Afrique - Le développement économique local

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AFRIQUE

Le développement économique local en afrique, MISE EN œUVRE, CONTRAINTES ET PERSPECTIVES

Dialogue et renforcement des capacités des autorités locales et régionales des pays partenaires de l'UE dans les domaines du développement et de la gouvernance locale 2015


Le développement économique local en Afrique, mise en œuvre, contraintes et perspectives PLATFORMA – 2015 CLGF – 2015 Autheur : François Paul Yatta Ce document a été conçu comme le point de départ pour le “Séminaire pour le Dialogue et le développement des capacités des autorités locales et régionales en Afrique dans les domaines du développement et de la gouvernance locale” qui s’est tenu du 13-14 Mai 2013, à Kampala. PLATFORMA Partenaires du projet : Dialogue et renforcement des capacités des autorités locales et régionales des pays partenaires de l’UE dans les domaines du développement et de la gouvernance locale Conseil des Communes et Régions d'Europe (CCRE) Cités et gouvernements locaux unis (CGLU) Association française du CCRE (AFCCRE) Agence pour la coopération internationale de l’Association des Communes Néerlandaises (VNG International) Association suédoise des autorités locales et des régions (SKL) Fédération Espagnole des Municipalités et Provinces (FEMP) Cités Unies France (CUF) Conférence des Régions Périphériques Maritimes (CRPM) Association des Régions Frontalières Européennes (ARFE) Association internationale des maires francophones (AIMF) Forum des administrations locales du Commonwealth (CLGF) Ville de Paris Province de Barcelone Régions Unies – FOGAR Avertissement : La présente publication a été élaborée avec l’aide de l’Union européenne. Le contenu de la publication, relève de la seule responsabilité de PLATFORMA et du CLGF, et ne peut être considéré comme reflétant le point de vue de l’Union européenne. Design : acapella.be ­­– Printing : Daddy Kate – Photo : EuropeAid Photo Library  Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution 4.0 International.


Sommaire INTRODUCTION

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le développement économique local en afrique, une longue gestation

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le développement économique local : principes directeurs, acteurs, étapes de mise en œuvre

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Les acteurs du processus de DEL

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Les étapes de la mise en œuvre du DEL

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la mise en œuvre du développement économique local en afrique

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Analyse de l'environnement national du DEL

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Analyse des processus de développement économique local

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Leçons tirées pour une meilleure efficacité de l'Aide Publique au Développement

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Recommandations pour les débats

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BIBLIOGRAPHie

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1. INTRODUCTION Vaste réforme institutionnelle, la plus importante depuis les indépendances selon de nombreux analystes, la décentralisation est aujourd’hui une lame de fond qui couvre les 31 millions km2 de l’Afrique et son milliards d’habitant. Conçu comme étant une stratégie politique de fourniture de services publics locaux au plus grand nombre, la décentralisation est confrontée à deux défis : la croissance rapide de la population (> 2,5 % par an en moyenne) qui est par ailleurs caractérisée par son extrême jeunesse (âge médian, 20 ans) et composée d’une mosaïque de peuples utilisant une pluralité de langues ; une urbanisation rapide, le taux d’urbanisation se situant entre 40 à 70 %, avec un fort développement de métropoles de plus d’un million d’habitants (au nombre de 34) confrontées, à des degrés divers, à une certaine paupérisation des banlieues, à la déficience des infrastructures, des transports publics et de la fourniture de services urbains de base. Le contexte économique de la décentralisation n’est pas des plus reluisants. En effet, après près de trente années de mise en œuvre des politiques d’ajustement structurel, les pays africains retrouvent une santé financière avec un taux de croissance annuel positif situé entre 4 % et 6 % en moyenne. Malgré ces signes positifs, l’Afrique reste une région économiquement peu développée : elle ne représente que 2 % du commerce mondial et ne capte que 3 % des investissements directs étrangers (alors qu’elle représente 15 % de la population mondiale). Sur les 47 pays les moins avancés identifiés par les Nations unies de par le monde, 18 sont situés en Afrique subsaharienne. Le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) n’a pas encore été en mesure de drainer des flux significatifs d’aides et d’investissements vers le continent ni de mobiliser l’épargne africaine dont les experts estiment que 40 % s’investissent hors d’Afrique. Toutefois, certaines dispositions prises par la communauté internationale, notamment l’initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE), devraient permettre d’accroître les capacités financières et d’intervention des pouvoirs publics et des collectivités locales de certains pays, en particulier dans la lutte contre la pauvreté, l’accès aux services et l’amélioration des conditions de vie des populations. Mais la crise financière qui s’est installée depuis 2008 et ses conséquences sur l’économie réelle ont fragilisé la base économique de bien de pays. Les fluctuations récurrentes du coût des matières premières ainsi que certains chocs naturels (inondations, sécheresses, etc) ont annihilés bien d’efforts de développement dans de nombreux pays africains. Le contexte politique de la décentralisation n’est pas non plus des plus positifs. Certes on note une progression importante du nombre de régimes politiques démocratiques sur le continent, contrairement à ce qui se passait au cours des deux décennies qui ont suivi les indépendances, mais les coups d’Etat existent encore. Les pays « fragiles » connaissant une instabilité politico-institutionnelle sont encore trop nombreux au goût des africains : en Afrique centrale (République démocratique du Congo, Centrafrique, Tchad), en Afrique de l’Ouest (Mali, Côte d’Ivoire, Liberia, Guinée- Bissau, Sierra Leone, Togo) et en Afrique de l’Est (Ethiopie, Erythrée, Somalie, Soudan). De manière générale, les systèmes politiques consacrent le multipartisme et le suffrage universel comme modalités du choix des dirigeants même si cette règle n’est pas générale en ce qui concerne les élus locaux. Dans certains pays encore, on, assiste à des situations où les dirigeants locaux sont nommés par le pouvoir central et où le cycle des élections locales est interrompu souvent durant de longues années. Cependant, la décentralisation est renforcée par la logique du désengagement de l’Etat et de l’administration centrale, même si cette tendance s’avère en réalité problématique, voire contreproductif, en l’absence de transfert réel des compétences et des moyens financiers et en raison de la persistance de l’emprise des pouvoirs centraux sur les finances et la fiscalité locales et sur les aides et financements étrangers. Mais indéniablement, la décentralisation a connu un saut qualitatif. Alors qu’elle était longtemps perçue comme une simple technique administrative dans la grande majorité des Etats, et ce, pour diverses raisons historiques, politiques et sociologiques ; elle implique aujourd’hui des pouvoirs de décision autonomes accompagnés d’une consolidation progressive de la légitimité électorale et d’un renforcement de la crédibilité des autorités décentralisées, même si cette évolution semble contrastée et, dans certains pays, remise en cause. D’autre part, on observe aussi un peu partout sur le continent, une croissance sensible et continue, depuis les indépendances, du nombre des collectivités locales couvrant ainsi de plus en plus largement les territoires, en particulier les tissus urbains africains. On observe également une diversification et une hiérarchisation plus affinée et parfois plus complexe des structures et des échelons territoriaux de la décentralisation. De nos jours, l’Afrique compte près de 12 000 collectivités locales dont plus de 4 000 en Afrique du Nord, 3 000 en Afrique de l’Ouest, 1 000 en Afrique Centrale, 2 000 en Afrique de l’Est et 1 300 en Afrique Australe.

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Enfin, l’une des avancées significatives en matière de décentralisation est l’accroissement relatif des responsabilités des collectivités locales dans de nombreux pays. La gamme des compétences s’est en effet étoffée progressivement : les compétences pour lesquelles les collectivités locales agissent comme des agences de l’Etat (Etat civil, Police, Politique de développement économique, Politique d’aménagement du territoire, Politique de l’emploi…) ; les compétences pour lesquelles les collectivités locales jouent partiellement le rôle d’agence pour l’Etat (politiques nationales sectorielles, politiques d’équité et politiques d’aide sociale, politique d’appui aux jeunes, aux femmes, aux retraités, aux handicapés, …) ; et les compétences propres des collectivités locales qui étaient autrefois exercées par l’Etat et qui sont désormais transférées aux collectivités territoriales. Parmi ces compétences, le développement économique local se positionne en bonne place dans l’action des collectivités territoriales.

2. Le Développement économique local en Afrique, une longue gestation Les années postindépendances en Afrique ont été caractérisées par une gestion centralisée, macroéconomiques et sectorielles. Cette gestion centralisée des politiques publiques a engendré des inégalités importantes de revenus, d’accès au logement, d’accès aux services essentiels comme l’eau et l’électricité, la santé, l’éducation, etc. La centralisation s’est traduite par une certaine inefficience flagrante dans la fourniture des services publics locaux pour plusieurs raisons ; coûts des services publics locaux élevés et services publics locaux peu adaptés aux préférences des populations au niveau local. De ces deux raisons, l’inadaptation des services publics locaux est la plus importante. En effet une uniformité de services publics locaux sur toute l’étendue du territoire national se traduit par un gaspillage de ressources et une inefficiente allocation qui freine le bien être national. En plus de se situer à une échelle macroéconomique, et dirigées du niveau central vers le bas, ces politiques étaient tirées par l’offre, généralement as-spatiales, sectorielles, délivrées localement à l’échelle de quartiers, et peu durables (à l’échelle infra communale). Progressivement, les préoccupations locales sont apparues de plus en plus évidentes dans les différents pays. Le concept du local prend de plus en plus de l’importance dans les stratégies de développement, et l’on commence par élaborer des politiques qui ont une portée territoriale et spatiale. Puis dans un second temps est apparu une autre nouveauté dans les théories et pratiques du développement ; le concept de développement participatif1. Pour beaucoup d’analystes internationaux et africains, il s'agit de remettre en question les approches traditionnelles du développement, en particulier leur capacité à jeter les bases d'un développement durable. Même si le degré de participation envisagé et les objectifs poursuivis par les agences divergent, les bailleurs de fonds tant publics que privés considèrent que la participation est davantage qu'un moyen d'améliorer l'efficacité et d'assurer la viabilité des projets, elle constitue une fin en soi. C’est dans cette même lignée de reformes que la décentralisation est apparue avec entre autres l’objectif d’éliminer les nombreuses entorses à l’élaboration et à l’exécution des politiques publiques ; à savoir l’existence de plusieurs centres de décision qui ne sont pas toujours guidés par l’intérêt public mais qui sont par ailleurs influencés par la recherche de rentes ou par des groupes de pression, la bureaucratie inefficace ou corrompue ou les deux, le problème lié aux relations principal – agent, etc. C’est pourquoi, en plus de la différenciation institutionnelle, la décentralisation africaine intègre depuis le critère des élections locales. Aujourd’hui la décentralisation est indissociable de la légitimité démocratique des autorités locales et dans tous les pays, la mise en place de conseils locaux élus est la règle. En dehors du fait que l’élection des autorités locales fait prendre à la décentralisation une tournure politique, cette nouvelle donne n’est pas aussi anodine qu’elle n’y parait. En effet, à partir du moment où les autorités locales sont élues, cela implique une forme de responsabilité de ces élus locaux par rapport à leurs électeurs. Elle fait passer le sens de la redevabilité (accountability) qui était auparavant vers l’Etat pour désormais être vers les populations électrices.

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P our la Banque Mondiale le développement participatif est « un processus à travers lequel les différents acteurs influencent et partagent le contrôle sur des initiatives de développement, des décisions et des ressources qui les concernent ». Le principal objectif de la Banque Mondiale dans sa volonté de promouvoir la participation est d'améliorer l'efficacité et la durabilité des programmes qu'elle finance. L e PNUD définit le développement participatif comme étant « un processus dont l'objectif est de rendre les gens capables d'initier une action pour un développement self-reliant et d'acquérir la capacité d'influencer et de gérer le changement dans leur société » ; Pour l'ACDI « le développement participatif se réfère à un processus par lequel la société est activement impliquée dans toutes les phases d'une action de développement ; la Commission Européenne considère que « le développement participatif constitue une approche globale du développement qui implique la mise en place de mécanismes visant à associer, dès le départ, les populations aux différentes étapes du processus de développement ».

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Mais le lien entre la décentralisation et le développement économique local (DEL) n’a pas été immédiat pour une raison principale, liée au soubassement de la décentralisation. Dans la plupart des pays africains, la décentralisation est arrivée dans le sillage de la démocratisation et du multipartisme, après des décennies de pouvoir centralisé et de parti unique. Pour ces raisons, la décentralisation s’est d’abord focalisée sur les questions politiques et administratives ; le découpage territorial, les élections locales et la nouvelle place des élus locaux dans le paysage institutionnel des élus locaux. Cette prépondérance des aspects politiques et de la reconnaissance de la place des élus locaux dans l’agenda national et international a sans doute pris le dessus sur les préoccupations économiques et financières locales. Mais avec la crise ou au mieux la stagnation que connaissent les États africains depuis une décennie, les préoccupations liées à l’emploi des jeunes et à la génération de revenu sont revenues au premier plan. Aujourd’hui les collectivités locales sont sur la ligne de front en matière de création d’emploi et de génération des revenus ; elles sont les premières institutions qui font face à la forte demande sociale. À cette demande sociale forte qui est à la base du regain d’intérêt aux préoccupations économiques et financières locales, s’est ajoutée deux autres éléments du contexte africain. Le premier est le peuplement. Avec un taux d’urbanisation d’un peu plus de 40%, l’Afrique est le continent le moins urbanisé. Toutes les projections montrent que l’ensemble de l’Afrique est au cœur d’une transition démographique rapide qui est en train de la faire passer de majoritairement rurale à majoritairement urbaine (World Urbanization Prospects). Dans la plupart des pays africains, la croissance naturelle de la population et les taux de croissance urbaine élevés se sont conjugués pour donner un taux d’urbanisation de plus en plus important. Dans l’avenir, les taux de croissance des villes les plus dynamiques vont atteindre et dépassé 10%, soit de l'ordre du triple de la croissance des villes européennes au plus fort de la révolution industrielle. Au cours des 3 prochaines décennies, la population urbaine totale ainsi que la surface urbanisée devront encore tripler. À l’horizon des 20 prochaines années, les zones urbaines africaines vont devoir absorber l’équivalent de la population totale des États-Unis. Cette évolution probable montre que, même s’il est avéré que le taux de croissance de la population totale devrait baisser dans les prochaines années, la population urbaine devrait encore continuer à croître : ce rythme devant cependant être moins rapide par la suite, du fait de la diminution relative du “réservoir” de population rurale. Mais cette urbanisation se concentrera dans les villes moyennes et secondaires, l’urbanisation va se caractériser par l’apparition de nombreux centres urbains de taille moyenne qui vont progressivement constitué l’essentiel de la population urbaine, tout en contribuant au renforcement de l’armature urbaine africaine. Le second est la mondialisation comme facteur de la montée en puissance du DEL ; elle s’explique par deux données. La première est liée au nouveau contexte du développement économique à l’échelle des nations. Alors que les années post indépendances ont connu une croissance économique positive et soutenue, le territoire était un facteur passif du développement national. Il accueillait les activités dans le cadre d’une stratégie nationale de déconcentration des activités économiques et n’était nullement un facteur de développement. Avec la compétition accrue induite par la mondialisation, le territoire devient le lieu de la concurrence ; il commence alors à prendre une place de plus en plus importante dans les stratégies des entreprises. Dès lors, ses caractéristiques, ses avantages comparatifs et sa compétitivité, pour ne citer que ceux là, deviennent objets d’attention pour les décideurs nationaux. La seconde est liée à la stratégie des firmes au niveau mondial, aux logiques de localisation des systèmes productifs. Les nouvelles tendances d'organisation des systèmes productifs et leur rapport à l'espace montrent que les choix de localisation mettent au centre le territoire et ses avantages comparatifs. La mondialisation met paradoxalement à l’ordre du jour le territoire comme point dur dans l’espace virtuel qui est désormais celui des entreprises multinationales et de la société mondialisée. Ce mouvement confère aux collectivités locales un rôle tout à fait éminent dans la réconciliation des dynamiques économiques avec les transformations sociales, et dans la recherche d’un équilibre plus positif entre volonté collective, puissance publique, et initiatives et intérêts privés Ainsi, l’urbanisation, la mondialisation et la décentralisation ont donné naissance au territoire, mettant ainsi au premier plan le DEL. Le territoire national se trouve désormais géré comme une juxtaposition d’économies locales aux caractéristiques différentes. C’est au niveau de ces économies locales que se fait l’ancrage de l’Afrique à la mondialisation et où se jouent les enjeux de développement de la plupart des pays notamment leurs contributions à l’économie mondialisée et leurs capacités à minimiser les effets négatifs de la mondialisation ; et ce alors même que les possibilités et capacités des États face à ce mouvement sont de plus en plus réduites. Depuis, une autre gouvernance que nationale, une gouvernance axée sur les préoccupations locales et mieux adaptée aux entités territoires infra nationales, prend peu à peu sa place. Il aura fallu pour cela se débarrasser de plusieurs écueils dont le premier est la perception « centraliste » qu’ont les acteurs nationaux et internationaux qui font des préoccupations économiques et financières le domaine exclusif de l’État. Le second est la perception défensive de la gestion locale avec des slogans

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comme la lutte contre le sida, le chômage, l’insécurité, la pauvreté, etc. Ces slogans sont bien plus utilisés que la lutte pour le développement économique local ; ils confinent les responsables et acteurs locaux dans un attentisme dommageable pour la décentralisation. Le DEL comme approche positive de la gestion locale apparaît donc comme étant en porte à faux avec les idées répandues.

3. Le développement économique local ; principes directeurs, acteurs, étapes de mise en œuvre Le développement économique local (DEL), c’est relancer l’économie locale, faciliter la création d’emplois et de revenu et améliorer la gouvernance et la performance municipale. La promotion du développement économique local se base sur une approche différente des stratégies traditionnelles de développement. Elle met l’accent sur l'amélioration de la compétitivité et la performance économique d'un territoire ; par exemple une région ou une ville et son hinterland. Collectivités locales, entreprises et associations de populations et/ou ONGs travaillent ensemble pour développer une compréhension de leur économie locale, réfléchir sur les différentes options de relance et développer des stratégies et des projets qui permettent de partager les bienfaits de la croissance économique. Le DEL se réfère donc à une stratégie de développement économique basée sur un territoire, dont la maîtrise d’ouvrage et la gestion sont locales et qui vise principalement à augmenter le nombre d’emplois, la masse de revenus ainsi qu’à augmenter la croissance économique. Le DEL est une approche partenariale basée sur une planification stratégique axée sur la demande locale, afin de faciliter la croissance de l’emploi, la réduction de la pauvreté, et l’amélioration des conditions de vie par une meilleure gouvernance économique. La démarche DEL comprend trois principaux éléments: une période d’étude durant quatre à six mois; celle-ci étant reliée à une phase de dialogue politique et de concertation ayant la même durée. La période de mise en œuvre de la stratégie de développement et de relance de l’économie locale s’étend sur une période indéfinie. La phase d’étude aboutit à la réalisation d’un ensemble de données cohérentes et analyses, rétrospectives et prospectives sur l’économie locale, ses acteurs, ses enjeux et ses tendances, exprimées quantitativement (comme des matrices de comptabilité sociale urbaine-rurale), qualitativement et spatialement. La recherche est pilotée par le Comité DEL constitué initialement du maire ou des maires de la localité, des autorités locales, et de quelques agents économiques représentants les chambres de commerce, élargis graduellement aux autres acteurs. La phase d’étude prend fin avec la restitution publique des résultats en présence des acteurs. La phase de dialogue politique et de concertation commence dans les meilleurs délais pendant la phase d’étude. Elle consiste en une série de concertations et de négociations ciblées sous l’égide de chaque autorité locale avec la participation des membres de l’équipe d’étude et des personnes ressources. Le but est de construire graduellement une vision partagée sur le fonctionnement de l’économie locale, ses forces et faiblesses ainsi que ses opportunités et menaces. Le but est de parvenir, à défaut d’un large consensus, à réaliser au moins une coalition d’intérêts autour d’une stratégie pour le développement local qui permettra aux acteurs et institutions locales de diriger et de contrôler leur propre avenir économique. La phase de dialogue politique se termine par le Forum sur le Développement Local durant lequel la Stratégie et le Plan d’Action du Développement Économique Local (SPADEL) ainsi que la Charte du Développement Économique Local sont approuvés. La phase de mise en œuvre pour les stratégies de développement économique local et de relance concerne, d’abord en tant qu’individus et puis en partenariat, chaque décideur et les groupes d’acteurs locaux: autorités locales, l’administration et les services publics, les organisations professionnelles, les partenaires locaux et extérieurs. Cette phase peut nécessiter la création d’associations de municipalités pour faire pression sur les autorités nationales par rapport à des questions communes (telle que l’amélioration du réseau local des marchés) et, en cas de municipalités frontalières, la création d’organes consultatifs avec les autorités locales dans les pays limitrophes pour discuter des questions communes, particulièrement l’aménagement du territoire et la promotion des échanges régionaux.

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Comme on le voit, la porte d’entrée du DEL est la génération d’emplois et de revenus ; c’est pourquoi il est encadré par les principes directeurs suivants. 1. Tout d’abord, les stratégies de développement économique local sont basées sur une analyse profonde, économique, et institutionnelle. On ne gère pas ce que l’on ne « connait » pas ; c’est la condition de l’élaboration de stratégies pertinentes et durables. 2. Le développement économique local se base sur une intégration territoriale des secteurs, urbain et rural ; elle prend en compte la réalité de l’économie locale en Afrique qui est une résultante des activités urbaines et rurales. L’approche est tirée par la demande des acteurs locaux. 3. Le développement économique local se base sur des partenariats organisés par les collectivités locales et régionales avec les secteurs privé et communautaire, les associations de population, les producteurs ruraux, etc. 4. Enfin, le développement économique local est le résultat d’un consensus local entre l’amélioration de l’environnement institutionnel, les objectifs économiques, financiers, sociaux et la réduction de la pauvreté.

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Les acteurs du processus de DEL

Plusieurs acteurs sont mobilisés pour la réussite d’un processus de développement économique local. Ce sont : ➜ Le(s) Conseil(s) Municipal (aux): le principal organe de prise de décision et de mise en œuvre. ➜ Le Comité DEL local : un organe consultatif d’environ 15-20 représentants des principales organisations locales, les autres acteurs locaux. Ce comité comprend également les membres du (des) conseil(s) municipal (aux) ainsi que des communautés et collectivités du hinterland. ➜ Les groupes de dialogue: groupes formés pour appuyer chaque ambition. Ils développent des idées, élaborent et discutent des projets relatifs aux principales ambitions et programmes identifiées. Les groupes de dialogue agissent également comme un groupe de pression avec le comité DEL pour la promotion des projets à l’intérieur de leurs ambitions identifiées. ➜ Les communautés locales sont consultées à travers leurs diverses organisations, et également en cas de besoin par des groupes cibles. Ce processus est décidé localement conformément aux bonnes pratiques, aux normes locales et à la capacité de conduire la consultation. Ces quatre structures assurent que toutes les ressources possibles peuvent être mobilisées pour le programme. Elles permettent l’expression des points de vue des différentes catégories de la communauté, y compris les secteurs formels et informels, la société civile, le secteur privé, les universitaires et le secteur public pour renseigner le processus. Tout le processus est appuyé et conseillé par une équipe de médiation et d’appui technique (EMAT) composée de cadres municipaux, de consultants et d’autres qui sont jugés appropriés en fonction des circonstances locales. Le dialogue avec les populations est réalisé à travers la répartition d’un certain nombre d’activités en grandes étapes : ➜ « Points de décision » ou « ateliers de grande étape » effectifs, transparents et représentatifs: les principaux fora de planification réunissant les acteurs clés impliqués dans chaque grande étape. Ici, les résultats et les produits des activités des grandes étapes précédentes sont présentées et adoptées, suivis des premières discussions sur les questions et tâches de la grande étape à mettre en œuvre. Ces ateliers sont renforcés par des rencontres régulières des différentes structures de dialogue: Conseil Municipal, Comité DEL et les groupes de dialogues. ➜ Consultations communautaires inclusives: ces ateliers sont suivis d’un processus décidé localement de consultations communautaires selon lequel ceux qui sont présents à ces ateliers restituent les informations et développent des idées avec leurs différentes circonscriptions et communautés. Les résultats de ces consultations sont alors restitués aux rencontres régulières des structures de dialogue correspondantes. ➜ Les processus de renforcement de capacités : En fonction des besoins et ressources locaux, des activités de renforcement de capacités et de travail en réseau sont mises en place en vue de faciliter des dialogues et prises de décision effectifs. ➜ Campagne médiatique: Également, en fonction des priorités et normes locales, une campagne médiatique est mise en œuvre pendant tout le processus en vue d’assurer la transparence. ➜ Développement progressif des projets de chapitres de la SPADEL: Après chaque atelier de grande étape, l’équipe de médiation et d’appui technique (EMAT) prépare un document sur la base des discussions. Ceci fera alors partie des chapitres de la SPADEL. De cette manière la SPADEL est renforcée cumulativement à travers le processus et ne devra faire l’objet que d’une révision minimale à la fin des diverses parties en un seul document.

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Les étapes de la mise en œuvre du DEL

La mise en œuvre du développement économique local comprend cinq grandes étapes qui se présentent comme suit : 1. L’évaluation de l’économie locale qui comprend la quantification des secteurs de l’économie locale et l’identification des interactions entre les secteurs ainsi que des secteurs moteurs. La première grande étape d’un processus de développement économique local (DEL) est l’évaluation de l’économie locale. La méthode d’études consiste d’une part, à mesurer la richesse locale (production, stock de capital public et privé) et les activités qui la génèrent, et d’autre part à identifier et comprendre les dynamiques de transformations structurelles (économiques, sociales, et spatiales) sur la base desquelles construire des stratégies de développement et de relance économique durables. Ensuite, il est procéder à des simulations sur les transformations économiques et spatiales en vue de construire une vision plausible du devenir économique et social local, pouvant servir de support au dialogue politique au niveau local et avec les partenaires extérieurs (État, partenaires au développement, acteurs de la coopération décentralisée. À la suite de l’évaluation de l’économie locale, une période de préparation concernera l’organisation de l’effort: la portée de la décision à prendre, la mise en place des structures, la planification du processus, la formation des acteurs. Puis on procède à la planification de l’organisation de tout le processus, et ce selon les taches suivantes : I. Planification de l’élaboration et du développement de la stratégie et du plan d’action du développement économique local, la SPADEL: clarifier exactement ce qui est nécessaire et comment chacune des petites étapes s’insèrent effectivement dans la grande étape. II. Organisation et planification du processus de dialogue: quels acteurs seront impliqués, qui fait quoi, où et comment. III. Définition de la portée locale DEL et les relations qui peuvent être établies entre le DEL et les autres processus de développement en cours dans la ville et dans son hinterland. IV. Mise en place des structures institutionnelles constituant le comité DEL, formalisation du processus de constitution de l’EMAT, démarrage de la campagne médiatique et rédaction du chapitre 1 de la SPADEL. V. Résumé des connaissances: validation de l’étape 1 (évaluation de l’économie locale, y compris de la SWOT) de la Stratégie et du Plan d’Action DEL, par l’EMAT. VI. Commencer à comprendre l’enveloppe des ressources pour la stratégie. VII. Accord sur les critères et processus de sélection et de priorisation des projets. VIII. Élaboration du programme. IX. Formation des principaux acteurs : l’EMAT, le Conseil Municipal et le Comité DEL. 2. Passer des connaissances à la vision et ensuite aux programmes: définir la vision, passer de la vision aux ambitions et passer des ambitions aux programmes. La seconde grande étape « Des connaissances à la vision et aux programmes » concerne la définition de la vision et des programmes. Elle commence par l’atelier avec le comité DEL, les principaux acteurs qui pourraient faire partie des groupes de dialogue et des personnes ressources invitées. La principale tâche est de valider puis prioriser le projet SWOT, et de développer une vision et des ambitions proposées. Les dispositifs pour l’application, la sélection, la notation et la priorisation sont discutés. Les groupes de dialogue sont alors mis en place pour faire avancer le processus. Quelques programmes et projets sont suggérés. Suite à l’atelier, les dispositifs administratifs, la qualité de membre et les processus convenus sont rédigés dans le premier chapitre de la SPADEL et les deux SWOT priorisées sont ajoutées au chapitre de la SPADEL sur l’évaluation de l’économie locale. Puis les propositions préliminaires pour la vision et les ambitions sont présentées par l’EMAT comme la première partie de la vision à la matrice des projets. Ensuite un processus de consultation communautaire examine et suggère par la suite les amendements à ce projet de discussion. Durant ce processus les groupes de dialogue sont mis en place.

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3. Des programmes aux projets: prioriser et sélectionner les projets à travers les processus de dialogue La troisième grande étape « Des programmes aux projets » ; elle commence avec l’atelier de la Grande étape des programmes aux projets, avec le Comité DEL, les groupes de dialogue et les personnes ressources invitées. Les principales tâches sont l’identification des programmes et des projets qui peuvent contribuer à la vision et aux ambitions qui ont été identifiées à ce moment. Ceci est suivi de la clarification des différents formats nécessaires à l’élaboration des projets et le processus de notation et comment d’autres élaborations de propositions de programmes et de projets peuvent avoir lieu. Suite à l’atelier, un projet de discussion des programmes et des projets est rédigé par l’EMAT. Ce projet de discussion est alors discuté dans un processus de consultation communautaire. Un brainstorming complémentaire sur les projets possibles qui auront été déjà sélectionnés en fonction des critères d’éligibilité sera aussi fait. Les projets sélectionnés sont soumis à l’EMAT pour une notation formelle. Les projets notés sont alors renvoyés aux groupes de dialogue pour accord et vérification s’il y a des désaccords ou recours majeurs. Tous les recours sont traités par l’EMAT au fur et à mesure qu’ils sont soumis. Dès qu’un recours est adressé la matrice finale des projets notés est présentée au Comité DEL et au(x) Conseil(s) Municipal (aux) pour décisions. Une liste de toutes les idées de projets communautaires est faite et est diffusé auprès des groupes de dialogue pour toutes les actions complémentaires qu’ils peuvent prendre. 4. Stratégie et plan d’action DEL: définir le document de planification et une charte, et la ratification par un Forum Public La quatrième grande étape « Finalisation et stratégie de la SPADEL » consiste à finaliser les chapitres de la SPADEL à partir des divers projets et contributions produits dans les Grandes étapes précédentes. L’EMAT ensemble avec le(s) Conseil(s) Municipal(aux) et le Comité DEL rédigent la Charte qui est un document résumé de la SPADEL. Une fois que tout ceci est prêt, alors la SPADEL et la Charte sont présentées à la communauté lors du forum sur le développement local.. 5. Mise en œuvre et suivi: Développer les systèmes pour assurer la dynamique de la mise en œuvre de la stratégie et l’actualisation de la stratégie. La cinquième grande étape « Mise en œuvre » concerne l’opérationnalisation de la stratégie. Une fois les programmes et projets sélectionnés, la planification de la mise en œuvre commence. La mise en œuvre de la stratégie est fonction du plan général de mise en œuvre approuvé, qui à son tour est fonction des plans d’actions pour les projets individuels. Le Plan de Mise en Œuvre définit les implications budgétaires, procédurales, institutionnelles et de ressources humaines pour la mise en œuvre d’une stratégie DEL. Il est ainsi le point d’intégration de tous les projets et programmes dans une stratégie DEL. Le Plan d’Action de chaque projet définit une hiérarchie des tâches, les parties responsables, un emploi du temps réaliste, les ressources humaines et les besoins financiers, les sources de financement, les impacts et résultats attendus, les mesures et systèmes de performance pour évaluer le progrès réalisé pour chaque projet. Le plan de mise en œuvre agit en dernière instance comme un médiateur entre les divers projets et leurs plans d’action pour assurer qu’ils ne soient pas en concurrence d’une manière inappropriée pour les ressources. Il fournit également des informations sur le suivi et l’évaluation pour toutes les parties impliquées, particulièrement le secrétaire général de la municipalité et le maire qui vont ensuite rendre compte à des niveaux supérieurs de gouvernement et à la communauté.

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4. La mise en œuvre du développement économique local en Afrique Le DEL permet de mettre en œuvre des stratégies aussi bien institutionnelles qu’infrastructurelles qui permettent le développement des activités économiques localisées et l’attraction d’entreprises en quête de territoire. Ces mesures se comportent ainsi comme des intrants à la production des unités économique locales. Pour les collectivités locales, le développement des entreprises locales et l’attraction de nouvelles entreprises a comme conséquence l’élargissement de l’assiette fiscale qui se portera d’autant mieux que les économies locales sont vivaces et compétitives. Plus de produits d’impôts et de taxes locales suppose de meilleurs services publics; ce qui permet d’améliorer l’environnement infrastructurel des entreprises. Bien élaboré et mis en œuvre, le DEL est un cercle vertueux qui permet un développement local durable. Aujourd’hui, la problématique de l’emploi et des revenus est plus que jamais locale, ce qui d’ailleurs se traduit de plus en plus dans les textes d’orientation de la décentralisation des différents pays africains. De meilleurs emplois et revenus, une qualité de vie élevée sont les exigences de tous les citoyens, aussi bien dans les pays en développement que dans les pays développés. Ces exigences, de plus en plus pressantes pour les collectivités locales et leurs responsables, sont légitimes et impliquent des stratégies hardies de promotion de DEL au niveau local. Les processus de décentralisation donnent à ces exigences une résonance particulière, même si la décentralisation fiscale se fait encore attendre. Les expériences de développement économique local (DEL) connaissent une grande diversité, comme le montre l’analyse comparative de l’environnement national et des processus locaux de DEL des 6 pays suivants : le Sénégal, l’Afrique du Sud, l’Ouganda, le Nigeria, la Tanzanie et l’Éthiopie.

4.1

Analyse de l’environnement national du DEL

L’environnement national de la décentralisation fixe le contexte du développement économique local ; il facilite ou au contraire rend plus complexe la mise en œuvre des stratégies de développement économique local. En Ouganda, la Constitution pose le principe d’une subsidiarité intelligente entre les différentes sphères de gouvernance. Les articles 176 à 207 de la Constitution définissent clairement les compétences de l'État, et en déduisent celles des collectivités locales. En effet, la Constitution précise que toutes les autres fonctions et services non indiqués dans les prérogatives de l’État central sont celles des collectivités locales. Mais la frontière des compétences n’est pas étanche, permettant une mise en œuvre souple et modulable du principe de subsidiarité en fonction du contexte sociopolitique et économique national ou local. L’Ouganda est un exemple de réussite de la décentralisation des politiques sectorielles. Les collectivités locales reçoivent directement dans leurs budgets les crédits destinés à couvrir les compétences transférées. En outre, les conflits entre collectivités locales et les services déconcentrés de l’État sont rares. En effet, l’Ouganda, dispose d’une déconcentration faible (même si au cours des dernières années on note une tendance à la recentralisation dans certains domaines). Dans ce pays, les territoires de compétence des administrations décentralisées ne recouvrent pas forcément ceux des collectivités locales ; les risques de conflits de compétences sont de ce fait même limités. Parallèlement, l’État Ougandais a élaboré une stratégie de développement économique local intitulée « “Strategy for Promoting Investment and Local Economic Development in Local Governments ». La stratégie a pour objectif de contribuer à la résorption de la pauvreté en mettant l’accent sur (a) l’amélioration de la gouvernance locale pour un développement économique local durable, (b) la création d’emploi, (c) l’augmentation de la production et de la productivité des entreprises locales, (d) l’augmentation des revenus, (e) et l’élargissement de l’assiette fiscale des collectivités locales afin de pouvoir rendre les services locaux de base. L’élaboration de cette stratégie a été pilotée par le Ministère en charge des collectivités locales avec l’appui de la coopération technique belge. Dans la même foulée, le Ministère a identifié et documenté environ 17 projets et programmes de DEL en cours de mise en œuvre au niveau local en 2007.

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Mais le geste le plus significatif du gouvernement ougandais est la révision des objectifs de la politique de décentralisation pour y ajouter le développement économique local. C’est ainsi qu’en 2007, un sixième objectif intitulé « Renforcer le développement économique local pour augmenter les revenus locaux et élargir l’assiette fiscale locale » a été ajouté. C’est une avancée significative qui fait du DEL un des objectifs principaux du cadre stratégique de la politique de décentralisation et du plan d’investissement du secteur des collectivités locales. En Afrique du Sud, La Constitution prévoit trois sphères de gouvernance que sont l’État Central, les Provinces et les Collectivités locales. Les compétences des collectivités locales sont détaillées par les articles 151 à 164 de la Constitution. Mieux, il est prévu des compétences additionnelles au fur et à mesure du renforcement des capacités institutionnelles des collectivités locales. En effet la section 156.4 de la constitution spécifie que le gouvernement central et les Provinces délèguent aux municipalités certaines de leurs fonctions, à condition qu’elles aient la capacité de les administrer. Le processus de délégation se fait de manière graduelle au fur et à mesure du renforcement des capacités des municipalités et de leur viabilité financière. Le cadre de la politique de développement économique local est fixé par la Constitution, notamment la section 152 (c) et 153 (a) les collectivités locales doivent « promouvoir le développement économique et social » et « structurer et gérer leurs administrations, des processus de planification et de budgétisation pour donner la priorité aux besoins basiques de la communauté et promouvoir le développement social et économique de la communauté » ; Le programme de Reconstruction et de Développement élaboré par l’ANC en 1994 fait implicitement référence à la notion de DEL via le programme d’appui aux communautés et aux initiatives de base. Puis ce fut dans le « Cadre de Développement Urbain » et le « Cadre de Développement Rural ». À La fin du Programme de Reconstruction et de Développement, ses prérogatives ont été reprises par le Département de l’Habitat et le Département des questions foncières. La mise en place de l’Integrated Dévelopment Planning (IDP) qui constitue la base de la planification intergouvernementale, entre les ministères, les provinces et les collectivités locales, est une avancée significative. Cet instrument a pour objet de promouvoir le développement économique et gérer la planification spatiale et de transport, le développement et la gestion des infrastructures avec des mécanismes financiers appropriés. Le livre blanc sur le gouvernement local (1998) introduit le concept de « collectivité locale développementale » qui se définit comme « une collectivité locale commise pour trouver, avec les populations et les groupes, les solutions durables de leurs besoins économiques, sociaux et matériels et améliorer leurs conditions de vie ». Tout en annonçant clairement que « les collectivités locales ne sont directement responsable de la création d’emplois », le même document rappelle qu’elles sont responsables de la mise en place les conditions d’un environnement économique et social favorable à la création d’emplois sur le territoire. À partir des années 2000, un second souffle est donné à l’environnement national du DEL. Ainsi le « LED Guidelines to Institutional Arrangements (2000) » et le « Draft LED Policy » mettent l’emphase sur une approche plus communautaire du DEL, renforçant ainsi l’orientation « pro-pauvre » et groupes marginalisés du processus. Le « Policy Guidelines for implementing LED in South Africa (2005) » et le « National Framework for Local Economic Development (LED) in South Africa (2006-2011) » se concentrent sur les conditions de mise en œuvre du développement économique local. C’est ainsi que le second document identifie 4 axes d’interventions (a) améliorer la bonne gouvernance, la fourniture des services publics locaux, la confiance du public et du privé aux collectivités locales, (b) le développement des avantages comparatifs des collectivités locales et la planification spatiale, (c) les services aux entreprises, et (d) développer des programmes d’investissements durables des communautés. Au Sénégal, c’est l'adoption du Code de l’administration communale et de la régionalisation en 1996 qui lance le renouveau du processus de décentralisation et qui donne lieu à l’élaboration d’une importante législation et le transfert de neuf domaines de compétences aux collectivités locales. Cependant, il faut reconnaitre que l’application de certaines dispositions de la loi n’est pas encore effective car certains des textes nécessaires pour compléter le dispositif pour l’application des provisions des différentes lois doivent encore être pris. La loi N° 2001-03 du 22 janvier 2001 portant Constitution de la République du Sénégal stipule en son article 102 que « Les collectivités locales constituent le cadre institutionnel de la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques. Elles s'administrent librement par des assemblées élues. Leur organisation, leur composition et leur fonctionnement sont déterminés par la loi. » L’environnement institutionnel national est marqué par un cadre fédérateur national, le Programme national de Développement Local (PNDL). Ses objectifs sont : Augmenter l’accès aux besoins sociaux de base à travers des interventions à effets directs et indirects ; Augmenter l’accès des populations les plus pauvres aux activités génératrices de revenus à travers les organisations de micro finances existantes et les associations d’épargne et de crédit ; Renforcer les capacités de l’État et des

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autres acteurs pour la mise en œuvre de la stratégie de développement local ; Renforcer les capacités des acteurs locaux. Il est mis en œuvre par trois instruments ; le Programme de Développement Local Participatif (PDLP), le Programme d’Appui au Développement Économique Local (PADEL) et le Projet de Pistes communautaires (PPC). Le Programme de Développement Local Participatif, PDLP est mis en œuvre à travers trois composantes visant à appuyer le PNDL. La première est dénommée, ''Appui aux politiques de décentralisation, de déconcentration et de développement local participatif'', la seconde composante est intitulée ''Financement du Développement Local'', la troisième composante est intitulée ''Renforcement des capacités pour la décentralisation, la déconcentration et le développement local participatif''. La stratégie d'intervention du PADEL/PNDL s'articule autour de deux axes stratégiques : le premier correspondant à la nécessité pour le processus de décentralisation de s'engager résolument dans une voie plus économique et le deuxième à celle de donner aux collectivités et aux populations locales les outils d'action et de financement nécessaires pour dynamiser leur économie et participer de manière significative à la stratégie de croissance accélérée et de réduction de la pauvreté. Quant au Projet de Pistes Communautaires (PPC), il a pour objectif la revalorisation de l’économie rurale, la réduction de la pauvreté et l’amélioration des conditions de vie des personnes par l’amélioration de l’accessibilité des zones rurales. Ces pistes revêtent un caractère prioritaire du fait de leur impact positif dans la desserte des principaux pôles économiques secondaires du pays. Elles favorisent un effet d’entrainement des dépenses d’investissements publics dans la création d’emplois, pourvu que des possibilités de fabrication locale des intrants de construction existent. L’Éthiopie a une structure fédérale avec 9 régions fédérales, 928 collectivités locales et deux villes à statut particulier assimilable à celui des régions fédérales (Adis-Abéba et Dire Dawa). Le pays dispose d’une décentralisation intégrale avec des conseils et exécutifs locaux élus sur toute l’étendue du territoire. La Constitution éthiopienne est neutre par rapport aux collectivités locales ; aucun chapitre ne traite de la décentralisation et ou de l’autonomie locale. Cette neutralité de la Constitution traduit le fait que la législation des collectivités locales est laissée à l’appréciation des régions et non pas du niveau fédéral. Chaque région doit élaborer sa législation sur les collectivités locales en tenant compte du contexte qui lui est propre. De ce fait, la législation n’est pas toujours cohérente d’une région à l’autre, et en harmonie avec le niveau national. Mais globalement les collectivités locales éthiopiennes ont des compétences en matière d'éducation, de santé, de justice et de sécurité; elles s’occupent des routes urbaines, du drainage, de la collection de déchets solides et de l'hygiène. Si en Éthiopie, il n’y a pas de politique explicites nationale de développement économique local, certaines stratégies nationales comme le « Sustainable Development and Poverty Reduction Program (SDPRP) » lui offre un cadre d’évolution. Le programme est basé sur le postulat du renforcement de la croissance dans les zones rurales et dans le secteur privé en vue de créer de l’emploi et de générer des revenus d’une part et d’autre part sur le renforcement des institutions publiques à délivrer des services publics locaux de base. La seconde génération du SDPRP, le « Plan for Accelerated and Sustained Development to End Poverty (PASDEP) » met l’accent sur les infrastructures, le développement humain, le développement rural, la sécurité alimentaire et le renforcement des capacités. En plus des axes stratégiques du SDPRP qui continuaient à être mis en œuvre, de nouveaux axes sont définis à savoir la commercialisation de l’agriculture, le développement du secteur privé et l’amélioration des finances publiques pour la mise en œuvre des objectifs du millénaire pour le développement. Au Nigeria, la Constitution de 1999 est le fondement de la décentralisation ; la constitution reconnaît les 3 niveaux de gouvernement à savoir l’État central, les États fédérés et les collectivités locales ; elle précise leurs rôles et responsabilités. Cependant la constitution laisse à la discrétion des États fédérés la latitude de mettre en place une législation propre aux collectivités locales de leur juridiction. Chaque État définit donc le régime de « ses » collectivités locales, les règles de leur fonctionnement desdites collectivités et la tutelle qu’il exerce sur ces collectivités. Cette situation, où la législation des collectivités locales change selon les États, crée un degré certain d’instabilité et d’incohérence dans la législation de la décentralisation. Les élections locales sont par exemple organisées à des dates différentes dans les États fédérés et les mandats des élus locaux sont différents d’un État à l’autre. L’exercice du pouvoir de tutelle ainsi que les compétences additionnelles octroyées aux collectivités diffèrent suivant les États fédérés. Le partage du revenu national entre les trois niveaux de gouvernance est fixé clairement dans la constitution. La Constitution fixe la part du revenu national alloué (i) au gouvernement fédéral ; (ii) aux États fédéraux ; (iii) aux collectivités locales. Des règles sont également fixées au niveau des États pour organiser les relations financières entre l’État fédéré et les collectivités locales. La National Revenue Mobilisation Allocation and Fiscal Commission (NRMAFC) établit chaque année, le partage du revenu national entre l’État fédéral, les États fédérés et les collectivités locales, conformément aux dispositions de la section 164 (1) de la constitution de 1999.

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À partir de 2004, le pays dispose du Nigerian Economic Empowerment and Development Strategy (NEEDS) qui a pour objectif de renforcer le développement national et de résorber la pauvreté. Cette stratégie est déclinée au niveau de chaque État fédéré (State Economic Empowerment and Development Strategy, SEEDS), de chaque collectivité locale (Local Economic Empowerment and Development Strategy, LEEDS) et de chaque communauté (Community Economic Empowerment Strategies, CEEDS). En Tanzanie La politique de la décentralisation s'est développée dans les années 90, et fait partie d'une réforme plus large du service public et de la libéralisation de l’économie du pays ; elle est soutenue depuis les années 2000 par le «Local Government Reform Program, LGRP». La Constitution de Tanzanie consacre la décentralisation dans ses chapitres 145 à 146 (chapitre 8); mais le pays étant une confédération bipartite, la législation des collectivités locales est différente, selon qu’on soit en Tanzanie continentale ou dans l’île de Zanzibar. Cette dualité de la législation sur la décentralisation, sur le continent et à Zanzibar introduit une certaine instabilité et incohérence dans le cadre institutionnel des collectivités locales de ce pays. La Tanzanie est l’un des rares pays africains où les collectivités locales disposent d’une autonomie totale en matière de création d’impôts et de taxes et ce malgré un système théorique d’approbation préalable par le Ministère de tutelle qui dans la réalité est presque inexistant. En Tanzanie, plusieurs stratégies et politiques nationales offrent un cadre d’évolution au développement économique local. Ce sont entre autres la Vision de Développement 2025 - The Development Vision 2025 – la Politique de Décentralisation et la loi sur le gouvernement local - The Decentralization Policy and the Local Government Act (1982) – la Politique de Reforme du Gouvernement Local - the Local Government Reform Policy (1999) – la politique nationale de développement économique et la loi de développement économique - the National Economic Empowerment Policy and the National Economic Empowerment Act (2004). Cette dernière a donné corps à nombre de stratégies et programmes sur le secteur privé, l’élaboration d’un système de sécurisation foncière, la mise en place d’un Conseil national du secteur privé et d’un Centre National d’Investissement, etc.

4.2

Analyse des processus de développement économique local

Dans les pays retenu – Sénégal, Afrique du Sud, Ouganda, Éthiopie, Nigéria et Tanzanie – des expériences de développement économique local sont en cours. Mais il faut retenir que la mise en œuvre du développement économique local est très limitée à l’exception de l’Afrique du Sud qui connait une floraison de projets/programmes d’envergure. L’analyse des processus des expériences de DEL en cours est faite à l’aune des caractéristiques définies par Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique (CGLUA/LEDNA). Ces caractéristiques sont au nombre de 10 et recoupent les principales conditions à remplir par un projet ou programme pour être caractérisé de DEL.

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Ces caractéristiques ont été analysées lors de l’état des lieux des projets et programmes de DEL dans les différents pays et les différentes estimations ci-dessous des caractéristiques proviennent des rapports nationaux produit.2 Un processus stratégiquement planifié. Dans la plupart des pays, la planification stratégique est un des ingrédients des projets et programmes de DEL. Elle s’articule autour de la définition d’une vision et des différents axes de programmation qui permettent de la matérialiser. Puis, des programmes aux projets, il s’agira pour les acteurs locaux mobilisés de définir des actions concrètes de mise en œuvre. Au Sénégal, 80% des processus de développement économique local adoptent un processus de planification stratégique, c’est un peu plus de 86% en Éthiopie. En Ouganda, en Afrique du Sud, en Tanzanie et au Nigéria, ce sont l’ensemble des processus de DEL qui sont planifié stratégiquement. Mais la planification stratégique a ses contraintes qui sont de deux sortes. Dans un premier temps, il est très difficile pour les acteurs locaux de se projeter souvent sur des décennies alors que l’environnement oblige à faire des stratégies de survie au jour le jour. La seconde difficulté est de ne pas perdre de vue les questions structurelles qui déterminent le futur de l’économie locale afin de ne pas se focaliser sur les questions conjoncturelles et occasionnelles qui sortent du champ de la création de futurs désirables. Basé sur une approche territoriale. L’assise territoriale est une des conditions « sine qua non » du DEL. Le processus doit se passer sur une zone géographique bien définie qui s’engage dans une unité d’action économique pour mettre en œuvre les actions d’un futur commun. Le territoire est aujourd’hui investi d’une légitimité institutionnelle ; c’est une collectivité locale qui jouit de la personnalité juridique et de l’autonomie judiciaire dans le cadre de la décentralisation. L’échelle de ces territoires est souvent différente selon le découpage arrêté par les différents pays africains et c’est souvent l’articulation de ces échelles qui pose des problèmes. En Afrique du Sud, en Ouganda, au Nigeria, au Sénégal et en Tanzanie, la base territoriale est adoptée pour toutes les approches de DEL ; ce qui n’est pas le cas en Éthiopie où 8% des projets et programmes de DEL n’ont pas une approche territoriale circonscrite. Mais la question du territoire se heurte à plusieurs contraintes. La première est liée à la fonctionnalité de l’espace. Le développement économique local se moque des frontières institutionnelles et se met à l’échelle d’espaces économiquement fonctionnels ; un processus DEL ne peut se focaliser sur le territoire d’une collectivité locales. C’est pourquoi, cette dimension de l’espace fonctionnel est cruciale et oblige à prendre en compte les espaces urbains et ruraux. La seconde est liée à la problématique de l’échelle pertinente pour mettre en œuvre des processus de DEL. Cette question se pose surtout dans les pays où existent plusieurs échelles de collectivités territoriales (collectivités de base, districtcs, régions, départements, etc) et où l’articulation entre les différentes échelles n’existe pas comme en Afrique du Sud avec le Integrated Developpement Planning. Localement piloté, conçu et mis en œuvre La décentralisation promeut la libre administration des collectivités locales et l’autonomie de décision. Cela implique une totale marge de manœuvre des populations locales quand à la définition et à la mise en œuvre des stratégies de développement. Dans les 6 pays, tous les projets et programmes de DEL ne sont pas pilotés localement ; les plus forts pourcentages étant relevés en Éthiopie et au Sénégal qui affichent respectivement 75% et 80%.

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nited Nations Capital development Fund, UNCDF (2008), Country State of LED Draft Report TANZANIA U Claire Patterson (2008) GTZ, Country Report Local Economic Development in South Africa Augustus Nuwagaba (2008) Country Assessment report on state of local economic development in Uganda GTZ (2008) Stocktaking of Local Economic Development (LED) projects and programmes in Nigeria Adam Domanski, Shari Budihardjo-Weigant, Nathan Bowditch, Philip Schwehm (2008) Country State of LED Report SENEGAL Research Triangle Park, North Carolina, USA Adam Domanski, Shari Budihardjo-Weigant, Nathan Bowditch, Philip Schwehm (2008) Country State of LED Report Ethiopia, Research Triangle Park, North Carolina, USA

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Le pilotage local des processus de développement économique local n’est pas toujours effectif dans les pays. La faute à un déficit de capacité au niveau local notamment en ce qui concerne la maîtrise d’ouvrage des processus locaux et la maîtrise d’œuvre de l’ensemble des étapes du processus. Les responsables locaux doivent être formés à la mise en œuvre d’une démarche participative de l’ensemble de la population ; volonté qui peut se heurter aux capacités des élus locaux, mais aussi à leur légitimité. L’administration locale qui devrait aussi assurer la maitrise d’œuvre du processus n’est pas toujours formée adéquatement. Dans les pays concernés, ces contraintes se posent en limite de la pleine appropriation, pilotage et mise en œuvre des processus par les collectivités locales. Mieux réalisé par le partenariat aussi bien pour l’élaboration que pour la mise en œuvre – La gestion locale est partenariale ; elle implique une élaboration et une mise en œuvre des stratégies de développement et de fourniture des services sociaux de base en partenariat avec toutes les institutions, groupes sociaux, acteurs économiques, acteurs socioprofessionnels, etc. Trois avantages sont attendus de ce partenariat. Tout d’abord une meilleure pertinence des stratégies adoptées grâce à l’implication des bénéficiaires dans leur élaboration ; une meilleure durabilité des options retenues par une internalisation des conditions locales de succès, et enfin de meilleures chances de mise en œuvre car les bénéficiaires sont plus enclins à financer la mise en œuvre de stratégies qu’ils ont contribué à définir. Les pays affichent plus de 90% de leurs projets et programmes de DEL mettant en œuvre une approche partenariale. Mais de nombreuses contraintes se posent à l’élaboration de partenariats au niveau local. Dans un premier temps, certains responsables locaux perçoivent la démocratie participative comme un danger à leur marge de manœuvre et une diminution de leur pouvoir discrétionnaire. Enfin, dans la pratique, on assiste dans les territoires à une totale déconnexion entre les acteurs économiques locaux et les responsables locaux, pour ne pas dire une méfiance. Le renforcement de la confiance entre les groupes d’acteurs impliqués dans l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies de DEL participe des conditions de sa réussite. Renforcé par des interventions publiques intégrées aussi bien horizontalement que verticalement Les processus de développement économique local renforcent l’articulation des actions de différentes sphères de pouvoir ; l’État qui au niveau central met en œuvre des actions qui ont un impact déterminant sur le développement des territoires ; les autres collectivités territoriales d’échelle supérieure qui sont en charge d’équipements de trame régionale ou supra locale ; et des collectivités territoriales de même niveau qui peuvent faire partie du même espace économique fonctionnel. En Tanzanie, seuls 50% des projets et programmes de DEL bénéficient d’une articulation entre les différentes sphères publiques ; ce pourcentage est de 90% pour l’Éthiopie et le Sénégal. Dans la pratique, les contraintes à la mise en œuvre d’interventions coordonnées des sphères publiques sont importantes. La planification territoriale multi-échelle n’est pas largement répandue, à l’exception de l’Afrique du Sud avec l’Integrated Development Planning et le Nigéria avec l’articulation entre le Nigerian Economic Empowerment and Development Strategy (NEEDS), le State Economic Empowerment and Development Strategy, SEEDS ; le Local Economic Empowerment and Development Strategy, LEEDS ; et le Community Economic Empowerment and Development Strategies, CEEDS. Par contre pour la planification horizontale, la plupart des pays ont adopté l’intercommunalité comme un principe d’intégration des collectivités locales.. Concentré sur un environnement local favorisant les affaires pour tous les acteurs. Le développement économique local se base sur la facilitation de l’activité économique locale afin de créer plus d’emplois et de générer plus de revenus. Le rôle des collectivités territoriales dans les processus de développement économique local est de faciliter l’activité économique ; c’est au secteur privé de créer directement les emplois et de distribuer plus de revenus. C’est pourquoi la mise en place des conditions d’un meilleur exercice des activités économiques est cruciale pour le succès du DEL. Alors qu’en Afrique du Sud, en Ouganda et au Nigéria, l’environnement des affaires est généralement pris en compte, au Sénégal, en Tanzanie et en Éthiopie, cette composante est prise en compte respectivement dans 80%, 75% et 45% des projets. La mise en place d’un meilleur environnement des affaires au niveau local se heurte souvent au cadre institutionnel national. Dans beaucoup de pays, les autres législations n’ont pas été revues à l’aune des lois de décentralisation. C’est ainsi que certains instruments nationaux comme le code des investissements ne prend pas en compte les territoires ; d’autre part, peu de collectivités disposent de services dédiés à la facilitation des activités du secteur privé, peu de préoccupations du secteur privé ayant trait à la réduction de la bureaucratie sont prises en compte.

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Implique des interventions intégrées et multisectorielles. Dans les approches traditionnelles du développement, la réflexion est axée autour de secteurs particuliers ; le développement économique local introduit une approche holistique des secteurs. En effet, le territoire est à la croisée des secteurs ; c’est là où les approches sectorielles (éducation, santé, transports, eau, etc) se mettent en œuvre, s’enrichissent d’une fertilisation croisée mais aussi y intègrent une dimension spatiale qui est la caractéristique propre des territoires. La démarche de développement économique local est à la croisée de tous ces chemins et renforce les synergies entre tous ces acteurs à l’aune du territoire. L’écrasante majorité des projets et programmes de DEL dans les 6 pays prévoient une composante d’intégration des différents secteurs. Mais sur le terrain, cette dimension holistique se heurte à des contraintes, particulièrement dans les pays où l’approche sectorielle de la décentralisation est mise en œuvre comme en Ouganda où la décentralisation des politiques sectorielles fait l’objet de transferts financiers sectoriels ; près de 90% des montants de transferts sont liés à des dépenses sectorielles. Souvent, c’est la prépondérance, comme au Sénégal, des services déconcentrés de l’État qui empêche toute approche intégrée des secteurs Implique de calibrer des interventions dans les aspects institutionnels et infrastructurels. Les approches traditionnelles du développement se sont intéressées dans le passé aux carences en matière d’infrastructures dans les différents secteurs alors que les aspects institutionnels ont rarement été hissés à l’avant-garde des préoccupations des stratégies mises en œuvre. Les processus de DEL prennent bien sûr en compte les questions d’infrastructures ; ils mettent aussi l’accent sur les aspects institutionnels tels que l’institution municipale et son niveau de développement institutionnel, les capacités des cadres locaux chargés de la mise en œuvre des stratégies de développement. Les processus de développement économique local mettent aussi l’accent sur l’inclusion sociale qui assure la participation de toutes les franges, y compris marginalisées, de la population. Cette caractéristique est sans doute celle qui est la moins présente dans les projets et programmes de DEL, culminant au plus à 67% en Éthiopie. Mais, la capacité organisationnelle et la capacité humaine des collectivités, qui permettent l’augmentation de l’habilitation (empowerment) des collectivités locales à se prendre en charge font souvent défaut. Au Sénégal par exemple, il n’existe pas de référentiel national des métiers des collectivités locales ainsi qu’une stratégie nationale de formation et de promotion des ressources humaines des collectivités locales. En Tanzanie, une stratégie nationale est mise en œuvre dans le cadre du « Local Government Reform Program, LGRP », et un référentiel est défini dans le cadre de « Local Government Staff Regulations, 2000 », et de « Public Service Staff Regulations, 2003 ». Donne la priorité au développement et à la préservation des activités économique locales. La course à l’implantation d’activités industrielles s’est révélée d’expérience désastreuse pour les collectivités locales. En effet, les innombrables cadeaux offerts -fiscaux et en nature entre autres - sont si importants qu’on est en droit de se demander à qui profite en définitive cette stratégie, probablement plus aux entreprises démarchées qu’aux territoires eux-mêmes. La nouvelle génération de démarches de DEL met l’accent sur le développement des activités locales plus que l’attrait de nouvelles activités. Cette stratégie a pour objet de s’assurer des meilleures retombées positives en matière d’emplois et de génération de revenus. En Tanzanie, les projets de DEL sont majoritairement tournés vers l’attrait de nouvelles activités ; seul le quart des projets et programmes mettent l’accent sur le développement des activités existantes. Par contre en Éthiopie et au Sénégal les projets mettent majoritairement l’accent sur la rétention et le développement des activités existantes. En fait tout dépend de la localisation du territoire concerné ; les territoires enclavés et peu connectés au reste du pays et au monde choisissent généralement de se concentrer sur les activités existantes ; les territoires pas enclavées et qui ont une meilleure « accessibilité » nationale et internationale mettent l’accent sur l’attraction d’activités connectés au marché mondial. Souvent les stratégies de DEL se trouvent contraintes par le code des investissements dans les pays ; ce dernier mettant plus l’accent sur l’attrait de nouvelles activités économiques que le maintien et le développement des activités existantes. Des projets sont fournis par tous les acteurs publics, privés, communautaire et non gouvernementaux. Autant l’élaboration des stratégies de développement économique local suppose l’implication de tous les acteurs locaux, autant la mise en œuvre de ces stratégies commande leur total engagement pour la matérialisation des projets et programmes convenus. C’est une des conditions du succès du DEL. L’implication des acteurs entamée au début du processus se fait en prévision de la mise en œuvre qui est la seule unité de mesure du succès des processus engagés : les projets convenus ont-ils tous été pris en charge par les différentes parties prenantes au processus ? Quel est le niveau de mise en œuvre des différents projets et programmes convenus ?

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Au Sénégal, seul 30% des projets et programmes de DEL intègrent une dimension de responsabilisation de tous les secteurs dans la mise en œuvre du DEL, ce pourcentage est de 75% en Éthiopie, 86% en Tanzanie ; L’Afrique du Sud, l’Ouganda et le Nigeria intègrent cette dimension dans la plupart des projets. L’une des contraintes dans la pratique est la très forte implication des bailleurs de fonds qui a comme conséquence de se focaliser sur le budget du projet à dépenser et de ne pas faire attention à l’implication des autres acteurs dans la la mise en œuvre de projets et programmes de DEL.. Une autre analyse des projets et programmes de développement économique local mis en œuvre dans les différents pays est faite par la grille acceptée par CGLUA : Gouvernance économique, Développement des territoires, Développement de la main d’œuvre, développement des Entreprises, Amélioration des Conditions de vie. Il s’agit des thématiques majeures qui sont autant de préoccupations développées dans les projets et programmes du DEL En Afrique du Sud, les trois expériences majeures de développement économique local sont concentrées dans trois provinces: KwaZulu Natal, le Cap et la province orientale de Limpopo. Ces programmes bénéficient d’un important soutien financier de l’Union Européenne. Le programme de Gijima dans le Kwazulu Natal a été un programme de six ans conçu pour soutenir le département provincial du développement économique de la province du KwaZulu natal et d'une large gamme d’acteurs pour mettre en œuvre plus efficacement le DEL. Le programme a été lancé en 2003 et avec un budget de 37 millions d'euros. Le programme a pour objectif de renforcer la créativité au niveau local par une approche tirée par la demande et basée sur le partenariat. Le programme est articulé autour des thématiques suivantes: Amélioration des conditions de vie (Favorisez le développement économique local pro-pauvre) ; Gouvernance Économique (Construire la capacité institutionnelle des collectivités locales à conduire le DEL) ; Développement des Entreprises (Augmenter la compétitivité locale par la construction de partenariats). Le programme est conçu autour d'un certain nombre de fonds auprès desquels les demandeurs peuvent solliciter une aide financière. Le premier fonds est axé sur l’environnement des affaires et aide les gouvernements provincial et local à créer un environnement permettant de faciliter le développement économique local en clarifiant les conditions législatives et réglementaires et en renforçant le rôle et la performance des gouvernements provincial et local. Le second fonds, les fonds locaux de compétitivité, encouragent les associations qui facilitent l'investissement du secteur privé dans des projets locaux durable de développement économique. Le programme de développement économique local de Limpopo est mis en oeuvre par une association entre l'Union Européenne et le département des collectivités locales et de l’’Habitat de la province (DLGH). Avec 34 millions d’euro, il soutient un éventail de projets dans les secteurs ruraux de Limpopo. Les thématiques abordées sont : Développement des Conditions de vie (Appui au Développement économique durable de la Communauté) ; Développement des Entreprises (Renforcement de la compétitivité locale de SMMEs, Amélioration de l'environnement du DEL) ; et Gouvernance économique (Renforcement des capacités institutionnelles dans le domaine du DEL). Trois fonds ont été mis en place ; le financement de l’amélioration de l'environnement local d'affaires et en développant la capacité locale autour de la LED ; le financement des initiatives de communautés marginalisées et à économie traditionnelle ; le financement d’activités de compétitivité liées à PME/PMI et au développement de plans d'affaires et d’études de faisabilité. Le programme de Thina Sinako, est un programme qui a bénéficié d’un financement de l'union européenne s'élevant à 30 million d’euros. Le programme est une association entre l’UE et quatre institutions nationales dont le bureau du Premier Ministre, le Ministère du Trésor, le Ministère du Logement, des collectivités locales et des affaires traditionnelles, et le Ministère du développement économique et environnemental. Ce programme appui la stratégie de développement pour la croissance et la réduction de la pauvreté de la Province sur la période 2004-2014 (PGDP). Le programme provincial de soutien de Thina Sinako LED vise à stimuler l'innovation dans la façon dont le DEL est favorisé, facilité et soutenu. Le Thina Sinako Programmme se repose sur trois thématiques principales : Développement de l’Entreprise (Innovation et études) ; Gouvernance économique (Développement institutionnel et Renforcement de capacités pour l'efficacité à long terme et la durabilité du DEL) ; Amélioration des conditions de vie (Prise de conscience et partage des expériences et des meilleures pratiques). Il bénéficie de 3 fonds ; le fonds de soutien aux collectivités locales aide les municipalités à créer un environnement permettant le développement de l’entreprise et la croissance ; le fonds de compétitivité conçu pour aider le secteur privé local à profiter des occasions identifiées dans la stratégie provinciale de développement industriel ; le fonds d’innovation financière fournit l'appui aux petites et moyennes entreprises et les fournisseurs de service financier pour soutenir le développement de prêt innovants et des emprunts.

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Au Sénégal, la moitié des programmes et projets de DEL est articulée autour de la Gouvernance économique. Les acteurs locaux ont choisi de mettre l’accent sur une gouvernance locale plus attentive aux préoccupations économiques et financières des populations, notamment le renforcement de capacité des acteurs locaux sur le DEL, les stratégies de mobilisation des ressources locales, d’intégration des migrants pour ne citer que ceux-là. Environ 20% des programmes s’intéressent au développement des Entreprises. Il s’agit ici entre autres de la mise en place de centres de services aux entreprises, le renforcement de l’entreprenariat local, les innovations technologiques. Le développement des Territoires concerne aussi 20% des projets et programme de DEL dans ce pays. Ce thème concerne les infrastructures économiques (routes, électricité, eau, téléphone, etc) et des infrastructures spécifiques comme les zones industrielles. Le développement de la main d’œuvre est très peu pris en compte au Sénégal ; par seulement 10% des projets et programmes de DEL. Par contre l’amélioration des conditions de vie des populations reste le parent pauvre des projets et programmes de DEL au Sénégal puisque cette thématique n’est pas traitée. Au Nigéria les projets et programme de développement économique local (DEL) ignorent le développement de la main d’œuvre ; il s’agit des problématiques telles que la formation professionnelle, les centres de recherches d’emplois pour les jeunes et le renforcement des capacités des acteurs du secteur informel. Par contre, 40% des projets et programmes mis en œuvre dans ce pays traitent de la gouvernance économique avec les partenariats public-privé, le renforcement des capacités des institutions municipales à mettre en œuvre le DEL, le dialogue entre acteurs économiques, syndicats et institutions municipales, etc. Le thème du Développement de l’Entreprise est traité par 28% des projets et programmes de DEL ; ils mettent l’accent sur le développement du secteur informel, le développement de l’entreprenariat local ainsi que le développement de centres de services aux entreprises. Le développement des territoires n’est traité que par 24% des projets et programmes et ont trait aux infrastructures économiques support de l’activité, la réhabilitation ou rénovation des sites, les autres infrastructures telles l’eau et l’assainissement ainsi que la gestion des ressources naturelles. L’Amélioration des conditions de vie ne concerne finalement que 8% des projets et programmes de DEL dans le pays. Les préoccupations traitées ont trait à la réduction des discriminations à caractère économique et social ainsi que les services de base. En Tanzanie, 36% des projets et programmes de DEL intègrent la thématique de la Gouvernance économique, prêtant une attention particulière au renforcement des capacités des acteurs locaux, au développement institutionnel des collectivités locales, et à l’établissement de plateformes de dialogues entre les différents acteurs du DEL. 32% des projets et programmes de DEL mettent l’accent sur le Développement des territoires ; il s’agit d’activités et de projets ayant trait à la réalisation d’infrastructures économiques nécessaires au développement des activités économiques, la gestion des ressources naturelles, le développement de projets de résorption de l’habitat insalubre, etc. L’amélioration des conditions de vie des populations ne concerne que 23% des projets. Ces derniers incluent des volets ayant trait à l’eau, l’assainissement, la collecte des ordures ménagères, l’appui aux groupes marginalisés de la population ainsi que l’appui aux communautés pour la gestion des ressources naturelles. Le Développement des Entreprises n’est traité que par 9% des projets et programmes de DEL. Ces derniers ont en effet traité de la problématique de la chaine de valeur, le développement de centres de services aux entreprises et l’appui à la gestion financière et au management des relations d’entreprises. Enfin, aucun projet ne traite du développement de la main d’œuvre. En Ouganda, l’analyse des différents projets et programmes de DEL montre que 68% d’entre eux prennent en compte les préoccupations liées au Développement des Entreprises. Il s’agit d’actions dans le domaine de l’entreprenariat, du développement d’activités économiques de petite taille et le renforcement des capacités des opérateurs du secteur privé. L’amélioration des conditions de vie est abordée dans 18% des projets qui mettent l’accent sur la réalisation d’infrastructures nécessaires à l’adduction d’eau potable, l’assainissement, les transports etc. La Gouvernance Économique est traitée par 9% des projets et programmes qui développent de nombreuses activités de renforcement de capacités des acteurs locaux ainsi que le renforcement institutionnel des collectivités locales. Le Développement des territoires n’est traité que par 5% des programmes et projets de DEL dans le pays. Cette situation est paradoxale avec le contexte du pays. En effet, en Ouganda, la plupart des projets et programmes de développement économique local sont dans le domaine agricole. L’agriculture pèse environ 34% du PIB ougandais et se caractérise par des contraintes importantes à la commercialisation des produits agricoles, au mauvais état de l’infrastructure routière et à l’insuffisance des infrastructures de commercialisation et de stockage des produits agricoles. En Éthiopie, les projets et programmes de développement économique local mettent beaucoup plus l’accent sur le Développement des Entreprises, 33% des projets. Ils traitent de préoccupations comme les services aux entreprises, l’amélioration de l’environnement des affaires, le développement de l’entreprenariat local et l’appui aux micro-entreprises du secteur informel, etc. La Gouvernance Économique et le Développement des Territoires sont chacun pris en compte par 25% des projets et programmes de DEL. La Gouvernance économique est traitée par le biais d’actions de renforcement des capacités des acteurs locaux, d’actions de renforcement des capacités des collectivités territoriales à piloter les processus de développement écono-

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mique local ainsi que la capacité des collectivités locales à mobiliser des ressources financières propres. Le développement des territoires est traité par l’amélioration de l’environnement infrastructurel des collectivités territoriales et le renforcement des infrastructures d’accueil et de développement des entreprises ainsi que la résorption de l’habitat insalubre et la rénovation. Enfin le développement des conditions de vie et le développement de la force de travail ne concernent que 8% des projets et programmes chacun. Le développement des conditions de vie des populations est abordé par l’amélioration des infrastructures de proximité et la fourniture des services locaux de base ; quant au développement de la force de travail, elle concerne quelques activités de formation professionnelle et de renforcement du secteur informel.

4.3

L eçons tirées pour une meilleure efficacité de l’Aide Publique au Développement

La mise en œuvre des processus de développement économique local est appuyée en grande partie par la Communauté Internationale. Ainsi, l’écrasante majorité des projets et programmes est financée par des bailleurs de fonds dont l’Union Européenne. Cependant, l’appui de ces bailleurs de fonds à la mise en œuvre de ces projets est largement perfectible sur plusieurs points. Dans la mise en œuvre des processus de DEL, l'applicabilité des méthodes et instruments de la coopération traditionnelle aux nouveaux acteurs que sont les collectivités locales est très discutable. On peut légitimement se demander si la tendance des bailleurs de fonds est à la décentralisation des méthodes et instruments de l'aide ou à la mise en place de véritables projets avec les nouveaux acteurs que sont les collectivités locales? Autrement dit assiste-t-on à l'application des mêmes instruments et méthodes de l'aide vers les États, ou une réflexion est-elle engagée au sein des agences pour adapter le système de l'aide. En réalité, il y a lieu de s'inquiéter que l'application des mêmes instruments dont les effets négatifs ont été relevés au niveau des États ne se traduise par les mêmes effets avec les collectivités locales. C’est pourquoi, le développement de la réflexion sur l’élaboration d’instruments innovants en direction des collectivités locales est toujours à l’ordre du jour ; elle devrait permettre de prendre en compte les spécificités des instances décentralisées. Avec des collectivités locales qui disposent de capacités institutionnelles plus faibles encore que les États, le problème des instruments se pose quant on sait que ce sont ces derniers qui dictent les solutions et les exigences, autrement dit les bénéficiaires sont censés s'y adapter pour bien en profiter. Si une concurrence entre collectivités locales peut avoir de ce point de vue un impact positif sur le développement de leurs capacités institutionnelles, le risque est cependant grand de voir paradoxalement, comme au niveau des États, que l'aide n'aide pas les collectivités locales aux faibles capacités institutionnelles à se développer mais plutôt celles qui disposent déjà d'un certain niveau de développement. Une des équations que devront résoudre les bailleurs de fonds sera de concilier les impératifs apparemment contradictoires entre le temps court des projets et le temps long du développement, ce dernier étant d'autant plus important que les collectivités locales ont une capacité institutionnelle encore plus faible que celle des États. Le processus de renforcement des capacités et des institutions est en effet la clé de voûte du développement et exige de la part des bailleurs de fonds des engagements à long terme. Il faudra donc trouver une formule qui permettrait de sortir de la logique d'intervention ponctuelle qu'illustre parfaitement les instruments actuels comme le projet. La propension naturelle des agences à minimiser les risques et à maximiser leur contrôle les amène, ironie du sort, à centraliser leurs programmes d'appui aux collectivités locales au risque de compromettre la maîtrise d'ouvrage locale. En d’autres termes la maitrise d’ouvrage sera coincée entre l'ownership des bénéficiaires et le contrôle des donateurs. Le souci d'un contrôle excessif de l'utilisation de l'aide s’est déjà traduit par un dommage important pour le développement de la capacité des États. Le principal risque en matière de maîtrise d’ouvrage est le développement des méthodes de gestion des projets courtcircuitant les collectivités locales. L’installation de cellules de projets devant mettre en œuvre les interventions au profit des collectivités territoriales rappelle la même dérive observée dans la coopération entre les bailleurs de fonds et les États. Cette pratique serait d'autant plus dommageable que les aspects les plus importants de l'aide aux collectivités locales est le renforcement des capacités techniques et institutionnelles. Ce risque que les collectivités soient des acteurs passifs de l'aide est d'autant plus important que dans cette nouvelle coopération les rapports de force seront encore plus déséquilibrés en défaveur des collectivités que dans le cas des rapports avec les États. Que vaut une collectivité locale du Sud, en termes

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de puissance financière, face à une institution financière internationale. Si l’on y prend garde, on s’achemine vers une aide plutôt subie que voulue. D'autre part si l'évaluation des investissements est classique, les bailleurs de fond ont par contre quelques problèmes quant à l'évaluation des programmes d'appui institutionnel. Cette contrainte tendrait à pousser les agences vers plus d'investissements que d'institutionnel au détriment du renforcement de la capacité des collectivités du Sud. Le développement de la capacité de maîtrise des collectivités locales risque aussi de faire les frais des critères de rentabilité de leurs actions d'autant que les critères d'évaluation du travail des fonctionnaires des institutions financières internationales sont plus basés sur les taux de déboursements. La meilleure manière, dans le cadre des processus DEL, de prendre en compte d’une part les aspects institutionnels et de renforcement des capacités des acteurs locaux et d’autre part le renforcement de l’institution municipale est la coopération décentralisée. C’est pour cela que l’appui de collectivités locales disposant d’une expérience en DEL à celles qui s’y engagent est crucial. Les récentes expériences sud-sud développées dans le cadre du Commonwealth Local Government Forum (CLGF) - le Good Practice Scheme - entre des collectivités locales sud-africaines et indiennes montre la pertinence de l’appui de la coopération décentralisée dans le domaine du DEL et les avantages indéniables attendus. Ce constat va dans le sens du renforcement de la demande des collectivités locales africaines regroupées au sein de CGLUA qui militent pour que 20% de l’aide de l’Union Européenne passe par la Coopération décentralisée. Enfin, en Afrique, les interactions villes -campagnes sont très importantes : La plupart des activités prélevées en ville se font dans l’hinterland ou s’expliquent par le complexe primaire. Ces interactions sont la base du développement économique local dans la plupart des pays. C’est pourquoi les projets ruraux doivent être élaborés en relation avec les marchés et les villes doivent être aménagées au service de leurs zones rurales. Cette réalité est souvent niée par les donateurs avec la mise en place de projets « urbains » et de projets « ruraux », en totale contradiction avec le fait qu’en Afrique, on a un pied en ville et l’autre en campagne. Les responsables locaux, particulièrement des moyennes et grandes villes savent que travailler au futur de leurs villes ne veut nullement dire de se limiter à investir à l’intérieur du périmètre urbain. La prospérité urbaine dépend en grande partie de ce qui se passe dans son hinterland proche ou lointain, notamment de la question cruciale de l'amélioration de l’accessibilité générale des marchés urbains et ruraux entre eux. De même les collectivités locales rurales savent aussi que les villes constituent « le marché » et que toute stratégie de développement économique local doit s’y articuler. La plupart des activités urbaines se font dans la zone rurale proche ou s’expliquent par le complexe primaire. Ainsi si la ville est le moteur du développement dans une économie locale, le carburant est le secteur primaire. Mais si les dépenses dans l'hinterland peuvent avoir des retours très importants pour les villes (souvent davantage que si les dépenses étaient faites en leur sein), les dispositions législatives et réglementaires sur l'intercommunalités entre collectivités locales urbaines et rurales doivent être renforcées pour contribuer à cette nécessaire prise en compte de la dimension spatiale du développement économique local et à l’élaboration de stratégies de développement économique plus robustes. Le principal argument à un plus important investissement dans le DEL est l’impact des villes sur la croissance nationale. Des études empiriques établissent le rôle des villes comme pôles inducteur de croissance et l'impact de l'urbanisation sur les grandes variables macro-économiques. Les interactions entre l'économie urbaine et les résultats macro-économiques relevés se situent à deux niveaux, celui des effets des politiques macro-économiques sur l'urbanisation, et celui des effets de l'urbanisation sur la politique économique nationale. Toute politique économique possède dans ses effets une dimension spatiale car des politiques nationales ont très souvent des impacts fortement différenciés selon les zones du fait de dissemblances dans leurs caractéristiques. Des mesures générales peuvent même induire dans certaines zones des effets contraires à ceux que la politique officielle s'efforce de promouvoir. Ainsi les décisions de politique économique nationale prises au niveau national ayant trait par exemple aux taux d'intérêts, certaines aides accordées aux industries manufacturières et au commerce, la fiscalité et les prix d'intrants à la production comme l'eau et l'électricité ont des impacts importants sur la productivité des villes. La période pendant laquelle était affirmée la neutralité économique des phénomènes spatiaux est également révolue avec la mise en exergue des effets de l'urbanisation sur la politique économique nationale (effets "feed-back"). Il est en effet désormais admis que la croissance économique comporte une dimension spatiale car la localisation des activités et des hommes a une incidence sur le développement. S'il est établi que l'économie nationale définit le cadre dans lequel opère et se développe l'économie des entités infranationales, il n'en demeure pas moins vrai que ces dernières ont un impact important sur les économies nationales.

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De manière plus générale, l’appui au DEL devrait prêter une attention particulière à l’environnement national de la décentralisation. En effet, de nombreuses contraintes rencontrées sur le terrain sont le fait de dispositions législatives et règlementaires inadéquates. Dans cette perspective, la rédaction de lois et le renforcement institutionnel des entités décentralisées sont des thématiques que doivent appuyer les donateurs ; ils doivent même aller plus loin car il est évident que les problèmes structurels plus larges des relations entre les différents niveaux de l’administration ont d’importantes répercussions sur la qualité et la viabilité à long terme de l’amélioration des conditions de vie des populations. Aujourd’hui, ces instruments innovants restent à élaborer même si certaines de ces préoccupations ont été prises en compte dans la nouvelle communication de l’Union Européenne sur les collectivités locales. Il est donc important que les instruments de l’aide aux collectivités locales qui seront issus de cette réflexion prennent en compte leur nécessaire souplesse et adaptabilité pour une meilleure efficacité de l’aide.

5. Recommandations pour les débats La décentralisation se traduira de plus en plus, sur le plan économique, par la gestion différenciée du territoire national. La santé économique des collectivités locales est ainsi déterminante pour les performances macroéconomiques nationales. Si la gouvernance économique locale est investie par les collectivités locales et leurs responsables et acteurs locaux, il n’en demeure pas moins que des difficultés subsistent. Ces difficultés recoupent les principales recommandations à discuter pendant l’atelier. La première recommandation est la prise en compte du développement économique local comme faisant partie de la stratégie nationale de développement. Dans la plupart des pays, le DEL est considéré comme un instrument exclusivement local, sans aucune articulation avec les outils macroéconomiques nationaux ; il est considéré comme l’affaire des collectivités locales dans le strict cadre de leur autonomie locale. Mais l’articulation avec le développement au niveau national et l’implication du Ministères des Finances et/ou de l’Économie dans les pays est très faible. Ce changement de paradigme de l’État central a besoin d’un coup de pouce des partenaires de la coopération internationale comme l’Union Européenne. Il passe aussi par l’évaluation des stratégies de DEL pour apporter l’évidence que l’économie nationale est la congruence d’économies locales ; la santé de la première étant impactée par la compétitivité des secondes. Cet effort de recherche devrait aussi mettre l’accent sur l’impact de la prise en compte d’éléments spécifiquement spatiaux dans la planification économique nationale. La seconde recommandation est liée au renforcement de capacités en matière de DEL. Cet effort concerne les élus et des cadres des collectivités locales d’une part, mais aussi le secteur privé, chargé d’accompagner les collectivités locales dans l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies de DEL de l’autre. En ce qui concerne les collectivités locales, les contraintes en termes de développement des capacités constituent un frein à l’enracinement du DEL. Le faible niveau de développement institutionnel des collectivités locales est un des immenses défis que la décentralisation doit relever. La prise en charge de la maîtrise d’ouvrage communale dans les démarches de développement économique local est la condition essentielle du succès de la gouvernance économique locale. C’est pourquoi, il est important d’organiser des formations sur la maîtrise d’ouvrage des processus DEL à l’attention des décideurs (élus locaux et responsables d’ONGs). Ces ateliers se focaliseront sur la compréhension des processus de promotion du DEL, l’organisation de leur mise en œuvre, la définition et la maîtrise des différentes étapes du processus DEL, l’identification des points de décision et des arbitrages nécessaire. D’autre part, il est aussi crucial d’organiser des ateliers axés sur la maîtrise d’œuvre à l’attention des experts (cadres des administrations locales et centrales ; responsables d’ONG et des bureaux de consultants ; enseignants et chercheurs). Ces ateliers auront pour objet d’exposer les participants aux différentes expériences de DEL et aux différentes méthodologies mises en œuvre de par le monde, et d’en tirer les leçons pour l’adaptation des dites méthodologies aux contextes des pays africains. La troisième recommandation est liée à l’information économique locale. Pour être durables et pertinentes, les stratégies de développement économique local doivent se baser sur une information économique localisée. Or à l’heure actuelle, l’information nécessaire à l’identification et à l’évaluation des actions à entreprendre au niveau local est généralement insuffisante, voire inexistante.

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La décentralisation de l’information économique et sociale n’a en effet pas suivi la décentralisation politique et administrative. La prise en compte de la dimension spatiale dans les systèmes d’information nationaux s’impose pour deux raisons : d’une part, puisque les collectivités locales sont responsables du développement local, il est indispensable que les élus et acteurs locaux disposent des informations économiques et sociales localisées leur permettant d’élaborer, de mettre en œuvre et d’évaluer les stratégies de développement économique local ; de l’autre l’État dans sa mission de stabilisation et de redistribution nationale se doit de disposer d’indicateurs de développement local d’autant plus que les divergences dans les structures et les évolutions des espaces infranationaux vont de plus en plus s’affirmer. C’est pourquoi, il est important de renforcer la phase d’évaluation de l’économie locale, préalable à toute démarche DEL. Mais la résorption durable de cette carence d’informations localisées passera par l’ajout d’une dimension spatiale aux systèmes d’information économique et sociale des pays. Elle appelle une refonte en profondeur des systèmes d’information mis en place à l’époque où la gestion de l’économie nationale était centralisée. Le détour par le niveau local présente le double avantage d’une part de marier échelle de gouvernance et système d’information et de l’autre de mettre en évidence les carences des systèmes d’information existants pour reconstruire de nouveaux systèmes à la mesure des défis qui se posent aux pays africains. La quatrième recommandation est liée au soutien de l’État et de la coopération internationale pour élever le niveau de subsidiarité dans les dépenses publiques ; les collectivités locales doivent mettre en œuvre au moins 25% des dépenses publiques. Les dépenses locales sont un facteur de développement économique local. Parallèlement, les efforts de mobilisation des ressources locales doivent être accentués et le niveau de prélèvement renforcé. Pour cela, les collectivités locales doivent faire la pédagogie de la dépense publique locale à leurs citoyens. Les produits de l’impôt ne sont pas des sommes « perdues » ; par la dépense publique locale, c’est de l’argent injecté dans les circuits de l’économie locale et qui permet de faire tourner des secteurs entiers de l’économie locale. Par la dépense publique, l’impôt est donc un instrument important de relance de l’économie locale. Cette pédagogie de l’impôt doit être au centre des stratégies de mobilisation de ressources locales afin d’atténuer les effets de l’incivisme fiscal qui sapent trop souvent l’autonomie financière des collectivités locales. Aussi bien les ressources locales que celles de la coopération internationale ou des États doivent viser un seul objectif ; élever la capacité à dépenser des collectivités locales. Une collectivité locale qui prélève, dépense pour améliorer la qualité de ses infrastructures publiques, développe son économie et prélève encore plus en retour. L’incapacité des collectivités locales à dépenser est à l’origine d’un cercle vicieux dans lequel la pauvreté du cadre de vie entraîne la stagnation, voire la régression relative de l’économie locale : moins une collectivité locale prélève et dépense, plus tout le monde finit par s’appauvrir. La cinquième recommandation est celle de la participation des populations à la gestion des affaires publiques locales. Il est important que les pays prennent des législations sur la participation et la fassent appliquer. L’aboutissement d’un processus de participation n’est pas que l’élaboration de stratégies, mais leur mise en œuvre. Combien de stratégies ont en effet été élaborées, mais n’ont jamais vu le jour du fait des réticences des populations laissées en marge dans les phases amont. L’organisation et la tenue de ce dialogue permanent entre les différents acteurs locaux doivent se faire dans le cadre d’une instance permanente de concertation mise en place à cet effet dans le but de créer une coalition locale. La mise en place de cette instance locale chargée d’encadrer le débat, de faire converger les acteurs locaux vers le consensus et de suivre l’application du plan de développement économique local participera de ce souci de construire une gouvernance économique locale En matière de développement économique local, les responsables locaux ont compris que la démocratie élective et la démocratie participative ne sont pas contradictoires. Bien qu’élus, les responsables locaux consultent leurs populations dans les domaines des services publics locaux et des stratégies de développement économique local. Les exemples de stratégies de développement économique local élaborées et mises en œuvre avec la participation des populations sont aujourd’hui légion en Afrique. La sixième recommandation est liée à l’exécution des marchés publics. Plus des deux-tiers des marchés publics dans une collectivité locale sont réalisés par des entreprises extérieures, généralement venant de la capitale politique et/ou économique. Cet état de fait n’est pas de nature à renforcer l’impact de la dépense publique locale sur l’économie locale, car ces entreprises ont tendance à importer aussi bien la main d’œuvre que les biens qui entrent dans l’exécution de ces marchés publics. Plus la proportion de biens importés qui entre dans la dépense publique est importante, moins favorable est celle-ci pour l’économie locale.

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Décentralisation et exécution des marchés publics doivent être mieux articulés au service du développement économique local. Certes, l’égalité d’accès des entreprises aux marchés publics dans un pays est un des fondements de la vie économique, mais ne faudrait-il pas mettre un peu plus l’accent sur la notion d’équité ? En l’état actuel des choses, les entreprises nationales ont des avantages comparatifs qui leur permettent, plus que les entreprises locales, d’avoir un plus grands accès aux marchés publics locaux. La décentralisation des marchés publics devrait être un complément indispensable du développement économique local. La septième recommandation est liée est liée à la mise en œuvre du code des investissements. Tels qu’ils sont élaborés et appliqués, les codes se révèlent comme une contrainte à la mise en œuvre d’un environnement favorable au DEL. Tout d’abord bien qu’ils s’appliquent à des territoires de localisation bien déterminés, les codes sont élaborés sans aucune concertation avec les collectivités locales alors même qu’ils ont des impacts différenciés en termes d’infrastructures et équipements induits et donc sur la structure, la quantité et la qualité de certains services publics locaux rendus par les collectivités locales et qui sont considérés comme des intrants à la production de ces nouvelles activités. Mais en outre ces investissements sont généralement exemptés de tout impôt aussi bien national que local sans pour autant que l’État compense le manque à gagner pour les collectivités locales. Le code des investissements devrait être revu à l’aune de la décentralisation pour s’assurer une meilleure articulation avec les processus de développement économique local. En effet, le code des investissements devrait prendre en compte les priorités retenues dans les différents processus de DEL élaborés ; les processus de développement économique local devraient aussi profiter des opportunités offertes par le code des investissements au niveau national. D’autre part, une meilleure articulation entre les processus de DEL et le code des investissements au niveau national devrait trouver sa traduction dans la mise en œuvre de partenariats entre les différentes sphères publiques. La huitième recommandation est liée à la mise en œuvre du code minier. L’Afrique est caractérisée par d’immenses ressources naturelles de toutes sortes. Les conditions de leur exploitation ainsi que les relations entre les grandes entreprises minières et les institutions publiques sont consignées dans le code minier qui semble avoir comme objectif d’octroyer de nombreuses facilités. Ces codes qui préexistaient aux collectivités locales n’ont pas été revus à l’aune de l’adoption des processus de décentralisation. Non seulement les territoires d’accueil de ces activités pâtissent de la pollution induite, mais ils ne bénéficient aucunement des retombées positives de ces exploitations. Le code minier est à l’heure actuelle un des principaux points de discorde entre l’État central et les collectivités territoriales dans la plupart des pays. Généralement, les bénéfices de l’exploitation des ressources naturelles et minières sont largement capitalisés au niveau national alors que les collectivités locales sièges de l’exploitation de ces richesses ont très peu de retombées. Tel que mise en œuvre de nos jours, le code minier est une contrainte importante au développement économique local. La neuvième recommandation est liée à l’utilisation par le DEL d’instruments que sont l’emprunt, le prélèvement et la dépense. L’utilisation de ces instruments est en effet très encadrée par les responsables politiques nationaux et plus précisément les ministères des finances. Dans ce contexte d’ajustement structurel, l’usage de l’emprunt, de la dépense et du prélèvement par les collectivités locales est perçu comme pouvant fragiliser la gestion macro-économique nationale. L’action économique des collectivités locales n’est pas antinomique de l’efficacité de ces instruments de politique macroéconomique nationale. Il est possible de bâtir une autre approche macroéconomique nationale plus soucieuse de l’action économique des collectivités locales dans le contexte de décentralisation. L’utilisation conjointe de ces instruments par les deux échelles de gouvernance peut être pensée au service de l’amélioration des conditions de vie des populations. Le fait que la décision économique devient de plus en plus territorialisée et que l’espace local devient l’espace stratégique de pilotage de l’économie, suggère la refonte des instruments de gestion macroéconomique nationale. La dixième recommandation est le partage des expériences en matière de DEL pour combler le déficit d’information et de connaissance (qu’est ce le LED, comment le mettre en œuvre, les méthodologies, processus de terrain, etc). Pour atteindre un niveau élevé de partage d’expérience, CGLUA devrait travailler à collecter toutes les expériences, méthodes et pratiques de DEL en cours en Afrique et les partager avec tous ses protagonistes à l’échelle africaine.

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6. Bibliographie Gwen Swiburn and Franรงois Yatta (2006) Furthering the Local Economic Development Agenda in Africa United Nations Capital development Fund, UNCDF (2008), Country State of LED Draft Report TANZANIA Claire Patterson (2008) GTZ, Country Report Local Economic Development in South Africa Augustus Nuwagaba (2008) Country Assessment report on state of local economic development in Uganda GTZ (2008) Stocktaking of Local Economic Development (LED) projects and programmes in Nigeria Adam Domanski, Shari Budihardjo-Weigant, Nathan Bowditch, Philip Schwehm (2008) Country State of LED Report SENEGAL Research Triangle Park, North Carolina, USA Adam Domanski, Shari Budihardjo-Weigant, Nathan Bowditch, Philip Schwehm (2008) Country State of LED Report Ethiopia, Research Triangle Park, North Carolina, USA Commonwealth Local Government Forum (CLGF), Good Practice Scheme (GPS) (2012), Developing Local Economies: The South-South partnership case study

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