Maghreb - Etude des cadres juridiques nationaux de la décentralisation

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MAGHREB

éTUDE DES CADRES JURIDIQUES NATIONAUX DE LA DéCENTRALISATION DANS LES PAYS DU MAGHREB

Dialogue et renforcement des capacités des autorités locales et régionales des pays partenaires de l'UE dans les domaines du développement et de la gouvernance locale 2015


étude des cadres juridiques nationaux de la décentralisation dans les pays du Maghreb PLATFORMA – 2015 AIMF – 2015 Ce document a été conçu comme le point de départ pour le “Séminaire pour le Dialogue et le développement des capacités des autorités locales et régionales au Maghreb dans les domaines du développement et de la gouvernance locale” qui s’est tenu du 30 septembre – 1 octobre 2013, à Rabat. PLATFORMA Partenaires du projet: Dialogue et renforcement des capacités des autorités locales et régionales des pays partenaires de l’UE dans les domaines du développement et de la gouvernance locale Conseil des Communes et Régions d'Europe (CCRE) Cités et gouvernements locaux unis (CGLU) Association française du CCRE (AFCCRE) Agence pour la coopération internationale de l’Association des Communes Néerlandaises (VNG International) Association suédoise des autorités locales et des régions (SKL) Fédération Espagnole des Municipalités et Provinces (FEMP) Cités Unies France (CUF) Conférence des Régions Périphériques Maritimes (CRPM) Association des Régions Frontalières Européennes (ARFE) Association internationale des maires francophones (AIMF) Forum des administrations locales du Commonwealth (CLGF) Ville de Paris Province de Barcelone Régions Unies – FOGAR Avertissement : La présente publication a été élaborée avec l’aide de l’Union européenne. Le contenu de la publication, relève de la seule responsabilité de PLATFORMA et de l’AIMF, et ne peut être considéré comme reflétant le point de vue de l’Union européenne. Design : acapella.be – Impression : Daddy Kate – Photo : EuropeAid Photo Library  Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution 4.0 International.


Sommaire SYNTHèSE Une zone, cinq états Histoire et spécificités de l’organisation territoriale De forts enjeux politiques Une coopération renouvelée avec l’UE Perspectives

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Mauritanie Histoire et caractéristiques de l’organisation territoriale Cadre juridique Ressources des collectivités locales Enjeux et défis Appui de l’UE et recommandations

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MAROC Introduction : les grandes étapes historiques de l’évolution de l’ordre territorial Les caractéristiques de l’organisation territoriale du Maroc Le cadre juridique de la décentralisation : traits marquants et évolution Les ressources des collectivités locales Enseignements et principaux défis à relever L’annonce d’une nouvelle organisation territoriale : Le projet de régionalisation avancée L’appui international à la décentralisation : constats et propositions

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ALGéRIE Historique et caractéristiques de l’organisation territoriale Cadre juridique Ressources des collectivités locales Enjeux et défis Appui de l’UE et recommandations

23 23 24 24 25 25

TUNISIE Historique et caractéristiques de l’organisation territoriale Cadre juridique Ressources des collectivités locales Enjeux et défis Appui de l’UE et recommandations

27 27 29 30 30 31

LIBYE Histoire et caractéristiques de l’organisation territoriale Cadre juridique Ressources des collectivités locales Enjeux et défis Appui de l’UE et recommandations

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1. SYNTHèSE 1.

Une zone, cinq états

Cette étude analyse tour à tour les cadres juridiques de la décentralisation en Mauritanie, au Maroc, en Algérie, en Tunisie et en Libye. Ces cinq pays ont en commun qu’ils appartiennent à l’Union du Maghreb arabe (UMA), une institution restée largement symbolique en raison des différends qui les opposent, en particulier sur le conflit du Sahara occidental. Par conséquent, la zone, peu intégrée, est relativement hétérogène sur les plans géopolitique et économique. En revanche, ces pays partagent des enjeux sociaux, politiques et religieux, bien que l’avènement du printemps arabe leur donne une acuité et une actualité particulières dans certains de ces pays plus que dans d’autres.

2.

Histoire et spécificités de l’organisation territoriale

Ces cinq pays ont en commun une organisation territoriale héritée de leur passé colonial. Au lendemain de l’indépendance, cette organisation est modifiée dans une plus ou moins grande mesure selon les cas. Mais partout, l’enjeu principal est la construction d’un État central fort et unifié. Dans la région, différentes expériences politiques sont engagées, avec comme élément constant un État très centralisé. À partir des années 1980, le vent de la libéralisation soufflant sur l’économie mondiale incite les économies du Sud à s’ouvrir aux capitaux extérieurs et à se privatiser. C’est l’heure des plans d’ajustements structurels enjoints par les institutions de Bretton Woods, et mis en œuvre dans de nombreux pays en développement, y compris ceux de la zone. À cette époque, les réformes de décentralisation sont d’autant plus encouragées qu’elles semblent bien adaptées au contexte de réduction des ressources budgétaires. Dans tous les pays de la zone cependant, un écart considérable est à relever entre le cadre juridique affiché pour la décentralisation et son application réelle. De nombreux paramètres entrent en ligne de compte, parmi lesquels on peut souligner les points suivants : a) La primauté de l’État central dans un contexte politique sensible et d’insécurité Ces États jeunes ont une histoire récente mouvementée sur le plan politique avec des divisions fortes, des conflits et pour certains des guerres civiles. Au nom de la stabilité et de la sécurité, les choix politiques ont avant tout porté sur la construction d’un État fort, centralisé, voire verrouillé. La décentralisation peut dans certains contextes y être perçue comme un sujet sensible et un risque d’atteinte à l’intégrité de l’État nation. À l’exception du Maroc, qui s’est engagé plus activement vers la décentralisation et la régionalisation, les processus ouverts par les autres États de la zone relèvent plus d’une déconcentration que d’une décentralisation des pouvoirs. b) Le niveau de développement et la faiblesse des ressources Ces cinq pays constituent un groupe relativement hétérogène sur le plan économique et social. L’Algérie et la Libye disposent d’importantes ressources en matières premières, qui leur assurent un niveau de produit intérieur brut supérieur à ceux des trois autres pays. Les écarts de richesse au sein de la population y sont cependant importants. Les indicateurs socio-économiques de la Mauritanie rattachent davantage ce pays à la zone subsaharienne. Mais d’une manière générale, avec des classements d’indice de développement humain qui vont de la 64e place pour la Libye à la 155e place pour la Mauritanie 1, la zone fait face à d’importants enjeux de développement de son économie et de ses services à la population. Les ressources financières des collectivités locales, qu’il s’agisse des transferts de l’État ou de la fiscalité locale, ne sont dans aucun des cinq pays à la hauteur des besoins. Elles sont en outre souvent irrégulières et difficilement prévisibles. Ce sont des collectivités relativement démunies qui travaillent en prise directe avec les besoins des populations. c) Les fortes disparités territoriales La situation géographique commune à la zone apporte son lot de difficultés. Le littoral méditerranéen fertile et ouvert sur l’Europe d’un coté et la bande désertique du Sahara de l’autre accroissent les disparités territoriales. Les richesses et les populations sont très inégalement réparties sur le territoire de chacun de ces pays, créant des déséquilibres parfois entretenus par les pouvoirs publics. 1

R apport sur le développement humain 2013, PNUD.

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d) Les besoins en formation Enfin, ces processus de décentralisation jeunes et/ou inachevés font ressortir d’importants besoins de formation des administrations locales, et de mise en place de systèmes d’évaluation de la gestion publique afin d’accroitre la légitimité des pouvoirs publics locaux. Il s’agit d’enjeux clés pour la crédibilité de ces élus ainsi que pour lutter contre les logiques clientélistes qui peuvent essaimer dans ces conditions.

3.

De forts enjeux politiques

Le printemps arabe qui a puisé ses racines en Tunisie, a soufflé un vent de liberté et de revendications sociales, économiques et politiques dans la région. Bien que n’ayant pas touché les cinq pays frontalement, ce mouvement de fond a influencé leurs sociétés et provoqué de nouveaux débats, de nouvelles organisations, sinon de nouvelles résistances. Les pays du Maghreb sont les premiers du monde arabe à avoir connu ces mouvements, au sein desquels la société civile a joué un grand rôle mobilisateur. Il est encore tôt pour apprécier les retombées du Printemps arabe, en particulier en raison des forces opposées à l’œuvre dans ces pays. Les oppositions sociétales entre réformateurs et conservateurs sont fortes. D’un coté, l’influence des modèles rigoristes importés des pays du Golfe se renforce, de l’autre, plus qu’ailleurs dans le monde arabe, la société civile se structure et veut saisir la chance d’une démocratie nationale et locale. La transition est en cours. Les travaux constitutionnels à peine achevés en Tunisie doivent passer l’épreuve de la réalité: comment l’article 14 du chapitre I de la Constitution consacré à la décentralisation sera-t-il transposé dans la loi et mis en œuvre? En Libye, ils n’ont pas encore commencé et une grande confusion règne quant à l’organisation des élections locales et des structures municipales. La priorité est pour l’heure à la reconstruction de l’État puis à l’organisation de ses échelons en évitant d’attiser les discours pro ou anti-fédéralistes. L’Afrique du Sud, le Soudan et l’Espagne ont suivi ce chemin. John Garang, ancien président du Soudan l’a ainsi résumé : « Tout au long de l’Accord de paix global, nous n’avons pas utilisé de terme formel pour décrire le type de gouvernance que nous avons négocié et sur lequel nous nous sommes accordés. Peut-être étions nous guidés par le symbole africain de ne pas nommer un enfant avant sa naissance. {…} Maintenant que l’enfant est né, les chercheurs peuvent lui donner le nom qu’ils trouvent le plus approprié aux dispositions de l’Accord de paix global soudanais. » 2

4.

Une coopération renouvelée avec l’UE

L’Union européenne entretient des relations différentes avec ces pays en raison des accords spécifiques qui les lient. Cependant, à l’appui de sa Communication « Une stratégie'égard d'un voisinage en mutation » adoptée en mai 2011, la Commission européenne s’engage activement pour soutenir la transition démocratique des pays du Sud de la Méditerranée. Le Maroc, l’Algérie et la Tunisie sont signataires d’un accord d’association avec l’Union européenne et participent à la politique européenne de voisinage. Dans ce cadre, ils bénéficient d’accords bilatéraux, de programmes régionaux et transfrontaliers, et sont également éligibles aux programmes thématiques de la Commission européenne. La Mauritanie, quant à elle, étant rattachée à la zone Afrique-Caraïbe-Pacifique (ACP), est liée à l’UE par l’Accord de Cotonou. Elle bénéficie du Fond européen de développement, qui accorde une enveloppe conséquente pour l’appui à la réforme de l’État et à la décentralisation et prévoit un cadre de consultation précis avec les collectivités locales mauritaniennes. Le pays est également éligible aux programmes thématiques de la Commission européenne. Enfin, la Libye n’est liée par aucun accord avec l’Union européenne. Depuis la Révolution de 2011, une aide humanitaire et des fonds de coopération sont apportés aux autorités de transition. Un accès spécifique aux programmes thématiques est assuré ainsi qu’aux programmes de l’instrument de voisinage. À l’exception de la Libye, les pays de la zone sont membres de l’Union pour la Méditerranée, et leurs collectivités locales sont représentées dans l’Assemblée régionale et locale euro-méditerranéenne (ARLEM).

1

D ecentralisation in Libya, Report, Université de Duisbourg-Essen, Université de Benghazi, Sadeq Institute, Democracy reporting international, Août 2013.

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5.

Perspectives

Le cadre de coopération que l’Union européenne a renouvelé dans le prolongement du Printemps arabe invite à une coopération plus directe et plus ambitieuse avec les collectivités locales des États concernés et avec leurs associations. Une telle dynamique s’inscrirait dans le double engagement de l’UE en faveur d’une transition démocratique fondée sur l’État de droit, la justice, la transparence et le développement local 3, et en appui aux pouvoirs publics locaux 4. Les pays du Maghreb représentent des partenaires prioritaires pour l’UE qui a signé avec eux des Accords d’association, ou qui, dans le cas de la Libye, apporte un soutien conséquent aux autorités de transition. Dans ce contexte, comme l’UE s’y est attelée dans ses négociations avec l’Europe orientale, et dans l’esprit de la Communication de 2011 précitée, un principe de conditionnalité pourrait être introduit, qui placerait la démocratie nationale et locale au cœur des engagements de coopération bilatéraux. Au delà de leurs spécificités économiques et de leur histoire nationale particulière, les pays du Maghreb ont en commun ce mouvement de fond qui traverse leurs modèles sociaux politiques, suscitant une mobilisation continue de toutes les sphères de la société. Les expériences croisées de ces transitions politiques et les échanges sur les enjeux communs de ces modèles en gestation peuvent conduire à l’émergence d’une identité régionale, perspective qui doit être soutenue.

2. MAURITANIE 1.

Histoire et caractéristiques de l’organisation territoriale

Divisée en cercles par l’administration coloniale, la Mauritanie indépendante en 1960 met fin à ce système et établit cinq communes urbaines (Nouakchott, Afar, Bogbie, Rosso et Kaedi) et vingt-trois communes rurales. En 1968, l’ancien cercle colonial prend le nom de région administrée par un gouverneur de région. Dans le cadre du processus démocratique, la politique de décentralisation est lancée en 1986 avec la création progressive de 216 communes réparties sur un territoire de 1,5 millions de km². L’ordonnance n° 87-289 du 20 octobre 1987 concrétise la mise en place de 54 communes chefs lieux de moughataas et de 163 communes rurales. Mais avant tout, elle organise la décentralisation municipale en définissant les compétences des communes et leurs modalités d’organisation. "La commune est chargée de la gestion des intérêts communaux. Elle assure les services publics répondant aux besoins de la population locale et qui ne relèvent pas, par leur nature ou leur importance, de la compétence de l’État." Cela comprend en particulier la voirie locale, la santé primaire, l’eau, l’éclairage public et la gestion des déchets. Les communes ont désormais une personnalité morale et une autonomie financière. Leur situation est très hétérogène: populations variables, potentiels de développement variés. Cette réforme entraine la suppression de fait de la région comme collectivité territoriale, évolution qui sera consacrée par la loi de 1990. Néanmoins, la décentralisation ne prend réellement effet qu’au début des années 1990, sous l’influence des organisations internationales et de la libéralisation en cours de l’économie. Entre 2005 et 2007, la transition démocratique mène à des élections locales, législatives et présidentielles. Les élections locales de fin 2006, premières de l’histoire du pays, viennent couronner le processus de décentralisation. Elles conduisent à la rénovation des conseils municipaux. Un ministère de la décentralisation et de l’aménagement du territoire (MDAT) est créé en 2007. Un livre blanc sur la décentralisation est lancé. Cette évolution est accompagnée de transferts financiers croissants de l’État vers les communes afin de les soutenir dans l’accomplissement de leurs nouvelles missions.

ne stratégie nouvelle à l'égard d'un voisinage en mutation, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et U social européen et au Comité des régions, COM(2011) 303, 25 mai 2011. 4 A ccorder une autonomie accrue aux autorités locales dans les pays partenaires pour une meilleure gouvernance et des résultats plus concrets en matière de développement, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des Régions, COM(2013) 280, 15 mai 2013 3

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Cet élan est rompu par le coup d’État de 2008. Le MDAT est dissous. Le retour de l'ordre constitutionnel en 2009 accompagne des signes encourageants pour relancer le processus de décentralisation. D’un coté, le Conseil des Ministres du 22 avril 2010 signe une Déclaration de politique de décentralisation et de développement local qui réaffirme son engagement en matière de décentralisation, d’un autre le Ministère de l’intérieur publie son plan d'action 2011-2015 concernant l'appui à la mise en œuvre de la décentralisation. De plus, d'importantes réformes sont prévues par le nouveau code des collectivités territoriales, élaboré en 2010, mais pas encore entériné en conseil de ministres. Il prévoit notamment l’instauration d’un niveau régional. Pour l’heure, la commune reste la seule collectivité territoriale de plein exercice consacrée par l’article 98 de la Constitution du 20 juillet 1991. Regroupant 25 % de la population du pays selon le dernier recensement général 5, Nouakchott, la capitale mauritanienne, occupe une place à part dans le système politique et institutionnel du pays. La deuxième ville du pays, Nouadhibou compte à peine 100 000 habitants. La croissance urbaine de Nouakchott, qui n’était encore peuplée que de 5800 habitants en 1962, est sans équivalent au Sahara. Elle est le résultat de plusieurs décennies de sécheresse qui ont vidé l’intérieur du pays de ses pasteurs nomades. Avec une croissance si rapide dans un pays si jeune, la maitrise de l’urbanisation tout comme des déséquilibres sociaux est particulièrement complexe. La loi 2001/51 du 19 juillet 2001 a instauré la Communauté urbaine de Nouakchott (CUN), composée de 9 communes. Le Conseil Communautaire est composé lui-même de 37 élus (en provenance des conseils municipaux) dont les maires des 9 communes de Nouakchott. Un Fonds d’Investissement Communal de la Communauté Urbaine de Nouakchott (FIC/CUN) a été créé par délibération communautaire en 2010. Ce fonds est alimenté par les partenaires internationaux mais aussi par les fonds propres de la CUN, et a vocation à financer des projets prioritaires concertés, en général des infrastructures à caractère social.

2.

Cadre juridique

La Mauritanie est un État unitaire. Selon la Constitution de 1991 (article 98), les communes sont les seules collectivités décentralisées. Leur champ de compétence n’est pas défini dans la Constitution mais renvoyé au niveau de la législation. Les communes sont administrées par des conseils élus dans les conditions prévues par la loi. Le territoire national est composé de trois échelons administratifs : douze wilayas (régions) et Nouakchott (considérée comme une région), 54 moughataas (départements) et 218 communes. Les deux premiers échelons sont déconcentrés. Le troisième est décentralisé.

3.

Ressources des collectivités locales

Les transferts de l’État aux collectivités locales sont effectués à travers deux fonds : le Fonds régional de développement (FRD) et le Fonds intercommunal de solidarité (FIS). Les montants de ces instruments sont fixés annuellement de manière ad hoc, ce qui en fait des ressources difficilement prévisibles pour les collectivités locales. L’enveloppe du FRD est répartie entre les communes selon les critères suivants: la démographie, le taux de pauvreté, l’écart dans les infrastructures, l’effort de mobilisation des ressources, le suivi-évaluation et le renforcement des capacités de l’administration déconcentrée. Elle est consacrée à hauteur de 30 % pour le fonctionnement, de 68 % pour l’équipement, et 2 % pour le suivi-évaluation et le renforcement des capacités de l’administration. Les dotations du FIS dépendent, quant à elles, du niveau de budget de chaque commune: elles représentent entre 1 % et 3 % de leurs recettes ordinaires. Elles sont affectées en cas de catastrophes naturelles, ou lorsqu’une commune se trouve dans l’incapacité de régler ses charges. La fiscalité locale est constituée de la contribution foncière, de la taxe d’habitation, et de la patente. Cependant, c’est l’État qui identifie et recouvre la majeure partie de ces impôts locaux.

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L e recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) a été effectué en 2013 par l’office national de la statistique.

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3.

Enjeux et défis

– Achever la décentralisation pour résoudre les imprécisions juridiques et renforcer la légitimité des collectivités locales Nombre de communes ne sont pas en mesure d’exercer leurs compétences en raison de l’insuffisance de leurs ressources humaines, financières, mais aussi de leur manque de légitimité. Sur le plan juridique, des imprécisions demeurent, qui entrainent le télescopage entre action des communes et celle, bien plus puissante des ministères sectoriels, représentés par les gouverneurs (walis) et préfets (hakems) sur le territoire. Le plus souvent, les programmes d’investissement au niveau local sont réalisés par les ministères sectoriels, avec l’appui de bailleurs internationaux, y compris dans des secteurs décentralisés, comme notamment l’eau et l’assainissement. Cela contredit le principe de libre administration des collectivités locales et contribue à recentraliser des compétences, que la loi attribue pourtant aux communes. L’administration centrale met par exemple directement en œuvre plus de 90 % des dépenses publiques locales, laissant seulement 4 % des investissements réalisés localement intégrés aux budgets des communes 6. Une législation plus précise semble nécessaire pour arbitrer le partage des compétences entre État central et autorités décentralisées et encadrer sa mise en œuvre effective. – Renforcer l’autonomie financière des communes Corollaire du chantier juridique, le faible niveau de ressources transférées aux collectivités locales constitue un enjeu majeur en Mauritanie. Les ressources financières des communes, en particulier des communes rurales, sont très peu élevées. Elles ne permettent pas de financer les investissements nécessaires au développement local, le Fond régional de développement étant utilisé en grande partie pour le fonctionnement des communes. De plus, comme déjà souligné précédemment, les programmes d’investissements sectoriels sont trop souvent exécutés par l’État, à travers ses ministères, indépendamment de toute stratégie communale de développement. Le système de transferts financiers de l’État vers les collectivités locales n’est pas adapté aux besoins de ces dernières. Il devrait mieux tenir compte des couts engendrés par les compétences transférées, mais aussi permettre de plus grandes prévisibilité et marge de manœuvre dans le choix des dépenses publiques locales. Enfin, la fiscalité locale n’offre qu’un rendement très limité en raison de la faiblesse des moyens mis en œuvre mais aussi des freins culturels et socio-économiques. – Renforcer les capacités humaines et techniques des collectivités locales Les communes font face à un manque criant de personnel qualifié. Nombreux, le personnel communal est composé essentiellement d’agents d’exécution. L’examen des statistiques disponibles révèle la faiblesse quantitative et qualitative des ressources humaines au niveau communal : sur 1741 employés que comptent les communes, seuls 137 sont des cadres, soit 7,8 % 7. Un premier pas a été réalisé en 2010 avec l’élaboration du code des collectivités territoriales, qui soulève la question d'une fonction publique territoriale et des effectifs de cette administration. Le code n’est pour l’heure pas entré en vigueur. À ce jour cependant, aucune institution n’est chargée de la formation des agents de l’administration locale et aucun dispositif d’aide à la formation n’existe, qui pourrait en contrepartie assurer la stabilité des fonctions et de meilleures perspectives de carrière. Le fort taux de renouvellement des conseils municipaux lors des dernières élections municipales de décembre 2013 accroit en outre les besoins en formation pour les équipes nouvelles. Par ailleurs, les associations d'élus faiblement structurées au niveau national ne sont pas encore pleinement en mesure de faire entendre la voix des communes dans le processus de décentralisation en cours.

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L ’environnement institutionnel des collectivités locales en Afrique, Cities Alliance, CGLUA, 2013 Étude sur les ressources humaines et financières des communes, PDU, 2011

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– Favoriser la concertation La législation mauritanienne ne prévoit pas de mécanisme pour la participation des populations à la gestion des affaires locales. Il n’existe pas de cadres locaux de concertation. Dans la pratique, la faiblesse des services techniques locaux, l’urgence des besoins sociaux mais aussi la concurrence entre acteurs locaux, y compris la société civile pour avoir accès aux financements internationaux ne favorisent pas une dynamique de planification concertée. – L’absence de stratégie urbaine En dépit d’un des taux d’urbanisation les plus élevés de la région, il n’existe pas à ce jour de stratégie urbaine au niveau national. Etant donné le rythme de la croissance urbaine et les profonds déséquilibres spatiaux et sociaux que celle-ci a engendrés, il apparait essentiel qu’un tel chantier soit initié par l’État pour envisager des mesures d’aménagement appropriés et d’anticipation des dynamiques de peuplement.

5.

Appui de l’UE et recommandations

Les relations entre la Mauritanie et l’UE reposent sur l’Accord de Cotonou, dont la dernière révision remonte à 2010. Contrairement aux quatre autres pays de la zone, la Mauritanie fait partie de la région Afrique-Caraïbe-Pacifique (ACP) et est, à ce titre, engagée dans un partenariat privilégié avec l’UE, fondé sur un dialogue politique, des relations commerciales et une coopération dans de nombreux domaines. Le Fond européen de développement (FED) est le principal instrument financier de la politique européenne de coopération avec les pays ACP. Depuis 2001, 397 millions d’euros ont été alloués à la Mauritanie par le FED (8e, 9e et 10e FED). La Mauritanie bénéficie également des programmes régionaux et intra-ACP financés par le FED, ainsi que des programmes thématiques de l’UE, comme le programme Organisations de la société civile et autorités locales (OSC-AL) ou l’instrument européen de la démocratie et des droits de l’homme. L'UE est le premier bailleur de fonds en Mauritanie avec 38,1 millions d'euros octroyés en 2012. Pour encadrer cette aide, l’UE et l’État mauritanien élaborent un Programme Indicatif National (PIN) fondé sur le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté. Le PIN comprend plusieurs chapitres en fonction des secteurs d’intervention, dont l’un est dédié à la stratégie de renforcement des capacités des acteurs locaux de développement, et de la décentralisation au niveau local. C’est dans ce contexte qu’est mis en œuvre depuis 2008 le programme de renforcement institutionnel des collectivités locales et de leurs services (PERICLES). Ce programme est le résultat de la coordination de différentes initiatives d’appui à la décentralisation. L’UE y contribue à hauteur de 7,5 millions d'euros, et les coopérations espagnole, française et allemande réunies à hauteur de 6 millions. Il a pour objectif d'asseoir les communes dans leur rôle d'animateur de développement par le biais de structures de proximité, les centres de ressources, d'accompagner la Direction générale des collectivités territoriales dans le pilotage du processus de décentralisation, et de contribuer à la refonte du système de financement des collectivités. Quatre centres de ressources établis à Aioun, Aleg, Atar et Tidjikja couvrent actuellement 8 wilayas et 69 municipalités mauritaniennes. De plus, la composante FIDEL (Facilité d’Innovation au Développement Local) a permis de subventionner 35 projets locaux à ce jour tels que des ouvrages d’accès à l’eau potable, des constructions d’école, des équipements marchands comme les abattoirs ou les marchés, la construction de dispensaires et de postes de santé. Il convient également de noter qu’un programme d'appui à la société civile et à la bonne gouvernance (PASOC) a été financé par le 9e FED à hauteur de 4,5 millions d'euros. L’un de ses volets concernait l’articulation de la société civile avec l’État et les collectivités locales. Le FED permet également d’autres entrées thématiques pour les communes, qui ont pu bénéficier de cofinancements pour des projets liés à la sécurité alimentaire, l’eau, l’environnement, l’énergie solaire, à travers des programmes comme la Facilité Eau par exemple. En complément du FED, le programme thématique OSC-AL a consacré des enveloppes budgétaires relativement ambitieuses aux autorités locales mauritaniennes: 1 million d’euros pour les années 2009 et 2010 réunies, 500 000 euros en 2011, et 1 million d’euros en 2013. Ces fonds ont été attribués après un appel à propositions ouvert aux communes mauritaniennes (et européennes quand elles avaient un partenaire mauritanien) et aux associations de communes. À l’occasion de chaque appel

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à propositions, des réunions d’information ont été organisées par la Délégation de l’UE. Une formation sur le montage de dossiers européens a même été dispensée en juin 2013. En 2010, ce sont 7 projets qui ont été subventionnés dans les domaines de l’appui à la gouvernance et à l’investissement communautaire (Communauté urbaine de Nouakchott), de l’appui à la maitrise d’ouvrage (Keur Macène), et de la gestion intercommunale de la ressource en eau (cinq communes de la wilaya Gorgol). En 2011, deux projets ont été subventionnés. L’un concernait l’élaboration d’un plan de développement communal à Djonaba, l’autre la promotion des initiatives locales concertées de la wilaya de l’Assaba. Enfin, conjointement avec la Banque mondiale, l’Union européenne soutient depuis 2013 un ambitieux Programme national intégré d’appui à la décentralisation, au développement local et à l’emploi des jeunes (PNIDDLE) sur une durée de dix ans. Le programme apporte un appui institutionnel aux acteurs de la décentralisation, permet le financement d’infrastructures et promeut l’emploi des jeunes au niveau local. Recommandations à l’attention de l’UE : ➜ Engager une évaluation globale des projets mis en œuvre dans le cadre du programme OSC-AL depuis 2010 ainsi que du programme PERICLES du FED, et organiser la dissémination et la discussion de ces résultats avec les acteurs locaux porteurs de projet afin de réorienter les pistes d’action commune, ➜ Étant donné les indicateurs de développement mauritanien 8, appuyer prioritairement les communes dans leur mission de fourniture de services publics essentiels, ➜ Soutenir le renforcement institutionnel de l’Association des Maires de Mauritanie (AMM) pour permettre aux élus locaux d’être mieux armés dans leur dialogue avec l’État central et de disposer d’un cadre de partage d’expériences, voire de formation, ➜ Encourager le développement des conventions de coopération décentralisée entre communes mauritaniennes et communes européennes, en tant que laboratoire d’expérimentation sur les pratiques démocratiques à l’échelle locale, ➜ Mieux intégrer les acteurs de la coopération décentralisée dans les programmes d’appui à la décentralisation compte tenu de leurs expériences et connaissance du terrain, leur légitimité et l’appropriation accrue qu’ils favorisent, ➜ S outenir la mise en œuvre d’un programme national de formation des cadres territoriaux et du personnel communal en général.

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S elon le PNUD, la Mauritanie se situe au 155 e rang mondial avec un indice de développement humain de 0,467 en 2013

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3. MAROC 1.

I ntroduction : les grandes étapes historiques de l’évolution de l’ordre territorial

L’histoire de la décentralisation est au Maroc est indissociable de celle du pouvoir central en général et de celle de l’État en particulier. Schématiquement, trois grandes phases peuvent être distinguées dans l’organisation territoriale depuis le protectorat. Cette périodisation est principalement commandée par les cycles politiques dont il a été témoin. Ces derniers autoriseront l’émergence progressive d’un droit écrit de la décentralisation tempéré dans son effectivité par un mode de régulation des territoires qui réfère aux jeux d’équilibre et de frontières entre l’État et ses représentants d’une part, et les collectivités locales élus d’autre part. Historiquement, les premières tentatives en matière de décentralisation au Maroc remontent au début du protectorat. (1re phase). Ce dernier a porté son action sur les échelons local et régional. La motivation essentielle était d’éviter de s’aliéner les populations frondeuses urbaines ou les collectivités ethniques rurales jalouses de la sauvegarde de leur tradition d’auto administration. (régime des Jmâa administratives en 1916 d’auto administration). Cette évolution s’est accompagnée de l’introduction pour la première fois d’un droit municipal écrit, alors que jusque-là, « le droit des institutions locales » était majoritairement fondé sur les usages et coutumes plutôt que sur une règle écrite. Le protectorat a par ailleurs procédé au découpage du territoire en régions civiles et en régions militaires. Mais cet échelon administratif ne ressortissait pas d’une logique de décentralisation. De manière générale, il reste difficile d’accoler l’épithète, « décentralisé » à cette expérience municipale dès lors qu’il s’est agi pour l’essentiel d’une décentralisation à géométrie variable, et limitée à un ensemble de ville et quelques Jmâa rurales. Au surplus, les assemblées ne disposaient que d’un statut consultatif. Il faudra attendre les années 1950, pour voir le protectorat tenter de contenir la montée de la contestation nationale en dotant les collectivités locales d’un statut délibératif adossé à des systèmes électifs. Mais ce régime ne sera jamais appliqué. La deuxième phase correspond à la période qui va de l'indépendance jusqu’au milieu des années 1970. Ce moment est principalement dominé par un conflit ouvert portant sur la légitimé des institutions politiques. Deux séquences peuvent être distinguées. L’indépendance du Maroc en 1955 inaugurera une première séquence très courte (1956 -60) qui traduit une intention décentralisatrice comme base pour l’édification du Maroc moderne. Cette première séquence se traduira par la première réforme communale qui porte les marques d’une volonté de modernisation par le droit, instaurant un régime de libertés locales dans le sillage de la promulgation du code des libertés publiques en 1958. Un découpage communal sera établi dès 1959 et donnera naissance à 801 communes. Il sera fondé sur une logique moderne de territorialité dans la construction de l’unité nationale au détriment de la logique tribale. À ce découpage succédera l’adoption de la première loi électorale optant délibérément pour l’élection des conseils communaux au suffrage universel sans discrimination de sexe ou de confession en lieu et place du procédé de la cooptation largement admis. Enfin, l’élaboration de la première Loi Communale en 1960 donnera le cadre légal et institutionnel de la décentralisation et sera suivie par l’organisation du premier scrutin communal. La deuxième séquence de cette phase signe la fin des espérances en matière d’élaboration d’un cadre juridique moderne pour la décentralisation. Cette séquence, s’ouvre avec le renvoi du gouvernement à l’origine de ces innovations institutionnelles et l’accession du Roi Hassan II au pouvoir. Le Maroc bascule alors dans une nouvelle ère politique dominée par une reprise en main autoritaire du régime et son cortège de mesures visant à réprimer l’exercice des libertés individuelles et collectives. Au plan territorial, le pouvoir central, (tout en inscrivant formellement dans la première constitution, les collectivités locales et de leur libre gestion), opère dans les faits sur deux plans : il s’emploie en mobilisant des ressources traditionnelles (prestige religieux et contrôle de l’armée), à donner des gages aux notabilités et élites rurales pour ménager 9 en retour leur soutien, mais simultanément se donne les moyens de contrôler la bureaucratie centralisée naissante porteuse du projet modernisateur nécessaire à la construction de l’État. Ces évolutions, loin de marquer le parachèvement de la première tentative de décentralisation inaugurée à l’indépendance, marquent un retour en arrière en matière de libertés locales. L’instauration d’un régime d’exception qui ne prendra fin que dans les années 1970 stoppera toute évolution en matière de décentralisation. En revanche, le renforcement du quadrillage du territoire par l’administration d’autorité se poursuivra.

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La troisième phase dans l’histoire des institutions locales s’étale du milieu des années 1970, jusqu’au changement de règne en 1999. Elle est celle de l’élaboration progressive d’un droit de la décentralisation qui a connu son premier acte en 1976 axé sur l’échelon communal et la consécration et de son deuxième acte orienté vers l’échelon régional en juillet 2011 ; Elle recoupe l’ouverture d’un nouveau cycle politique dans lequel les institutions politiques retrouveront droit de cité. Elle se traduit par l’adoption de la charte communale de 1976 qui marque une inflexion dans le processus de décentralisation. Cette réforme inaugurale, sera accompagnée et complétée par une série de nouveaux textes juridiques qui, tout au long de cette période, vont amender par touches successives les dispositions relatives à l’échelon communal et impacter tout autant les échelons préfectoral et provincial d’une part, et le niveau régional d’autre part. Pour prendre la mesure des principaux apports de cette réforme inaugurale aux plans juridiques et institutionnels il convient au préalable d’avoir à l’esprit le mode particulier d’organisation et de déploiement de la présence publique sur les territoires.

2.

Les caractéristiques de l’organisation territoriale du Maroc

Le Maroc est un pays unitaire. Son organisation territoriale est structurée autour de deux piliers qui assurent le maillage institutionnel des territoires. Un pilier traditionnel qui relève et incarne l’autorité de l’État, compose une filière descendante qui va des services centraux du ministère de l’intérieur, jusqu’à un maillage de proximité qui fait la particularité de l’administration territoriale d’autorité. En marge de cette administration, nous retrouvons les démembrements de l’État représentés par les services extérieurs des différents ministères sectoriels déployés sur les territoires. Le deuxième pilier de cette organisation fait place aux entités territoriales élues, selon des modalités évolutives au gré des vagues de décentralisation qu’a connues le Maroc. La représentation territoriale élue Le Maroc compte trois échelons de collectivités locales qui s’emboîtent : Les Régions, au nombre de 16, ont été instituées en 1971 comme de simples circonscriptions territoriales. Elles ont été érigées en Collectivités Locales en vertu de la Constitution. Leur organisation est régie par Dahir (décret royal ayant force de loi) et leur découpage par décret. Le périmètre des régions est découpé en Provinces et Préfectures. Ces collectivités ont le nom de Provinces dans les territoires à dominante rurale au nombre de 62, et de Préfectures dans les territoires à dominante urbaine, au nombre de 13. Au sein de ces dernières, on retrouve les Communes, réparties en communes rurales au nombre de 1298, et en commune urbaine au nombre de 249. Chaque catégorie ayant un statut propre. La représentation territoriale de l’État Au niveau de l’État, l’administration territoriale par l’intermédiaire de ses représentants à la tête desquels figure le gouverneur des provinces et préfectures, opère un maillage très étroit qui repose sur l'organisation suivante. Sous l'autorité du gouverneur chargé d’exécuter les lois et de veiller au maintien de l’ordre public, on retrouve parmi les agents d’autorité, le Chef de Cercle aussi appelé super-caïd (chef de cercle – milieu rural) et le chef de district (pacha milieu urbain) qui contrôlent l’activité des caïds et pachas relevant de leur circonscription. Sous l’autorité des caïds et pachas on retrouve les auxiliaires d'autorité que sont le cheikh dans les communes rurales et le Moqadem en milieu urbain, qui sont en prise directe avec les populations respectivement au niveau des douars et des quartiers. Ces agents d’autorité en qualité de représentants de l'État, exercent des pouvoirs de police administrative et sont investis de la qualité d'officier d'état civil. Le caïd, par exemple, est chargé du maintien de l'ordre public et dispose de la qualité d'officier de police judicaire. La Charte communale fixe leurs attributions en matière de police administrative (maintien de l’ordre et de la sécurité publics sur le territoire communal ; associations, rassemblements publics et presse ; élections ; syndicats professionnels : conflits du travail ; réglementation et contrôle de l’activité des marchands ambulants sur les voies publiques, contrôle du contenu de la publicité par affiches, panneaux publicitaires et enseignes, contrôle des prix, réglementation du commerce des boissons alcoolisées, etc.) Ce quadrillage du territoire par les agents de l’État permet d’assurer un suivi quasi quotidien de l'activité des communes et de leurs Conseils. Ainsi l’autorité locale est avertie des commissions et participe de droit à chacune d’elles, avec voix consultative. Elle participe aussi aux commissions d’appels d’offre relatives aux marchés publics. L’autorité locale est non seulement avertie

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des séances des Conseils mais elle peut demander l’inscription d’une question à l’ordre du jour. Elle peut également intervenir au cours des débats du Conseil.

3.

L e cadre juridique de la décentralisation : traits marquants et évolution

Si décentralisation il y a, c’est au niveau communal qu’il faut en chercher la manifestation (acte I). Le niveau préfectoral et provincial est d’abord une circonscription de l’État. Quant à l’échelon régional, il est à l’état de projet. (acte II) L’échelon communal, symbole des progrès en matière de décentralisation Les principales avancées que traduit la charte de 1976, tiennent pour l’essentiel à trois évolutions : 1. Un régime de compétences plus étendu en matières économique, social et culturel dont les seules limites sont de nature techniques et financières ; la mise en place d’un bureau exécutif communal collectivement responsable conforté dans sa légitimité élective directe, et qui désigne parmi ses membres le président du conseil ; une assemblée délibérante qui vote annuellement le compte administratif et dispose de la faculté de démettre le président du bureau en cours de mandat à la majorité qualifiée. Ainsi, le retour de l’exécutif élu, s’il ne remet pas en cause le bicéphalisme tant s’en faut, opère néanmoins un léger mouvement de balancier en faveur du bureau et de son président. Même si l’instabilité des majorités politiques du bureau demeurera un moyen de régulation pour l’État qui fera et défera les majorités. 2. Ce premier mouvement de décentralisation connaîtra une deuxième inflexion sous le règne du Roi Mohamed VI avec l’adoption, en 2002, d’une nouvelle Charte Communale. Cette réforme sera davantage placée sous le signe de la consolidation que de l’approfondissement de la décentralisation. Ainsi et sans apporter de modifications dans l’équilibre territorial des pouvoirs, le nouveau dispositif légal va plutôt en préciser les périmètres et la portée normative. Parmi les principaux apports de ce texte on relèvera, l’esquisse d’un statut de l’élu local, la précision des champs de compétences de l’assemblée et de l’exécutif communal, le réaménagement des conditions et modalités d’exercice de la tutelle sur le conseil et l’exécutif, et certaines dispositions visant à rationaliser la gestion des deniers publics par l’introduction de règles de transparence et de rigueur. Mais cette réforme restera dominée dans les esprits par la mise en place d’un régime de « l’unité de la ville » (un conseil de la ville avec des conseils d’arrondissement sans personnalité juridique ni autonomie financière) pour les agglomérations de plus de 500 000 habitants. Ce régime visait l’amélioration des conditions favorisant une gouvernance urbaine globale et dans la proximité en mettant fin aux inconvénients inhérents au régime des communautés urbaines, (mis en place au lendemain des émeutes de Casablanca en 1981) notamment sur les plans du chevauchement des compétences, des disparités économiques et financières, de l’éparpillement des ressources et de la dispersion des actions et des efforts. 3. Dans le même esprit de consolidation des « acquis » en matière de décentralisation, une dernière vague de réforme de la charte communale est intervenue à la veille des dernières élections communales de 2009. Elle a apporté des correctifs pour pallier un certain nombre de dysfonctionnements qui entravaient la capacité des communes dans l’exercice de leurs compétences. Cette réforme visait les principaux objectifs suivants : – l’amélioration du système de gouvernance locale avec, notamment, la mise en place d’un nouveau mode d’élection du président du conseil communal assurant plus de stabilité à l’exécutif. – l’introduction et la généralisation des Plans communaux de développement comme document de base en matière de planification stratégique ; – l’introduction de la notion de globalisation des crédits qui permet au président de transférer les enveloppes budgétaires d’une rubrique à une autre ; – l’intercommunalité en prévoyant la création des communautés d’agglomérations pour une gestion intégrée des grands ensembles urbains.

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Le niveau préfectoral et provincial : un échelon d’exécution saturé par l’État Échelon intermédiaire entre le niveau régional et le niveau communal, les provinces et préfectures ont en vertu de la constitution le rang de collectivités locales. Ces deux institutions sont un échelon de déconcentration et très formellement un échelon de décentralisation. En tant qu’échelon déconcentré, la province ou préfecture est d’abord une ramification de l’État au niveau local. Elle correspond pourrait-on dire à la circonscription déconcentrée du ministère de l’intérieur. Mais c’est aussi à cette échelle que sont majoritairement déployés les services extérieurs de l’État. À ce titre, elle est l’échelon par excellence de déploiement des politiques publiques et le lieu de leur coordination par l’administration provinciale ou préfectorale placée sous l’autorité du gouverneur. En tant qu’ « échelon de décentralisation », les collectivités préfectorales et provinciales sont représentées et gérées par un conseil, organe délibérant élu au suffrage indirect parmi un collège de conseillers communaux et un collège des chambres professionnelles. Cette assemblée est placée sous la tutelle du gouverneur, représentant de l'État exécutif de la collectivité. Ce double rôle de la province et préfecture est illustré dans la double compétence dont jouit le Gouverneur 10 en matière : –d e contrôle, d’impulsion et de coordination de l’action des services de l’État implantés dans la province en tant que délégué du gouvernement, –d e pouvoir d’exécution des décisions des collectivités provinciales et préfectorales. Au cœur du paysage des institutions territoriales cet échelon d’exécution des politiques publiques demeure pour son fonctionnement quasi exclusivement dépendant des ressources transférées par l'État. Il dispose des principales ressources humaines sur les territoires notamment en niveau d'encadrement. En outre, le pouvoir de gestion et de coordination attribué aux gouverneurs sur les services extérieurs des ministères déployés sur cet échelon, renforce cette capacité d’intervention. Les compétences de cet échelon sont générales (développement économique, social et culturel) et redondantes avec celles de la région pour justifier une intervention dans tous les domaines. Bien que quelques compétences propres soient prévues telles que l’action sociale, la promotion de l’intercommunalité, la construction et l’entretien des routes provinciales et préfectorales, la gestion de système de transports publics préfectoraux et provinciaux. Il est difficile dans le cas des provinces et préfectures, de parler d’une véritable décentralisation, même si des conseils élus incarnent juridiquement cette vocation. Car la légitimité populaire des organes délibérants est quasi inexistante, leurs attributions demeurent symboliques dans l’ensemble et leur autonomie budgétaire comparativement aux conseils communaux, est pratiquement nulle. L’État a délibérément choisi de faire de cet échelon à la fois un relais d’action de l’administration centrale, un moyen de suivi et de contrôle de l’exercice des libertés communales, mais aussi d’appui aux communes rurales et d’intermédiation dans leurs relations avec les services de l’État, et enfin et surtout un centre de pouvoir territorial assurant les fonctions de surveillance politique et d’encadrement social. Au final, et dans le paysage des institutions locales, les provinces et préfectures apparaissent moins comme un échelon décentralisé, que comme un échelon de régulation de la décentralisation. L’institution régionale : une vielle « coquille vide » candidate aux premiers rôles Dès 1971, des circonscriptions régionales, dites régions économiques, ont été créées. De circonscriptions de planification et d’aménagement du territoire, il faudra attendre 1997 pour que les régions accèdent, en vertu d’une loi, au rang de collectivités locales reconnues par la constitution. Le contexte d’ouverture politique aura très largement favorisé cette évolution 11. C’est ainsi que le territoire a été découpé en 16 régions qui combinent plusieurs critères fondés sur une approche principalement fonctionnelle. Le conseil régional, élu au suffrage indirect pour une durée de 6 ans, est composé de représentants des communes du territoire, de représentants des conseils préfectoraux et provinciaux, de représentants des organismes professionnels et socio-économiques. L’exécutif de l’assemblée régionale est entre les mains du wali-gouverneur, représentant de l’État, qui, néanmoins, doit soumettre les actes d’exécution au contreseing préalable du président du conseil régional. Le champ de compétences large et flou, sans attribution des moyens correspondants ; les retards en matière d’élaboration des documents de planification sans portée prescriptive ; et enfin, la faible implication de l’institution régionale dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques sont autant de facteurs qui ont contrarié l’émergence d’un positionnement stratégique de cette collectivité. Ainsi,

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la matérialité effective du fait régional est quasi inexistante au Maroc, tant au plan fonctionnel (échelon de planification du développement et d'aménagement du territoire) qu’au plan politique. Il est difficile de lui trouver une consistance économique, politique, administrative, fonctionnelle ou même culturelle. Comme le disait un président de conseil régional, la région c’est « un bâtiment qui en général jouxte la wilaya quand il n’est pas domicilié dans les mêmes locaux, avec du personnel au profil « administratif », détaché de la wilaya ou des services de l’État… un conseil régional qui regroupe une centaine de personnes élues sur des bases très locales, et un président de conseil régional qui, flanqué du wali gère moins de 1 % des moyens financiers publics alloués dans sa région ». Le budget de toutes les régions au Maroc ne dépasse pas 60 millions d’euros soit 12 kms d’autoroutes à partager entre toutes les régions !

4.

Les ressources des collectivités locales

– Les finances locales des différentes collectivités territoriales montrent globalement une forte dépendance à l’égard de l’État central qui participe à hauteur de 50 % dans les recettes de fonctionnement des collectivités locales. Les ressources transférées aux collectivités locales proviennent d’une très faible part de l’impôt sur les sociétés et sur les revenus (1 % ), des taxes sur les contrats d’assurance et surtout de 30 % du produit de la TVA qui en constitue l’essentiel. – Les dotations transférées par l’État sont inégalement réparties entre les niveaux territoriaux. En 2009, les communes urbaines accaparaient 36 % de ces ressources contre 26 % pour les communes rurales, 33 % pour les provinces et préfectures et seulement 5 % pour les régions. Les critères formels de répartition des dotations est le suivant : Pour les villes, 80 % du produit de la TVA est répartie sur la base de trois critères : le critère du potentiel fiscal (70 % ) de l’incitation au recouvrement des ressources propres (15 % ), et les 15 % restant étant attribués de façon forfaitaire, sans tenir compte de la taille démographique ou la richesse fiscale. Ces critères désavantagent les grandes villes les plus dynamiques au profit de celles, les plus peuplées, mais sans capacités économiques internes. Casablanca ne reçoit en effet que 14 % de ses recettes totales au titre de sa part dans la TVA. Pour les communes rurales, le potentiel fiscal compte pour 60 % contre 30 % attribués de façon forfaitaire et 10 % sur la base de la promotion des ressources propres. Malgré la multiplicité des critères introduits, la répartition de la TVA ne fait l’objet d’aucune publication de document par localité, ce qui traduit encore une certaine opacité. Dans leur globalité, les communes urbaines couvrent 35 % de leur budget de fonctionnement par leur part dans le produit de la TVA. Elles restent moins dépendantes de l’État central. À l’inverse, les communes rurales sont dépendantes à hauteur de 62 % des dotations transférées, leurs recettes propres ne couvrant que 26 % de leurs recettes de fonctionnement. Une dépendance différenciée des types de collectivités locales vis-à-vis de l’État – Les communes urbaines (et les régions dans une moindre mesure) se distinguent par des recettes propres atteignant 52 % des recettes de fonctionnement (et 40 % pour les régions). À l’inverse, les provinces et préfectures sont caractérisées par la part prépondérante des recettes transférées par l’État qui atteint 83 % . Les communes rurales restent aussi largement dépendantes des recettes transférées par l’État (62 % ).

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Répartition des recettes de fonctionnement des collectivités locales par niveau 2009 Région

Provinces et préfectures

Communes rurales

Communes urbaines

Ensemble des CL

Recettes propres

40 %

5%

26 %

52 %

38 %

Recettes transférées

54 %

83 %

62 %

35 %

50 %

6%

12 %

12 %

12 %

12 %

100 %

100 %

100 %

100 %

100 %

Comptes spéciaux et budgets annexes Total

Source : Trésorerie générale du royaume – Les recettes propres des collectivités territoriales montrent surtout leur importance dans les communes urbaines. Il s’agit, en dehors de l’exploitation du domaine et de la parafiscalité, des taxes gérées localement (la taxe sur les opérations de lotissement, la taxe sur les terrains non bâtis, les redevances sur les ventes des marchés de gros et halles de poissons) qui en représentent 27 % et des recettes gérées pour leur compte par l’État qui constituent 73 % des recettes (taxe professionnelle ; 27 % , taxe d’habitation et taxe de services communaux ; 46 % ). Les recettes propres des collectivités locales présentent trois caractéristiques : – Une relative autonomie dans la fixation des taux, mais dans le cadre d’une fourchette préétablie avec la direction générale des collectivités locales (DGCL). L’augmentation des taux se prend sur décision du conseil communal, mais doit être transmis pour approbation à la DGCL. – Un faible niveau de recouvrement dû à la faiblesse des moyens mis dans l’identification des contribuables (absence de système d’information géographique et de contrôle sur le terrain) et aux impayés. Des efforts dans ce sens sont toutefois relevés à Casablanca (recensement du patrimoine, mise en place du SIG), de même que les taux de recouvrement des impôts gérés par l’État montrent une nette amélioration ces dernières années d’après les données de la trésorerie générale du royaume (74 % à 76 % dans les années 2007-2009). – Une non exploitation du potentiel fiscal évaluée à plus de 50 % par une étude sur Casablanca : les valeurs locatives de référence ne traduisant pas les valeurs du marché, défauts d’adressage, faiblesse des moyens mis dans le recouvrement forcé expliquent cette situation. L’équipement communal Le produit de la TVA n’intervient que pour 12 % des ressources liées à l’équipement des communes urbaines. Ce sont les excédents antérieurs qui remplissent le plus cette fonction avec 66 % des ressources, suivi de l’emprunt (13 % ). Les communes urbaines ont de lourdes charges d’équipement et d’infrastructure (ouverture et réparation de la voirie, hors site d’assainissement, équipements communaux) qu’elles ne peuvent assurer seules. C’est ainsi que la plupart des grandes villes ont mis au point des programmes de mise à niveau impliquant l’État et les autres collectivités territoriales 12. Pour l’ensemble des grandes villes, les investissements dépendent largement de cofinancements impliquant l’État et les autres collectivités territoriales (région et préfecture). Les compétences : entre pouvoir juridique et moyens financiers et humains. La commune possède de larges compétences (juridiques) en matière de services. Parmi ses compétences figurent, l’eau potable et l’assainissement liquide et solide, l’électrification et l’éclairage public, le transport et la voirie en plus des équipements (marché de gros, halle aux poissons, gares routières…). Les secteurs de la santé, l’éducation et la culture

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restent fortement centralisés, les communes ayant des compétences qui peuvent leur être transférées dans ces domaines. En milieu rural, les communes restent, dans leur globalité, largement dépendantes de l’État central, même pour leur fonctionnement. S’agissant de l’équipement en eau potable, électrification, voierie, elles sont surtout impliquées dans des programmes nationaux (PERG, PAGER, PNRR 13) où elles participent à une partie du financement sous tutelle de la DGCL. Leurs moyens financiers propres restent insuffisants pour répondre aux besoins de leurs populations. L’actuelle mise en place des plans communaux de développement (PCD) leur fournit l’opportunité de faire valoir leurs priorités et choix de développement face aux départements sectoriels agissant dans leur commune. En milieu urbain, les communes ont de plus en plus recours à l’externalisation auprès d’opérateurs privés (pour l’assainissement solide et liquide, l’éclairage public, les transports, la gestion des abattoirs,...). Ceci se traduit par une augmentation des budgets de fonctionnement alors que les capacités d’investissement restent faibles face aux besoins. Il en est ainsi pour les grandes infrastructures d’assainissement liquide, la voirie, les transports de masse…. Le recours aux autres niveaux territoriaux et à l’État central pour mettre à niveau leurs infrastructures est essentiel. Cette dépendance est forte notamment dans la gestion des transports en commun (absence de structures de régulation entre les différents modes de transport (taxis, bus, tram, le financement des transports en commun en site propre, gestion problèmes avec les délégataires privés des bus). L’importance des reports : Un dysfonctionnement de taille L‘état des finances locales montre que l’ensemble des collectivités locales enregistre des excédents par rapport à leurs ressources. Cette situation fait apparaître un excédent de l’ordre de 19,21 MM Dhs en 2009 (près de 10 % du budget de l’État). Il s’agit de reports d’une année sur l’autre de crédits d’investissement (engagés, ou en instance de programmation). Ce dysfonctionnement est aussi bien dû aux faibles capacités de gestion des investissements au niveau communal (mauvaise préparation des dossiers d’investissement, retard de programmation) qu’au système de contrôle et d’approbation des dossiers par la tutelle. Il montre la nécessaire révision des procédures budgétaires et l’importance de la qualification du personnel communal. Les ressources humaines : des besoins criants Le personnel communal constitue une lourde charge dans les budgets de fonctionnement des communes bien que les besoins en personnel qualifié restent très importants. Les charges de personnel représentent 43 % des dépenses de fonctionnement dans les communes urbaines. Casablanca réserve 55 % de ses dépenses de gestion à cette charge (plus de 100 Millions de dollars), mais les cadres supérieurs ne représentent que 8,40 % du personnel, 18,37 % est formé par les cadres moyens alors que 73 % du total concerne les agents d’exécution (16,65 % ) et la main d’œuvre (56,35 % ). Par ailleurs, le statut particulier du personnel communal diffère des employés de la fonction publique ; la responsabilité n’est pas reconnue, et ils ne bénéficient pas de plans de carrière. Cela débouche sur de faibles rémunérations des cadres, un très fort taux d’absentéisme, une faible productivité et un écrémage par le haut. Même si certains maires ont pu trouver des moyens détournés pour garder quelques compétences en leur fournissant certains avantages, la révision globale du statut du personnel communal s’impose. Elle devrait être insérée dans une réflexion globale sur la mise en place des ressources humaines adéquates aux nouvelles missions et compétences des collectivités locales.

17


5.

Enseignements et principaux défis à relever

L’acte 1 de la décentralisation dessine les contours d’une organisation territoriale dans laquelle la production et l’action des collectivités territoriales naissantes sont placées sous haute surveillance. Cette organisation a engendré un nouvel équilibre entre l’État et les collectivités élues qui, tout en ménageant un espace à l’expression de la représentation politique locale, porte la marque de la permanence de l’État dans la régulation de l’ordre territorial. Cette régulation s’est appuyée à la fois sur les ressources figurant dans les nouveaux textes juridiques issus des réformes, combinée à une logique transactionnelle au niveau local empruntant davantage au registre informel du clientélisme et/ou de la cooptation des élites montantes. De manière globale, la régulation publique de l’ordre territorial nous met en présence de deux évolutions qui touchent aux plans des politics et des policies que l’on peut résumer ainsi : 1/ En matière de politics, l'administration territoriale s’est, tour à tour attachée à inspirer et à contrôler les mécanismes de sélection des élites locales, à encadrer les pratiques des collectivités locales par différents procédés visant à entretenir la dépendance des élus de l’appui technique ou financier de L’État. Ainsi et bien au-delà de ce qu’énoncent les textes, la tutelle s’est exercée et a revêtu plusieurs formes permettant de contenir les marges d’autonomie des collectivités locales et notamment des communes. Nombreuses sont en effet les procédures qui imposent l’approbation ou le visa du ministère de l’intérieur depuis la loi cadre, document fondamental qui enserre la gestion des effectifs (carrière administrative des agents supérieurs élaboration ou modification d’organigrammes…. ) jusqu’aux actes individuels de toute nature. À mesure que le Maroc se libéralisait (années 1990) que les juridictions administratives et financières prenaient place sur les territoires, et que les attentes des populations à l’endroit des collectivités se faisaient plus pressantes, les relations entre certains élus et gouverneurs allaient prendre ouvertement des tournures plus conflictuelles sur fond d’imputation mutuelle de la responsabilité dans la défaillance des services publics. Du coup, la décentralisation allait apparaître comme portée par une logique de défaisance voire de défausse en termes de responsabilités dans la conduite des affaires locales. D’un côté, prévaudra parmi les élus, l’argument selon lequel l’État a consenti à transférer, sous contrôle et sans les moyens correspondants, aux collectivités locales des compétences en matière de construction d’équipement collectifs et de délivrance de services publics, qu’il était lui-même à l’origine incapable de mettre en œuvre. Et inversement, d’aucuns au sein de l’État et pour justifier les carences observées, mettront en avant la corruption des élites locales et/ou leur incompétence pour s’acquitter de leurs missions de base. La réalité se situe sans doute entre ces deux arguments. 2/ Au niveau de la conduite des policies, l’organisation et le fonctionnement des territoires sont largement dominés par la présence de l’État à tous les échelons et dans toutes les matières de l’action publique. L’État central édicte les normes générales et encadre l’activité des autorités locales grâce à ses démembrements et au maillage (certes inégalement déployé sur le territoire) des services dont il dispose sur les territoires. Il demande à ces derniers de mettre en œuvre ses politiques nationales, de veiller au respect de la loi et d’arbitrer le cas échéant entre les intérêts divergents des acteurs locaux. Il reste que jusqu’aux années 1990, les « performances d’un gouverneur », représentant par excellence de l’État, étaient quasi exclusivement indexées sur sa capacité à maintenir l'ordre public au sens le plus étroit du terme. Cette vision a profondément imprégné les découpages administratifs successifs, l’organisation, le fonctionnement et la culture de l’administration territoriale au détriment de la coordination de l’action publique sectorielle (policies). Du même coup, l’omniprésence de l’État sur les territoires ne s’est pas traduite, à défaut d’une déconcentration véritable, par une capacité à assurer un pilotage cohérent et efficace de l’action des services qui le représente sur les territoires 14. À dire vrai « l’État territorial » n’existe pas, il est assimilé à une juxtaposition d’administrations sectorielles avec des marges de manœuvre très étroites, notamment au niveau budgétaire, en matière de programmation et de conduite des politiques publiques. Cette donne connaîtra certes une évolution avec la définition du « nouveau concept d’autorité » 15 qui s’efforcera de mettre en avant de nouveaux principes qui devront guider le comportement des agents d’autorité. Mais la « définition du nouveau concept d’autorité » et pas moins de huit discours royaux exhortant à la déconcentration n’auront suffi à surmonter les résistances à l’adoption d’une approche globale de la déconcentration. Le dossier est au cœur de l’agenda du gouvernement aujourd’hui aux affaires depuis la réforme constitutionnelle adoptée en juillet 2011.

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Au final, il est permis de relever que si durant cette période, les collectivités élues ne sont pas affranchies de l’emprise de l’État local incarné par la figure du gouverneur, ce dernier et les services extérieurs dont il a la responsabilité de la gestion, ne se sont pas davantage affranchis de la concentration des décisions, des crédits et de la gestion des ressources humaines. Les principaux défis pour l’échelon communal 1/ Le dispositif actuel de la tutelle explique dans une large mesure les faibles dépassements et endettements des CL marocaines tout en bridant les initiatives locales. Le rapport de la Commission Consultative de la Régionalisation (CCR) 16, et la nouvelle constitution montrent clairement un changement de cap pour les prochaines années. La CCR préconise une « simplification des procédures d’exécution et une réforme du contrôle des dépenses allant vers une « logique de responsabilisation des gestionnaires », la suppression du contrôle a priori et le renforcement des contrôles a posteriori et des contrôles d’audit et d’évaluation de la performance ». De même qu’un ensemble de dispositifs est proposé pour pallier les dysfonctionnements identifiés (importance des reports, faiblesse des recouvrements). L’assouplissement de la tutelle dans les questions financières et l’orientation vers un contrôle a posteriori sans laisser les collectivités locales sombrer dans les déficits constitue un premier défi. 2/ Le poids démesuré du petit personnel sans formation, la démotivation des cadres, la faiblesse des capacités techniques, forment autant de défis pour mettre en adéquation compétences juridiques et moyens humains. Cette dernière nécessite aussi bien une réforme du statut du personnel communal qu’une recherche d’appui sur de nouvelles structures techniques (agence…) 3/ Comment mettre en phase compétences juridiques et régime financier. Quelle part de la fiscalité locale ? Quelle autonomie ? Quel contenu donner au fonctionnement de la libre administration ?

6.

L ’annonce d’une nouvelle organisation territoriale : Le projet de régionalisation avancée

La rive Sud et Est de la Méditerranée sont, depuis 2011, le théâtre de bouleversements politiques inédits par leur ampleur, ayant pris des formes variables selon les pays. Elles ont cependant pour trait commun de traduire le réveil des sociétés civiles arabes et leurs aspirations à plus de justice sociale et de liberté. Le Maroc, qui s’est engagé dès la fin du siècle dernier dans un processus de réformes ayant notamment conduit à l’élargissement du champ des libertés publiques n’est pas épargné par cette évolution. Cependant, si à la différence des autres pays, la transition politique amorcée a permis de contenir les revendications en prévenant toute évolution convulsive, elle n’en a pas moins accentué la pression sur les dirigeants. Cette dernière s’est traduite par des appels à une reconsidération de l’ampleur d’un processus de réformes qui semblait marquer le pas, et à l’accélération de son rythme d’exécution pour répondre plus directement aux aspirations des catégories sociales les plus vulnérables. Anticipant sur les attentes des marocains et de ses partenaires internationaux, le Maroc a annoncé dès le mois de mars 2011, un vaste chantier de réformes politiques et institutionnelles d’une ampleur inégalée, que consacre la révision constitutionnelle adoptée par référendum en juillet 2011. Cette réforme accorde une large place à la réorganisation de l’ordre territorial du Royaume. Elle a été précédée par les travaux d’une Commission consultative d’experts chargés par le Roi en janvier 2010 d’élaborer un projet de « régionalisation élargie » pour le Maroc. (CCR) Placé sous le double signe d’un approfondissement de la décentralisation, notamment régionale, et d’une relance de la déconcentration, le projet de « régionalisation avancée » fonde le nouvel ordre territorial constitutionnel. Ordonné autour d’une double exigence d’approfondissement démocratique et de renouveau de l’action publique, il est appelé à devenir « le socle de l'édifice institutionnel de l'État Marocain 17» à l’aune duquel seront conçues et mises en œuvre les dispositions de la nouvelle constitution.

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La réforme de l'organisation territoriale du royaume est d’abord envisagée à travers l’adoption d’une loi organique sur les collectivités territoriales qui comporte pas moins de neufs matières touchant autant au régime des compétences, aux conditions d'exécution des délibérations en passant par le régime financier et fiscal. Autant dire que d’une certaine manière, le « processus constituant » n’est pas achevé, et qu’une mise à plat du cadre légal et réglementaire relatif à la décentralisation est incontournable. Les nouvelles dispositions constitutionnelles marquent t une évolution incontestable en matière de décentralisation des pouvoirs. On y retrouve pour la première fois l’affirmation de principes forts tels que : les principes d’organisation décentralisée dans un cadre unitaire, d’élection au suffrage universel direct des conseils régionaux dotés de compétences exécutives, de « libre administration » des collectivités territoriales, d’équivalence entre compétences transférées et ressources allouées, le principe de subsidiarité comme clé de répartition des compétences, enfin le principe de contractualisation État régions. Toutefois, et par-delà le formalisme des principes retenus et des intentions qu’ils traduisent, un point fondamental demeure qui fait toute la difficulté de l’entreprise. Il tient à la faible consistance de départ du fait régional aux plans administratif, politique et économique, et des retards accusés en matière de déconcentration. C’est pourquoi, paradoxalement le projet de régionalisation au Maroc, loin de désigner une simple montée en puissance d’un pouvoir régional élu, concerne au premier chef l’État, qui en est à la fois l’objet et l’auteur : i) l’objet, car la régionalisation est entendue dans une première séquence temporelle comme un renforcement de la déconcentration régionale. ii) l’auteur, car la reconnaissance institutionnelle de la collectivité régionale élue ne conduira pas ipso facto à un transfert de compétences par blocs, mais sera plus surement régulé par l’État au moyen de l’outil contractuel. De même que le choix d’un mode de scrutin régional fondé sur des listes préfectorales participent du même souci de maîtrise de cette évolution que les pouvoirs publics veulent à la fois progressive et graduelle. Constats et mise en perspective des défis Au regard de cette évolution globale et de ses incidences sur les transformations attendues de l’ordre territorial suite à la réforme constitutionnelle, nous dressons trois constats analytiques : Le premier tient dans le fait que le projet de régionalisation tel que le décline la constitution dans ses grands principes est ambivalent dans sa portée. Il comporte d’un côté des éléments novateurs incontestables susceptibles de renforcer la décentralisation, mais simultanément inscrit l’évolution de cet ordre dans la permanence d’un équilibre où l’État garde la maîtrise du processus de décentralisation régionale. Le deuxième constat est que cette ambivalence, « entretenue » par le niveau de généralité des principes constitutionnels qui laissent des marges d’interprétation divergentes, est liée à la précipitation dans laquelle la nouvelle constitution a été élaborée. Ainsi, il est un fait que le texte constitutionnel renvoie l’essentiel des dispositions relatives aux collectivités territoriales à des lois organiques qui, elles, détermineront réellement l’orientation que prendra le processus. Autant dire sur ce plan que le processus constituant n’est pas clos. Notre troisième constat est que l’absence de visibilité à ce jour (soit 2 ans après la réforme constitutionnelle) sur cette réforme et notamment les retards enregistrés dans l’ouverture d’un débat sur le mode d’opérationnalisation du chantier de la loi organique, traduisent un certain embarras de l’État, et à dire vrai, son impréparation pour mettre en perspective et conduire une telle réforme dans le respect des dispositions constitutionnelles. Pour conclure, sur ce qui est appelé à devenir l’acte II de la décentralisation au Maroc, il importe de noter que l’opérationnalisation du chantier de la régionalisation, dans le contexte post « printemps arabe », et donc sur fond de pressions exercées par les citoyens qui réclament un droit d’accès aux services publics, va immanquablement au-devant d’une controverse sourde opposant l’État aux Élus. C’est pourquoi ces derniers ne manifestent paradoxalement pas un enthousiasme particulier à voir ce projet entrer en application dans un contexte de crise économique. En effet, comme le soutient un élu « la crainte de voir l’État par cette réforme, décentraliser les problèmes vers les régions, sans transférer les ressources nécessaires à leur solution » est réelle. Du côté de l’État, la pression des attentes post-constitutionnelles tend à ordonner l’agenda public autour d’une priorité centrale que l’on peut condenser dans l’énoncé suivant : Comment sécuriser une transition tous azimuts, dans un contexte contraint par la

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complexité croissante des sujets à aborder, la maturation forcement lente des réformes territoriales et des ressources budgétaires mobilisables limitées. Autrement dit comment repositionner l’État sur les territoires mais sans le fragiliser, pour donner un contenu à l’article 1 de la nouvelle constitution qui stipule que « l'organisation territoriale du royaume est décentralisée, fondée sur une régionalisation avancée » ?

7.

L ’appui international à la décentralisation : constats et propositions

Les partenaires intervenant au Maroc dans le champ de la décentralisation et/ou du développement local sont nombreux, multilatéraux (PNUD, Banque mondiale et UE) et bilatéraux (USAID, ACDI, GIZ, Coopération espagnole). Mais seule la Coopération bilatérale française intervient dans le domaine de la déconcentration. Mais ces coopérations ne sont pas positionnées de la même manière ni sur les mêmes matières. Certaines sont centrées sur l’appui aux processus de réforme en cours en matière de décentralisation et de déconcentration. (coopération française ) et concernent nt autant l'administration centrale (DGCL) que territoriale du ministère de l'intérieur que les collectivités territoriales à travers notamment la coopération décentralisée 18. (voir étude pad-Maroc ). D’autres, appuie des cations de reformes sectorielles de services publics urbains (transport, gestion des déchets, assainissement, …) et travaillent en général avec la DGCL et des collectivités pilotes; c’est le cas de la Banque mondiale et de la GIZ et de l’Union Européenne (assainissement) en particulier. Enfin, d’autres ciblent des collectivités locales avec lesquelles sont conduites des actions en matière de formation des personnels à la gestion communale. (USAID). Sur les territoires, La délégation de l’Union Européenne se distingue surtout par son appui à l’Initiative Nationale de Développement Humain (INDH) qui participe plutôt du développement local. (64 millions d’euros soit 7 % du total). Dans le domaine de la décentralisation, en revanche, il y n’y a eu que très peu de coopération, bien que l’UE ait apporté une assistance technique de long terme à la DGCL (deux assistants techniques et des expertises ponctuelles, de mai 2008 à avril 2011) dans les thématiques de la planification stratégique participative et notamment l’élaboration des Plans Communaux de Développement (PCD) ; la maîtrise d’ouvrage communale et la gestion déléguée des équipements ; et enfin l’intercommunalité. La Commission Européenne lance par ailleurs des appels à projets en direction des collectivités locales, dans le cadre de plusieurs de ses programmes (PACT, CIUDAD, ANE-AL). La reforme territoriale portée par la nouvelle constitution de 2011 est prometteuse mais à ce jour encore à l’état virtuel. À maturation lente de son opérationnalisation réclame un accompagnement et un appui sur trois plans. 1. U n appui technique autour d’une logique de projet cofinancé , afin de renforcer les capacités des collectivité locales dont l’émancipation n‘est pas qu’affaire juridique mais suppose le développement de capacité en matière de maitrise d’ouvrage sur des projets. Plusieurs projets de coopération décentralisée conduit au Maroc ont constitué, au-delà des réalisations propres auxquels sont attaché les élus , de puissants leviers d’autonomisation des collectivités locales dans la gestion de services publics. (Agadir) 2. U n appui à la structuration de plate-forme multiservices cogérée par les élus fondé sur une mutualisation des moyens des collectivités locales débouchant sur la mutualisation d’une offre de formation des personnels, de l’appui technique à l’organisation interne des collectivités en matière d’organisation, de gestion, et de montage de projets et de planification. Plusieurs expériences de planification communale menées par des élus accompagnés par des programmes internationaux (UNICEF, USAID, CRDI) ou nationaux (ADS) ont été probantes notamment en milieu rural. Ainsi l’expérience de l’UNICEF, sans doute la plus aboutie, a montré une capacité d’appropriation par les maires les plus dynamiques et de plaidoyer permettant de mobiliser des fonds 10 fois supérieurs aux recettes communales auprès des bailleurs de fonds sur la base d’un plan de développement communal. Un bilan et évaluation de ces expériences restent à faire, mais la mobilisation des compétences locales, la remontée des priorités de certaines catégories de population, le gap chiffré entre besoins et moyens locaux,… restent autant d’éléments qui renforcent la place des pouvoirs de la commune dans son territoire.

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3. Un appui à la structuration des associations de collectivités locales 19, fin qu’elle s’acquittent de leur rôle de plaidoyer en faveur de la décentralisation et d’interlocuteur de l’État sur tous les sujets en relation avec la réforme de pouvoirs locaux.

Notes : 9

Remy Leveau, « le Fellah marocain défenseur du Trône », Presses de la FNSP, Paris, 1976.

10

L a nouvelle constitution de juillet 2011 stipule, comme l’ancienne, que « Dans les collectivités territoriales, les walis de régions et les gouverneurs de provinces et préfectures représentent le pouvoir central. Au nom du gouvernement (…) ils mettent en œuvre les règlements et les décisions gouvernementales et exercent le contrôle administratif. (…) Sous l’autorité des ministres concernés, ils coordonnent les activités des services déconcentrés de l’administration centrale et veillent à leur bon fonctionnement.»

11

. Ibrahimi ; « Appréciation de la régionalisation à l'ombre de la recomposition politique et institutionnelle », REMALD, M n° 19, avril juin 1997.

12

programme de mise à niveau de Casablanca (2007-2016) concerne la voirie, le transport, des équipements communaux Le et des espaces verts. Il nécessite 3,5MM de Dhs répartis entre l’État (37 %), un emprunt de la CUC Commune Urbaine de Casablanca (37 %), la CUC (15 %) et 11 % de la Région et de la préfecture de Casablanca. 13

rogramme d’électrification en milieu rural (PERG),programme alimentation en eau potable,(PAGER) programme p national des routes rurales (PNRR) 14

15

oir A. Bouabid, L Jaïdi, « Déconcentration et gouvernance des territoires : Quatorze recommandations pour un débat », V Document de travail, « Programme de réforme de l’action publique – FAB », 2007.

ctobre 1999, annonce par le souverain à l’adresse des gouverneurs notamment du « Nouveau concept d’autorité » O présenté comme « l'instrument qui veille sur le service public, gère les affaires locales, préserve la sécurité et la stabilité, protège les libertés individuelles et collectives, et est ouvert sur les citoyens et en contact permanent avec eux pour traiter leurs problèmes sur le terrain en les y associant. »

16

ommission consultative d’experts chargés par le Roi en janvier 2010 d’élaborer un projet de « régionalisation avancée » C pour le Maroc.

17

otons que la nouvelle constitution de juillet 2011 introduit aussi un changement dans l‘équilibre des pouvoirs entre l’État N et la collectivité élue au niveau des provinces & préfectures, en confiant l’exécution des délibérations et décisions de ces Conseils à leurs présidents.

18

Voir « Évaluation du Programme D’accompagnement Du Processus de Décentralisation Marocain (PAD-Maroc) », Rapport final, France, MAEE, DGMDP, Mission de la Gouvernance Démocratique, juin 2012, F. Brunet, A. Bouabid, V. Follea, F. Alcandre.

19

oir, « Éléments de préfiguration pour la création d’un Centre de Ressources », in « projet de renforcement de capacités des élus V régionaux au Maroc » ; EIDHR/2010/242-426, Association des Régions du Maroc (ARM) Fondation Abderrahim Bouabid Dossier de projet – Avril 2013.

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4. ALGéRIE 1.

Historique et caractéristiques de l’organisation territoriale

L’histoire de la décentralisation en Algérie remonte à l’indépendance du pays en 1962. Le territoire est administré par les organes déconcentrés de l’État, à savoir le Wali (préfet) et le chef de Daira (sous-préfet). Dès 1963, le décret 63-189 réorganise les communes issues de la colonisation française, réduisant leur nombre de 1535 à 676 et maintenant la division du territoire en quinze départements. Les pouvoirs des communes sont recentralisés dans le cadre de délégations spéciales désignées par l’administration, qui se substituent aux conseils municipaux. La nouvelle organisation territoriale se concrétise en 1967 avec l’ordonnance 67-24, qui crée le code communal, organise la commune, spécifie ses attributions et prévoit son financement. Ce code établit que la commune est la « collectivité territoriale politique, administrative, économique, sociale et culturelle de base ». En 1984, une nouvelle loi accroit le nombre de collectivités territoriales. Le pays compte désormais 48 wilayas et 1541 communes. En 1988, le législateur déconcentre la gestion des plans communaux de développement au niveau des Walis. Ces plans sont mis en œuvre par les communes, qui doivent soumettre leurs projets de développement à l’approbation du Wali. Ces projets, essentiellement d’infrastructures urbaines, de transport ou d’assainissement, sont fonction de l’enveloppe budgétaire que l’État consacre annuellement aux communes. Dans le prolongement de la Constitution de 1989, qui consacre le pluralisme politique et le principe de la séparation des pouvoirs, le code communal est redéfini par la loi 90-08 en 1990, qui précise que la commune est dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière. En 2011 enfin, la loi n°11-10 redéfinit le code communal. La géographie a par ailleurs un impact considérable sur l’organisation territoriale du pays. L’espace algérien est caractérisé par une très forte concentration de la population : près de 90 % des habitants sont concentrés sur les 12 % de la partie Nord du territoire 20. Cela s’explique par les disparités physiques entre terres agricoles au Nord et régions désertiques au Sud, mais aussi par les mouvements de population liés à l’exode rural après l’indépendance et au cours de la décennie noire du terrorisme dans les années 1990 notamment. Entre 1987 et 1998, la population vivant en zone rurale enregistre une baisse de plus de 1,3 million d’habitants. La population urbaine passe, quant à elle, de 53 % en 1966 à 86 % selon le dernier recensement de 2008 pour atteindre 29,21 millions de personnes. Le pays demeure fortement centralisé. Depuis l’indépendance, la recherche de légitimation de l’État-nation apparait comme une priorité constante. Pendant la décennie de guerre civile, qui entraine entre 200 000 et 300 000 victimes, l’État se préoccupe avant tout d’assurer l’intégrité du territoire et la sécurité nationale. Ce passé récent a un impact fort sur la vie institutionnelle et politique du pays. À la différence de ses voisins tunisien et libyen, l’amplitude du mouvement algérien est maitrisée pendant le printemps arabe, même si le pays connait des changements politiques importants. En mai 2012, toutes les formations politiques sont autorisées à participer aux élections parlementaires au cours desquelles 30 % des sièges sont réservés à des femmes. Le Front de libération nationale (FLN), au pouvoir, remporte la majorité des sièges (220 sur 462) et l’Alliance verte, un groupement de trois partis islamiques modérés, obtient 49 sièges. Dirigé par le Premier ministre Abdelmalek Sellah, le nouveau gouvernement poursuit depuis septembre 2012 la mise en œuvre du plan de développement 2009-2014. Celui-ci se concentre sur les investissements publics dans les infrastructures, les services sociaux, la création d’emplois et la diversification de l’économie. Au pouvoir depuis 1999, un record de longévité en Algérie, Abdelaziz Bouteflika a convoqué lesélections présidentielles le 17 avril 2014. Absent de la scène publique depuis plusieurs mois pour raisons de santé, il ne s’est pas encore prononcé sur un éventuel quatrième mandat présidentiel. Le pays pourrait connaitre prochainement une nouvelle donne politique. Enfin, le profil économique du pays a également une influence sur les choix politiques effectués depuis quelques décennies. Le secteur des hydrocarbures représente environ un tiers du PIB du pays et 98 % de ses exportations. Tout en façonnant l’architecture de l’économie, il contribue en même temps à freiner les efforts pour développer une alternative aussi bien politique, économique que sociale.

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Ve recensement général de la population et de l’habitat, Armature urbaine, Office national de la statistique, Algérie, 2008.

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2.

Cadre juridique

La Constitution algérienne établit, dans son article 15, que « les collectivités territoriales de l’État sont la commune et la wilaya », et dans son article 16, que « l’assemblée élue constitue l’assise de la décentralisation et le lieu de participation des citoyens à la gestion des affaires publiques». Elle ne comporte pas de chapitre dédié aux collectivités locales. Le principe de la libre administration de ces collectivités n’y figure pas non plus. D’après l’article 1er de la loi 90.08 du 7 avril 1990 relative à la commune, « la commune est la collectivité territoriale de base dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Elle est créée par la loi. » Elle a un territoire, un nom, et un chef lieu (article 2), et un organe délibérant élu au suffrage universel, l’assemblée populaire communale, et un exécutif (article 3). Enfin, elle est dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Aujourd’hui, le territoire algérien est composé de 48 wilayas (départements), 535 dairas (circonscriptions) et 1541 communes. La wilaya est le principal niveau d’administration territoriale. Il constitue à la fois une administration déconcentrée et une collectivité territoriale dotée d’une assemblée populaire. Les communes couvrent l’ensemble du territoire national. Les dernières élections des assemblées populaires communales et des assemblées populaires des wilayas se sont tenues en novembre 2012.

3.

Ressources des collectivités locales

Les ressources des collectivités locales sont déterminées par l’État central, qu’il s’agisse du Fonds commun des collectivités locales (FCCL) ou de la fiscalité locale. Le FCCL comporte deux lignes: le Fonds de solidarité et le Fonds de garantie. – Le Fonds de solidarité est composé de la dotation de péréquation et de la subvention d’équipement. Les fonds de péréquation ont pour objectif de réduire les disparités de ressources entre différentes communes et entre différentes wilayas. D’un montant de 66,3 milliards de dinars pour l’année 2010, ils s’inscrivent dans la rubrique fonctionnement des budgets locaux. Ils représentent environ 5 % du Fonds de solidarité. Les subventions d’équipement aux communes représentent ensuite environ 40 % du budget. À cela s’ajoute des subventions exceptionnelles versées aux communes déficitaires, qui soit sont dans l’incapacité de couvrir leurs charges, soit font face à des catastrophes naturelles, ainsi que des subventions pour la réfection des écoles primaires et la réalisation d’antennes administratives communales. – Le Fonds de garantie compense les moins-values fiscales enregistrées par les communes. D’un montant de 72,6 milliards de dinars en 2010, cette dotation provient de la contribution obligatoire fixée annuellement à 2 % des prévisions fiscales des communes et des wilayas. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) reversée aux collectivités locales depuis 1992, représente également une moins-value, son taux étant passé de 17 % à 15 %. La fiscalité locale est constituée des impôts suivants: la taxe foncière, la plus importante en termes de ressources, la taxe sur l’activité professionnelle, le versement forfaitaire sur les traitements, salaires, indemnités et émoluments, et la taxe d’assainissement et d’enlèvement des ordures ménagères. Les autorités ayant reconnu l’inadéquation entre le niveau de ressources des collectivités locales et leurs attributions, crééntcréent en 2007 un comité interministériel sur la réforme de la finance et de la fiscalité locales. Le diagnostic du comité comprend les éléments suivants : une trop grande mosaïque d’impôts et de taxes, une forte disparité de rendement entre ces différents impôts et taxes, une structure fiscale favorisant les régions industrielles ou commerciales, un faible rendement des impôts assis sur le patrimoine, et une faiblesse de la ressource humaine locale. Plusieurs mesures sont prises, comme par exemple la prise en charge des dettes des assemblées populaires communales, l’affectation au profit des communes de 50 % du produit de l’IRG sur les revenus locatifs et l’ouverture de plus de 3000 postes de cadres financiers et comptables dans les communes. D’autres sont à l’étude, comme la simplification du système fiscal local et la réforme du système de solidarité inter-collectivités.

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Enfin, plusieurs programmes centralisés dédiés au développement local sont mis en œuvre par les collectivités après sélection et financement par l’État. On peut relever les programmes communaux de développement, le programme de soutien à la relance économique ou encore le Programme du Fonds du Sud.

4.

Enjeux et défis

En Algérie, la question de la décentralisation est essentiellement perçue par le pouvoir central à travers le prisme de la force et de la vitalité de l’État nation. C’est ainsi que les différentes étapes d’organisation territoriale conduisent avant tout à une déconcentration des circonscriptions administratives au détriment d’un véritable partage des pouvoirs et des responsabilités avec des collectivités locales élues. Plutôt que de permettre l’émergence d’une autonomie, elles accroissent la présence de l’État dans les territoires. La décentralisation reste par conséquent un concept largement théorique et rhétorique. Le partage effectif des pouvoirs selon le principe de subsidiarité constitue l’enjeu premier dont découlent ceux qui suivent ci-après. Selon le code communal, la commune est dotée d’une clause de compétence générale. Ses compétences sont définies de façon très large, ce qui, étant donné ses moyens financiers et humains limités, ne permet pas leur exercice effectif. Dans ce contexte, ce sont principalement les services déconcentrés de l’État qui mettent en œuvre les politiques sectorielles, y compris celles qui relèvent de la compétence des autorités décentralisées. Cette situation impose une clarification des compétences des collectivités locales et des modalités de leur transfert. Ensuite, le taux de cadres dans le personnel des communes est faible et largement inférieur à celui que connaissent les administrations centrales. Le transfert de personnel qualifié, la mise en œuvre de plans de formation mais aussi l’amélioration des conditions de travail et de carrières pour fidéliser les cadres constituent des enjeux majeurs pour accroitre l’efficacité des administrations locales et leur crédibilité auprès des citoyens. Concernant le sentiment d’appartenance et la participation des populations aux affaires locales, le chantier est immense. Etant donné la prédominance de l’État central, peu de citoyens se sentent concernés par ce qui se passe au niveau local ou se tournent vers les autorités locales. Les textes ne prévoient pas de possibilité de participation ou d’engagement des citoyens dans la gestion des affaires locales. Ces défis ne peuvent être considérés sans référence à la question du financement des communes, qui se pose avec acuité. Les transferts de l’État aux collectivités demeurent difficilement prévisibles et compréhensibles pour les collectivités locales, qui en outre ne disposent pas de mécanismes de fiscalité locale autonomes. Sur le plan de la gestion budgétaire, il convient de noter que de nombreuses communes sont en situation de déficit de manière structurelle, ce qui révèle des faiblesses importantes dans les capacités de gestion et d’évaluation de la dépense publique.

5.

Appui de l’UE et recommandations

Partenaires stratégiques, l’Algérie et l’UE sont liées par un Accord d’association, ayant vocation à structurer l’ensemble de leurs rapports, qui entre en vigueur en 2005. Le total des programmes bilatéraux de l'UE en cours, hormis ceux des États membres, s'élève à environ 250 millions d'euros. La coopération poursuit les objectifs suivants: ➜ appui aux réformes économiques et au renforcement des institutions de l'économie de marché dans la perspective d'un développement durable, ➜ développement des infrastructures économiques, ➜ développement des ressources humaines, ➜ consolidation de l'État de droit et de la bonne gouvernance.

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Dans le cadre du programme de Soutien au Partenariat, à la Réforme et à la Croissance inclusive (SPRING), la Commission européenne adopte, en 2013, un programme d’appui à la gouvernance de 10 millions d’euros au bénéfice de l’Algérie. Ce nouveau programme vise à renforcer les institutions de gouvernance dans les domaines économique et politique. Les objectifs du programme consistent à consolider l'État de droit, y compris l’accès à la justice, à renforcer la lutte contre la corruption, à encourager la participation de tous les citoyens aux processus de développement, et à améliorer le suivi de la gestion des finances publiques. Selon Štefan Füle, Commissaire chargé de l’élargissement et de la politique européenne de voisinage, “le programme appuiera notamment la création d’espaces de dialogue entre le Parlement (Assemblée Populaire Nationale) et la société civile, améliorera l’accès du citoyen à la justice et renforcera la vérification externe des dépenses publiques et le suivi-évaluation de la performance des services publiques» 21. Concrètement, des missions d'accompagnement et d'assistance technique de court terme, des jumelages, des formations à court terme par des experts d’institutions publiques de l’UE (avec le programme TAIEX) sont mis en place. Pour la période 2007-2013, quatorze wilayas algériennes sont éligibles au programme de coopération transfrontalière « Bassin méditerranéen » d’un montant de 200 millions d’euros qui finance des projets d’envergure régionale. Dans le cadre du programme régional CIUDAD, coopération en matière de développement urbain et de dialogue, deux projets sont mis en œuvre avec des collectivités algériennes sur la période 2010-2013. Le premier, « De la ville pilote à la ville durable : réinventer les villes nouvelles » implique la Ville nouvelle de Sidi Abdellah et l’Etablissement Public d’Aménagement de l’Agglomération Nouvelle de Sidi Abdellah. Le second, « Promotion d’une gestion intégrée et durable des déchets solides urbains dans les pays du Maghreb », réunit pour l’Algérie, la commune et l’université de Sétif. Pour la période 2012-2015, le programme “Des villes méditerranéennes plus propres et moins énergivores” soutient les efforts des autorités locales des pays du voisinage Sud pour répondre plus activement aux défis de la politique durable. D’un montant de 4,4 millions d’euros, le programme concerne les pays suivants: Algérie, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Libye, Maroc, Territoire palestinien occupé, Syrie et Tunisie. Les programmes et instruments thématiques, tels qu’ “Organisations de la société civile et autorités locales” (OSC-AL) ou “démocratie et droits de l’homme” (IEDDH) constituent des opportunités accessibles aux acteurs locaux à partir d’appels à propositions. Cependant, au cours de ces dernières années, seuls deux projets en lien avec la gouvernance locale voient le jour avec le soutien de l’UE en Algérie. Il s’agit de projets dans le cadre du programme ANE-AL. L’un est mis en œuvre par l’association El Ghaith avec 34 communes de la wilaya de Bordj Bou Arreridj pour renforcer les capacités du réseau associatif de développement communautaire et rural. L’autre est mis en œuvre par l’association Proyecto Local et vise le renforcement de la démocratie locale et de la vie associative au Maroc et en Algérie. D’une manière générale, les projets réalisés en Algérie concernent en priorité le renforcement du mouvement associatif, la prévention des violences faites aux femmes et l’accès aux droits des personnes en situation de handicap. Recommandations à l’attention de l’UE : ➜ P rendre contact et engager un dialogue avec les exécutifs des principales assemblées populaires communales et des assemblées populaires des wilayas pour à la fois identifier leurs besoins, connaitre leurs modes d’action, et les informer sur les programmes de l’UE, ➜ D resser le bilan des programmes et projets de développement local menés avec le soutien de l’UE, et échanger avec les porteurs de projets de la société civile qui y ont pris part afin d’identifier des pistes d’action, ➜ S outenir les initiatives de la société civile visant une plus grande participation des citoyens dans la gestion des affaires locales, ➜ S outenir les efforts de formation des personnels territoriaux et des élus locaux, par exemple dans le cadre de jumelages TAIEX, qui gagneraient à être mieux connus des acteurs et administrations locales, ➜ E ncourager les partenariats entre collectivités européennes et collectivités algériennes en les axant sur le développement local, ➜ O uvrir une ligne de financement destinée aux autorités locales algériennes dans le prochain programme annuel d’action OSC-AL.

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C ommuniqué de presse, SPRING, 4 août 2013

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5. TUNISIE 1.

Histoire et caractéristiques de l’organisation territoriale

En Tunisie, la décentralisation occupe souvent une place importante dans la rhétorique politique, sans pour autant aboutir à une application réelle. Le système politique et administratif tunisien institué au lendemain de l’indépendance en 1956 demeure fortement centralisé, entrainant un développement inégal des différentes régions du pays. Ces disparités sociales et territoriales nourrissent les mouvements de contestation qui éclosent fin 2010. C’est à Kasserine, une ville moyenne de l’Ouest du pays, rongée par le chômage et délaissée par les pouvoirs publics, que la Révolution de janvier 2011 éclate. Un chemin long et tortueux est parcouru depuis janvier 2011. Avec le vote de la Constitution par l’Assemblée Nationale Constituante le 26 janvier 2014, le pays vit une période historique, tournée vers l’espoir d’un avenir démocratique et d’un développement plus équilibré de ses territoires. Plusieurs paramètres sont à prendre en considération dans l’analyse du contexte historique, économique et urbain. – Le cas de Tunis La capitale, centre économique et politique du pays, connait une croissance considérable depuis les années 1950. Contre 560.000 habitants au lendemain de l’indépendance, la ville compte aujourd’hui plus d’1 million d’habitants selon l’institut national de la statistique. Sur la même période, son amplitude spatiale passe de 15 à 60km, de Tebourba au nord et Soliman au sud. Différentes logiques à l’œuvre modifient la géographie de la capitale. Au cours des décennies 1960-1970, la ville européenne se vide de ses occupants au profit des cadres de l’administration tunisienne. La médina, quant à elle, est progressivement habitée par les migrants ruraux qui contribuent à sa forte densification (160.000 habitants en 1965). En 2010, la réhabilitation des quartiers d’habitat spontané est à l’origine du dépeuplement progressif de la médina et du centre européen, conduisant à une migration résidentielle vers les quartiers d’El Menzah. Le contraste est significatif avec les autres villes du pays. Sfax, la deuxième ville tunisienne, compte 231 000 habitants. – Les modèles de développement et d’aménagement du territoire Au niveau national, compte tenu de leur impact sur la cohésion du territoire, trois phases de développement successives peuvent être identifiées entre 1960 et les années 2010. * Les années 1960 sont caractérisées par l’adoption d’un modèle de développement basé sur une industrialisation par substitution d’importation. Ce modèle a pour objectif de créer un marché intérieur, de promouvoir le développement industriel par la création de pôles de développement 22, ainsi que d’assurer un équilibre entre les différentes régions. Pour ce faire, l’État engage également la modernisation de la petite propriété agraire, à travers la création d’un système de coopératives agricoles 23. L’État généralise le système en 1969, portant le nombre de coopératives de 345 à 861 pour une superficie de 3 millions d’hectares. Cette restructuration de la propriété agraire ne modifie pas la structure foncière, mais favorise l’exode rural vers la capitale. La nationalisation des terres des colons en 1964 d’une part, ainsi que la dissolution des habous 24, permettent à l’État de constituer un important portefeuille foncier. Durant les années 1960 les préoccupations des pouvoirs publics sont centrées sur le développement économique, sans qu’aucun instrument de planification urbaine ou d’aménagement du territoire ne soit mis en place. * Entre 1970 et 1985, un nouveau modèle centré sur l’appel aux capitaux extérieurs est mis en œuvre. Les limites de la planification économique des années 1960 dues, entre autres à l’échec de l’expérience de collectivisation, conduisent le gouvernement à opter pour un modèle fondé en priorité sur l’encouragement de l’initiative privée tout en s’appuyant sur l’apport du secteur public consolidé, et en préservant les coopératives encore fonctionnelles ou créées dans le cadre des agro-combinats. Du point de vue juridique, cette période voit la promulgation du Code de l’Urbanisme en 1979, qui se substitue au décret de 1943. En 1972, le Grand Tunis est institué en territoire du District de Tunis et doté d’un organisme technique, chargé d’assurer la planification, le contrôle et le suivi de l’urbanisation de la capitale. Le transport, la circulation et les infrastructures sont réalisés en 1974 ainsi que les schémas directeurs routiers du Grand Tunis, les schémas directeurs d'assainissement, d'électricité et d'eau potable du Grand Tunis. Au cours de la première moitié des années 1980, le schéma national d’aménagement du territoire accompagné de six schémas régionaux est élaboré. P ôles de Kasserine (Cellulose), de Menzel Bourguiba (Acier), de Sfax et Gabès (Chimie) 1 5 coopératives dans le Nord de la Tunisie pour une superficie de 8.800 hectares. Fin 1968, les coopératives étaient au nombre de 345 pour 373.000 hectares. 24 B iens de main-morte 22 23

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* À partir de 1990, un nouveau contexte national et international conduit l’État à libéraliser l’économie à travers l’adoption d’un programme d’ajustement structurel. Au plan institutionnel, sous l’influence de ce contexte, le découpage du territoire est affiné, et le nombre de gouvernorats porté à 24. En outre, le nombre de communes passe de 200 en 1995 à 264 en 2000. Dans les faits, il s’agit essentiellement d’une déconcentration, une situation qu’A. Rallet qualifie de verrouillage institutionnel, « le développement régional {consistant} à définir des axes de développement sectoriel et à les traduire en projets d’investissements 25 ». Entre 1990 et 2000, l’ouverture de l’économie nationale à l’économie mondiale voit la promulgation du code de l’aménagement du territoire et de l’urbanisation (CATU). Entre les années 1970 et 2010, le développement de l'aménagement du territoire connait sa pleine mesure. Au cours des années 1970, aussi bien du point de vue juridique, institutionnel que technique, de nombreuses dispositions et dossiers techniques sont mis en œuvre dans un contexte caractérisé par le redéploiement des politiques urbaines et notamment l'habitat, le transport et les activités. Toutefois, les politiques d'aménagement du territoire et d'urbanisme souffrent d’un manque de coordination, et ne sont pas en mesure de maîtriser le développement de l'habitat spontané et l'étalement spatial des villes. – État des lieux de ce modèle De nombreuses analyses de l’aménagement du territoire permettent de mettre en évidence les caractéristiques suivantes : * L’accroissement des disparités entre littoral et régions intérieures. Les évènements survenus dans les régions intérieures, qui déclenchent la révolution et renversent le régime, résultent d’une absence de régulation du développement économique entre les régions intérieures et le littoral. Ainsi, en dépit de leur multiplicité, les schémas directeurs d’aménagement (S.D.A.) n’ont pas d’impact réel sur les régions intérieures. Conçus comme des instruments de régulation du développement économique, les SDA ne sont pas pris en compte par les autorités centrales et régionales. Ils servent de faire-valoir auprès des régions intérieures. * La déconnection des politiques urbaines et de l’aménagement du territoire et l’absence de maîtrise de la croissance urbaine. Les 35 dernières années se traduisent par de nombreux dispositifs différents en matière de planification urbaine comme par exemple la création en 1974 d'un organe de planification du grand Tunis et le remplacement en 1992 du District de Tunis par un bureau d'études public chargé d'assister les communes du grand Tunis. Ces actions multiformes correspondent à des logiques de régulation interne et de recherche de légitimation à l'échelle internationale. – L’impact de la Révolution de 2011 Fin 2010, suite à l’immolation par le feu d’un jeune marchand ambulant dont la marchandise a été confisquée par les autorités à Sidi Bouzid, le mouvement de protestation, non-violent, enfle à travers le pays. Il aboutit au départ du président Zine el-Abidine Ben Ali, au pouvoir depuis 1987. Suite à la dissolution des Conseils municipaux début 2011, des délégations spéciales sont nommées pour administrer les communes dans l’attente d’élections municipales. Au niveau national, plusieurs gouvernements de transition se succèdent avant l’élection de l’Assemblée nationale constituante en octobre 2011. Les travaux sont longs, les divisions politiques profondes. Au cours de cette période, les travaux sur la décentralisation ne font pas l’unanimité, le processus suscitant des craintes d’affaiblissement de l’État. Trois ans après la Révolution, la Tunisie vit aujourd’hui une période historique avec l’adoption le 26 janvier dernier de sa Constitution par l’Assemblée nationale constituante, un an et demi après la présentation du premier projet de Constitution en juillet 2012. Le texte proclame de nouveaux droits civils, politiques, sociaux et économiques. Il introduit par exemple un objectif de parité hommes-femmes dans les assemblées élues. De nouvelles dispositions sont prévues pour les collectivités locales et l’organisation territoriale est modifiée.

25

lain Rallet « Libéralisation de l’économie, problématique de développement régional et routines institutionnelles : le cas de la Tunisie » in Revue Région et A Développement n°2-1995.- p7

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2.

Cadre juridique

La Constitution du 26 janvier 2014 renouvelle le cadre juridique de la décentralisation. Sa mise en œuvre ouvre un vaste chantier de réformes de la législation et des institutions publiques, qui seuls pourront déterminer le changement réel apporté par la Constitution. Concernant l’organisation territoriale, la Constitution engage le pays vers une décentralisation plus avancée avec un échelon supplémentaire, des élections locales et régionales ainsi que le principe de libre administration. Dans le Chapitre I sur les Principes généraux, l’Article 14 est consacré à la décentralisation : « L’État s'engage à soutenir la décentralisation et à l'adopter sur tout le territoire national dans le cadre de l'unité de l'État ». La Constitution consacre les articles 131 à 142 aux autorités locales. L’article 131 fixe les échelons territoriaux suivants : les communes, les départements et les régions, soit un échelon supplémentaire par rapport à l’organisation territoriale antérieure. Ces échelons sont élus, comme le stipule l’article 133 : « Les conseils municipaux et régionaux sont élus au suffrage universel, libre, secret et direct, intègre et transparent. Les Conseils départementaux sont élus par les membres des Conseils municipaux et régionaux. » L’Article 132 établit que « les collectivités locales jouissent de la personnalité juridique et de l’autonomie financière et administrative; elles gèrent les affaires locales conformément au principe de la libre administration ». Enfin, sans préciser lesquelles, l’article 134 indique que les collectivités locales ont des compétences propres, et introduit le principe de subsidiarité. Sur le plan législatif, les communes sont régies par la loi n°75-33 du 14 mai 1975, complétée et modifiée à quatre reprises. L’organisation communale enregistre un mouvement continu d’extension: de 69 en 1956, les communes passent à 134 en 1966 et à 264 en 2012. La population relevant d’une administration communale représente environ 60 % de la population totale. Les 264 communes tunisiennes occupent 30 à 35 % du territoire tunisien alors que le découpage en gouvernorats (préfectures) et en délégations (sous préfectures) couvre la totalité du territoire national. Jusqu’en 2013, le conseil municipal est élu au suffrage universel direct pour une durée de cinq ans. Le maire est élu par le conseil municipal, à l’exception du maire de Tunis nommé par décret parmi les membres du conseil. À l'exception des six grandes communes qui informent le gouverneur de leurs délibérations, les communes tunisiennes n’ont pas d’autonomie effective, leurs délibérations étant soumises à l'approbation de leurs délégués respectifs qui ont le pouvoir d'invalider les décisions du conseil municipal. La Tunisie est également subdivisée en 24 gouvernorats. Le gouverneur, nommé par le président de la République, est à la fois le représentant de l’État dans le gouvernorat et le président du conseil régional. Au plan institutionnel, le gouvernorat est une circonscription territoriale administrative de l’État. C’est aussi une collectivité publique dotée de la personnalité et de l’autonomie financière, gérée par un conseil régional et dirigée par un gouverneur soumis à la tutelle du ministère de l’intérieur. Après l’institution des conseils régionaux en 1989, les gouverneurs deviennent les coordinateurs du développement régional.

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3.

Ressources des collectivités locales

Les 264 communes qui couvrent environ 35 % de l’ensemble du territoire, disposent de ressources financières qui représentent 4 % des ressources de l’État. En matière de fiscalité locale, le rôle principal revient à l’État qui en fixe l’assiette et le taux. La collecte du produit des impôts locaux est de la responsabilité exclusive des services déconcentrés de l’État. Il existe trois mécanismes de transferts financiers de l’État aux collectivités locales : le Fonds commun des collectivités locales, la Caisse de prêts et de soutien aux collectivités locales et les crédits transférés des ministères sectoriels. Tous les montants nationaux de ces transferts sont fixés de manière ad hoc, ainsi que leur répartition aux collectivités locales. Ils sont donc imprévisibles et instables. Ils n’offrent enfin aucune marge de manœuvre aux collectivités locales, car ils sont tous conditionnels 26.

4.

Enjeux et défis

Si l’adoption de la Constitution est une étape essentielle de la transition démocratique, elle n’en reste qu’une étape. Tout dépend désormais de la manière dont elle sera interprétée. Le nouveau gouvernement doit conduire le pays jusqu’aux prochaines élections qui devraient avoir lieu avant fin2014. La préparation des échéances municipales sera un test important pour juger de la force du projet de décentralisation. En effet, les défis qui résultent de la phase politique précédente sont nombreux. – Une centralisation excessive Depuis l’indépendance, le système de gouvernance tunisien se caractérise par sa centralisation et son autoritarisme, qui favorisent l’émergence du patronage politique et de rapports d’allégeance de la population envers l’État. Les gouvernorats fonctionnant comme un prolongement de l’État central maintiennent la décentralisation à un niveau largement théorique. Les compétences des communes sont limitées dans de nombreux domaines : l’enseignement à ses différents niveaux est géré par le ministère de l’éducation, l’assainissement, l’eau et les transports par des établissements publics ou des entreprises publiques nationales. Quand les communes ne sont pas écartées de la mise en œuvre de services essentiels, leurs attributions demeurent peu effectives. Dans ce système, la tutelle de différents Ministères provoque en outre une déconnexion des politiques. La définition des politiques ayant un impact local est assurée d’une manière sectorielle par les Ministères de tutelle, alors que les communes ont comme tutelle le Ministère de l’intérieur. Cette déconnexion entre structures locales et ministères en charge des politiques urbaines et de l’aménagement du territoire, est également à l’origine du faible impact des études d’aménagement du territoire. Lorsqu’un schéma directeur d’aménagement est défini au profit d’une région, ni le gouvernorat, ni les communes, ni les opérateurs publics ne sont en mesure d’engager sa réalisation, et c’est pourquoi, les politiques urbaines et d’aménagement du territoire souffrent d’un manque de complémentarité. Le premier défi de la décentralisation tunisienne est par conséquent la reconnaissance d’une clause de compétence générale aux collectivités locales, à laquelle la loi de 1975 ouvre la voie : la commune est «chargée de la gestion des intérêts municipaux» et elle «participe dans le cadre du Plan national de développement à la promotion économique, sociale et culturelle de la localité». Le transfert de compétences par secteur devrait ensuite en être l’aboutissement. – De fortes inégalités régionales Depuis l’indépendance, les effets économiques et sociaux en matière de développement font que des lieux relativement peu nombreux accueillent toujours plus d’hommes, d’activités et de capitaux. Cette évolution concerne le littoral et en particulier la capitale Tunis, et engendre une concentration à l’origine de contraintes techniques et financières de plus en plus lourdes. Or, l’absence de complémentarité entre décentralisation et développement régional ne permet pas la coordination des acteurs publics, constituant des obstacles considérables à l’aménagement du territoire, notamment des régions intérieures, et provoquant de nombreux retards. Par exemple, la rocade du G.P.1 à Sousse, conçue dans le cadre du Plan directeur d’urbanisme de Sousse réalisé par la Direction de l’aménagement du territoire en 1973, n’est mise en service que quinze ans plus tard en 1988. Les disparités entre les régions intérieures et les régions littorales traduisent l’absence de régulation du développement économique. Depuis quarante ans, les régions intérieures accueillent moins de 15 % des entreprises, touchant ainsi de plein fouet les jeunes restés à l’écart des emplois industriels. 26

L’environnement institutionnel des collectivités locales en Afrique, Cities Alliance, CGLUA, 2013

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Le développement économique des régions intérieures nécessite de nouvelles dynamiques. Ne permettant pas la cohésion du territoire national, le découpage en gouvernorats doit être remplacé par un découpage en régions économiques dirigées et animées par des conseils régionaux dont les membres sont élus, comme l’y invite la nouvelle Constitution. La décentralisation de ces nouvelles régions économiques nécessite un transfert de certaines compétences de l’État ainsi que la création de communes rurales qui contribueront au développement des régions enclavées. Enfin, dans plusieurs régions tunisiennes, des conurbations et des régions métropolitaines se développent, appelant à la création de nouveaux instruments régionaux de planification urbaine. Ces nouvelles structures à l’échelle régionale permettront d’assurer la complémentarité entre décentralisation et développement régional.

5.

Appui de l’UE et recommandations

Depuis 2007, la coopération entre l'UE et la Tunisie est financée dans le cadre de l'Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP), ainsi que dans le cadre du mandat de la Banque européenne d’investissements pour l’octroi de prêts. En 2011, l'UE décide d'augmenter son enveloppe budgétaire pour soutenir la transition en Tunisie et renforcer sa coopération dans les secteurs de la société civile et des médias, dans la consolidation de l'État de droit et le processus électoral, dans le développement régional et local et dans les réformes sociales. La Délégation de l'UE à Tunis prend un rôle de chef de file dans la coordination avec les partenaires techniques et financiers internationaux engagés en Tunisie, notamment dans le secteur de l'appui à la société civile. Le budget du programme de coopération UE-Tunisie, appelé Programme indicatif national (PIN), s'élève à 240 millions d’euros pour la période 2011-2013, auxquels s'ajoutent annuellement, depuis 2011, des budgets complémentaires pour un montant total de 400 millions d’euros. Ces budgets sont renforcés pour lancer plusieurs programmes favorisant la reprise économique et l'emploi, ainsi que le secteur de la santé. La Tunisie bénéficie également de l'Instrument européen pour la démocratie et les droits de l'Homme (IEDDH), du Programme thématique "Organisations de la société civile et autorités locales dans le développement" et du programme régional européen SPRING chargé de répondre aux nouveaux défis socio-économiques et démocratiques auxquels font face les partenaires de la région arabe qui connaissent une transition. En 2011, l’UE accorde une mesure spéciale à la Tunisie à travers un programme d’appui aux zones défavorisées d’un montant de 20 millions d’euros. Dans le prolongement des mouvements de contestation, le pays fait face à une forte baisse du tourisme, des investissements étrangers et une montée de l’insécurité et des violences sociales, ce qui engendre des pertes fiscales et des arriérés de la dette pour les communes. Les autorités transitoires classent les 13 gouvernorats de l’intérieur comme zones défavorisées. Le programme vise la création d’emplois temporaires et d’accompagnement à la réinsertion complétant les dispositifs de l’État (volet mis en œuvre avec l’organisation internationale du travail), l’amélioration des conditions de vie des populations dans les quartiers défavorisés des zones urbaines et la reprise de l’activité économique dans ces quartiers (volet mis en œuvre par l’AFD), et l’accessibilité accrue des services de micro finance dans les zones défavorisées. Les parties prenantes du programme sont : le Ministère de la planification et de la coopération internationale, le Ministère du développement régional, le Ministère de la formation professionnelle et de l'emploi, le Ministère des finances, le Ministère de l'intérieur, la Caisse de soutien et de prêts aux collectivités locales, l’Agence de réhabilitation et de rénovation de l’urbanisme, les municipalités et les gouvernorats. Le Programme d’appui à l’accord d’association et au plan d’action voisinage permet de soutenir de nombreux jumelages dont plusieurs dans le secteur de la décentralisation. Par exemple, le projet de renforcement des capacités institutionnelles du Centre de Formation et d’Appui à la Décentralisation (CFAD) est mis en œuvre avec l’ENA France en 2012. Egalement en 2012, la fondation Konrad Adenauer obtient un cofinancement pour un projet intitulé “renforcer les éléments constituants d'une démocratie: appui aux partis politiques”, mis en œuvre dans huit gouvernorats.

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Avec l’adoption du plan d’action pour un partenariat privilégié en novembre 2012, l’UE s’engage sur le long terme pour soutenir le processus de transition en Tunisie, autour de trois axes principaux : une coopération politique approfondie, une intégration progressive de la Tunisie dans le marché intérieur de l’UE et un partenariat plus étroit entre les peuples. L’UE est particulièrement engagée avec la Tunisie pour promouvoir la décentralisation et la bonne gouvernance locale, renforcer la coopération décentralisée et transfrontalière et améliorer le développement urbain et l’aménagement du territoire. Pour la période 2007-2013, les régions tunisiennes qui bordent la Méditerranée participent au programme de coopération transfrontalière, notamment le programme Italie-Tunisie d’un montant de 25 millions d’euros, et le programme bassin méditerranéen d’un montant de 200 millions d’euros qui finance des projets d’envergure régionale. Enfin entre 2009 et 2013, dans le cadre du programme régional CIUDAD, pas moins de cinq projets réunissent des collectivités tunisiennes dans les domaines suivants: gouvernance locale, intégration des minorités, patrimoine culturel, gestion des déchets et traitement des eaux usées.

Recommandations à l’attention de l’UE: ➜ Soutenir l’organisation des prochaines élections municipales, par une mission d’observation, mais aussi en amont par exemple en soutenant des campagnes d’information publique sur les enjeux des élections, et des initiatives de formation du personnel politique comme ce fut le cas à travers le projet mené par la Fondation Konrad Adenauer en 2012, ➜ Dresser un bilan des nombreux programmes et projets financés par l’UE en Tunisie dans les secteurs de la décentralisation, de la gouvernance locale, du développement local et de la coopération décentralisée, afin de faire ressortir leurs résultats, leurs forces et leurs faiblesses, ➜ Engager un dialogue avec les représentants des communes tunisiennes, et la Fédération nationale des villes tunisiennes (FNVT) pour mieux connaître leurs besoins, leurs enjeux et identifier des pistes de travail communs à travers l’offre des instruments européens disponibles, Dans un souci de consolider et d’améliorer l’expérience acquise, cela pourrait utilement être réalisé en associant aussi les communes ou gouvernorats qui ont déjà pris part à des programmes de coopération, dans le cadre de CIUDAD notamment, ➜ Convier ces acteurs, au minimum la FNVT et les grandes communes tunisiennes, aux réunions d’information et de consultation sur les programmes européens organisées à la Délégation de l’UE à Tunis, et accroitre les efforts d’information sur les opportunités de financement à leur égard, ➜ Ouvrir une ligne de financement destinée aux autorités locales tunisiennes dans le prochain programme annuel d’action OSC-AL, ➜ Soutenir le renforcement institutionnel de la FNVT, outil indispensable au renforcement des pouvoirs locaux tunisiens et au dialogue avec les autorités nationales, ➜ Encourager le développement des conventions de coopération décentralisée entre villes tunisiennes et villes européennes, en tant que laboratoire d’expérimentation sur les pratiques démocratiques à ’échelle locale, ➜ Mieux intégrer les acteurs de la coopération décentralisée dans les programmes d’appui à la décentralisation compte tenu de leurs expériences et connaissance du terrain, leur légitimité et l’appropriation accrue qu’ils favorisent, ➜ Soutenir la mise en œuvre d’un programme national de formation des cadres territoriaux et du personnel communal en général, par exemple à travers le Centre de formation et d’appui à la décentralisation (CFAD), qui dépend du Ministère de l’intérieur, ➜ Soutenir l’élaboration d’une stratégie urbaine au niveau national en concertation avec les collectivités locales, les ONG et le secteur privé notamment.

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6. LIBYE 1.

Histoire et caractéristiques de l’organisation territoriale

Depuis les années 1950, l’organisation territoriale du pays fait l’objet de fréquentes modifications. L’identité très forte des trois provinces historiques du pays, la Tripolitaine, la Cyrenaique, et le Fezzan, nourrit en outre les conflits régionaux et les disparités de développement. La Constitution de 1951 créé un système fédéral fondé sur l’autonomie des trois régions. En 1963, des amendements constitutionnels abolissent ce système et installent un État unitaire. Trois niveaux de gouvernement sont alors institués: 10 gouvernorats (muqat’at), divisés en districts (mutasarrifiyat), eux-mêmes divisés en sous-districts (mudiriyat). Les plus grandes villes telles que Tripoli et Benghazi, sont organisées en municipalités, dirigées par des maires. Après le coup d’État de Mouammar Kadhafi en 1969, plusieurs gouvernorats sont redéfinis et rebaptisés. En 1975, les gouvernorats et leurs services administratifs sont abolis bien qu’ils continuent d’exister jusqu’en 1983, date à laquelle est institué un nouveau système de districts. L’organisation et le nombre de districts changent ensuite cinq fois entre 1983 et 2007. D’une manière générale, les collectivités locales libyennes vivent coupées du monde pendant les quarante-trois ans du régime kadhafiste. Après huit mois d’une révolte armée qui chasse du pouvoir le colonel Kadhafi, les premières élections législatives libres sont tenues en juillet 2012. Elles désignent 200 membres du Congrès général national, appelés à prendre la relève du Conseil national de transition (CNT), préparer l’élection d’une Constituante et organiser des élections générales dans un délai de dix-huit mois. Les 68 Conseils locaux actuels sont soit établis sous le CNT (c’est le cas de Tripoli, de Sabha), soit élus en 2012 (c’est le cas de Misrata, Benghazi, Zawia). Mais les administrations restent sous la tutelle du gouvernement. Comme défini par le Comité national pour les élections locales, chaque ville est invitée à organiser, à son rythme et avant fin février 2014, ses élections municipales, de l’enregistrement des candidats aux dépôts des listes en passant par la tenue du scrutin. Depuis un an, des élections ont lieu dans plusieurs villes du Sud (Ghat, Morzug, Ojala) mais aucune ville d’importance n’a encore organisé de scrutin, sauf Obeida à l’est du pays. Rencontrant de nombreux obstacles, le processus accuse un fort retard. Initialement prévues fin février 2014, les élections locales de à Benghazi sont par exemple reportées. Dans les villes désormais dirigées par des maires élus en revanche, ces derniers s’organisent peu à peu et sont particulièrement demandeurs d'expériences et d’échanges extérieurs. En juin 2013, le Conseil de la Cyrénaïque proclamé l’autonomie de la région. Les partisans du fédéralisme s’appuient sur la Constitution de 1951, qui divise le pays en trois régions administratives, et relancent le débat de la décentralisation dans le pays. Cette question représente un enjeu majeur dans la Libye post-Kadhafi, qui veut se reconstruire dans l’unité mais qui doit faire face à l’enclavement de nombreuses régions et à l’étendue de son territoire. Le pays peine à sortir d’une période de transition chaotique. Tout début 2014, le Conseil général national fixe la date de l’élection de l’Assemblée constituante au 20 février 2014 et prolonge son propre mandat d’un an pour éviter d’aggraver le vide à la tête de l’État. Dans un climat de fortes divisions des partis politiques et de la population, des milliers de libyens manifestent, début février, contre cette décision de prolongation jusqu’en décembre 2014.

2.

Cadre juridique

Dans la période de transition politique que vit la Libye, il est important de préciser que le cadre juridique est rudimentaire et instable. Plusieurs cadres réglementaires sont établis, qui ouvrent la voie vers une décentralisation. L’Article 18 de la Déclaration constitutionnelle du CNT en août 2011 aboutit à la mise en place du Congrès national général avec un pouvoir législatif national et 68 conseils locaux pour les municipalités libyennes. La déclaration constitutionnelle ne prévoit pas de niveau intermédiaire entre les niveaux national et municipal. En 2012, le Congrès général national vote la loi 59 sur l’administration locale qui encadre les relations entre les conseils locaux et le ministère des collectivités locales créé dès le premier gouvernement de transition. Celui-ci exerce une tutelle sur les conseils locaux et leur apporte leur unique source de revenus. Cependant cette loi ne sera effective qu’à l’issue des élections locales, dont le calendrier est perturbé. Les Conseils locaux actuels sont avant tout des organes de gestion de crise et les interlocuteurs locaux du gouvernement. Ils ne disposent ni de compétences décentralisées, ni d’administrations.

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La loi sur l’administration locale de 2012 semble annoncer une approche à quatre niveaux de gouvernements: niveau national, niveau des régions économiques ou des provinces, niveau des municipalités (baladiyat) et niveau des districts (mahallas). Elle ne se prononce pas néanmoins sur le nombre d’entités territoriales. Pour des raisons politiques, le débat sur les provinces est évacué par le gouvernement, et doit être débattu par le Congrès général national. Le poids des trois provinces traditionnelles semble toujours important si l’on considère la composition de l’Assemblée constituante, qui assure l’équilibre entre les trois province en dépit de leurs disparités démographiques (20 représentants chacune). Le découpage territorial est encore incertain. En septembre 2013, le décret 520 fixe à 90 le nombre de municipalités sur le territoire. Ce nombre est ensuite porté à 100 ou 101 sur décision du Premier Ministre, sans que cela clarifie les options prises et le découpage qui en résulte. Pour l’heure, le mandat du Conseil général national est prolongé jusqu’en décembre 2014 tout en étant conditionné aux avancées des travaux sur la Constitution, qui, il convient de le souligner, ne seront pas liés par le cadre légal établi pendant la transition.

3.

Ressources des collectivités locales

Les ressources des conseils locaux sont pour l’heure limitées. Sans procédure législative encadrée, ceux-ci doivent soumettre leurs requêtes au Ministère de collectivités locales. Les requêtes sont examinées à la fois par le Premier Ministre, les Ministères de la planification et des finances, puis par le Bureau du contrôle des finances qui dépend du Congrès général national. L’organisation du système de transferts financiers de l’État aux collectivités fera probablement l’objet d’âpres discussions. L’enjeu est d’assurer un système de transferts équitable entre régions tout en répondant à la demande que les bénéfices des ressources locales soient exploités localement. Il s’agit là par exemple d’une revendication forte du mouvement fédéraliste qui a proclamé l’autonomie de la Cyrénaïque, région qui détient la majeure partie de la richesse pétrolière du pays, et dont la principale ville, Benghazi accueille le siège de la plus grande compagnie pétrolière libyenne. Les écarts de développement entre régions, notamment au détriment des régions du Sud, invitent enfin à réfléchir à des mécanismes solidaires de redistribution.

4.

Enjeux et défis

La question de la décentralisation dans la Libye post-Kadhafi suscite les passions entre les partisans et les adversaires du fédéralisme. Dans un climat de forte insécurité, les premiers arguent du fait que la décentralisation est incontournable pour surmonter la marginalisation de l’Est du pays héritée de Kadhafi, alors que les seconds craignent que le fédéralisme soit une porte d’entrée vers la désintégration du pays. Il s’agit en effet d’une question au cœur de la transition politique que vit le pays, notamment à travers la préparation d’une nouvelle Constitution. Le découpage du territoire en entités décentralisées s’avère un exercice périlleux étant donné l’arbitrage qui doit être fait entre des logiques d’équilibre géographique, économique et identitaire. Les décisions successives prises par les autorités de transition laissent transparaitre la plus grande confusion sur le nombre de municipalités mais aussi sur les niveaux territoriaux envisagés (l’articulation entre arrondissements et métropoles n’est par exemple pas explicite). Dans ce contexte, l’organisation des élections municipales laissée à la responsabilité de chaque ville, est pour le moins complexe. À lla confusion s’ajoute la contestation fréquente de la structure des conseils municipaux et de ses quotas, en particulier par les groupes traditionnels, souvent des comités de gestion des quartiers constitués pendant la période révolutionnaire qui ne se retrouvent pas dans la loi électorale. Au niveau national, un accord devra d’abord être trouvé sur le rôle des minorités. Pour l’heure, le statut de citoyen des Imazighen (Touaregs) et des Toubou, qui vivent dans le sud du pays, ainsi que le droit d’utiliser leur propre langue, sont vivement contestés.

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La perspective de décentralisation est perçue positivement par la population libyenne. Le pouvoir local est perçu comme plus accessible et compréhensible que les décisions prises au niveau national depuis la Révolution. En 2012 lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, M. El-Keib, alors premier ministre libyen, reconnait la frustration des populations compte tenu de la distance aussi bien géographique que théorique qui les sépare de Tripoli 27. Les enjeux institutionnels liés à la décentralisation portent avant tout sur la définition des compétences locales, y compris budgétaires et sur l’organisation des administrations et des services techniques municipaux. Vient ensuite la formation des élus et des agents territoriaux. Un appel à ce sujet a été lancé par Sadat Al-Badri, dynamique maire de Tripoli. Fin 2013, il est parvenu à réunir 34 maires libyens pour partager leurs expériences et débattre de leurs préoccupations communes 28. Enfin, le troisième enjeu concerne le développement des secteurs d’activité et des services publics, en particulier la voirie, la gestion de l’espace urbain, les transports, l’environnement. Dans un entretien au Libya Herald en juillet 2012, Faisal Krekshi, le secrétaire général de l’Alliance des forces nationales, un parti libéral, encourage par exemple la décentralisation des secteurs de l’éducation, de la santé et des transports, ainsi que la création de zones économiques spéciales pour les villes proches des frontières 29. Il convient enfin de souligner la situation paradoxale que peuvent vivre les villes libyennes. Dans un contexte centralisé, où tout reste à construire, elles jouissent cependant d’une grande autonomie politique, qui incite Jean-Louis Romanet Perroux 30 à les comparer à de quasi cités-États.

adio France international (consulté le 11 février 2014), http://www.rfi.fr/afrique/20120308-le-premier-ministre-libyen-devant-onu-exposer-difficultes-son-pays R L ibye, chaos debout, Jeune Afrique n°2766, 12-18 janvier 2014 29 L ibya Herald (consulté le 11 février 2014), http://www.libyaherald.com/2012/07/01/party-profile-the-national-forces-alliance/#axzz2tIgDxy3S 30 R egards sur les villes libyennes aujourd’hui, Entretien avec Jean-Louis Romanet Perroux Confluences n°85, Villes arabes: conflits et protestations, février 2013 27 28

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5.

Appui de l’UE et recommandations

La Libye et l'Union européenne ne sont pas liées par des relations contractuelles. Il n'y a pas d’Accord d'association en vigueur. La Libye n'a pas adhéré à l'acquis de Barcelone et ne participe pas à la Politique européenne de voisinage. Dès 2011, l’UE adopte des sanctions pour interrompre les flux d’armes et d’argent vers le régime Kadhafi, puis ouvre un bureau à Benghazi et à Tripoli et fournit une aide humanitaire. L’UE soutient actuellement la Libye à travers un programme de coopération d’un montant de 30 millions d’euros dans les domaines suivants: la réconciliation, les élections et le processus constitutionnel, la protection des droits humains et l’autonomisation des femmes, la sécurité et la justice, le contrôle des frontières, les migrations, la réforme de l’administration publique, la santé, l’éducation, la formation et la culture, les médias et la société civile. Pour la période 2007-2013, seize districts libyens sont éligibles au programme de coopération transfrontalière « Bassin méditerranéen » d’un montant de 200 millions d’euros qui finance des projets d’envergure régionale. La Libye est en outre éligible aux programmes régionaux depuis 2012, ainsi qu’aux programmes thématiques de la Commission européenne. Depuis 2012 la Libye est d’ailleurs bénéficiaire d'une allocation spécifique permettant de cibler ses besoins au titre des deux programmes « Organisations de la société civile et autorités locales » et « Instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme ». Issus de ces programmes, les projets suivants en lien avec la gouvernance et le développement au niveau local sont mis en œuvre depuis 2012 : * Facilité pour le renforcement des capacités de l'administration publique en Libye, par l’International Management Group (IMG) * Programme initial de renforcement des capacités des institutions et de la société civile émergeantes en Libye, par le Common Purpose Charitable Trust * Initiatives civiles en Libye, par ACTED * Appui à la transition démocratique en Libye, par l’International institute for democracy and electoral assistance (IDEA) Le projet Initiatives civiles en Libye (CIL) est le seul projet soutenu par l’UE qui est centré sur les stratégies de développement local. L’action, mise en œuvre à Zawia et à Benghazi dans un premier temps, a pour objectif de réunir les acteurs de la gestion territoriale dans leur diversité et d’identifier conjointement les problèmes et les opportunités qui se présentent. Étant donné la période de transition difficile et l’incertitude juridique et politique qui en résulte, le projet peut être qualifié de pilote avec un objectif resserré, qui tire malgré tout profit de l’activité significative des villes libyennes dans ce contexte difficile. La période de transition n’étant pas refermée et les travaux constitutionnels n’ayant pas débuté, il est encore prématuré pour l’UE de s’engager dans l’appui à la décentralisation. L’heure est plutôt à la réflexion sur une feuille de route pour accompagner les autorités libyennes dans leurs réformes de l’administration publique.

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Recommandations à l’attention de l’UE: ➜ Soutenir les initiatives locales de structuration d’associations de municipalités, qui seraient en mesure de devenir des interlocuteurs de l’État central sur les questions liées à la décentralisation et d’apporter un appui technique aux exécutifs municipaux prochainement élus, ➜ Soutenir le processus en cours des élections locales, ➜ Appuyer le Ministère des collectivités locales dans l’exercice récent de sa mission, en particulier afin de renforcer sa position dans le dialogue national à venir sur la décentralisation, et face à d’éventuels nombreux bailleurs internationaux, ➜ Soutenir prioritairement le renforcement de l’administration territoriale à travers la définition d’un référentiel de métiers de la fonction publique et la mise en place de formations du personnel et des équipes élues dans un centre national dédié, ➜ Engager un dialogue régulier avec les représentants des collectivités locales libyennes, afin de mieux connaitre leurs problématiques, et le cas échéant de les mettre en relation avec des partenaires extérieurs et les informer sur l’offre de programmes de coopération de l’UE, ➜ Encourager le développement de la coopération décentralisée entre collectivités locales européennes et collectivités locales libyennes, en demande d’échanges extérieurs, ➜ Ouvrir une ligne de financement “Autorités locales” dans le prochain programme d’action annuel OSC-AL, à l’attention des collectivités libyennes, et en amont, les informer de ces opportunités de financement et de leurs modalités (à travers une large campagne d’information, des réunions à la Délégation de l’UE, mais aussi une formation dispensée aux services des collectivités intéressées).

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