’appui. La sincérité de la manière de dire ou d’écrire permet à l’interlocuteur ou le lecteur de recevoir un peu de soi-même… Nous sommes le 3 mars 2015, à Sarasota. Il fait un temps magnifique. Sur la plage de Siesta Key, le soleil de l’après-midi scintille sur le sable chaud. Il ne semble pas déranger les nombreux vacanciers qui demeurent rivés sur leur machin électronique. Certains s’installent dos à la mer pour éviter que le soleil leur fasse ombrage et réfléchisse sur leur moniteur. À quelques exceptions près, les plus âgés qui n’ont pas été contaminés par ces gadgets pataugent dans la mer turquoise. Ils observent les tout-petits qui construisent des forteresses de glaise avec ingéniosité et patience. Je ne suis pas du genre à lézarder sur la plage. Pour la nordique que je suis, il y a urgence à me délecter du plaisir sensuel de me laisser porter par les vagues. Je ressens un immense bonheur. Ma mère a tant vanté les bienfaits de l’eau salée. À l’époque, sa référence était le fleuve Saint-Laurent, à la hauteur de Notre-Dame-du-Portage. Si elle avait connu la mer à Siesta Key, elle aurait voulu la mettre en pot pour les jours gris de l’hiver québécois. Mon père n’aurait eu aucune hésitation à y plonger, habitué qu’il était à se baigner dès l’aube dans l’eau froide du fleuve. Au sortir de l’eau, rien de mieux pour sécher le maillot et se gorger de soleil

qu’une longue promenade sur la plage, les pieds dans la mer, pour accentuer l’effort de l’exercice. C’est ainsi que l’instant d’un regard, une jeune femme unijambiste m’a abordée. Elle m’a demandé de l’aider à entrer dans la mer. Elle portait à la jambe gauche une prothèse conçue pour la baignade. Elle était incapable d’entrer et de sortir seule de l’eau. « Would you help me just to get in and out ». Je n’ai pas hésité. Nous sommes entrées ensemble dans la mer, tout naturellement. Elle s’appuyait à mon bras gauche. Elle nageait à merveille. Le bonheur dans ses beaux yeux bleus irradiait. Depuis le matin, elle contemplait la mer et rêvait de s’y glisser. New-Yorkaise en vacances pour quelques jours en Floride, elle s’appelle Elfe, comme le génie scandinave. Un accident, il y a bien longtemps lui a coûté sa jambe. On s’est quittées après un bout de temps à rire dans la mer. Un souvenir pour la vie, pour toutes les deux. Comme un beau coquillage… J’ai repris le chemin du retour vers ceux qui m’attendaient à l’autre bout de la plage. Curieuse, je me suis retournée à quelques reprises et j’ai aperçu Elfe qui s’adressait sans succès aux promeneurs. Certains sursautaient et repartaient d’un pas rapide. Pour Elfe, j’écrirai un court texte, qu’elle ne lira sans doute jamais. Ce n’est pas le plus important… 5


Marcel Caron :

Les milliardaires de la terre Ils détiennent 2,69% de la richesse et représentent 0,00025% de la population. Qui sont les 1629 hommes et 197 femmes qui se partagent 7063 milliards de dollars? D’après le célèbre magazine économique américain Forbes, fondé en 1917, un nombre record de 1826 personnes font partie aujourd’hui de la liste des milliardaires. Il s’agit d’une augmentation de 181 personnes par rapport à l’an dernier. Selon les calculs de Forbes, 290 nouveaux milliardaires se sont ajoutés à la liste en 2015, dont 71 sont originaires de la Chine. Par ailleurs 29 personnes ont fait un retour dans le club... Le pays qui a enregistré le recul le plus important est la Russie, qui est passée de 111 à 88 milliardaires, se plaçant au 5e rang du classement derrière les États-Unis, la Chine, l’Allemagne et l’Inde. Avec 131 milliardaires, la Californie compte plus de super-riches que tous les pays, sauf le reste des États-Unis et la Chine! Le nombre de femmes milliardaires est passé de 172 à 197 depuis l’an dernier. Un nombre record de 46 milliardaires ont moins de 40 ans. Le plus jeune est le cofondateur du service de messagerie instantanée Snapchat, Evan Spiegel, âgé de 24 ans. Parmi les 39 milliardaires au Canada, David Thomson, à la tête de l’agence de presse Thomson Reuters, est le plus fortuné avec 25,5 milliards de dollars. Voici une liste d’autres canadiens super-riches: Galen Waston, Jim Pattison, James Irving, Joseph Tsai, Loretta Robinson, Arthur Irving, Garrett Camp, Emanuele (Lino) Saputo, Alain Bouchard, Robert Miller, Jean Coutu, Lawrence Stroll, Charles Bronfman ... En avril 2014, un rapport du centre canadien de politiques alternatives indiquait que les 86 personnes et familles les plus riches au Canada, ou 0,002% de la

population, sont de plus en plus riches et possèdent davantage de richesses que les 11,4 millions de canadiens les plus pauvres. Selon Oxfam, la part du patrimoine mondial détenue par les 1% les plus riches est passée de 44% en 2009 à 48% l’an dernier; elle devrait dépasser les 50% en 2016. Présentement, les 80 personnes les plus riches du monde possèdent autant que la moitié la plus pauvre de la planète, soit 3,6 milliards de personnes. Voici quelques folies que peuvent se permettre les milliardaires. En Inde, Muresk Ambani possède une maison de 27 étages; sa valeur est évaluée entre 1 et 2 milliards de dollars. Cet immeuble compte 6 étages de parking: il faut bien caser sa collection de 168 voitures! À partir du hall, 9 ascenseurs nous amènent dans une salle de bal au plafond recouvert de lustres de cristal, ou bien dans une salle de cinéma qui occupe les étages inférieurs, tandis qu’au-dessus, quatre niveaux sont réservés à un jardin vertical avec arbres et plantes suspendues... À Hong-Kong, une maison détient le record pour son prix au mètre carré. Située dans le quartier huppé de Twelve Peaks, sur le pic Victoria, elle est affichée à 819,1 millions de dollars. La propriété

s’étend sur plus de 431 mètres carrés. Elle comprend quatre chambres (seulement), une piscine intérieure, un jardin et une grande terrasse avec une vue imprenable sur la baie. 6


Propriété du cheikh Khalifa bin Zayedal Nayan, un yacht de 180 mètres de long et de 21 mètres de large est estimé à 627 millions de dollars. Ce yacht est doté de 6 ponts et d’un salon de 550 mètres carrés aménagé dans un luxueux style empire.

Pour terminer, voici les paroles d’une chanson de Félix Leclerc qui nous démontre bien dans quel état vivent certains milliardaires.

Les cinq millionnaires Le premier des cinq millionnaires Attend sa femme depuis vingt ans Ses larmes ont fait dans le parterre Un ruisselet qui va chantant. Le deuxième, lui, a la peau bleue: C’est un p’tit vieux bien malheureux, Tout souffreteux, tout toussoteux, Plié en deux près de son feu. Le troisième, lui, c’est un acteur Très beau très fier et méprisé. Botté, casqué, il joue l’empereur Dans son miroir à la Santé1. Le quatrième s’est fait voleur Pour dépister les autres voleurs. Il parait qu’il a tué Dans la montagne il vit traqué.

Les milliardaires sont les principaux acheteurs de cigares imprégnés de cognac. Chaque coffret de 20 cigares de 19 centimètres pour un prix exorbitant de 21,000 dollars, soit 1050.$ l’unité. Chaque cigare est constitué d’un mélange des meilleurs tabacs, entouré d’une feuille de tabac de la République Dominicaine et fermenté pendant 12 ans. Le tout est mis à infuser dans du cognac Louis XIII, un des plus recherchés au monde.

Le dernier lui est embêté: Il donne argent à pleines mains, Il parle de suicide: Plus il en donne plus il en vient!... Qu’attendons-nous pour inviter Ces pauvres riches à dîner, Afin qu’ils aient de cette terre Une autre idée que la misère ? 1

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La Santé est un célèbre asile d’aliénés…


Valérie Thériault-Deschênes:

Le sorcier qui ne jurait que par le silence Il était une fois, un magicien du nom de Chut qui venait d’emménager dans une cabane de rondins à l’orée d’une forêt. Il avait choisi cet endroit retiré pour y mener ses expériences tranquillement. Celles-ci revêtaient une importance vitale et le moindre bruit brisait sa concentration. Quand il vivait dans un grand village, le vacarme lui avait fait rater des dizaines de potions. Il s’était efforcé de l’ignorer, en vain. Les charrettes, les musiciens et les jours de marché l’avaient presque rendu fou. Heureusement, c’était du passé. Après avoir disposé ses affaires dans sa demeure, Chut suivit le protocole de recherche. Il rêvait du moment où il remettrait la formule de surdité temporaire au Conseil des mages. Elle créerait une révolution: tout le monde obtiendrait des moments de sérénité. Les étudiants, par exemple, pourraient compléter leurs devoirs plus vite: le stress lié au milieu ambiant n’existerait plus. Tandis que le sorcier versait des ingrédients dans son vieux chaudron, un concert de corneilles débuta non loin de chez lui. Il en éprouva une grande contrariété. Le calme finit par revenir, mais il fut réduit à néant par les glapissements d’une famille de renards. Chut les chassa et put réaliser quelques potions. Comme leur composition était inoffensive, il goûta à chacune. Toutefois, aucune ne rendit ses oreilles inefficaces. À force d’essais et d’erreurs, il développerait sa formule. Brusquement, un loup hurla au loin. Devant toutes ces nuisances sonores, le magicien résolut de changer son mode de vie: il dormirait le jour et travaillerait la nuit. — Au moins, j’aurai la paix! dit-il d’une voix amère. Hélas, il fut vite détrompé. Vers minuit, un hibou se mit à hululer sur son toit.

— Tous les animaux se sont ligués contre moi! maugréa-t-il. Maudite soit mon allergie au bruit! Je suis le seul à souffrir d’un tel mal! Le pauvre sorcier pleura de désespoir. Il se sentait si impuissant! Il rangea ses grimoires et réfléchit: une solution radicale surgit dans son esprit. Le lendemain matin, il entra dans les bois et jeta un sort à un pic dont les tambourinements devaient résonner à des lieues. L’oiseau fut paralysé et tomba sur le sol. Chut continua l’opération avec toutes les créatures qu’il débusqua. Il s’en voulut un peu mais ses actes étaient justifiés: l’aboutissement de ses recherches profiterait à tous. De plus, le fait d’imposer sa loi l’emplissait de satisfaction. Au bout de trois jours, il ne subsistait plus le moindre cri ou chant dans la forêt. L’enchanteur n’avait pas épargné les hiboux car il avait une dent contre eux. Certains animaux avaient réussi à lui échapper, mais il savait qu’ils ne reviendraient jamais par ici. Quant à la faune qui vivait plus loin, elle resterait à distance. Toute la région était devenue son domaine. Éreinté, le mage Chut gagna son lit et se reposa. Il se leva en même temps que le soleil. Il retourna aussitôt à son chaudron et mélangea des ingrédients. Maintenant que la forêt était entrée dans une ère de quiétude, il réalisa que la rivière qui coulait assez près se révélait particulièrement bruyante. Il devait s’en occuper immédiatement. Il prononça une incantation et créa un barrage pour arrêter le courant. L’eau monta sur les berges et inonda la base de plusieurs arbres. Comme il l’avait calculé, sa cabane ne fut pas touchée. Il ne ressentit qu’un brin de culpabilité. Il rentra brasser le contenu de sa marmite. Tout d’un coup, des ricanements d’enfants parvinrent à ses oreilles. Ces derniers venaient sûrement du village en amont de l’ancien cours d’eau. Le magicien regarda par la fenêtre: ils se trouvaient juste devant chez lui. Quel culot! Il les 8


rejoignit sur-le-champ et les paralysa. Plus tard, leurs parents retrouvèrent leurs traces et subirent le même sort. À n’en pas douter, plus personne ne s’aventurerait ici. Pour la première fois depuis que Chut habitait cette contrée, il concocta des potions du matin au crépuscule dans un silence absolu. Il rêvait du moment où il recevrait la reconnaissance de ses confrères. Il connut beaucoup d’autres jours paradisiaques. Quand il avait besoin de se dégourdir les jambes, il passait devant la famille innocente qu’il avait figée. Sa conscience le torturait. Deux lunes s’écoulèrent, et le sorcier allait bientôt toucher au but. Hélas, il commençait à s’ennuyer. Il aurait aimé écouter les joyeux renards, les oiseaux mélodieux et les flots relaxants. Quand il se couchait, il se rappelait les mystérieux hululements du hibou. Tout cela mettait de la vie dans la forêt. Il ne s’était jamais senti seul à ce point. Il parla à voix haute dès le lever du soleil pour meubler le silence, mais cela ne lui suffisait pas. Il voulut jeter des pierres dans la rivière immobile afin d’entendre des ricochets. Toutefois, elles étaient devenues tellement lourdes qu’il ne parvint pas à les soulever. La nature lui témoignait son ressentiment. Ses bras s’affaissèrent. Il mit ses mains en porte-voix et cria: — J’avais perdu la raison! Comment ai-je pu me montrer aussi égoïste? Pardonnez-moi tous, je vous en prie! Il rétablit le courant de la rivière et se souvint douloureusement qu’il n’existait pas de remède à la paralysie. Il s’accorda des vacances dans un village distant afin de ne plus voir ses victimes, mais leurs visages le hantaient: il n’avait d’autre choix que de réparer le mal commis. Il regagna sa cabane et suspendit ses recherches sur la surdité temporaire. Pendant dix interminables années, il travailla d’arrache-pied sur un antidote. Le conseil des mages lui avait refusé son aide en guise de punition. Il connut de nombreux moments de désespoir: nul n’était fait pour vivre dans un isolement total. Le silence le tuait. Pour tester ses préparations, Chut avait apporté chez lui le corps du premier pic à qui il s’en était pris. Un jour, il versa quelques gouttes d’une fiole sur l’oiseau. Il remua la tête,

dégourdit ses ailes et s’envola par la fenêtre. Le magicien remplit une dizaine de flacons avec le remède. Il les plaça dans un sac et se rendit à l’extérieur. Il fit renaître une à une les personnes et les créatures qui lui avaient tant manqué. Les rires des enfants réchauffèrent son cœur. Les oiseaux se remirent à gazouiller ou à croasser. Le sorcier était si heureux qu’il se replongea dans ses anciennes expériences. Le bruit environnant lui apparaissait comme une douce musique: il ne pouvait plus s’en passer. La découverte de la potion de surdité temporaire lui valut une juste récompense: un magnifique chaudron en argent. Des gens affluèrent chez lui pour se procurer le précieux élixir. Ils revinrent le remercier: il leur avait permis de mieux apprécier les sons quotidiens de même que ceux de la nature. Sa demeure constituait une destination incontournable pour les voyageurs. Chut construisit une annexe afin de leur offrir le gîte: il ne connut plus jamais la solitude.

Une histoire rapportée par Gisèle (Lebel): Un matin, pépé se lève et fait des bisous sur la poitrine de mémé. Très étonnée, celle-ci lui demande: —Mais qu’est-ce que tu fais? —Ben, on est le premier novembre, répond pépé. C’est la fête de tous les saints, alors j’embrasse les tiens!... Le lendemain, au lever, mémé embrasse le zizi de pépé. Surpris, celui-ci demande: —Mais qu’est-ce qui te prend??? Et mémé de répondre: —On est le deux novembre, c’est la fête des morts!!!

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Gisèle Moreau :

Les sirènes, mythe ou réalité ? Depuis la nuit des temps, les hommes sont attirés par tout ce qui semble mystérieux... Ils aiment chercher des choses qui défient le bon sens et la science, ils cherchent des choses qui n’existent pas... et parfois, ils en trouvent! Les sirènes font partie de ces choses...

illusion d’optique ou le bruit de la mer déchaînée? Cependant, malgré les recherches et toutes les technologies disponibles aujourd’hui, pouvons-nous dire que nous connaissons vraiment les océans dans toute leur complexité et leur profondeur? Serait-il possible que nous ne connaissions pas encore certaines espèces qui habitent les océans? Et n’est-il pas étonnant qu’à travers le temps et dans tous les continents ou presque, on relate la présence de sirènes? De plus, comment se fait-il que tous décrivent leur apparence physique de la même manière? Elles auraient un corps de femme, une longue chevelure, des écailles à partir des hanches et seraient dotées d’une queue majestueuse. Elles nageraient en profondeur ou en surface et s’allongeraient parfois sur un rocher pour se réchauffer ou pour se reposer. Pour appuyer ces dires, le 6 mars 2013, deux chercheurs Paul Robertson et Torston Schmidt, biologistes marins en mission dans le Grand Nord ont entendu le chant de sirènes et ont pu les filmer. Dans le vidéo, on peut voir à plusieurs reprises une forme féminine étrange dotée de bras minuscules et de mains palmées nageant en profondeur tout près des caméras et entendre un chant langoureux, comme une sorte de complainte. Jon Frankel, journaliste américain, a reçu ces deux hommes en entrevue exclusive dans ses studios, le 27 mars 2013. D’ailleurs, Paul Robertson, peu de temps après son expédition dans la mer Norvégienne, au nord du Groenland avec Torston Schmidt, avait aussi fait l’objet d’un reportage dans le journaI islandais Le Guardian (numéro du 27 mars 2013).

Dans l’Odyssée d’Homère, on retrouve des sirènes entraînant l’équipage d’un navire à sa perte dans la profondeur des océans. On dit que tous avaient été étourdis par leur chant d’amour. Seul Ulysse et ses marins seraient sortis vivants de cette aventure, Ulysse s’étant fait attacher au mât de son navire pour contempler à son aise ces merveilleuses créatures et ayant mis de la cire dans les oreilles de ses marins afin qu’ils ne puissent pas les entendre chanter... Dans l’ère moderne, de nombreuses personnes dignes de crédibilité navigant sur les mers disent avoir vu des sirènes. Christophe Colomb est de ce nombre. Dans son journal de bord, en1493, il note avoir aperçu trois mammifères marins ressemblant à des femmes près des côtes Saint-Domingue. Il n’en fit pas une description détaillée, mais il pourrait s’agir de lamantins, sorte de mammifères marins qui nagent d’une manière gracieuse et féminine en donnant le sein à leurs petits. Aussi, en 1850, les marins d’un navire américain qui mouillait près d’Hawaï affirment avoir vu une créature étrange, mi-femme mi- poisson, qui était d’une beauté incroyable et dont les chants étaient dangereusement envoûtants... Mais comme on le sait, les marins ne lésinent pas sur la boisson, ni sur les femmes et il se peut que ce qu’ils affirment avoir vu ne soit que le fruit de leur imagination masculine! Aujourd’hui encore, les marins aiment parler de leurs aventures. Certains disent avoir vu et entendu des sirènes en mer par temps orageux. Est-ce une 10


Monique Thériault:

Et si les sirènes existaient vraiment? Si elles existent, pouvons-nous imaginer comment elles se sentent « mi-femme, mi-poisson » parmi le cercle restreint des sirènes dans le Grand Nord? Une sirène, ne serait-elle pas tentée d’aller voir, à ses risques et périls, ce qui existe au-delà du cercle des sirènes? Et qui n’aimerait pas entendre le chant envoûtant d’une sirène?

Passage éphémère (Rondeau) Notre passage est éphémère Tant de choses à accomplir Et de trésors son âme emplir Me berces-tu douce chimère?

Le chant de la sirène! Au loin, une sirène criait vainement. Pour elle, il n’y avait plus d’amusement. Elle avait fui les poissons partenaires, la tentation avait été trop forte, elle avait vu la porte. Une porte à ouvrir, celle du désir... une porte pour sortir, celle du plaisir... Elle était lasse des journées toujours semblables à hier, des journées où elle se sentait emmurée dans le cercle restreint des sirènes, dans la banalité d’une vie atrophiée. Maintenant, elle était allée trop loin, elle avait perdu ses repaires et ignorait tout des filets qui allaient l’emprisonner à jamais. « Je veux retourner en arrière, criait-elle? Je veux fuir ce monde terrestre agité par la discorde et les guerres. Je me sens pareille à une femme par la tête et je ressemble à un poisson avec mes écailles et ma queue. Vaut mieux vivre avec les créatures marines où règnent le silence et la paix. Je veux regagner le cercle... cette liberté si longtemps désirée est pire que la torture! » Mais elle criait en vain, personne ne l’entendait. Elle était allée trop loin, elle avait franchi la porte de l’inédit, la porte de l’interdit.

Berceau d’un avenir touchant Ou trop souvent destin tranchant Notre passage est éphémère Le soleil est à son couchant Mais désormais ne plus souffrir Dépourvu de tristesse amère Et sans regrets pouvoir partir Notre passage est éphémère

Ton silence (Rondeau) C’est ton silence qui me parle Ton regard vide tout autour Est-ce déjà le non-retour? Je voulais tant qu’on se reparle Je suis là, mais toi, où es-tu? Je suis là, mais toi, m’entends-tu? C’est ton silence qui me parle Je t’aime tant, mais le sais-tu? Avant que mon cœur ne déparle La Mort rôde tel un vautour Et te surprend là au détour C’est ton silence qui me parle

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Mireille Bernard :

Rencontre entre deux espèces Il est entre 15h30 et 16 heures au Centre de plein air de Pohénégamook. Des visiteurs s'approchent du lieu où seront nourris les chevreuils. À mesure que le temps passe, il y a de plus en plus de chevreuils et de plus en plus d'humains. Quel spectacle! Les observateurs peuvent voir des cervidés sortir du bois seuls ou en petits groupes. Certains osent s'approcher de l'espace tenant lieu de rassemblement. Un endroit totalement dénué d'arbres et très près d'une bâtisse. Tous les animaux sont plus ou moins nerveux, bondissent au moindre bruit, prêts à fuir au moindre mouvement de l'espèce humaine. Au loin, je peux distinguer un trio en retrait de ses congénères et encore plus loin des humains. Les plus farouches ou les plus prudents peut-être? Deux jeunes particulièrement mignons s'approchent à quelque distance des humains. Nous pourrions croire que l'absence d'expérience explique leur comportement plus hardi. L'employé du parc me dit: “ ils n'ont pas le choix d'oser s'approcher car dans la forêt, ils sont les derniers à manger ”. Je suppose que leur petite taille ne leur permet pas d'atteindre les branches d'arbres et dans la nature, c'est la loi du plus fort qui s'impose. Deux bêtes blessées sortent du bois, l'une se tenant sur trois pattes et l'autre boitant visiblement. Je suis désolée pour ces deux chevreuils estropiés car leur vie risque d'être éphémère. Leur agilité demeure la

seule façon d'éviter d'être tués par les prédateurs. À un certain moment, plusieurs cervidés alignés côte à côte regardent les humains qui les regardent. Des paires d’yeux qui rencontent d'autres paires d’yeux d'une autre espèce. C'est pour moi, un moment fort de l'après-midi. Je me demande ce que ces cervidés pensent à cet instant. Je me dis que derrière ces yeux de bêtes fragiles se cache une intelligence à découvrir. Il est précisément 15h50; trois chevreuils montent sur une butte et fixent leur regard vers le même endroit. Je me retourne deux fois, une première fois pour ne rien voir de spécial. Je fais l'hypothèse que la nourriture doit venir de là. Je tourne ma tête une seconde fois, et je vois au loin un employé qui s’avance d'un pas rapide. Il tient dans chacune de ses mains une chaudière blanche. C'est la nourriture tant attendue. L'homme approche des spectateurs et, pas très loin d'eux, dépose une longue bande de nourriture sur le sol. Je me dis que c'est trop près des humains pour ces pauvres bêtes visiblement apeurées... Les deux plus jeunes se dirigent vers la moulée déposée à terre, suivis de quelques adultes qui hésitent, puis s'approchent à leur tour et s'alimentent en levant constamment la tête en direction des observateurs. Les cervidés viennent et repartent à nouveau, manifestement très nerveux d'une trop grande proximité humaine. Ils demeurent constamment en alerte. 12


Je me dis que la vie de ces proies est sans repos...

de frapper à la porte laissait deviner son manque d’assurance. Lentement, Annette alla ouvrir. Sur le seuil de la porte se tenait un jeune homme sobrement vêtu, qui lui adressa un sourire plutôt timide. D’instinct, elle se fit encore plus accueillante et chaleureuse qu’à son ordinaire, mais ce fut quand même avec une certaine réserve qu’il lui tendit une petite carte qui portait cette inscription: «Je suis sourd-muet. Je vends des stylos à bille pour gagner ma vie. 3.50$ chacun. Merci de m’encourager. » Curieusement, cette femme qui ne refusait jamais un geste charitable ne posa qu’un regard furtif sur le message que le garçon exhibait de porte en porte. Nerveusement, elle glissa la main dans son épaisse chevelure argentée, et sans s’en rendre compte, balbutia d’inutiles paroles. Un malaise bien tangible envahit l’espace et se dressa entre eux; l’attitude d’Annette se transforma comme si la situation venait d’éveiller en elle un désagréable souvenir. Elle jeta alors sur le jeune homme un regard neuf chargé de circonspection et le dévisagea de la tête aux pieds. Un dilemme. Elle s’absenta un court moment puis revint d’un pas ferme, tenant à la main un bocal dans lequel elle puisa quelques pièces et les remit à l’inconnu. Manifestement soulagé, le jeune homme afficha une mine plus que satisfaite, s’empressa aussitôt de sortir de sa serviette un stylo à l’encre noire et bien gentiment le lui tendit. Annette parut surprise, mais essaya tant bien que mal de le dissimuler. L’étranger fit quelques signes en guise de remerciement et quitta la demeure aussi discrètement qu’il y était entré. Sans tarder, Annette se dirigea vers une petite armoire rustique et ouvrit avec minutie le tiroir du bas. Des stylos-billes en quantité et de toutes les couleurs s’y retrouvaient dispersés et, vestiges de son passé, des lettres demeurées cachetées enrubannées avec le plus grand soin. À leur vue, Annette esquissa un sourire de soulagement, très fière d’avoir su préserver une fois encore son pénible secret. Elle aussi souffre d’un lourd handicap : elle est analphabète.

Quelques minutes plus tard, l'employé avance au centre du terrain vague et dépose le contenu de la seconde chaudière dans une auge de bois, loin de la foule. Plusieurs des chevreuils qui étaient restés en retrait s'avancent à leur tour pour se nourrir. Trois cervidés trop farouches n'osent pas venir pour s'alimenter. Ils préfèrent attendre que les observateurs quittent les lieux, je suppose. Je me retire avant que les chevreuils ne retournent dans la forêt. Ma rencontre avec ces magnifiques bêtes, par un bel aprèsmidi d'hiver, me laissera un souvenir inoubliable... Monique Thériault:

L’ÉCHANGE Assise confortablement dans sa berçante, Annette feuilletait les pages d’une revue de mode choisie au hasard parmi toutes celles que certaines clientes, connaissant son intérêt, conservaient régulièrement à son intention. Couturière de métier, confectionner une nouvelle coupe était pour elle un nouveau défi. Il lui suffisait souvent d’un bref coup d’œil pour reproduire avec exactitude les modèles soigneusement dessinés. C’était à la fois une passion et un exutoire. En cette matinée de printemps, sa quiétude fut troublée par un étrange visiteur. Sa façon si discrète 13


Anne-Marie Ouellet :

La main-esclave

Je ne sais si l’image de cette main-esclave et de son téléphone intelligent vous dérange, mais pour moi c’est un cauchemar. Je connais la richesse de connaissances, de ressources, d’économie de temps et d’énergie et même d’espace qu’apportent ces nouveaux outils de communication: tu as le monde à tes pieds, tu peux voyager, tu peux trouver des recettes de bonheur facile et enfin mieux « communiquer avec quelqu’un » sans qu’il y ait d’attente. MAIS ATTENTION! C’est aussi facilement une arme incontestable pour tous les pourris ayant des problèmes de propagande, de consommation, de sexualisation et d’abus de toutes sortes. C’est également une plateforme dangereuse par l’excès de possibilités, le manque de contrôle de l’utilisateur et surtout l’expérience déformante d’un courriel où la langue est bafouée. Il est même question de déresponsabilisation dans la façon de communiquer, car le

locuteur reste caché derrière un avatar. Je sais que pour moi cette addiction ne peut remplacer la plénitude que m’apporte une marche en nature, un temps de loisir et de création associé à un travail manuel, un repas où l’on savoure le simple fait de partager entre amis, en famille ou avec un amour. Donc: pas d’éléments électroniques dans ces occasions spéciales. Je sais également que je dois fournir à mon corps le plaisir de découvrir des musiques, des artistes, des écrits, des plans photographiques nourrissants et inspirants. Avec l’ordinateur, une multitude d’entrées peuvent me le permettre mais rien n’équivaut au fait de « VIVRE LIVE » l’événement, comme disent les anglophones. Exemple 1: Une partie de hockey au Centre Bell avec l’énergie « catalyseur » de 23,000 supporteurs, en contrepartie d’une télédiffusion… Exemple 2: Un spectacle de musique « LIVE » avec 14

13,000 spectateurs qui crient, chantent et dansent, comparé à un spectacle en reportage télévisé... Que ce soit sous présentation acoustique, traditionnelle, symphonique, électronique, tout peut me charmer,car c’est dans le monde des sensations, des émotions et du message que mes choix de vie se précisent. J’aime cette liberté et je refuse que quoi que soit vienne obnubiler les neurones de mon cerveau. Au nom de l’humanité, malgré l’efficacité, la modernité ou la fierté d’être « IN », je m’objecte à ce que l’humain soit entraîné dans un engrenage ou un esclavage sans fin. Il faut donc utiliser avec parcimonie ces nouveaux outils de communication en priorisant plutôt le contact avec l’âme de l’humain et sa singularité propre. Après tout, comme nous le mentionne Hubert Reeves: « Nous ne sommes qu’un grain de poussière dans l’univers ». Aussi, garder les pieds sur terre pourrait nous éviter de nous enfler l’égo avec la sensation de pouvoir qu’offre l’ordinateur ou le téléphone “intelligent”. Si l’on parle d’autoportraits (selfies) ou de photographies par robots autovolants (drones) tout cela vient violer notre intimité. Le paradoxe dans tout cela: l’ordinateur reste un outil social qui isole l’humanité dans des média dits sociaux.


Mireille Bernard:

Mireille Bernard:

La magie des mots

Le Club de lecture,

moments de plaisir et aussi de créativité, pourquoi pas ?

C'est fascinant de regarder un jeune enfant totalement immergé dans le moment présent. L'enfant explore son environnement, touche à tout, s'enivre des petits bonheurs du quotidien. Il suffit de peu, d'un nouveau bruit, de gestes qui l'impressionnent, et voilà qu'un sourire sonore éclate sur son visage. Il a un rire franc et les yeux pétillants. Tout en lui me rappelle l'importance du jeu, de l'attention à porter aux gens et aux choses. Il possède cette capacité d'émerveillement qui disparaît avec le temps qui passe. La disposition à l'émerveillement est souvent chez l'humain bien éphémère...

Pourquoi s'inscrire à un club de lecture? C'est pour découvrir de nouveaux auteurs et des genres littéraires me direz-vous. C'est aussi pour échanger, argumenter, être stimulé intellectuellement, vivre l'appartenance à un groupe autour de propos stimulants. Selon mon expérience personnelle, participer à un club de lecture peut devenir également une activité qui stimule la créativité. À condition bien sûr, que les participants soient encouragés à remplir la fonction d'animateur, à suggérer les prochains livres à lire, à donner leur opinion sur le déroulement de l'activité -et même à proposer de nouvelles façons de faire! En effet, en donnant sa couleur à l'événement, chacun peut utiliser sa créativité au bénéfice du groupe. De plus, il demeure essentiel que le groupe soit restreint si l’on veut que chacun puisse avoir suffisamment de temps pour partager ses opinions et ses perceptions sur ce qui a été lu.

En observant attentivement des jeunes enfants plongés dans leurs activités, deux questions me viennent à l'esprit. Est-il possible, pour un adulte, de retrouver cette capacité d'émerveillement propre à l'enfance? Comment puis-je arriver à vivre plus souvent dans le moment présent? Je vous dirais que j'ai trouvé dans l'écriture une réponse à ces deux questions. L'écriture demeure pour moi une magnifique façon d'alléger mes états d'âme, de m'enraciner dans un élan de liberté, de me libérer des mémoires contraignantes du passé. Parfois, l'acte d'écrire génère en moi une énergie paisible, une énergie nouvelle. Donner libre cours à mes pensées, me plonger dans l'imaginaire, cela me projette hors du temps, hors de la vie ordinaire. Comme le dit si bien Louise Portal: “Écrire, c'est une liaison d'amour avec soi et les choses, les moments et les gens. Écrire, c'est comme une vie parallèle à sa vie de chaque jour. C'est le vase purificateur de l'âme et des mouvances.” Eh! oui, grâce à l'écriture, je me découvre un brin de fantaisie naissante. Je me sens alors animée par un désir d'émerveillement, un goût d'expression créatrice, le goût d'oser de nouveaux comportements. C'est tout simple, l'écriture me donne accès à un bonheur renouvelable!

Quant à moi, je vous avouerai que j'ai toujours hâte de savoir comment l'animation sera dirigée, et ce que je découvrirai de neuf sur le contenu du livre et sur l'auteur à travers les regards et la sensibilité des autres. La participation à un club de lecture devient un moment de plaisir qui me plonge dans le moment présent...

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Monique Thériault:

La disparition des cennes noires Y en a-ti icitte parmi vous aut’ qui ont souv’nance du temps où c’que lés quêteux r’soudaient au printemps? Astheure, on s’pense pas mal plus fins ça fait qu’on dit que c’est l’hirondelle qui l’annonce, mais dans c’temps-là on l’savait nous aut’ qu’on était rendus là quand qu’les quêteux débarquaient. Ah! C’est ben çartain qui en avait quèques-uns des mieux que les aut’ mais l’plusse souvent qu’autrement on leu fesait la charité parce que dans l’fond on avait souleur pis qu’on aimait mieux pas prendre de chance a’ec ça. Faut dire que ces pauvres yabl’s fallait qui s’usent les s’melles de bottines un bon boutte de temps sus ‘és ch’mins pour qu’ça vale la peine. Comprenez ben, toute l’monde y n’arrachaient dans c’temps-là! Les quêteux y ramassaient des fois une cenne, des fois deux, quand y pognait un cinq cennes rond, y avait pogné une mardite bonne maison. En plusse, y’étaient ratoureux les vinyennes, y avaient leu’s spot pis quand y avaient été ben reçus à quèque part pis qui pouvaient coucher là… pas peûr qui r’marquaient a place pis qui s’passaient l’mot. Ben sûr, des fois, y étaient pognés pour coucher allieurs mais dans c’temps-là, y avait toujours leu banc jusse à côté d’la porte qui ‘és attendait, on prenait pas l’riqu’s qui s’mettent à s’promener partout dans maison la nuitte. Ah, c’est ben çartain que l’monde d’la maisonnée y avaient ben de la misére à farmer l’œil c’té nuittes-là, mais c’tait encôre moins pire que les damnés sorts qui pouvaient nous tomber d’ssus. C’tait de même. Fallait faire avec. Parce que les quêteux, c’tait un secret pour parsonne, y étaient capables de j’ter des sorts terrib’es quand ça fesaient pas leus afféres à quèque part. Mais astheure, vous l’savez ben comme moé que des

quêteux on n’en voé pus nulle part, mais moé ché pourquoi c’est fére, pis j’vas vous l’conter... Un bon soèr c’tait en plein cœur d’été, à brunante, y en est arrivé un cheu-nous, un nouveau qu’on n’avait jamais vu avant: Mônsieur Midas qui s’fesait appeler c’ti-là. Y avait l’air pas mal étrange, on s’est tu suite dit que ça devait en être un capable. On l’a gardé à coucher comme de raison, on pouvait pas l’laisser r’partir de même à c’heure-là! L’lendemain matin, après qui se soye bourré comme un défoncé pis qui aye toute liché son assiette ben comme faut, y a ramassé ses cossins pis jusse avant de lâcher la pognée d’la porte y s’r’vire de bord pis y tend la main. —La charité pour l’amour du bon Dieu, qui dit. Eille, on en r’venait pas parsonne! Mon oncl’ Pit qu’y était en visite cheu-nous (faut dire que c’était le moins barré d’la gang c’ti-là) là y y’a dit: —Cout’donc, tu trouves pas qu’on vient de t’la fére la charité toé là? C’tassez! Ambitionne pas sus l’pain bénit, sac’re ton camp! Ben là, c’est pas créyable y avait l’air en beau fusil, les yeux y sortaient quasiment des trous pis y a fixé mon oncl’ ben longtemps dains yeux, moé j’vous ments pas j’avais la chair de poule rien qu’à r’garder a face qui avait, pis yé parti de même en marmonnant des paroles bizarres que nous aut’ on comprenait pas. Ben créyez-moi, créyez-moi pas, ça fesait pas un heure qu’y était parti que mon oncl’ Pit s’est mis à s’gratter sus tout l’corps. Ben y s’est ramassé avec des poux qu’y étaient plus gros que des grêlons. C’tait pas créyable de voère ça, ça courait partout sus l’plancher d’la cuisine. On fournissait pus d’les écraser avec la vieille braoule. C’est là qu’on s’est vite rendu compte que c’était ben vré c’que l’monde racontait partout, qu’un quêteux faut jamais prendr’ de chance a’ec ça, pis qu’té ben mieux d’lés avoir de ton bord. C’est pas toute ça. Quèques semaines p’us tard, c’tait un samedi, j’ai faite une saucette à Lamy pour voèr ma grand-tante Béatrice, pis au village, j’vous dis que ça jacassait pas mal fort. On parlait d’un aut’ quêteux qui v’nait de retontir 16


dans l’boutte pis qui fallait fére ben attention parce qu’y avait des pouvoirs qui sortaient de l’ordinaire. Le vieux Zéphyrin du fond du rang y a rapporté qu’à cause qui a pas voulu l’garder à manger, le quêteux yé resté longtemps devant le poulailler à gesticuler pis depuis ce temps-là y a pas une de ses poules qui a pondu un œuf. Pas un. Pis chez le Jonas à Jos, un autre affére encôre pire. Lui, y dit que c’s’rait à cause qui y a barré a porte, pis qui pense que l’quêteux l’aurait vu grouiller dans maison pour pas y’ouvrir que depuis c’te fichue journée-là, ces bêtes sont toutes tombées malades, y a pardu deux chevaux qu’y avaient le souffle, pis ces meilleures vaches y ont pus donné une goutte de lait depuis que l’gueux est resté planté debout’ devant ses bâtiments. Quand chus arrivé sus ma tant’ Béatrice j’tais en train d’y conter c’qui s’disait au village, que v’là ti pas que j’aparçoés sa face de crapaud dans l’scring d’la porte. Eille! J’m’en rappelle comme si c’tait hier. Je l’ai reconnu drette-là, c’tait ben lui: notre j’teux de poux à nous aut’. Mais c’te fois-là, l’Mônsieur Midas yé mal tombé. Ça pas pris trop d’temps qui a commencé à fére son faraud comme d’habetude, mais ma tante ça c’est adonné qu’a n’avait pus de damnées cennes à gui donner. A ya dit, mais ya pas voulu la crère. Yé sorti douors, y avait l’air enragé ben noèr, pis là y a commencé à fére des sparages. Y l’vait les bras au ciel jusse en haut d’la maison. C’tait épeurant pas à peu près. J’m’attendais ben qu’un grand malheur était pour nous tomber d’sus. Mais c’qui s’doutait pas là lui, pis moé non plus, c’est que la Béatrice, elle, c’tait pas son premier quêteux qu’avait affére pis a l’savait comment conjurer ça l’mauvais sort. A s’est mis là dans l’châssis drette en face du quêteux, les deux pouces dains airs, pis ça pas niaisé qu’a l’a dit la fameuse formule qui s’r’passe depuis nombre d’années dans famille: « J’te r’doute quêteux. C’est aujourd’hui samedi, j’t’redoute » qu’a dit. A l’avait. Ça pas pris goût de tinette que ça toute viré d’bord dans l’temps de l’dire. L’mauvais sort s’est r’tourné sus lui ben raide. Le ciel est v’nu ben noèr tout d’un coup. Si j’vous dirais qu’y avait une grosse brume de poux partout dains alentours qui fonçait direct sus lui pis que là, c’est lui le mosus qui s’est mis à s’gratter comme un pardu. On l’voyait ginguer dans cour ç’avait pas de bon sens de voère ça. Si j’vous dirais qui s’démenait comme un yabl’ dans l’eau bénite, me crèriez-vous? Charlotte, la

voésine, qui a vu ça fére, a pas de doute quant à elle que toutes les poux qui existent sont tombés lousses d’un coup sec pis qui se sont toutes ramassés là en même temps. Ben si j’vous dirais qu’y a tellement eu de poux de gaspillés à cause de c’te mauvais sort-là, qui en avait pus pantoute pour les aut’ quêteux qui voulaient j’ter des sorts eux aut’ avec. Pis un quêteux qui peut pus souhaiter de poux quand ça fait pas son affére à quèque part, ben yé ben mieux d’plier bagages pis de pus s’r’montrer la face dans l’paysage. Pis c’est ça qui yé arrivé. Un bon matin y en avait pus nulle part de quêteux qui passaient d’une maison à l’autre. L’monde y ont attendu longtemps pour voèr si y en a pas un qui s’montrerait la bette un bon matin, mais non y en v’nait pus pantoute. Ça fait que ben des années pus tard vu qu’y avait pus d’quêteux qui cognaient aux portes ben les cennes noères c’tait pus utile. Ça fait qu’en haut, eux aut’, y ont décidé de clèré ça de sus l’marché. C’tait plein de bon sens: vu qui avait pus de quêteux ces cennes noères-là ça sarvait pus à rien comme de raison. C’est ben pour dire, han, quand j’repense à ça, mais c’tà cause de ma grand-tante à moé qui a pus de quêteux qui se promènent de par les ch’mins quand l’printemps se mont’ le boutte du nez. Pis c’tà cause d’elle itou qu’on a pus de cennes noères

pour défoncer l’fond de nos poches...

Petite charade: Mon premier relie, Ma deuxième est aussi à l’aise dans les glaces qu’à la chaleur du foyer, Sans ma troisième personne ne serait là, Mon tout est sous vos yeux. Qui suis-je? 17


Gisèle Lebel :

LA RESPIRATION, NOTRE SOUFFLE VITAL « Le bonheur n'est pas une honte, il fait respirer la vie comme les arbres font respirer la terre. » (Abba Faroud).

séreuse: la plèvre. Ils sont ventilés par les bronches et leurs ramifications. Pourquoi bien respirer et pratiquer des exercices de respiration? Parce que l’air est la base essentielle de la vie. Une bonne respiration améliore la circulation sanguine dans son ensemble; en outre les extrémités, les nerfs, les cellules, les tissus reçoivent plus d’oxygène si l’on sait bien respirer. Car bien respirer ça permet de mieux éliminer les déchets organiques, ça améliore la mémoire, la concentration, le sommeil. Et bien sûr ça aide à reprendre son calme lors de tensions nerveuses! Pratiquer des exercices de respiration permet de garder l’élasticité des organes pulmonaires et augmente la force des muscles qui sont ainsi stimulés. En fin de compte, bien respirer allonge nos jours et notre vigueur!

Comme une préface en forme poétique : Si on osait prendre du temps pour ressentir notre respiration, si on osait respirer l’énergie solaire, si on osait respirer la tranquillité de la lune… Si on prenait le temps de respirer le parfum d'une fleur pour s'en emplir les narines, s’en imprégner les papilles, enfouir dans notre gorge cet air sublime, le diriger à nos poumons, puis de là jusqu’à nos entrailles, pour en ressentir les bienfaits de relaxation, dans le prolongement du moi, jusqu’à l’éternel… Aperçu physiologique : La respiration est une action involontaire. Nous respirons de 13 à 16 fois par minute. Nos muscles des épaules sont sollicités, pour ce faire, de 780 à 960 fois par heure! La respiration permet des échanges gazeux entre un être vivant et le milieu extérieur. Elle assure l’oxygénation, la fixation d’oxygène sur un corps. La respiration comprend deux temps : d’abord inspiration active, où l’air pénètre par les voies respiratoires. L’inspiration est produite par une contraction du diaphragme et des muscles intercostaux qui dilatent la cage thoracique et par la suite les poumons. Puis expiration passive, où l’air s'expulse en raison de l’élasticité de la cage thoracique et des poumons. Les échanges gazeux, qui se font au niveau des alvéoles pulmonaires entre l’air inspiré et le sang veineux, permettent de purifier le sang. Les poumons sont des organes spongieux élastiques enveloppés dans une membrane

« Dieu est celui qui est feu, sel et vent, qui reste insaisissable comme la respiration de la vie. » (Père Jacquemont). Exercices respiratoires. Je vous présente deux techniques très simples. Méthode 1 : Vous pouvez les faire assis(e) ou couché(e). Fermez les yeux. Prenez conscience de votre respiration, entrez dans un état de détente, de calme. Déposez vos mains sur votre ventre. Inspirez lentement, par les narines; emplissez votre ventre et vos poumons. Puis expirez lentement par les narines en pressant sur votre ventre. Videz l’air du ventre en premier, et des poumons ensuite. Recommencez… Méthode 2 : Exercice respiratoire que vous dirigez sur vous ou sur quelqu'un d'autre. 18


Variations sur le mot ÉPHÉMÈRE

Fermez les yeux. Entrez dans un état de calme, de paix. Abandonnez-vous entièrement. Relâchez chaque partie du corps, chaque organe. Ressentez cette détente progressive qui s’installe… Inspirez très lentement, par les narines. Visualisez, cet air vital qui se disperse dans vos poumons, dans tous les organes de votre corps, dans chaque cellule. Visualisez chaque cellule qui s’oxygène, se régénère. Expirez par la bouche, comme si vous souffliez. Prenez soin de relâcher le corps en entier, de ressentir une détente totale. Il est important d’inspirer lentement, d’expirer lentement. Pratiquez ces exercices de 3 à 5 minutes par jour, ou faites de 20 à 30 ventilations par jour. Attention: si ces exercices vous occasionnent des malaises, ne les faites pas. Et notez bien: ces exercices ne remplacent pas les recommandations de votre médecin ou de votre thérapeute!

Refrain d’une chanson chantée par Sofia Essaïdi et Christopher Stills dans la comédie musicale L’Accord Cléopâtre : Tout est tellement éphémère Fragile comme l'amour Un jour faste, un jour amer Tout se perd jour après jour Tout n'est pas comme dans un rêve Comme on croit tout feu tout flamme Tous les voiles un jour se lèvent Car tout se fane Et tout s'achève...

Conclusion : « Il est des pensées, qui comme certaines fleurs, doivent se respirer lentement, en osant prendre le temps de ralentir le temps. » (Jacques Salomé).

Mireille Bernard: BIEN DES CHOSES, DANS LA VIE, SONT ÉPHÉMÈRES...

Pour références : Dictionnaires Larousse et Hachette. Vous trouverez sur internet plusieurs techniques, plusieurs exercices de respiration.

Quelle image surgit à votre esprit quand le mot éphémère vous vient à l'oreille? Peut-être bien ... Des bulles de savon flottant dans les airs et qui éclatent au grand plaisir des enfants. Ou bien encore... Un insecte nommé éphémère qui naît, grandit et meurt après une journée ou deux d'existence. Des feux d'artifice qui scintillent dans le ciel et disparaissent le temps de le dire. Un odeur fugace qui fait surgir dans votre mémoire un fait, une personne ou le souvenir d'un temps révolu. Des étincelles jaillissant d'un feu de camp, tourbillonnant, s'écrasant sur le sol en n’y laissant que des cendres. Un amour de voyage aussi beau que bref... Une jeunesse qui vous a quitté et qui vous a paru si brève.

Je vous signale enfin le livre de Julie Lafortune, Techniques de respiration aux éditions Québec-Livres, qui décrit 33 techniques de respiration.

Sans oublier... Le temps d'une vie qui demeure si éphémère! 19


Madeleine Desjardins :

Un petit garçon parmi tant d’autres! Comme l’hiver 1913 est glacial encore cette année à La Tuque, se dit la belle Fabiola. Elle prend bien soin de ses 5 enfants pendant que son cher Léonidas négocie avec ces acheteurs de bois qui en veulent toujours plus pour leur argent. Elle ne s’ennuie pas; plusieurs bûcherons et draveurs sont hébergés dans leur grande maison. Les repas doivent être copieux pour ces grands gaillards, ils ont toujours le ventre creux. Fabiola vient d’apprendre qu’elle est enceinte de son 6ième enfant. Elle adore les enfants, c’est sa richesse. Cependant, depuis quelques jours, elle ne se sent pas bien, des douleurs au ventre la tenaillent. Léonidas est inquiet, il fait venir le médecin. Malheureusement, la grossesse se termine de façon brutale. Notre jeune couple est triste. Fabiola souhaite avoir un autre petit garçon. Elle n’en a qu’un et elle sait que Léonidas serait comblé d’avoir un autre fils. Le printemps est enfin arrivé en Haute-Mauricie, les enfants jouent dans les flaques d’eau pendant que Fabiola peut enfin faire sécher le linge dehors. Les bûcherons et les draveurs sont repartis. Elle se retrouve enfin seule avec sa petite famille. De plus, elle est comblée, elle attend de nouveau un enfant; un garçon pour Léonidas, se dit-elle! Mais, sa joie est de courte durée; une autre fausse couche atterre le couple. On se reprendra, ditelle à son cher époux. Mais, le médecin l’a mise en garde: une autre grossesse pourrait la mettre en danger. Fabiola est une femme forte, une femme de cœur et une femme de tête. Elle est décidée à avoir un autre enfant et, c’est en décembre qu’elle apprend la bonne nouvelle à Léonidas. Ils n’hébergeront pas

de travailleurs cet hiver afin que Fabiola se repose, comme lui a conseillé le bon docteur Dupuis. C’est le 2 août 1914 que Fabiola met au monde un mignon petit garçon après plus de 20 heures de douleurs. Il est très petit. Le médecin ne peut assurer qu’il vivra. Mais, après quelques semaines de bons soins et de beaucoup d’amour, le petit garçon chétif est devenu un bébé vigoureux et souriant. Le médecin n’en est que plus surpris et heureux pour le jeune couple. -Alors, Léonidas, quel nom as-tu donné à ton fils? demande le médecin au nouveau papa. -Nous l’avons appelé Félix, lui répond le jeune papa. -C’est un bien beau nom: Félix Leclerc. Ton fils est un battant, un survivant. Je pense qu’il fera de grandes choses…

Vous devinerez que j’ai imaginé une grande partie de cette histoire. Cependant, notre poète chantant bien connu Félix Leclerc est bien né à La Tuque en août 1914. Il était bel et bien le 6ième enfant de Fabiola et Léonidas Leclerc. Oui, le 6ième des 11 enfants de notre négociant en bois. Il est aussi vrai que la famille Leclerc offrait le gîte et le couvert aux travailleurs forestiers pendant la saison froide. J’ignore les circonstances de la naissance du petit Félix, mais j’ai imaginé qu’elle ait pu être hors du commun puisque Félix était un

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être d’exception. Il fut sans doute un enfant parmi tant d’autres dans ces familles nombreuses qui aidaient à peupler le Québec au début du 20ième siècle.

Je parie que le petit Félix, futur poète, écrivain et auteur, s’est inspiré des nombreuses histoires que devaient lui raconter les bûcherons avec qui il cohabitait pendant la saison froide. Je dis merci à Fabiola de nous avoir donné un des chansonniers les plus talentueux et les plus connus du Québec. Je dis aussi un grand MERCI à Félix pour Moi mes souliers, pour L’Hymne au printemps, pour Le p’tit bonheur, pour Le train du nord, pour bien d’autres mélodies que l’on fredonne dans nos moments de nostalgie et, surtout pour ma préférée, la triste histoire de Bozo, le pauvre Bozo pleurant sur son radeau... Avouez que si vous entonnez les premières notes de cette si belle chanson, elle peut vous rester dans la tête bien longtemps: Dans des marais De joncs mauvais, Y’avait Un vieux château Aux longs rideaux Dans l’eau Dans ce château, Y’avait Bozo, Le fils du matelot…


Louis-Philippe Thouin:

Lorsque L’Économie rime avec Philosophie, cherche le Lien dans ton Lit! (À lire en rythme de slam )

En vérité je te le dis Au coeur de tout ça, y’a la Monogamie Au coeur de tout ça, y’a la Monogamie

Mais toujours la Peur en nous agit Peur d’hypocrisie et d’être Trahi

Y’a 12 000 ans, dans la savane, nos pères ont choisi Un style de vie basé sur L’Agronomie Sans le savoir, ils venaient de créer une nouvelle Économie Accumuler le Grain, cultiver la terre nous est permis Amasser des Biens est devenu la nouvelle Philosophie Chacun pour soi, on travaille sur son isolé nombril

Yo! En vérité je te le dis Au coeur de tout ça, y’a la Monogamie Au coeur de tout ça, y’a la Monogamie

Yo! En vérité je te le dis On n’a pas vu venir ce qui lie Exploiter la Terre et la Philo de son Nombril Touche pas mon Grain J’ai mis une clôture autour de mon Terrain Propriété Privée, “KEEP OUT!” - maudit larcin Touche pas ma vache, mon cheval, mon chien Tout ça je me le suis acheté, c’est mon Bien Touche pas ma Femme, elle m’appartient Yo! En vérité je te le dis Au coeur de tout ça, y’a la Monogamie Au coeur de tout ça, y’a la Monogamie 12 000 ans plus tard, on se retrouve aujourd’hui Le Grain est devenu l’Or, puis le Cash, puis des Bits dans les Ordis Des milliards de pauvres qui crèvent pour quelques riches qui s’ennuient On sacrifie la Terre, nos vies, c’est une pure Folie Pour ce Dieu-Nombril de l’Économie Qui ne nous fait goûter qu’à la Peur dont on se nourrit Peur d’en manquer, isolés dans notre Philosophie On a oublié combien généreuse était notre Terre de Paradis Puis chaque soir en se mettant au Lit On espère trouver auprès de l’Autre un peu de Répit Un peu de chaleur, d’abandon pour oublier son nombril Sorte de garantie d’un Autre qui nous appartient par promesse de Monogamie 21

Le Fantôme de Saint-Ludger Valérie nous raconte l’histoire suivante. Est-ce un fait historique? Est-ce une légende? À vous de décider... Je ne sais pas si c’est vrai, mais j’ai souvent entendu dire que le patron de la paroisse Saint-Ludger est enterré sous l’arbre articulé, tout près de l’église. On m’a même raconté qu’à la date anniversaire de ce saint patron, la grosse sculpture métallique se déplace tel un tourniquet, à une vitesse vertigineuse. Racontars, me direz-vous? Pas certain. Pas certain du tout. J’ai même été témoin du fait que deux hommes forts, musclés comme des athlètes, ne sont pas parvenus à arrêter l’arbre de tourner. D’aucuns prétendent qu’à chaque fois le visage de Saint-Ludger apparaît tout en haut du clocher, mais son apparition n’est qu’éphémère…


Louis-Philippe Thouin (LPT):

L’Interviewer interviewé: Entrevue avec Busque, Éditeur de La Rumeur du Loup

NDLR: Notre reporter LouisPhilippe Thouin a rencontré Louis-Philippe Gélineau-Busque. Nos lecteurs seront sans doute heureux –et parfois surpris- de mieux connaître le propriétaire, éditeur et rédacteur-en-chef du magazine La Rumeur du Loup…

LPT: Qu’est-ce qui t’a amené à créer le magazine La Rumeur du Loup? Avais-tu étudié en journalisme? Était-ce un projet longuement mûri? BUSQUE: Non. En fait, j’étais cuisinier au Café l’Innocent. J’ai écrit quelques articles. Puis le rédacteur en chef du journal Q-de-Poule2 est parti en voyage durant un mois et je l’ai remplacé. À son retour, il décida de quitter la région de façon permanente, j’ai donc pris sa place. Puis, Martin3 m’a vendu le Q-de2

Q-de-Poule était le nom du magazine à l’époque. 3

Martin Couture est propriétaire du café l’Innocent; il avait fondé le Q-de-Poule.

Poule et j’ai continué ça sous le nom de La Rumeur du Loup. Mais j’ai une formation d’électricien. La seule formation qui est connexe au journal était quand j’ai étudié en « Crafts & Arts » au campus Champlain, J’y ai suivi un cours de base de dessin à l’ordinateur, de photo, de cinéma et d’arts traditionnels; donc j’avais touché à PhotoShop, je connaissais donc un petit peu ça, mais rien du côté de l’édition. LPT: Tu t’impliques dans une foule de comités, de projets et de regroupements. Où trouves-tu le TEMPS de faire tout cela? Te reste-t-il du temps pour ta vie personnelle? Rêves-tu un jour d’être père? BUSQUE: Ouf!... J’ai beaucoup plus de temps que les gens peuvent imaginer. Je suis un paresseux. Je pourrais même te dire que j’avais une grosse dépendance aux jeux vidéo l’an passé. Je passais 6 heures par jour sur des jeux vidéo, en plus de toutes mes implications et en plus de la Rumeur du Loup! En fait, je VIS constamment La Rumeur du Loup. Je travaille le soir, je travaille le matin, je me lève, je travaille, mais un petit peu tout le temps. De sorte que ce n’est pas du 8 à 5 mon affaire. C’est un peu tout le temps et un peu jamais en même temps. Et il y a des semaines où je travaille plus et des semaines où je travaille moins. Ça me donne 22

le temps de tout faire. Puis pour ce qui est d’être père, c’est une chose à laquelle je n’ai pas pensé encore… LPT: Je reviens sur le tempo ou ta stratégie face au Temps. Je vais être plus pointu: t’arrive-t-il de devoir CHOISIR parce que tu voudrais être à deux places en même temps? BUSQUE: J’ai plutôt le sentiment de vouloir avoir deux « moi » pour pouvoir faire encore plus de projets. Il faut que j’apprenne à dire NON. Et je le fais en ce moment, parce que j’ai trop d’affaires qui s’en viennent. Quand tu jongles avec plusieurs projets, c’est difficile mentalement -ça fait mal à la tête- de tout le temps gérer des choses qui ne se touchent pas nécessairement. J’ai des gens à appeler pour un projet, j’ai des gens à appeler pour un autre projet, j’ai des rendez-vous, il faut que je vende ma pub, et en même temps je reçois des appels pour un article, puis, oups! une facture qui n’a pas passé, là je suis rendu dans la comptabilité! Il y a 5 minutes, j’étais en train de vendre ma pub, et 5 minutes plus tôt j’étais en train de faire un montage… Donc à un moment donné, ça devient difficile de jongler avec tous ces champs et domaines différents. C’est ça qui est difficile. Si j’étais un rédacteur et que ma seule job était de gérer plein d’articles, ce serait une chose, mais je dois


passer du coq à l’âne, puis mentalement c’est rushant. C’est ça qui est difficile. LPT: Serait-ce que tu aurais besoin d’un acolyte? BUSQUE: J’ai de la misère à travailler avec les gens; j’ai besoin de faire les choses par moi-même; on n’est jamais aussi bien servi que par soimême. J’ai de la misère à laisser aller et souvent les gens ne font pas commne j’aurais voulu. Parfois c’est correct, mais d’autres fois… j’ai de la misère avec ça. LPT: Comment décides-tu, parmi les textes soumis à La Rumeur du Loup, lesquels seront publiés? BUSQUE: Les seuls textes que je ne publie pas sont ceux qui sont trop mal écrits ou trop négatifs, sinon ils seront tous publiés. C’est le rôle de La Rumeur du Loup d’être le porte-voix des gens, de la population. Parfois je publie des articles avec lesquels je ne suis pas d’accord, mais c’est un peu mon rôle aussi. LPT: Est-ce payant de produire un magazine comme La Rumeur du Loup? En comptant les heures que tu y consacres, en retires-tu au moins un revenu équivalent au taux horaire minimum? BUSQUE: Je n’ai jamais calculé mes heures parce que ce n’est pas du « travail » pour moi. Il y a des choses où c’est du travail, mais gérer La Rumeur du Loup ce n’est pas du travail comme tel. C’est très payant si on y consacre le temps nécessaire pour aller

vendre de la publicité, mais ce n’est pas facile mentalement. C’est difficile de vendre de la pub parce que ce jour-là, il faut que tu sois bien dans ta peau, il faut que tu en aies envie. Et puis, quand tu es ton propre patron, tu remets tout le temps à demain les choses plus difficiles, tu fais le plus facile en premier. Donc ça va bien ou ça va mal selon les ventes de pub. Maintenant surtout, ça va beaucoup plus vite pour le montage des textes et des pages, et puis j’ai une certaine pub récurrente. C’est plus dur d’aller chercher de nouveaux annonceurs. Et c’est difficile de trouver une équipe ou quelqu’un qui va le faire à ta place.

amis de Montréal, souvent ils me disent des affaires que personne n’a jamais dit de moi à Rivière-du-Loup. C’est bizarre. Et c’est pour ça que j’ai voulu changer de nom. LPT: Avant cela, les gens t’appelaient « LouisPhilippe »? BUSQUE: À Longueuil puis à Montréal, les gens m’appelaient aussi BUSQUE, mais pas tout le monde. C’était « LouisPhilippe » ou « Phil » ou « Louis », ou « Busqualord» ou « Lord». Et puis, le nom « BUSQUE », ça vient de Québec. Mon père était adopté, c’est un Busque, ses parents sont de Québec.

Éphémères:

quelques pensées compilées par Monique…

LPT: Enfin, pourquoi te faistu appeler BUSQUE? Tu as un si joli prénom! Que sais-tu de tes ancêtres BUSQUE? BUSQUE: Je m’appelle Busque parce que c’est mon nom de famille. Quand je suis arrivé à Rivière-du-Loup, j’ai comme imposé que ça allait être mon nom. Je suis parti de Montréal parce que chez mes amis j’avais une certaine réputation depuis mon adolescence. En arrivant à Rivière-du-Loup, j’ai voulu repartir à zéro dans le comment on allait me voir. C’est drôle parce que quand je revois mes 23

« Nos actes ne sont éphémères qu'en apparence. Leurs répercussions se prolongent parfois pendant des siècles. 
La vie du présent tisse celle de l'avenir ». Hier et demain, Gustave Le Bon. « Nous ne sommes que les maillons éphémères d'une chaîne que traîne à ses pieds un fantôme nommé Temps, qui court à l'infini droit sur le néant ».
 Les anges meurent de nos blessures, Yasmina Khadra. « Le bonheur ne chausse que les bottes du provisoire. Qui nous a certifié le contraire? Dans une vie humaine, toujours est toujours éphémère. In L'élixir d'amour de Eric-Emmanuel Schmitt.


Odette Litalien:

RELATION entre AGRICULTURE et CIVILISATION Cultiver la terre, activité essentielle à l’humain pour survivre: c’est l’agriculture. Cultiver les valeurs, les connaissances et l’esprit: c’est ce qui fait de l’humain un être civilisé.

leurs valeurs et leurs traditions, tableau humain d’un groupe, d’un peuple: Ce sont des heures riches de beauté, d’humanité. La CULTURE est le lien entre AGRICULTURE et CIVILISATION: L’AGRICULTURE: «activité essentielle des sociétés historiques, elle s’insère progressivement au progrès pour succéder à la cueillette tout comme l’élevage à la chasse et l’écriture à la parole» (Larousse p. 158)

SEMENCE - RÉCOLTE SOLEIL - CHALEUR EXPLOITATION ÉCHANGE - PRODUCTION Ces quelques termes, pour ne citer que ceux-là, sont propres à la fois à l’AGRICULTURE et à la CIVILISATION. Labourer la terre, labourer les idées Semer une graine, semer un concept Arroser, sarcler les plants, raviver les connaissances Échanger les produits, échanger les découvertes Un grain doit dormir à la chaleur, au creux d’un sillon pour éclore, grandir, devenir une fleur, un fruit, un arbre. Une idée doit se lover à l’âme de l’humain pour s’épanouir au sein de son groupe, de sa civilisation.

Je laisse aux amants de la Nature et de la Terre le loisir de réfléchir sur le processus de l’AGRICULTURE pour m’attarder plus longuement sur celui de la CIVILISATION: sa définition, son développement et le sens qu’elle donne à l’humanité. CIVILISATION: «ensemble des comportements, des valeurs supposés témoigner du progrès humain, de l’évolution positive des sociétés (par opposition à barbarie) (Larousse 2013 page 222 ».

Planter un jeune chêne, le voir grandir, appuyée à son tronc et me laisser couvrir de son ombre, Cueillir des framboises au fond du jardin, Humer l’odeur de la rose épanouie: Ce sont des heures riches de beauté, de santé. Observer un humain de mon voisinage ou un étranger dans son coin de pays, les deux vivant en accord avec 24

Ce terme est aussi synonyme de civilité, évolution, avancement, progrès, perfectionnement. L’anthropologie moderne utilise le mot CULTURE dans le sens de « savoir » quant elle parle de civilisation. La culture d’un groupe me renvoie à ses traditions alors que la civilisation m’indique ses performances intellectuelles, son savoir-vivre en société. «Les barbares ne sont pas civilisés». La société dite civilisée est évaluée selon ses attitudes de politesse envers les autres dans ses échanges, sa production d’œuvres d’art dans diverses disciplines, son progrès


dans la technologie ou l’accumulation de ses possessions matérielles; elle est perçue comme un processus évolutif.

(Morale basée sur mes expériences personnelles d’enseignante et d’anthropologue) Quand je suis partie pour Kigali, je partais MOI, la CIVILISÉE UNIVERSITAIRE, étudier des femmes africaines, naturelles, sidéennes.

Les études secondaires nous apprennent que dans l’Antiquité la civilisation grecque et ses philosophes Platon, Socrate et autres est étudiée par rapport à ses envahisseurs, les «barbares». Les civilisations romaines et européennes sont parfois décrites comme des civilisations colonianistes. Quant aux chrétiens «civilisés» ils avaient pour mission d’évangéliser les «païens», peuples traditionnels non évolués.

Je voulais leur apprendre tout sur le SIDA: comment se protéger, comment vivre avec un conjoint sidéen et surtout comment assurer l’avenir de leurs enfants. Ma culture américaine était la personnification de mon égo. J’étais la meilleure… Quelle surprise!!!!

Quand nous parlons des «blancs» nous citons les civilisations grecque, américaine ou européenne alors que pour décrire les «gens noirs» et les «premières nations» nous décrivons leur culture traditionnelle, conservatrice, un état de vie naturel: la culture africaine, la culture autochtone. Consulter les encyclopédies nous apprend que les deux termes CIVILISATION et CULTURE sont parfois confondus et que dans nos différents échanges, culturels, économiques et autres, il est nécessaire de les clarifier. Dans l’ignorance, le «cultivé» se perçoit comme un être supérieur, fort et puissant prêt à défendre l’AUTRE qu’il considère comme «naturel» démuni et faible. Il est important d’évaluer nos attitudes profondes face aux personnes, quelles que soient leur nationalité, leur origine, leur religion et la couleur de leur peau. La communication dans les échanges doit reposer sur une base de respect mutuel. Je termine. Vous me connaissez… Je ne peux résister à vous glisser une courte morale. Quand je veux civiliser l’AUTRE, changer ses valeurs que je considère «barbares», l’amener à ma CULTURE, c’est que je considère cette dernière (la mienne) comme supérieure, comme la meilleure. Moi je sais tout… 25

Elles m’ont tout appris. Comment elles vivaient leur vie de sidéenne, quelles étaient leurs valeurs familiales et éducatives. D’elles j’ai appris comment vivre une relation non jugeante, compatissante et respectueuse. Je les croyais soumises et dépendantes; je les ai trouvées organisées et enracinées dans une culture traditionnelle. Depuis mon retour, j’en suis à me demander: où donc vais-je trouver l’équilibre dans mes échanges??? Peut-être dans la culture GOOGLE, FACEBOOK, TWITTER!?!?!?!?!


Madeleine Desjardins :

QUI A EU CETTE IDÉE FOLLE ?... Il y a quelque temps, ma petite fille de six ans qui est en 1ière année me demande: -Dis-moi grand-maman, qui a inventé l’école? -Eh, bien, je pense que c’est Charlemagne! -Ok grand maman, mais, c’est qui Charlemagne? Sauriez-vous répondre à cette question? Eh bien, jusqu’à aujourd’hui, mes connaissances au sujet de Charlemagne étaient bien minces. Mes recherches m’ont permis de corriger cette ignorance... Charlemagne (Charles 1er, dit LE GRAND) devint roi des Francs en 768 à la mort de son père Pépin Le Bref. Il avait alors 20, 21 ou 26 ans. Il n’y a effectivement aucune certitude sur son année de naissance. Ses parents Pépin le Bref4 et Bertrade de Laon5 s’étant mariés en 743 ou 744, il aurait été par le fait même fils illégitime s’il était né, selon certains écrits, en 742... Il était impensable qu’il puisse être un bâtard… Il fut donc écrit que le petit Charles est né en 747 ou 748… C h a r l e m a g n e fut un roi guerrier comme tous les souverains d’avant l’ère moderne. Il gagna une série de campagnes militaires contre les Italiens,

les Espagnols, les Bretons, les Bavarois et plusieurs autres, agrandissant ainsi le territoire des Francs. Il semble que pendant son règne qui dura 46 ans, il n’y eut que 3 ans de paix. Sa puissance s’étendit dans tous les pays et à tous les hommes qui reconnaissaient dans le Pape de Rome le Chef de l’Église. Il fut couronné Empereur de l’occident le 25 décembre de l’année 800 par le Pape Léon III. Mais, revenons à la question qui nous intéresse vraiment au sujet du roi C h a r l e m a g n e , est-ce vraiment lui, comme le dit si bien la chanson, qui a eu cette idée folle un jour d’inventer l’école …. Bien sûr que non, l’école existait bien avant lui. Cependant, il se distingua des autres rois Francs qui ne s’occupaient pas de l’éducation de leurs sujets, en fondant les écoles dans lesquelles les moines instruisaient les enfants des pauvres tout comme ceux des riches. Il y avait même une école dans son palais. Il aimait la visiter pour gronder les paresseux et récompenser les travailleurs. Notre bon roi développa par ailleurs l’utilisation de l’écrit comme moyen de diffusion de la connaissance et fit la promotion de la poésie dans son

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Son surnom serait dû à sa petite taille, bref qui signifiait court à cette époque. 5 surnommée Berthe au grand pied, parce que, selon certains écrits, elle avait une malformation à un de ses pieds.

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Académie palatine. Il remit aussi à l’honneur dans les écoles l’étude des livres saints et des lettres antiques. On dit de lui qu’il corrigeait lui-même les textes des Évangiles avec l’aide de Grecs et de Syriens présents à sa cour. Il semble qu’il encourageait même les membres de sa cour à étudier certains auteurs de l’Antiquité. En 789, il ordonna que soit créée dans chaque évêché une école destinée aux enfants laïcs. Il fut un réformateur de l’écriture et il favorisa l’enseignement de la grammaire. Paradoxalement, certains historiens croient que Charlemagne était illettré, mais pas analphabète*; il n’aurait pas appris à écrire jeune puisqu’à l’âge adulte il s’exerçait à la lecture et à l’écriture. Ses exercices auraient été plutôt de la calligraphie que de l’écriture basale. Les diplômes royaux qu’il signait ne comportaient en effet aucune souscription manuscrite. Un de ses conseillers, Eginhard, lui aurait appris à tracer un monogramme contenant toutes les lettres de son nom en latin: Karolus.

le grand hall de la Basilique St-Pierre (illustration), dans le Palais de justice de Paris etc… Depuis 1661, il est le patron de l’Université de Paris. C’est sans doute à cause de l’importance de la place qu’occupait ce cher Charles 1er dans l’Histoire que l’on a si bien chanté: Sacré, Sacré, Sacré Charlemagne…

*Illettré: personne qui a appris la lecture et l’écriture, mais qui n’en a pas acquis ou qui en a perdu la maîtrise. (Wikipédia) Analphabète: personne qui n’a jamais appris à lire ni à écrire. (Larousse).

Charlemagne serait mort en 814 des suites d’une pneumonie. En France, le nom de Charlemagne a été donné à des rues, des associations culturelles, des bâtiments, des entreprises, des établissements scolaires et autres. Des pièces de monnaie ont également été frappées avec son portrait. Plusieurs statues à son effigie trônent un peu partout en Europe: à Paris, devant la cathédrale Notre-Dame, à Rome dans

Selon Gisèle Moreau, on pourrait faire plusieurs jeux de mots avec ÉPHÉMÈRES. Parler par exemple des fées-mères, des effets-mères ou des effets-mer selon les cas. Ou pourquoi pas des femmes-ères? ...

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Anne-Marie Ouellet:

Vive la diversité! Dans le Clin d’Œil d’avril 2015, vous pouvez remarquer que le magazine célébrant ses 35 ans d’existence prend un tournant particulier. L’équipe de direction et Madame Evelyne Lafontaine ont tracé cinq pistes d’engagement que devra respecter le magazine: 1) 2) 3) 4)

Encourager la diversité de poids, de taille, d’âge et d’ethnie i.e. l’origine des mannequins. Ne pas effectuer de retouches photographiques pour amincir les corps des modèles. Choisir des mannequins d’âge adulte (18 ans et +) Offrir des « shoppings modes » (lancements de lignes de vêtements) accessibles à toutes les silhouettes. 5) Proposer des trucs et astuces beauté pour les femmes de tous les âges et origines. N’est-ce pas là un grand virage vers l’authenticité? Pour nous qui savons que le magazine a pour objectif de nous faire rêver, la phrase-clé à ce sujet serait « la beauté a plusieurs visages ». Dans l’ancienne vision de la mode et de l’image corporelle de la femme, il n’y avait aucun paysage médiatique ou publicitaire où elle pouvait se reconnaître. La diversité d’image dont il est question va peut-être l’aider à guérir d’anciennes blessures à son âme et lui redonner la part d’estime de soi qui lui revient. J’appellerais ce phénomène « respect » dans la différence. D’une possibilité, d’un bouleversement qui dégagera chez elle une meilleure assurance, une force tranquille. C’est d’avoir le droit d’être belle à sa façon et aussi d’être bien dans sa peau. Une nouvelle génération de femmes plus authentiques arrive et la beauté se déploie sous toutes ses formes. Marie-Claude Savard, en tant que co-présidente du Comité de travail de la Charte Québécoise pour une image corporelle saine, lutte pour cela depuis cinq ans. Elle prône moins de perfection et plus de douceur envers notre corps. Le docteur Howard Steiger, chef du programme soignant l’anorexie et la boulimie au Québec, visite maintenant les agences de mannequins pour les prévenir du danger que représentent les troubles alimentaires. Pour lui, c’est l’estime de soi qui reste la pierre angulaire qui permet d’amener une forme de guérison. Cela devient aussi précieux et difficile que de chercher le Saint-Graal. Pour notre jeunesse, les pourcentages sont effarants! Madame Léa Clermont-Dion nous explique également que la diversité est maintenant un enjeu de santé publique, et que pour mieux tisser notre solidarité sociale, il faut travailler à ce fait primordial. Le Québec pourrait devenir une sommité internationale en matière de diversité corporelle. 28


Louis-Philippe Thouin:

Une rencontre de haut niveau Ce matin-là, dame nature se montrait clémente pour une fin de novembre dans le Bas-du-Fleuve. Le mercure oscillait autour de 2°C et l'atmosphère sans vent flattait d'une douceur digne du qualificatif de printanier le visage et les surfaces de peaux exposées. J'avais rendez-vous à 10h au Café du Clocher avec un jeune homme nommé Frank. Je regardai ma montre en arrivant à la porte du Café: 10h tapant! J'aime être ponctuel. « La politesse des rois » avais-je déjà entendu dire… Je fis deux pas dans l'entrée du Café et fus accueilli par le chaleureux sourire d'une petite serveuse qui m'offrit un « Bonjour! » enjoué tout en contournant le comptoir de service d'un pas rapide et léger, – démarche typique des serveuses efficaces. Je dis « petite » dans le sens propre, au premier degré, car cette femme devait habiller la taille « Petite », expression dont j'avais eu l'occasion d'apprendre le sens grâce à mes fréquentations féminines. C'était la première fois que je rencontrais Frank en mode dialogue. Je l'avais croisé à quelques occasions au cours des derniers mois, surtout lors de rencontres du Groupe des Pétroliques Anonymes. Au fait, c'est grâce à ses écrits que j'ai appris à connaître Frank: il avait signé quelques articles dans L a Rumeur Du Loup et ses propos avaient piqué ma curiosité. Frank écrit sur des thèmes liés aux concepts de Démocratie, sur l'histoire du système banquier, sur des questions élémentaires, mais profondes, portant sur l'Économie, sur l'origine, l'évolution et l'état actuel du pouvoir décisionnel d'un peuple. Il se dégage de ses textes une approche, un point de vue que je qualifierais d'« élevé », une sorte de perception à grand-angle que je partage, mais sur laquelle je déniche rarement des personnes avec qui échanger à ce niveau. Je demandai à Frank de combien de temps il disposait. Il me répondit: —Ah! C'est samedi et j'ai tout mon temps! Cela amorçait bien l'échange en face à face. Un échange qui avait d'abord pris la forme de longs courriels échangés une semaine plus tôt et qui avaient naturellement mené à ce projet de poursuivre de vive voix. Car la voix demeure un médium très

efficace lorsque deux bipèdes souhaitent communiquer en profondeur et à haute vitesse. De même qu'elle est mesurée par les « Mo/s » (méga-octets par seconde) des communications numériques entre ordinateurs, cette densité informative, cette « bande passante » entre deux individus peut varier énormément selon les circonstances, selon les individus et même selon le médium choisi par les mêmes deux personnes. Ce fut un échange intense, intéressant, passionné, intelligent, le genre d'analyse en profondeur à laquelle il fait bon s'abandonner. Je voulais connaître ses sources, et même si j'avais fouillé un peu les références qu'il livrait dans ses articles de L a Rumeur Du Loup, j'étais curieux de connaître dans quelles circonstances de sa vie il avait d'abord été intéressé par ces questions. Pour ma part, j'avais apporté quelques bouquins (en format papier) de l'auteur que j'avais découvert un peu par hasard il y a un an(1) et dont l'écoute (en format audio) s'était révélée pour moi une sorte d'épiphanie. Frank me répondit en parlant des manifestations étudiantes de 2012, du mouvement « Occupy » qui introduisit le concept du « 1%-vs-99% » et d'élections provinciales lors desquelles il s'était impliqué dans des tentatives de tenir une Assemblée Constituante, puis de son engagement dans le « Parti Sans Parti »(2). Lorsque je jetai un coup d'oeil à ma montre, il était 12h30 et je n'avais nullement senti le passage de ces 2 heures d'intense conversation. En m'approchant de la caisse pour régler mon café, la serveuse m'avoua qu'elle et sa copine avaient entendu des bribes de notre conversation et ce qu'elle en avait saisi l'amenait à me suggérer de voir le film « La Belle Verte » (3). Je traversai la rue Lafontaine et retournai à mon véhicule. Deux notions occupaient mes pensées: il y a des tas de gens allumés à Rivière-du-Loup, et je dois revenir plus fréquemment à ce Clocher. (1) http://ascentofhumanity.com/2.3-etiqueter-lemonde.php (2) http://www.sansparti.org/ (3) http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Belle_Verte

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Marie Paquet:

Nestor, chapeau melon et salon funéraire A-t-on idée d’affubler fiston d’un pareil prénom: Nestor! Déjà pour minou et pitou et même pour un chimpanzé ça sonne plutôt grotesque. Pourtant, le jeune Nestor a traversé le primaire et le secondaire les coudées franches, le rire facile et respecté autant des enseignants que de ses camarades. Certains d’entre eux pouvaient être tentés d’associer ce prénom à l’écolier burlesque personnifié par Claude Blanchard. Pour les parents de Nestor, il en est allé tout autrement au moment de choisir ce prénom pour leur premier-né. Ils sont tous les deux des passionnés d’Histoire ancienne, même s’ils exercent des métiers bien éloignés de leur violon d’Ingres. Sa mère est couturière et modiste. Son père est propriétaire d’un salon funéraire. Or donc, cela explique ceci, ils se sont inspirés du célèbre Nestor, le plus âgé et le plus sage des héros de la Guerre de Troie.

Dans la mythologie, ce prénom signifie: « celui qui rentre chez soi sous de bons auspices ». Ils ont tout de même pris un sacré risque pour leur fils! Dans le monde actuel où la culture a la mine basse, la plupart des contemporains de Nestor se souviennent davantage du comédien Claude Blanchard que du poète Homère. Il va sans dire que les commentaires ont fusé tous azimuts, pas toujours élogieux, en commençant par les proches

parents et amis de madame Sanschagrin et monsieur Francoeur. Je n’ai pas de commentaires à ajouter sur les noms de famille, je vous les laisse faire à votre guise. Nestor porte ces deux noms de famille de la façon suivante: Nestor Sanschagrin Francoeur, sans le trait d’union, point final. Les grands-parents Francoeur tout autant que les Sanschagrin ont rechigné en apprenant que le mignon chérubin serait défiguré par ce prénom incongru. Les amis ont suggéré une panoplie de prénoms à la mode terriblement plus catastrophiques, si vous voulez mon avis, du genre Soleil Le Vent, Hurricane, en passant par Pis-Hier, J’Ose-Huer et ainsi de suite dans le massacre littéraire… De sa naissance jusqu’à l’âge de cinq ans, Nestor a eu une enfance heureuse auprès de ses parents. Sa mère tenait boutique dans une pièce attenante à la maison familiale. Le petit Nestor était toujours le premier à essayer les chapeaux confectionnés par sa mère. Il n’avait que deux ans lorsque son coup de foudre est tombé sur un chapeau melon en feutre noir assorti d’un ruban en pure soie et d’une fine boucle rieuse. Sa mère n’a pu que tout bonnement lui céder le chapeau devant sa mine réjouie. C’est devenu son ourson de peluche. Nestor a fait son entrée à la maternelle avec son inséparable

chapeau melon. Il le portait avec tellement d’aplomb que le respect s’imposait de lui-même. Même l’enseignante s’excusa presque en

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lui demandant de le retirer en classe. Le chapeau l’attendait sagement au vestiaire. Comme un soldat qui monte la garde, il intimidait quiconque s’en approchait. Un objet fétiche intrigant pour les écoliers habitués aux tuques et casquettes. Nestor était bon élève, avait le sens du jeu et de la camaraderie, taquinait les filles, en rêvait de temps en temps, s’alliait de joyeux copains pour les matchs de hockey de ruelle. Bref, un gamin comme les autres. Les premières fois qu’il devait décliner son nom, il disait toujours à la blague: « Nestor Francoeur Sanschagrin, à prendre ou à laisser ». Si quelqu’un rétorquait avec une moue significative, sur un ton traînant: « Nessstorrr », il répliquait en riant: « N’est-ce pas! » L’affaire était close. À l’été de ses douze ans, la première année du secondaire terminée, Nestor n’allait pas chômer. Son père l’initia dans son entreprise funéraire. Non seulement, il lui enseigna la discipline du travail, l’épargne de l’argent gagné et l’apprentissage de l’autonomie, il lui apprit le respect et la dignité dans le protocole mortuaire. L’importance de la conscience de la mort pour vivre sereinement chaque journée qui nous est donnée. Bien sûr, l’adolescent ne s’est pas tapé un travail de thanatologue, mais il a frayé avec l’abécédaire du cérémonial de la mort, du décès jusqu’à l’inhumation, avec toutes les nuances, les ajustements et les demandes particulières des temps modernes. Au début, Nestor s’occupait de l’entretien ménager. Graduellement, son père lui ajouta des tâches plus rapprochées de la clientèle: la réception et l’agencement des fleurs, la présentation des signets et des cartes, l’accueil et l’orientation des visiteurs dans les lieux du salon


funéraire. Nestor devait être courtois, discret, efficace, serviable. Compatissant, sans tomber dans le languissant. Un travail d’été d’abord, puis les weekends, le reste de l’année. Nestor sortait du salon à la manière du gars qui termine son quart de travail à l’usine, sans plus. Il retirait soulagé son uniforme: boucle, veston, pantalon noirs empesés, chemise blanche trop raide et chaussures

noires trop cirées. Il enfilait un tshirt, un jean, un froc, chaussait ses espadrilles et reprenait son chapeau melon usé et confortable. En vélo, hiver comme été, il rentrait à la maison, prendre une douche et une collation soutenante. La vie l’attendait. Nestor voulait devenir médecin pour soigner, guérir, défier la mort, en retarder l’échéance, oublier le noir et revêtir un sarrau ultra blanc. À la fin de son secondaire, il a demandé à Emmanuelle aux grands yeux verts de l’accompagner au bal des finissants. Elle portait une robe paysanne toute simple et lui, tout de blanc vêtu, comme un prince des mille et une nuits, était coiffé de son chapeau melon, bien évidemment. Ils étaient beaux tous les deux dans leur contraste. Emmanuelle rêvait de partir au bout du monde, donner du possible

dans l’impossible, aux enfants qui ont faim. Nestor est devenu médecin sans frontière, il a rejoint Emmanuelle en Afrique. Ils ont trimé dur pour sauver les enfants d’ailleurs de la misère. Ils sont revenus pour les funérailles de la mère de Nestor. Il a déposé le chapeau melon sur les mains usées de sa mère. Ce chapeau a terminé sa route. Il a bien vécu, fait le tour du monde et accompagné tous les rêves de son porteur. Il ira en terre avec celle qui l’a créé. Ses parents lui ont tant appris, surtout à être fier de son prénom, à le porter avec assurance. Adieu Chapeau melon! Bienvenue la vie! Cette fois, Nestor et Emmanuelle sont restés au pays pour les enfants d’ici qui ont aussi besoin d’eux…

Madeleine Desjardins:

QUIZ Les Éphémères! Vous avez bien lu notre magazine Les Éphémères? Vous avez aimé notre magazine Les Éphémères? Qu’avezvous retenu de votre lecture? Voici 16 questions pour tester votre mémoire! Vous trouverez les réponses dans tous les articles du magazine. Bonne chance!

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No 9: Dans son texte Civilisation versus Agriculture, Odette mentionne des mots qui sont propres autant à l’agriculture qu’à la civilisation, pouvez-vous les nommer? No 10: Quelles sont les 2 espèces qui se rencontrent dans le texte de Mireille? No 11: Selon Mireille qu’est-ce que le club de lecture permet de stimuler? No 12: De quelle ville américaine ELFE est-elle citoyenne? No 13: À quel âge Nestor a-t-il eu un coup de foudre pour les chapeaux melons? No 14: Souvenirs, souvenirs: quelle musique joue sur la table tournante de Laurentin? No 15: La respiration, souffle vital: où se font les échanges gazeux? No 16: Dans Le sorcier qui aimait le silence, à qui le magicien a-t-il redonné vie en premier? 31


L’âme regarde de loin le chemin parcouru, qui lui paraissait au départ une éternité… Au but arrivé, l’âme comprend que tout a passé à des rythmes éphémères. Le Tout-Puissant n’a rien laissé au hasard: rien n’est immuable, rien ne se perd, rien ne s’arrête. La danse cellulaire est bien orchestrée.

Gisèle Lebel :

Les

Éphémères. . .

Tout n’est qu’éphémère. Rien ne stagne, tout évolue… On croit être maître, mais c’est une cruelle illusion. Après la fusion d’une gamète et d’un ovule, des transformations, des divisions, des mutations cellulaires se font, à notre insu, pour engendrer la vie. Des millions de cellules meurent chaque seconde pour faire place à de nouvelles cellules dans un processus de résurrection continuelle. De ces éternelles réplications émerge la vie… …Les jours, les mois, les années, la vie passe. Le couchant de la vie arrive, le corps continue sa transformation puis sa décomposition. Tout évolue. Le corps redevient poussière. Éphémère.

La vie est éphémère. Je suis éphémère.

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