Maghreb - Etude sur la coopération décentralisée entre les collectivités territoriales

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MAGHREB

étude sur la coopération décentralisée entre les collectivités territoriales du Maghreb arabe

Dialogue et renforcement des capacités des autorités locales et régionales des pays partenaires de l'UE dans les domaines du développement et de la gouvernance locale 2015


étude sur la coopération décentralisée entre les collectivités territoriales du Maghreb arabe PLATFORMA – 2015 AIMF – 2015 Auteurs : Lucie GUILLET, Najat ZARROUK, Saber OUCHATI Ce document a été conçu comme le point de départ pour le “Séminaire pour le Dialogue et le développement des capacités des autorités locales et régionales au Maghreb dans les domaines du développement et de la gouvernance locale” qui s’est tenu du 30 septembre – 1 octobre 2013, à Rabat. PLATFORMA Partenaires du projet: Dialogue et renforcement des capacités des autorités locales et régionales des pays partenaires de l’UE dans les domaines du développement et de la gouvernance locale Conseil des Communes et Régions d'Europe (CCRE) Cités et gouvernements locaux unis (CGLU) Association française du CCRE (AFCCRE) Agence pour la coopération internationale de l’Association des Communes Néerlandaises (VNG International) Association suédoise des autorités locales et des régions (SKL) Fédération Espagnole des Municipalités et Provinces (FEMP) Cités Unies France (CUF) Conférence des Régions Périphériques Maritimes (CRPM) Association des Régions Frontalières Européennes (ARFE) Association internationale des maires francophones (AIMF) Forum des administrations locales du Commonwealth (CLGF) Ville de Paris Province de Barcelone Régions Unies – FOGAR Avertissement : La présente publication a été élaborée avec l’aide de l’Union européenne. Le contenu de la publication, relève de la seule responsabilité de PLATFORMA et de l’AIMF, et ne peut être considéré comme reflétant le point de vue de l’Union européenne. Design : acapella.be – Impression : Daddy Kate – Photo : EuropeAid Photo Library  Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution 4.0 International.


Table des matières INTRODUCTION

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RéSUMé

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I. CONTEXTE ET ENVIRONNEMENT JURIDIQUE Le contexte régional La diversité des cadres juridiques nationaux de la coopération décentralisée

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II. UN PREMIER BILAN DES éCHANGES Structure dominante et évolutions état des lieux éléments d’analyse a) Un environnement national et régional peu favorable b) Les jumelages et la coopération décentralisée, une pratique peu répandues

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III. L’appui des bailleurs de fonds L’Union européenne a) Les programmes géographiques de la Commission européenne b) Les programmes thématiques de la Commission européenne Les autres bailleurs de fonds

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IV. Quelques recommandations Le cadre de la coopération décentralisée : renforcer le dialogue, les capacités et l’appropriation La pratique de la coopération décentralisée : faire émerger des partenariats plus nombreux, équilibrés, contractualisés et évalués

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Bibliographie

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Liste des études de cas Saint-Gilles, Belgique - Berkane Maroc : Une coopération valorisée par l’Initiative nationale de développement humain du Maroc

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Paris-Alger, une coopération entre deux capitales méditerranéennes

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Le rôle moteur des élus et de la société civile dans le partenariat entre Zeist, Pays-Bas et Berkane, Maroc

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La plateforme LOCAL MED

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La modernisation de l’état civil des villes tunisiennes en coopération avec l’AIMF

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CoMun : une approche multiniveaux pour faciliter les échanges entre le Maroc, l’Algérie et la Tunisie

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Un partenariat tripartite entre Dunkerque, Bizerte et Annaba

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Introduction Forme d’action internationale qui a pris corps en Europe dans le prolongement des jumelages après la seconde guerre mondiale, la coopération décentralisée recouvre des définitions et des réalités multiples selon les pays où elle se pratique. Elle désigne communément un partenariat de long terme établi entre des collectivités territoriales de pays différents. En fonction du cadre prévu par la loi, ces partenariats peuvent se concrétiser sous différentes formes: un jumelage, un appui institutionnel, une aide au développement, une coopération transfrontalière entre autres. En France, une coopération décentralisée implique par exemple la signature d’une convention qui précise les objectifs et les actions de coopération mis en œuvre. Pour l’Union européenne, tout programme de développement mené avec un partenaire local dans un pays du Sud peut être identifié comme une coopération décentralisée. L’échange direct entre collectivités territoriales n’y apparait pas comme une condition formelle. Au Maroc, on distingue coopération décentralisée interne, entre collectivités marocaines, et internationale 1. D’une manière générale, l’histoire de la coopération décentralisée est étroitement liée à celle de la décentralisation. Cette forme de partenariat se développe logiquement à mesure que les collectivités territoriales s’émancipent de la tutelle de l’État central et disposent de compétences propres à l’action internationale. Il s’agit pour la région considérée du cœur de la problématique. Le Maghreb arabe est un espace géographique étendu, qui comprend d’Ouest en Est, la Mauritanie, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et la Libye. Il est représenté au niveau institutionnel par l’Union du Maghreb Arabe (UMA), organisation créée en 1989, immobilisée depuis lors par les différends politiques de ses membres, sur le Sahara Occidental notamment. Le Maghreb arabe constitue par conséquent l’une des régions les moins intégrées du monde, composée, de surcroit, d’États très centralisés. Les obstacles aux échanges sont nombreux, et d’autant plus forts pour les collectivités territoriales, dont les moyens politiques, légaux, financiers et humains sont limités. Dans ce contexte, les partenariats entre villes de la région ne sont ni très développés ni très spontanés. Les prémices d’une coopération décentralisée régionale concernent avant tout le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. De par leur situation géographique, mais aussi leur niveau de développement et leur histoire politique, la Mauritanie, et la Libye figurent quelque peu à part dans cet espace régional. Pourtant les échanges existent. Ils ont connu plusieurs vagues historiques. Dans les années 1980, dans la dynamique du lancement de l’UMA, de nombreux jumelages sont signés entre des communes de la région. Aujourd’hui, les partenariats connaissent un certain renouveau dans la lignée du printemps arabe et des reformes de décentralisation et de gouvernance dans lesquels le partenariat local occupe une place prépondérante. La multiplication des échanges au niveau local constitue un enjeu pour enclencher une mécanique d’intégration régionale. Outils de rapprochement des peuples, les jumelages et les coopérations décentralisées peuvent en effet jouer un rôle moteur pour construire l’identité régionale promue dans la rhétorique politique des États maghrébins. Alors que les expériences de coopération décentralisée au sein du Maghreb arabe restent rares et peu documentées, le présent rapport s’attache dans une première partie à préciser le contexte dans lequel les collectivités territoriales évoluent et les obstacles auxquels elles font face. Un premier état des lieux des partenariats existants est ensuite proposé avec quelques esquisses d’analyse pour comprendre la situation de la coopération décentralisée dans cette région. Enfin, le rôle des bailleurs de fonds en appui aux collectivités territoriales est étudié et des recommandations sont proposées à l’ensemble des parties prenantes pour encourager le développement d’une coopération au niveau local.

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L es collectivités locales en chiffres, Edition 2011, Ministère de l’intérieur, Direction Générale des Collectivités Locales Maroc.

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Résumé Le contexte régional pèse fortement sur la réalité de la coopération décentralisée au sein du Maghreb arabe. Deux paramètres doivent être considérés avec attention. D’un côté, l’espace régional n’est intégré ni politiquement ni économiquement. La frontière entre le Maroc et l’Algérie est même fermée. De l’autre, les cinq pays de la zone ont fait le choix de trajectoires politiques différentes depuis leur indépendance, ce qui a engendré des soubresauts violents mais aussi des ruptures diplomatiques. Une constante doit être soulignée. Ces pays se sont construits autour d’un État fort et centralisé, qui a souvent opposé les enjeux de sécurité aux velléités de décentralisation. Le Maroc se distingue cependant avec des réformes significatives de décentralisation menées récemment. Les cadres juridiques prévoient dans leur majorité la pratique de la coopération décentralisée bien qu’ils comportent des limites considérables. L’autorité de tutelle conserve un rôle prééminent. Dans la pratique, les collectivités du Maghreb arabe, dans leur ouverture internationale, se sont majoritairement tournées vers l’Europe en général, et vers la France en particulier. Des expériences innovantes voient cependant le jour, tels que des partenariats trilatéraux ou des réseaux transnationaux, dont quelques exemples sont rapportés dans le présent document. La liste des accords de coopération au sein de la région fait état de quelques liens établis pour la plupart dans les années 1980 entre des collectivités maghrébines. Pour l’essentiel, ces partenariats sont peu actifs. L’hétérogénéité de la région, mais aussi les freins représentés par les diplomaties nationales, la tutelle étatique qui pèse sur les collectivités et la faiblesse des associations représentatives des collectivités dans la région semblent expliquer les difficultés extérieures que rencontrent les collectivités dans leur action internationale. Des problématiques propres à la coopération décentralisée sont également à prendre en considération, tels que le manque de moyens financiers des collectivités et le déficit de formation de leurs agents et élus, ainsi que la faible visibilité des actions menées liée à une absence de communication. Les bailleurs de fonds, au premier rang desquels l’Union européenne, sont très présents dans la région. Il convient de souligner que l’Union européenne ne considère pas l’Union du Maghreb Arabe comme un espace spécifique dans ses programmes, ce qui ne favorise pas les échanges intra régionaux. La Mauritanie est rattachée à l’ensemble Afrique-Caraïbe-Pacifique, alors que le Maroc, l’Algérie et la Tunisie appartiennent à la région du voisinage et que la Libye n’a pas, à l’heure actuelle, de relations bilatérales contractuelles avec l’Union européenne. De nombreux programmes européens, géographiques ou thématiques, ciblent la gouvernance, y compris au niveau local. Cependant, la coopération décentralisée en tant que tel n’apparait pas comme un axe prioritaire des bailleurs de fonds. En conclusion, deux types de recommandations sont proposés : au niveau du cadre et au niveau de la pratique de la coopération décentralisée. Au niveau du cadre tout d’abord, il s’agirait avant tout d’approfondir les espaces de décentralisation et de dialogue entre État central et collectivités locales, y compris pour contribuer à définir des orientations stratégiques pour l’action internationale des acteurs locaux, et renforcer le rôle d’accompagnement des associations de collectivités. Au niveau de la pratique ensuite, il est suggéré que l’Union européenne revalorise la coopération décentralisée, notamment dans un axe Sud-Sud, au sein de ses programmes, comme le nouveau programme régional SUDEP ou le programme de coopération transfrontalière. Des principes incitatifs, tels qu’une conditionnalité de l’appui européen, ou dans un autre registre, la création d’un prix régional pour la coopération décentralisée, pourraient également être étudiés. Enfin des efforts de formation des acteurs, de contractualisation des échanges et d’évolution dans la vision du partenariat apparaissent nécessaires pour faire progresser ce type de coopération au niveau local.

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I. Contexte et environnement juridique 1.

Le contexte régional

étudier la coopération décentralisée et ses limites actuelles au sein du Grand Maghreb implique de considérer attentivement le contexte régional. Deux éléments majeurs façonnent la réalité de cet espace régional : d’un côté sa faible intégration politique et économique, de l’autre les choix politiques nationaux qui ont été faits depuis les indépendances, en particulier concernant les réformes partielles de décentralisation. En un mot et de façon assez schématique, les collectivités territoriales du Grand Maghreb sont des acteurs sans pouvoir ou au pouvoir naissant selon le pays, qui évoluent dans un espace faiblement intégré n’apportant que peu d’incitation aux échanges mutuels. La décentralisation au Maghreb L’organisation territoriale des pays du Maghreb arabe est héritée de leur passé colonial. à l’indépendance, l’unification et la centralisation servent de fondations à ces jeunes États. C’est l’influence extérieure, notamment des plans d’ajustements structurels du FMI et de la Banque Mondiale, qui entraine les premières réformes de décentralisation dans la région dans les années 1980. Néanmoins, le fossé reste important entre le cadre juridique affiché de ces réformes et la pratique du pouvoir central. Au nom de la stabilité et de la sécurité, les choix politiques dans la région portent avant tout sur la construction d’un État fort, centralisé, voire verrouillé. La décentralisation peut dans certains contextes y être perçue comme un sujet sensible et un risque d’atteinte à l’intégrité de l’État nation. À l’exception du Maroc, qui s’est engagé plus activement vers la décentralisation et la régionalisation, les processus ouverts par les autres États de la zone relèvent pour l’heure plus d’une déconcentration que d’une décentralisation des pouvoirs. L’intégration de l’espace UMA (Union du Maghreb Arabe) En 1989, le Traité de Marrakech institue l’UMA, qui rassemble la Mauritanie, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et la Libye. Le préambule du Traité souligne que « l'édification de l'Union du Maghreb Arabe nécessite des réalisations tangibles et l'instauration de règles communes concrétisant la solidarité effective entre ses composantes et garantissant leur développement économique et social » 2. Malgré les multiples affinités qui caractérisent l’espace régional maghrébin (histoire, langue, culture, religion, relief) et la complémentarité économique (pétrole, gaz, phosphate, agriculture, industrie, tourisme), l’espace est très faiblement intégré et les échanges économiques intra-Maghreb relativement peu développés. Les différentes trajectoires nationales, les enjeux de sécurité et les conflits territoriaux concernant le Sahara Occidental en particulier sont la principale cause de cette situation et font de l’UMA une institution largement symbolique. Pourtant, dans les discours, l’union du Grand Maghreb apparaît comme un objectif politique récurrent. Dans le Discours Royal sur la réforme constitutionnelle de 2011, le Souverain marocain souligne par exemple que la Constitution consacre la position du pays « en tant que partie intégrante du Grand Maghreb, ainsi que son engagement en faveur de la construction de l’Union Maghrébine qui en est issue » 3. Outre l’UMA, un espace de concertation informel, le « Dialogue 5+5 » existe entre les cinq pays de l’UMA pour la rive Sud de la Méditerranée et le Portugal, l’Espagne, la France, l’Italie et Malte pour la rive Nord de la Méditerranée. Cette concertation régulière permet de rapprocher les positions de ces pays en amont des réunions de l’Union pour la Méditerranée (UPM). Le dialogue demeure toutefois limité au niveau intergouvernemental. De ces deux tendances structurelles, il peut être noté que malgré la signature de plusieurs protocoles de jumelages, le contexte régional n’est, jusqu’à présent, pas favorable à de telles relations entre collectivités territoriales. D’un côté, la forte centralisation des États, la faiblesse du cadre juridique de la coopération décentralisée, les conflits, les fermetures de frontière, le niveau de développement et les trajectoires nationales différentes y compris depuis le printemps arabe constituent des obstacles. De l’autre, des États à un soutien de la diplomatie officielle en faveur des pays frères par les collectivités, les réformes récentes de décentralisation ainsi que la proximité historique, culturelle et religieuse sont de véritables opportunités pour la coopération décentralisée dans la région.

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ttp://www.maghrebarabe.org/fr/marrakech.cfm h D iscours Royal sur la réforme constitutionnelle, 17 juin 2011, disponible sur le site du Ministère de l’intérieur marocain : http://www.maroc.ma/fr/discoursroyaux/annonce-des-réformes-constitutionnelles-texte-intégral-du-discours-adressé- par-sm-le

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2.

L a diversité des cadres juridiques nationaux de la coopération décentralisée

Le mouvement de coopération internationale des collectivités est amorcé depuis une quarantaine d’années en l’absence de cadre juridique. Il s’appuie sur la pratique des jumelages, lancée, dans le cas du Maroc en 1963, par le jumelage entre les villes de Fès et de Florence en Italie. Il bénéficie d’une tolérance des pouvoirs de tutelle, comme c’est le cas également dans de nombreux pays, y compris européens, aux débuts du mouvement municipal. Progressivement, au gré des réformes institutionnelles, un cadre juridique pour l’action internationale des collectivités territoriales voit le jour. Ces réformes, lorsqu’elles existent, sont récentes. Elles ne sont pas encore réellement appropriées par les collectivités territoriales. Elles sont aussi parfois incomplètes. Au Maroc par exemple, la loi régionale ne consacre pas expressément le droit à la coopération internationale au bénéfice des régions. Mais rien n’interdit aux régions, en leur qualité de collectivités territoriales, de développer des relations d’amitié et de partenariat avec d’autres collectivités territoriales. Les Régions marocaines de Rabat-Salé-Zemmour-Zaer, Marrakech- Tensift-Al Haouz, de l’Oriental ou de Souss-Massa-Draa sont d’ailleurs très actives dans ce domaine. En Mauritanie, l’ordonnance n° 87-289 de 1987, mise à jour en 2006, constitue le cadre de la décentralisation, qu’elle organise en définissant les compétences des communes et leurs modalités d’organisation. Elle ne contient pas de disposition propre à l’action internationale des communes. Bien que non encore entériné en conseil de ministres, le nouveau code des collectivités territoriales, élaboré en 2010, prévoit d’importantes réformes. Le chapitre VII, consacré à la coopération entre collectivités territoriales, établit que les collectivités peuvent entreprendre des actions de coopération internationale décentralisée sous le contrôle de l'État (article 26). Au Maroc, le principe d’association (Attacharouk) promu lors du colloque national des collectivités locales de 1986 permet l’émergence de premières coopérations. Avec la révision constitutionnelle de 1996 consolidant la démocratie, et la loi de 1997 créant la région, les collectivités territoriales « acquièrent le statut de partenaire essentiel de l’État » 4. La refonte des textes juridiques régissant les collectivités territoriales, la Constitution de 2011 et le chantier ouvert de la régionalisation avancée constituent les progrès les plus récents. Pour la première fois, les lois de décentralisation comportent des dispositions favorisant la coopération entre collectivités marocaines et avec des collectivités étrangères. ➜ L’article 42 de la Charte Communale (2002, modifiée en 2009) dispose : «Le conseil communal engage toutes actions de coopération, d'association ou de partenariat, de nature à promouvoir le développement économique, social et culturel de la commune, avec l'administration, les autres personnes morales de droit public, les acteurs économiques et sociaux privés et avec toute autre collectivité ou organisation étrangère ». ➜ L’article 36 de la loi 79-00 de 2002 établit : «Le conseil préfectoral ou provincial (…) décide de la conclusion de tout accord ou convention de coopération ou de partenariat, propre à promouvoir le développement économique et social, et arrête les conditions de réalisation des actions que la préfecture ou la province exécutera en collaboration ou en partenariat avec les administrations publiques, les collectivités locales, les organismes publics ou privés et les acteurs sociaux (…) examine et approuve les conventions de jumelage ou de coopération décentralisée ; décide de l’adhésion et de la participation aux activités des associations des pouvoirs locaux, et de toute forme d’échanges avec des collectivités locales étrangères, après accord de l’autorité de tutelle, et dans le respect des engagements internationaux du Royaume. Toutefois, aucune convention ne peut être passée entre une préfecture ou province ou un groupement de collectivités locales avec un État étranger». ➜ L’article 5 de la loi 47-96 relative à l’organisation régionale établit : «Dans le cadre de leurs compétences, les régions peuvent établir une coopération entre elles ou avec d’autres collectivités locales, conformément aux dispositions du titre VI de la présente loi. La coopération inter- régionale ou avec d’autres collectivités locales ne peut avoir pour conséquence l’établissement d’une tutelle d’une collectivité sur une autre». Le Titre VI (Article 61) quant à lui dispose : «Les régions peuvent être autorisées à établir entre elles des relations de coopération pour la réalisation d’une œuvre commune, d’un service d’intérêt inter-régional ou pour la gestion des fonds propres à chacune d’elles et destinés au financement de travaux communs et au paiement de certaines dépenses communes de fonctionnement. La coopération inter-régionale est gérée par un comité inter-régional de coopération».

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L ettre Royale comportant les Orientations de S.M. Le Roi Mohammed VI pour le Plan de développement économique et social (2000-2004), septembre 1999.

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En résumé, les collectivités territoriales marocaines peuvent conclure des accords et des conventions de jumelage, de coopération décentralisée, adhérer aux associations et aux réseaux des pouvoirs locaux, engager toutes formes d'échanges avec des collectivités territoriales étrangères, et s’impliquer dans la diplomatie locale. Les collectivités souhaitant s’engager dans un jumelage doivent obtenir l’accord de leur ministère de tutelle ainsi que l’approbation royale. Le protocole de jumelage doit mentionner les domaines de partenariat et le format des échanges.

Saint-Gilles, Belgique – Berkane Maroc : une coopération valorisée par l’Initiative nationale de développement humain du Maroc Une approche de ville à ville La volonté des élus de Saint-Gilles de bâtir des ponts entre la communauté marocaine originaire de la région de Berkane et fortement implantée en Région bruxelloise et leur pays d’origine constitue l’élément déclencheur de la coopération. Pour les élus de Berkane, il s’agit d’un choix stratégique en faveur du rapprochement culturel et économique entre le Nord et le Sud. Leur stratégie de coopération s’appuie sur le renforcement des capacités des administrations locales pour améliorer le service public rendu aux citoyens. Plus précisément, le partenariat s’inscrit dans les politiques nationales marocaines en matière de développement de l’action sociale dans les communes. Défi initial La demande de Berkane s’inscrit dans le prolongement de l’Initiative nationale de développement humain (INDH) lancé par le Roi Mohammed VI en 2005. Ce chantier repose sur la conviction que seul le développement local intégré avec implication des communautés peut réduire durablement la pauvreté. C’est pour répondre à ce nouveau rôle endossé par les communes marocaines que Berkane est soucieuse de développer de nouvelles connaissances, de nouvelles pratiques et de nouveaux dispositifs en matière d’action sociale avec son partenaire belge. Approche et objectifs Ce partenariat est une composante du Programme fédéral de coopération internationale communale (CIC), mis en œuvre par les Unions de villes et communes bruxelloises (AVCB) et wallonnes (UVCW). Ce programme, dont une première phase pluriannuelle s’est achevée en 2013, vise le renforcement des capacités des communes marocaines partenaires en matière d’action sociale (renforcement/création d’un service, développement de dispositifs sociaux, etc.). Au travers de cette concentration sectorielle et d’un cadre d’intervention commun aux 7 partenariats bruxello- marocains, la CIC invite les autorités locales des deux pays à travailler ensemble dans la même direction, même si, en fonction des spécifiés locales marocaines, les priorités en matière d’action sociale diffèrent d’un partenariat à un autre. Actions L’action consiste à renforcer les capacités de l’administration communale de Berkane à travers, d’une part, des échanges d’expertise entre fonctionnaires et élus et, d’autre part, des investissements dans différentes infrastructures sociales, comme une salle polyvalente et une bibliothèque communale. L’expérience saint-gilloise en matière de cohésion sociale sert de point d’ancrage aux actions. Partenaires : Saint-Gilles (Belgique) – Berkane (Maroc), avec un financement de la Coopération belge de 200.000 € sur 5 ans entre 2009 et 2013. Résultats Le premier résultat concret est la création d’un service d’action sociale. Cela implique de mettre à disposition des fonctionnaires, de définir leurs missions et d’équiper un bureau spécifique à leur attention. Ce changement s’est produit au travers des rencontres entre mandataires belges et marocains actifs au sein de la Commission chargée du développement humain et

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des affaires sociales, culturelles et sportives. Il est remarquable de constater que la commune de Berkane a poussé la réflexion jusqu’à la création d’un Département des Affaires sociales et culturelles (DASC) comprenant 5 services distincts : action sociale, développement des partenariats, appui aux associations, information et communication. La commune a mis à la disposition de ce nouveau département cinq employés communaux et a modifié son organigramme, validé par le pouvoir local. Ces fonctionnaires communaux disposent à présent des compétences nécessaires à la gestion de leur service (planification, élaboration, suivi et évaluation de projets) et d’outils de gestion en matière d’action sociale (guide de procédure, diagnostic social, grilles de critères d’octroi des bourses, plan pluriannuel et annuel, fiches projet, rapports d’activités). Ces nouvelles compétences ouvrent la voie à la mobilisation de fonds auprès d’autres bailleurs pour des projets d’associations de développement, ce qui valorise l’image de la commune. Atouts et reproductibilité : Ce nouveau département d’action sociale est aujourd’hui considéré comme modèle par les autres communes marocaines. Plusieurs d’entre elles y ont déjà effectué des missions d’expertise. Défis rencontrés : Le programme CIC est confronté de façon récurrente à deux difficultés importantes, à savoir le départ des fonctionnaires formés (mutation dans un autre service, départ naturel ou licenciement) et les contraintes politiques de part et d’autre. Perspectives : Les deux communes envisagent de déposer un nouveau plan d’action dans le cadre de la phase 2014-2016 du Programme CIC, avec comme objectif, notamment, le développement de la concertation sociale à Berkane. Source : Association de la Ville et des Communes de la Région de Bruxelles-Capitale

En Algérie, pays fortement centralisé, la recherche de légitimation de l’État-nation apparait comme une priorité constante du pouvoir central. Dans le prolongement de la Constitution de 1989, qui consacre le pluralisme politique et le principe de la séparation des pouvoirs, le code communal est redéfini par la loi 90-08 en 1990, qui précise que la commune est dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière. En 2011, la loi n°11-10 redéfinit le code communal, dont l’article 106 dispose que « Le jumelage d’une commune avec une commune ou toute autre collectivité territoriale étrangère est soumis à l’accord préalable du ministre chargé de l’intérieur, après avis du ministre des affaires étrangères ». En Tunisie, la coopération décentralisée est encadrée par la loi organique des communes n° 75-33 du 14 mai 1975 (modifiée en 1995 et 2006). L’article 25 de cette loi autorise la commune à effectuer toute opération de coopération internationale à condition que celle-ci soit approuvée par l’autorité de tutelle régionale représentée par le gouverneur (préfet). Les circulaires ministérielles n° 62 du 2 septembre 1986 et 60 du 28 septembre 1992 sur le jumelage des villes décrivent les procédures de jumelage, de coopération et de partenariat pour les communes. En ce qui concerne les conseils régionaux, la loi organique n° 89-4 du 4 février 1989 les autorisent à établir des relations de coopération internationale à condition d’avoir l’approbation du ministre de l’intérieur (article 5). La circulaire n° 4 du 24 janvier 1990 prévoit les modalités de leur coopération internationale. Quant à la circulaire n° 56 du 19 novembre 1984, elle définit les procédures d’adhésion des collectivités locales aux organisations et associations internationales et régionales en relation avec leurs missions respectives. Le Ministère de l’Intérieur exerçant la tutelle sur les conseils régionaux et les communes, assure le contrôle, le suivi et l’appui de la coopération décentralisée des collectivités locales tunisiennes avec leurs homologues étrangères et approuve les démarches administratives de cette coopération conformément aux lois et à la règlementation en vigueur. La Constitution adoptée en janvier 2014 constitue une avancée importante dans ce domaine puisqu’elle consacre pour la première fois la coopération décentralisée. L’article 140 dispose : « Les collectivités locales peuvent coopérer et créer des partenariats entre elles, en vue de réaliser des programmes ou accomplir des actions d’intérêt commun. Les collectivités

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locales peuvent aussi établir des relations extérieures de partenariat et de coopération décentralisée. La loi définit les règles de coopération et de partenariat ». Le cas de la Libye figure à part. Les collectivités locales libyennes vivent coupées du monde pendant les quarante-trois ans du régime kadhafiste. Après huit mois d’une révolte armée qui chasse du pouvoir le colonel Kadhafi, les premières élections législatives libres sont tenues en juillet 2012. Elles désignent 200 membres du Congrès général national, appelés à prendre la relève du Conseil national de transition (CNT) et préparer l’élection d’une Constituante. Les 68 Conseils locaux sont soit établis sous le CNT (c’est le cas de Tripoli et de Sabha), soit élus en 2012 (c’est le cas de Misrata, Benghazi, Zawia). Mais les administrations restent sous la tutelle du gouvernement. Chaque ville est invitée à organiser, à son rythme, des élections municipales. Depuis 2013, des élections ont lieu en plusieurs vagues. D’abord dans plusieurs villes du Sud (Ghat, Morzug, Ojala), les élections ont ensuite lieu dans l’Ouest et le Sud-Est au printemps 2014. Dans les villes désormais dirigées par des maires élus, ces derniers sont particulièrement demandeurs d'expériences et d’échanges extérieurs. Malgré le chaos du pays, les villes libyennes jouissent en effet d’une certaine autonomie. Elles sont économiquement très actives et commencent à s’organiser en associations d’élus locaux. Dans la période de transition politique que vit la Libye, il est important de préciser que le cadre juridique est rudimentaire et instable. Le mandat du Conseil général national est prolongé jusqu’en décembre 2014 tout en étant conditionné aux avancées des travaux sur la Constitution, qui, il convient de le souligner, ne seront pas liés par le cadre légal établi pendant la transition (notamment la loi 59 de 2012 sur l’administration locale). Le découpage territorial est, en outre, encore incertain.

II. Un premier bilan des échanges 1.

Structure dominante et évolutions

Dans leur émergence et leur ouverture internationale, les collectivités territoriales du Grand Maghreb se sont tournées très majoritairement vers l’Europe, et en particulier vers la France 5. Ce pays concentre la plupart des accords de jumelages ou des conventions de coopération décentralisées signés avec des collectivités du Grand Maghreb, à l’exception de la Libye. Le schéma classique de coopération Nord-Sud s’est reproduit dans chacun de ces pays, au détriment d’échanges horizontaux entre pays frères, pourtant promus dans la rhétorique politique depuis la création de l’UMA. À travers leurs collectivités territoriales, la France, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne sont les principaux pays partenaires des collectivités maghrébines, pour l’essentiel des communes, et quelques régions (marocaines essentiellement). Une grande partie de ces programmes de coopération s’appuient sur des financements des agences nationales de développement (AFD, GIZ etc.), de la Commission européenne et/ou bénéficient de l’accompagnement de réseaux de collectivités locales (AIMF, CGLU, VNG etc.). Avec la prise de conscience croissante de l’importance des échanges Sud-Sud et du potentiel de l’intégration régionale au Maghreb, des évolutions sont perceptibles dans les partenariats classiques entre collectivités depuis les années 2000. Liée aux impératifs d’efficacité des politiques publiques, l’engagement accru des collectivités européennes pour des résultats, pour l’évaluation et la capitalisation de leurs partenariats internationaux joue un rôle certain dans ces évolutions. Comme le montrent les études de cas de ce rapport, il peut s’agir de coopération Nord-Sud devenant trilatérale Nord-Sud-Sud, de coopération bilatérale dont le programme est répliqué par la collectivité du Nord dans une autre collectivité du Sud, ou encore de création de plateforme d’échanges d’expertise entre plusieurs collectivités du Nord et plusieurs collectivités du Sud.

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L e détail des coopérations peut être consulté dans l’atlas français de la coopération décentralisée, qui recense toutes les actions internationales menées par les collectivités territoriales françaises : https://pastel.diplomatie.gouv.fr/cncdext/dyn/public/atlas/accesMonde.html

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Paris-Alger, une coopération entre deux capitales méditerranéennes Capitales entretenant des liens politiques et culturels forts, Paris et Alger sont liées par un accord de coopération et d'amitié depuis 2003 suite à la demande d'Alger. L’approche de ville à ville est au cœur de ce partenariat institutionnel, qui repose sur les décisions communes prises par le Maire de Paris et le Wali d’Alger. Elle se traduit par des échanges entre les agents des services municipaux des deux villes et par un transfert de savoir-faire technique dans divers domaines de la gestion urbaine. Défi initial Dans le contexte d’une forte croissance urbaine, l’organisation de services locaux, au premier rang desquels la gestion des déchets et l’aménagement des espaces urbains, fait partie des défis principaux de la wilaya d’Alger. Tombé en déshérence depuis vingt ans, le Jardin d’Essai du Hamma créé en 1832, a par exemple représenté une opportunité d’échange de savoir-faire avec la ville de Paris. Approche et objectifs L’approche repose sur le développement urbain durable à Alger. Elle s’est concrétisée à travers deux projets d’assistance technique : l’appui à la gestion des déchets, et la réhabilitation du Jardin d’Essai. Dans le premier cas, l’objectif est d’améliorer la gestion et l’élimination des déchets ménagers à Alger, selon deux axes. Le premier axe, piloté par la Ville de Paris, vise la formation des agents et la sensibilisation des citoyens. Le deuxième axe, conduit par le Conseil général des Bouches-du-Rhône, a pour objectif de renforcer les compétences de la direction de l’environnement de la Wilaya pour la maîtrise d’ouvrage, l’évaluation et le suivi du schéma directeur de gestion des déchets ménagers. Dans le deuxième cas, l’objectif est de rénover et réaménager le jardin botanique, avec une ambition de conservation de la biodiversité algérienne. Il s’agit concrètement d’appuyer la Wilaya dans la préservation de son patrimoine urbain et naturel, et de former des agents scientifiques et techniques. Actions De 2005 à 2011, la ville de Paris appuie la structuration de l’établissement public NET COM et la création de l’école de la propreté d’Alger sur le modèle de l’Ecole de la propreté de Paris. 14 formateurs de cette école sont formés ainsi qu’une dizaine d’agents de NET COM. Pour la réhabilitation du Jardin d’Essai du Hamma, la Ville de Paris apporte depuis 2005 un appui technique ininterrompu. Le projet connait deux grandes étapes : ➜ Entre 2005 et 2009 : la mise en sécurité du site, l'aménagement et la réhabilitation des équipements et des collections qui permettent la réouverture du Jardin au public en 2009 ; ➜ Entre 2009 et 2012 : la formation des agents pour entretenir et développer le Jardin, améliorer la qualité du site et de l’accueil du public, mais aussi renforcer sa dimension scientifique. Partenaires et financements La coopération dans le secteur des déchets réunit la Wilaya d’Alger, la Mairie de Paris, le Conseil général des Bouches-duRhône, le Ministère français des affaires étrangères (MAEDI) et le Ministère algérien de l’environnement. Le cout de l’action s’élève à 150 000€ dont un cofinancement de 18 000€ du MAEDI. La coopération dans le secteur de l’aménagement des espaces verts réunit, quant à elle, la Wilaya d’Alger, la Mairie de Paris et le MAEDI. Le cout de l’action s’élève à 150 000€ dont un cofinancement de 20 000€ du MAEDI. Résultats Plus de 1800 agents algérois ont été formés à l’école de la propreté depuis 2007. Cette école est devenue le lieu-clé du renforcement des compétences des agents de NET COM. Le schéma directeur de collecte et de traitement des déchets a été réalisé conformément à la mise en œuvre du «Plan national de gestion des déchets ménagers». Concernant la réhabilitation du Jardin d’Essai, la fréquentation d’un million de visiteurs par an témoigne du succès de cette coopération. Principal espace vert du centre-ville, le jardin joue un rôle majeur comme espace de loisirs et de promenade dans une ville qui en manque. L’école d’horticulture et les laboratoires du jardin en font un lieu de formation et de recherche

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scientifique reconnu dans le champ de la conservation de la biodiversité et de la botanique. Enfin, l’école de la nature accueille des groupes scolaires et centres aérés, et constitue un outil important de sensibilisation des jeunes générations. Premier ouvrage du genre depuis les années 1960, le Guide illustré de la flore algérienne coédité par les deux Villes en 2012, représente à ce titre un précieux support de formation. Atouts et reproductibilité L’expérience réussie de l’école de la propreté entraine une réflexion en cours sur l’opportunité d’engager une action similaire avec les partenaires tunisiens de la ville de Paris. Défis rencontrés La sensibilisation des usagers demeure un enjeu important étant donné la persistance de pratiques nuisibles à la propreté d’Alger. Sur le plan institutionnel, la pérennité des échanges entre les deux collectivités au-delà de ce plan de coopération constitue également un défi. Perspectives Suite à la clôture de ces deux projets, les échanges connaissent une période de pause. La visite du Maire de Paris à Alger en novembre 2013 relance la dynamique. Des missions techniques d’identification de nouveaux axes de coopération sont en cours. Parmi les domaines envisagés figurent l’habitat insalubre, le plan vert stratégique d’Alger, la mobilité urbaine et la revitalisation de l’hyper centre. Source : Mairie de Paris

Le rôle moteur des élus et de la société civile dans le partenariat entre Zeist, Pays-Bas et Berkane, Maroc L’accord de coopération est signé en 2003. Si l’association des communes néerlandaises, VNG International, accompagne la structuration des échanges, ceux-ci reposent avant tout sur les deux administrations municipales et le tissu associatif de leur territoire. Renforcer les liens d’amitié et la compréhension mutuelle entre les citoyens des deux villes est au cœur de ce partenariat. Défi initial et objectifs À l’origine de la coopération, se trouve une visite du maire de Zeist à Berkane, ville du Nord Est marocain, dont est issue la majorité de la population d’origine marocaine de Zeist. Tisser des liens entre les deux villes pour renforcer l’intégration des jeunes d’origine marocaine constitue une motivation importante pour la municipalité de Zeist dans un contexte de difficultés économiques et sociales pour les jeunes immigrés au début des années 2000. Berkane, de son côté, recherche l’ouverture vers des villes européennes pour combattre son isolement géographique. Proche de la frontière avec l’Algérie, la ville souffre depuis des années de la fermeture de cette frontière en raison du différend sur le Sahara Occidental entre les deux pays. Action Au départ, les échanges essaiment à partir des institutions locales des deux villes, l’hôpital, les écoles et la maison de retraite notamment. À Zeist, une plateforme Zeist-Maroc, regroupant les associations impliquées dans le partenariat, est créée dès 2003 pour accompagner la municipalité dans le pilotage du partenariat. Elle est soutenue par ICCO, l’organisation inter-Eglises pour la coopération au développement. Une convention sur la gestion des déchets et la protection de l’environnement est signée en 2007 pour développer les services compétents de la municipalité de Berkane dans ce secteur. Des agents techniques de la ville de Zeist mais aussi de la Province d’Utrecht et d’Afvalzorg, l’agence privée en charge des déchets sont impliqués tout au long du partenariat. L’action en faveur de la participation des jeunes dans la vie locale permet de constituer un groupe de jeunes pour aménager un jardin dans l’enclos de l’hôpital de Berkane. Le rôle du responsable de la coopération internationale

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à Zeist a été déterminant pour animer ces échanges entre jeunes des deux villes et les faire perdurer. Dans chaque ville, les services des affaires sociales, de la santé publique et de la gestion des déchets contribuent également à cette coopération, ainsi que l’association Homme et Environnement à Berkane. Partenaires et financements Le programme MATRA du Ministère néerlandais des Affaires étrangères finance la phase pilote de la coopération sur la gestion des déchets à hauteur de 38 000€ de 2008 à 2010. La ville de Zeist dispose d’un budget annuel de seulement 4000€ pour sa coopération internationale. Dans ce contexte, l’objectif est de travailler en cohérence avec d’autres programmes d’appui, et de mutualiser les échanges avec plusieurs acteurs non-étatiques engagés dans la solidarité internationale. Plusieurs ONG et entreprises contribuent financièrement à ce partenariat, comme par exemple une entreprise de transport de fruits et légumes hollando-marocaine située à Berkane. Atouts Les élus des deux villes jouent un rôle moteur dans ce partenariat. Chacune de leur visite dans la ville partenaire donne lieu à une mobilisation importante sur les activités engagées. De plus, au sein des services municipaux, l’affectation d’un coordinateur du partenariat permet de mener à bien les actions au-delà des obstacles institutionnels, culturels et techniques rencontrés. Obstacles rencontrés Les obstacles sont principalement d’ordre culturels et organisationnels, dans la façon de communiquer, de travailler ensemble et d’interagir entre gouvernance et société notamment. Perspectives Le partenariat est aujourd’hui dans une phase de transition après la clôture d’un cycle d’action il y a trois ans. Une visite technique a été organisée à Berkane en 2013. De nouvelles priorités d’action commune y ont été définies, parmi lesquelles l’environnement, l’éducation, l’autonomie économique des femmes et les soins de santé. Les opportunités d’action et de partenariat avec des ONG sont à l’étude. Fin 2014, le maire de Zeist se rendra à Berkane pour lancer ce nouveau cycle de partenariat. Source : Ville de Zeist

13


2.

état des lieux

Les statistiques officielles sur le nombre, le secteur d’activité et la répartition des conventions de jumelages ou de coopérations entre les collectivités territoriales du Maghreb sont peu fournies. Les ministères de l’intérieur de ces pays publient la liste des accords de jumelages signés par leurs collectivités territoriales, à l’exception de la Mauritanie et de la Libye. On y distingue en grande majorité des conventions signées avec des collectivités européennes en général et françaises en particulier. Plusieurs jumelages et coopérations entre collectivités du Grand Maghreb existent également. L’information, embryonnaire, est reproduite ci-après bien qu’elle s’avère limitée. Dès que l’on cherche à croiser les données par pays, les résultats sont discordants.

Le cas du Maroc 6 Collectivité marocaine

Collectivité jumelée

Pays

Date du jumelage retour

Beni Mellal

Kaedi

Mauritanie

1988

Bouskoura

Boumerdas

Tunisie

1986

El Jadida

Nabeul

Tunisie

1985

Kenitra

Hamam-Lif

Tunisie

1982

Khémisset

Ourdanine

Tunisie

1982

Khémisset

Zouerate

Mauritanie

1988

Kourigha

Akjoujt

Mauritanie

1988

Marrakech

Atar

Mauritanie

1989

Marrakech

Sousse

Tunisie

1989

Meknes

Kiffa

Mauritanie

1988

Mohammedia

Monastir

Tunisie

1971

Mohammedia

Rosso

Mauritanie

1988

Nador

Nema

Mauritanie

1988

Rabat Hassan

Nouakchott

Mauritanie

1988

Rabat Hassan

Tripoli

Libye

1986

Rabat Hassan

Tunis

Tunisie

1987

Safi

F’Derik

Mauritanie

1988

Safi

Sfax

Tunisie

1982

Salé

Ariana

Tunisie

1982

Settat

Selibaly

Mauritanie

1988

Taroudant

Aleg

Mauritanie

1988

Tétouan

Aïoun El Atrouss

Mauritanie

1989

À l’exception d’un jumelage précurseur signé en 1971 entre Mohammedia et Monastir en Tunisie, la totalité des jumelages entre des collectivités marocaines et leurs homologues du Grand Maghreb est conclue dans les années 1980. Depuis, l’action internationale des collectivités marocaines se concentre sur des conventions de coopération établies en grande majorité avec des collectivités européennes, à l’exception de deux nouveaux cas de jumelages intra régionaux (Temara avec Arafat en Mauritanie en 2008, et Marrakech avec Radamiss en Libye en 2009). Il convient également de noter que deux régions marocaines sont engagées depuis les années 2000 dans des coopérations avec leurs voisins, comme le montre le tableau ci-contre.

6

L es données ici présentées sont extraites des éditions 2002, 2004, 2005, 2009 et 2011 de la publication « Collectivités locales en chiffres », Ministère de l’Intérieur, Direction Générale des Collectivités Locales, Maroc.

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Région marocaine Rabat-SaléZemmourZaer

SoussMassa- Draa

Partenaire étranger

Pays

Objet

Date

Wilaya de Gorgol

Mauritanie

échange d’expériences et de savoir-faire dans les domaines de l’environnement et la préservation du patrimoine culturel.

2004

Wilaya de Tunis

Tunisie

Partenariat dans les domaines socio-culturels, les beaux arts la jeunesse et les sports, la protection de l’environnement et la réhabilitation des anciennes médinas

2003

Wilaya de Manouba

Tunisie

2003 échange d’expériences en matière de gestion municipale et partenariat dans domaines économique, culturel, et social

Enfin, l’expérience du programme Art Gold du PNUD au Maroc est à souligner. Avec l’appui de ce programme, le Maroc s’engage dans la coopération Sud-Sud, au-delà des échanges avec ses voisins du Grand Maghreb. Le programme positionne ainsi le pays comme plateforme de diffusion de la coopération Sud-Sud. Suite aux engagements du Mémorandum d’Entente de Coopération Sud-Sud, établi en septembre 2011 à Rabat entre la Mauritanie, le Maroc, le Sénégal et le Gabon dans le cadre du Programme ART GOLD au Maroc, une première mission de coopération a lieu en décembre 2011 en Mauritanie, ainsi qu’une mission d’appui technique en mai 2012 au Gabon 7.

La plateforme LOCAL MED Défi initial À l’origine de cette coopération, le projet PROGOL réunit des gouvernements locaux de la Province de Barcelone, en Espagne, et de la Région Tanger-Tétouan, au Maroc. Ce projet fait naitre un besoin de réciprocité accru entre les gouvernements locaux des deux rives de la Méditerranée pour favoriser leur renforcement institutionnel. Ce partenariat s’inscrit dans les engagements d’efficacité des politiques publiques locales de la loi communale et du chantier de la régionalisation avancée au Maroc. Avec les plans communaux de développement (PCD), les communes disposent désormais d’un cadre renforcé pour la coopération avec la société civile. Approche et objectifs À l’initiative du Centre Marocain de Recherche et de Développement (CMRD) et de la Députation de Barcelone, la « Plateforme LOCAL MED » rassemble plus de vingt mairies de la province de Barcelone et de la région Tanger-Tétouan. Son objectif est de moderniser les politiques publiques locales, la cohésion sociale et la participation des citoyens dans la vie locale à travers un espace d’apprentissages partagés.

7

R apport d’évaluation finale du programme Art Gold, PNUD Maroc, 2007-2012.

15


Actions Ponctuées de visites d’étude, cinq rencontres d’échanges d’expériences entre les communes des deux rives sont organisées sur la promotion économique locale, les moyens de dynamiser le tissu économique du territoire à travers la coopération, la participation citoyenne dans la gestion des affaires publiques locales, l’évaluation des politiques publiques et les opportunités de coopération entrepreneuriale. En parallèle, 3 assistances techniques transversales et 7 assistances techniques bilatérales sont mises en place en fonction des priorités des communes. Par exemple, la politique d’efficacité énergétique de la commune de Rubi, présentée lors d’un des cinq séminaires, suscite beaucoup d’intérêt parmi les communes marocaines. Les élus et les fonctionnaires de ces mairies se réunissent début 2014 pour étudier les mesures prises à Rubi et l’application possible dans leur commune, notamment sur les convertisseurs d’énergie, la rationalisation de leur fonctionnement et de l’utilisation de l’énergie. Parallèlement et en synergie avec la Plateforme LOCAL MED, un échange technique est également mis en œuvre dans la commune de Larache au Maroc dans le cadre d’un projet européen sur le développement de sa politique d’accès à l’information et d’amélioration de l’offre des services publics. Une visite technique est réalisée dans trois municipalités catalanes (Sant Feliu, Sant Boi et Sabadell) pour identifier les procédures et les outils à mettre en place, tels que le droit d’accès à l’information, la gestion de bases de données, l’ouverture d’un bureau de l’information pour les citoyens, le fonctionnement du bureau des réclamations, la formation sur les TIC et les recrutements de prestataires de services. Partenaires 9 communes urbaines de la région de Tanger-Tétouan au Maroc, et 14 municipalités de la province de Barcelone. La coordination du réseau est assurée par le CMRD et la Députation de Barcelone, avec la contribution du Réseau des Villes Stratégiques. L’assistance technique est assurée par l’ONG Proyecto Local. Financements ➜ Députation de Barcelone : 141.542,80 € ➜ Communes marocaines : 6.900,00 € ➜ Centre Marocain pour la Recherche et le Développement : 14.400,00 € Résultats Le partenariat étant récent, il est prématuré d’évoquer des résultats durables. Néanmoins, la dynamique produit déjà des effets. Plus de vingt élus locaux et cent fonctionnaires territoriaux sont engagés dans ce partenariat en fonction de leur champ de compétence. Suite aux échanges d’expériences, de nouvelles feuilles de routes sectorielles sont élaborées et sont mises en œuvre localement par les communes marocaines. Dans le domaine de la coopération entrepreneuriale par exemple, des lignes stratégiques sont définies pour développer des partenariats privés dans les quatre secteurs suivants : efficience énergétique, tourisme, agroalimentaire et économie sociale. C’est aujourd’hui à travers des assistances techniques bilatérales auprès de communes marocaines que ces nouveaux outils deviennent réalité. Enfin, le partenariat a un impact politique certain : il consolide la coopération décentralisée entre ces deux régions et les politiques locales de cohésion sociale. Pour preuve, la participation effective des élus locaux et régionaux aux activités, l’implication continue des acteurs compétents pour chaque pan d’activités, comme l’Association Marocaine pour l’évaluation des Politiques Publiques ou les chambres de commerce. Atouts et reproductibilité L’action en réseau à travers la plateforme permet un effet d’entrainement de la coopération décentralisée. Elle met les communes en relation, leur permet de prendre du recul sur leurs actions locales en échangeant avec d’autres communes et de mieux identifier leurs besoins et les opportunités d’assistance technique.

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Défis rencontrés La réalité institutionnelle spécifique de chaque commune a entrainé de l’inertie au démarrage. Cela a pu être dépassé grâce à la signature d’accords de coopération bilatéraux et au suivi des réunions réalisé par la coordination du projet. Les échanges sont également conditionnés par le rythme politique de chaque territoire. Ainsi, le début du projet a par exemple dû être reporté en raison des élections municipales en Catalogne. Perspectives Une deuxième phase d’action de 18 mois est envisagée après 2014 tant les opportunités et enjeux communs sont nombreux. D’une manière générale, la plateforme offre une opportunité unique de capitaliser les bonnes pratiques et de mettre en relation les acteurs publics et privés de deux territoires régionaux qui gardent des liens historiques, culturels et économiques forts. Plus spécifiquement, cette deuxième phase visera à approfondir les partenariats municipaux pour comparer, systématiser et évaluer les politiques publiques de cohésion sociale mises en œuvre. Enfin, elle aura également pour objectif la convergence des stratégies locales et la pérennité de ces alliances dans les domaines institutionnel, culturel, économique et social. Source : Députation de Barcelone

Le cas de l’Algérie 8 Wilaya Algérienne

8

Collectivité algérienne

Collectivité partenaire

Pays

Type d’accord et date de signature

Tlemcen

Commune de Tlemcen

Fès

Maroc

Jumelage social, économique et culturel – 02/11/1988

Oran

Commune d’Oran

Nouadhibou

Mauritanie

Protocole de jumelage – 01/06/1989

Tlemcen

Commune de Tlemcen

Kairouan

Tunisie

Jumelage économique social et culturel – 05/07/1973

Oran

Commune d’Oran

Sfax

Tunisie

Accord de jumelage – Juin 1989

D onnées extraites du site du Ministère algérien de l’intérieur et des collectivités locales : http://www.interieur.gov.dz/Dynamics/frmItem.aspx?html=11&s=5

17


Le cas de la Tunisie 9 Pays des collectivités partenaires des collectivités tunisiennes

Nombre de jumelages

Nombre de projets

Remarques

Algérie

5

23

émergence dans les années 1970, gel des échanges pendant les années 1990.

Maroc

14

26

à quelques exceptions près (Ariana-Salé, Monastir- Mohammedia), les échanges sont essentiellement culturels.

Libye

1

7

La coopération entre Hammam-Lif et Zaouia est en suspens. Bengazi, Sousse et Sfax travaillent ensemble sur les questions environnementales dans le cadre du réseau Med-Cités

Mauritanie

1

8

Quelques actions communes des deux Ministères chargés des collectivités locales, sinon exclusivement des échanges de délégations officielles.

Pour compléter cette information, la Fédération nationale des villes tunisiennes (FNVT) adresse en 2013 un questionnaire aux cadres chargés de la coopération décentralisée dans les villes de Tunis, Bizerte, Kairouan, Sfax, Ariana, Nabeul et Dar Chaabane Elfehri 10. Les résultats de cette enquête dégagent les tendances suivantes. Historiquement, la grande majorité des jumelages intra Maghreb est établie dans les années 1970 et 1980 dans une logique protocolaire, souvent suite à des visites de courtoisie, suite à des rencontres lors de festivités culturelles ou encore sur la base de noms ressemblants entre les communes. Les termes des conventions de jumelages alors signées restent vagues et ne reposent pas sur des objectifs clairement définis. D’après les personnes sondées par la FNVT, l’absence de stratégie ainsi que le manque de volonté politique réelle de la part des deux parties jumelées sont dans l’écrasante majorité des cas responsables de la suspension des jumelages. Des considérations de politiques nationales sont également entrées en compte, comme lors du gel des coopérations avec l’Algérie au cours de la décennie noire des années 1990. Dans ces conditions, aucun plan d’action n’a été mis en œuvre, encore moins évalué ou capitalisé.

La modernisation de l’état civil des villes tunisiennes en coopération avec l’AIMF L’Association internationale des maires francophones (AIMF) rassemble les élus locaux de 50 pays. Elle offre aux élus et aux cadres de l'administration territoriale un espace de réflexion et de dialogue autour des pratiques de gestion territoriale. Elle est l’opérateur de la Francophonie pour la coopération décentralisée et apporte, dans ce cadre, un appui à ses membres dans les domaines de la décentralisation, de la gouvernance locale et du développement socio-économique durable. Membre de l’AIMF depuis 1979, Tunis fait figure de pionnière en Tunisie. La ville a occupé de nombreuses fonctions au sein de l’association et accueilli plusieurs manifestations. Monastir, Sfax et Sousse ont rejoint le réseau au tournant des années 19801990, puis Bizerte en 2001. Gafsa, Kasserine et Siliana sont associées à l’AIMF depuis la révolution en 2011. Enfin, la Fédération nationale des villes tunisiennes est également membre de l’AIMF. Approche et action L’originalité de l’expérience tunisienne réside dans la globalité de la démarche. Dans un premier temps, un projet pilote d’informatisation de l’État civil a été mis en œuvre à Tunis. La gestion performante de l’état civil constitue en effet une mission charnière pour les communes. Elle permet le bon fonctionnement des élections, mais aussi le développement de la fiscalité locale. Cette expérience réussie a été diffusée à d’autres villes du Sud membres de l’AIMF. Tout en suivant une démarche commune, Monastir, Sousse et Sfax en Tunisie se sont ensuite appuyées sur le modèle de Tunis pour moderniser leur outil de gestion. 9

D onnées transmises par la Fédération nationale des villes tunisiennes. E nquête réalisée fin 2013 par Saber Houchati et Bouraoui Ouni, FNVT.

10

18

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Résultats et atouts La coopération entre l’AIMF et les villes tunisiennes est exemplaire. Il s’agit bien d’une coopération décentralisée puisque chaque ville est dotée d’un système personnalisé, adapté à ses besoins exacts. Mais chaque ville a tenu compte du projet-pilote de Tunis qui a d’ailleurs accueilli en formation des stagiaires des autres villes. Ces projets sont fidèles aux concepts de coopération initiés par l’AIMF : dialogue, échange d’informations, modernisation des structures, aide au développement de la démocratie, notamment avec l’informatisation de l’état civil. À cela s’ajoute la rapidité d’exécution des programmes et la maîtrise financière des projets puisque les limites budgétaires imposées par le Bureau ont été respectées. Enfin, la société d’ingénierie tunisienne qui a réalisé pour l’AIMF les logiciels de gestion, la SIDES, est devenue un partenaire essentiel de l’association. Les cadres de cette société qui a adopté les méthodes de travail de l’AIMF et son esprit participatif, forment les personnels des villes du Sud à l’utilisation des logiciels. Cette société est à présent reconnue par les bailleurs internationaux, telle la Banque Mondiale ou l’Union européenne. Financements Pour l’ensemble des villes tunisiennes participant à la coopération, les subventions attribuées à la modernisation des services municipaux se sont élevées à 640.000€ (informatisation de l’état civil, de la gestion des stocks et approvisionnement, du parc roulant et enfin des services financiers). Quatre centres multimédias ont été créés grâce à une subvention de 120.000€. De nombreux équipements public ont été réhabilités, assainis, créés ou requalifiés pour un montant de 1.723.000 €. Une subvention de 83.000€ a permis la création de l’observatoire de l’état civil à Tunis en 2007. Enfin, un programme d’appui à l’économie sociale et solidaire et à l’innovation est en cours (grâce à un financement de 112.000€). Source : AIMF

3.

éléments d’analyse

Dans une tribune sur l’espoir que peut représenter la coopération décentralisée pour les villes du Sud, Abdelghani Abouhani, Professeur à l’Institut national d’aménagement et d’urbanisme de Rabat explique, « La fièvre des jumelages s’est emparée des villes marocaines depuis 1976 et en moins de 20 ans plus de 100 jumelages ont été conclus. Néanmoins les résultats sont très limités : les jumelages ont été très pauvres en termes d’échanges économiques. Dans la plupart des cas ils se limitent à des visites épisodiques que s’échangent les responsables municipaux des villes jumelées. L’insuccès de cette forme de coopération s’explique par la faiblesse des moyens financiers qui lui sont affectés et aussi par le choix hasardeux du partenaire et surtout par une carence d’initiatives des collectivités locales » 11. De nombreux paramètres peuvent en réalité être invoqués pour expliquer le faible développement de la coopération décentralisée entre les pays du Grand Maghreb.

a.

Un environnement national et régional peu favorable

Une zone hétérogène dont la seule dynamique d’échanges remonte à la période de création de l’UMA Les cinq pays du Maghreb arabe forment un groupe hétérogène en termes de peuples, de niveau de développement et surtout d’histoire politique récente. Depuis leur indépendance, ces pays mettent en œuvre des modèles économiques et politiques différents, qui s’accompagnent pour la plupart d’entre eux de soubresauts d’une grande violence. Les enjeux de sécurité et de stabilité constituent une priorité majeure pour les pays de la région. La forte volonté politique nécessaire à l’unification d’une telle zone fait toujours défaut, y compris depuis la création de l’Union du Maghreb Arabe en 1989. Cet espace régional est l’un des moins intégrés du monde. L’UMA n’a pas tenu de sommet important depuis des années. Les frontières entre le Maroc et l’Algérie sont toujours fermées. L’Algérie, pays incontournable de la zone par son poids économique, démographique, et par sa position géographique, fait figure de force bloquante. Cet échec pèse lourdement sur le développement économique et social de la région et sclérose les échanges. Dans ce contexte, l’ouverture internationale des collectivités territoriales s’est rarement réalisée en faveur des pays voisins malgré une proximité certaine sur les plans culturel, religieux et linguistique. Une période fait cependant figure d’exception. Dans les années 1980, la préparation puis l’entrée en vigueur du Traité de Marrakech qui institua l’UMA créé 11

L a coopération décentralisée : un espoir pour les villes du Sud ? Le cas du Maroc, Abdelghani Abouhani.

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une dynamique d’unification et d’échanges au sein de la région. De nombreux protocoles de jumelages sont signés pendant cette période. Les freins des diplomaties nationales Les différends entre les États et le contexte susmentionné se reflètent dans la coopération bilatérale entre les États du Maghreb Arabe, qui n’est pas favorable à la coopération décentralisée. Par exemple, en septembre 2000, les Ministères de l’Intérieur du Maroc et de la Tunisie signent une convention cadre de coopération dans le domaine de l’administration centrale et locale. Dans le cadre de cette convention, un « Comité mixte de coopération dans le domaine de l’administration territoriale et locale » est créé 12. Il ne se réunit qu’une fois en 2001, malgré les attentes des communes et de la société civile. Un programme annuel de coopération fondé sur l’échange de visites et d’expertises a pourtant alors été convenu tout comme un plan de dynamisation des jumelages existants. La volonté politique fait incontestablement défaut. À cela s’ajoutent des cadres inopérants car établis sans concertation avec les acteurs locaux. Au niveau des diplomaties nationales, l’absence de stratégie pour la coopération décentralisée constitue également un frein aux échanges. Les cadres juridiques de la coopération décentralisée étant limités ou récents, ce type d’action internationale est encore très peu soutenu par les États. En l’absence de tout accompagnement, par le réseau diplomatique par exemple, de toute orientation stratégique et de tout appui en termes de conseil et de financement, les collectivités évoluent au cas par cas, au gré des rencontres et des opportunités. En Tunisie, la mise en place d’un mécanisme institutionnel adéquat est en chantier, avec deux priorités : la création d’une instance nationale avec une stratégie harmonisée, et la réforme de la Fédération nationale des villes tunisiennes. La tutelle étatique, un poids pour les collectivités territoriales Les pays du Maghreb Arabe sont des pays très centralisés, à l’exception du Maroc qui a engagé récemment d’importantes réformes de décentralisation et de régionalisation. Dans tous les cas, la tutelle étatique demeure considérable pour les collectivités territoriales. Le carcan des procédures administratives est facteur de démotivation pour l’action internationale. Dans le cas de coopérations décentralisées avec des collectivités européennes, il est fréquent que les activités soient ralenties ou interrompues en raison de la lourdeur des procédures d’approbation par l’autorité de tutelle. On peut aisément imaginer ce qu’il en est dans le cas de partenariats entre des collectivités de deux pays fortement centralisés. Les limites actuelles et le potentiel des associations de collectivités territoriales Compte tenu du caractère centralisé des systèmes politiques, les associations nationales représentatives des pouvoirs locaux dans ces pays sont soit inexistantes (en Libye 13 ), soit embryonnaires, soit instrumentalisées politiquement (comme ce fut le cas en Tunisie jusqu’en 2011). Contrairement aux pays européens, l’inexistence ou la faiblesse de ces associations prive les collectivités territoriales d’espace d’échanges, de réflexion et de formation dans ce domaine. Elle les prive également d’un interlocuteur face à l’État central et aux partenaires étrangers dans les dialogues sur l’administration locale. Comme le souligne Abdelghani Abouhani, « En l’absence d’une telle structure, les collectivités locales s’engagent seules avec des moyens modestes en s’appuyant sur des liens personnels qu’elles entretiennent avec leur homologue étranger. Les partenariats se font au hasard des rencontres et les projets tantôt aboutissent tantôt échouent » 14. La situation évolue avec la structuration progressive d’associations nationales, conscientes du rôle de coordination, d’accompagnement et d’entrainement qu’elles peuvent jouer, et avec l’adhésion des collectivités territoriales aux réseaux internationaux tels que l’AIMF et CGLU, qui offrent des espaces de réflexion et d’échanges.

ans le cas de la Tunisie, aucun cadre institutionnel relevant de la coopération territoriale n’est signé avec d’autres pays de la zone. D S elon l’Ambassade de France en Libye, des associations locales représentant les élus s’organisent peu à peu, comme par exemple à Benghazi. 14 O p. cit. 12 13

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b.

L es jumelages et la coopération décentralisée, une pratique peu répandue

Des moyens financiers trop faibles maintiennent les collectivités dans des positions de bénéficiaires Des niveaux de développement peu élevés 15 conjugués à une décentralisation financière limitée font des collectivités du Maghreb des acteurs pauvres. En Tunisie en 2013, les dépenses effectuées au titre de la coopération décentralisée ne dépassent 822 000 dinars tunisiens (environ 380.000 Euros) que ce soit pour la coopération bilatérale ou l’adhésion des collectivités locales tunisiennes aux associations et organisations régionales et internationales. Pour la coopération avec d’autres partenaires du Sud, seulement 70.000 dinars tunisiens (environ 30.000 Euros) sont dépensés ce qui représente à peine 8 % du total des dépenses 16. La coopération décentralisée est souvent perçue comme une opportunité pour financer les infrastructures communales et les services à la population. Dans cette logique, la recherche de partenaires est orientée vers l’Europe. Elle entretient le positionnement des collectivités maghrébines comme « bénéficiaires de l’aide ». La concentration des échanges avec la France en particulier est accentuée par la proximité culturelle et linguistique des élites, la connaissance du terrain et l’appui des services de l’Ambassade de France sur place. Ce mouvement se produit au détriment d’échanges plus horizontaux avec les pays voisins, et d’une façon plus générale dans l’axe Sud-Sud. Le manque de formation des élus locaux et de leurs administrations Outre les moyens financiers, la qualification des agents communaux ainsi que des élus locaux représente un enjeu pour le développement des coopérations. Très peu de collectivités disposent de personnel formé et disponible pour la gestion de tels partenariats, qui exigent la maîtrise des attributions, des pouvoirs et des procédures, des langues, des techniques de négociation et du management des projets. Les partenariats ne font généralement l’objet ni de suivi ni d’évaluation. Ils sont menés au cas par cas, sans stratégie claire, ce qui limite le potentiel de pérennité des actions, en particulier suite aux changements d’équipes municipales. Au Maroc, la déconcentration du pouvoir de tutelle vers les autorités locales dans ce qui a été appelé la tutelle de proximité a également produit un effet négatif sur le suivi des actions. Dans ces conditions, les relations entre collectivités du Grand Maghreb se résument essentiellement à des échanges protocolaires et ponctuels, fondés sur un choix aléatoire des partenaires. Des partenariats moins formels et moins visibles Il convient de ne pas sous-estimer pour autant l’existence de coopérations au sein du Maghreb Arabe. Des liens entre communes existent parfois depuis plusieurs décennies. Ils peuvent être fondés sur une proximité géographique de part et d’autre d’une frontière, ou sur un développement économique similaire comme dans le cas d’Annaba en Algérie et de Bizerte en Tunisie. La principale différence avec les coopérations décentralisées européennes est que ces liens sont moins formalisés. D’un côté, ils ne font pas l’objet de la même communication. De l’autre, ils n’ont pas (encore) inspiré une réflexion théorique en appui à cette pratique. Ils demeurent par conséquent peu visibles et peu connus.

CoMun : une approche multiniveaux pour faciliter les échanges entre le Maroc, l’Algérie et la Tunisie Une approche multiniveaux CoMun est un programme régional pour le développement urbain et la gouvernance locale qui s’appuie sur un réseau d’échanges en construction entre villes du Maroc, d’Algérie et de Tunisie. Plus d’une trentaine de villes marocaines et tunisiennes bénéficient d'un appui technique pour la gestion des déchets urbains, l’efficacité énergétique, la mobilité urbaine, la valorisation des médinas et la gouvernance locale. Au niveau national, plusieurs réseaux thématiques sont mis en place. L'objectif à terme est d'initier un réseau régional favorisant les échanges entre les villes et les citoyens du Maghreb. En complément de cette dynamique, le programme facilite la coopération décentralisée entre villes allemandes et villes maghrébines. Ceci permet de mettre en valeur le savoir-faire acquis notamment dans le cadre de l’intégration des deux systèmes administratifs allemands (l’un centralisé, l’autre fortement décentralisé) pendant les années 1990. P our la zone, le classement d’indice de développement humain du Rapport sur le développement humain 2013 du PNUD place la Libye en tête à la 64 e place mondiale et la Mauritanie en dernière position avec la 155 e place mondiale. 16 D onnées transmises par la Fédération nationale des villes tunisiennes. 15

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Défi initial Les trois pays du Maghreb connaissent des forts taux d’urbanisation, qui devraient atteindre 70 % en 2030 selon les prévisions d’ONU-Habitat. Les capacités de gestion comme les moyens au sein des municipalités sont dans la grande majorité des cas insuffisants par rapport à des défis tels que les infrastructures, le logement, la protection de l’environnement, l’adaptation au changement climatique, ainsi que la promotion de l’économie locale. Actions 1. Au niveau national : mise en réseau et appui technique Deux types d’actions sont mis en œuvre : l’accompagnement technique des villes dans la planification intégrée de leur territoire (formation, appui à la maitrise d’ouvrage, recherches de financement) et l’animation de réseaux thématiques pour les villes du pays concerné. Les villes d’Agadir, Beni Mellal et Kénitra au Maroc sont par exemple soutenues pour planifier de manière intégrée leur gestion des déchets urbains à moyen terme. La ville de Bamberg apporte, dans ce cadre, un appui technique à la conception d’études, la gestion et le dépouillement d’appels d’offres, ainsi que l’élaboration de projets spécifiques. 2. Le réseau régional et les échanges intra Maghreb Un atelier Maroc-Tunisie sur l'efficacité énergétique s’est par exemple tenu à Sfax, avec la contribution de la ville de Munich, en septembre 2013. Les stratégies nationales pour inclure la question énergétique dans la planification urbaine ont pu être comparées. Le réseau marocain REMME, spécialiste de l'efficacité énergétique, a par exemple été approché par les partenaires tunisiens qui souhaiteraient la mise en place d'une structure similaire dans leur pays. 3. La coopération décentralisée avec des villes allemandes Suite à des visites d’étude organisées par CoMun, les élus locaux de Monastir en Tunisie et de Münster en Allemagne se sont, par exemple, engagés dans une coopération sur la politique de la jeunesse, en s’appuyant sur l’expérience du Conseil de la jeunesse à Münster. Partenaires et financements Au Maroc, le programme est porté par la Direction générale des collectivités locales (DGCL) du Ministère de l’intérieur et l’Association marocaine des présidents des Conseils communaux (AMPCC), mis en œuvre en coopération avec l'Institut national d’aménagement et d’urbanisme. En Tunisie, le programme est également porté par la DGCL et mis en œuvre en coopération avec le Centre de formation et d’appui à la décentralisation et la Fédération nationale des villes tunisiennes. Les partenaires financiers du programme sont le Ministère fédéral allemand de la coopération économique et du développement et le Ministère fédéral allemand des Affaires étrangères. Le programme de formation sur les nouvelles approches du développement urbain au Maroc et en Tunisie est financé par la Fondation Robert Bosch. Plusieurs partenaires institutionnels participent à l’initiative, parmi lesquels l’Association des villes allemandes (Deutscher Städtetag), l’Association des villes néerlandaises (VNG) et le Centre de Marseille pour l’intégration en Méditerranée (CMI). Premiers résultats Grâce à la mise en réseau, des transferts d’expérience sont déjà réalisés. Au Maroc, le système de suivi de la gestion des déchets de Tanger a été adopté par la ville de Beni Mellal. De même, le savoir-faire en matière de tri à la source développé à Beni Mellal a été transféré à Agadir. Il convient de noter que les réformes constitutionnelles récentes au Maroc facilitent la coopération avec les gouvernements locaux et ouvrent de nouvelles marges de manœuvre. Atouts et reproductibilité Le réseautage en lui-même constitue le principal atout du programme selon les villes maghrébines pour qui il s'agit d'une expérience nouvelle. Les problématiques de ces villes sont souvent similaires, ce qui renforce à la fois l'utilité d'une réflexion commune sur les solutions locales et la pertinence des échanges sur les réussites ou les échecs connus. Les premiers résultats de CoMun démontrent le potentiel créé par la mobilisation. Par exemple, les villes membres du réseau marocain des anciennes médinas, initié par CoMun, ont élaboré ensemble un plan d’actions pour se positionner vis-à-vis du gouvernement central et proposer des micro-projets. Structurées en réseau, elles sont devenues un acteur incontournable du dialogue national.

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L'échange de savoir-faire avec des villes allemandes représente un deuxième atout important de CoMun. Des voyages d’études au sein des administrations locales sont organisés, un appui-conseil est apporté à la demande des villes du programme et des stages professionnels dans les administrations locales allemandes sont facilités. Défis rencontrés Les contraintes se situent au niveau des contextes politiques nationaux, qui sont très différents dans ces trois pays. Grâce à un cadre institutionnel favorable, le Maroc est le pays dans lequel les activités se développent le plus rapidement. En Tunisie, la forte volonté d’ouverture permet une reprise rapide de l’action suite à la révolution de 2011. Le partenariat avec un gouvernement de transition et des représentants municipaux issus des délégations spéciales en l'absence d'élections locales demeure malgré tout un défi. En Algérie enfin, pays très centralisé, travailler avec les communes reste un défi, malgré l'intérêt exprimé par celles-ci. En lien avec cette différenciation des contextes nationaux, la perspective d'échanges transfrontaliers entre des communes du Maghreb a rencontré, parmi les partenaires concernés, quelques doutes, voire quelques résistances au début du programme. Loin d'être une démarche spontanée, la coopération intra-Maghreb doit démontrer son potentiel de solutions locales et de transferts d'expériences, qui est aujourd'hui reconnu comme une force de CoMun. Source : Secrétariat du Programme CoMun

III. L’appui des bailleurs de fonds 1.

L’Union européenne

Dans ses programmes de coopération au développement, l’Union européenne ne considère par le Maghreb Arabe comme une région spécifique. D’un côté, la Mauritanie est rattachée à l’ensemble Afrique-Caraïbe-Pacifique (ACP), qui bénéficie, avec l’Accord de Cotonou, d’un partenariat privilégié avec l’UE, fondé sur un dialogue politique, des relations commerciales et une coopération approfondis dans de nombreux domaines. De l’autre, le Maroc, l’Algérie et la Tunisie font partie de ce que l’UE a appelé sa zone de « voisinage », qui comprend la rive Sud de la Méditerranée et les pays à sa frontière orientale. Chacun de ces trois pays est lié par un Accord d’Association avec l’UE. La Libye, quant à elle, n’a pas de relations contractuelles avec l’UE. N’ayant pas adhéré à l’acquis de Barcelone, elle ne participe pas à la politique européenne de voisinage. Depuis la chute du régime de Kadhafi cependant, l’UE soutient activement la Libye dans sa transition et lui a ouvert plusieurs programmes de coopération. De manière transversale, l’UE soutient les collectivités territoriales comme actrices du développement de leur pays. Cet appui s’est concrétisé par l’éligibilité des collectivités à de nombreux programmes de financement de l’UE, au premier rang desquels le programme « organisations de la société civile et autorités locales dans le développement » dont une partie leur est dédiée depuis 2007 17. Il est en outre renforcé politiquement depuis 2013 par la Communication « Accorder une autonomie accrue aux autorités locales dans les pays partenaires pour une meilleure gouvernance et des résultats plus concrets en matière de développement » 18. Cette Communication détaille la stratégie de la Commission européenne pour renforcer son partenariat avec les autorités locales à travers ses programmes tout au long de la période budgétaire qui s’étend de 2014 à 2020. Il convient de souligner que la Commission européenne n’appuie pas spécifiquement la coopération décentralisée en tant que partenariat entre plusieurs collectivités du Nord et du Sud. Elle entend soutenir de façon croissante directement les collectivités territoriales du Sud, qui peuvent avoir un partenariat avec une collectivité ou une association quand elles le souhaitent.

17 18

’abord intitulé ANE-AL, le programme a été rebaptisé OSC-AL pour la période 2014-2020. D C ommunication de la Commission européenne, 15 mai 2013 : http://ec.europa.eu/europeaid/what/civil- society/documents/com_2013_280_local_ authorities_in_partner_countries_fr.pdf

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a.

L es programmes géographiques de la Commission européenne

En Mauritanie Le Fond européen de développement (FED) représente le principal instrument de la politique européenne de coopération avec les pays ACP. Pour la Mauritanie, ce sont 397 millions d’euros qui sont alloués par le FED depuis 2001 19. Le Programme indicatif national (PIN) définit les secteurs d’intervention de l’UE en Mauritanie. Un chapitre y est dédié à la stratégie de renforcement des capacités des acteurs locaux de développement, et de la décentralisation au niveau local. C’est dans ce contexte qu’est mis en œuvre depuis 2008 le programme de renforcement institutionnel des collectivités locales et de leurs services (PERICLES). Ce programme est le résultat de la coordination de différentes initiatives d’appui à la décentralisation. L’UE y contribue à hauteur de 7,5 millions d'euros, et les coopérations espagnole, française et allemande réunies à hauteur de 6 millions. Il a pour objectif d'asseoir les communes dans leur rôle d'animateur de développement par le biais de structures de proximité, les centres de ressources, d'accompagner la Direction générale des collectivités territoriales dans le pilotage du processus de décentralisation, et de contribuer à la refonte du système de financement des collectivités. Le FED permet également d’autres entrées thématiques pour les communes, qui ont pu bénéficier de cofinancements pour des projets liés à la sécurité alimentaire, l’eau, l’environnement, l’énergie solaire, à travers des programmes comme la Facilité Eau par exemple. Néanmoins, ces programmes ne prévoient pas de volet spécifique pour la coopération décentralisée. Au Maroc, en Algérie et en Tunisie Ces trois pays participent à l’instrument européen de voisinage, dont l’enveloppe financière vient d’être significativement renforcée pour la période 2014-2020 (15,4 milliards d’euros). Les deux caractéristiques de ce nouvel instrument sont d’octroyer des mesures incitatives aux pays qui avancent le plus dans les réformes et d’engager des financements de manière plus rapide et flexible. Cet instrument se décline selon trois volets : Des programmes bilatéraux pour la majeure partie des financements. Le renforcement des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'État de droit, l'égalité, la démocratie durable, la bonne gouvernance et la prospérité de la société civile y figurent parmi les priorités. Ces programmes sont négociés avec chaque État, qui a la responsabilité de le mettre en œuvre. Au delà des 240 millions d’euros alloués par le Programme indicatif national (PIN) de la Tunisie pour la période 2011-2013, la Commission européenne soutient par exemple la transition politique et le développement économique de ce pays avec un budget annuel additionnel de 400 millions d’euros. En 2011, l’UE accorde une mesure spéciale à la Tunisie à travers un programme d’appui aux zones défavorisées d’un montant de 20 millions d’euros. Il concerne les treize gouvernorats de l’intérieur du pays. Autre exemple, le Programme d’appui à l’accord d’association et au plan d’action voisinage permet de soutenir de nombreux jumelages comme le projet de renforcement des capacités institutionnelles du Centre de Formation et d’Appui à la Décentralisation (CFAD) mis en œuvre avec l’ENA France en 2012. Là encore, il ne s’agit pas à proprement parler de coopération directe entre collectivités territoriales 20. Des programmes régionaux, qui répondent aux enjeux communs à plusieurs ou à tous les pays de la zone. De 2007 à 2013, 21 projets impliquant des collectivités des pays du voisinage sont mis en œuvre dans le cadre du programme CIUDAD, coopération en matière de développement urbain et de dialogue 21. Au total, 7 collectivités marocaines, 5 collectivités tunisiennes et 2 collectivités algériennes prennent part à ce programme multi-pays. Ces partenariats sur une base programme ne s’inscrivent pas à proprement parler dans une logique de coopération décentralisée pérenne. Ils permettent cependant un rapprochement entre des collectivités qui partagent une problématique commune et des échanges d’expertise ciblés sur un secteur. Citons en exemple le projet « réinventer les villes nouvelles » qui réunit Marne La Vallée en France, Tanger au Maroc, Sidi Abdellah en Algérie et la ville du « 15 mai » en Egypte sur un programme de rénovation urbaine. Depuis janvier 2014, le programme SUDEP, projets de démonstration de développement urbain en matière d'énergie durable, prend le relais de CIUDAD. L’objectif est d’appuyer les collectivités territoriales du voisinage dans leur politique d’efficacité énergétique, d’accroissement des économies d’énergie et d’utilisation des sources d’énergie renouvelable. Un premier appel à propositions à destination des collectivités du voisinage Sud est lancé au premier semestre 2014 pour un montant de 8,25 millions d’euros 22. élégation de l’Union européenne en Mauritanie : http://eeas.europa.eu/delegations/mauritania/eu_mauritania/dev_cooperation/index_fr.htm D D élégation de l’Union européenne en Tunisie : http://eeas.europa.eu/delegations/tunisia/eu_tunisia/tech_financial_cooperation/index_fr.htm 21 P lus d’informations sur : http://www.ciudad-programme.eu 22 L’appel à propositions est publié sur le site de la DG DEVCO de la Commission européenne. 19 20

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En réponse à la Communication de la Commission européenne de 2011 appelant « Une stratégie nouvelle pour un voisinage en mutation » 23, le programme SPRING, Soutien au Partenariat, à la Réforme et à la Croissance inclusive est mis en œuvre dans le prolongement du printemps arabe à hauteur de 350 millions d’euros. En Algérie, un programme d’appui à la gouvernance de 10 millions d’euros est par exemple adopté pour renforcer l’accès à la justice, la lutte contre la corruption et encourager la participation des citoyens et améliorer la gestion des finances publiques. Des missions d'accompagnement et d'assistance technique de court terme, des jumelages, des formations à court terme par des experts d’institutions publiques de l’UE (avec le programme TAIEX) sont mis en place, mais aucun mécanisme de coopération entre collectivités n’est facilité 24. Des programmes de coopération transfrontalière entre des pays membres de l’UE et des pays partenaires qui partagent une frontière commune. Les collectivités territoriales, et en particulier les régions, sont des parties prenantes essentielles de ce programme. Entre 2007 et 2013, le programme « Bassin méditerranéen » d’un montant de 200 millions d’euros finance des projets d’envergure régionale pour la zone méditerranéenne 25. Trois régions marocaines, quatorze wilayas algériennes, treize gouvernorats tunisiens et seize districts libyens y sont éligibles. Plusieurs types d’acteurs prennent part aux projets financés, des collectivités à la société civile en passant par les universités et centres de recherche. Par exemple, le projet « Nouvelles villes pour le bassin de la mer Méditerranée » rassemble la ville de Latina, la région Sicile et la province d’Oristano pour l’Italie, les municipalités d’Eordea en Grèce, de Tyre au Liban et de Maâmoura en Tunisie. Les régions maritimes de Tunisie participent également au programme Italie-Tunisie. Pour la période 2014-2020, les priorités du Programme Coopération transfrontalière Bassin Maritime Méditerranée sont le développement économique, l'éducation et la recherche, l'inclusion sociale et la protection de l'environnement.

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L es programmes thématiques de la Commission européenne

Les cinq pays de la zone, leurs collectivités territoriales et leurs associations sont éligibles aux programmes thématiques. Accordés après sélection sur appels à propositions, les financements du programme Organisations de la société civile et autorités locales (OSC-AL) s’élèvent à environ 35 millions d’euros par an pour la période 2007-2013. En Mauritanie, trois appels à propositions sont ouverts aux communes mauritaniennes (et européennes quand elles ont un partenaire mauritanien) à hauteur d’1 million d’euros pour les années 2009 et 2010 réunies, de 500 000 euros en 2011, et de 1 million d’euros en 2013. À l’occasion de chaque appel à propositions, des réunions d’information sont organisées par la Délégation de l’UE. Une formation sur le montage de dossiers européens est même dispensée en juin 2013. En 2010, ce sont 7 projets qui sont subventionnés dans les domaines de l’appui à la gouvernance et à l’investissement communautaire (Communauté urbaine de Nouakchott), de l’appui à la maitrise d’ouvrage (Keur Macène), et de la gestion intercommunale de la ressource en eau (cinq communes de la wilaya Gorgol). En 2011, deux projets sont subventionnés. L’un concerne l’élaboration d’un plan de développement communal à Djonaba, l’autre la promotion des initiatives locales concertées de la wilaya de l’Assaba. En Algérie, deux projets en lien avec la gouvernance locale sont mis en œuvre par le programme OSC-AL entre 2007 et 2013. L’un est mené par l’association El Ghaith avec 34 communes de la wilaya de Bordj Bou Arreridj pour renforcer les capacités du réseau associatif de développement communautaire et rural. L’autre est mis en œuvre par l’association Proyecto Local et vise le renforcement de la démocratie locale et de la vie associative au Maroc et en Algérie. L’Instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme, d’un montant global d’1,1 milliard d’euros pour la période 2007-2013 est également accessible aux collectivités et aux associations du Maghreb Arabe. Son budget est porté à 1,3 milliard d’euros pour la période 2014-2020. Plus ciblé sur les organisations de la société civile dans sa conception et son champ thématique, ce programme demeure peu connu des collectivités territoriales. L’un des objectifs de la nouvelle période budgétaire est de l’ouvrir plus largement à ces acteurs, par exemple à travers des projets déposés en commun par des collectivités partenaires et des collectivités européennes, ou leurs associations. En Libye, le projet Initiatives civiles en Libye (CIL) est le seul projet soutenu par l’UE qui est centré sur les stratégies de développement local. L’action, mise en œuvre à Zawia et à Benghazi dans un premier temps, a pour objectif de réunir les acteurs de la gestion territoriale dans leur diversité et d’identifier conjointement les problèmes et les opportunités qui se présentent. Étant donné la période de transition difficile et l’incertitude juridique et politique qui en résulte, le projet peut être qualifié de pilote avec un objectif resserré, qui tire malgré tout profit de l’activité significative des villes libyennes dans ce contexte difficile. ommunication conjointe de la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et de la Commission européenne, C 25 mai 2011 : http://eeas.europa.eu/enp/pdf/pdf/com_11_303_fr.pdf 24 D élégation de l’Union européenne en Algérie : http://eeas.europa.eu/delegations/algeria/eu_algeria/political_relations/index_fr.htm 25 P lus d’informations sur : http://www.enpicbcmed.eu

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2.

Les autres bailleurs de fonds

Outre l’Union européenne, les partenaires financiers multilatéraux engagés dans le secteur du développement local dans les pays du Maghreb arabe sont principalement le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et la Banque Mondiale. La France, l’Espagne, l’Allemagne, l’Italie, les Pays Bas, la Belgique, la Suisse, les États Unis et le Japon entre autres sont également actifs à travers leur coopération bilatérale. Au Maroc, par exemple, la coopération américaine, USAID, soutient un programme de formation des personnels à la gestion communale. En Mauritanie, conjointement avec l’Union européenne, la Banque mondiale soutient depuis 2013 un ambitieux Programme national intégré d’appui à la décentralisation, au développement local et à l’emploi des jeunes (PNIDDLE) sur une durée de dix ans. Le programme apporte un appui institutionnel aux acteurs de la décentralisation, permet le financement d’infrastructures et promeut l’emploi des jeunes au niveau local. Néanmoins, ces programmes privilégient un appui direct aux collectivités territoriales maghrébines. Ils n’encouragent pas l’échange d’expertise entre collectivités. Dans un contexte de dynamisme des échanges avec les collectivités du Maghreb, la France se distingue avec deux types d’actions en soutien à la coopération décentralisée. Tout d’abord, l’État français a lancé avec l’État marocain d’un côté et l’État tunisien de l’autre deux fonds de soutien conjoints à la coopération décentralisée à l’attention des collectivités territoriales françaises et marocaines d’un côté, et françaises et tunisiennes de l’autre. Ces fonds sont dédiés au renforcement des capacités de maîtrise d’ouvrage des collectivités locales partenaires. Il est alimenté par les États et cofinance les projets de coopération décentralisée. Ensuite, dans le cas du Maroc, le ministère français des Affaires étrangères met en œuvre depuis 2002 le Programme Concerté Maroc (PCM) en coordination avec les organisations de la société civile. Le PCM vise une plus grande complémentarité entre l’action publique et les initiatives de la société civile en matière de coopération. Dès 2007, il est convenu de renforcer la participation des collectivités territoriales marocaines et françaises au programme, en s’appuyant sur les partenariats de coopération décentralisée existant entre les deux pays. Ce programme fonctionne depuis lors avec la contribution des collectivités territoriales en tant qu’institutions publiques mettant en œuvre des politiques publiques sur un territoire, en lien avec les acteurs locaux 26.

Un partenariat tripartite entre Dunkerque, Bizerte et Annaba Une approche de ville à ville Dunkerque (France), Annaba (Algérie) et Bizerte (Tunisie) sont toutes trois des villes portuaires, industrielles et universitaires. Elles partagent, depuis plusieurs décennies, des problématiques et des enjeux communs. Deux relations préexistantes ont motivé la construction d’un partenariat tripartite. D’une part, Dunkerque et Annaba ont vu naître leurs liens économiques dans les années 1970 autour de la sidérurgie, dont Annaba est la capitale africaine. Un accord de coopération entre la communauté urbaine de Dunkerque et la ville d’Annaba a été signé en 2004. D’autre part, villes géographiquement proches, Annaba et Bizerte sont jumelées depuis 1984. Défi initial La motivation de ce partenariat était de donner vie à une coopération transfrontalière entre l’Algérie et la Tunisie tout en consolidant une relation triangulaire, qui s’appuyait jusqu’alors principalement sur les liens Dunkerque/Annaba et Annaba/Bizerte. Dès l’origine, la Communauté urbaine de Dunkerque (CUD) avait également le projet de diffuser cette expérience triangulaire pilote auprès de ses réseaux comme l’Association française des communes et régions d’Europe et Cites-Unies France. Approche et objectifs Le partenariat a eu pour objet un échange de savoir-faire en matière d’urbanisme, baptisé APUDUI (Appui au Développement Urbain Intégré). L’objectif était de professionnaliser les techniciens des deux collectivités du Maghreb, de créer à Annaba une agence d’urbanisme et de développement, et de doter Annaba et Bizerte d’outils d’observation et de planification urbaine, comme un système d’information géographique et un observatoire. Plus largement, le projet visait le renforcement des capacités des institutions locales en matière de gouvernance urbaine et de planification stratégique, la diffusion des pratiques de concertation, ainsi que la création de synergies entre acteurs locaux. 26

P lus d’informations sur : http://pcm.ma

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Actions Suite à la rencontre des élus des trois villes, le projet APUDUI s’est déroulé de 2007 à 2011 à travers les cinq phases suivantes : ➜ l’appui à la création de l’agence d’urbanisme d’Annaba, de la préparation des statuts au recrutement du personnel, ➜ l a formation-action des techniciens algériens et tunisiens chargés de l’aménagement du territoire dans un contexte commun d’interface ville/mer, ➜ l’aide à la construction et à la pérennisation des outils à Annaba et à Bizerte ➜ la réalisation d’un premier diagnostic territorial partagé à Annaba et à Bizerte ➜ la réhabilitation des tissus anciens et du patrimoine à Annaba Concrètement, 13 techniciens algériens, 7 tunisiens et 19 français ont été directement impliqués dans des activités telles que des séminaires thématiques, des ateliers d’études urbaines, permettant aux représentants des trois villes réunis (architectes, urbanistes, ingénieurs) d’apporter leur expertise à un projet d’aménagement dans chacun des territoires. Partenaires et financements Le projet a réuni la communauté urbaine de Dunkerque, la wilaya et la ville d’Annaba, la ville de Bizerte ainsi que l’agence d’urbanisme et de développement de la région Flandre-Dunkerque sur le plan technique. L’action a été financée à hauteur de 300 000 € par la Commission européenne à travers son programme régional MEDPACT et de 120 000€ par l’Agence française de développement. Résultats à l’issue du projet, quatre résultats notables ont pu être identifiés : ➜ les capacités méthodologiques et techniques des administrations locales d’Annaba et de Bizerte ont été renforcées, ➜ la relation entre Dunkerque et Annaba a été consolidée, ➜ la relation entre Annaba et Bizerte a été renouvelée, ➜ un partenariat durable entre Dunkerque et Bizerte a vu le jour. Atouts et reproductibilité Après un démarrage difficile du aux différents rythmes institutionnels, une rencontre politique entre les exécutifs des trois villes a permis de réajuster les activités du partenariat et de débloquer la situation. L’implication des élus a constitué un élément moteur. Il s’agit là d’un point fort des coopérations de villes à villes. En favorisant des échanges d’expériences avec d’autres projets de MEDPACT, comme le projet SHAMS mis en œuvre dans les mêmes pays, le cadre de ce programme européen a également constitué un atour important. Enfin, la tenue d’ateliers urbains a constitué une innovation très positive grâce à son approche réciproque et l’exercice de médiation locale par le travail avec un partenaire étranger. Défis rencontrés Le caractère tripartite du partenariat a pu représenter une faiblesse dans la réalité en multipliant les difficultés issues des contextes politiques et juridiques différents dans les trois pays. La contribution de Bizerte, en particulier, n’a pu être effective que dans la dernière phase du projet en raison des obstacles administratifs rencontrés par les partenaires tunisiens. D’une manière générale, jusqu’à sa clôture en 2011, le projet s’est heurté au manque d’autonomie des partenaires algériens et tunisiens qui évoluaient dans des systèmes très centralisés. Dans ce contexte, la volonté de travailler essentiellement avec les mairies a représenté une erreur d’appréciation du cadre institutionnel au démarrage. La diversification des partenaires locaux et l’implication plus forte de la société civile sont apparues comme des vecteurs de consolidation des liens entre les territoires.

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Perspectives à l’issue du projet, le partenariat s’est poursuivi de façon bilatérale. Dunkerque a appuyé Bizerte dans la réappropriation de son développement urbain avec comme priorités le patrimoine et la démocratie participative. En 2011 et 2012, Annaba et Dunkerque ont travaillé à la pérennisation des acquis en matière d’urbanisme à Annaba avec le soutien du ministère français des Affaires étrangères. Aujourd’hui, la coopération culturelle entre Annaba et Dunkerque est très active. Elle dépasse le cadre institutionnel et irrigue le territoire, associant par exemple l’école supérieure d’art, offrant ainsi un gage de pérennité. Source : Communauté urbaine de Dunkerque

IV. Quelques recommandations Le Maghreb arabe est une région en mutation au sein de laquelle les collectivités territoriales émergent, dans certains pays plus que dans d’autres, en tant qu’acteurs du développement national. L’évolution des cadres juridiques des collectivités territoriales, la mise en perspective de leurs premières expériences de jumelages et la multiplication des opportunités d’échanges laissent entrevoir plusieurs pistes pour consolider ces tendances.

1.

L e cadre de la coopération décentralisée : renforcer le dialogue, les capacités et l’appropriations

L’éclosion d’un environnement favorable au développement des échanges est un préalable impératif. Pour ce faire, les parties prenantes de la coopération, au premier rang desquels les collectivités territoriales et les gouvernements centraux, mais aussi les partenaires internationaux, devraient, chacun dans leur rôle, contribuer à : ➜ f aire vivre et approfondir les dialogues nationaux sur la décentralisation et sur les prérogatives respectives de l’État et des collectivités territoriales en matière d’action internationale, pour valoriser le potentiel de l’action locale et faciliter l’appropriation du cadre juridique par les collectivités en cas de réforme récente comme au Maroc ; ➜ encourager les espaces de dialogues, formels ou informels, entre les cinq pays de la zone au- delà de l’UMA (notamment l’Union pour la Méditerranée, l’Assemblée Régionale et Locale Euro-Méditerranéenne, le Groupe de dialogue « 5+5 », les associations de collectivités territoriales comme l’Association internationale des maires francophones, Cités et gouvernements locaux unis et l’Organisation des villes arabes) ; ➜ appuyer la professionnalisation d’associations représentatives des collectivités territoriales, et en particulier développer leur capacité à offrir aux collectivités un accompagnement, des conseils et un espace de concertation relatifs à leurs actions internationales. Ces structures ont également vocation à être des interlocuteurs de l’État pour les questions relevant de la décentralisation et de la gouvernance locale, et à jouer un rôle de collecte et de diffusion de l’information, préalable essentiel à toute politique d’appui à l’action internationale ; ➜ définir une stratégie nationale d’appui à la coopération décentralisée, qui, à travers quelques axes prioritaires, thématiques (lutte contre la pauvreté, développement économique, formation et insertion professionnelle, réhabilitation et restauration des monuments historiques, inclusion et promotion sociale etc.) et/ou géographiques (liste de pays prioritaires, coopération transfrontalière, présence d’une communauté du pays dans la ville partenaire etc.), dynamiserait les échanges en donnant un cadre aux collectivités volontaires. Ces orientations stratégiques permettraient de mettre en conformité la vision nationale et les visions locales. Différentes formes d’appui, accessibles à toutes les collectivités territoriales, gérés de manière transparente, et si possibles disponibles dans plusieurs langues, auraient vocation à s’y ajouter, tels que des guides et manuels de procédures, des formations ;

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➜ S ensibiliser et former les élus locaux sur leurs compétences en matière de partenariat international, sur les opportunités offertes par le partenariat, les procédures et mécanismes de gestion, le suivi et l’évaluation, le marketing, le lobbying, etc. Il en est de même du développement des compétences des administrations locales, qui à travers le management, la gestion et le suivi des missions municipales, sont de véritables leviers de développement. On peut citer à titre d’exemple, l’ambitieux programme de formation de formateurs en décentralisation et en coopération décentralisée réalisé en 20112012 au Maroc, par le ministère de l’intérieur, avec l’appui du PNUD et en partenariat avec l’ENA de Rabat et l’Université Internationale de Rabat 27.

2.

L a pratique de la coopération décentralisée : faire émerger des partenariats plus nombreux, équilibrés, contractualisés et évalués

Les partenaires financiers, en particulier la Commission européenne, peuvent exercer un levier à ce niveau en : ➜ I nitiant un dialogue informel conjoint avec ces cinq États, pour l’heure répartis dans trois groupes de partenaires différents pour l’Union européenne, bien qu’il s’agisse de partenaires prioritaires ; ➜ Réfléchissant, sur le modèle des négociations de l’UE avec l’Europe orientale et dans l’esprit de la Communication de 2011 sur « une stratégie nouvelle à l’égard d’un voisinage en mutation », à un principe de conditionnalité, qui placerait la démocratie nationale et locale au cœur des engagements de coopération bilatéraux avec chacun de ces pays ; ➜ Soutenant le développement de la coopération décentralisée entre collectivités territoriales au sein du Maghreb arabe, en tant que laboratoires d’expérimentation sur la gouvernance et les services publics locaux. Le programme régional SUDeP pourrait par exemple intégrer une telle dimension avec des financements dédiés dans les appels à propositions des années à venir ; ➜ Intégrant mieux les acteurs de la coopération décentralisée dans les programmes d’appui à la décentralisation compte tenu de leurs expériences du terrain, et de l’effet d’entrainement qu’ils peuvent avoir pour rapprocher de nouvelles communes ; ➜ Encourageant davantage la coopération transfrontalière au sein du Maghreb arabe. Les obstacles institutionnels et politiques importants dans la région incitent à s’appuyer sur des éléments concrets, comme la proximité géographique, l’existence d’échanges préalables et des problématiques économiques communes, pour provoquer une dynamique. Des efforts d’information sur le programme de coopération transfrontalière de l’instrument européen de voisinage devraient être produits par les délégations nationales de l’UE. Les critères d’éligibilité et les seuils de financement devraient également être plus larges afin de permettre une participation plus conséquente des collectivités de la région ; ➜ Valorisant la qualité et l’excellence en matière de coopération décentralisée, ce qui favorise l’émulation, la qualité, l’innovation et la créativité des collectivités territoriales. Sur le modèle d’expériences déjà existantes, un prix régional pourrait être créé pour récompenser les coopérations innovantes et réussies 28 ; Au niveau de la pratique des coopérations décentralisées, les pistes suivantes devraient être approfondies : ➜ à travers la formation et l’échange d’expériences entre administrations locales, favoriser une gestion axée sur les résultats avec une évaluation plus régulière de l’action mise en œuvre, et une diffusion plus systématique des informations liées aux partenariats ainsi qu’une capitalisation des expériences ; ➜D épasser la division traditionnelle de la coopération entre « donateurs » et « bénéficiaires » pour proposer une vision plus équilibrée à la recherche d’un intérêt mutuel, et un principe d’égalité concrètement réalisé ; ➜C ontractualiser davantage les relations entre collectivités partenaires sur la base d’engagements réciproques que chaque partenaire doit être en mesure d’honorer. R apports de capitalisation des 1 er et 2 e Cycles de formation de formateurs en décentralisation et coopération décentralisée – 2011-2012, Ministère de l’Intérieur, Direction générale des collectivités locales, Maroc 28 E xemples : UNPSA (Département des affaires économiques et sociales) à travers la Médaille Champion de l’ONU pour le Service Public ; le Prix Européen du Secteur Public (EPSA), délivré depuis 2007 par l’Institut Européen d’Administration Publique récompensant les meilleures pratiques en matière d’innovation et d’efficacité du Secteur Public dans l’Union européenne ; Le Prix de l'innovation pour l'Afrique (PIA), une récompense créée par la Fondation africaine pour l'innovation et la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique ; Le Prix de l'administration électronique "Imtiyaz» décerné annuellement par le Ministère de la Fonction Publique du Maroc ; Le Prix International de Dubaï pour les meilleures pratiques en vue d’améliorer le cadre de vie, lancé en 1995 par la Ville de Dubaï. 27

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BIBLIOGRAPHIE ABOUHANI A., La coopération décentralisée : un espoir pour les villes du Sud ? Le cas du Maroc HOUCHATI S., OUNI B. (Octobre 2010, version arabe), Guide de la coopération décentralisée en Tunisie, Centre de Formation et d’Appui à la Décentralisation (CFAD) ZARROUK N., Coopération et partenariat au niveau des collectivités territoriales marocaines, cours dispensé notamment à l’ENA de Rabat, à l’Institut Royal de l’Administration Territoriale (IRAT) et à l’Université Internationale de Rabat (UIR) Commission européenne (2008), Mauritanie, Document de stratégie pays et programme indicatif national pour la période 2008-2013 Commission européenne (2011), Algérie, Programme indicatif national 2011-2013 Commission européenne (2011), Tunisie, Programme indicatif national 2011-2013 Commission européenne (2011), Une stratégie nouvelle à l’égard du voisinage Commission européenne (2012), Soutenir le renforcement de la coopération et de l’intégration régionale au Maghreb: Algérie, Libye, Mauritanie, Maroc et Tunisie Commission européenne (2013), Accorder une autonomie accrue aux autorités locales dans les pays partenaires pour une meilleure gouvernance et des résultats plus concrets en matière de développement Democracy reporting international, Sadeq Institute, University of Benghazi (Août 2013), Decentralisation in Libya Ministère de l’intérieur, Direction Générale des collectivités locales, Maroc (Editions 2002, 2004, 2005, 2009 et 2011), Les collectivités locales en chiffres Ministère de l’intérieur, Direction Générale des collectivités locales, Maroc (2011), Guide de la coopération et du partenariat des collectivités locales Ministère de l’intérieur, Direction Générale des collectivités locales, Maroc (2011-2012), Rapport de capitalisation, 1er Cycle de formation de formateurs en décentralisation et coopération décentralisée en partenariat avec le PNUD Ministère de l’intérieur, Direction Générale des collectivités locales, Maroc (2012), Rapport de capitalisation, 2e Cycle de formation de formateurs en décentralisation et coopération décentralisée en partenariat avec le PNUD Ministère des affaires économiques et du développement, Mauritanie (2013), Formulation du programme national intégré pour la décentralisation, le développement local et l’emploi des jeunes (PNIDDLE) Programme des Nations unies pour le développement, PNUD Maroc, Rapport d’évaluation finale du programme Art Gold, 2007-2012

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TEXTES JURIDIQUES Traité de Marrakech instituant l’Union du Maghreb Arabe, 1989 Mauritanie Constitution de 2001 Ordonnance 87-289, 1987 Ordonnance 90-025, 1990 Loi 93-31, 1993 modifiant et complétant les dispositions de l’ordonnance 87-289 Avant-projet de loi portant code des collectivités territoriales, 2010 Algérie Constitution de 2008 Code communal de la loi n° 11-10, 2011 Code de la Wilaya Tunisie Constitution de janvier 2014 Loi n° 75-33, 1975 Code de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme (loi n° 94-122, 1994) Libye Déclaration constitutionnelle du Conseil national de transition, 2011 Loi 59 sur l’administration locale, 2012

SITES INTERNET RESSOURCES Généraux Portail d’information sur le voisinage européen : http://www.enpi-info.eu Rapports sur le développement humain du PNUD : http://hdr.undp.org/fr/ Banque Mondiale : http://www.banquemondiale.org Programme européen Bassin Méditerranéen : http://www.enpicbcmed.eu Programme européen CIUDAD : http://www.ciudad-programme.eu Mauritanie Ministère de l’intérieur et de la décentralisation, Direction générale des collectivités territoriales : http://www.dgct.mr/ Délégation de l’Union européenne en Mauritanie : http://eeas.europa.eu/delegations/mauritania/index_fr.htm Algérie Ministère de l’intérieur et des collectivités locales : http://www.interieur.gov.dz Délégation de l’Union européenne en Algérie : http://eeas.europa.eu/delegations/algeria/index_fr.htm Tunisie Observatoire de l’Assemblée constituante tunisienne : http://www.albawsala.com/marsad Délégation de l’Union européenne en Tunisie : http://eeas.europa.eu/delegations/tunisia/index_fr.htm Libye Délégation de l’Union européenne en Libye : http://eeas.europa.eu/libya/index_fr.htm Civil Initiatives Libya : http://cil.org.ly/en/

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www.platforma-dev.eu Secrétariat assuré par le CCRE Square de Meeûs, 1 B-1000 Bruxelles Tél : +32 2 265 09 30

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