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LE MINISTRE DE LA CULTURE ET DU PATRIMOINE NATIONAL Kazimierz Michał Ujazdowski
THE MINISTER OF CULTURE AND NATIONAL HERITAGE Kazimierz Michał Ujazdowski
MESDAMES ET MESSIEURS / LADIES AND GENTLEMEN
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e cinéma polonais a, dès ses débuts, engagé un dialogue avec la société, mais il a également suscité des questions, souvent peu commodes. Krzysztof Kieślowski dont les inoubliables films documentaires comme «De la ville de Łódź» ou «Premier Amour» et les fictions comme «L’Amateur», «Le Hasard» ou «Tu ne tueras point» révélaient le vrai visage, souvent inhumain, de la réalité polonaise des années soixante-dix et quatre-vingts, faisait sans aucun doute partie des réalisateurs pour qui poser des questions était plus important que de donner des réponses simples au public. Il entendait le film comme une tentative de décrire le monde dans lequel l’individu doit quasiment tous les jours choisir entre le Bien et le Mal, entre la Vérité et le Mensonge, entre l’Amour et la Haine. Il défendait l’indépendance de l’artiste dans l’art et son droit inaliénable d’articuler aussi des vérités incommodes. Il apportait dans ses films des valeurs citoyennes telles que l’égalité, la liberté ou la fraternité, et des valeurs chrétiennes issues des Dix Commandements. A travers son activité de pédagogue cinématographique, il enseignait l’humilité à l’égard du métier, du spectateur, du sujet, mais aussi le courage face aux messages incommodes. A l’occasion du dixième anniversaire de la mort de Krzysztof Kieślowski, le Ministère de la Culture et du Patrimoine National tient à rappeler l’œuvre de l’artiste, son comportement et ses questions simples seulement en apparence, qui portent sur les valeurs inaliénables dans la vie de l’individu et de la société. Je suis convaincu que l’Institut polonais d’Art Cinématographique, créé pour soutenir le développement de la cinématographie, et dont je vous recommande chaleureusement la présente publication, portera souvent encore attention aux belles et inoubliables pages de l’histoire du cinéma polonais et à ses liens vivants avec la culture européenne.
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he Polish cinema, from the very beginning of its existence, not only has been undertaking a dialog with the society, but also provoking to ask, frequently inconvenient, questions. Krzysztof Kieślowski, whose unforgotten documentary films, such as „From the City of Lodz“ or „The First Love“ and the feature films such as at least „Camera Buff“, „Blind Chance“, or „The Short Film About Killing“ revealed the true, often inhuman face of Polish reality of seventies and eighties, was one of those directors, for whom asking questions was more important than providing the audience with simple answers to them. He understood the film as an attempt to describe the world, in which almost every day an individual has to choose between Good and Evil, Truth and Lie, Love and Hatred. He defended artist’s independence in art and his/her inalienable right to articulate also inconvenient truths. He brought in his films the world of citizen’s values such as equality, freedom, or brotherhood, as well as the world of Christian values originating from the Ten Commandments. In his activity as a film educationalist he taught the attitude of humbleness towards the profession, a viewer, the subject, but also the courage to convey inconvenient messages. On the tenth anniversary of Artist’s death, the Ministry of Culture and National Heritage wishes to recall the works and attitude of Krzysztof Kieślowski, and his seemingly simple questions concerning basic, inalienable values in the life of an individual and the society. I am convinced that the Polish Film Institute, called into being to support development of Polish cinematography, of which the hereby publication I warmly recommend to You, still many times will turn its attention to the beautiful, unforgotten cards of history of Polish film and its vivid connections with the European culture.
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L’INSTITUT POLONAIS D’ART CINÉMATOGRAPHIQUE DIRECTRICE GÉNÉRALE Agnieszka Odorowicz
POLISH FILM INSTITUTE GENERAL DIRECTOR Agnieszka Odorowicz
CHERS AMIS DU CINÉMA POLONAIS / DEAR FRIENDS OF POLISH FILM
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polonais d’Art Cinématographique ’ Institut coordonne les événements liés à l’Année
Kieślowski. Pour le dixième anniversaire de la disparition de l’artiste, des rétrospectives de ses films auront lieu dans le monde entier : à New York, Paris, Berlin, Vienne, Vilnius, Zürich. Il est rare que les metteurs en scène avouent qu’ils sont directement influencés par un autre artiste, qu’ils se mettent à réaliser les scénarios d’un autre metteur en scène, qu’ils citent dans leurs œuvres des films déjà connus. Pourtant c’est ce qui arrive avec Kieślowski ! On peut trouver des références à son oeuvre dans nombre de films, ainsi dans « Le Grand animal» de Jerzy Stuhr, « L'Enfer » de Denis Tanovic, « L'Espoir » de Stanisław Mucha, « Heaven » de Tom Tykwer, ou encore dans « Amorres Perros » d’Alexandro Gonzales Inarritu. Les étudiants des séminaires et des écoles de cinéma parlent volontiers et avec fierté, de l’influence qu’exerce sur eux l’œuvre de Kieślowski. Ils partagent l’opinion contestataire du metteur en scène : il faut faire des films sur des problèmes importants, traiter les sujets essentiels, poser des questions même si on ne connaît pas toujours la réponse, être sincère dans ses énoncés. De même dans le monde entier, le public revient souvent aux films de ce célèbre metteur en scène.
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olish Film Institute coordinates the celebration of Kieślowski’s Year. A number of film retrospectives are going to be organised around the world: in New York, Paris, Berlin, Vienna, Vilnius, Zurich, to commemorate the 10th anniversary of the artist’s death. Seldom do film directors openly admit to being influenced by the works of another artist, to being interested in making a film based on somebody else’s screenplay, they do not often make allusions to other well-known films in their own productions either. It is completely different, however, in case of Kieślowski! References to the artist’s works can be found in a number of films, such as: “The Big Animal” directed by Jerzy Stuhr, “Hell” directed by Denis Tanovic, “Hope” directed by Stanisław Mucha, “Heaven” directed by Tom Tykwer, or “Amorres perros” directed by Alexandro Gonzales Inarritu. A lot of film school students proudly and openly admit to being influenced by Kieślowski and his works. They share the opinion expressed by the artist who used to emphasise that: it is necessary to make films about important things, films dealing with the most significant issues, it is vital to ask questions even if the answer is unknown, and to be honest in what we do. Audiences around the world also seem to demonstrate their great interest in Kieślowski’s films which can be watched over and over again.
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DOROTA PACIARELLI
LE CITOYEN DU MONDE CIT E
n parcourant les salles ou plutôt la succession de pièces et de petits salons de l’exposition «Krzysztof Kieślowski: Signs and Memory», présentée récemment au Musée du Cinéma à Łódź, exposition d’ailleurs toujours en cours, j’ai remarqué combien, fortuitement ou intentionnellement, elle rendait le caractère de l’homme auquel elle est dédiée. Il y a quelque chose d’émouvant dans ces simples photographies réalisées par Krzysztof Kieślowski, dans le cadre de ses activités à l’Ecole de Cinéma et que l’on a intitulées «Z miasta Łodzi» [«De la ville de Łódź»]. Les lettres chaleureuses qu’il adressait à ses amis sont également touchantes par leur simplicité. L’exposition nous captive de par sa modestie, car elle oscille de manière convaincante entre le monde dont Krzysztof était issu et celui auquel il parvint et que les Polonais appellent conventionnellement «l’Occident». Le fait que l’exposition parte de ce qui est provincial ou polonais pour atteindre l’universel, c’est-à-dire ce qui est commun aux gens quelles que soient leurs origines, la couleur de leur peau, leur langue, peut étonner, mais c’est cohérent avec le chemin de vie de Kieślowski. Elevé, ayant grandi au sein d’un système qui était loin de respecter la dignité, la vérité et l’ouverture au monde, le Citoyen K. commença, dès ses premiers films, à défendre le droit de l’homme à choisir son propre chemin, sa propre vérité, sa propre vie. Il devint citoyen du monde. Qu’est ce que l’amour, la mort, l’égalité, le destin? Il y a une certaine ironie dans le fait que justement cet homme, peu bavard, qui ne cherchait jamais à épater l’entourage de par son importance, qui ne parlait aucune langue étrangère, allait devenir, à la fin de sa vie, un réalisateur de films difficiles, compris mais aussi aimés par le public du monde entier. Son provincialisme, assumé dans le sens où le réalisateur se limitait au petit fragment du monde familier parce que le plus proche, allait devenir paradoxalement la clé de l’expression universelle. «Une
dent fait autant mal à l’Africain qu’à l’Européen. Et c’est en fait ce dont je parle. De la douleur qui nous est commune», dira-t-il un jour lors d’une rencontre avec des journalistes. ***
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e Musée du Cinéma à Łódź est, il faut le dire carrément ici, merveilleusement démodé. Son siège est un petit palais de style, protégé comme monument historique; il est plein de recoins, il possède un vieil escalier qui grince, un po~le historique dans le salon
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CITIZEN OF THE WORLD
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aking my way through yet more halls, or rather miniature halls and rooms at the Lodz Museum of Cinematography, which has given us with the exhibition „Krzysztof Kieślowski: Signs and Memory“, I noticed that whether by chance or on purpose, the exhibition’s
character really gives off the character of the individual it was dedicated to. There is something moving in the simplicity of Krysztof Kieślowski’s photographs, which he single handedly created for a project at Lodz Film School and which we have named „From Lodz City“, as is in the sim-
plicity of his warm letters to his friends. The exhibition is captivating through its modesty; it creates a balance between the world that Krysztof left and the world he eventually entered into, a world that Poles tend to call „the West“. The diversity between what is provincially Polish and
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DOROTA PACIARELLI et des plafonds sculptés. Une personne habituée à la modernité, pourrait ~tre surprise de trouver dans un tel endroit, juste à côté de l’artère principale, un musée où l’on continue toujours d’officier à ce que je qualifierais de conservation de la mémoire d’un art des plus éphémères, le cinéma. On ne remarque pas tout de suite le bâtiment, il faut le trouver sans s’en remettre aux gens de la rue. Ceux qu’on trouve là sont venus parce que l’artiste auquel est dédiée l’exposition les intéresse pour une raison particulière. Quand je la visite – au milieu de la semaine, après le déjeuner – les salles sont pleines. Une classe d’élèves de seize ans, quelques jeunes gens sans doutes des étudiants, trois vieilles dames v~tues de tailleurs modestes, et moi, nous essayons de percer la foule pour pénétrer dans la petite salle où sont présentés des photogrammes illustrant différentes étapes de l’œuvre du réalisateur. Mais la foule la plus dense se presse à l’étage, à l’endroit où sont exposés dans des vitrines tous les prix remportés par les films de Krzysztof. Le silence se fait, les vieilles dames regardent autour, un peu troublées par tout cet or ici, cet argent, et des palmes, des ours, des olives, des don quichotte, d’étranges coupes et des bols, des bandes cinématographiques ornées de motifs floraux et d’étoiles, des rubans. Je me remémore ses plaisanteries au sujet de ces trophées qu’il fourrait volontiers sous les canapés. Encore une contradiction: se présenter pour des compétitions et n’avoir aucune estime pour la victoire et la considération.Continuer son chemin. Faire son travail. ***
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ant d’années se sont écoulées depuis qu’il est parti, et ses films ne sont m~me plus montrés aussi souvent qu’autrefois. Pourtant je continue à rencontrer des gens en Allemagne, en Italie ou en Angleterre, qui lorsqu’ils entendent son nom s’animent tout de suite et racontent comment ils se sentaient quand ils ont vu pour la première fois «Tu ne tueras point», «La Double vie de Véronique» ou «Le Hasard». Il serait bon de réunir un jour ces témoignages, me suis-je dit récemment. Car, que ce soit le récit du
méticuleux Hans, ou de la délicate Margarethe, de l’apprenti réalisateur Christian de Hambourg ou de la méditative Franca de Rome, la discussion débouchera toujours sur les questions décisives: l’essentiel de l’amour, la fidélité à soim~me, l’honn~teté vis-à-vis des autres, le destin, le hasard. L’un d’eux s’ouvrira toujours, révèlera quelque chose de sa sensibilité, de ses doutes, de ses convictions, racontera une histoire où il se sentait comme le héros ou comme l’héroïne d’un film de Kieślowski. Les films de Krzysztof sont comme des boîtes chinoises. Nous ouvrons une boîte et dedans il y en a une autre et encore une autre et encore une. La fascination de sa personne et de son oeuvre prend peut-~tre une partie de son origine justement en cela: dans sa capacité de poser des questions et de cacher les réponses. ***
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xcepté les notes et les projets, presque rien n’est resté de cette partie de l’activité de Krzysztof à travers laquelle au bout du compte, seulement quelques rares personnes le connaissent. Ils sont peut-~tre une ou deux centaines dans le monde. Et m~me s’ils sont un millier, ce n’est rien comparé au nombre de spectateurs de ses films. Il serait intéressant de savoir ce qu’ils ont à dire sur lui car il était leur enseignant, donc quelqu’un qui donnait et qui exigeait. Qu’est-ce qu’il leur a donné et qu’attendait-il d’eux? S’est-il révélé ~tre un bon prof? Comment enseignait-il et qu’est-ce qu’il considérait comme essentiel? Quand vers la fin de l’année 2005, Maria ZmarzKoczanowicz tournait un film documentaire sur Krzysztof, j’ai appelé quelquesunes de ces personnes, en leur demandant leur accord pour enregistrer des entretiens. J’ai été étonnée de constater combien ils avaient retenu, intériorisé et
Krzysztof Piesiewicz, Krzysztof Kieślowski, Andrzej Wajda, 1991
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9 what is universal, shared by all people, irrelevant of where they came from, what color their skin is and what language they speak, may surprise, but it is linked to Kielowski’s life path. Citizen K., born and raised in a system that did not respect dignity, truth and openness to the world, began in his first films to defend the human right to choose one’s own path, one’s own truth in one’s own life. He became a citizen of the world. What is love, death, equality, destiny. Where the irony lies, is that this particularly quiet man who never attempted to consume the attention of his surroundings, who spoke no foreign languages, became in his last years of life a director whose difficult films were not only understood, but came to be loved by audiences across the world. His consistent provincial approach, in the sense of limiting himself to the small reality available to him, the world he knew best, paradoxically became the key to the universalism of his expression. He once said at a press conference, „The cold hurts
an African just the same as it does a European. And this is the essence of what I am presenting. The pain that is known to all of us“ ***
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he Museum of Cinematography in Łódź – let us discuss it in the place of expression itself – is wonderfully old fashioned, it is located in a stylish little palace that is protected by heritage protection laws, it is full of nooks and crannies, has rickety old staircases, an antique stove in the sculpted living room. Anyone who is accustomed to modern furnishings may be shocked to discover that in this very place, a little further on from the main atrium, exists a museum in which is celebrated something that I would call a storage for one of the most ephemeral art forms: film. The building does not immediately draw ones attention, it has to be searched out, there is no point in asking for directions on the street. Those who find themselves here, are those who for some reason are interested in the artist to whom the exhibition is dedicated. On the day that I make my visit – mid week, after lunch time – the rooms are full. There’s a class of sixteen year olds, a group of youths who look like students, three older ladies in modest dress and me, all squeezing ourselves into the little room where photograms hang, illusLa première de «Trois couleurs : Rouge». Cannes 1994 The premiere of the film „Three Colours: Red”, Cannes, 1994
trating the director’s various creative stages. But the biggest crowd is on the first floor, where all Krzysztof’s film awards are displayed. It becomes silent, the older ladies are looking around a little confused, there is so much gold here, so much silver, palm trees, bears, olives, Don Quichotos, strange small bowl, cups, film tapes decorated with plants and stars and sashes. I remember Krzysztof’s jokes about various awards that he readily shoved under the sofa. Another contradiction: taking part in competitions, he never cared about winning or gaining recognition. He moved on, doing his own thing. ***
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o many years have passed since he has been amongst us, and even his films aren’t shown as often anymore, but I still meet people in Germany, In Italy, in England who at the mention of his name immediately come to life and start to recall how they felt when they first saw „A short film about killing“, „The double life of Veronica“ or „Blind Chance“. It would be worth collecting these memories, I recently thought. Because whether they are the revelations of scrupulous Hans, gentle Margarethe, Christian from Hamburg with experience in the art of directing, or the reflections of Franka from Rome, the conversation always reverts back to one subject: questions about the point of love, belief in oneself, honesty towards others, destiny, chance. Each of them eventually always opens up, uncovers something in their own sensitivity, doubts, convictions,
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10 reconnu comme leurs, les quelques principes fondamentaux qu’il leur avait toujours recommandés de suivre: parler uniquement de ce qui est propre à leur sensibilité, ne pas dénoncer les personnages et soigner les détails de l’exécution. «Quand vous vous mettez à faire un film, ne pensez pas que d’une manière ou d’une autre, ça ira. Car ce „d’une manière ou d’une autre” au cinéma signifie tout simplement la platitude et la platitude est une perte de temps. Ne perdez pas votre vie à faire des films plats». ***
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ujourd’hui, à l’époque bruyante, rapide et marquée par la décomposition et m~me par la négation d’un nombre de valeurs jusqu’ici fondamentales, les films de Kieślowski et son attitude à l’égard du monde sont-ils attractifs pour le public cinématographique majoritairement jeune? Sans doute non. Ils ont grandi avec un autre cinéma, ils ont d’autres habitudes, le cinéma est maintenant plus proche du divertissement que de l’art. Malgré tout, montrer ces films et encourager à poser ses propres questions, vaut la peine. Comparés aux superproductions dont les budgets dépassent l’imagination d’un spectateur ordinaire, comparés aux histoires intentionnellement extravagantes, pleines de gens extraordinaires et beaux, les protagonistes et les films de Kieślowski peuvent apparaître comme un message d’un autre monde, un monde démodé. Ils sont comme une petite tape sur l’épaule, suivie du propos: «Hé! regarde plus attentivement. Regarde au-delà de cet éclat de façade. Que vois-tu?». Cet abécédaire de la perception, selon la formule de Marion Doering, directrice de l’Académie Européenne du Cinéma, est complet dans les films de Kieślowski et il continue de surprendre par sa netteté. Il apparaît que maintenant nous avons plus qu’avant, quand il était avec nous, besoin des valeurs, des questions, des doutes qu’il véhiculait dans ses films. Tant à ses héros qu’à ses étudiants, il indiquait les limites qu’il est interdit de franchir si l’on ne veut pas perdre sa propre identité. Aujourd’hui, à l’époque où la transgression des limites et la destruction des
Cambridge, 1994
tabous sont universellement à la mode,il n’est pas inutile de revenir un instant aux films de Kieślowski et, en faisant abstraction de ses moyens cinématographiques parfaits, de se poser la question de savoir si nous sommes réellement encore en accord avec notre conscience et notre identité, ou bien si nous sommes déjà devenus l’un des héros ou l’une des héroïnes d’un soap opera. Souvent évoquée par les critiques de cinéma et renouant parfois sinon en étant proche des poèmes de Wisława Szymborska et d’Adam Zagajewski, des films d’Olmi ou des reportages de Kapuściński, cette poétique du réalisme ne cherche pas à briller, elle n’est pas du tout calculée pour produire un effet facile, elle est m~me cachée et discrète. Ce qu’il a indubitablement réussi techniquement, c’est de laisser au spectateur une liberté, surprenante à notre époque, pour interpréter ce dont il parle. Albert Camus, l’écrivain bien-aimé de Kieślowski, a écrit dans «Le Mythe de
Sisyphe» que tout est permis, cela ne veut pourtant pas dire que rien n’est interdit. Il est bon de regarder les films de Kieślowski et de lire ses propos sous cet angle. Il apparaîtra alors qu’aimer n’est pas assez, ~tre égal n’est pas assez, que vouloir du bien ne suffit pas non plus et que m~me ~tre libre n’est pas suffisant. Que m~me en aimant, en faisant du bien, en étant absolument libre, nous devons constamment faire des choix et que seulement ces choix montrent qui nous sommes vraiment.
Dorota Paciarelli – animatrice culturelle; traductrice; actuellement directrice adjointe de l’Institut polonais d’Art Cinématographique. Dans les années 80, elle a été coorganisatrice des séminaires pour étudiants en art cinématographique dirigés par Krzysztof Kieślowski à Berlin-Ouest et en Suisse.
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11 Je suis un observateur… I am an observer…
tells a story in which they felt like a hero or heroine from one of Kieślowski’s films. Krzysztof’s films are like Chinese boxes. You open one and find another, and in that one yet another and then another still. Maybe that is what creates part of the fascination in his person and works: the ability to ask questions and to hide the answers.
as their own – the few basic principles which he always convinced them to apply: to talk only of that which their own sensitivity is rooted in, to denounce forms and to care about the details in executing one’s work. „When you start putting together a film, do not think it will somehow work out. Because somehow in a film is anyhow and anyhow is a waste of time. Anyhow films are a waste of your lives.“
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ardly anything except for notes and plans have remained from the part of Krzysztof’s work which only a few really got to know. Maybe the world over there are a hundred people who knew him, maybe two hundred? Even if there are a thousand, this is still no comparisson to the number of people who have seen his films. It is interesting to hear what the people he taught have to say about him, since as a teacher he played the role of a person who both gave and demanded. What did he give, and what did he expect in return? Was he successful? How did he teach and what did he consider most important? When, at the end of 2005, Maria Zmarz-Koczanowicz was making a film about Krzysztof, I called a few of these people asking if they would agree to be interviewed. I was surprised by how much they remembered, what they had internalized and had come to regard
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n today’s noisy, fast times that are intent on breaking down and even negating many of the basic values in Kieślowski’s films and in his out look on life, can he be attractive to a new, young cinema audience? Probably not. The new audiences have been raised on a different type of cinema, with different habits and cinema has become a form of entertainment rather than of art. Despite this, it is worth showing these films and encouraging people to put forward their own questions. Against the background of amazingly hyped films, with budgets that surpass the imagination of the average viewer, against the background of fantastical stories, full of extraordinary and beautiful people, Kieślowski’s films and the heroes he created may appear to have been sent from a strange, old-fashioned world. They are like a tap on the shoulder and some-
one saying: „Hey, look carefully, look through the shmultz. What do you see?“ Marion Döring, the director of the European Film Academy, defined this method of viewing Kieślowski’s films as complete and keeps the viewer astounded with sensitivity. It turns out that the values, questions, doubts that are carried through the films are more important to us now then when Kieślowski was with us. And through the heroes he created and through his students, he set boundaries that cannot be crossed, in so much as not wanting to loose one’s own identity. Today, when it is fashionable to cross boundaries and break taboos, it is worth returning for a while to Kieślowski’s films and aside from his perfected workshop, to ask oneself the question – are we still in agreement with our own conscience and identity, or have we also become the heroes and heroines in a soap opera. This poetry of realism that is often brought to light by film critics, can also be found in the poems of Wisława Szymborskiej and Adam Zagajewski, Olmiego’s films or Kapuścinski reportages – it isn’t shiny, is devoid of any special effects whatsoever, sometimes even hidden and subtle. What Kieślowski succeeded in without any doubt in his workshops, was leaving viewers with the freedom of interpretation, which is shocking in today’s times. Kieślowski’s beloved author Camus, wrote in “The Myth of Sisyphe”, that everything is allowed, which does not however mean that nothing is forbidden. It is worth watching Kieślowski’s films and reading his statements with this in mind. It turns out that to love is too little, to want to do good is not enough, and even to be free – is too little. Even when loving, doing good, being absolutely free, we still constantly have to make choices and only they show who we really are.
Dorota Paciarelli – a culture manager, author, screenwriting tutor. As Deputy Director of the Polish Film Institute she is responsible for International CoProductions and Training. She was close friend of Krzysztof Kieślowski, his agent and organizer of his workshops.
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LE CINÉMA QUI HUMANISE STANISŁAW ZAWIŚLIŃSKI Kate Blanchett, actrice: «...L’oeuvre de Kieślowski a une résonance immense. Je trouve beau que lorsque le grand réalisateur lance des pierres dans l’eau, les cercles qu’il provoque influencent les oeuvres des autres. Parmi mes connaissances, je ne vois personne qui ne soit pas influencé par ses oeuvres…» Ermanno Olmi, réalisateur: «Je considérais Kieślowski comme un ami, bien que nous ne nous soyons jamais rencontrés personnellement» Marion Döring, directrice de l’Académie européenne du Cinéma: «...Les films de Kieślowski sont un abécédaire de la perception…»
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ix ans après la mort de Krzysztof Kieślowski, on a l’impression que malgré son absence, il est toujours présent parmi nous. Paradoxalement, il est m~me peut~tre plus présent que de son vivant. Dans les milieux culturels il est de plus en plus apprécié; les questions et les messages qui se dégagent de son oeuvre et de ses expériences, sont interprétés, entendus et commentés sous différentes latitudes; ils transcendent les barrières culturelles. De nombreux festivals, des rétrospectives et des colloques, des écoles et des prix portant son nom, des films et des publications qui lui sont dédiés, constituent les témoignages les plus visibles et spectaculaires de la présence vivante de Kieślowski dans la conscience et les pensées de beaucoup de gens dans le monde entier. Et combien y at-il de témoignages invisibles aux yeux, témoignages «discrets» et silencieux, provoqués par les films du «réalisateur de l’âme»? Parfois je regarde les sites Internet qui lui sont consacrés. «Après que j’ai vu «Trois couleurs» et «Le Décalogue», ma vie a complètement changé» confie aux internautes Paul, un cinéaste de Manille. Arjon des Pays-Bas informe qu’il a l’intention de venir à Varsovie pour tourner un documentaire dans les lieux de tournage du «Décalogue». «C’était un maître, un génie…», constate Val de Durban en Afrique du Sud. «Il parlait à merveille de nous, les gens ordinaires» ajoute Jennifer des Etats-Unis, et Boopathy Nolin du Sri Lanka avoue: «Pour moi, il est devenu un père symbolique». Qu’est-ce qui fait qu’on continue aujourd’hui à avoir besoin de Kieślowski, que ses films ne vieillissent pas, qu’ils sont reçus comme tellement proches, qu’ils continuent à susciter l’intér~t, à inquiéter, à attirer, à inspirer? Il n’est pas aisé de répondre à la question posée de cette manière car, malgré les apparences, les raisons sont multiples. D’ailleurs, pour chaque «fan» de Kieślowski, ces raisons peuvent ~tre différentes. Quant à moi, Kieślowski m’est proche avant tout à
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THE CINEMA, WHICH HUMANIZES STANISłAW ZAWIŚLIŃSKI
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en years after Kieślowski’s death, one has an impression that, despite his absence among us, he is still present. Perhaps even – paradoxically – in a fuller way than during his lifetime. In the circles of the people of culture he has been more and more appreciated; questions and messages, which radiate from his works and experiences, are red out, understood, and commented under various geographical widths; they overcome the cultural barriers. Numerous reviews, retrospectives, symposia, schools and awards named by his name, dedicated to him films and publications, are the most spectacular and visible testimonies of Kieślowski’s pulsation in consciousness and thoughts of many people all over the world. And how many such testimonies exist, which are invisible for the eyes, „quiet” and silent, and provoked by the pictures of „the director of the soul”? Sometimes I review the Internet pages devoted to him. „My life, after seeing „The Three Colours” and „The Decalogue” has completely changed” – Paul, a filmmaker from Manila, confides in the internauts. Arjon from the Netherlands informs that he intends to come to Warsaw and make a documentary film about the places, in which „The Decalogue” was made. „He was a master, a genius…” says Val from Durban, the Republic of South Africa. „He was telling wonderfully about us, ordinary people” – adds Jennifer from the USA, and Boopathy Nolin from Sri Lanka confesses: „for me, he symbolically became a father”. So, what does make Kieślowski needed today, and his films ever current, received as movingly close, still arousing an interest, anxiety, attractive, and inspiring? It is not easy to answer this question, because – against all appearances – there are many reasons for that. Besides, for each of Kieślowski’s „fans” these reasons may be different. Kieślowski is close to me primarily due to the humanism, which emanates from his attitude and creation.
Kate Blanchett, actress: …Kieślowski’s works have an enormous response. It is beautiful how a great director throws the stones into the water and the circles created by it influence others’ works. I do not know anybody among my friends who would not be influenced by his works… Ermano Olmi, italian director: – I considered Kieślowski to be my friend, even though I have never met him personally. Marion Döring, European Film Academy: …Kieślowki’s films constitue an alphabet of perception…
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14 Lone Scherfig, réalisatrice danoise: «...Nous avons appris «Dogma» sur «Le Décalogue» de Kieślowski. Il nous a montré comment exprimer des contenus compliqués d’une manière simple.» Juliette Binoche, actrice : «...Grâce à Kieślowski je suis aujourd’hui ce que je suis. Pas seulement en tant qu’actrice.» Marina Fabbri, critique de théâtre italienne: «...Ses héros, que ce soit un gardien de nuit, un médecin, une danseuse, un assassin à l’esprit veule, un jeune fonctionnaire amoureux ou des filles tourmentées du genre d’Irène Jacob (…), ils s’inscrivent tous sans exception dans la mémoire des spectateurs comme des personnes avec lesquelles nous pourrions vivre quelque chose…» Louis Malle, réalisateur français: «J’aime les films d’où le spectateur sort sans savoir donner des réponses claires. C’est tellement rare au cinéma. C’est pour ça que j’aime vos films…» Piotr Sobociński, chef-opérateur: «Krzysztof connaissait le métier cinématographique comme peu de gens, il en connaissait toute la cuisine. Il avait une idée de l’espace délimité par la caméra, il était averti sur les ressources techniques et sur l’utilisation des objectifs, sans parler de son savoir en matière de montage et de sa capacité de travailler avec les acteurs. Au fond, il avait le rare talent de transposer sa propre imagination avec précision, en image et m~me dans un cadre cinématographique» Sławomir Idziak, chef-opérateur: Les réalisateurs font très souvent ce qu’ils ont dans la t~te sans savoir que le film réalisé a sa propre existence. Krzysztof le savait. Sa capacité artistique résultait de la conscience du fait que ce que nous créons est une chose et que son effet sur le public en est une autre. Il tenait beaucoup à bien connaître l’impact de ce qu’il avait filmé. Aussi cherchait-il constamment des informations sur comment pouvait ~tre reçu ce qu’il faisait. De ses collaborateurs et de ses connaissances, il faisait un miroir…»
cause de l’humanisme qui se dégage de son attitude et de son oeuvre. Je sais que ce terme est vieillot et démodé. Mais il me semble le plus adéquat. D’ailleurs, Kieślowski était en quelque sorte lui-m~me démodé. Sa carrière a suivi, dans une large mesure, une voie «à contre-courant» des modes, des tendances, des schémas de pensée en vigueur. Il en fut de m~me pour sa façon d’~tre: franche et ouverte, modeste et distanciée, quoique non dépourvue de chaleur, de plaisanteries et de rigolades. Il n’y avait pas en lui de poseur, d’exaltation, de volonté de se donner les airs d’une personne que l’on n’est pas. Il savait ~tre lui-m~me. Dans son mémoire de diplôme il a écrit: «Seul un homme honn~te fera un film honn~te» et il cherchait à ~tre fidèle à cette devise. Du point de vue du temps qui s’est écoulé, on voit nettement que sa vie était compatible avec son oeuvre. Et cette oeuvre était très fortement imprégnée d’éléments autobiographiques. Il y mettait tout ce qu’il possédait, la plénitude de sa personnalité. D’un film à l’autre, ses moyens devenaient de plus en plus riches et polyvalents, servaient de mieux en mieux la pensée qu’en tant que réalisateur il avait à transmettre. Sans ces moyens constamment perfectionnés, il n’y aurait sans doute pas la réception sur plusieurs plans de ses films, il n’y aurait pas ces sens profonds permettant une multiplicité d’interprétations. Pourtant, l’auteur de «Trois couleurs» était rarement satisfait des résultats artistiques obtenus. Il était un impitoyable critique de lui-m~me. Il affirmait d’ailleurs qu’il appréciait plus la littérature que le cinéma, celle-ci sachant mieux pénétrer, et plus en profondeur, les tréfonds de l’âme humaine. Il s’est souvent plaint du métier de réalisateur, qu’il avait choisi par hasard; il l’a maudit. Il l’associait à la peine du labeur, à la nécessité d’une incessante activité, aux divers sacrifices. Au fond, il aimait ce qu’il faisait; il se donnait tout entier au cinéma. Derrière ses imprécations, il y avait les hautes exigences qu’il s’était imposées et auxquelles il voulait répondre. Il ne se considérait pourtant pas comme un artiste, bien que, sans aucun doute, il le fût. «Je suis un artisan» répéta-t-il jusqu’à la fin de sa carrière. «Les résultats obtenus dépendent toujours de la connaissance du métier» affirmait-il. Le réalisateur Kazimierz Kutz a écrit naguère que l’intelligence de Kieślowski dépassait ce qu’il pouvait et ce qu’il savait montrer à l’écran. Peut-~tre en était-il ainsi. Cependant, son rayonnement s’exerçait non seulement à travers ses films, mais aussi à travers la sagesse qui se dégageait de ses réflexions, accessibles aujourd’hui dans des textes dispersés et des entretiens publiés. Dans la réflexion de Kieślowski – sur la vie, sur l’art, sur le cinéma – il y avait beaucoup d’humilité aussi bien à l’égard de ses propres capacités qu’à l’égard des outils dont il se servait en tant que réalisateur. Le respect pour le métier allait chez lui avec le courage de l’expérimentateur, pourtant peu attiré par la pratique de «l’art pour l’art». Cette façon de penser, dans laquelle l’éthique professionnelle et les questions des limites à ne pas franchir pour ne blesser personne sont importantes, est parfois aujourd’hui étrangère aux animateurs de la culture de masse. Ils savent que le sensationnel et le scandale se vendent mieux, que la violation de l’intimité et le fait d’épater avec la prétendue transgression des «tabous» excitent plus. Kieślowski croyait que tout n’était pas permis, que tout n’était pas à vendre. Juste avant sa mort, il disait à ses étudiants: «Dans l’art contemporain trop de choses ont déjà été dévoilées, découvertes, il faut peut-~tre cacher quelque chose maintenant…». Il affirmait aussi qu’il ne fallait pas chercher à tout prix la modernité, qu’il valait la peine de puiser dans l’ancien, tout en cherchant des modes de représentation contemporains.
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15 Lone Sherfig, danish director: …We learned „The Dogma“ from Kieślowski’s „The Decalogue“. He showed us, how to express the complex meanings in a simple way. Juliette Binoche, actress: …Thanks to Kieśłowski, I am today the person, I am. Not only as an actress. Marina Fabbri, italian theatrical critic: … His characters – regardless of whether it is a night porter, a doctor, a dancer, a killer with a weak-willed mind, a young clerk in love or anxious girls like Irène Jacob (…) – all of them, without any exception, stay in the memory as the persons, with whom we could experience something common… Krzysztof Piesiewicz, Krzysztof Kieślowski, 1993
I know that it is an unfashionable, archaic definition. But it seems the most adequate to me. In a sense, Kieślowski was old-fashioned. His carrier to a large degree was „against the stream” of prevailing fashions, trends, thinking habits. The same concerned his conduct – he was straightforward, modest, and distant, but not deprived of the warmth; he used to make jokes, and play the fool. He was not a poseur, and he was not exalted; he did not pretend that he was somebody else. He was himself. In his Master’s thesis he wrote that: „only an honest man will make an honest film” and he tried to be faithful to this motto. From the time perspective, it can be clearly seen that his life was consistent with his creation. And his creation was very much saturated with the autobiographic aspects. He put in it everything, he had, his full personality. His technique from the film to the film was becoming richer, more comprehensive, and in a better and better way it conveyed the thought, which he wanted to communicate as a director. Without this continuously perfected technique no multilayer character of the reception of his films would have been possible, nor that of these meanings and over-meanings allowing for the multitude of interpretations. However, the creator of „The Three Colors” was rarely satisfied with the achieved artistic results. He was a pitiless critic of his own person. Besides, he used to say that he appreciated the literature more than the cinema, because the literature probes into the soul more piercingly and more deeply than the cinema does. He often complained about the accidentally chosen by him profession – the profession of a director; he even cursed it. He associated it with the arduousness of work, a necessity to be continuously active, and to make sacrifices. As a matter of fact, he loved what he did; he devoted himself boundlessly to the cinema. Beneath the curses the demands hid, which he made on himself, and which he wanted to meet. However, he did not consider himself to be an artist, even though he undoubtedly was the one. – I am a craftsman – he repeated, even at the end of his carrier. – The achieved results always depend on the knowledge of technique, he said. Kazimierz Kutz wrote once that Kieślowski’s intelligence was bigger than what he could and was able to show on the screen. Perhaps it was true. However, he exerted the influence not only by means of his films – also by means of the wisdom, which emanated form his reflections, today available in the scattered texts and published interviews. There was much humbleness in Kieślowski’s thinking about life, art, and the cinema – both towards his own possibilities, and in relation to the tools, which he used as a director. With him, a respect for the technique corresponded with a courage of an
Louis Malle, frenche director: I like the films, which the viewer quits not knowing how to give the equivocal answers. It is rare in the cinema. Therefore I like Your films… Piotr Sobociński, cinematographer: – Krzysztof knew the film craft, like hardy anybody, inside out. He had an idea about the space, which camera describes; he was well-versed in the technical possibilities and the applications of the lens, not mentioning his knowledge of editing and ability to work with actors. As a matter of fact he had a rare talent of precise transposition of his own imagination onto the picture, and even onto the film’s frame. Sławomir Idziak, cinematographer: – Directors often do what they have in their heads, not knowing that the realized film has its own life. Krzysztof knew that. His artistic ability was a result of the awareness that what we create is one thing, and how the viewers will perceive it, is something else. It was very important for him to probe into the sphere of impact of what he filmed. So he continuously looked for the feedback, how his work may be received. He made the mirror out of his colleagues and acquaintances…
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16 Le père Józef Tischner, philosophe: «...Quand certains artistes montraient le drame de l’espoir polonais, quand d’autres veillaient à la mémoire des souffrances polonaises, et quand d’autres encore se préoccupaient du pouvoir et du pain, il allait plus en profondeur et il montrait une f~lure au fond de l’homme. Il faisait entrer la lumière de la vie au milieu des f~lures humaines et il parlait de la possibilité d’une réconciliation». Sydney Pollack, réalisateur américain: «...La manière dont Kieślowski faisait quelque chose d’exceptionnellement humain à partir d’idées abstraites, était vraiment impressionnante ». Michelangelo Antonioni, réalisateur italien: «J’ai vu douze fois «Tu ne tueras point» et je n’en ai toujours pas assez…» Irène Jacob, actrice: «Il n’y a que dans les films de Kieślowski que j’ai pu montrer pleinement ce dont je suis capable …» Andrzej Wajda, réalisateur polonais: « …Quand sous l’état de guerre nous étions tous égarés et désorientés, lui seul savait où aller. Selon moi, sa plus grande réussite est paradoxale. Il est en fait allé à contre-courant de la tradition cinématographique polonaise. La plupart des films polonais étaient d’une façon ou d’une autre, politiques: nous voulions prendre position vis-à-vis de la société et de l’histoire; Kieślowski a emprunté, à l’époque, un chemin tout à fait différent: un regard sur la vie contemporaine à travers la psychologie et la spiritualité. Il est apparu qu’il avait raison…»
Zbigniew Preisner, Agnieszka Holland, Krzysztof Kieślowski, 1992
Et pourtant son cinéma naissait d’une grande passion, d’un intér~t authentique pour les questions qu’il abordait et d’une envie puissante de décrire l’indescriptible avec la caméra et de sonder l’insondable. Depuis ses premiers essais d’étudiant jusqu’aux dernières réalisations, il plaça l’homme au centre de la réalité de ses films. Homme réel, vivant, non-inventé. Tel que lui-m~me le connaissait. Avec des défauts et des qualités, avec de la beauté et de la laideur. Avec ses contradictions et les relations compliquées qui l’unissent avec les autres et avec lui-m~me. Voilà l’homme dont il cherchait à faire le portrait. Il jetait une lumière sur nos multiples enchev~trements dans le monde. Il montrait les heurts: avec l’entourage le plus proche, avec la famille, avec le pouvoir, avec la société et aussi, avec soi-m~me. Il cherchait à le raconter d’une façon aussi simple que possible, mais non populacière et calculée en vue de produire un effet facile. Il ne cherchait pas ses héros dans les marges pittoresques de la société. Il était plutôt le promoteur de l’ordinaire, du commun. C’est là qu’il cherchait l’inspiration et les sujets. Il se souciait de l’authenticité, de la vérité émotionnelle, de la crédibilité et de la fiabilité dans la vie de ce qu’il montrait à l’écran. Et c’est sans doute pour cela justement, que dans les personnages, les images et les situations des films de Kieślowski nous nous retrouvons si souvent nousm~mes: nos questions, nos craintes et nos angoisses existentielles, nos recherches incessantes. Nous retrouvons-nous dans les productions d’aujourd’hui, qui souvent fascinent par la beauté de l’image et les effets spéciaux? Sans doute parfois oui, mais on y voit de moins en moins ce qui perce à travers les films des grands maîtres, y compris à travers les meilleures oeuvres de Kieślowski: une représentation sagace des multiples enchev~trements du destin humain et une recherche fervente d’un sens dans ce monde turbulant. Kieślowski traitait le spectateur comme un partenaire de discussion; par l’intermédiaire des images animées il posait des questions importantes, parfois m~me philosophiques; dans la mesure de son possible, il humanisait ses films: grâce à eux il nous sensibilisait. Cela vaut la peine de revenir à ses oeuvres et de le suivre…
Stanisław Zawiśliński – journaliste et éditeur. Auteur de la première biographie de Krzysztof Kieślowski («Kieślowski - ważne, żeby iść...» [«Kieślowski. L’important est de faire le chemin…»], Varsovie, 2005), récemment publiée, et de nombreuses publications sur le cinéma polonais et ses artistes.
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17 Józef Tischner, professor priest, philosopher: …When some artists showed the tragedy of Polish hope, and others guarded the memory about Polish suffering, and still others were anxious about the power or the bread, he reached deeper, and he showed a crack in human depth. He let the light of life into the middle of human cracks, and he told about the possibility of reconciliation“. Sydney Pollack, american director: „It was impressive, how Kieślowski out of abstract ideas created something exceptionally human“.
experimenter, who was nevertheless not interested in exercising „art for art”. This way of thinking, in which the professional ethics and the questions for the boundaries, which should not be overrun not to hurt anybody, today is quite strange to the animators of mass culture. They know that sensations and scandals sell the best, that violating privacy and shocking with breaking down „the taboos” is the most thrilling. Kieślowski believed than not everything was permitted, and that not everything was for sale. Short before his death, he told his students that: „in the contemporary art to much has been already revealed, disclosed, and perhaps now one should cover something…”. He also believed that one should not look for novelties at any price – it is worth to reach to that, which is old and look for the new ways of presenting it. And yet, his cinema was being born out of great passions, an authentic interest in the matters, which he brought up, and a great willingness to describe by means of the camera that which is untold, and explore that, which is unexplored. From his first student etudes to the last realizations, he placed a man in the center of his film reality. A man, who is real, alive, and not made up. The man, he himself knew. He tried to portrait just such a man. He enlightened our numerous entanglements into the world. He showed the clashes – with the closest environment, the family, the authorities, the society, and also with himself. He tried to tell about it in a possibly simple way – but not coarse or flashy. He did not look for his heroes on the attractive for a viewer social margins. He was rather a promoter of ordinariness and colloquialness. There he looked for inspirations and subjects. He cared for the authenticity, emotional truth, reliability, and possibility to verify in real life everything, which he showed on the screen. And surely because of that, so often we find ourselves in the characters, pictures, and situations from Kieślowski’s films – we find there our questions, existential fears and anxieties, and continuous quests. Do we find ourselves in today’s productions, frequently fascinating with the beauty of picture and special effects? Surely, sometimes we do, but less and less often they contain that, which emanates from the films of the great film masters, including the best Kieślowski’s works – a penetrating reflection of manifold entanglements of the human fate and passionate search for any sense in this twisted world. Not only Kieślowski knew how to humanize his films – thanks to them he humanized us, the viewers. Therefore it is worth to follow him… Stanisław Zawiśliński – journalist and editor. The author of the recently published biography of Krzysztof Kieślowski („Kieślowski – it is important to keep going…“ ) and numerous publications about the creators of the Polish cinema.
Michelangelo Antonioni, director: – I have seen „The Short Film About Killing“ twelve times, and I do not have enough… Irène Jacob, actress: – Only in Kieślowski’s films I could fully show, who I am capable of becoming. Andrzej Wajda, polish director: …When during the martial law we were all lost and disoriented, he was the only one, who knew, where to go.. In my opinion, his biggest accomplishment is paradoxical. Actually, he went against the stream of the Polish film tradition. The majority of Polish films were one way or another political – we wanted to relate somehow to the society and the history, and at that time Kieślowski chose quite a different path – looking at contemporary life through the prism of psychology and spirituality. It turned out that he was right…“
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PEU IMPORTE OÙ L’ON PLACE LA CAMÉRA, L’IMPORTANT EST POUR QUOI IT IS NOT IMPORTANT, WHERE ONE SETS THE CAMERA – IT IS IMPORTANT – W
Sur le plateau de « La Cicatrice » avec le chef-opérateur Sławomir Idziak et l’assistant Krzysztof Wierzbicki On the location of „The Scar” with the cinematographer Sławomir Idziak and the assistant Krzysztof Wierzbicki
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KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI
LA DRAMATURGIE DE LA RÉALITÉ (EXTRAITS DU MÉMOIRE DE MAÎTRISE DE KIEŚLOWSKI)
Mémoire de maîtrise Master’s thesis
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ndré Bazin a dit que le cinéma recourait à la littérature quand il ne trouvait pas de stimulants dans les inventions techniques, quand la largeur de l’écran et la couleur de l’image ne décidaient plus du développement de ses moyens d’expression, quand le fait m~me du mouvement ou du son cessait de fasciner. Il n’avait pas à l’esprit les thèmes et les personnages, mais la langue, les modèles structurels et dramaturgiques. Fatigué et usé par sa langue, le film documentaire devrait puiser dans la réalité, chercher en elle la dramaturgie, l’action, le style. Il devrait créer une nouvelle langue qui résulterait d’une transcription de la réalité plus précise qu’elle n’a été jusque-là. Il s’agit de faire un pas qui serait la conséquence de tous les manifestes écrits par les documentaristes, la conséquence de la formule flahertyenne: «La caméra est un instrument de la création». L’action, la surprise, la chute – tellement importantes dans la dramaturgie classique; la suspension, le nondénouement des trames désordonnées de l’intrigue – tellement importants dans la dramaturgie contemporaine: tout cela n’est pas inventé, c’est bien l’imitation de la réalité (vue différemment). Il s’agit non pas de l’imiter, de la feindre, mais de la prendre telle quelle. Justement avec son manque de chutes, avec son ordre et son désordre à la fois, elle
est la plus moderne et la plus vraie parmi les structures. A part le film documentaire, il n’existe pas de méthode pour enregistrer cette structure. Le film documentaire devrait utiliser jusqu’au bout ses possibilités et sa particularité. Sa chance est là. En pensant à la dramaturgie de la réalité, j’ai demandé à quelques personnes – une étudiante en maîtrise d’histoire, un soudeur et une fonctionnaire – de noter en détail les activités accomplies dans la journée. N’ont pas été notés les dialogues, les pensées, les états d’âme, les réminiscences, les r~ves. Seulement les événements accessibles à la vue et à l’ouïe. Tous les textes étaient des scénarios de films passionnants. Nous avons l’habitude de dire que la vie est un scénario tout pr~t, mais seulement des feuilles de papier remplies nous en fournissent une preuve criante. Je ne suis pas en train de postuler la réalisation de tels scénarios (ce qui est d’ailleurs impossible en ce moment, ne serait-ce que pour des raisons techniques), ce postulat étant proche des tendances en vogue en deuxième année de l’Ecole de Cinéma, tendances à fixer la caméra à l’angle des rues pour filmer la circulation pendant, disons, une heure, cependant que, dans la version idéale de cette conception, l’auteur irait prendre une bière. Les cinéastes révoltés qui présentent dans les festivals des films de huit heures sur un homme qui dort ou des films de dix heures sur un enfant qui dort (l’enfant étant censé dormir plus longtemps) ne s’écartent pas beaucoup de cette méthode. Malgré l’absurdité artistique de ces essais (car sur un autre plan, ces films peuvent ~tre utiles, par exemple pour la médecine) – qui restent dans un rapport plat à la réalité – ils sont, d’une certaine manière, instructifs. Nous apprenons notamment que les personnes qui ont résisté un certain temps à la projection, ont été émues quand l’homme
a ronronné et leur tension a atteint son apogée lorsqu’il s’est retourné sur l’autre flanc. Cette longue digression n’a d’autre objectif que de rappeler que l’importance dramatique et dramaturgique d’un événement ne peut ~tre jugée que d’après le contexte. Il faut vraiment en ~tre conscient quand on veut filmer la réalité où aucun événement, qu’il soit petit ou grand, ne pourra ~tre inventé par nous, où la configuration, la chronologie et les relations entre les événements seront réelles et ne pourront pas ~tre librement changées. Ces exemples sont évidemment absurdes car dans ce type de films, le travail de l’auteur se réduit à placer la caméra. Le film est fabriqué par la caméra, ensuite par la développeuse, la tireuse et ainsi de suite. La machine est l’auteur. Il se peut que ce soit la conclusion finale de la théorie de la dramaturgie de la réalité, pourtant il ne s’agit pas de tirer des conclusions extr~mes mais de tirer des conclusions raisonnables. L’invasion des moyens de communication de masse transforme lentement mais inéluctablement la conscience du spectateur. Le caractère de la perception change. Marshall McLuhan, théoricien de l’approche de la culture post-alphabétique, prétend que le développement des moyens de communication de masse finira par supprimer complètement la communication imprimée. La vision de McLuhan, souvent plus technicien qu’humaniste, vision de petites caméras dont les enfants apprendront l’utilisation à l’école primaire, vision de filmothèques et d’adaptateurs TV, est en fait une vision du monde dans le quel le mot imprimé ne sera tout simplement plus nécessaire. McLuhan exagère sans doute, car il ne prend pas en compte l’intégration de la culture humaine et sa continuité. L’invention de la télévision, comme celle de l’imprimerie jadis, révolu-
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DRAMATURGY OF REALITY
(FRAGMENT OF MASTER’S THESIS)
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ndré Bazin wrote that at times the cinema does not find any stimuli in technological inventions – when it is not the screen width or the colours of picture, which decide about development of its means of expression, and when the mere fact of movement or sound ceases to fascinate – the cinema refers to literature. He did not mean any film topics or characters – he meant language, as well as structural and dramaturgic patterns. Documentary film, already weary and destroyed by its language, should reach to the reality, and look for dramaturgy, action, and style in it. It should create a new language resulting from more precise than hitherto existing record of reality. The point here is to make a step, which will be a consequence of all manifests wrote by documentary filmmakers, a consequence of Flaherty’s statement that a camera is a tool of creation. An element of action, surprise, punch line – so important in classical dramaturgy; an element of suspension and non-denouement of unordered threads – so meaningful in contemporary dramaturgy – all these elements are not made up, but they constitute an attempt to imitate (variedly seen) the reality. The point is to cease imitating it and pretend, but take it as it is. Just with its lack of punch lines, its concurrent order and mess – it is the most modern and the most truthful structure. Apart from documentary film, no method allowing recording this structure exists. Documentary film should exploit this possibility in full, and take advantage if its individuality. This is a chance. Thinking about dramaturgy of reality I asked a few persons – a student of the last year of history, a welder, and a clerk – to write down precisely all actions performed during a day. No dialogs, thoughts, moods, recollections, or night dreams, were recorded. Only events available for vision and hearing. All texts were fascinating screenplays. We are used to say that life is a ready screenplay, however only written down sheets of paper provide a glaring proof of it. I do not mean (anyway, it is not possiPremiers pas derrière la caméra, au milieu des années 60. First steps behind the camera, mid-sixties.
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KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Kieślowski acteur dans « La Visage », un film d’étudiant réalisé par Piotr Studziński (1966) Kieślowski as an actor in the student etude „The Face” by Piotr Studziński (1966)
tionnera la perception mais elle ne changera pas la continuité de la culture, son caractère. L’art contemporain se sert de plus en plus souvent des moyens audiovisuels: ceux-ci transforment notre mode de penser. Nous commençons à penser avec l’image, avec le son, avec le montage. Les déviations professionnelles des cinéastes d’aujourd’hui seront demain les déviations de l’humanité. Elles deviendront alors une norme. Malgré tout, je ne crois pas que les bandes dessinées remplacent les livres. Depuis son invention qui marqua la naissance de la littérature, l’imprimerie n’a quand m~me pas délogé les éléments existant dans la culture et qualifiés aujourd’hui d’audiovisuels, comme le ballet, le théâtre, la musique, la danse. Seule la hiérarchie changera. Mais m~me cette constatation tellement évidente exige de nous des décisions précises. Le temps dont il est question ci-dessus, est le temps d’une chance pour le film documentaire, pour tirer les conclusions des éléments dramaturgiques contenus dans la réalité. Et m~me si le professionnel ne se distingue plus de l’amateur par son équipement – comme aujourd’hui toute personne peut s’acheter le stylo à plume de la marque utilisée par Huxley – le cinéma continuera à ~tre fait par les artistes. Dans le film postulé, l’auteur continuera à ~tre le plus important. Il découvre le monde pour nous et pour lui-m~me. «Quand nous commençons un film, nous ne savons pas ce qui constitue l’essence de son sujet. Le film m~me nous permet de pénétrer dans le sujet, de comprendre le sens de l’affaire, de voir les fils qui l’unissent.» (Richard Leackock) «Etre au bon endroit au bon moment, comprendre ce qui devrait se passer, ce qu’il faut photographier au moment de l’événement, ~tre ouvert et souple pour photographier l’indispensable… L’individualité du réalisateur se manifeste beaucoup plus dans le choix de l’événement et dans la façon dont il l’exprime que dans l’influence exercée sur les événements. C’est une subjectivité non pas
de la mise en scène mais de la reproduction.» (Robert Drew) «Le plus important est de transmettre le sentiment de participation à l’événement.» (Richard Leackock) Je cite si souvent les avis de Leackock et de Drew car ils correspondent exactement à ce que je veux exprimer. La pratique précédait leurs paroles, des récits sur leurs films provenant de plusieurs sources (très différentes), renforcent mes convictions. Il faut seulement sauter l’étape de la recherche des prétextes qui nous ont toujours servi dans la réalisation. Il faut atteindre ce qui est le contenu de l’art depuis l’origine du monde: la vie de l’homme. De la vie m~me, il faut faire à la fois le prétexte et le contenu du film. Telle qu’elle se présente, qu’elle dure, qu’elle se poursuit. Avec tout ce qu’elle apporte de bon et de mauvais. Il s’agit d’un film sans conventions artistiques, il s’agit de faire parler la réalité au lieu de parler de la réalité. D’instaurer à la place du commentaire d’auteur, une relation de partenariat entre le spectateur et le réalisateur. (…) Du point de vue pratique, le sujet impose tout: le commencement de la réalisation, le lieu et la durée du film. Il n’y a ni scénario ni documentation. L’équipe ne s’occupe que de l’enregistrement. L’auteur, celui qui connaît le déroulement des événements, est le maître du matériau. La
fonction du montage n’est pas la chasse au bon morceau, il sert comme la photo, à rendre fidèlement l’ambiance de condensation du temps et de l’espace. Il est entièrement conditionné par le rythme et le cours des événements, il n’essaie jamais de construire, tout au plus il ordonne. La théorie de la dramaturgie de la réalité mène à des conclusions évidentes, on peut parfaitement bien imaginer un film né de sa stricte application. Ce sera un film psychologique sur l’homme, un film à l’action strictement fictive, réalisé selon une méthode strictement documentaire. Il sera en concurrence avec le western, le mélodrame, le film policier, psychologique ou de mœurs. Il ne remplacera pas, au cinéma, Wells et Fellini, mais il remplacera beaucoup de réalistes d’aujourd’hui. Car la réalité, et nous nous en apercevons souvent, est justement mélodramatique et dramatique, tragique et comique. Elle abonde en surprises et en régularités, en tensions psychologiques et en déroulements dont résultent des pensées et des réflexions allant bien au-delà de l’image photographiée et du son enregistré. «Dans nos recherches infinies du sens des choses, de leur essence et de la vérité, de nombreuses déceptions nous attendent, mais nous devrions reprendre constamment cette poursuite, non seulement pour le but lui-m~me, mais aussi pour le chemin qui y mène…» (Evald Schorm). (1968)
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ble for technical reasons) the realization of such screenplays. Hence such a postulate is close to popular during the second year of Film School tendencies to set a camera on the corner of the street and film the traffic, for ex. for an hour, when the author in the ideal of this concept should drink a beer. Close to applying this method are rebellious filmmakers, who present 8-hour films about a sleeping man, or 10-hour films about a sleeping child (because a child should sleep longer) on festivals. Despite artistic absurdity of such attempts (otherwise such films may be useful for medicine) – in no way relating to reality, such films are in a certain way educative. As it turns out, the people, who managed to keep watching them for some time, got excited when the man mumbled, and the tension reached its peak, when he tossed himself. This long digression is only to remind the fact that dramatic and dramaturgic importance of any event may be evaluated only according to the context. One should become precisely aware of this fact, when thinking about filming the reality, in which we will not be able to make up neither any big nor small event, and when the arrangement, chronology, and relations among events will be real, and impossible to change freely.
The above-provided examples are of course absurd, since in the films in question, the authorship is limited to setting the camera. The film is made by a camera, and next by a developing machine, a copier, etc. A machine is an author. It is possible that it is the final conclusion derived from the theory of dramaturgy of reality, but it is not the point to draw the final conclusions, but the reasonable ones. Invasion of mass media slowly, but inevitably transforms viewer’s awareness. The nature of perception changes. The creator of culture in the upcoming era of post-alphabetic culture, Marshall McLuhan, claims that development of mass media will lead to a complete decline of printed communication. Mc Luhan’s vision – who is more a technician than a humanist – of small cameras – operating whereof children will learn in elementary schools – of film libraries and TV peripheral devices – is actually a vision of the world, where a printed word will simply not be needed. Probably McLuhan exaggerates – he does not take into account the integration of human culture and its continuity – an invention of TV, similarly as that of the printing in the past – will revolutionize perception, but it will not change the continuity of culture and its nature. Contemporary art more and more frequently uses audio-visual means – they initiate change in the manner of thinking. We begin to think by means of picture, sound, and editing. Today’s professional bents of film makers tomorrow will be the bents of mankind. Then these bents will become a norm. Despite that, I do not believe that comic books will replace printed books. After all, printing, from the moment of invention whereof the literature began, did not supersede the elements existing in the culture – today known as audio-visual, such as ballet, theatre, music, and dance. Only their hierarchy of importance will change. But even such, surely obvious thesis, requires that we make specific decisions. The time in question is a time of a chance of documentary film, which draws conclusions from dramaturgic elements contained in reality. And even though a professional will have the same
equipment as an amateur – as today everyone may buy a pen of the brand used by Huxley – the film will continue to be made by artists. In the postulated film, the author will continue to be the most important. He discovers the world for us and for himself. […] On should skip over the stage of searching for pretexts, which have been always helpful at film production. One should reach at what has been the content of art from the beginning of the world – the human life. Life itself should become a pretext and the content of film at the same time. The way it looks, it lasts, and the way it goes on.
WITH ALL OF ITS INVENTORY
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mean here the film without any artistic conventions. Instead of telling about the reality – it should be telling by means of it. Instead of author’s commentary – it should be a partnership relation between a viewer and a producer. […] The theory of dramaturgy of reality leads to the obvious conclusions – the film made by means of the consequent implementation of such theory can be perfectly imagined. It will be a psychological film about a man, a film with strictly fictional action, realized by means of strictly documentary method. Such film will compete with Western, melodrama, criminal, psychological, and drama film. It will not replace Welles or Fellini in the film art, but it will replace many realists. Since the reality, which we frequently catch ourselves finding out, is melodramatic and dramatic, tragic and comical. It is full of surprises and regularities, psychological clashes and the course, wherefrom thoughts and reflections result, reaching far ahead of shot picture or recorded sound. „In the never ending search for the sense of things, their essence and the truth, we will encounter numerous disappointments, but we should always begin doing it anew, not only for the purpose itself, but for the mere way towards achieving it (Evald Schorm)…”. (1968)
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Photos réalisées par Krzysztof Kieślowski à l’époque de ses études à l’école de cinéma à Łódź The pictures taken by K. Kieślowski during his studies in the film school in Łódź
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SUR LE FILM DOCUMENTAIRE AB
De gauche à droite : avec l’ interprète principale de « Premier amour » et le chefopérateur Jacek Petrycki (1974) ; sur le plateau de « La Photographie » (1974) et du documentaire non terminé « An pays de Żeromski » (1976)
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endant 10 ans j’ai fait des films documentaires. J’aimais ce genre, je l’ai abandonné à regret et avec un sentiment de honte; je me sentais comme un homme qui fuit un navire qui coule au lieu de le sauver ou de couler avec lui et les honneurs. Le film documentaire a coulé. Il a disparu face au manque général d’intér~t et aujourd’hui, j’observe avec admiration les gens qui prétendent qu’il existe et qui essaient de le prouver en faisant tout simplement des films.
La matière du film documentaire c’est la réalité, quelque chose qui existe réellement: des gens authentiques, des événements authentiques, d’authentiques sentiments, états d’âme, visages, pensées, une larme authentique. L’essence de ce genre réside dans le rapport personnel et subjectif de l’auteur à l’égard de tout cela, rapport exprimé à travers la construction du film (ou la dramaturgie, si l’on préfère) et obtenu par un travail de bénédictin, fabuleusement intéressant, dans la salle de montage. Le film documentaire ne parle pas de l’auteur; il parle du monde et des gens du point de vue de l’auteur. L’acuité, la netteté, la crudité de ce regard d’auteur donne du poids au film. Pour cette raison, bien qu’ils se servent des événements réels et des gens
authentiques, les comptes rendus d’un match de foot, les relations de la guerre du Golfe durant des journées entières, l’image d’Armstrong posant le pied sur la Lune, transmise sur Terre par une caméra, ou un reportage télévisé sur une antilope dévorée par un lion, ne sont pas des films documentaires. Car ils reposent sur le principe fondamental de l’objectivité du compte rendu. Le film documentaire existe-t-il encore aujourd’hui? J’espère que oui et que je pourrai m’en assurer ici, à Yamagata.
(texte écrit pour le Festival du Film Documentaire de Yamagata)
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ABOUT DOCUMENTARY FILM
From the left: with the leading actress of „First Love” and the cinematographer Jacek Petrycki (1974); on the location of „The Photograph” (1968) and the unfinished documentary film „Land of Żeromski” (1976)
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or ten years I have been doing documentary films. I loved this genre and I quit it with regret and shame; I felt like a man, who runs away from a drowning ship instead of saving it or sink with honour. Documentary film has drowned. It has disappeared accompanied by general lack of interest and today I admiringly observe people, who say that it exists and they try to prove it by simply making films.
The reality is the matter of documentary film, and it is something, which really exists; true people, true events, true feelings, moods, faces, thoughts, and a true teardrop. The essence of this genre is author’s personal, subjective relation towards all this, usually expressed by means of film’s construction (dramaturgy – if you like), and achieved in laborious and fantastically interesting work in the editing room. Documentary film does not tell anything about an author; it tells about the world and people from author’s standpoint. Sharpness, expressiveness, and flagrancy of this author’s look confer importance on the film. Therefore, sportscasts from soccer’s match, all day lasting reports from the
war in the Gulf, the camera transmitting to the Earth the picture of Armstrong putting his foot on the Moon, and a TV report about an antelope devoured by a lion – despite the fact that they describe real events, are not documentary films. Since their key assumption is objectivity of reporting. Does documentary film exist today? I hope it does, and that I will find it out here, in Yamagata.
(text for the Festival of Documentary Films in Yamagata)
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KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI
L’HISTOIRE D’UN FILM MERCREDI
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ntretiens avec des comédiens, non plus pour le rôle principal, mais pour des rôles secondaires. Avant tout, je veux les rencontrer: je ne connais pas le marché ici, c’est mon premier grand film en dehors de la Pologne. Nous parlons de la vie, parfois ils lisent des bouts du rôle. La production m’a mis dans un bureau, derrière un bureau. Je ne me sens pas bien derrière un bureau, mais où pourrais-je bien me mettre? On ne peut pas travailler dans un café, il y a trop de bruit. J’essaie d’enlever le bureau, mais alors il n’y a pas d’endroit où mettre les papiers, les notes, les scénarios. Je reste donc dans cet endroit stupide, et les acteurs qui viennent me voir doivent avoir l’impression de passer un examen. Dans chaque conversation il faut d’abord franchir cette barrière. Ce qui, en gros signifie qu’il faut que chacun ait les m~mes chances. Si je leur demande ce qu’ils ont r~vé cette nuit, je leur raconte également mon r~ve. Je veux essayer de les connaître vraiment, pas seulement voir de quoi ils ont l’air et de quelle technique ils disposent. Les conversations dévient donc souvent vers des régions intéressantes, inattendues. Une comédienne de trente ans me raconte que lorsqu’elle est triste, elle sort dans la rue, dans la foule. Ce n’est pas la première fois que j’entends ce genre d’histoire en France, ça me semble ~tre une pure fiction littéraire, je lui demande donc des détails. Pourquoi sort-elle? Que peutil arriver dans la rue à une fille triste? Quelque chose de concret, un exemple. Elle se rappelle une histoire qui lui est arrivée il y a six ans. Elle vivait alors un moment difficile, elle est sortie. Dans la rue, elle a croisé le célèbre mime Marcel Marceau. C’était déjà un vieil homme. Elle l’a croisé puis elle s’est retournée pour le regarder encore une fois. Lui s’est également retourné et lui a soudain souri. Il est resté là quelques secondes, à lui sourire, puis il a continué son chemin. «En fait, il m’a sauvé la vie à ce moment-là», me dit l’actrice de trente ans, et à cet
ous faisons des bouts d’essai pour le film que je dois commencer bientôt. Le film sera français avec une petite participation polonaise, les bouts d’essai se tournent à Paris. Le cinéma est pareil dans le monde entier: on m’attribue un coin dans un studio, il y a là un canapé, une table, des chaises, tout ça au petit bonheur. Dans cette imitation d’intérieur, mes commandes menaçantes semblent grotesques: silence! moteur! action! Une fois de plus, la pensée que je fais un métier qui n’est pas sérieux me tourmente. Il y a quelques années, le journal français «Libération » avait demandé à une dizaine de cinéastes pourquoi ils filmaient. A l’époque, j’avais répondu: «Parce que je ne sais rien faire d’autre.» C’était la réponse la plus courte à cette enqu~te et c’est peut-~tre pour cela qu’elle avait été remarquée. Mais peut~tre aussi parce que nous tous, cinéastes, avec les mines que nous tirons, avec tout l’argent que nous dépensons en faisant des films et celui que nous gagnons, avec ces apparences du grand monde, nous avons souvent le sentiment de l’absurde dans notre travail. Je comprends Fellini et beaucoup d’autres, qui reconstruisent une rue, une maison ou m~me une mer artificielle en studio: de cette façon, il y a moins de gens qui sont spectateurs de cette fonction honteuse et si peu sérieuse qu’est la mise en scéne de cinéma. Et, comme souvent dans ce genre de moments alors quelque chose – au moins l’espace d’un instant – fait disparaître cette impression d’idiotie. Cette fois, ce sont quatre jeunes actrices françaises. Dans ce lieu désigné par le hasard, avec des costumes inappropriés, faisant semblant d’avoir accessoires et partenaires, elles jouent d’une façon si belle que tout devient réel. Elles disent un bout de dialogue, elles sourient ou elles sont tristes, et soudain je comprends le pourquoi de tout cela. Quatre actrices formidables. Ça va ~tre difficile de choisir.
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endroit s’arr~te la fiction littéraire, car ce qu’elle dit est complètement sérieux, je le crois. Pendant un moment, nous nous demandons si Marcel Marceau n’a pas vécu en réalité rien que pour cela, pour sauver la vie de cette actrice française, alors qu’elle était plus jeune. Peut-~tre que tout ce qu’il a fait, tous ces spectacles et toutes ces émotions qu’il a fait vivre à d’autres gens n’ont pas d’importance comparés à cet événement? «Est-ce qu’il sait l’importance qu’il a eue pour vous?» demandé-je. «Non, répond la comédienne, je ne l’ai plus jamais revu.»
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e lendemain, à nouveau des entretiens avec des comédiens, et un de ces événements que j’aime tant: un hasard minuscule, un détail étrange et surprenant, sans réelle importance. Nous
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KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI an accidental place, in unsuitable clothes, pretending that they have props and partners, they are playing so beautifully, that everything becomes real. They say some pieces of dialog, they smile, and suddenly I understand, why we are doing all this. Four excellent actresses. It will be very difficult to choose the right one.
THURSDAY
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HISTORY OF ONE FILM WEDNESDAY
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creen test for the film, which I am just to begin to make. The film will be French with small Polish participation, so the screen test will be performed in Paris. Cinema is alike all over the world; I get a place in a small shooting room with an accidentally placed sofa, a table, and chairs. In this faked-up interior, my menacing orders sound grotesquely: silence! camera! action! One more time I am being nagged by the thought that I exercise an unserious profession. A few years ago, French
„Liberation” asked a dozen or so directors, why they made films. I answered then: „Because it is the only thing that I can do”. This was the shortest answer to this questionnaire, and may be this is why I was noticed. And perhaps because all the filmmakers, with all the faces we pull, with the money we spend for films, and that which we earn, with all the appearances of worldliness, frequently experience a sense of absurdity of their work. I understand Fellini and many others, who build streets, houses, and even an artificial sea in the studio: fewer people are then watching this shameful and unserious activity, which directing is. And you never know how often, something appears in such moments, which – at least for a while – makes the felling of idiotism disappear. This time these are four, young French actresses. In
alks with other actors continue, not for the leading roles, but for the supporting ones. First of all – I want to get to know them – I do not know this market; it is the first big film, which I make outside Poland. We talk about life; sometimes they read fragments of the roles. The production placed me in the office, behind the desk. I am not comfortable behind the desk, but supposedly where should I seat? I cannot work in a café – it its too loud there. I try to remove the desk, but then there would be no place for papers, notes, and the screenplay. So I stay in this stupid place, and the actors, who come there, certainly have a feeling that they take an exam. So I have to remove this barrier before I proceed to talking. Roughly speaking, this also means equalizing chances. Therefore, the talks frequently moot unexpected, interesting issues. A thirty year old woman says that when she feels sad, she goes out into the street to meet people. I already heard such stories in France a few times, and they seem fictitious to me, so I ask for details. Why does she go out? What can happen to a sad girl in the street? I ask for a fact, an example. She recalls a history, which happened a few years ago. She was experiencing some kind of a breakdown, so she went outdoors. She noticed a famous mime – Marcel Marceau on the street. He was already an old man. She passed by him and she turned back to look at him one more time. He also turned back, and suddenly he smiled at her. He kept standing for a few seconds, he was smiling, and then he went on. „As a matter of fact, he saved me at that time” – says a thirty year old actress, and here the literary fiction ends, because she says it quite seriously, and I believe her. For a while we are considering whether Marcel Marceau lived only to save a then young French actress six years ago. Perhaps all he did, all per-
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cherchons un acteur d’une trentaine d’années. Je reçois un comédien, très grand, plus d’un mètre quatre-vingt-dix, bel homme. Je lui explique qu’il s’agit d’un rôle de professeur. Il hoche la t~te, bien, pourquoi pas. Nous lisons un bout de texte, il le fait très bien. Il demande s’il ne s’agit pas par hasard d’un professeur d’éducation physique. Je dis que oui. Il hoche de nouveau la t~te. Je lui dis encore qu’il s’agit d’un professeur d’éducation physique dans une ville de province, nous tournerons à Clermont-Ferrand. Là, il sourit carrément. Je lui demande ce qui l’amuse. «C’est parce que j’ai été moim~me professeur d’éducation physique à Clermont-Ferrand pendant trois ans.» Juste après lui, je rencontre un vieux comédien formidable. Je l’ai vu dans «Un dimanche à la campagne», je voudrais qu’il joue un professeur de musique. Je lui demande donc s’il a des liens avec la musique, s’il joue du piano, s’il sait lire des notes. «Oui, répond-il calmement, je suis chef d’orchestre de profession, et j’ai été pendant dix ans directeur de l’opéra de Marseille.» Lorsque de telles coïncidences se produisent, il me semble que le film doit réussir. Je me demande si cela se vérifiera cette fois.
SAMEDI
J
’ai arr~té ma décision sur une actrice. Ce sera Irène Jacob. Elle a vingtquatre ans mais en fait moins, elle
est petite, mince. Elle est née à Paris, a été élevée en Suisse. J’aime la Suisse, c’est donc un bon signe pour moi. Je demande aux spécialistes si son français n’est pas un problème. «Si elle joue une fille de la province, ça va», déclarent les spécialistes.
DIMANCHE
L
e soir, à la télévision, je vois mon professeur d’éducation physique de Clermont-Ferrand. Il me vante les mérites d’un nouveau déodorant. Avec regret, je me dis qu’il est beaucoup trop grand par rapport à la petite Irène. Il ne pourra pas jouer ce rôle.
VENDREDI
L
es repérages, c’est-à-dire la recherche des décors pour le tournage, c’est la partie la plus fatigante, la plus ennuyeuse et la plus stressante dans le travail pendant un film. En écrivant le scénario, je décris des endroits, je me les imagine. Ensuite, dans la réalité, ces endroits s’avèrent toujours beaucoup moins bien, beaucoup plus laids, avec une disposition moins intéressante, ou alors, lorsqu’ils sont à peu près acceptables, les propriétaires ne sont pas d’accord pour qu’on y tourne. Aucune importance si l’on parle de décors en intérieur ou d’extérieurs, l’effet est toujours le m~me. Quand je reviens d’une journée passée à visiter des appartements, des
salles de concert, des gares, des porches, je suis fatigué et furieux. J’ai passé presque toute la semaine à ces recherches. Lorsque je reviendrai en Pologne, je continuerai à visiter d’autres lieux, car un triers de l’action se déroule en Pologne. Là non plus, je suis sûr de ne trouver aucun des endroits que j’ai décrits. Je ne sais pas pourquoi, il y a dans ma vie une fatalité. Je ne supporte pas les tournages dans les trains et dans les gares. Pourtant, dans chacun de mes scénarios, il y a une scéne qui se déroule dans un train et le héros de chacun de mes films doit passer au moins quelques minutes dans une gare. La m~me chose se passe avec les enfants et avec les animaux. Bien sûr, dans le film que je commence, il y a au moins dix scènes avec des enfants et trois avec un chien. Mais bon Dieu, c’est moi qui les écris, ces scénarios!
VENDREDI
C
e matin, il apparaît qu’il va me falloir retirer tout ce que j’ai écrit hier. Nous avons trouvé la maison qui, dans le film, sera habitée par le père de l’héroïne. Elle est bien mieux que ce que j’avais décrit. «Mieux» signifie dans ce cas qu’elle est plus décrépie, moins bien entretenue, plus grande que ce que j’ai pu imaginer; elle définit parfaitement l’homme qui doit y vivre. La disposition des pièces est également excellente: du couloir, on voit toutes les pièces dont j’aurai besoin pour ma mise en scène, et les larges portes permettront à la caméra de passer sur le sol lisse sans avoir à construire d’échafaudages spéciaux. L’endroit est en plus très calme, vraiment parfait. Dans l’après-midi, tout est revenu à la normale. A la gare Saint-Lazare, où, après cinq heures à tourner en rond, nous avons fini par définir précisément les déplacements de l’héroïne, on nous a refusé l’autorisation de tourner. Bien sûr: on n’a rien sans rien.
MERCREDI
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epuis déjà plusieurs semaines, en fait depuis le début du travail sur le scénario, nous réfléchissons à un titre pour le film. En Pologne, ce genre de choses a toujours été beaucoup plus simple: la publicité autour du film n’a pas
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31 formances and emotions, which he gave people, are of no meaning compared to this event? „Does he know, of what meaning was this meeting for you?” – I ask. „I have not met him any more”.
FRIDAY
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t is the next day with actors, and something happens, what I like so much – a strange, surprising accident concerning details, and quite unimportant things. I am looking for an actor of less than thirty years of age. He comes in – very tall, above 190 cm, handsome. I explain that I am looking for a character of a teacher. He nods, well, why not. We read a piece of text, he is expressly good. He asks whether I mean a PE teacher. I confirm. He nods again. I add that I mean a PE teacher in a provincial town, and the shooting will be performed in Clermond Ferrand. This time he smiles. I ask, what amused him. „Because for three years I was a PE teacher in a school in Clermond Ferrand” – he responds. Right afterwards I meet a wonderful, old actor. I know him from the beautiful film Sunday in the Countryside, and I would like him to play a music teacher. So I ask him, whether he is in any way connected with music, whether he plays the piano, or reads the scores. „Yes” – he quietly responds. – „By profession I am a conductor and for 10 years I was the director of Opera in Marseille”. When such coincidences happen, I have a feeling that the film has to be successful. It is interesting, whether it will turn out true this time.
SATURDAY
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decide, who will be the chief character. She will be Irène Jacob. She is 24 years old, but she looks even younger, she is not too tall and slim. She was born in Paris, and raised in Switzerland. I like Switzerland, so I consider it to be a good sign. I ask experts, how her French is: „As for a provincial girl, it is OK” – they say.
SUNDAY
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n the evening I watch my PE teacher from Clermont Ferrand on TV. He convinces me to buy a new deodorant. I realize, that he is too tall for Irene. I decide that he will not play. And may be it is my dislike for the face associated with the banality of commercial?
FRIDAY
FRIDAY
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n the morning it looks like everything, what I wrote yesterday, will have to be unsaid. Namely, we have found a house, in which chief character’s father will live. It is better than that, which I described in the screenplay. „Better” in this case means that it is more run-down, neglected, and bigger than I could have imagined; it perfectly characterizes a man, who will live there. It also has wonderful communication channels: from the corridor those parts of the rooms are visible, which I will need for staging, and a camera will be able to move along a smooth floor through a wide door without the necessity to build special landings. It is also a quiet place – a true ideal. In the afternoon everything recuperated. Saint Lazare train station, where after 5 hours of stay we determined the precise movements of the chief characters, refused to give its consent to shooting. It is perfectly clear: nothing for free.
ocumentation, i. e. looking for shooting facilities. The most tedious, painful, and stressful part of work over the film. When I am writing a screenplay, I describe some places, and I imagine them. Afterwards, in reality, these places are always much worse, uglier, and more difficult to arrange or – even if they are more or less acceptable – their owners do not consent to shooting. It is of no meaning, whether this concerns natural interiors or locations – the result is always the same. I come back home after a day spent on wandering around apartments, concert halls, train stations, and gates, tired and furious. Almost an entire week lapsed on such searches. When I will come back to Poland – I will also look for shooting places there, since1/3 of film’s action goes on in Poland. I presume I will not find any place there either, which would correspond to the description from the screenplay. I do not know, why it has to be so: I hate shooting in the trains and at the train stations. In each of my screenplays there is a scene, which goes on in the train, and a chief character of each film has to spend at least a few moments at the train station. The same concerns shooting with children and animals. Of course, in the film, which I begin to make, there are at least ten scenes with children and three with a dog. My God, after all, I write these screenplays myself together with Piesiewicz.
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WEDNESDAY
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or a few weeks, and practically from the beginning of the work over the screenplay we have been reflecting over the title of the film. In Poland it was a much easier task, since publicity around the film did not have much meaning, and I made up the title after the film had been already edited. At least I knew, what the film was about, which made the problem easier. Here, one has to provide the title as soon as possible, and the producer is rightfully
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32 Irène Jacob, l’interprete du rôle principal de „La Double vie de Véronique“. Irène Jacob, the leading actress in „The Double Life of Veronique”
les Sonnets de Shakespeare, pensant que lui avait de bonnes idées. Moi-m~me je me surprends, en traversant la ville, en regardant des affiches ou des publicités ou en lisant les journaux, à chercher sans cesse un titre intelligent. Dans le groupe de mes collaborateurs, j’ai annoncé un concours, avec récompense à la clé. Finalement, mais ce ne sera sûrement pas définitif, nous adoptons le titre suivant: «La Double vie de Véronique». Il ne sonne pas mal en polonais, en français et en anglais, il est assez commercial si l’on n’a pas vu le film, et une fois qu’on l’a vu, il en rend assez bien le contenu. Il n’a qu’un défaut, c’est qu’il ne convainc ni moi ni le producteur, et qu’il faudra sûrement en changer dès que le tournage aura commencé.
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L une grande importance, ce qui me permettait de trouver le titre une fois le montage du film achevé. Je savais alors de quoi le film parlait vraiment, ce qui facilitait la tâche. Ici, le titre doit ~tre trouvé le plus tôt possible, et le producteur est fâché contre moi, à juste titre, parce que je ne peux pas me décider. Le titre du scénario était «La Choriste»; disons que ce mot n’a pas une très belle sonorité; en revanche, il définit très bien la profession de l’héroïne, qui chante dans un choeur. Mais cela éveille en France des associations d’idées fâcheuses; quelqu’un, en lisant le titre, se serait exclamé: «Mon Dieu, encore un film catholique polonais!» Sous-entendu: «personne n’irait voir un tel film!» Le nom de l’héroïne dans le film est Véronique, ce qui m’apparaît au début comme un bon titre. Mais ce n’est cependant pas possible. La terminaison de ce
prénom, «nique», désigne de façon peu élégante les activités auxquelles se livrent de temps à autre les hommes avec les femmes! On laisse tomber, bien sûr. Le producteur est un amateur de jazz , il propose donc des titres poétiques d’oeuvres de jazz: «La Fille inachevée» ou «Seuls ensemble», qui me semblent un peu prétentieux, donc nous laissons tomber. J’ai une cinquantaine de titres dans mon carnet de notes, et en fait aucun ne me plaît vraiment. Le producteur insiste. Nous sommes d’accord que le mot «doublure» sonne assez bien, nous avons presque décidé de prendre ce titre, lorsque quelqu’un rappelle que la doublure est aussi un terme vestimentaire désignant l’étoffe qui garnit l’intérieur d’un v~tement. Evidemment, on laisse tomber «la doublure». Tous participent à la recherche d’un titre. Ma femme et ma fille proposent toutes sortes de mots, mon traducteur lit
e tournage de «La Double vie de Véronique» a commencé. Le cinéma, ce ne sont pas les foules, les festivals, les critiques, les interviews. C’est se lever tous les matins à six heures, c’est le froid, la pluie, la boue et des projecteurs très lourds. C’est une activité stressante, à un certain moment, tout doit lui ~tre subordonné. La famille, les sentiments, la vie privée. Bien sûr, un employé des chemins de fer, un marchand ou un banquier vous dira la m~me chose. Il aura sûrement raison, mais moi c’est ce travail-là que je fais et c’est à ce propos que j’écris. J’ai presque cinquante ans, je crois que je ne devrais plus exercer cette profession. Je n’ai presque plus cette chose indispensable pour faire des films: la patience. Je n’ai pas de patience pour les acteurs, pour l’opérateur, pour le temps qu’il fait, pour le temps tout court, pour les choses qui ne se passent pas vraiment comme je l’aurais voulu. Mais en m~me temps, ce n’est pas quelque chose que je peux montrer. Moi, moins que quiconque, je ne peux pas. Cela me coûte beaucoup de devoir cacher mon manque de patience à l’équipe. Je pense que les plus sensibles doivent savoir que je ne me sens pas bien dans cette situation.
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33 angry at me that I am incapable to make any decision in that regard. The screenplay’s title was „The Choirgirl” – let us say that it is not a word, which sounds the best of all, even though it describes relatively well the profession of the chief character – namely, she is a choirgirl. However, it turns out that in France this word arouses bad associations; somebody, having red this title said: my God, again some Catholic film from Poland. This implies that nobody will watch it. The chief character’s name is Veronique, and from the beginning her name seemed to be a good title to me. However, it is not the case. The ending of this name in French – „nique” – describes in a not too much refined manner the activities, which from time to time occur between a man and a woman. We resign from this title, it is clear. The producer is a jazz fan, so he finds poetic titles of jazz compositions: „The Infinite Girl”, „Lonely Together” – which seem to pretentious to me, so we cross them out. I have approximately a few tens of titles in my note book, and as a matter of fact, none seems to be suitable to me. The producer pressures. We both agree that the word „The Understudy” sounds not too bad, and we almost decide to choose this title, when suddenly somebody recalls that the word „under” also implies the underwear, the fact that a man also wears the underpants under his pants. Of course, „The Understudy’’ title is out of the question. Everyone is engaged in looking for a title. My wife and daughter propose various words, and the assistants read Shakespeare’s sonnets believing that he had a good head on his shoulders, whereas I catch myself, driving across the city, reading the posters, announcements, and newspapers, in a continuous search for some intellectual title. In the end, which probably will not be an end at all, we accept the following title: The Double Life of Veronique. It does not sound too bad in Polish, French, and English, it is commercial enough before watching the film, and afterwards it describes relatively well film’s content. However, it has one fault – neither myself, nor the producer is convinced that it is appropriate, and for sure upon beginning the shooting we will have to change it.
SUNDAY
T
he shooting of „The Double Life of Veronique” has been going on. The cinema is not the audience, festivals, reviews, or interviews. It is getting up at six o’clock in the morning; it is coldness, rain, mud, and heavy lamps. It is nervous activity and at some point everything has to be subordinated to it. Family, feelings, and private life as well. Of course, a motorman, a tradesman, or a banker will say the same about his work. And he will probably be right, but I do my work and I write about it. I am almost 50 years old, and I probably should not exercise this profession any more. I am running out of something, which is necessary at making films – the patience. I am not patient with actors, the operator, the weather, waiting, or the fact that nothing works out the way I really want it. At the same time I may not show it. Just me – I simply cannot do it. It costs me so much to hide before the crew my lack of patience. I think that more sensitive persons noticed it, and I do not feel good about this fact.
TUESDAY
T
he biggest man’s role in „The Double Life of Veronique” was to be played by an Italian director Nanni Moretti. I like him and his films very much. He is very masculine and delicate at the same time. He is not an actor. He plays major roles only in his own films. But here – would you believe it – he agreed very much willingly. I met him still long time ago before the shooting. We agreed on dates and type of a jacket that he would be wearing in the film. By the way, it was his own jacket. We also discussed quite serious issues. Today I received a bad news from Paris. He will not be able to play. He got sick. He will be replaced by Philip Volter, a French actor, whom I liked in Music’s Teacher – he behaved very well knowing that I originally wanted Moretti.
SUNDAY
A
break in the shooting will last for three days. We move to France. We bid farewell the Polish technical crew, the assistants, and the actors. In France we will certainly work with
French. A Polish cinematographer Sławek Idziak, who brought in so many good ideas to the film, will go with us, as well as an interpreter Marcin Latałło, and a Polish journalist form Canada, who for unexplained reasons wanted to be an assistant. His name is Staszek Latek. All others will be strangers, who will speak the language, which I do not know (very few speak English), and they will be working in the system, which is different from that, in which I used to work for 20 years.
THURSDAY
M
y worries turned out to be unnecessary. The crew wants to work and its members know their profession. They are nice and surprised that I come as first on location together with a cinematographer, and next, after the shooting, I do not drive away by car, but try to load the trucks. They do not let me do that, because they believe that duties should be strictly divided. I am of quite a different opinion. I know that the film is made by all, and of course everyone is in charge of his own piece, but we are also all responsible for the whole. The is one more issue, a little shameful. Everyone has got something on location. A cinematographer has got a camera and a light meter, a sound man a microphone, the electricians have got the lamps, and so on. I do not have anything. First thing in the morning I give away the screenplay to a script girl, and I wander around the location with empty hands. This creates an impression – otherwise rightful – that I have noting to do here. Of course – I direct. I chat with the cinematographer, I say something to the actors, I issue some orders, I change something in the dialogues, or sometimes I even make something up. But I do not keep anything in my hands. I have recently worked with Wiesiek Zdort, the cinematographer, I did with him The Decalogue 1. He observed me, since we worked for the first time, and we were doing well. Once he said; „A director is a man, who helps everyone”. I liked this simple definition. I repeated it to French persons on duty, who protested when after the location I carried the boxes to their truck. Finally they nodded, and they agreed that I carry these boxes.
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34 MARDI
L
e premier rôle masculin de «La Double vie de Véronique» devait ~tre interprété par le réalisateur Nanni Moretti. J’aime beaucoup l’homme et les films qu’il fait. Il est à la fois très masculin et très délicat. Il n’est pas acteur, il joue seulement les rôles principaux de ses propres films. Mais là, bizarrement, il a tout de suite dit oui. Je l’ai recontré encore peu de temps avant le début du tournage. Nous nous sommes mis d’accord sur ses dates et sur le type de veste qu’il devrait porter dans le film. Entre parenthèses, c’était sa propre veste. Nous avions également parlé de choses plus importantes. Aujourd’hui, mauvaise nouvelle de Paris: Nanni ne pourra pas jouer. Il est malade. Il sera remplacé par Philippe Volter, un comédien français que j’ai beaucoup aimé dans «Le Maître de musique». C’est vraiment très gentil de sa part, surtout qu’il sait que je voulais Moretti.
DIMANCHE
L
e tournage est interrompu pour trois jours. C’est le départ pour la France. Nous disons au revoir à l’équipe technique polonaise, aux assistants, aux comédiens ici. En France, ce seront bien sûr des Français. Il ne restera que l’opérateur polonais Slawek Idziak, qui a apporté tant de bonnes idées au film, Martin Latallo, le traducteur, et un journaliste polonais vivant au Canada, qui a voulu pour des raisons incompréhensibles, devenir mon assistant, et qui s’appelle Stan Latek. Tous les autres seront des étrangers qui parleront une langue que je ne connais pas (très peu d’entre eux connaissent l’anglais), qui travaillent tous dans un tout autre système que celui dans lequel j’ai travaillé pendant vingt ans.
JEUDI
M
es craintes se sont révélées sans fondement. Les gens de l’équipe sont travailleurs et connaissent bien leur métier. Ils sont aimables, étonnés par le fait que j’arrive le premier sur le plateau avec mon chef opérateur, et qu’ensuite, après le tournage, je ne reparte pas tout de suite en voiture, pour aider à recharger les camions. Ils ne sont pas d’accord, ils considèrent que le partage des rôles doit ~tre très strict.
J’ai une tout autre opinion là-dessus. Je sais qu’un film, c’est quelque chose que nous faisons tous ensemble; bien sûr que chacun répond pour sa part, mais nous sommes également tous responsables pour l’ensemble. Et puis, il y a encore une chose qui me fait un peu honte. Sur un plateau, chacun a quelque chose. Le chef opérateur a son spectromètre, l’ingénieur du son a son micro, les électriciens leurs projecteurs, etc. Moi, je n’ai rien. Je donne le scénario à la scripte dès que j’arrive le matin, et ensuite je me promène sur le plateau les mains vides. Ce qui donne l’impression, par ailleurs assez juste, que je n’ai rien à faire. Bien sûr, je mets en scène. Je parle avec l’opérateur, je dis quelque chose aux comédiens, je donne des ordres, je change quelque chose aux dialogues, parfois j’invente m~me quelque chose. Mais je n’ai rien dans les mains. Il n’y a pas longtemps, j’ai travaillé avec un opérateur polonais déjà assez âgé sur «Le Décalogue», n° 1. Il me regardait, c’était la première fois que nous travaillions ensemble et ça se passait bien. Il a dit: «Un réalisateur, c’est un type qui donne un coup de main à tous.» Cette définition simple m’a plu. Je l’ai répétée aux machinistes français, qui protestaient alors que je rapportais des caisses à leur camion après le tournage. Ils ont hoché la t~te, ils m’ont laissé porter les caisses.
DIMANCHE
J
’écoute à la radio des informations sur la Pologne. Au bout d’une minute, j’éteins. Je ne sais pas si c’est parce que je suis tout le temps occupé par le film, mais ça ne me concerne en rien. En rien.
SAMEDI
N
ous tournons. Nous tournerons également demain, en équipe réduite, quelques personnes seulement. Ils sont d’accord sans autre objection, ils ne se plaignent pas. Peut-~tre que, tout simplement, ils aiment leur métier.
LUNDI
A
près deux mois de tournage, je peux dire à Irène Jacob qu’elle a bien joué, bien mieux que je ne m’y attendais. Elle me regarde, étonnée.
Je n’ai encore jamais rencontré une actrice aussi modeste, aussi délicate, aussi sensible. A vrai dire, je n’ai encore jamais rencontré quelqu’un comme elle, alors que je connaise quelques milliers de personnes. Elle a vingt-quatre ans et j’espére qu’elle est assez forte pour rester ellem~me, peu importe à quel point le film que nous sommes en train de faire va changer sa vie.
JEUDI
Q
uelques journalistes italiens sont arrivés. Ils me demandent quelle différence il y a entre faire des films à l’Est et en faire ici, à l’Ouest. Ils secouent la t~te, désappointés, lorsque je leur dis qu’il n’y en a presque aucune. Je trouve donc une différence, en défaveur de la France: je n’aime pas du tout l’heure de coupure pour le déjeuner, qui distrait tout le monde en plein dans la journée. Ils notent avec satisfaction. Peut-~tre que chez eux, en Italie, il n’y a pas de pausedéjeuner, ou peut-~tre qu’ils voudraient que ce soit quand m~me un peu mieux, à l’Est?
JEUDI
D
ans la journée on tourne, le soir on monte. La production a fait venir à Clermont-Ferrand une table de montage, et aussi Jacques Witta, le monteur. C’est un homme aimable, calme. C’est important, je vais passer avec lui trois mois de ma vie, jour après jour. Depuis le début, il est clair que nous allions nous heurter à la barriére du langage, et c’est ce qui arrive. Jacques ne parle pas anglais, je ne parle pas français. Pour ce travail intime qu’est le montage, il nous faudra un interprète. Martin Latallo, un jeune homme qui fait ce travail très bien, est encore dans la salle de montage après une journée entière sur le tournage, il somnole un peu. Je me demande pourquoi tous ces jeunes gens, élevés au jus d’orange et qui ont été nourris de fruits et de légumes toute leur enfance, ne sont pas plus résistants. Cette génération est plus belle, mieux formée, plus saine que la mienne, née pendant la guerre, et pourtant nous pouvons travailler plus longtemps, nous sommes plus endurants. Qui sait, peut-~tre qu’un peu d’inconfort, de misère et de souffrance sont nécessaires à chaque génération?
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I
listen to the news from Poland on the radio. I turn it off after a minute. I do not know, whether it is caused by the fact that I am making the film, but I simply do not care. At all.
SATURDAY
W
e shoot. On Sunday we will also shoot, with a small crew, only a few people. They agree to do that without greater problems, they do not complain. It is possible that they simply like their job.
MONDAY
A
fter two months of shooting I have the right to tell Irène Jacob that she played well, better than I expected it. She looks at me surprised. I have never met such a modest and delicate actress. She is 24 years old, and I hope that she is strong enough to be herself regardless of how much the film will change in her life.
THURSDAY
A
few Italian journalist arrive. They want to know, what the difference is between making films in the East and in the West. They shake their heads displeased when I say that no big differences exist. So I invent the difference to the disadvantage of France. I dislike a one hour lunch break, which distracts everyone in the middle of the day. They take note of it with satisfaction. Perhaps in Italy there is no such a break? And perhaps they want that something in the East be better?
THURSDAY
S
hooting in the morning, editing in the evening. The production brought an editing table to Clermont-Ferrand; the editor Jacques Witta has also arrived. He is a nice, peaceful man. It is important, because I will spend with him three months of life, day after day. From the beginning it was obvious that we would have a problem, and a problem appeared. Jacques does not speak English, and I do not speak French. In this intimate work, which editing is, an interpreter is necessary. Marcin Latałło, who is perfect at it, is a young man and after the
entire day of work during the shooting, he sleeps in the editing room. It is interesting that all these young people, even though they drank so much orange juice and ate so much fruits and vegetables in their childhood, are not resilient at all. It is more beautiful, better educated and healthier generation from mine, which survived the war, but despite that is able to work longer hours and endure more. Who knows, may be a little of discomfort, poverty, and suffering is necessary for each generation?
FRIDAY
A
gain shooting till six o’clock, from seven to one o’clock in the night I am sitting in the editing room. In the middle of the evening Staszek Latek, an assistant from Canada, who speaks both French and Polish, replaces tired Marcin. Editing is the only period during the production of the film, which I truly like. I think, that in fact the film is created in the editing room. Shooting is only gathering material, creating opportunities. I try to lead it so as to ensure the biggest freedom of manoeuvre. Of course, editing is
a splice, a connection of two pieces of tape, and at that level, a number of principles and rules exist, which should be adhered to or sometimes broken. However, another level of editing also exists, which is the most interesting. It is the level of construction of a film, a play with a viewer, a manner of leading his attention, and dozing tension. There are directors, who believe that all these elements are predetermined in the screenplay, others believe in actors, staging, lighting, shooting – I also believe in it, but I know that this elusive and difficult to define spirit of the film is born only in the editing room. Therefore, I am staying in the evenings and on Sunday during the shooting and afterwards, as long as possible. I try to lead as soon as possible to the first rough-cut, not taking care of details at all. This version is consistent with the screenplay or the changes, which I introduced on location during the shooting. After screening of the first version it turns out, how many foolishnesses, repetitions, and shallowness were hidden in the screen play. Relatively soon I do the sec-
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VENDREDI
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ous tournons de nouveau jusqu’à six heures; à partir de sept heures et jusqu’à une heure du matin, je suis à la salle de montage. Au milieu de la soirée, Martin passe le relais à Stan Latek, mon assistant canadien, qui parle polonais et français. Le montage, c’est le seul moment de la réalisation d’un film que j’aime vraiment. Le tournage, ce n’est que l’endroit où l’on collecte le matériau, où l’on crée les possibilités. J’essaie de le mener de maniére à disposer de la plus grande liberté de manoeuvre possible par la suite. Bien sûr, le montage c’est du collage, on assemble deux bouts de pellicule et à ce niveau il existe toutes sortes de règles qu’il convient de respecter ou parfois d’enfreindre. Mais il y a aussi un autre niveau dans le montage, le plus intéressant. C’est le niveau de la construction du film, du jeu avec le spectateur, des moyens pour diriger son attention, du dosage de la tension. Il y a des réalisateurs qui considèrent que tous ces éléments sont inscrits dans le scénario, d’autres qui croient aux comédiens, à la mise en scène, à la lumière, à la photo, et je crois aussi à tout cela, mais je sais que cette chose indéfinissable, presque insaisissable qui est l’âme du film ne naît qu’ici, dans la salle de montage. C’est pour cela que j’y passe mes soirées et mes dimanches pendant le tournage et, ensuite, après le tournage, autant de temps que possible.
J’essaie d’arriver très vite à un premier montage (rough cut) en ne faisant pas du tout attention aux détails. Cette version est conforme au scénario, avec les changements que j’ai apportés sur le plateau, pendant le tournage. A la projection de cette première version se révèle la quantité de b~tises, de répétitions, de faiblesses qu’il y avait dans le scénario. Je fais donc assez vite une deuxième version, raccourcissant sévèrement les scènes, en coupant certaines et inversant leur ordre. En general, il s’avère que j’ai exagéré. La troisième version, qui revient souvent à ce dont je me suis débarrassé, commence à ressembler à un film. Il n’y a ni rythme ni collures, mais un semblant d’ordre commence à apparaître. Durant cette période, je fais des projections tous les deux jours, voire quotidiennement, pour vérifier toutes sortes de possibilités, en manipulant le matériau. De cette façon, je fais environ sept ou huit versions, m~me davantage, qui sont en fait des films complètement différents. De ces changements et de ces projections fréquentes émerge une image assez claire, la forme du film commence à apparaître. Ce n’est que maintenant que nous commençons le travail du détail, cherchant les collures, le rythme, les ambiances. Je fais partie de ces réalisateurs qui se séparent aisément de toute une partie du matériau tourné. Je ne regrette pas les bonnes scènes, ou les belles, ou celles qui sont chères ou qui ont été difficiles à faire, je ne regrette pas les personnages bien joués. Si une scène n’est pas indispensable au film, je la jette sans la moindre pitié, m~me avec un assez grand plaisir. Plus une scène est bonne, plus il m’est facile de m’en séparer, car je sais qu’elle est supprimée non pas à cause de sa mauvaise qualité mais seulement parce qu’elle est inutile. Dans la salle de montage, je ressens une certaine liberté. Bien sûr, je ne dispose que du matériau que j’ai tourné, mais c’est justement avec ce matériau que j’ai une liberté pratiquement illimitée. Je ne sens ni la pression du temps ni celle de l’argent, ni l’humeur des comédiens, ni la complexité de l’organisation ou encore la lourdeur de la technique d’éclairage (m~me quand c’est la meilleure technique). Il n’y a pas tous ces gens qui vien-
nent me poser dix mille questions par jour, je n’ai plus à attendre que le soleil se couche ou que les projecteurs soient en place. Avec une légère excitation, j’attends le résultat de chacune des opérations entreprises sur la table de montage. C’est ainsi que ça s’est passé aujourd’hui, bien que ce ne soit que le deuxième jour de montage. Avec plaisir, je me dis que le tournage sera terminé dans deux, trois semaines, et que moi je resterai seul avec Jacques devant une bonne table, avec une image lumineuse et un son clair.
JEUDI
N
ous partons pour Paris. Il reste dix jours de tournage. Demain, sur une voie de garage, dans un wagon loué que les machinistes vont secouer à l’aide de leviers pour qu’on ait l’impression qu’il roule vraiment, nous tournerons la scène du voyage nocturne de Véronique en train à Paris. Aujourd’hui, nous sommes quelques membres de l’équipe à aller à Paris avec le vrai train, il fait nuit. Irène Jacob est assise derrière moi. Je me retourne, elle s’est endormie, elle est fatiguée. La façon dont elle penche la t~te est très belle, le foulard qu’elle porte autour du cou tremblote légèrement sous l’effet de sa respiration. Demain, quand elle devra faire semblant de dormir, je lui demanderai de s’asseoir ainsi et de pencher la t~te de la m~me façon.
SAMEDI
J
e termine le montage de la dixième version de «La Double vie de Véronique». Il y en aura sûrement encore quelques-unes. C’est un film très difficile. Il s’ordonne différemment de ce que nous avions écrit dans le scénario, mais lui reste fidèle dans la pensée. C’est un film qui parle de la sensibilité, des pressentiments et des liens auxquels il est difficile de donner un nom et qui unissent les gens. On ne peut pas en montrer trop: le mystère disparaît. On ne peut pas montrer trop peu: personne n’y comprendrait rien. La recherche d’un équilibre entre l’évidence et le mystère, c’est justement le pourquoi des nombreuses versions de ce film. Je suis moi-m~me curieux de voir si on arrivera à le trouver. Sans doute que non, comme d’habitude. (21 jours, été 1990 – printemps 1991)
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37 ond version, sharply shortening the scenes, eliminating them and changing their order. Most frequently it turns out that I have exaggerated. The third version, in which I frequently return to what I got rid of, becomes similar to the film. It does not have any rhythm or the splice, but a grain of order appears. During that period I do the screenings every second day, and sometimes every day, checking various possibilities, and manipulating the material. Thus I create 7 or 8 different versions, which in essence are quite different films. Out of these changes and frequent screenings, a relatively clear picture and shape of the film emerge. Only now we begin to work over details, looking for the splice, the rhythm, the moods. I belong to those directors, who very easily part with the entire pieces of material. Neither I regret good or beautiful scenes, costly or difficult in realization, nor well played characters. If only they are useless in the film – I throw them away ruthlessly, even with a certain dose of pleasure. The better they are, the easier I get rid of them, because I know that they are deleted not because of bad quality, but because they are not necessary. In the editing room I experience a certain kind of freedom. Of course, I have to
my disposition only the material, which I shoot, but this material in fact gives unlimited possibilities. I do not feel any pressure of time or money, actors’ whims, organizational pressure, and failing – even if it is the best – shooting technique. Nobody has hundreds of questions to me, and I do not wait until the sun goes down, or until the lamps are set. With a slight excitement I am waiting for each result of operation performed on the editing table. And today was alike, even though it is only the second day of editing. With pleasure I think that the shooting will have been over in two, three weeks, and I will stay with Jacques at a good table, which has bright picture and clear sound.
THURSDAY
W
e move to Paris. There are ten shooting days left. Tomorrow, at the branch track, in the hired wagon, which will be shaken by the persons on duty, so that it looks like it is really going, we will shoot the scene of Veronique’s night travel to Paris. Today, a few persons from the crew go to Paris by real train, it is a night. Irène Jacob is sitting behind me. I turn back, she is falling asleep, she is tired. She bent her head, and the neckerchief trembles light-
ly from her breath. Tomorrow, when she will be pretending that she is sleeping, I will ask her to sit and bend her head in the same way.
SATURDAY
I
am completing the editing of the tenth version of „The Double Life of Veronique”. Probably there will be a few more of them created. It is a very difficult film. It assumes a shape, which is different from the one, which we created in the screenplay, however intellectually the film is faithful to it. It is a film about sensitivity, intuition, and difficult to define, irrational relations among people. One cannot reveal too much – then the mystery would disappear. One cannot reveal too little – nobody will then understand anything. Looking for a proportion between the reality and the mystery is a reason for creating so many versions. I am curious myself, whether I will find the right proportion. As usually, probably not.
Premiere de „La Double vie de Véronique“, Cannes 1991. The premiere of „The Double Life of Veronique”, Cannes 1991
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THÈMES D’EXERCICES DE MISE EN SCÈNE
E
n 30 minutes préparez et enregistrez ou seulement préparez un simple exercice de mise en scène. Seront évalués: a. La méthode de travail (indications, collaboration avec l’acteur et les techniciens, organisation du plateau, manière et capacité d’articuler l’intention, coordination de l’intention et des moyens, communication); b. Le résultat obtenu ou espéré
EXERCICES: 1. A. est assis sur une chaise (un banc, etc.) B. vient et cherche à nouer un contact. A. part. 2. A. rentre dans la chambre pour prendre un objet qu’il a oublié. Il le cherche, le trouve et sort. 3. A. rentre dans la chambre pour prendre un objet qu’il a oublié. Il le cherche, ne le trouve pas et sort. 4. A. et B. déjeunent ensemble. C. cherche à faire quitter la table à A. en sorte que B. ne s’en aperçoive pas. Il réussit et il emprunte 500 zlotys. 5. A. s’habille en hâte, au dernier moment un bouton saute. Il demande à B. de le recoudre. 6. A. dort. B. le réveille pour lui annoncer une nouvelle très désagréable.
7. A. dort. Tout doucement, pour ne pas le réveiller, B. part au travail. 8. A. entre dans une pièce qu’il ne connaît pas et d’où il doit passer un coup de fil. Il trouve l’appareil et appelle. 9. Dans un café (un petit jardin, un parc, etc.) plusieurs personnes sont assises. A. entre et cherche B. avec qui il a rendez-vous. 10. Il y a une file d’attente chez le médecin (devant le cabinet, le guichet). A. entre et au bout d’un moment, renonce.
TOPICS FOR STAGING EXERCISE
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ithin 30 minutes prepare and record or only prepare simple staging exercise. Subject to evaluation are: a.method of work /orders, co-operation with an actor and other producers, organization of location, manner and ability to articulate an intent, co-ordination of an intent and possibilities, communication skills/; b.obtained or anticipated effect.
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TASKS 1. A. is sitting on a chair /or a bench, etc./. B is coming in and tries to make a contact. A. is walking away. 2. A. is coming back to the room to pick up a forgotten object, is looking for it, finds it and goes out. 3. A. is coming back to the room to pick up a forgotten object, is looking for it, does not find it and goes out. 4. A. and B. are sitting at lunch. C. tries to draw A. away from lunch so that B. does not notice it. C. succeeds and borrows PLN 500.
5. A. is quickly getting dressed, and in the last moment a button cracks. A. asks B. to stitch it. 6. A. is sleeping. B. wakes A. up, to communicate a very unpleasant news. 7. A. is sleeping. B. hushaby, so as not to wake A. up, is leaving for work. 8. A. is going into an unknown to him/her room, wherefrom he/she is to make a phone call, and he/ she is calling. 9. In a cafĂŠ (a small garden, park, etc./ a few people are sitting. A. is walking in and looking for B. among them, with whom he/she has an appointment.
10. There is a queue of a few people to a doctor /an office, a counter/. A. is walking in and resigns after a while.
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40 Vous dirigez des «Master Class», ce qui suggère que vous traitiez la réalisation de films comme un métier, comme quelque chose que l’on peut apprendre, qui n’est pas fondé uniquement sur le talent. Ai-je raison? Krzysztof Kieślowski: On peut bien sûr étudier comment faire des films. Mais pour qu’une personne l’acquière, il lui faut une aptitude et un temps qui dépendent de son talent. On peut comparer ça au processus de construction. Chacun peut faire une phrase. Nous l’avons étudié à l’école. Mais seulement de rares personnes peuvent construire des phrases et en faire de la littérature.
CONVERSATION SUR LE TRAVAIL AVEC LES ACTEURS
Tout en étant convaincu que l’on peut théoriquement apprendre à faire des films, en fait, vous ne l’enseignez pas. Vous incitez vos étudiants à un travail autonome, vous n’intervenez que de temps en temps, en attirant leur attention sur une chose, en la corrigeant. Je n’aime pas la notion d’«enseignement» dans ce contexte. Je traite ces cours comme un lieu où nous venons tous pour découvrir, inventer différentes idées. Le travail de réalisation se compose de beaucoup d’éléments divers mais concrets. Il y a notamment la question de comment travailler avec les acteurs. La théorie n’en parle guère. C’est quelque chose qu’il faut éprouver et sentir. Cet atelier devait avoir pour fonction de conduire ce processus, de dire de temps à autre ce qu’il faut faire et comment. D’en observer les résultats et comment réagissent les acteurs. Vous avez ainsi guidé vos étudiants, mais parfois vous avez laissé une idée s’épanouir sans entrer dans les détails. ême quand le résultat était mauvais… Mê J’agis souvent ainsi, car vivre une situation où quelque chose ne marche pas ça vaut toujours la peine. On pourrait dire: plus il y a de choses qui ne marchent pas, plus nous apprenons. Parfois vous interveniez sans rien expliquer, et c’était éblouissant. Tout simplement, comme ça. Vous nous permettiez, à nous les acteurs, de continuer ou pas ce que nous avions commencé. C’est arrivé plusieurs fois, ce devait donc être un choix conscient.
En effet. Mais ce n’était pas censé ~tre un choix didactique. Il s’agit plutôt d’une manière de vivre. Quand retient-on une chose? Lorsqu’on l’a vécue. Répéter cent fois la m~me chose à quelqu’un ne servirait à rien ici. Il faut tout simplement le vivre. Mais ce n’est pas tout. L’expérience ne signifie rien toute seule. Si je n’explique pas la chose, ils ne la prendront pas pour eux. Ce ne sera pas leur propre expérience. Comment mettez-vous les acteurs en condition? Faites-vous intentionnellement des répétitions théâtrales avec les acteurs avant vos films?
J’aime bien ces répétitions, mais les gens veulent en général savoir comment je passe la nuit avant de commencer le travail avec les acteurs. Et moi, je ne fais rien. Le matin du jour où commence le tournage, je joue moi-m~me les scènes prévues. C’est ainsi que je le prépare. Je passe la soirée avant le tournage avec mon chef-opérateur, pas avec les acteurs. Je n’exige d’eux que la disposition à jouer au bon moment. Les acteurs savent que j’attends quelque chose d’eux-m~mes, et d’habitude ils veulent me montrer ce quelque chose. C’est une tension agréable et très stimulante (…)
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CONVERSATION ABOUT WORKING WITH ACTORS Réalisateur et acteur : Kieślowski et Jerzy Stuhr sur le plateau de „L’Amateur“ (a gauche: le chef-opérateur Jacek Petrycki). The director and the actor: Kieślowski and
felt. The function of this workshop was to lead this process, and from time to time to say, what and how things should be done. As well as to observe, how this works out, and how actors react to it. – It was the way You led Your students, but sometimes You let a certain idea develop and do not go into it. Even if it does not work out… – I frequently proceeded like that, because it is also worth experiencing, what happens, if something does not work out. One could say that the more things do not work out, the more we learn.
Jerzy Stuhr on the location of „The Calm”
– It was wonderful, how sometimes You intervened not telling why. Simply doing it. Letting us – the playing persons – continue something or not. It happened a few times, so it had to be a conscious choice. – As a mater of fact, it was the case. However, it was not supposed to be a didactic choice. It is rather a way of living. When does one remember something? When one has experienced it. Repeating something to somebody hundreds of times is not helpful. One simply has to go through it. It is not everything. The mere experience does not mean anything. If I do not explain something, they will not take it personally. It will not be their own experience.
– The fact that you conduct so called master’s workshops suggests that You treat filmmaking as a craft, as something that can be learned, and something, which is not based exclusively on talent. Am I right? Krzysztof Kieślowski: – Of course, one can learn, how to make films. However, the fact, whether somebody progresses in learning and how quickly he/she does that, depends on his/her talent and abilities. It can be compared to constructing. Everyone can formulate a sentence. But only few people can do it in such a way, that it constitutes literature.
– Despite Your belief that one can learn making films theoretically, in reality You do not teach that. You encourage Your students to work independently, to turn their attention to something from time to time, or to improve something. – I do not like the concept of „learning” in this context. I treat the workshops as a place whereto we all come to discover and invent various ideas. Directing consists of many various, but tangible elements. One of them is the following question: how to work with actors? The theory does not say much about it. It is something, which has to be experienced and
– How do You put actors in a good mood? Do You conduct theatrical rehearsals with actors before Your films? – I do these rehearsals, but usually people want to know, how I spend a night before I begin to work with actors. And I do not do anything. In the morning, on the day of commencement of rehearsals, I myself play the planned scenes. This is the way I prepare it. The evening before shooting I spend together with my cinematographer, and not with the actors. I only demand from them the readiness to play the relevant scenes. Actors know that I expect something from them, and they usually want to present it to me. It is a pleasurable and very stimulating tension (…) There are directors… like Robert Bresson, who use new actors to play the
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42 LE DÉCALOGUE DU TRAVAIL AVEC L’ACTEUR (SELON KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI) 1. Sois avec les acteurs. Ils ont besoin de ton énergie et de ton inquiétude. Ils devraient sentir qu’ils jouent pour toi. La proximité du réalisateur aide les acteurs à jouer de manière confortable et intime. Quand l’acteur sent que le réalisateur porte plus d’attention à ce qu’il voit sur l’écran qu’à son jeu, c’est fini – vous avez perdu l’acteur. Il faut en faire le coauteur du film et le remercier pour ce qu’il a fait. 2. Donne des indications claires et concrètes. 3. Aide les acteurs à sentir ce qu’ils devraient
Vous avez créé un nouveau principe d’égalité jusque dans le travail de réalisateur. Il y a des réalisateurs, comme Robert Bresson, qui se servent de nouveaux acteurs pour des scènes dont ils ne sont pas capables de prévoir les résultats. Ils cherchent à tester ainsi leurs acteurs. Vous, quand vous donnez des instructions à vos acteurs, vous leur parlez de vos plans. Il devrait en ~tre toujours ainsi. C’est l’état de mon humanité. Pour moi, chacun est égal, indépendamment de ce qu’il fait. M~me quand il fait des films. Car on ne peut faire des films seuls. Moi, j’aime bien créer une ambiance où chacun se sent bien. C’est bon aussi pour les acteurs.
sentir. 4. Ne manipule pas l’acteur. Il ne doit pas se sentir une marionnette. La voie, le moyen par lesquels on obtient les résultats cinématographiques, sont importants. Aussi l’ambiance et le style de travail sur le plateau de tournage sont-ils importants. Moi, je préfère une ambiance agréable... 5. Les acteurs sont divers. Chaque acteur est différent. Aussi avec chaque acteur faut-il travailler différemment. 6. Ne t’enferme pas ! Sois vigilant et attentif à ce qui se passe lors du tournage. Ce qui advient sur le plateau peut ~tre très utile au réalisateur. 7. Que chaque idée soit la tienne. Si tu prends une idée chez un autre elle doit tout de suite devenir la tienne. Car c’est toi qui en es responsable par la suite. Tu ne
C’est une valeur très humaine avec laquelle nous sympathisons. Mais il existe encore une corrélation plus professionnelle. Y a-t-il une différence entre la distribution du bon rôle à un acteur et ce processus le conduisant vers un état différent? Je ne crois pas. On peut obtenir des résultats extraordinaires en y appliquant les deux méthodes. Mais la manipulation des acteurs, ce n’est pas pour moi. J’ai fait pendant très longtemps des films documentaires et je connais bien l’hypocrisie de ces moments-là. Je l’ai parfois m~me utilisée, car lorsqu’on tourne un documentaire, l’important est de maîtriser la vie. Mais moi, ça m’a toujours un peu ennuyé. Je ne me suis jamais senti bien avec ça.
quelqu’un d’autre, que c’est une idée soufflée. Voilà pourquoi toutes les idées que tu utilises sont les tiennes, celles du réalisateur. 8. Ne pas regarder mais voir ! Il faut suivre attentivement les acteurs. D’après leurs comportements on peut comprendre si une scène s’est bien ou mal passée. Il faut apprendre à voir, à embrasser l’ensemble de la situation. Car on peut regarder et ne pas voir. 9 Modulez le rythme des scènes. Si pendant une scène les émotions et les sentiments des protagonistes changent, le rythme de la scène doit également changer. 10.La mis en scène n’est pas la scénographie.
Vous ne croyez pas qu’il soit correct de poser des questions personnelles aux acteurs? Si, mais seulement dans la mesure où le film l’exige. Cela ne veut pas dire qu’il faut examiner les gens. On ne le fait pas dans la vie de tous les jours. On ne pose pas ce genre de questions quand on rencontre une personne pour la première fois. On leur pose des questions pour gagner leur confiance et ça, on ne peut l’obtenir facilement. La confiance est quelque chose qu’il faut payer (…) (Extraits d’un entretien avec Krzysztof Kieślowski publié dans le périodique de
peux pas en rejeter après la responsabilité sur les autres, en disant que c’est venu de
Des questions sur la vie intime ne doivent pas forcément constituer un problème. Il y a tout simplement une différence entre une conversation en t~te-à-t~te avec un acteur et dans un grand groupe comme celui-ci. Ce qui peut ne pas paraître trop intime dans une conversation entre deux ou trois personnes, peut le devenir devant trente. Il faut en tenir compte. Dans un groupe aussi grand ça peut prendre l’allure d’un spectacle. On ne pose pas de telles questions parce qu’on veut vraiment savoir, mais on le fait de cette manière pour ne pas montrer à l’acteur que l’on est un professionnel. Et que dire, si ce genre de questions blesse? Les acteurs sont des gens très sensibles, ils sentent tout de suite quand quelque chose ne va pas ou quand c’est pour la frime.
Qu’en est-il de cette égalité, fait-on confiance à chaque acteur? Est-ce qu’au cours du travail,ça n’échappe pas à votre contrôle? Certains réalisateurs questionnent les acteurs sur leurs relations avec leurs parents, sur leurs amours. Qu’en pensez-vous?
l’Académie européenne du Cinéma „Félix”, 1993)
Avec des étudiants a Helsinki With the students from Helsinki
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43 scenes, the results whereof they cannot anticipate. Thus they try to check their actors, pulling out of them something, that they themselves do not know, that they are capable of doing. When you instruct your actors, you tell them about your plans. – It is the way it should be. It is indeed a matter of my own general view of humanity. All are equal to me, regardless of they do. Even if they make films. Because one cannot make films by oneself. I like to create an ambiance, where everyone feels good. It is also good for actors. – What You have said is a very humanitarian value, wherewith we sympathize. However, one more professional interrelation exists. Is there any difference between casting an actor in an appropriate role and leading him/her to a different state? – I do not think so. One can achieve extraordinary results by applying both methods to it. However, manipulating actors is not for me. For a very long time I have been doing documentary films and I am very well familiarized with the hypocrisy of those days. And even sometimes I used it, because at creating documentaries it is important to seize life. However, I always considered it to be slightly boring. I have never felt good about it. – What about this equality, do You trust every actor? Doesn’t it slip out of You control during the work? Some directors ask their actors about their relations with parents, or their life’s loves. What do You think about it? – Questions concerning personal issues do not have to be a problem. Simply speaking, there is a difference between
a conversation with an actor face to face, and in such a big group, like this one. What may look as not too personal in a conversation between two or among three persons, may seem to be personal among thirty persons. It should be taken into consideration. In such a big group it may look like a performance. One does not ask questions in such a way in the real interest, but rather because it should be done like that, if one does not want to demonstrate that one is a professional. And what if such questions are painful? Actors are very sensitive people and they immediately feel when something is not right or done for show. – However, don’t You think that asking actors personal questions is all right? – It is all right, but only to an extent necessary for the film. It does not mean that one should examine people. You do not do it in normal life. You do not ask this type of questions at the first meeting with a given person. One asks questions to gain their trust, and it cannot be done in a simple way. Trust is something, for what one has to pay… (…) (fragments of an interview with Krzysztof Kieślowski published in the periodic of „Felix” European Film Academy, 1995)
THE DECALOGUE OF WORK WITH AN ACTOR (ACCORDING TO KIEŚLOWSKI) 1. Be together with actors. They need your energy, and your anxiety. They should feel that they play for you. The feeling of closeness with a director helps the actors to play in a cosy, intimate way. If an actor realizes that for a director a monitor preview is more important than his/her acting, that’s the end of it – you have lost an actor. He/she should be made a co-creator of the film, and thanked for what he/she has done. 2. Give clear, specific orders. 3. Help the actors feel what they should feel. 4. Do not manipulate. An actor may not feel like a marionette. It is important in what way or manner one achieves the final screen results. An ambiance and a work style on the film location are important. I prefer a pleasant ambiance… 5. Actors are distinct people. Every actor is different. And so one should work individually with each actor. 6. Do not clam up! Be alert and attentive to what is happening during the shooting. What is happening on the location, may be every helpful for a director. 7. Make each idea your idea. If you seize an idea from somebody, make it yours right away. Because you will be responsible for it later. You may not shift the blame on others later – maintain that it was somebody else’s idea, or that somebody suggested it. Therefore all ideas which you use are yours – the director’s. 8. Do not look – see! One should carefully follow the actors. By their behaviours one can comprehend, whether the scene worked out well or bad. One has to learn to perceive and comprehend the entirety of the situation. Because one may look, but not see.
Kieślowski, Dorota Paciarelli et Edward Żebrowski avec les participants des ateliers de réalisation cinématographique en Suisse. Kieślowski with the participants of the workshops on directing in Switzerland
9. Change the rhythm of the scenes. If during a scene characters’ emotions and feelings change, the rhythm of the scene has to change as well. 10. Mise-en-scene is not staging.
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LIBERTÉ ET RÉALISME J
e ne crois pas à la liberté absolue. Pratiquement elle est impossible, philosophiquement elle est inacceptable. Nous poursuivons la liberté en ne cessant de constater qu’elle est impossible à atteindre. Dans cette perspective, l’essentiel n’est pas le but, mais le chemin qui y conduit. A vrai dire, j’arrive de plus en plus souvent à la conclusion que ce n’est pas le but mais sa poursuite qui donne un sens à toute notre vie et à tout notre travail. Et que l’on ne réussit jamais, Dieu merci, à réaliser entièrement ses objectifs. Il est donc clair que je suis un partisan du compromis. Pas seulement parce que c’est pratique. Avant tout parce que je ne connais pas les réponses, et c’est pourquoi je pose des questions dans mes films. Les questions et les doutes, le manque d’assurance, la curiosité et l’étonnement que tout se passe comme ça se passe, me mettent de façon naturelle en position d’observateur et d’auditeur. En tant que réalisateur je suis un réaliste. Je me sers du monde des événements et du monde des pensées, en les considérant comme égaux. Je suis aussi un réaliste dans mon approche du travail. Je compte avec le producteur, avec l’argent et avant tout avec le spectateur. Pas seulement parce que je dois le faire. Je compte parce que je le veux… Selon moi, la production d’un film, qui est toujours très coûteuse, a aussi sa moralité. Et là à nouveau, j’essaie de respecter cette moralité parce que je veux la respecter… Un café peut coûter un dollar et demi, trois ou cinq dollars, mais s’il coûte cent vingt dollars, le boire devient immoral. C’est exactement pareil avec la production des films. Pour moi un film que je veux faire, est un film que je peux faire. Je n’en ai pas d’autres, je ne pense pas à d’autres films. Je ne suis pas obligé d’avoir des millions de spectateurs devant les caisses de cinémas, mais je veux avoir le sentiment d’~tre utile à quelqu’un. Et m~me si, comme
tous mes collègues, je fais des films pour moi-m~me, je cherche quelqu’un qui me dise, telle cette jeune fille de quinze ans en France: «J’ai vu votre ‘’Double vie de Véronique’’ et j’ai senti que quelque chose
comme l’âme, existait». Si je ne compte pas avec l’avis de cette fille, sortir la caméra de sa boîte n’a pas de sens… (Extrait d’une lettre à Walter Donohue, 1991)
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ABOUT FREEDOM AND REALISM I
do not believe in absolute freedom. Practically it is not possible, and philosophically it is not acceptable. We strive for freedom, each time getting convinced that it is impossible to achieve. I believe that it is not the goal that is important, but the way we pursue it. To tell the truth, more and more frequently I am getting convinced that the sense of the entire life and work is not the goal, but pursuing it. And that – thanks God! – the goals are never possible to achieve completely. It is then
clear, that I stand for a compromise. Not only because it is practical. Firs of all because I do not know the answers, and I ask questions in the films I make. Questions and doubts, lack of self-confidence, curiosity and wondering, that everything goes on the way it does, in a natural way place me in a position of an observer and listener. Very frequently I change my screenplay, a scene, a dialog or a situation, because I see that people around have better ideas, more intelligent solutions. I am
not disturbed by the fact that these are other’s ideas. If I accepted and chose them – they become mine. As a director, I am a realist. I process the tissue of events and thoughts, considering them as equal. I am also a realist in my approach to work. I take into account a producer, money, and primarily a viewer. Not only because I have to. I take them into account because I want to… In my opinion, film production – which anyway is very expensive – has its morality. And again, I try to adhere to this morality, because I want to… A coffee may cost a dollar and a half, 3 or 5 dollars, but if it costs 120 dollars, drinking it becomes immoral. The same concerns film production. For me a film, which I want to make is a film, which I am able to make… I do not have other films, and I do not think of other films. I do not have to attract millions of viewers to the movies, but I want to have a feeling that I am needed by somebody for something. And even if I make films – as all my colleagues – for myself, I look for somebody, who will tell me what a certain teenager in France told me. „I saw your film „The Double Life of Veronique” and I felt that something like a soul exists”. If I do not take into account this girl’s opinion, pulling out the camera from the box does not make any sense. (from the letter to Walter Donohue, 1991)
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46 Avec le chef- opérateur Sławomor Idziak sur le plateau du „Tu ne tueras point“ On the location of „A Short Film About Killing” with the cinematographer Sławomir Idziak
rent la température de couleur de la lumière, des supports de caméra et des caméras. C’est pourquoi souvent je porte suspendu au cou le filtre en verre sombre des chefs-op’; je veux toujours ~tre pr~t à répondre à la question: «Quand le soleil se cachera-t-il derrière les nuages?»
SŁAWOMIR IDZIAK, CHEF-OPÉRATEUR:
QU’EST-CE QUE J’ATTENDS D’UN CHEF-OPÉRATEUR ? D
ifficile de répondre à cette question en une page; sans doute parce que j’attends trop et parce ce que je reçois trop. Le savoir technique, la connaissance des règles du montage, les connaissances en matière de mise en scène et de dramaturgie forment un ensemble de moyens indispensables au chef-opérateur, sans lesquels il ne peut penser sérieusement faire ce métier. Moi, j’attends quelque chose de plus – et ce quelque chose est nécessaire dans notre collaboration – j’attends que nous fassions un film, que nous racontions une histoire ensemble. Cela signifie qu’avant d’écrire un scénario, je lui raconte en quelques phrases l’idée et j’attends sa réaction. Peu importe si l’idée lui plaît ou non. La question est de savoir si elle suscite en lui des pensées, des sentiments ou des souvenirs, donc – en fin de comptes – si elle peut lui devenir proche. Au moment où j’écris différentes versions du scénario et alors qu’il les lit toutes en présentant ses remarques que je prends très souvent en compte, naissent les grandes lignes du style, de la façon dont l’histoire sera
racontée. Elles naissent lentement, pas à pas, résultant souvent de son idée pour une prise de vue ou pour une séquence. J’attends ces remarques et ces discussions avec curiosité: quand je sais déjà comment nous raconterons, il m’est plus facile d’écrire. Je n’imagine pas engager un acteur quelconque ou accepter un lieu de tournage quelconque à son insu et sans son approbation. Pendant le tournage, nous décidons ensemble du placement de la caméra et de la longueur focale de l’objectif. Pour la lumière, le chef-opérateur décide tout seul, j’interviens rarement. Je suis ses conseils en matière de mise en scène et de jeu d’acteur: bien que je sois constamment à côté de la caméra, c’est lui qui voit le mieux ce que nous allons voir plus tard à la projection des matériaux, en discutant tout bas sur le choix des variantes de prises de vue. J’écoute attentivement ce qu’il dit, en regardant différentes versions de montage. Je vérifie ensuite ses remarques dans la salle de montage, il a généralement raison. J’envie mes chefs-opérateurs. Ils ont des posemètres, des appareils qui mesu-
«Krzysztof intégrait très tôt le chefopérateur dans le travail sur le film. Longtemps avant le tournage. Parfois encore avant d’avoir terminé le scénario. C’est l’école polonaise. Dans les productions occidentales, le chefopérateur apparaît juste avant d’entrer sur le plateau de tournage et il a moins d’influence sur la forme du film. Krzysztof voulait qu’il ait une grande influence et il le permettait».
PIOTR SOBOCIŃSKI, CHEF-OPÉRATEUR: «Je connaissais le scénario de «Rouge» un an avant le commencement du tournage. Nous l’avons discuté souvent et très soigneusement. Krzysztof présentait ses propositions, moi les miennes. Nous choisissions ensemble les lieux de tournage, l’environnement, nous fixions le positionnement de la caméra, la manière de filmer les scènes une à une et l’emploi des accessoires et des couleurs. Au lieu d’un découpage technique nous rédigions une sorte de schéma d’associations pour permettre une interprétation assez libre du film et sur plusieurs plans. Nous faisions aussi pas mal de photos préparatoires. Plus tard, une fois sur le plateau, il n’était plus nécessaire de beaucoup parler. En fait, nous n’avons quasiment pas parlé. Nous n’en avions ni le temps ni la nécessité. Chacun savait ce qu’il devait faire…»
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t is difficult to answer this question on one page; surely because I expect and receive too much. Technical knowledge, familiarity with the principles of editing, knowledge of staging and dramaturgy constitute necessary fields of activity of a cinematographer, without whom one cannot think seriously about exercising this profession. I expect something more –
and this „something” is necessary in our co-operation – I expect that we will make a film, and tell a story together. This means that before I will have written a screenplay I tell him in a few words, what the idea is, and I wait for his reaction. It is not important, whether he likes the idea or not. The point is whether it provokes any thoughts, feelings, or recol-
WHAT DO I EXPECT FROM A CINEMATOGRAPHER? SŁAWOMIR IDZIAK, A CINEMATOGRAPHER: – Krzysztof included a cinematographer into the work over the film very early. Long time before the shooting. Sometimes even before the completion of a screenplay. This is a Polish school. In Western productions, a cinematographer appears just before entering the location and his impact on the shape of the film is lesser. Krzysztof wanted it to be big, and allowed for that.
PIOTR SOBOCIŃSKI, A CINEMATOGRAPHER: – I knew the screenplay of „The Red” a year before the commencement of the shooting. We discussed it thoroughly many times. Krzysztof presented his own propositions, ad I did mine. We selected together the shooting facilities, the background, we decided how to set the camera, how to shoot the specific scenes, and use the props and colors. Instead of the script we wrote something which could be described as an associative arrangement, which would enable a multilayer, relatively free interpretation of the film. We also did pretty many screen tests. Later, on the location, we talked a little. Practically, we did not talk at all. There was no time, and no need to do that. Each of us knew, what to do…
lections, and so – in the final analysis – whether it can become close to him. During the time, when I am writing another version of a screenplay, and he is reading them and making comments, which I very frequently take into consideration, usually an outline of the style, and a way of telling a story come into existence. They are being born slowly, step by step, and often arise from his idea for a take or a sequence. I wait for these remarks and talks with curiosity – when I already know how we will be telling the story, it is eas-
ier to write. I could not imagine employing any actor or accepting any shooting facility without his knowledge and acceptation. During the shooting we jointly decide how to set the camera, and the length of the lens. A cinematographer decides about the light by himself; here I rarely interfere. I take advantage of his advice in the matters of staging and acting: even though I am constantly standing next to the camera, he sees in the best way, what we will be watching afterwards during the screening of materials, while he is talking quietly to choose the doubles. I listen carefully to what he is saying while watching subsequent editing versions. Afterwards, I check his remarks in the editing room; he is usually right. I envy my cinematographers. They have light meters, devices for the measurement of the colour of light, tripods, and cameras. Therefore, I often put on my neck a string from edge-glass; I always want to be ready to answer the question: „when will the sun go down?”
Avec le chef-opérateur du „Hasard“, Krzysztof Pakulski. With Krzysztof Pakulski, the cinematographer of „Blind Chance”
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EN PROFONDEUR, PAS EN LARGEUR L
es cinéastes se trouvent dans une situation exceptionnellement difficile (…). Pour apprécier leur juste valeur, il ne faut pas oublier qu’il faut beaucoup d’argent et beaucoup de travail ouvrier pour faire un film. Le cinéaste qui décidera de se taire, se taira; il ne participera à aucune culture, qu’elle soit officielle ou non officielle. Si je me retire car on m’a coupé un bout de film, bloqué le scénario ou mis le film au placard, je dois changer de spécialité pour fonctionner dans la vie culturelle. Il n’est pas toujours possible de le faire, aussi pour ne pas changer de spécialité, dois-je essayer une deuxième, une troisième, une vingtième, une trentième fois (…) La liberté offre des chances mais elle augmente aussi les exigences. J’ai souvent cité l’exemple suivant: il arrive de temps en temps qu’un étudiant tue une vieille dame… Mais tout dépend qui le raconte, ce peut ~tre Joe Alex, ou Agata Christie ou Dostoïevski... Il est question ici de la profondeur du regard, mais aussi de la langue car elle est intimement liée à cette profondeur. Il faut rechercher des moyens qui fassent en sorte que les films sur des problèmes deviennent avant tout des films sur les gens, que ce qui est par nécessité extérieur dans le film, devienne le cadre et non le contenu des oeuvres (…). Ce n’est pas une fuite devant la convention réaliste, mais un chemin vers une convention dont je pourrais brièvement définir l’orientation ainsi : en profondeur et pas en largeur, vers l’intérieur et non vers l’extérieur. Indépendamment des sujets et des questions abordées dans mes films, je cherche un moyen de faire passer aux
spectateurs mes sentiments pour qu’ils deviennent les leurs : les sentiments d’impuissance, de compassion, de regret, qui me font mal physiquement quand je vois un homme pleurer à un arr~t de tramway, lorsque j’observe ceux qui voudraient ~tre si proches des autres et qui en sont si loin; lorsque je vois un homme dévorer les restes de nouilles laissées par quelqu’un dans un bar à lait; lorsque j’aperçois les premières taches hépatiques sur les mains d’une femme qui ne les avait pas encore un an auparavant et que
je sais qu’elle les regarde aussi; lorsque je vois un mal atroce et irréversible qui marque les visages humains de ses empreintes si visibles… Je voudrais que mes spectateurs participent à cette douleur, que le corporel et le tourment que je commence, me semble-t-il, à bien comprendre, pénètrent dans ce que je ferai… Je reste donc planté là, à chercher laborieusement une voie… ( Dialog 1/1981 )
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DEEP AND NOT WIDE F
ilmmakers are up against difficulties (…). To judge them fairly, one has to remember that a lot of money and a lot of industrial work are necessary to make a film. A filmmaker, who decides to remain silent, will keep being silent, and he will not participate in any culture – neither official, nor unofficial. If I withdraw, because something was cut out of my film, a screenplay was arrested, or the film was placed on the shelf – then in order to be able to function in cultural life, I have to change my profession. It is not always possible, so in order not to change my profession, I have to try for the second time, the third one, the twentieth one, and the twentieth one (…).
Freedom gives chances, but it also increases demands. I once already gave an example of it. From time to time it happens that a student kills an old lady…. And everything depends on whether it will be described by Joe Alex, Agata Christie, or Dostojewski. I mean here the depth of an outlook, but also the language, because it is tightly connected with the depth. One has to look for such ways, that the films about problems become the films about people; so that everything which – out of necessity – is external in the film, constituted a frame, and not the content of the compositions (…). It is not running away from the realistic convention, but it is a way toward the convention, the direction of which could
be described in brief: deep instead of wide; inwards, and not outwards. Regardless of the topics and issues brought up in my films, I am looking for a way, which could arouse in people the feelings similar to those that I have – feelings of helplessness, compassion, regret, which give me the physical pain – when I see a man standing at the bus stop and crying, when I observe those, who would like to be close with others, and they are so distant; when I see a man, eating up somebody’s noodles in the milk bar; when I notice the hepatic spots on the hands of a woman, who still a year ago did not have them – and I know that she is also looking at them; when I see horrible and irreversible harm, which imprints so visible signs on human faces… I would like my viewers to share this pain, so that corporality and suffering, which I seem to begin to understand well – penetrated everything that I will do… So I am sitting and I am arduously looking for the way.
(Dialog 1/1981)
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LA SOIF DE SENS
(Extraits d’entretiens avec KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI) Stanisław Zawiśliński: N’avez-vous jamais pensé à faire un film typiquement commercial? Je ne divise pas les films en commerciaux et non-commerciaux, ni non plus en commerciaux et d’auteur. Selon moi, il n’y a que des bons et des mauvais films. Le classement des films selon d’autres critères est, au fond, un piège qui nous limite. Votre oeuvre est pourtant déjà étiquetée, notamment comme ambitieuse, hautement artistique, existentialiste… J’ai essayé de protéger mes films contre les étiquettes, évidemment sans résultat… Que ça reste donc comme c’est. Je ne chercherai plus à persuader personne que mes films, considérés comme pessimistes, sont pourtant optimistes, ne serait-ce que parce qu’à la fin, leurs protagonistes continuent à vivre, qu’ils se sont d’une certaine manière retrouvés dans les situations que je montrais. J’ai perdu l’espoir que le réalisateur pût efficacement lutter contre les diverses gueules que l’on pr~tait à ses films. L’espoir de l’unification de l’Europe, l’avez-vous aussi perdu? Oui. Ça aussi. Mais, pour ~tre franc, nous comprenions très bien que l’hymne pour l’unification dans «Bleu», était une musique très pompeuse, voire boursouflée, et qu’elle finirait, à un moment donné, par fonctionner ironiquement. Car l’unification de l’Europe n’aura pas lieu. En revanche, ce dont je parlais à l’occa-
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THE HUNGER OF SENSE
(fragments of conversations with Krzysztof Kieślowski, 1994-1995) STANISŁAW ZAWIŚLIŃSKI: I am curious,
what has shaped You as a man and an artist to the largest degree? KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI: In both cases the answer is the same: my parents, sister, and other close to me people exerted the biggest influence on me. However, I question the second part of Your question: I do not consider myself an artist. I am a craftsman. A man, who knows some basics of a certain profession. – A profession of a film director is quite often considered as artistic. – It is true, however, the film very rarely comes close to an art. – Perhaps it is so because similarly as a poet, only sometimes one happens to be a director-artist? – I do not share this view. My profession is strictly determined; it requires knowledge of very tangible things. It can be performed by a man, who has relatively wide interests, pretty good knowledge of literature, painting, music, dramaturgy, and technique. If one also writes screenplays, on should know something about creating characters, constructing action and its turning points. There are still actors, assembling the crew, not mentioning editing and many other issues. All this constitutes director’s fields of activity and it is simply a craft. Multidisciplinary craft. Its specific elements can be tracked down in the film. I did it many times and I have always confirmed that the result depends
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sion du «Félix»en disant: «J’espère que la Pologne fait partie de l’Europe», portait sur autre chose. Je parlais du fait d’~tre en Europe au sens civilisationnel. Dans ce sens-là, nous pouvons en tant que pays ~tre en Europe. Mais pas nous tout de suite, pas ma génération ou la vôtre. Car civilisationnellement, nous ne serons plus en Europe. Nous avons trop d’habitudes, un mode de penser trop malsain et il est déjà impossible d’en guérir. Nos enfants ont une chance… D’ailleurs, je n’ai jamais pensé à l’unification de l’Europe comme à un acte politique, car ça ne m’a jamais intéressé. Ce qui m’intéressait, c’était la libre circulation de la pensée, des personnes, l’échange des valeurs et l’enrichissement de la culture. Est-ce que ça donnerait un quelconque sens nouveau à nos actions? Je le crois. Actuellement, je remarque justement une soif de sens. Car, au fond, il n’y a pas aujourd’hui d’idée, il n’y a pas d’idée pour la Pologne, pour l’Europe, pour le monde. S’il y avait vraiment une telle idée et si les gens y croyaient, le problème de manque de sentiment du sens dans la vie, du sens des actions et des aspirations, ne se se manifesterait pas si fortement sous forme de frustration, de découragement, de lassitude, etc. Notons que la fascination du communisme après la guerre, ou bien la fascination du nazisme avant la guerre, ou encore la fascination de la foi, ont pris leur origine dans un besoin de sens. Au moment de l’apparition d’une idée à laquelle on croit, apparaît tout de suite le sentiment du sens. Tant à l’échelle macro qu’à l’échelle micro. Cette idée, ce peut ~tre aussi l’amour. Rien qu’à chercher une idée, nous acquérons le sentiment du sens. Nous ne sommes pas du tout obligés de le trouver. Avez-vous toujours pensé que le plus important était pour quoi et non pas où, l’on plaçait la caméra? Je l’ai pensé dès le début. M~me si ce n’était pas formulé dans ma t~te aussi clairement qu’aujourd’hui. Seulement quand on a commencé à me poser des tas de questions, je me suis rendu compte que l’endroit où l’on la plaçait n’était pas très important.
être réaliEst-ce que cela vaut la peine d’ê sateur aujourd’hui? À quelqu’un que j’aime bien, je ne recommanderais jamais cette voie. Vous plaisantez? Non. Il y a au moins deux choses qu’il est bon de savoir: le réalisateur réussit très rarement à obtenir satisfaction et réussit tout aussi rarement à faire ce qu’il a prévu. D’autre part, si cette satisfaction arrive quand m~me, elle est toujours moins grande que les frais mis en oeuvre pour l’obtenir. Le bilan n’est pas égal. Les frais sont toujours plus grands que la satisfaction. Mais l’on ne peut quand męme pas faire ce métier sans aucuns frais. C’est vrai. Il y a seulement un problème d’équilibre, il serait bien que la balance se trouve quelque part autour de zéro. Or pour moi, elle ne s’y trouve pas: elle est toujours quelque part très en dessous de zéro (…) ...Vers la fin des années 80, vous avez quitté la Pologne… Excusez-moi, Monsieur, mais je n’ai jamais quitté le pays. Je suis tout simplement parti pour quelques années à l’étranger pour faire quelques films et c’est tout. êvé de faire des films à l’éAvez-vous rê tranger? Je n’en ai pas r~vé et je n’imaginais pas que cela arriverait un jour, je n’ai pas fait non plus grand-chose pour que ça arrive. Je ne me souviens pas d’avoir moi-m~me proposé à qui que ce soit de tourner quelque chose à l’étranger. A part ce cas unique où je cherchais une bande occidentale pour «Le Décalogue», je n’ai rien fait pour me lier de quelle que façon que ce soit avec un producteur étranger. Je me suis toujours considéré comme un réalisateur provincial. Les succès internationaux du „Décalogue”, de „Tu ne tueras point” et de „Brève histoire d’amour” ont contribué le plus, je êt des producteurs crois, à susciter l’intérê occidentaux pour vous. Leonardo de la Fuente fut le premier. Comment jugezvous la collaboration avec lui? Quand nous nous sommes rencnotrés, Leonardo n’était pas encore producteur, mais distributeur. Il s’est décidé à acheter
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53 on the knowledge of the craft. This also concerns my films (…) – What was the burden, with which You left the Film School? What kind of experiences – good or bad – were predominant? – The Film School for me primarily means the people, whom I met there. It also means never-ending discussions about the sense of what we learn there, conversations about life and art. It means acquaintances and friendships too. They have always been meaningful for me. It is both discovering contemporary English cinema, so true and clearly expressing itself (Richardson, Anderson, Loach) and getting to know Renoir, Welles, or neorealism. Initially I was close to the theatre and the literature, but when I began to use a camera, it seemed to me that I was getting down doing important things. I was realizing that everything could be photographed and that an interesting story could be made out of it. Thanks to the Film School I have learnt how to look at the world and people. I did not know how to do it before. – And You believed that by means of the film one can change the world? – Every man wants to change the world, when he begins to do something. I probably did not believe that one could change the world in the literal sense of this word. I though that I would be possible to describe it. I believed that. – Only describe? After all, one said so much about an interventionist role of the documentary film, and You got involved just in it… – Frankly speaking, initially I believed that the film could fix something. – Did it happen that some of Your films directly contributed to changing any situation or helping anybody? – One family – the chief characters of „First Love” received an apartment. They got it, because I intended to make the sequel to this film, and the patron demanded that its significance were optimistic. I said then that one could do anything optimistic, if the situation of the heroes was pessimistic. One has to create an opti-
mistic fact, and I mentioned a few possibilities knowing that the only realistic one was to get an apartment; the patron agreed, he created an optimistic fact. Jadźka and Romek got an apartment. – Did Your documentaries do any harm to anybody? – I am not sure about it, but I presume that they complicated the lives of a few persons. However, I was trying not to show to anybody and anywhere those films, whose characters could be somehow oppressed. And they could have been, because they said things unpleasant to the authorities before the camera (…) – I am curious, why You quit the documentaries? Did You treat them only as
a necessary stage on Your way to making the feature films? – When I was beginning to direct, a documentary film was my goal. It seemed more interesting than the plot to me. This was the first league for me. At that time I did not realized that the camera might do so much evil. However, at that time no light camera existed yet, which could „barge into” everywhere. Us – the documentary film makers, we believed that we had the right to interfere with the lives of other people. Today I know that we did not have such a right. There is a boundary, going beyond which may change the life of the filmed person, if the sufficient level of discretion is not maintained. At some point I was frightened with the responsibility for the possible consequences of
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et à diffuser d’abord en France «Tu ne tueras point» et puis aussi, trois autres films: «Le Hasard», «L’Amateur» et «Sans fin». Il m’a également proposé de réunir des capitaux, au cas où je trouverais un sujet intéressant. Et il en fut ainsi. Leonardo s’est avéré un bon producteurpartenaire pour discuter les questions artistiques et moins bon en tant que producteur responsable des finances: jusqu’à ce jour, je n’ai pas apuré les comptes avec le Studio «Tor», le coproducteur polonais de «La Double vie de Véronique», bien que le producteur ait obtenu de bons résultats sur ce film. Il est en règle avec moi et l’équipe qui a fait le film. N’avez-vous pas craint la confrontation avec un autre système de production cinématographique, que le polonais? Autant moi que mes collaborateurs polonais, nous nous rendions compte du fait que nous allions travailler dans des conditions nouvelles pour nous et nous nous y préparions. Nous n’avions pas l’intention de sauter dans la piscine sans avoir vérifié auparavant s’il y avait ne fût-ce qu’un peu d’eau. Nous avions commencé le tournage de «La Double vie de Véronique» en Pologne, avec une équipe polonaise, seuls quelques techniciens étaient français. Donc l’entrée dans la production étrangère a été relativement douce. Et les craintes que des barrières résultant de la rencontre avec une équipe française, avec une autre culture, avec d’autres coutumes, pussent se manifester par la suite, se sont révélées mal fondées. Premièrement, une expérience autonome avec la production étrangère m’a définitivement persuadé qu’il n’était pas important où l’on plaçait la caméra mais dans quel but. Je le répète souvent: peu importe où; ce qui importe c’est pour quoi.
La censure politique pesait sur la production cinématographique en Pologne Populaire; la production en Occident connaît, en revanche, un autre genre de censure: la censure, économique. Laquelle de ces deux censures est, selon vous, plus «dangereuse» pour un film? Toute censure crée les limitations qui dans telles ou telles conditions, pour tel ou tel tempérament, peuvent se révéler fertiles et donner une certaine énergie. Je pense que notre censure politique donnait des résultats plus intéressants que la censure économique. Est-il juste, comme surtout en Amérique, de traiter le film en termes d’intéręt économique? J’ai l’impression qu’aujourd’hui les Américains agissent d’une manière trop extr~me avec leur cinéma. Beaucoup parmi ceux qui décident du marché cinématographique – heureusement pas tous – semblent avoir perdu le sentiment que le film est un morceau de la culture, une part de leur identité, une sorte de témoin de ce qui se passe dans le monde. Si l’on traite le film uniquement en termes d’intér~t économique, on finit par provoquer l’ab~tissement du cinéma. Et le cinéma s’ab~tit dans le monde entier. On peut cependant avoir une approche moins extr~me de la production cinématographique et alors tout ira bien. ? Si l’on admet qu’un nombre considérable de films gagne assez d’argent pour que l’on puisse en orienter une partie vers la production de films qui ne peuvent pas s’amortir, alors on créera une situation juste. La censure économique ne crétinisera plus le cinéma car elle permettra de satisfaire à différents besoins du public.
Votre deuxieme producteur français, Marin Karmitz, a dit que sa rencontre avec vous avait été la chose la plus imprtante de sa vie. Partage-t-il vos opinions? Je ne sais pas. Je sais qu’il n’oublie jamais de gagner de l’argent. Nous pouvons planer selon notre caprice, mais nous ne devons pas oublier que nous sommes liés à la terre avec une ancre qui s’appelle l’argent. Je ne le lui reproche pas, c’est son métier. Lui, étant lié par cette ancre, il sait en m~me temps s’élever un peu au-dessus d’elle… Et puis, cette collaboration avec un réalisateur de l’Europe de l’Est ne l’intéressait pas uniquement pour des raisons financières; cela l’intéressait aussi en tant qu’Homme. Autrement, il ne se serait certainement jamais engagé dans des entreprises communes. Est-t-il souvent intervenu dans votre conception de la réalisation de «Trois couleurs»? Non. Il m’a donné carte blanche. Mais il m’a aussi aidé. N’apparaissait-il pas sur le plateau de tournage? Si, il est venu deux fois sur le plateau de «La Double vie de Véronique» dont il n’était pas le producteur, mais sans doute désirait-il voir comment nous travaillions. Et il en a tiré des conclusions pertinentes relatives à la production. Il a compris que je n’avais pas besoin d’une grande équipe, mais d’une équipe mobile. Et il m’en a organisé une pour «Trois couleurs». Et ensuite, vous a-t-il abandonné à la merci du sort? Non. Il est apparu sur le plateau de „Trois couleurs” peut-~tre cinq ou peut-~tre huit fois. Une fois, j’ai très fortement senti sa présence et son aide. C’était le jour où nous tournions la scène de la rencontre, dans «Rouge», des héros des trois films. Juliette Binoche, Julie Delpy, Zbigniew Zamachowski, Irène Jacob, Jean-Pierre Lorit… étaient arrivés de différents coins de l’Europe. A cinq heures du matin, au bord de la Seine, à 30 km de Paris, nous
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55 some unimportant – from somebody’s standpoint – documentary film. Other than that, there exists the truth, which a documentary film is not capable of conveying. For example, one cannot make a documentary film about love. – However, You have tried… – Yes, and therefore I know it is impossible to make such a film. At most, one can film a couple, which kisses on a bench in a park… There are many domains, which are inaccessible for the camera, and in particular for a documentary film. There are spheres of human intimacy, in which one cannot enter with the camera. – So You share the view of Saint-Exupéry that „the most important is invisible for the eyes”? – It was discovered long time ago, still during the times of Aristotle. – I „borrowed” it from the author of „The Little Prince”. And I have an impression that the awareness that „the most important is invisible for the eyes” constitutes quite a challenge for a filmmaker. – One has to accept it, and at the same time look for the ways of conveying these most important for a man issues… I departed from the documentary film, because more and more I felt its limitations. I wanted to go
beyond them to be able to continue to touch, what I consider important. And therefore, I was withdrawing from the documentary film step by step. – Don’t You see anymore any developmental perspectives for the documentary film? – Perhaps a time will come, which will be fond of the documentary film, but these days it is not needed. – In that regard I am a bigger optimist than You are. – I am not an optimist at all. Just on the contrary. – I do not perceive You as a pessimist. I think that a pessimist would not have been able to make so many films about unusually important issues and universal values. – All pessimists show values. This is what the profession of a pessimist is about. – And perhaps the declared by You pessimism is a mask, a kind of self-defence? – Perhaps so… However, I believe that only a pessimist may make a step towards optimism. –? – A pessimist is someone, who does not see any hope and is desperately looking for it. A pessimist is searching for a hope
much more desperately than an optimist, because for an optimist a hope is something obvious. For a pessimist it is something deeply unreal. And since one cannot live without any hope, one has to permanently look for it. In essence, being a pessimist means continuous, everyday, and desperate looking for a hope. – It is a beautiful praise of pessimism… You mentioned that one of the reasons of quitting the documentary film was fear. Fear of responsibility. Of overrunning the boundary of somebody’s intimacy…. Really, at the realization of the feature films, You have never felt any fear, and You have never been scared of anything? – Each time I make a film, I am scared. The fear is my companion from the very beginning. I am afraid of each shooting day, each sequence. I am afraid of everything, which is connected with dissemination and reception of the film. I am always afraid, whether the language, which I speak, will find its listeners. Since the basic fear is connected with a viewer, with the way, in which he/she will receive what I have done. En entretien avec Stanisław Zawiśliński, 1994 During the conversation with Stanisław Zawiśliński, 1994
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devions tourner la scène de sauvetage des naufragés du bateau. Et au moment où j’étais sur le point de crier à toutes les caméras: «Action!», je me suis rendu compte que le bateau ne tanguait pas. Or la chose devait se passer au milieu d’une temp~te. Une personne était indispensable pour balancer le bateau. Quand j’ai commencé à chercher cette personne autour de moi – et il ne nous restait plus que quelques minutes d’aube –, j’ai aperçu Karmitz qui, se tenant un pied sur la rive et l’autre à bord, commençait à faire
bouger le bateau. C’est ce qui caractérise le mieux un bon producteur: savoir le bon moment pour se retrouver au bon endroit.
Á droite: Marin Karmitz, le producteur de « Trois couleurs ». On right: Marin Karmitz, the producer of „Three Colours”
Comparé à nombre de vos films précédents, «Rouge», le dernier, m’a paru le plus optimiste de par son message. Vous avez souvent montré la dissolution des relations humaines, la solitude de l’Homme, le désespoir, l’égarrement dans le monde des choses et des valeurs, et cette fois vous suggérez que l’on peut s’entendre, rencontrer une «âme soeur»
Krzysztof Kieślowski: Sans doute «Rouge» approche-t-il au plus près la possibilité d’une chance de l’entente, et de sentir la fraternité et m~me… de la provoquer. Car la fraternité c’est peut-~tre l’attention portée à ce que quelqu’un dit ou fait; ou tout simplement, l’attention à l’autre personne. Je pense que la disposition à entendre quel-
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– When the reception is good, does the fear subside? – No, because one has to make the next step. Good reception only gives a feeling that doing a film was not a waste of time. – Many a time You showed a disintegration of human bonds, human solitude, despair, a loss in the world of things and values, but this time You suggest that one can reach an agreement, one can meet „a kindred spirit”.
– Undoubtedly „The Red” is the closest to showing that one can communicate, and that feeling of brotherhood happens to us, and even … that it can be provoked. Since brotherhood is perhaps simply paying attention to what somebody is saying or doing, or putting it simply – it is an attention paid to another person. I think that the readiness to listen to somebody, if it is disinterested, and if it results from the willingness to devote a sufficient amount of time to another person, may be today the most needed and the most im-
portant form of brotherhood. I say perhaps because I cannot say that this readiness is common. – And this a reason for so much of mutual misunderstanding? – I do not know that. I am not a social psychologist or a philosopher. At most I am an observer. And the best position for an observer is to stand on the side…Non-being a party in some dispute or exchange of views. So I am standing on the side and I try to show what
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58 qu’un, si elle est désintéressée et si elle résulte de la possibilité de consacrer à l’autre une quantité convenable de temps, peut ~tre aujourd’hui la forme la plus nécessaire et essentielle de fraternité. Je dis: peut ~tre, car je ne dirais pas que l’on rencontre souvent cette disposition. Toute cette incompréhension entre les gens vient donc de là? Je ne sais pas si ça vient de là, je ne suis pas un psychologue social, ni un philosophe. Tout au plus, un observateur. Et la meilleure position pour observer est de se tenir à l’écart. De ne pas ~tre un côté dans un conflit ou dans un échange d’opinions. Je me tiens donc à l’écart et j’essaie de montrer ce que je vois. Quand il s’agit de mon métier, c’est la meilleure position, je crois. Vous ne sauriez pourtant nier que par l’intermédiaire de vos films, vous faites part de vos angoisses, de vos craintes, de vos espoirs personnels… On ne peut guère éviter que ses propres expériences, ses réflexions ou ses opinions pénètrent ses propres films. L’important est que la façon de les transmettre encourage les autres à une réflexion. Je crains toujours que le public ne veuille pas parler de ce que je lui propose. Pourquoi aujourd’hui voulez-vous parler avec le public de liberté, d’amour, de fraternité et pas de villas, de supervoitures et de supermans? Je ne veux pas parler de n’importe quoi, c’est une perte de temps et d’argent. Perte de vie, tout simplement. Vos séjours à l’étranger ont-ils changé votre regard sur les questions polonaises? Toute séparation plus longue d’avec son pays influence dans une certaine mesure sa perception. C’est naturel. Je crois pourtant avoir regardé la réalité avec la m~me acuité que ce soit en faisant «Le point de vue du gardien de nuit» que «Blanc», alors que ce sont des réalités différentes. Vous suivez sans doute le principe de Dante: je critique ma patrie parce que je l’aime? Il en est probablement ainsi. On voit toujours plus de défauts chez ceux que l’on
aime que chez les non-aimés. Et puis, on exige plus de ceux que l’on aime. N’avez-vous pas l’impression que notre culture, surtout la culture de masse, s’américanise puissamment ces derniers temps? Dans notre siècle, c’est un processus naturel. Nous devons le traverser. L’essentiel est de ne pas céder entièrement à ce flot d’attractivité venant de l’Occident. Si nous possédons nos propres objets de valeur, nous devons savoir les conserver. A moins d’admettre que nous n’avons rien fait et que nous ne faisons rien de valeur… Qu’est-ce qui caractérise notre identité aujourd’hui, selon vous? Est-ce principalement la culture? La culture, oui, mais pas seulement elle. La goujaterie aussi, parfois la b~tise… Beaucoup de nos traits se révèlent justement dans notre vie quotidienne, dans notre spiritualité. Nous avons quand m~me le sentiment que lorsqu’apparaîtra un danger, un gros pépin, nous serons tous ensemble. En ce moment, il n’y a pas de tel «pépin » et la situation est telle qu’elle est. Cela aussi nous est caractéristique. Nous n’avons pas répondu à cette question à nous-m~mes: est-il mieux de survivre avec le sentiment de défaite, ou bien de se laisser tuer pour sauver l’honneur? L’Occident a en revanche tranché ce dilemme: il veut survivre. Les Français décideront de sauver Paris au lieu de perdre les gens, ce que l’histoire a confirmé, et moi, je ne sais pas s’il est mieux d’avoir Varsovie et de ne pas perdre plusieurs
centaines de milliers de gens, ou bien de ne pas l’avoir mais de garder l’honneur. Vraiment, je ne sais pas ce qui est meilleur. Je pense que je ne suis pas le seul à ne pas le savoir… Vous n’aimez pourtant pas la martyrologie nationale… Je ne supporte pas. Mais bon, notre expérience est toujours liée à ce qui était souffrance. Et la souffrance est peut-~tre nécessaire à chaque nation, chaque génération ou chaque groupe social pour que, d’une manière ou d’une autre, nous soyons tout simplement… humains. Je pense que si la vie est trop facile, ce n’est peut-~tre pas bien du tout… (…) N’avez-vous jamais pensé à vous installer par exemple dans la Suisse que vous aimez. Non, mais j’ai cherché un endroit où je pourrais me sentir enraciné. Et l’avez-vous trouvé? Oui, mais je ne vous dirai pas où c’est. être? En France peut-ê Non, en Pologne. Et qu’est-ce qu’il y a de plus important dans la vie? La vie m~me… L’entretien ci-dessus, autorisé par Krzysztof Kieślowski, a été préparé pour la deuxième édition du livre intitulé «Kieślowski bez końca» [«Kieślowski sans fin»]. Il est publié ici intégralement pour la première fois.
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59 I see…As far as my profession is concerned, it is probably the best position. – However, it is impossible to hide that by means of Your films, You share Your anxieties, fears, hopes… – It is impossible to avoid carrying one’s own experiences, reflections, or views onto the films. It is important that the way of conveying them encourages… – Why today do You want to talk with the audience about freedom, love, brotherhood, and not about villas, super-cars and supermen? – I do not want to talk about cheap things. It is a waste of time and money. It is a waste of life. – Have You ever thought about making a commercial film? – I do not divide films into non-commercial and commercial. Films can only be good or bad. Classifying the films according to other criteria is actually a trap, which limits us. – However, Your creative accomplishments have already been classified, for ex. as ambitious, highly artistic, existentialist… I tried to defend my films against classification, however without any effect. So let it be the way it is. I will not explain to anybody anymore that my films, which are recognized as pessimistic, are optimistic only because their characters manage to survive in the end, and that they somehow handle the situations,
which I showed. I have lost a hope that a director may successfully defend himself against labelling his films. – Have You also lost the hope for the unification of Europe? – Yes. I have too. But frankly speaking, we understood that the hymn for the unification in „The Blue” is very pompous. And even bombastic. And that this music at some point will begin to function ironically. Because the unification of Europe will not happen. On the other hand, what I said on the occasion of Felix. „I hope that Poland belongs to Europe” concerned something else, being in Europe in a sense of civilization. In that sense we can be a country, which belongs to Europe. No, not ourselves, mine or your generation. Because in terms of civilization, we will not be in Europe. We have too many habits, too sick way of thinking, which is incurable. But our children have a chance… Besides, I have never thought about the unification of Europe in terms of the political act, because I have never been interested in politics. I was interested in a free flow of thought, people, exchange of values, and enrichment of cultures. – Would it confer any new sense on our actions? – I believe so. Currently we perceive just the hunger of sense. Because as a matter of fact no idea for Poland, Europe or the world exists today. If such an idea authentically existed, and people believed in it, the problem of a shortage of sense of living, sense of acting, and having aspirations would not have manifested itself so strongly in the form of frustrations, discouragement, or boredom, etc. Let us notice that the post-war fascination with communism, pre-war fascination with Hitlerism, or fascination with the faith, originated from the need of sense. Both on the micro and macro scale. Love can also be such an idea. Even if we are only looking for an idea, we gain a feeling of sense. We do not have to find it at all. – Your French producer, Marin Karmitz says that meeting You was the most important thing in his life. Does he share Your views?
– I do not know that. I only know that he never forgets about making money. We can fly over the earth, but we have to remember that we are bound to it by means of an anchor, which money is. I do not reproach it to him, I know that it is his profession. Being bound with this anchor, he is at the same time able to rise himself a little above it. And his channel of co-operation with an Easter European director was interesting for him not only because of money, but he was also interested in it from the human standpoint. Otherwise, he would probably have never engaged in common undertakings. – Have You always though that it is more important what for and not where one puts the camera? – I have been always thinking like that. Even though I have never formulated it as clearly as today. Only when I was being asked about various things, I realized that it was unimportant, where you put it. – Is it worth to be a director today? – I would never recommend this life path to somebody whom I like. – Are You kidding? – No. There are at least two things that one should be aware of – very rarely a director is satisfied with his work and very rarely he is able to achieve what he intends to. On the other hand, if satisfaction appears, it is always lesser than the costs, which one incurs to achieve it. The balance is nor equal. Costs are always bigger than satisfaction. – But this profession cannot be exercised at all without incurring any costs… – It is true. There is only a problem of a balance, the point is to obtain a zero value on the scales. I have not succeeded in doing it. For me, the scales are still deeply in a position of a minus.
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BRÈVE CHRONOLOGIE DE SA VIE ET DE SES ŒUVRES 1941 Naissance, le 27 juin à Varsovie, de Krzysztof, fils de Roman et Barbara Kieślowski. 1942-1945 Pendant la guerre, les Kieślowski mènent une vie errante: Varsovie, Delatyn, Skałat, Strzemieszyce. En 1944, naît la sœur de Krzysztof, Ewa Maria. 1945-1949 Les Kieślowski s’installent à Głubczyce, une petite ville de quelques milliers d’habitants en Silésie, près d’Opole. Ingénieur, le père de Krzysztof, travaille d’abord au Bureau de Rapatriement et ensuite dans des entreprises de construction. Sa mère reste à la maison et s’occupe des enfants. En 1947, Krzysztof commence ses études à l’école élémentaire. Il est d’une santé fragile. La première année, les enseignantes lui donnent ses cours à la maison. 1949-1957 Séjour en Basse-Silésie et en Haute-Silésie: principalement au sanatorium de Sokołowsko et à Strzemieszyce. Le père de Krzysztof est atteint de tuberculose, il perd son travail. Krzysztof fait des séjours fréquents aux préventoriums de Rabka et de Bukowina Tatrzańska. Il change d’écoles et de milieu. Après l’école primaire de Mieroszów, il essaie de continuer ses études d’abord à l’école de pompiers de Wrocław, puis au lycée d’enseignement général de Wałbrzych. Les deux écoles ne lui plaisent pas, il les quitte.
…A regarder de près l’Histoire, on pourrait constater que les plus grandes cultures sont nées de souffrances et de douleurs. La facilité entraîne la décadence. L’art véritable naît du besoin de lutter avec ce que l’on ne peut surmonter… Tout obstacle, toute limitation augmente l’invention créatrice. Lorsqu’on me demande ce que je ferai quand je serai tout à fait libre, je réponds que la liberté ne m’intéresse pas. Je ne suis pas libre et je ne le serai jamais. On peut préférer les difficultés financières aux difficultés politiques, mais c’est une autre affaire… La liberté n’existe pas. Il faut la poursuivre, mais l’espoir d’~tre libre un jour, est ridicule.
1957 Il s’installe à Varsovie. Dans les années 1957-1962, il suit des études au Lycée public des Techniques Théâtrales à la faculté de la peinture décorative. Il se passionne pour le théâtre et pour la motorisation. 1960 Le 22 février Roman Kieślowski, le père de Krzysztof, meurt à Sokołowsko. Sa mère décide de quitter Sokołowsko; elle s’installe non loin de Varsovie, plus près de ses enfants. 1962 En juin, Krzysztof Kieślowski réussit son baccalauréat. Il obtient le diplôme de technicien de théâtre. En juillet, il passe pour la première fois les examens d’entrée à la Faculté de la Mise en Scène de l’Ecole nationale supérieure d’Art Théâtral et Cinématographique à Łódź. Il n’est pas admis. Pendant l’été, il fait de la voile. En septembre, il commence ses études à l’Etablissement de Formation des Enseignants à Varsovie, rue Saska. 1963 Il abandonne ses études à l’Etablissement de Formation des Enseignants. Il gagne un peu d’argent comme habilleur au Théâtre Współczesny de Varsovie. Il tente pour la deuxième fois d’entrer à l’école de cinéma de Łódź et à nouveau, il n’y est pas admis.
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SHORT CALENDARIUM OF LIFE AND CREATIVE ACCOMPLISHMENTS 1941 On June 27, the son of Roman and Barbara Kieślowscy – Krzysztof is born in Warsaw. 1942-1945 Kieślowski’s family war exile – Warsaw, Delatyn, Skałat, Strzemieszyce. In 1944 Krzysztof’s sister – Ewa Maria is born. 1945-1949 Kieślowski’s family move in Głubczyce, a few thousand little town on Śląsk Opolski. Krzysztof’s father, an engineer, first works in the Repatriation Office, and next in the construction enterprises. His mother stays at home to take care of the children. In 1947 Krzysztof begins his education in the elementary school. He is a sickly child. In the first class he is taught by his teachers at home. 1949-1957 The stay on Dolny and Górny Śląsk – mainly in Sokołowsko and Strzemieszyce sanatoriums. Krzysztof’s father copes with tuberculosis, he looses his job. Krzysztof frequently stays in the preventoriums in Rabka and Bukowina Tatrzańska. He changes schools and his environment. Upon completion of the elementary school in Mieroszowo he tries to continue his education first in the fire fighting school in Wrocław, and next in the high school in Wałbrzych. None of the schools suit him, and he quits them. 1957 He moves to Warsaw. In the years 1957-62 he studies in the State High School of Theatrical Techniques at the department of decorative painting. He is fascinated with the theatre and motorization. 1960 On February 22, Roman Kieślowski – Krzysztof’s father, dies. His mother decides to leave Sokołowsko; she takes up residence near Warsaw, to be closer to her children. 1962 In June, Krzysztof Kieślowki successfully passes the high school finals. He obtains the diploma of a theatrical technician. In July, for the first time he takes his exams to the Department of Directing at the State Higher School of Theatre and Film in Łódź. He is not accepted. He practices sailing in the summer. In September he begins his education in Warsaw Teachers’ College at Saska Street. 1963 He quits his education in the Teachers’ College. He earns money on the side as a dresser in the capital Contemporary Theatre. He takes his exam to Łódź Film School for the second time and again he is not accepted.
.. Taking a close look at history, one can draw a conclusion that the biggest cultures were born out of suffering and pain. Easiness brings about decadence. True art is born out of the need to fight with what cannot be overcome... Each obstacle, each limitation enhances creative invention. When they ask me, what I will be doing when I will be totally free, I answer that I am not interested in freedom. I am not free and I will never be. One can prefer financial difficulties to political ones, but it is quite a different issue… Freedom does not exist. One should pursue it, but the hope that one will be free, is ridiculous.
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62 1964 Il devient chef du service culturel au Conseil Populaire du Quartier de Żoliborz à Varsovie. Pendant ses loisirs, il écrit des poèmes et des récits; avec une caméra 8 mm, il réalise de courts films d’amateur. En juillet, il tente pour la troisième fois d’entrer à l’Ecole nationale supérieure d’Art Théâtral et Cinématographique à Łódź. Il obtient le livret d’étudiant désiré. Pendant l’automne, il s’installe à Łódź où il va vivre et faire ses études les quatre années suivantes. 1966 Il réalise ses premiers essais cinématographiques: «Le Tramway» et «Le Guichet.» Avec ce dernier, il obtiendra pour la première fois de sa vie un prix au festival des films étudiants à Varsovie. Il fait la connaissance de Maria Cautillo, étudiante de l’école supérieure d’arts plastiques à Łódź. 1967 Le 21 janvier à Varsovie, Kieślowski épouse Maria Cautillo. Pendant l’été, il tourne un film pour ses études «Concert des meilleurs voux.» 1968 Kieślowski prend part aux manifestations étudiantes de Mars 68; il défend notamment les professeurs expulsés de l’école, mais sans résultat. Au Studio des Films Documentaires à Varsovie, il tourne son film pour le diplôme, «De la ville de Łódź.» Pour la télévision il réalise un documentaire intitulé «La Photographie». Il obtient son premier travail dans la Coopérative de Production du Film où il fait de courts films publicitaires. Avec ses collègues, il lance l’idée de mettre en place le Studio des Jeunes «Karol Irzykowski» (l’idée ne sera réalisée qu’en 1981).
… Je ne me considère pas comme un artiste. Je suis un artisan. Un homme qui connaît certaines bases d’un métier… Mon métier est strictement défini, il exige la connaissance de choses très précises. Il peut ~tre exercé par une personne ayant des centres d’intér~t plutôt vastes, une bonne connaissance en littérature, en peinture, en musique, en dramaturgie, mais aussi de la technique. Si l’on écrit également des scénarios, il faut connaître quelque chose à la construction des personnages, à la construction de l’action et de ses revirements. Il y a aussi les acteurs, le processus de rassemblement de l’équipe, sans parler du montage et de beaucoup d’autres choses. Tout cela constitue l’ensemble des savoirs et des moyens dont dispose le réalisateur, c’est tout simplement du métier. Du métier multidisciplinaire. On peut en suivre les différents éléments dans le film. Je l’ai souvent fait et j’ai toujours constaté que le résultat dépendait de la connaissance du métier. Cela concerne également mes films…
1970 En février, il soutient son mémoire de diplôme intitulé «Le film et la dramaturgie de la réalité». Il reçoit le titre de maître ès arts. En avril, il entre comme assistant réalisateur au Studio des Films Documentaires à Varsovie. Vers la fin de l’année, il tourne «Avant le rallye». 1971 «J’étais soldat», documentaire réalisé par Kieślowski en 1970, est distingué au Festival des Courts-Métrages à Cracovie. Kieślowski fait partie du groupe des «jeunes rebelles» qui conçoivent le manifeste du «nouveau documentaire». En automne 1971, il réalise «Les Ouvriers 71», un documentaire coupé ensuite par la censure. 1972 Réalisation de «Refrain». Naissance de sa fille Marta. 1973 Réalisation d’autres documentaires: «Le Maçon», «Rayons X» et «Premier Amour», ainsi que de sa première fiction télévisée de trente minutes, «Passage Souterrain». 1974 «Premier Amour» obtient le Grand Prix du XIV-ème Festival polonais des CourtsMétrages à Cracovie.
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63 1964 He begins to work as a cultural clerk in Warsaw-Żoliborz District National Council. In his spare time he writes poems and stories; he makes short amateur films with an 8mm camera. In July, for the third time he tries to be accepted to the State Higher School of Theatre and Film in Łódź. He receives the desired student’s book. In the autumn he moves to Łódź, where he will be studying and working for the next four years. 1966 He makes his firs student’s film etudes – „The Tram“ and „The Office“. For the latter he will receive the first award in his life – on the festival of student films in Warsaw. He meets Maria Cautillo, a student of the higher plastic school in Łódź. 1967 On January 21, in Warsaw, Kieślowski marries Maria Cautillo. In the summer he does the shooting for the School film „Concert of requests“. 1968 Kieślowski participates in students’ protests of March 68; among others he ineffectively defends professors expelled form the school. 1968 In Warsaw Documentary Film Production Company he makes the documentary diploma film „From the City of Łódź“. He makes for TV the documentary film entitled „The Photograph“. He undertakes his first job in the Cooperative Film Production Company, where he makes short commercials. Together with his colleagues he puts forward an initiative to call into being the Studio of the Young of the name of K. Irzykowski (this idea will be implemented only in 1981). 1970 In February, he defends his Master’s thesis entitled „Film and Dramaturgy of Reality“. He receives the title of the Master of Art. In April he gets a fulltime job as an assistant director in the Documentary Film Production Company. At the end of the year he makes the film entitled „Before the Rally“. 1971 Made by Kieślowski in 1970 the documentary film entitled „I was a soldier“ receives honors on the Festival of Short Films in Cracow. Kieślowski is in a group of „the angry young men“, who formulate the manifest of „the new document“. In the autumn of 1971 he makes the documentary film entitled „Workers“, later expurgated. 1972 Realization of the documentary film entitled „Refrain“. The birth of daughter Marta. 1973 Realization of the subsequent documentary films – „The Bricklayer“, „The Overexposure“, and „First Love“, and a half an hour’s feature TV debut entitled „The underground passage“. 1974 „First Love“ receives Grand Prix on XVI Festival of Short Films in Cracow.
… I do not consider myself an artist. I am a craftsman. A man, who knows some basics of a certain profession… My profession is precisely determined, and it requires knowledge of very tangible things. It can be performed by a man, who has relatively wide interests, pretty good knowledge of literature, painting, music, dramaturgy, and technique. If one also writes screenplays, on should know something about creating characters, constructing action and its turning points. There are still actors, assembling the crew, not mentioning editing and many other issues. All this constitutes director’s fields of activity and it is simply a craft. Multidisciplinary craft. Its specific elements can be tracked down in the film. I did it many times and I have always confirmed that the result depends on the knowledge of the craft. This also concerns my films…
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64 1975 «Le Personnel», fiction de soixante minutes réalisée pour la télévision et inspirée des expériences personnelles de Kieślowski à l’époque de ses études au lycée et de son travail dans la loge d’artiste au théâtre, obtient le Grand Prix du Festival International du Film de Mannheim. Le réalisateur se rend pour la première fois en Europe de l’Ouest. 1976 En mars, la rédaction de l’hebdomadaire «Polityka» attribue à Kieślowski le prix «Drożdże» [«Levure»] pour «le fait de susciter une effervescence artistique», et retient son documentaire «Curriculum Vitae» réalisé en 1974. Le film est largement commenté dans les ciné-clubs, dans les médias et dans les réunions… du parti, bien que Kieślowski n’ait appartenu à aucun parti. En décembre, sort en salles «La Cicatrice», le premier long métrage de fiction de Kieślowski. «Le Calme», le film télévisé réalisé après «La Cicatrice», est bloqué par la censure. 1977 Le quotidien «Sztandar Młodych» [„L’Etendard des Jeunes”] place Kieślowski parmi les 20 grands jeunes Polonais. 1978 Réalisation de «Le point de vue du gardien de nuit» et «Sept femmes», comptés parmi ses documentaires les plus célèbres et primés plus tard dans de nombreux festivals des courts-métrages. 1979 Sa fiction «L’Amateur» obtient les grands prix des festivals du film de Moscou, de Gdańsk et de Chicago (1980). Kieślowski est considéré en Pologne comme le leader du «jeune cinéma» et du courant appelé «le cinéma de l’inquiétude morale». Il est élu vice-président de l’Association des Cinéastes polonais et nommé directeur adjoint de l’unité de production «Tor» dirigé par Krzysztof Zanussi. Il commence son activité pédagogique en tant qu’enseignant à la Faculté de Radio et de Télévision de l’Université de Silésie à Katowice, qui vient de se créer. Il écrit ses propres analyses de la situation en Pologne pour le séminaire semi-légal «Expérience et Avenir» auquel il collaborera encore les années suivantes.
...Je ne supporte pas les étiquettes… J’essaie de comprendre les gens sur le m~me pied, indépendamment du pays dans lequel ils vivent et de la situation dans laquelle ils se trouvent… Au fond, les Polonais des années 1970 et les Français des années 1990 sont exactement pareils. Les Romains nous ressemblaient, de m~me nous ressembleront ceux qui viendront après nous. La peur, la douleur, l’amour, la haine sont toujours identiques. Le mal de dent est le m~me pour un anarchiste, pour un communiste, pour un Anglais du XV-ème siècle et pour un habitant de l’Inde d’aujourd’hui…
1980 Aussitôt après la naissance en Pologne du mouvement syndical indépendant Solidarność, l’auteur de «L’Amateur» formule son nouveau programme artistique: «Regarder largement – voir en profondeur». Il collabore, dans cette période, avec entre autres Hanna Krall, célèbre reporter de «Polityka». Il réalise «T~tes parlantes», un documentaire. 1981 A l’époque de Solidarność, il réalise «Le Hasard» pour le cinéma et «Une courte journée de travail» pour la télévision. Les deux films sont bloqués par la censure. En août 1981, la mère du réalisateur meurt dans un accident de voiture. Le 13 décembre 1981, l’état de guerre est proclamé en Pologne. 1982 En automne 1982, Kieślowski essaie de tourner un documentaire sur les procès politiques de l’état de guerre. Il en abandonne la réalisation lorsqu’il apprend qu’il n’est admis avec la caméra qu’à des séances sélectionnées. Au tournant de novembre et décembre, a lieu la première rencontre de Kieślowski avec l’avocat Krzysztof Piesiewicz. Ils engageront bientôt une étroite collaboration à l’écriture de scénarios.
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65 1975 Made for TV the hour’s feature film entitled „The Staff“, inspired by Kieślowski’s personal experiences from the times of education in the high school and the work in the theatre wardrobe, receives Grand Prix on the International Film Festival in Mannheim, For the first time the director goes to Western Europe. 1976 In March, the editorial staff of „Polityka“ („The Politcs“) grants the award of „The Yeast“ to Kieślowski for „causing creative ferment“ and it points out to the documentary film made in 1974 and entitled „Cirruculum vitle“. Kieślowski is widely commented in the film clubs, media and at the meetings… of the party, despite the fact that he did not belong to any political party. In December Kieślowki’s feature debut is released – „The Scar“. Made after „The Scarf“ the TV film entitled „The Tranquility“ is arrested by the censorship. 1977 „Sztandar Młodych“ („The Young’s Banner“) journal classifies Kieślowski as one of the 20 outstanding young Poles. 1978 One of the best known director’s documentary films are made – „From a Night Porter’s Point of View“ and „The Seven Women of Various Age“, later awarded on many short film festivals. 1979 The feature film entitled „Camera buff“ receives the major awards on film festivals in Moscow, Gdańsk, and Chicago (1980). Kieślowski is considered to be the leader of „the young cinema“ and the trend called „the cinema of moral anxiety“ in Poland. He is elected the vice president of the Association of Polish Filmmakers and appointed the deputy manager of „Tor“ („The Track“) film team led by Krzysztof Zanussi. He undertakes his pedagogical activity as a lecturer at the newly established Department of Radio and Television of University in Katowice. He writes down his own analyzes of the situation in Poland for a half-legal seminar „Experience and the Future“. He will co-operate with it in the following years. 1980 Shortly upon the emergence of the „Solidarity“ trade union movement, the creator of „Camera buff“ formulates his new artistic program: „to look wide – to see deep“. During that period of time he co-operates among others with the popular reporter of „Polityka“ („The Politics“) – Hanna Krall. 1981 During the period of the „solidarity“ spurt, he makes the cinema film entitled „Blind Chance“ and the TV film entitled „A Short Working Day“. Both films are arrested by the censorship. In August 1981, director’s mother dies in a car accident. On December 13, 1981, the martial law is declared in Poland. 1982 In the autumn of 1981, Kieślowski tries to make a film about the political processes of the martial law. He withdraws from the production, when it turns out that he is admitted with the camera only to selected trials. On the turn of November and December Kieślowski meets for the first time the attorney Krzysztof Piesiewicz. Soon they will begin close co-operation over the screenplays.
…I hate labelling... I equally try to understand people, regardless of the country, in which they live and the situation, they are in… As a matter of fact, Poles of seventies and French of nineties are exactly the same. Romans were similar to us, and similar to us will be those, who will come after us. Fears, pain, love, hatred, are always identical. Tooth pain is the same for an anarchist, a communist, an Englishman from XV century, and today’s inhabitant of India….
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66 1983 Kieślowski est invité avec Agnieszka Holland à diriger des séminaires de réalisation cinématographique au Künstlerhaus Bethanien à Berlin-Ouest. Les séminaires sont organisés par Henryk Baranowski, Bettina Wilhelm, Dorota Paciarelli. Kieślowski y enseignera jusqu’en 1990. 1984-1985 Il réalise pour le cinéma «Sans fin», un film qui renoue avec les événements de l’état de guerre en Pologne. Krzysztof Piesiewicz est le coscénariste, Zbigniew Preisner en fait la musique. La première du film n’a lieu qu’au milieu de 1985; la critique polonaise attaque violemment le réalisateur. Dans le m~me temps, Piesiewicz et Kieślowski travaillent sur les scénarios du «Décalogue». 1987 En mars, commence le tournage du «Décalogue», un cycle de dix films télévisés et de deux films destinés aux salles: «Brève histoire d’amour» et «Tu ne tueras point». Le travail sur tous les épisodes durera presque deux ans. Six ans après sa réalisation, «Le Hasard» est admis à la distribution dans les salles polonaises. Au Festival International du Film de Cannes, il n’est présenté que dans la section «Un Certain Regard». Avec Edward Żebrowski, Kieślowski commence une activité pédagogique donnant des cours en Suisse et en Autriche. 1988 En mars, a lieu la première polonaise du premier épisode du «Décalogue», destiné aux salles: «Tu ne tueras point». En mai, au Festival international du Film de Cannes, le film obtient le Prix du Jury et le prix FIPRESCI. En septembre, «Brève histoire d’amour», le second des épisodes du «Décalogue» destinés aux salles, obtient le Grand Prix du Jury pour la réalisation ainsi que le prix FIPRESCI au Festival international du Film de San Sebastian. En décembre, pour son «Tu ne tueras point» Kieślowski reçoit le Prix Félix de l’Académie européenne du Film. 1989 A la suite des négociations de la Table Ronde, s’opère en Pologne un changement de régime politique. Le premier gouvernement non-communiste est formé. Le réalisateur termine son dernier film documentaire, «La Semaine de sept jours», ainsi que le cycle télévisé «Le Décalogue» dont la première mondiale a lieu en septembre 1989 au Festival international du Film de Venise. La Télévision polonaise vendra ensuite ce cycle dans 70 pays. 1990 En février, pour les scénarios du «Décalogue» Kieślowski (avec Krzysztof Piesiewicz) obtient le prestigieux prix italien Premio Flaiano. Ken Wlaschin de l’Institut américain du Film à Los Angeles dit du «Décalogue» de Kieślowski, que c’est le nouveau «Citizen Kane». Pour la promotion de ses films et la participation à de nombreux festivals qui lui sont consacrés, Kieślowski fait beaucoup de voyages à travers l’Europe, il voyage également aux Etats-Unis, au Canada, au Japon et en Amérique Latine. En automne, il commence à tourner «La Double vie de Véronique», son premier film de fiction réalisé en Occident. Le tournage se fait en France et en Pologne. J’ai reçu de la vie plus que je n’attendais et probablement plus que je ne méritais, pourtant je ne pourrais pas dire que j’ai tout…
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67 1983 Together with Agnieszka Holland, Kieślowski is invited to conduct director’s seminars in Kulturhaus in Western Berlin. The seminars are organized by Henryk Baranowski, Bettina Wilhelm, and Dorota Paciarelli. Kieślowski will lecture there until 1990. 1984-1985 Realization of the cinema film entitled „Without End“ referring to the events of the martial law in Poland. Film’s co-screenwriter is Krzysztof Piesiewicz, and music’s author – Zbigniew Preisner. Film’s premiere takes place only in the half of 1985; the Polish critics fiercely attacks the director. At that time Piesiewicz and Kieślowski jointly work over the screenplays of „The Decalogue“. 1987 In March, the shooting for the cycle of the 10 TV films entitled „The Decalogue“ and the two films designated for the cinema – „A Short Film About Love“ and „A Short Film About Killing“, begins. The work over all episodes will last for almost two years. „Blind Chance“, six years after its completion, is admitted to the screens of the Polish movies. On the International Film Festival in Cannes it is presented only in the informational section called „Certain Regards“. Jointly with Edward Żebrowski, Kieślowski begins to conduct his pedagogical activity at the workshops in Switzerland and Austria. 1988 In March, the Polish premiere of the first cinema episode of „The Decalogue“ – „A Short Film About Killing“, takes place. In May, on the International Film Festival in Cannes, the film receives the Jury Award and the award of FIPRESCI. In September, the second of the cinema episodes of „The Decalogue“ – „A Short Film About Love“ receives the Grand Jury Award for directing and FIPRESCI Award on the International Film Festival in San Sebastian. In December, for his film entitled „A Short Film About Killing“, Kieślowski receives Felix – the award of the European Film Academy. 1989 As a result of the talks of „The Round Table“ in Poland, the changes in the political system occur. The firs non-communist government is established. The director finishes the realization of his last documentary film entitled „Seven Days a Week“ and the TV cycle entitled „The Decalogue“. Its world premiere takes place in September 1989 on the International Film Festival in Venice. Afterwards, the Polish TV will sell this film to 70 countries. 1990 In connection with the promotion and reviews of his films, Kieślowski takes numerous trips almost across the entire Europe, and also to the USA, Canada, Japan, Latin America. In the autumn he begins the shooting for his first feature film realized in the West – „The Double Life of Veronique“. The shooting is done in France and Poland. 1991 The premiere of „The Double Life of Veronique“. On the International Film Festival in Cannes, the lead actress in this film – Irène Jacob, receives the award for acting. In the USA, Kieślowski receives the award of „Independent Spirit“. 1992-1993 Repeated longer stay in France. Realization of the film trilogy „The Three Colours: Blue, White, Red“, realized in French-Swiss-Polish coproduction. The triptych was sold to more than 50 countries. In September, 1993, on the International Film Festival, the film entitled „The Blue“ receives the Golden Lions. Kieślowski declares that he will not make films anymore.
I received from life more than I expected and probably more than I am worthy, however, I could never say that I have everything…
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68 1991 Wim Wenders, réalisateur allemand: «Pendant la cérémonie de distribution des «Félix», Kieślowski allait toutes les dix minutes aux toilettes à cause d’une infection des reins. Et toutes les dix minutes, a-t-il raconté, il y était rejoint par Marcello Mastroianni qui courait fumer une cigarette». «Et nous étions tous les deux rejoints par Wim Wenders qui entrait dans les lavabos pour se laver les mains, lui aussi toutes les dix minutes. Donc, si vous me demandiez quelle est ma vision du cinéma européen, je vous dirais: moi avec ma maladie de reins, Marcello avec sa cigarette, Wim se lavant les mains. Voilà le cinéma dont je r~ve», plaisantait Kieślowski. Kazimierz Kutz, réalisateur polonais: «Kieślowski était de ceux qui par nature savaient plus et mieux, m~me s’ils ne l’affichaient pas. J’ai souvent médité à son propos, sur sa construction psychologique et je soupçonnais son intelligence de dépasser ses réalisations; il le savait lui-m~me mieux que quiconque et il en souffrait, je crois. C’est l’impression qu’il me donnait…» Adam Zagajewski, poète et prosateur: «Son visage avait quelque chose d’absolu; tout Krzysztof y était rassemblé. Il semblait m~me révéler l’intention de celui qui nous a conçu: il était mince comme une lame de couteau. Couteau à trancher les mystères. C’est à cela que devrait servir le visage humain, à moins qu’un sourire ne vienne l’éclairer et l’adoucir, comme cela se passait souvent avec le visage de Krzysztof. Son visage était un signe manifeste de l’honn~teté de l’artiste et de l’homme.»
Première de «La Double vie de Véronique». Au Festival international du Film de Cannes, Irène Jacob, l’interprète du rôle principal, reçoit le prix d’interprétation féminine. Aux Etas-Unis, Kieślowski reçoit le prix Independent Spirit. 1992-1993 Un nouveau séjour plus long à Paris. Réalisation de la trilogie «Trois couleurs: Bleu, Blanc, Rouge » en coproduction franco-polono-suisse. Le triptyque est vendu dans plus de 50 pays. En septembre 1993, au Festival international du Film de Venise, «Bleu» obtient le Lion d’Or. Kieślowski annonce qu’il ne fera plus de films.
JE CHERCHE LES PENSÉES ET LES SENTIMENTS QUI UNISSENT (Un bref discours à l’occasion de la réception du Prix Sonning)
Monsieur le Ministre, Messieurs les Ambassadeurs, Monsieur le Recteur, Mesdames et Messieurs, Je me tiens devant vous, honoré et fier de voir mon nom placé au nombre des grandes personnalités européennes de notre temps. J’en remercie le Comité du Prix. Je remercie le professeur Klejd Mölgard, Recteur de l’Université, et son prédécesseur, le professeur Ove Natan qui m’a avisé de l’attribution de ce prix. Je remercie le professeur Peter Schepelern pour sa présentation précise des motivations, et le Chœur de l’Université pour avoir si bien chanté. Et pourtant je me tiens devant vous un peu perdu et perplexe. Car en réalité, au fond de moi, je ne sais pas pourquoi aujourd’hui, je suis l’objet de cet honneur. Pourquoi a-t-on choisi la culture parmi la richesse des sciences et de la civilisation européenne? Pourquoi dans la culture a-t-on élu le cinéma? Et finalement, pourquoi dans le grand nombre des cinéastes européens, m’a-t-on choisi, moi? Est-ce moi qui aie effectivement mérité d’~tre ici aujourd’hui, ou bien le mérite est-il ailleurs? J’ai l’impression qu’en décidant de décerner le Prix Sonning à un représentant de la culture, le Comité a montré le danger dans lequel se trouve aujourd’hui la culture européenne. La prédominance de la civilisation sur la culture, la victoire évidente de la matière sur l’esprit, un manque lisible et douloureux d’idée quant à l’avenir de l’Europe, sont nets ces dernières années. Ce n’est pas en inventant des systèmes d’information de plus en plus parfaits et des mitrailleuses à tir de plus en plus rapide, que nous trouverons la réponse aux questions sur notre avenir. Nous ne la trouverons pas non plus, dans la collectivisation et l’anonymat de la civilisation. La réponse, si elle vient, apparaîtra dans les esprits humains et non sur l’écran d’un ordinateur. Elle apparaîtra dans le domaine de la culture et non dans la puissance de la civilisation. C’est ainsi que je comprends ce signe. Dans la grande crise de la culture contemporaine, dans sa lutte avec la commercialisation et l’américanisation, le cinéma – m~me s’il dépend tellement de l’argent – a paradoxalement réussi à maintenir sa position. Bien que les résultats ne soient pas satisfaisants, il essaie de conserver l’identité de nations européennes différentes, tout en recherchant l’universalité et l’originalité. Plusieurs milliers de salles européennes continuent à rassembler chaque jour quelques millions de personnes qui y viennent non seulement pour se distraire du quotidien, mais aussi pour se sentir ensemble et pour chercher en commun, une réponse aux craintes et à l’incertitude du lendemain. C’est peut~tre la raison pour laquelle le Comité a dit: le cinéma. Je fais des films modestes et pas chers. Je place la caméra dans différents pays de l’Europe pour regarder de près la solitude humaine et la peur humaine, la misère humaine. Je ne donne pas la réponse car je ne la connais pas. Je pose la m~me question que tout le monde. Je cherche les pensées et les sentiments qui unissent. Par l’intermédiaire
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69 1994 In February, the film entitled „The White“ receives the Silver Bear on the International Film Festival in Berlin. Polish director takes part in the famous discussion with Wim Wenders on director’s attitudes. In April, he receives a prestigious award of the name of Sonnning and the German one – „Bibel und Kultur“, granted to him by Copenhagen University. On the International Film Festival in Cannes, favourized for the Golden Palm film entitled „Red“ does not receive any award. Upon returning to Poland, Kieślowski undertakes his pedagogical activity in Łódź School Film. He also continues to conduct the workshops in Germany, Finland, and the Netherlands. He takes under his artistic wings a few young directors, who work over their own films.
Wim Wenders, a German director: – During the ceremony of distributing the Felixes, due to his kidney infection, Kieślowski every 10 minutes went to the bathroom every. And every 10 minutes, as he recalled, he was joined by Marcello Mastorianni, who run out for a cigarette. „And the two of us were joined by Wim Wnders, who came into the bathroom to wash his hands. So if you ask me, what is my vision of the European cinema, it is the following: me with my kidney disease, Marcello with his cigarrette, and Wim washing his hands. This is the cinema, of which I dream“ – he was joking. Kazimierz Kutz, polish director: – Kieślowski was one of those men, who by their nature know more, and better, even though they do no show it off. I was frequently thinking about him, about his mental make-up, and I supposed that his intelligence was bigger than his accomplishments; he himself knew about it better and he probably suffered because of that. This was an impression, he made on me… Adam Zagajewski, poet, writer: – His face had something absolute about it; it focused in it everything, what Krzysztof was. It even seemed to reveal an intent of our Creator: it was as narrow as a knife’s blade. A knife to cut through the mysteries. This is what the human face should serve, unless it is cheered up and softened by a smile, as it often happened with Krzysztof’s face. His face was a visible sign of artist’s and man’s honesty.
I LOOK FOR THOUGHTS AND FEELINGS WHICH UNITE Minister, Ambassadors, Rector, Ladies and Gentelman,
I
stand before you, honoured and proud at having my name included in the circle of eminent, European figure of our time. I tank the Award Committe, the University Rector, Professor Klejl Molgard, and the former Rektor, Professor Ove Natan, who informed me that I Am to receive the Award, I think Professor Peter Schepelern for his meticulos speech explaining why I hale been given the Award, and I tank the Academic Choir for its beautiful songs.
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70 de la caméra et des acteurs, j’essaie de discuter avec le public sur ce qui me semble important. Je ne spécule pas et si je prends soin de la forme artistique ce n’est que dans la mesure où les histoires racontées le nécessitent. Les gens qui viennent au cinéma sont des gens comme moi. Ils ont peur des m~me choses et ils ont les m~mes préoccupations. Ils se posent les m~mes questions et comme moi, ils ne trouvent pas de réponses. Ils ont accepté mon invitation à la discussion. Ce sont eux, mes spectateurs, qui sont en réalité lauréats du prix aujourd’hui. Ce sont ceux qui viennent au cinéma et se reconnaissent à l’écran avec leurs sentiments, qui donnent une légitimité à ce prix. Les étudiants qui protestent aujourd’hui sur l’escalier de l’université ne manifestent pas leur amour pour le cinéma. Ils manifestent leur hostilité envers les examens. Je le comprends et je n’ai rien contre cela. Et pourtant eux aussi, qu’ils le veuillent ou non, font partie de mon public et leur présence me donne du courage. Le professeur Schepelern a raison en disant que le brassage des cultures ne doit pas forcément signifier la platitude, que l’on peut additionner les cultures en conservant les identités et en obtenant une valeur supplémentaire. Je crois en une telle possibilité. Avec cette foi au cœur, je remercie à nouveau le public et mes collaborateurs parmi lesquels je compte aussi Peter Refn: par un immense travail, il donne au public la possibilité de choisir. Je remercie le Comité du Prix Sonning, mais également le bébé de quelques mois qui, quelque part au fond de la salle, en accompagnant la cérémonie de ses pleurs, y a introduit de la vie, y a mis les justes proportions. Mesdames et Messieurs, merci. K. Kieślowski / Copenhague, 15.04.1994
1994 En février, «Blanc» obtient l’Ours d’Argent au Festival International du Film de Berlin. Le cinéaste polonais participe à la célèbre discussion avec Wim Wenders sur les attitudes de réalisateurs. En avril, il reçoit le prestigieux Prix Sonning décerné par l’Université de Copenhague, ainsi que le prix allemand «Bibel und Kultur». Au Festival International du Film de Cannes, son «Rouge», le grand favori pour la Palme d’Or, ne remporte aucun prix. De retour en Pologne, Kieślowski commence son activité pédagogique à l’Ecole de Cinéma de Łódź. Il continue également à donner des cours en Allemagne, en Finlande et Aux Pays-Bas. Il prend sous ses ailes quelques jeunes réalisateurs qui travaillent sur leurs propres films. 1995 En début de l’année, «Rouge» est nominé aux Oscars dans trois catégories: meilleur réalisateur, meilleur scénario, meilleure photo. Naissent les grandes lignes du scénario d’un nouveau triptyque de Kieślowski et Piesiewicz: «Le Paradis», «L’Enfer» et «Le Purgatoire». Krzysztof Wierzbicki, assistant de Kieślowski de longue date, tourne un film biographique sur l’auteur du «Décalogue», intitulé «I’m so, so...». Le documentariste allemand Andreas Vogt enregistre des entretiens avec lui, qu’il intitulera «La Rencontre». Kieślowski donne des cours de réalisation cinématographique en Finlande et à Amsterdam. En août 1995, lors de son séjour dans un centre de villégiature en Mazurie, il a une crise cardiaque.
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71 And yet I stand before you somewhat lost and helpless, For, deep down inside, I don’t really know why I hale been honoured today. Why, from among all the riches of science and European civilization, has culture been chosen. Why, from the whole of culture, had film been picket out? Finally, why, from among all European filmmakers, have I been chosen? Do I really deserve to stand here, today, or does the merit lie alsewhere? I believe that the Committe in deciding to present the Sonning Award to someone from the field of culture, Has pointer to the danger in which European culture itself today, over the last years, the predominance of civilization over culture evident victory of master over spirit the lack of ideas as to the future of Europe, is painfully clear. We won’t find an answer to the question abort our future by creating increasingly perfect system of information and ever-faster rifles. We won’t find it in the collectivization and anonymity of civilization. The answer – if it comes – will appear in the minds omen and not on computer screens. And so, it will appear within the realm of culture and not; over of civilization. That’s how I interpret this pointer. In this great crisis of contemporary culture, in its struggle against commercialization and americanization, paradoxically, cinema – although so dependent on money – has guarded its place. It tries – although the effects are unsatisfactory – to maintain the identity of Europe’s individual nations while, at the same time, trying to find universality and originality. Thousands of screens in Europe in Europe still draw several million people daily, people who come looking, not only for an escape from day to day affairs, but also so as to feel a sense of unity and to look together for an answer to the anxieties and uncertainties of tomorrow. This, perhaps in the reason why the Committee said: cinema. Finally, I, myself, standing here in front of you. I make films, which are modest and inexpensive. I place the camera in various European countries so as to observe man’s loneliness, man’s fear and poverty. In don’t give an answer because I don’t know it. I ask the same questions as everybody. I look for thoughts and feelings which unite. I try, with the help of a camera and actors, to talk with my public about what I believe to be important. I don’t speculate and. If I care about artistic form, it’s only to the extent as meet the needs of the stories being told. People who come to the cinema are people like myself. They’re afraide of and worry about the same things. They ask themselves the same questions and like me, they don’t find the answers. They’ve accepted my invitation to talk. It is they, my viewers, who are the real winners of today’s Award. It is the people, who come to the cinema and recognize themselves and their feelings on screen, who justify this Award. The students, who are demonstrating on the university steps today, are not expressing their love of cinema. They are expressing their aversion to exams. I can understand that and have nothing against it. Nevertheless, they too, whether they like it or not, constitute part of my public and their presence encourages me. Professor Schepelern is right in saying that mixing cultures doesn’t necessarily imply mediocrity, that one can add to culture while maintaining one’s own identity and so gain added value. I believe in such a possibility, With this faith. I would once more, like to thank the public and my co-workers, among whom I include Peter Refn, who, through his great work, gives the public the possibility of chosing; I thank the Committe of Sonning Award, but also the few month old boy, by crying somewhere there in the back, added life to this ceremony and brought everything into perspective. I thank you, ladies and gentlemen. K. Kieślowski / Copenhagen, 15.04.1994
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72 1996 Après une période de convalescence post-infarctus, Kieślowski reprend ses cours avec les étudiants de l’Ecole de Cinéma de Łódź. Il apprend qu’il est lauréat du Prix européen des Médias. Il n’aura pourtant pas l’occasion de le réceptionner. Le 12 mars 1996, il entre à l’hôpital CSW de Varsovie pour ~tre opéré du cœur. Le 13 mars, il meurt d’une crise cardiaque. Il est inhumé le 19 mars 1996 à Varsovie.
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73 1995 At he beginning of the year, the film entitled „The Red“ receives three nominations to Oscar – for directing, screenplay, and shooting. A screenplay outline of the next triptych of Kieślowski and Piesiewicz is created – „Eden“, „Hell“ and „Purgatory“. A many year assistant of Krzysztof Kieślowski – Krzysztof Wierzbicki makes a biographical film about the creator of „The Decalogue“, entitled „I am so, so…“, and a German documentary filmmaker Andreas Vogt records conversations with him entitled „The Meeting“. Kieślowski lectures at director’s workshops in Finland, and Amsterdam. In August, 1995, during his stay in the summer resort on Mazury, he has a heart attack. 1996 After his post-heart-attack convalescence Kieślowski resumes his classes with the students in Łódź School Film. He learns about having been granted the European Media Award, but he will not collect it. On March 12, 1996 he goes to Warsaw CSW hospital to have a heart operation. On March 13, he dies from a heart attack. On March 19, 1996 Director’s funeral takes place. Rétrospective des oeuvres de Krzysztof Kieślowski, Varsovie 1998 Retrospective of Kieślowski’s creative accomplishments, Warsaw, March, 1998
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J’ai fait des films pour parler avec les gens…
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I have made the films to be able to talk with people.
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FILMOGRAPHIE FILMS D’ETUDIANT / SCHOOL FILMS LE TRAMWAY /THE TRAM Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Zdzisław Kaczmarek Supervision pédagogique / Pedagogical Supervision: Wanda Jakubowska, Kazimierz
Konrad
- Pour moi, Kieślowski est resté un excellent observateur de l’absurde et du quotidien désespéré de l’époque où, en tant que documentariste, il avait fait «Le Personnel», «La Gare», «T~tes parlantes». Il était alors un peu le Mrożek et peut~tre aussi le Gombrowicz de notre cinématographie. Pourtant il voulait, je crois, devenir quelqu’un d’autre… Andrzej Szczypiorski écrivain
Le premier film en salle de Kieślowski, «La Cicatrice» (1976), aurait pu servir de démonstration pratique dans les procès
Production / Production Company: Ecole nationale supérieure d’Art Théâtral et Cinématographique à Łódź / Staatliche Theater und Filmhochschule in Lodz Avec / Cast: Maria Janiec, Jerzy Braszka Dans un tram de nuit, un jeune homme aperçoit une jolie jeune femme. Il a envie de la connaître, mais elle s’endort.
A boy catches a night tram. There are few passengers: a worker and a girl. The boy feels attracted to the girl and tries to make her laugh. Then he watches as she falls asleep. He gets off at his stop and then decides to run after the tram with the sleeping girl inside. LE GUICHET / THE OFFICE Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Scénario / Script: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Lechosław Trzęsowski Supervision pédagogique / Pedagogical Supervision: Jerzy Bossak, Kazimierz Karabasz, Kurt Weber Production / Production Company: Ecole nationale supérieure d’Art Théâtral et Cinématographique à Łódź / Staatliche Theater und Filmhochschule in Lodz Pays de production: Pologne / Poland, 1966 Documentaire / documentary / noir et blanc / black and white, 5 Min.
Un regard satirique sur la bureaucratie polonaise.
économiques, en 1981. Le grand documentariste a enregistré presque tous les péchés des méthodes usées pratiquées par des gens tordus. Il a pourtant glissé sur les
A satire on bureaucracy. Employees of a state-owned insurance office ask the same question to every petitioner standing in a long queue: „What have you been doing in your life?“
passions humaines comme le désir du pouvoir ou de la possession, ou le sexe… «La Cicatrice» est un premier pas. On trouve dans le film une ébauche des personnages souvent interprétés ensuite par Jerzy Stuhr… Waldemar Chołodowski Pays de l’immaturité
CONCERT DES MEILLEURS VOEUX / CONCERT OF REQUESTS Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Scénario / Script: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Lechosław Trzęsowski Supervision pédagogique / Pedagogical Supervision: Wanda Jakubowska, Kazimierz Konrad Production / Production Company: Ecole Nationale Supérieure d’Art Théâtral et Cinématographique à Łódź / Staatliche Theater und Filmhochschule in Lodz Avec / Cast: Ewa Konarska, Jerzy Fedorowicz, Waldemar Korzeniowski, Roman Talarczyk, Ryszard Dembiński, Andrzej Titkow Pays de production / Country: Pologne / Poland, 1967 Fiction / feature / noir et blanc / black and white, 16 Min.
Un tableau des comportements et des centres d’intér~t des jeunes. A busride of young people is the basis for reflexions on subcultures of the Polish Youths at the end of the Sixties.
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FILMOGRAPHY FILMS DOCUMENTAIRES / DOCUMENTARY FILMS LA PHOTOGRAPHIE / THE PHOTOGRAPHY Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Scénario / Script: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Marek Jóźwiak, Wojciech Jastrzębowski Musique / Music Description: Andrzej Trybuła; Montage / Editor: Jolanta Wilczak Production / Production Company: TVP / Télévision Polonaise / TV-Poland, 1968 Noir et blanc / black and white, 32 Min.
Une vieille photographie représente deux garçons, des fusils à la main. Devenus adultes, ces deux enfants témoignent de ce qu’ils ressentent en revoyant la photo. A photograph taken during the World War II shows two boys. Shown to them when they are grown up, the photograph gives rise to numerous memories revealing long hidden emotions. DE LA VILLE DE ŁÓDŹ / FROM THE CITY OF LODZ Le film de diplôme de Krzysztof Kieślowski / Krzysztof Kieślowski’s diploma film Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Scénario / Script: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Janusz Kreczmański, Piotr Kwiatkowski, Stanisław Niedbalski; Montage / Editor: Elżbieta Kurkowska, Lidia Zonn Production / Production Company: Studio des Films Documentaires [WFD] à Varsovie / WFD Warsaw / Warschau, 1969
For me Kieślowski remained an excellent observer of absurdity and desperate every day life from the times, when as a documentary filmmaker he made „The Staff”, „Train Station” and „Talking Heads”. At that time he was a little like Mrożek, and perhaps Gombrowicz of our cinematography. And surely he wanted to become somebody else… Andrzej Szczypiorski writer
Noir et blanc / black and white, 17,5 Min.
Kieślowski’s film debut – „The Scar” (1976),
Un portrait de la ville où les usines textiles et les femmes qui y travaillent, jouent un rôle particulier.
in 1981 could serve as demonstrative material in economic proceedings. An outstanding documentary filmmaker recorded
A portrait of Łódź, a city where some people work, others wonder around and search for only Lord knows what. A town which is full of oddity, full of absurd statues and various contrasts.
almost all sins of eroded technology, practised by flawed people. However, it slid over human passions such as desire of power, possession, and sex.
J’ETAIS SOLDAT / I WAS A SOLDIER Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI, Andrzej Titkow Scénario / Script: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI, Ryszard Zgórecki Image / Cinematography: Stanisław Niedbalski Montage / Editor: Walentyna Wojciechowska Production / Production Company: Film Studio «Czołówka», Varsovie / Filmproduktion „Czołówka“, Warsaw, 1970 Noir et blanc / black and white, 16 Min.
Des anciens soldats qui ont perdu la vue pendant la Seconde Guerre Mondiale, témoignent avec le recul de leurs expériences. A documentary about men who lost their sight when they were soldiers during World War II.
„The Scar“ is a film of the first step; an outline of characters appears in it, who are later reconstructed many times by Jerzy Stuhr. Waldemar Chołodowski Land of Immaturity
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78 L’USINE / FACTORY Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Stanisław Niedbalski, Jacek Tworek Montage / Editor: Maria Leszczyńska Production / Production Company: Studio des Films Documentaires [WFD] à Varsovie 1970 Noir et blanc / black and white, 17 Min.
Une réunion des dirigeants de l’usine de tracteurs «Ursus», confrontée aux images du travail dans les halles de l’usine. Shots showing workers in the steel productions halls in the „Ursus“ tractor factory contrasted with shots showing the management board meeting.
Kieślowski présente la création comme une forme de souffrance, comme une nécessité que l’on ne peut contenir, comme un cri solitaire face à l’indifférence ou aux jeux d’influences. Jean A. Gili Positif Comme Candide, le protagoniste de
«L’Amateur» suit droit son chemin au milieu d’une société dénaturée.
AVANT LE RALLYE / BEFORE THE RALLYE Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Piotr Kwiatkowski, Jacek Petrycki Montage / Editor: Lidia Zonn Directeur de production / Production Manager: Waldemar Kowalski Production / Production Company: Studio des Films Documentaires [WFD] à Varsovie, 1971 Noir et blanc / black and white, 14 Min.
Les préparatifs de l’équipe polonaise au Rallye de Monte Carlo en 1971. A report on the preparation of the Polish team for the Monte Carlo race. LES OUVRIERS 71: RIEN SUR NOUS SANS NOUS / WORKERS ‘71 La version complète du film n’a jamais été montrée. Coupé et re-monté sans autorisation de ses auteurs, le film a été présenté à la télévision dans une version censurée, intitulée «Les Hôtes».
Ginette Gervais Jeune Cinéma
«L’Amateur» est une histoire qui parle de la
The original version of the film has never been shown. Despite the protests on the makers’ side, after many cuts and re-editions, a new version – ‘The hosts’ was made and broadcast on television.
réalisation de l’humanité en l’homme, une recherche qui permet de retrouver un regard
Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI, Tomasz Zygadło
sur la vie qui rende cette vie responsable et
Image / Cinematography: Witold Stok, Stanisław Mroziuk, Jacek Petrycki
pourvue de sens. C’est un film
Montage / Editor: Lidia Zonn, Maria Czołnik
philosophique.
Production / Production Company: Studio des Films Documentaires [WFD] à Varsovie /
Olga Kuchkina
Warschau, 1972
Komsomolskaïa Pravda
Couleur / colour, 46, 5 Min.
«Le Hasard» de Kieślowski a traîné pendant six ans dans un placard. Alors que l’histoire galopait comme un cheval effarouché (…) Mais il serait bien naïf de prétendre que
«Le Hasarde» constitue aujourd’hui qu’un document de son temps, qu’un vestige de l’époque révolue. C’est un film inquiétant, provocant, agaçant. Difficile et pas très agréable (…) c’est la dernière partition du
«cinéma de l’inquiétude morale«. Maciej Pawlicki Kino
La prise de conscience de la société après les événements de décembre 1970 en Pologne et les manipulations du pouvoir en vue d’utiliser les aspirations des ouvriers à ses propres fins. A documentary which shows social attitudes after the events of December 1970. It shows manipulation on the authorities’ side to use workers’ aims for their own purposes. ENTRE WROCŁAW ET ZIELONA GÓRA (film de commande) BETWEEN WROCŁAW AND ZIELONA GÓRA (commissioned film) Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Jacek Petrycki; Montage / Editor: Lidia Zonn Production / Production Company: Studio des Films Documentaires [WFD] à Varsovie / Warschau, 1972 Couleur / colour, 10 Min.
Documentaire sur les mines de cuivre a Lubin. A documentary about a copper mine in Lubin.
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79 LES PRINCIPES D’HYGIENE ET DE SECURITE DANS UNE MINE DE CUIVRE (film de commande) / THE PRINCIPLES OF SAFETY AND HYGIENE IN A COPPER MINE (commissioned film) Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Scénario / Script: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Jacek Petrycki; Montage / Editor: Lidia Zonn Production / Production Company: Studio des Films Documentaires [WFD] à Varsovie / Warschau, 1972 Couleur / colour, 21 Min.
Documentaire sur l’hygiène et la sécurité dans une mine. A documentary which presents instructions with regard safety and hygiene of work in a copper mine in Lubin. REFRAIN / REFRAIN Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Witold Stok; Montage / Editor: Maria Czołnik Production / Production Company: Studio des Films Documentaires [WFD] à Varsovie / Warschau, 1972
Regardless of autobiographic reminiscences of the description, Kieślowski presents creativity as a form of suffering, as a necessity, which cannot be hold back; as
Noir et blanc / black and white, 10 Min.
a lonely scream in the face of indifference or
Documentaire sur les habitudes bureaucratiques dans une société de pompes funèbres.
”connections”. First of all, he succeeds in avoiding the most dangerous trap for this type of expression, i. e. orthodoxy (…) With
Documentary about bureaucracy in an undertakers’ firm.
Kieślowski, moral rightness of conduct is always stronger than the individual, who
LE MAÇON / BRICKLAYER Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Witold Stok; Montage / Editor: Lidia Zonn Production / Production Company: Studio des Films Documentaires [WFD] à Varsovie / Warschau, 1973 Premiere / Premiere: 1981 Couleur / colour, 16 Min.
Le jour de la f~te du 1er mai, un ouvrier maçon, ancien militant du Parti, évoque la période du stalinisme, l’année 1956 et d’autres événements dont il a été témoin.
declares it. Jean A. Gili Positif „Camera buff“ is a story about the fulfillment of humanity in a man, about funding out such an outlook for life, which makes this life responsible and sensible. It is a philosophical film. Olga Kuczkina
Memories of a bricklayer, a former communist Party activist, on 1st May. He goes back to the days when he was a young activist, a model worker and as a reward was directed to office work. However, disillusioned after the events of 1956 he got back to bricklaying.
Komsomolskaja Prawda Kieślowski’s film ”Blind Chance” was lying on the shelf for six years. The story galloped as a frightened horse (…) However, it would be
RAYONS X / X-RAY
a naive stupidity to maintain that „Blind
Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI
Chance“ constitutes today only a document
Image / Cinematography: Jacek Petrycki;
of its times, a relict of the passed époque
Montage / Editor: Lidia Zonn
(…) This film is alarming, provoking,
Production / Production Company: Studio des Films Documentaires [WFD] à Varsovie /
irritating. Difficult and not to pleasant (…) it
Warschau, 1974 Couleur / colour, 13 Min.
Une tentative de pénétrer la psychologie et les émotions de gens atteints de tuberculose et désireux de retourner à la vie normale. An attempt at showing the psyche of people suffering from pulmonary diseases and their desire to return to normal life.
is the last accord of ”the cinema of moral anxiety Maciej Pawllicki The Cinema
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80 PREMIER AMOUR / FIRST LOVE Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Jacek Petrycki Montage / Editor: Lidia Zonn Production / Production Company: Télévision Polonaise / TV-Poland, 1974 Documentaire pour la télévision / television film, Couleur / 30 Min.
Un jeune couple qui veut se marier, attend la naissance de son premier enfant. Nous le voyons confronté à différents institutions et milieux. The story of a young couple who expect a baby and decide to get married. It shows their problems associated with their social environment and institutions.
«Le Hasard» montre une scène assez choquante de dissection d’un cadavre. Plus tard, Witek, le protagoniste du film, prend un rasoir, le pèse dans sa main, le regarde. Il touche la lame. Ces deux scènes forment comme l’exergue de tout le cinéma de Krzysztof Kieślowski. S’il n’était pas cinéaste, il serait sans doute devenu chirurgien ou mieux encore, spécialiste de vivisection. Parmi les cinéastes polonais, tant en Pologne que dans
CURRICULUM VITAE / CURRICULUM VITAE Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Scénario / Script: Janusz Fastyn, KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Jacek Petrycki, Tadeusz Rusinek Montage / Editor: Lidia Zonn Production / Production Company: Studio des Films Documentaires [WFD] à Varsovie / Warschau, 1975 Noir et blanc / black and white, 29 Min. Documentaire mis en scène. Les membres de la Commission de Contrôle de la Discipline du Parti discutent sur le sort d’un camarade menacé d’~tre limogé du Parti. A controlled documentary. It shows discussions of the members of a „PZPR” Party Control Committee with regard expulsion of one of its members.
estomac ouvert!) de la société polonaise. Il
LA CLAQUE / SLATE Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Production / Production Company: Studio des Films Documentaires [WFD] à Varsovie / Warschau, 1976
n’est pas de ceux qui pansent les plaies, au
Couleur / colour, 5 Min. 20 sek.
contraire il s’enfonce là où ça fait mal; il
Impression composée de scènes non conservées de «La Cicatrice».
l’émigration, il est aujourd’hui le seul à savoir réaliser une opération à coeur ouvert (ou à
dissèque un corps vivant, justement avec un rasoir… Thierry Jousse
A compilation of footage from „The Scar“. It shows material not used in the final version of the feature.
Les Cahiers du Cinéma « Sans fin » ne milite pour rien, sinon, peut-
~tre pour la mort (...) On a rarement vu, dans quelque pays que ce soit, un tableau cinématographique plus noir, plus pessimiste d’une réalité nationale - tableau que peut permettre un système de censure (...) La décrépitude touche les protagonistes, corps, biens et âmes”. Eric Derobert Positif
L’HÔPITAL / HOSPITAL Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Jacek Petrycki; Montage / Editor: Lidia Zonn Production / Production Company: Studio des Films Documentaires [WFD] à Varsovie / Warschau, 1977 Noir et blanc / black and white, 20 Min.
La caméra suit le travail du service de chirurgie orthopédique dans un hôpital confronté à de multiples pénuries. It shows the work of doctors at a surgery emergency department during one shift and presents problems with shortage of materials and tools that they have to face. JE NE SAIS PAS / I DON’T KNOW Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Scénario / Script: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Jacek Petrycki; Montage / Editor: Lidia Zonn Production / Production Company: Studio des Films Documentaires [WFD] à Varsovie / Warschau, 1977 Premiera / Premiere: 1981 Noir et blanc / black and white, 46,5 Min.
Documentaire sur un directeur d’une usine en Basse-Silésie renvoyé de son poste. Annexe documentaire à «La Cicatrice».
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81 A documentary to complement „The Scar“. A confession of a man „who being a PZPR party member and at the same time a director of a „Silesia“ plant, had the courage to oppose the other party members, which resulted in his dismissal. LE POINT DE VUE DU GARDIEN DE NUIT / FROM A NIGHT PORTER’S POINT OF VIEW Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Witold Stok Musique / Music: Wojciech Kilar; Montage / Editor: Lidia Zonn Production / Production Company: Studio des Films Documentaires [WFD] à Varsovie / Warschau, 1977 Couleur / colour, 15,5 Min.
Portrait d’un gardien de nuit dans une usine, fanatique de la discipline et du contrôle. A portrait of a factory porter, a strict disciplinarian, who wants to control everything and everybody. SEPT FEMMES / SEVEN WOMEN OF DIFFERENT AGE Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Witold Stok Montage / Editor: Alina Siemińska, Lidia Zonn Production / Production Company: Studio des Films Documentaires [WFD] à Varsovie / Warschau, 1978
„Blind Chance” shows a pretty much shocking scene of autopsy. Later, Witek, film’s chief character, reaches out for a razor, weighs it in his hand, examines it, and strokes its blade. These two scenes constitute as though the leitmotif of all films of Krzysztof Kieślowski. If he was not a director, he would certainly be a surgeon, or even better – a specialist in vivisection. Today, he is the
Noir et blanc / black and white, 15 Min.
only Polish filmmaker – both in the country
Sept histoires de sept danseuses de ballet classique.
and abroad – who can perform an operation on an open heart (or an open stomach) of
A few episodes showing classical dance ballerinas – from a small girl to a mature woman.
Polish society. He is not the one, who dresses the wounds, but he probes deeply into the painful place, he cuts the living
LA GARE / STATION Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Witold Stok Montage / Editor: Lidia Zonn Production / Production Company: Studio des Films Documentaires [WFD] à Varsovie / Warschau, 1980 Noir et blanc / black and white, 12 Min.
Des images de la vie quotidienne à la Gare Centrale de Varsovie, mises en parallèle avec des images du journal télévisé polonais. Pictures of Central Warsaw railway station. A camera records people who are asleep, wait for somebody or something. And the omnipresent spying eyes of overhead cameras. #TES PARLANTES / TALKING HEADS T# Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Jacek Petrycki Montage / Editor: Alina Siemińska Production / Production Company: Studio des Films Documentaires [WFD] à Varsovie / Warschau, 1980 Noir et blanc / black and white, 14 Min.
Une enqu~te dont les participants, individus de différents âges et professions, répondent à ces simples questions: Qui ~tes-vous? Qui voudriez-vous ~tre? Que voudriezvous donner aux autres? A survey in which respondents – people of different ages, ranging from seven to one hundred, answer three questions: Where were you born? Who are you? What do you expect in life?
flesh, just with a razor… Therry Jousse Les Cahiers du cinema Rarely have we seen in the cinema more gloomy, more pessimistic picture of national reality. ”Without End” does not fight for anything, except for, perhaps, death… Eric Derobert Positif
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82 LA SEMAINE DE SEPT JOURS (Internationale Filmreihe CITY LIFE / international film series CITY LIFE) Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Jacek Petrycki Musique / Music: Zbigniew Preisner Montage / Editor: Dorota Wardęszkiewicz Production / Production Company: City Life – Rotterdam, Rijneke & Van Leeuwaarden Rotterdam Films Production, 1988/89 Couleur / colour, 18 Min.
Film réalisé dans le cadre d’un cycle présentant différentes villes vues avec les yeux de réalisateurs célèbres. Kieślowski montre Varsovie à travers des fragments de la vie de quelques personnes. A la fin, elles se rencontrenttoutes: nous apprenons qu’elles font partie de la m~me famille.
Ma rencontre avec «Le Décalogue» fut un éblouissement (…) Le film présente dix histoires, l’auteur ne s’arr~te devant rien pour leur représentation et il n’a peur de rien. Les
A film made a one in the series which presents cities in various directors’ eyes. Kieślowski presents Warsaw by showing fragments from several people’s lives. When finally they meet for a Sunday supper, it is revealed that they are members of one family.
FICTIONS / FEATURE FILMS
foi est quand m~me la moins docile, la moins
PASSAGE SOUTERRAIN / THE UNDERGROUND PASSAGE Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Scénario / Script: Ireneusz Iredyński, KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Sławomir Idziak Décors / Art Director: Teresa Barska Montage / Editor: Elżbieta Kurkowska Directeur de production / Production Manager: Tadeusz Drewno Production / Production Company: Studio «Tor», Pologne / Poland, 1973 Avec / Cast: Teresa Krzyżanowska, Andrzej Seweryn, Anna Jaraczówna, Zygmunt Maciejewski, Jan Orsza-Łukaszewicz, Janusz Skalski, Wojciech Wiszniewski Premiere Première: 13.01.1974
propagandiste, la moins sermonneuse de
Téléfilm / TV-feature film / noir et blanc / black and white, 28 Min.
toutes celles que je connaisse».
Drame intime d’une femme et d’un homme qui n’arrivent pas à communiquer entre eux.
idéologies, la doctrine, l’histoire, la politique, l’art, la littérature qui ont sans doute inspiré les pensées profondes du réalisateur et de son aussi génial scénariste, circulent dans leur esprit au point qu’ils n’apparaissent jamais uniquement pour eux-m~mes, mais plutôt de par la nécessité narrative; de sorte que si ce «Décalogue» polonais est une oeuvre sur la foi – et je crois qu’il l’est –, cette
Gina Lagorio Il Decalogo di Kieslowski Ricreazione narrativa Le fait qu’il se soit trouvé quelqu’un pour soulever la question des Dix
A story of a couple who undergo problems and cannot communicate successfully. A young woman has left her home and her job as a teacher in a little town to become a shop decorator in a Warsaw pedestrian subway. Her husband comes in the hope to win her back.
«Décalogue», le réalisateur polonais a
LE PERSONNEL / THE STAFF Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Scénario / Script: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Witold Stok Décors / Art Director: Tadeusz Kosarewicz Montage / Editor: Lidia Zonn Directeur de production / Production Manager: Zbigniew Stanek Production / Production Company: Filmstudio „Tor“, Pologne / Poland, 1975 Avec / Cast: Juliusz Machulski, Irena Lorentowicz, Włodzimierz Boruński, Michał Tarkowski, Andrzej Siedlecki, Tomasz Lengren, Tomasz Zygadło, Janusz Skalski, Krystyna Wachelko.
accompli deux choses difficiles du m~me
Téléfilm / feature film / Couleur / colour, 66 Min.
coup. La série des dix films a non seulement
Un jeune dilpômé du Lycée des Techniques Théâtrales est embauché à l’atelier des costumes de l’Opéra, où il est témoin des conflits opposant le personnel technique et les artistes.
Commandements, et surtout que cette personne se soit révélé ~tre Kieślowski qui se déclare agnostique, est une chose qui donne indubitablement à réfléchir. M~me s’il a toujours été intrigué par les problèmes éthiques, il a acquis la considération grâce avant tout à des films fortement colorés politiquement. Que peut-il y avoir de plus éloigné des Dix Commandements? Avec son
prouvé que son auteur était un talent d’envergure internationale, mais elle a aussi ranimé l’intér~t des gens pour les Dix Commandements. Phil Cavendish Sight and Sound
A young man, a graduate of the College of Theatre Technology starts work in a tailors’ unit in a Musical Theatre. Witnessing the reality behind the scenes, filled with jealousy and corruption, he feels disappointed with the world of art. The film concludes with a scene in which the boy is preparing a letter to denounce his friend.
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83 LA CICATRICE / THE SCAR Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Scénario / Script (inspiré d’une nouvelle de Romuald Karaś, „Puławy, second chapitre“ / based on the article: „Puławy, the Second Unit“): KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Sławomir Idziak Décors / Art Director: Andrzej Płocki Musique / Music: Stanisław Radwan Montage / Editor: Krystyna Górnicka Directeur de production / Production Manager: Zbigniew Stanek Production / Production Company: Studio «Tor», Pologne / Poland, 1976 Avec / Cast: Franciszek Pieczka, Mariusz Dmochowski, Jerzy Stuhr, Jan Skotnicki,
Stanisław Igar, Stanisław Michalski, Michał Tarkowski, Andrzej Skupień, Halina Winiarska, Joanna Orzeszkowska, Agnieszka Holland. Couleur / colour, 101 Min.
Nous sommes au tournant des années 60 et 70. Le directeur Bednarz se voit confier la direction de l’implantation d’un complexe industriel dans une petite ville de Pologne entourée de for~ts, alors que non loin de là s’étendent des terres en friche idéales pour une telle implantation. La construction prévue aura des conséquences néfastes sur l’environnement, mais la décision ne peut pas ~tre changée. Le directeur est confronté aux protestations des ouvriers et des habitants de la ville. Finalement, dans le contexte des événements dramatiques de 1970, il se range du côté des ouvriers. Il n’est pourtant plus capable de lutter pour ses convictions. Désillusionné, il démissionne et retourne en Silésie, sa région natale. Il y rejoint sa femme et sa fille qui élève seule son enfant.
My meeting with „The Decalogue” was a dazzle for me (…) The film presents ten stories, and the author does not hold back anything, and is not afraid of anything either. Ideologies, doctrine, history, politics, art, literature, which certainly inspired author’s areas of privacy and his congenial screenwriter, are so much integrated with the blood circulation of their spirit, that they
At the end of the 1960s, Bednarz, a manager in charge of the building site of a large plant. This was designed and set in an ancient forest despite the fact that there is a lot of empty space in the vicinity, where the plant could have been set without much harm to the environment. However, the irreparable decision cannot be altered. It results in protests among local inhabitants and the workers. During the dramatic events of 1970 Bednarz takes the workers’ side but he is no longer able to fight for his ideas. Disillusioned, he gives up his post and comes back to his wife and daughter in Silesia.
never appear for themselves, but are recalled out of narrative necessity and in such a way that if this Polish DECALOGUE is a works about the faith – and I believe that it is – it is however one of the least humble, the least propagandistic, and the least predicatory faiths, that I know of… Gina Lagorio
LE CALME / THE CALM Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI
Il Decalogo di Kieślowski Ricreazione narrativa
Scénario / Script (inspiré d’une nouvelle de Lech Borski, « Un pas devant la porte » / based on the novelette: Lech Borski – „Step Off the Gate“): KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Jacek Petrycki Décors / Art Director: Andrzej Rafał Waltenberger Musique / Music: Piotr Figiel Montage / Editor: Maria Szymańska
It is undoubtedly a puzzling thing, that somebody appeared, who undertook the subject of The Ten Commandments, and especially the fact that it is Kieślowski, who is
Production / Production Company: CWPiFTV Poltel, Varsovie / Warsaw, 1976
a declared agnostic. Despite the fact that he
Avec / Cast: Jerzy Stuhr, Izabella Olszewska, Jerzy Trela, Michał Sulkiewicz, Danuta
was always intrigued by ethical problems, he
Ruksza, Elżbieta Karkoszka, Jerzy Fedorowicz Première / Premiere: 19.09.1980
gained recognition primarily thanks to his
Téléfilm / feature film / Couleur / colour, 81 Min.
more distant from them than THE
Histoire d’un jeune ouvrier qui, à sa sortie de prison, ne trouvant pas de soutien auprès de ses proches, part en Silésie. Là-bas, il trouve un travail sur un chantier où il entre en conflit avec son nouvel entourage...
DECALOGUE? (…) With his films based on
deeply politically colored films. What can be
The Decalogue, Polish director succeeded in achieving two difficult things at the same time. The ten-piece series not only has
A story of Gralak, a young workman, who having been released from prison does not find support in his family, decides to go to Silesia and starts work at a building site. What he dreams about is to have a job, a wife, a tv set and peace. He is gullible and does not invite conflicts. He meets a girl and gets married, however, there appear problems at work. His superior, being involved in theft of building materials, hopes Gralak can be his accomplice. Gralak rejects the offer and quits his job. His workmates accuse him of denouncing. When they attack him and beat him Gralak repeats ‘calm, calm …’.
proved that its creator is a talent of the world format, but it also aroused anew an interest in The Ten Commandments. Phil Cavendish Sight and Sound
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84 L’AMATEUR / CAMERA BUFF Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Scénario / Script: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Jacek Petrycki Décors / Art Director: Andrzej Rafał Waltenberger Musique / Music: Krzysztof Knittel Montage / Editor: Halina Nawrocka Directeur de production / Production Manager: Wielisława Piotrowska Production / Production Company: Studio «Tor», Pologne / Poland, 1979 Avec / Cast: Jerzy Stuhr, Małgorzata Ząbkowska, Ewa Pokas, Stefan Czyżewski, Jerzy Nowak, Tadeusz Bradecki, Marek Litewka, Bogusław Sobczuk, Krzysztof Zanussi, Andrzej Jurga. Couleur / colour, 117 Min.
Aux questions suscitées par les Dix Commandements, Kieślowski répond dans son «Décalogue» par de nouvelles questions. Il ne tire aucunes conclusions et il n’admet pas que ces films se transforment en crédo quel qu’il soit. En revanche, il soumet au spectateur un nouveau matériau expérimental. Mikael Timm Chaplin ...On a des frissons dans le dos et on a l’impression qu’il y a encore quelqu’un qui parle à travers Kieślowski… Robert de Niro acteur N’est-ce pas un record? Un homme fait 12
Histoire d’un cinéaste-amateur, Filip Mosz, qui achète une caméra pour filmer sa fille qui vient de naître. Le directeur de l’entreprise où Filip travaille, lui propose de faire un film pour le 25e anniversaire de l’entreprise. Il obtient un prix pour ce film. Il crée un ciné-club amateur. En y consacrant tout son temps libre, il néglige sa famille et la maison. Il fait un film critique sur sa ville et sur un ouvrier handicapé, qui est montré à la télévision. Progressivement, Filip prend conscience du fait que ses films non seulement aident, mais qu’ils font naître aussi des conflits et m~me des drames. Il découvre le poids de la responsabilité et les limites de la liberté artistique. Après une discussion capitale avec son directeur, Filip décide de renoncer à faire des films. Il retourne à la maison, mais sa femme est partie avec l’enfant, ne pouvant supporter des tensions et des conflits incessants. Filip fixe la caméra sur lui-m~me et commence à raconter sa vie… Filip buys an 8-mm camcorder to record his new-born daughter. The manager at the plant where Filip works suggests that he made a film to commemorate an anniversary in the firm. The film Filip makes wins him a reward. Then Filip sets up a film club and, neglecting his family, he devotes all his free time to it. While filming the reality around he realizes that his films are a source of problems between him and his superiors. He learns about responsibility and limits on one’s freedom and creativity. After a bitter talk with the manager he destroys all the tapes. He comes back home to discover that his wife took the daughter and left him. Filip directs his camcorder to himself and starts to record his life story.
films en deux ans! Cecil B. De Mille a réussi
très rare de pourvoir leurs idées d’éléments
LE HASARD / BLIND CHANCE Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Scénario / Script: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Krzysztof Pakulski Décors / Art Director: Andrzej Rafał Waltenberger Musique / Music: Wojciech Kilar Montage / Editor: Elżbieta Kurkowska Production / Production Company: Studio «Tor», Pologne / Poland, 1981 Avec / Cast: Bogusław Linda, Tadeusz Łomnicki, Zbigniew Zapasiewicz, Bogusława Pawelec, Marzena Trybała, Jacek Borkowski, Jacek Sas-Uhrynowski, Adam Ferency, Monika Goździk, Zygmunt Hubner. Première / Premiere: 1987
dramatiques et pas seulement de les
Couleur / colour, 112 Min.
transposer en de simples mots. Ils expriment
Witek est né en juin 1956 à Poznań. Son père a participé aux grèves. Avant de mourir, il a dit à son fils: «Tu ne dois rien…» La vie adulte de Witek peut donc prendre divers chemins, selon… le hasard. Ainsi, Witek saute dans le train où il fait connaissance avec un communiste de conviction. Sous son influence, il devient membre de l’organisation des jeunes. Il se lie également avec une fille qui colporte des éditions clandestines… Tel est la première variante de son destin. Une autre pourrait ~tre la suivante: le garçon ne prend pas le train, il a une bagarre avec un surveillant sur le quai, arr~té il est condamné à des travaux d’intér~t général. Là, il rencontre des militants de l’opposition. Il entre dans la clandestinité, il est soupçonné d’avoir provoqué la chute d’une imprimerie. Les grèves approchent… Dans la troisième variante, Witek rate le train. Il rencontre une ancienne collègue d’études et sous son influence, il
à contenir les dix commandements divins en un seul film. Krzysztof Kieślowski en a fait onze, mais meilleurs. Cela ne pouvait arriver qu’en Pologne... Rod Webb The Sydney Morning Star En matière de scénarios, il serait juste de remarquer que Krzysztof Kieślowski et son coscénariste Krzysztof Piesiewicz ont ce don
ce qui est important (…) Ils le font d’une manière si brillante, que les idées restent invisibles et que nous ne nous apercevons que beaucoup plus tard à quel point elles se sont gravées dans nos cours. Stanley Kubrick réalisateur
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85 reprend ses études. Ils se marient. Il devient père, se consacre à l’activité scientifique et ne s’engage pas politiquement. Inopinément, l’avion qui emmène Witek en Lybie pour des conférences, explose… Witek runs after the train. There are three variants of his fate and three different stories depending on whether or not he catches the train. Variant one: he catches the train and meets an old communist who encourages him to become a Party activist. Variant two: he bumps into a railway guard, faces trial and has to do community work. While working he meets people involved in political opposition movement. Variant three: Witek misses the train, meets a girl from his studies and, influenced by her, returns to university. They got married. Witek leads a peaceful life, devoted to academic career, with no political involvement. His life comes to an abrupt end when the plane in which he travels to lecture in Libya explodes. UNE COURTE JOURNEE DE TRAVAIL / SHORT WORKING DAY Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Scénario / Script (inspiré d’un reportage d’Hanna Krall, "Vue de la fenetre au premier étage" / based on the article: Hanna Krall – „Blick aus einem Fenster im ersten Stock / „View From a First Floor Window“): Hanna Krall, KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Krzysztof Pakulski Décors / Art Director: Andrzej Rafał Waltenberger
The questions, which „The Decalogue” provokes, in his Decalogue Kieślowski answers with the new questions. He does not draw any conclusions and does not allow that these films become any credo. Instead, he
Musique / Music: Jan Kanty Pawluśkiewicz
proposes new experiential material to
Montage / Editor: Elżbieta Kurkowska
a viewer.
Avec / Cast: Wacław Ulewicz, Lech Grzmociński, Tadeusz Bartosik, Elżbieta Kijowska,
Mikael Timm
Marek Kępiński, Paweł Nowisz, Barbara Dziekan. Production / Production Company: Filmstudio „Tor“/ Pologne / Poland, 1981 Première / Premiere: 27.06.1996
Chaplin
Téléfilm / feature film / Couleur / colour, 73 Min.
impression that still somebody else is
Une réunion du Parti en 1981. Le secrétaire du parti à Radom raconte les événements de juin 1976 dans sa ville.
speaking through Kieślowski…
…it gives me the creeps, and I have an
Robert de Niro actor
At a Party meeting in 1981, the Party secretary tells about dramatic events and political protests in June 1976 in Radom, which were started after the introduction of price rises. The riots resulted in setting fire to the regional Party Committee Office. SANS FIN / NO END Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Scénario / Script: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI, Krzysztof Piesiewicz Image / Cinematography: Jacek Petrycki Décors / Art Director: Allan Starski Musique / Music: Zbigniew Preisner Montage / Editor: Krystyna Rutkowska Directeur de production / Production Manager: Ryszard Chutkowski Avec / Cast: Grażyna Szapołowska, Maria Pakulnis, Aleksander Bardini, Jerzy Radziwiłowicz, Artur Barciś, Michał Bajor, Marek Kondrat, Tadeusz Bradecki, Daniel Webb, Krzysztof Krzemiński, Marzena Trybała, Adam Ferency. Produktion / Production Company: Studio «Tor», Pologne / Poland, 1984;
Isn’t it the record? A man makes 12 films in two years! Cecil B. de Mille managed to fit the 10 divine commandments in one film. Krzysztof Kieślowski made 11 films, but the better ones. It could have happened only in Poland… Rod Webb The Sydney Morning Star – In the case of the collection of the screenplays wrote by Krzysztof Kieślowski and his co-screenwriter Krzysztof Piesiewicz, it will be sensible to notice that they have a very rare gift of dramatizing their ideas, and not
Couleur / colour, 103 Min.
only usual putting them into words. They
L’an 1982. Au lendemain de son propre enterrement, l’avocat Antoni Zyro revient dans son appartement. Il accompagnera désormais les vivants, en intervenant parfois dans leur vie. Il se préparait pour la défense d’un jeune ouvrier, Dariusz, qui avait dirigé la grève sans pour autant ~tre membre de Solidarność. Maintenant, la défense est entre les mains de l’avocat Labrador, un pragmatique qui suggère que l’important n’est pas ce que pense réellement l’inculpé, mais la façon dont il doit répondre aux questions devant le tribunal. Dariusz refuse pourtant ce jeu avec le tribunal. Il est condamné à un an et demi de prison avec sursis… Urszula n’arrive pas à se retrouver après la mort de son mari et découvre combien elle l’aimait. Elle ne s’intéresse ni à l’affaire de Dariusz ni à l’arrivée de Tomek, l’ami d’Antek, qui vient de l’étranger. Elle raccompagne son fils chez sa belle-mère et elle se suicide. Le fantôme d’Antek apparaît sur son corps. Ils entrent ensemble dans une clairière et s’éloignent…
express, what is important (…). They make it in such a brilliant way that the ideas remain invisible, and only much later we realize how much they have been engraved in our hearts. Stanley Kubrick director
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86 1982. The day sfter his funeral, Antoni Zyro, a lawyer comes back to his house to stay with his living family and occasionally influence their lives. His wife – Urszula, realizing that she loved her husband more than she was aware of, cannot cope with his death. She is neither interested in the case in which her husband was to defend a young worker nor in a friend visit, who comes from abroad. She takes her son to her mother-in-law and commits suicide. The husband appears over her body, they move towards a clearing in the forest and walk away together.
Tu ne tueras point de Kieślowski est une oeuvre de l’ironie visionnaire. Paul Coates Sight and Sound Je sais une chose: « Tu ne tueras point » est un chef-d’oeuvre. C’est un de ces films sidérants dont vous ne pourrez pas vous libérer des images. Il y a du Dostoïevski là-dedans.
TU NE TUERAS POINT / A SHORT FILM ABOUT KILLING Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Scénario / Script: Krzysztof Piesiewicz, KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Sławomir Idziak Décors / Art Director: Halina Dobrowolska Musique / Music: Zbigniew Preisner Montage / Editor: Ewa Smal Directeur de production / Production Manager: Ryszard Chutkowski Production / Production Company: PRF „Filmstudios“, Studio «Tor», Pologne / Poland, 1987 Avec / Cast: Mirosław Baka, Krzysztof Globisz, Jan Tesarz, Zbigniew Zapasiewicz, Barbara Dziekan, Aleksander Bednarz, Jerzy Zass, Zdzisław Tobiasz, Artur Barciś, Krystyna Janda, Olgierd Łukaszewicz Première / Premiere: 11.03.1988 Couleur / colour, 84 Min.
Piotr réussit son examen d’avocat. Il invite sa petite amie dans la pâtisserie de l’Hôtel Europejski… Jacek, un jeune homme de 20 ans, y passe aussi. A la sortie de la pâtisserie, il monte dans un taxi et tue cruellement le chauffeur dans un quartier périphérique de la ville. Malgré la défense de Piotr le jeune avocat, Jacek est condamné à mort. Conduit à la mort, il lance un cri désespéré: «Monsieur, je ne veux pas!…»
Claude-Marie Trémois Télérama M~me si Kieślowski situe ses personnages dans des banlieues grises et dans des appartements mornes, conformes au stéréotype de l’Europe de l’Est, il étudie leurs
A story about of a young boy – Jacek – who takes a taxi and attempts to strangle the taxi-driver on the outskirts of a city with the rope that he used while sailing. When the driver turns out to be still alive and begs for mercy, the boy massacres him. Piotr, who acts as Jacek’s defense, is a young graduate who has just passed his counsel exams. Despite Piotr’s efforts Jacek receives a death penalty. Piotr ponders on the system which makes killing legal.
personnalités avec un réalisme, une vérité et une sévérité qui en font nos frères. Il apparaît que de l’autre côté du rideau on crie aussi au monde: no future! Catherine Wimphen Studio Dans « La Double vie de Véronique » se précise, selon la formule de Simone Field, un mysticisme agnostique sensible dans l’œuvre du Kieślowski des dix dernières années. Ce film marque une nouvelle étape dans la carrière de Kieślowski, mais il surprend par la multitude des références aux films réalisés précédemment en Pologne. Kieślowski a commencé par une évaluation rationnelle et pragmatique de sa situation en tant que réalisateur, puis il s’est aventuré sur les eaux
LE DECALOGUE / DECALOGUE Dix téléfilms conçus comme des variations sur chacun des Dix Commandements, couleur. / TV-television drama films based on the Ten Commandments, colour. Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Scénario / Script: Krzysztof Piesiewicz, KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Décors / Art director: Halina Dobrowolska Musique / Music: Zbigniew Preisner Montage / Editor: Ewa Smal Directeur de production / Production Manager: Ryszard Chutkowski Production / Production Company: Télévision Polonaise, Studio «Tor» / Polish TV/ Filmstudio „Tor“ Warsaw / Sender Freies Berlin, 1988 DECALOGUE 1 / DECALOGUE 1 Image / Cinematography: Wiesław Zdort Durée / Runtime: 53 Min. Avec / Cast: Henryk Baranowski, Wojciech Klata, Maja Komorowska, Artur Barciś, Agnieszka Brustman, Maciej Borniński, Maria Gładkowska, Ewa Kania, Aleksandra Kisielewska, Aleksandra Majsiuk
inexplorées jusqu’ici de la spéculation et de la mystique. Les foules qui vont voir ses films, semblent confirmer que cet artiste pose des questions exceptionnellement importantes. Tony Rayns Sight and Sound
Un jeune scientifique est tranquille: le calcul fait sur son ordinateur garantit la résistance de la glace sur un petit lac. Pourtant la glace craque sous le poids de son fils qui y fait du patin. L’enfant se noie.
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87 Krzysztof, an academic, trusts the data on his computer. He is certain that his calculations concerning the durability of ice are accurate and his son can safely go to test his new skates on a nearby pond. However, the next day, it turns out that the ice breaks under the young skater and the boy gets drowned. DECALOGUE 2 / DECALOGUE 2 Image / Cinematography: Edward Kłosiński Durée / Runtime: 58 Min. Avec / Cast: Krystyna Janda, Aleksander Bardini, Olgierd Łukaszewicz, Artur Barciś, Stanisław Gawlik, Krzysztof Kumor, Maciej Szary. Une jeune violoniste, enceinte de son amant, assurée par le médecin que son mari malade n’a aucune chance de survie, décide de garder l’enfant. Cependant, la santé de l’époux se rétablit, il est heureux d’apprendre qu’il aura une descendance. Dorothea, a young violinist, have been informed by a doctor that her husband – Andrzej – is going to die. She is pregnant with another man and decides not to have an abortion as this is probably her last chance to have a baby. Her husband recovers. Dorothea tells him that they are going to have a child. He is happy that he will be a father. DECALOGUE 3 / DECALOGUE 3 Image / Cinematography: Piotr Sobociński Durée / Runtime: 55 Min. Avec / Cast: Daniel Olbrychski, Maria Pakulnis, Joanna Szczepkowska, Artur Barciś, Krystyna Drochocka, Krzysztof Kumor, Dorota Stalińska, La nuit du réveillon de Noël, un homme marié part de chez lui pour retrouver son ancienne amie qui s’était jurée de se suicider si elle ne réussissait pas à le voir. Après toute une nuit passée à vagabonder en ville, il découvre finalement les motifs de la conduite de la femme malheureuse. On Christmas Eve nobody wants to be alone. Janusz, tricked by his desperate ex-lover Eve, sneaks out of his house. After a long night’s wandering he becomes aware of the woman’s motivation.
Kieślowski’s „A Short Film About Killing” is a works of visionary irony”. Paul Coates Sight and Sound I know one thing: „A Short Film About Killing” is a masterpiece. It is one of these striking films, the images whereof it will be impossible to free oneself from. Dostojewski is contained in it. Claude-Marie Tremois Telerama Even if Kieślowski places his characters in ordinary suburbs and dreary apartments, according to Eastern Europe’s stereotype, he is studying their personality with realism,
DECALOGUE 4 / DECALOGUE 4 Image / Cinematography: Krzysztof Pakulski Durée / Runtime: 55 Min. Avec / Cast: Adrianna Biedrzyńska, Janusz Gajos, Artur Barciś, Aleksander Bardini, Adam Hanuszkiewicz, Jan Tesarz, Igor Śmiałowski Une étudiante découvre une lettre de sa mère, écrite sur son lit de mort, et qui lui révèle ses origines. La fille reproche à son père le mensonge: il n’est pas son vrai père. Maintenant, ils cherchent tous les deux la vérité sur leurs sentiments mutuels, leurs désirs enfouis.
truth and severity, which make us brothers. It turns out that also behind that side of the curtain one screams to the world: No future! Catherine Wimphen Studio In ”The Double Life of Veronique” something, what Simone Field defined as agnostic mysticism, is being crystallized, which could
Anka, a young student, finds a letter that her mother wrote to her before she died. The girl finds that Michał – the man whom she believed to be her father – is not her real father. She accuses Michał of cheating her. They both try to find their real feelings and hidden dreams. Eventually, Anka confesses that she has not read the letter.
be felt in Kieślowski’s works from the last ten years (…). This film ”sets a new stage of Kieślowski’s carrier” but ”multitude of references to the previous, realized in Poland films, is amazing” (…) Kieślowski began from
DECALOGUE 5 / DECALOGUE 5 Version télévisée du long-métrage «Tu ne tueras point» / Television version of „A Short Film About Killing“ Image / Cinematography: Sławomir Idziak Durée / Runtime: 57 Min. Avec / Cast: Mirosław Baka, Krzysztof Globisz, Jan Tesarz, Artur Barciś, Krystyna Janda, Olgierd Łukaszewicz, Maciej Szary, Zbigniew Zapasiewicz, Zbigniew Borek Le jeune assassin d’un chauffeur de taxi, condamné à mort, révèle à son avocat, avant l’exécution, les expériences qui éclairent sa personnalité. Le bourreau attend sur le seuil.
the rational and pragmatic evaluation of his situation as a director, and got serious about so far unexplored areas of speculation and mystics. The crowds, which decide to watch his films, seem to confirm, that the creator poses very important questions… Tony Rayns Sight and Sound
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88 DECALOGUE 6 / DECALOGUE 6 Version télévisée de «Brève histoire d’amour» / Television version of „A Short Film About Love“ Image / Cinematography: Witold Adamek Durée / Runtime: 58 Min. Avec / Cast: Grażyna Szapołowska, Olaf Lubaszenko, Stefania Iwińska, Artur Barciś, Stanisław Gawlik, Piotr Machalica, Rafał Imbro, Jan Piechociński, Małgorzata Rożniatowska Après une longue période de fascination par une belle inconnue, un garçon de 19 ans ose l’aborder et lui avoue son sentiment. Le comportement railleur de la femme met à bas ses idéaux et le bouleverse profondément. Le garçon tente de se donner la mort.
La Pologne de Kieślowski est un pays sans soleil, sans été, sans hiver (…) Dans ses films, les actions de l’homme sont régies par le hasard, l’homme n’a pas de libre volonté, il n’a que l’illusion de prendre des décisions qui d’ailleurs, d’une manière ou d’une autre, se retournent contre lui. Jacques Siclier Le Monde Kieślowski regarde le monde avec une sagacité et une inquiétude semblables à
DECALOGUE 7 / DECALOGUE 7 Image / Cinematography: Dariusz Kuc Durée / Runtime: 55 Min. Avec / Cast: Anna Polony, Maja Barełkowska, Władysław Kowalski, Bogusław Linda, Artur Barciś, Bożena Dykiel, Katarzyna Piwowarczyk, Une étudiante kidnappe un enfant à sa propre mère, en pensant partir à l’étranger. Quelques années plus tôt, pour protéger sa fille du scandale, la mère avait reconnu l’enfant de celle-ci comme sien. Aujourd’hui, les deux femmes se disputent le droit aux sentiments maternels. A six-year-old Ania grows up believing that Ewa is her mother and Majka – her sister. However, Majka decides that she can no longer live cheating; she takes Ania, whom she gave birth to when she was still a schoolgirl, and runs away from home. Ewa looks for the girls and contacts Wojtek – Ania’s father. Majka decides that she can get back home only if the child is given back to her. Finally Ewa finds the girls at the railway station. Ania runs up to her shouting ‘Mum’. Majka jumps into the train ignoring her mother’s pleading.
celles de Bergman. Mais dans son cinéma le silence est remplacé par le cri. Gérard Pangon Télérama Kieślowski est un nihiliste avec le sens de l’humour (…) La plupart des critiques l’ont considéré comme l’«enfant terrible» le plus innovateur et le plus talentueux des dix dernières années. (…) Il combine la poétique et l’intellectualisme profondément introspectif d’Ingmar Bergman avec les thrillers et l’esprit brillant d’Alfred Hitchcock. Son «Décalogue» fascine, pas seulement en raison du sujet qu’il aborde (…) Il constitue une histoire précisément et parfaitement construite. C’est comme si l’on combinait John Cheever au sommet de sa forme avec des éléments de l’ouvre de Graham Green et un dénouement classique dans le style d’O. Henry. Cela peut nous donner une idée de la qualité du dialogue et de la perfection de la construction de ces films. Edward Behr
DECALOGUE 8 / DECALOGUE 8 Image / Cinematography: Andrzej J. Jaroszewicz Durée / Runtime: 54 Min. Avec / Cast: Maria Kościałkowska, Teresa Marczewska, Artur Barciś, Tadeusz Łomnicki, Marian Opania, Bronisław Pawlik. Zofia, aujourd’hui professeur d’éthique, rencontre après des années la fille juive à laquelle elle avait refusé son aide pendant l’occupation. Aujourd’hui, les deux femmes essaient de dém~ler l’entrelacs des raisons de cette cruelle décision de jadis. Zofia, a professor and ethics specialist, meets Elżbieta, a Jewish girl, whom she refused to help during World War II. The women try to understand the circumstances of that time and the reasons of the cruel decision. It is revealed that Zofia’s husband, who acted in underground resistance movement had been denounced; as a result their house would have been a trap for any Jewish child. DECALOGUE 9 / DECALOGUE 9 Image / Cinematography: Piotr Sobociński Durée / Runtime: 58 Min. Avec / Cast: Ewa Błaszczyk, Piotr Machalica, Artur Barciś, Jan Jankowski, Jolanta Piętek-Górecka, Katarzyna Piwowarczyk, Jerzy Trela, Un cardiologue souffrant d’impotence est rongé par la jalousie à l’égard de sa femme, mais une liaison passagère de celle-ci ne fait que cimenter leur union. Lorsque l’amant manifeste à nouveau son sentiment, le mari succombe à une forme extr~me de dépression et perd sa foi dans le sens de la vie.
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Roman, a cardiologist, has an impotence problem. Recognising his wife’s sexual needs he encourages her to start an affair. Although his wife loves him, she follows his advice. Roman cannot cope with the feeling of envy which he experiences and starts following her. When a young lover manifests his emotion, Roman suffers from depression disorder, loses faith in life and attempts suicide. He does not know that she decided to quit the relationship.
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89 DECALOGUE 10 / DECALOGUE 10 Image / Cinematography: Jacek Bławut Durée / Runtime: 57 Min. Avec / Cast: Jerzy Stuhr, Zbigniew Zamachowski, Henryk Bista, Olaf Lubaszenko, Maciej Stuhr, Jerzy Turek, Anna Gornostaj, Henryk Majcherek Deux frères ambitionnent d’augmenter la collection de timbres d’une valeur extraordinaire qu’ils avaient héritée de leur père. En échange du timbre précieux qui manque, l’un des frères sacrifie son propre rein. Lors de son opération, la collection entière est volée. Two brothers attempt to enrich the stamp collection which they inherited from their father. In exchange for an extremely valuable stamp, one to complete their series, one of them gives up his kidney. At the time of the surgery their collection disappears. Someone must have stolen it. Each of them suspects the other. BREVE HISTOIRE D’AMOUR / A SHORT FILM ABOUT LOVE Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Scénario / Script: Krzysztof Piesiewicz, KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Image / Cinematography: Witold Adamek Décors / Art Director: Halina Dobrowolska Musique / Music: Zbigniew Preisner Montage / Editor: Ewa Smal Directeur de production / Production Manager: Ryszard Chutkowski Production / Production Company: Filmstudio „Tor“, WFD Warschau/Warsaw, 1988 Avec / Cast: Grażyna Szapołowska, Olaf Lubaszenko, Stefania Iwińska, Piotr Machalica, Artur Barciś, Hanna Chojnacka, Stanisław Gawlik, Tomasz Gradowski, Rafał Imbro, Jan Piechociński
…Kieślowski’s Poland is a country without the sun, without the summer, without the winter (…). In his films, man’s actions are governed by a coincidence, a man has no free will, and he only has an illusion of making the decisions, which one way or another turn against him. Jean Siclier Le Monde Kieślowski is looking at the world with similar
Couleur / colour, 83 Min.
penetrability and anxiety as Bergman does.
Chaque soir, depuis sa fen~tre, un jeune garçon timide et sensible observe à la jumelle sa voisine, une femme mûre. La curiosité du jeune homme se transforme progressivement en fascination amoureuse. Un jour, quand il la voit pleurer après une rupture, il décide de lui avouer son amour. La femme le traite au début avec cynisme. Elle arrange une scène amoureuse avec un autre homme afin que le garçon les voie. Plus tard, elle invite le garçon chez elle et tente de le séduire. Finalement, elle lui révèle son jeu. Le garçon tente de se suicider. Lorsqu’il rentre de l’hôpital, la femme observe à la jumelle son propre appartement et s’imagine avec lui.
But in his cinema, silence is replaced with
Tomek, a young clerk at the local post office, every night uses his telescope to watch Magda, a beautiful mature woman living opposite his flat. He declares that he loves her and confesses that he spies on her. The woman, playing on his emotions, invites him to her flat and tries to seduce him. However, there is no intercourse. Eventually Tomek attempts to commit suicide. LA DOUBLE VIE DE VERONIQUE / THE DOUBLE LIFE OF VÉRONIQUE Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Scénario / Script: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI, Krzysztof Piesiewicz Image / Cinematography: Sławomir Idziak Décors / Art Director: Patrice Mercier, Halina Dobrowolska Musique / Music: Zbigniew Preisner Montage / Editor: Jacques Witta Producteur / Producer: Leonardo de la Fuente Production / Production Company: Sideral Productions, Le Studio Canal+ Coproduction / Coproduction Company: Studio «Tor», Varsovie / Filmstudio „Tor“, Warsaw Avec / Cast: Irène Jacob, Philippe Volter, Halina Gryglaszewska, Sandrine Dumas, Jerzy Gudejko, Kalina Jędrusik, Aleksander Bardini, Władysław Kowalski, Janusz Sterniński, Louis Ducreux, Claude Duneton. Produktionsland / Country: Frankreich, Norwegen, Polen, 1991 Couleur / colour, 93 Min.
scream. Gerard Pangon Telerama Kieślowski is a nihilist with a sense of humor (…). He was recognized by the majority of the critics as the most innovative and talented „enfant terrible“ of the last decade. (…). He combines the deeply introspective intellectualism and the poetics of Ingmar Bergman with the brilliance and Alfred Hitchcock’s thrillers. His „The Decalogue“ attracts the attention not only because of the brought up topic (…) It is a precisely and perfectly constructed story. As if to combine John Cheever in the best form with the elements of the creation of Graham Green, and the mix of the classic ending in O. Henry’s style. This can give us an impression of the quality of the dialogue and the perfect construction of these films. Edward Behr Newsweek
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90 Deux jeunes filles identiques vivent dans deux pays différents, en France et en Pologne. Véronique et Weronika. Elles ne se connaissent pas. Les deux sont douées d’un talent musical. Weronika vit dans une petite ville où elle chante dans une chorale. Elle est tourmentée par un pressentiment de parenté étrange avec quelqu’un. La fille quitte son ami Antek et part pour Cracovie. Elle participe aux auditions et aux répétitions d’un choeur. Lorsque Weronika se produit pour la première fois à la philharmonie, son chant s’interrompt, elle tombe sur la scène et meurt. Au m~me moment, Véronique commence à sentir la perte d’une personne proche. Ayant appris sa maladie de coeur, elle décide de renoncer au chant. A l’école où Véronique enseigne la musique, elle rencontre Alexandre, un marionnettiste et auteur de contes pour enfants. Ils tombent amoureux l’un de l’autre.
Dans « La Double vie de Véronique », il cherche à nous dire qu’il peut exister entre les gens un contact fondé sur l’intensité des pensées et des sentiments, et il enferme ce mystère dans un superbe torrent de musique et d’images. (…) Quand on regarde le film de Kieślowski, on sent que l’auteur recherche le maximum de ce dont est capable son matériau. C’est pourquoi il est si exceptionnellement cinématographique. D’une part c’est un art conscient, de l’autre instinctif. Peter Cowie Variety’s International Film Guide Quasiment tous les films de Kieślowski sont remplis de multiples significations, aussi vouloir y conférer une seule intreprétation, la seule juste, est-ce une usurpation (…) Pour moi, deux des films «de couleur» de Kieślowski, «Bleu» et «Blanc» sont avant tout un avertissement contre le fanatisme, contre la poursuite à tout prix de la liberté, de l’égalité, de la justice, et m~me contre la recherche de la plénitude du bonheur, de la plénitude de l’amour, de l’unique vérité. Car le but est vague dans ces cas et le chemin sinueux et dangereux. Ewa Mazierska Film
In France and in Poland there live two identical girls – Veronique and Weronika, both talented musicians. They do not know each other. Weronika sings in a choir. She has a heart problem and has to choose in between a quiet life and musical career. She chooses career, abandons his friend – Antek and leaves for Cracow. She takes parts in auditions and choir rehearsals. She has a premonition that there exists a person closely related to her. When she for the first time performs in a philharmonic hall, she suddenly falls down and dies. At the very moment Veronique, who also has a very beautiful voice and heart problems, can feel that she lost someone very close to her. On discovering that she suffers from heart problems, she decides to give up her singing career. At the school where she works she meets Aleksander, a puppy-doll artist and children’s stories author. They fall in love. On photographs taken by Veronique they find Weronika. Veronique realizes her double nature. TROIS COULEURS. BLEU / THREE COLOURS. BLUE Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Scénario / Script: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI, Krzysztof Piesiewicz Image / Cinematography: Sławomir Idziak Décors / Art Director: Claude Lenoir Musique / Music: Zbigniew Preisner Montage / Editor: Jacques Witta Directeur de production / Production Manager: Yvon Crenn Producteur / Producer: Marin Karmitz Production / Production Company: MK2 Productions SA, CED Productions, France 3 Cinéma (Paris), CAB Productions Lausanne, Studio «Tor» / CAB Production Warsaw, Filmstudio „Tor“ Avec / Cast: Juliette Binoche, Benoît Régent, Florence Pernel, Charlotte Véry, Hélène Vincent, Philippe Volter, Claude Duneton, Hugues Quester, Emmanuelle Riva, Florence Vignon, Jacek Ostaszewski, Isabelle Sadoyan, Daniel Martin, Catherine Therouenne, Alain Ollivier, Pierre Forget, Philippe Manesse, Idit Cebula, Jacques Disses, Yves Penay, Arno Chevrier, Stanislas Nordey, Michel Lisowski, Philippe Morier-Genoud, Julie Delpy, Zbigniew Zamachowski, Alain Decaux Pays de production / Country: Frankreich, Schweiz, Polen, 1993 Couleur / colour, 94 Min.
Dans un accident de voiture, Julie perd son mari, un compositeur célèbre, et sa petite fille. Elle cherche à oublier ce qui s’est passé, à rompre ses relations d’avant, et à commencer une nouvelle vie. Elle déménage dans un autre quartier de Paris, en espérant que personne ne l’y trouvera. Julie n’arrive pourtant pas à rompre avec tous ses sentiments et ambitions: ils menacent sa «nouvelle» liberté. Elle n’arrive pas notamment à oublier la musique de son mari qui était peut-~tre la sienne… In a car accident, Julie loses her daughter and her husband – a world famous composer. She tries to forget about all that happened and start a new life. She moves into another part of Paris in the hope that she cannot be found there. However, she is not able to escape from her feelings and her husband’s music, which eventually becomes hers.
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91 TROIS COULEURS. BLANC / THREE COLOURS. WHITE Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Scénario / Script: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI, Krzysztof Piesiewicz Image / Cinematography: Edward Kłosiński Décors / Art Director: Halina Dobrowolska, Claude Lenoir Musique / Music: Zbigniew Preisner Montage / Editor: Urszula Lesiak Producteur / Producer: Marin Karmitz Production / Production Company: MK2 Productions SA, France 3 Cinéma (Paris), CAB Productions Lausanne, Studio «Tor» / CAB Production Lozanna, Filmstudio „Tor“ Avec / Cast: Zbigniew Zamachowski, Julie Delpy, Janusz Gajos, Jerzy Stuhr, Grzegorz Warchoł, Jerzy Nowak, Aleksander Bardini, Cezary Harasimowicz, Jerzy Trela, Cezary Pazura, Michel Lisowski, Piotr Machalica, Barbara Dziekan, Marzena Trybała, Philippe Morier Genoud, Francis Coffinet, Pays de production / Country: Frankreich, Schweiz, Polen, 1993 Couleur / colour, 88 Min.
Karol, un coiffeur polonais marié avec une jeune Française qui est mannequin, est devenu impotent. Après le divorce, il se retrouve à la rue. Dans le métro parisien, il rencontre un concitoyen aussi seul que lui, qui l’aide à retourner en Pologne en fraude. Au pays, Karol décide de se venger sur son ex-femme. Grâce à une ruse, il s’enrichit rapidement et ensuite, il arrange sa propre mort. L’ex-épouse vient en Pologne pour assister aux obsèques de Karol. Il lui révèle son jeu et l’amour est ressuscité. N’est-il pourtant pas trop tard?
Kieślowski succeeded in achieving two difficult things at the same time. The tenpiece series has not only proved that its creator is a talent of the world format, but it also aroused anew an interest in The Ten Commandments. Phil Cavendish Sight and Sound
Karol, a Polish hairdresser married to a French model, suffers from male impotence. After divorce he finds himself in the streets of Paris. On the metro he meets another lonely Pole, who helps him to get back to Poland. Karol wants to show his ex-wife that he is better than others. By cheating he quickly makes a lot of money and feigns his death. When she comes for the funeral, Karol discloses himself and their love is resurrected. However, it might be too late …
In „The Double Life of Veronique“ he tries to tell us, that a contact built on the intensity of thoughts and feelings may come into existence between people, and he contains this mystery in a wonderful stream of music and pictures (…). When one is seeing
TROIS COULEURS. ROUGE / THREE COLOURS. RED Réalisation / Director: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI Scénario / Script: KRZYSZTOF KIEŚLOWSKI, Krzysztof Piesiewicz Image / Cinematography: Piotr Sobociński Décors / Art Director: Claude Lenoir Montage / Editor: Jacques Witta Producteur / Producer: Marin Karmitz Production / Production Company: MK2 Productions SA, France 3 Cinema (Paris), CAB Production Lozanna, Filmstudio „Tor“ Avec / Cast: Irène Jacob, Jean-Louis Trintignant, Frederique Feder, Jean-Pierre Lorit, Samuel Lebinan, Teco Celio, Marion Stalens, Bernard Escalon. Pays de production / Country: Frankreich, Schweiz, Polen, 1994
Kieślowski’s film, one feels that the creator is
Couleur / colour, 95 Min.
right“ interpretation to them is an usurpation
Valentine, jeune mannequin, renverse accidentellement un chien en conduisant sa voiture. Elle le recueille et part à la recherche de son propriétaire. Il se trouve ~tre un juge à la retraite, qui vit dans une villa et passe son temps à écouter les conversations téléphoniques. Valentine est indignée de ce qu’il fait, pourtant elle se laisse entraîner dans cette connaissance qui se transforme en amitié. Le juge commence à se confier à Valentine… Valentine, a young model, hits a dog while driving. She takes the animal with her and tries to find the owner. She learns that the owner is a retired judge who spends his life on listening to other people’s telephone conversations. The girl is appalled but then develops a relationship which becomes friendship. The judge begins to confide in Valentine.
(…) For me both „colorful“ Kieślowski’s 54
looking for the maximum of what his material is capable of achieving. Therefore, this film is so exceptional. On one hand, it is a conscious art, and on the other, an instinctive one. Peter Cowie Variety’s International Film Guide Almost all Kieślowski’s films are full of meanings, therefore ascribing one „solely
films – „The Blue“ and „The Red“ are primarily a warning against fanaticism, against pursuing freedom, equality, justice, and even against pursuing complete happiness, complete love, the only truth at any price. Hence in such pursuits the goal is obscure, and the way – meandrous and dangerous. Ewa Mazierska Film
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« Rouge » est un de ces films qui, en racontant une histoire ordinaire, plongent leur regard dans l’envers des événements quotidiens. C’est le cas des mélodrames. Mais chez Kieślowski une autre couche est également présente : celle des questions les plus profondes. Les questions qui ne sont plus posées que par la grande littérature (…) Chaque participant du Festival de Cannes aspire à un chef-d’oeuvre. Et il arrive des chefs-d’oeuvre. « Rouge », le dernier film du cycle « Trois couleurs» et qui sait, peut-~tre le dernier film réalisé par lui (en quoi personne ne croit vraiment), satisfait au centuple toutes nos attentes… Tadeusz Sobolewski Gazeta Wyborcza Le réalisateur polonais apparaît comme un maître du mystère, un artiste de l’invisible. Le Nouvel Observateur
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”The Red” is one of those films, which by telling an ordinary story looks inside out the every day events. This is the way of melodrama. However, with Kieślowski, there is still one more layer hidden in it – that of the deepest questions. Such questions, which are posed only by great literature (…) An aspiration of each participant of festival in Cannes is a masterpiece. And masterpieces happen. Kieślowski’s film „The Red“, the last of the cycle of „The Three Colors”, and who knows – perhaps the last directed by him film (what nobody believes in) – meets with an interest all our expectations… Tadeusz Sobolewski Gazeta Wyborcza Polish director appears as a master of the mystery, an artist of the invisible. Le Nouvel Observateur
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L’INSTITUT POLONAIS D’ART CINÉMATOGRAPHIQUE
L
polonais d’Art Cinématographique ’ Institut (PISF) est le plus récent d’Europe; il
a été créé en 2005 en application de la nouvelle loi sur la cinématographie, votée par le parlement polonais. Le principe de son fonctionnement est analogue aux mécanismes de soutien à l’industrie cinématographique, existant dans de nombreux pays de l’Europe. «Les agences nationales de la cinématographie ont pour mission en Europe de soutenir les cultures et industries cinématographiques nationales et européennes. Leur rôle consiste à intervenir dans les pays où la production et la distribution des films européens exigent un soutien» cet extrait de la déclaration commune des agences européennes en charge du cinéma, adoptée à Londres en 2003, définit aussi les tâches de l’Institut polonais d’Art Cinématographique.
La Pologne a une longue tradition dans le domaine de la création cinématographique de qualité. Elle est incarnée par des noms comme Andrzej Wajda, Krzysztof Zanussi ou Krzysztof Kieślowski, par des réalisateurs qui travaillent à l’étranger et contribuent aux succès du cinéma mondial comme Roman Polański ou Agnieszka Holland, par des directeurs de la photo tels, parmi tant d’autres, Janusz Kamiński ou Sławomir Idziak, dont le travail est reconnu et recherché dans le monde entier. Leurs réussites contraignent à l’excellence la nouvelle génération des cinéastes polonais. L’Institut polonais d’Art Cinématographique est là pour les aider à faire connaître leurs films au public international, et pour aider le cinéma polonais à rétablir et à maintenir sa position traditionnelle dans le monde. La tâche principale de l’Institut consiste à doter l’industrie cinématographique polonaise de mécanismes modernes de soutien: de la préparation des projets jusqu’à la production, la promotion, la distribution et la circulation des films polonais et européens. Nous soutenons la réalisation des films, du concept initial à la diffusion, tout en mettant un accent particu-
lier sur les coproductions internationales. L’Institut polonais d’Art Cinématographique
désire attirer le public polonais dans les salles pour qu’il regarde des films polonais. Dans le m~me temps, il s’agit de garantir des films intéressants et accessibles au public international, en particulier européen. Les tâches de l’Institut, inscrites dans la loi sur la cinématographie, sont les suivantes: • Créer des conditions favorables au développement des productions polonaises et des coproductions; • Inspirer et soutenir le développement de tous les genres, notamment des films d’art et d’essai, y compris le montage de projets, la production et la diffusion des films; • Soutenir les activités créant de conditions favorables à un accès commun au patrimoine cinématographique polonais, européen et mondial; • Soutenir les débuts et le développement artistique des jeunes cinéastes; • Promouvoir la création cinématographique polonaise; • Subventionner des entreprises se consacrant au montage de projets cinématographiques, à la production, à la distribution et à la diffusion des films, s’occupant de la promotion de la cinématographie polonaise et de la popularisation de la culture cinématographique, y compris les productions cinématographiques entreprises par des milieux polonais à l’étranger; • Fournir une expertise aux administrations publiques; • Soutenir l’entretien des archives cinématographiques; • Soutenir le développement du potentiel de l’industrie cinématographique polonaise indépendante, en particulier des petites et moyennes entreprises actives dans le domaine de la cinématographie. L’Institut polonais d’Art Cinématographique
invite tous les partenaires étrangers: producteurs, distributeurs et cinéastes
intéressés à une collaboration avec l’industrie cinématographique polonaise. Nous vous fournirons les informations et indications nécessaires sur la Pologne, sur son potentiel cinématographique, ses réglementations et les lieux de tournage. Nous vous aiderons également dans votre recherche de professionnels du cinéma pour une collaboration, et de partenaires potentiels pour des coproductions.
L’INSTITUT POLONAIS D’ART CINÉMATOGRAPHIQUE www.pisf.pl Agnieszka Odorowicz Directrice Générale Adresse ul. Krakowskie Przedmieście 21/23 00-071 Warszawa, Pologne Tél. [+48] 022 42 10 518 Fax [+48] 022 42 10 241 E-Mail: pisf@pisf.pl Maciej Karpiński Directeur Adjoint Relations Internationales et Promotion Tél. [+48] 022 42 10 497 Fax [+48] 022 42 10 546 E-Mail: maciej.karpinski@pisf.pl Dorota Paciarelli Directrice Adjointe Coproductions, Formation et Relations Institutionnelles Tél. [+48] 022 42 10 498 Fax [+48] 022 42 10 546 E-Mail: dorota.paciarelli@pisf.pl
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POLISH FILM INSTITUTE
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olish Film Institute (PISF) is the newest film institute in Europe, established in 2005 in accordance with the new cinematography law, passed by Polish Parliament. It is set up similarly to the mechanisms of film industry support existing in many countries of Europe. State Film Institutes in Europe exist to support national and European film cultures and industries. Their role is to intervene in those countries in which the production and distribution of European films requires support – this fragment of a declaration by the Council of Film Institutes adopted in London in 2003 also determines the tasks of the Polish Film Institute. Poland has a long tradition of quality filmmaking, marked by names such as Andrzej Wajda, Krzysztof Zanussi and Krzysztof Kieślowski, directors working abroad and contributing to the achievements of the world cinema like Roman Polanski or Agnieszka Holland, cinematographers like, among many others, Janusz Kaminski or Slawomir Idziak, whose work is recognized and soughtafter the world-over. Their accomplishments set the standards of excellence which are being followed the new generation of Polish filmmakers. Polish Film Institute is there to help them to make their films to be known internationally, and to help Polish cinema to restore and maintain its traditional position in the world. The Institute’s principal task is to provide the Polish film industry with the modern mechanism of support – from the development of projects, production, promotion, distribution and circulation of Polish and European films. We support films from concept to screen, with particular emphasis on international coproductions. The Polish Film Institute wants to draw Polish viewers back to the theatres to watch Polish films and, at the same time, to make them worth of seeing and
accessible to international audiences, particularly in Europe..
POLISH FILM INSTITUTE
The Institute’s tasks specified in the Act on Cinematography are as follows:
Agnieszka Odorowicz General Director
• To create conditions for the development of Polish film production and international co-production; • To inspire and support the development of all types of Polish film creativity, in particular artistic films, including the development of film projects and the production and distribution of such films; • To support activities aimed at creating conditions for common access to the heritage of Polish, European and world film art; • To support film debuts and the artistic development of young film-makers; • The promote Polish film internationally; • To subsidise the enterprises in the field of development film projects, film production, distribution of films and dissemination of films, providing assistance and expert services to organs of public administration; • To support the upkeep of film archives; • To support the development of the potential of the independent Polish filmmaking and production, in particular small and medium sized enterprises operating in the cinematographic sector.
Address: ul. Krakowskie Przedmieście 21/23 PL 00-071 Warszawa T. [+48] 022 42 10 518 F. [+48] 022 42 10 241 E-mail: pisf@pisf.pl www.pisf.pl
The Polish Film Institute welcomes all foreign partners – producers, distributors and filmmakers alike – interested in all forms of collaboration with the Polish film industry. We shall provide you with all the necessary information and guidance regarding Poland, its film potential, legal regulations, locations and help to find the film professionals to collaborate with as well as potential partners for coproductions.
www.pisf.pl
Dorota Paciarelli Deputy Director International Co-Productions and Institutional Relations: T. [+48] 022 42 10 498 F. [+48] 022 42 10 546 E-mail: dorota.paciarelli@pisf.pl Maciej Karpiński Deputy Director International Relations and Promotion: T.[+48] 022 42 10 497 F. [+48] 022 42 10 546 E-mail: maciej.karpinski@pisf.pl
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Editeur:: L’Institut polonais d’Art Cinématographique Maison d’édition:: Skorpion, Varsovie 2006 Rédaction:: Stanisław Zawiśliński Consultante:: Dorota M. Paciarelli Conception graphique:: Darek Pepłoński Correcteur:: Jean-Yves Potel Photo de couverture:: Jacek Barcz Photos dans le catalogue:: Jacek Barcz, Marta Kieślowska, Tomasz Komorowski,
Krzysztof Wojciewski, Stanisław Zawiśliński, Piotr Boguniowski, archives familiales, collection privée de J. Galicka, Cinémathèque nationale Traduction:: Natalia Krasicka Impression:: Polan Publisher: Polish Film Institute in Warsaw Publishing House: Skorpion, Warsaw 2006 Editing: Stanislaw Zawiśliński Consultant: Dorota Paciarelli Project and graphic design: Darek Pepłoński Cover photo: Jacek Barcz Inside photos: Jacek Barcz, Marta Kieślowska, Tomasz Komorowski,
Krzysztof Wojciewski, Stanisław Zawiśliński, Piotr Boguniowski, director’s family archive, J. Galicka’s private collection, the National Cinematheque Translation: Eurotext, Tessa Mc Iver Print: Polan ISBN: 83-86466-50-2