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Cher Etudiant,
Je vous sens fébrile et impatient de découvrir cette nouvelle aventure que constitue la découverte du nouveau programme de littérature et philosophie. Domptez votre enthousiasme car l’on sait que la classe préparatoire a son lot de bonheurs toujours associé à une certaine douleur... Pourtant, le secret de la réussite est connu : travailler avec tout le sérieux dont on est capable sans se prendre réellement au sérieux et ce, très régulièrement. Dans ce petit livre, je ne vous propose pas un cours, c’est là le travail de votre professeur qui ne peut se remplacer par aucun livre. Si, je vous assure. Même votre professeur de Français-Philo qui vous semble si inaccessible est irremplaçable ! Je ne vais pas non plus vous proposer des exercices à faire, des analyses universitaires.
Et là vous vous dites : A quoi sert ce livret ? Ce que je veux faire, c’est accompagner votre lecture, vous fournir les outils pour comprendre l’épreuve de dissertation, le thème et les oeuvres. Je veux faire en sorte que ce travail préliminaire soit d’une telle qualité que vous puissiez suivre parfaitement les cours de votre professeur en ayant de fortes bases quel que soit votre niveau de départ. Ce que je veux c’est vous assurer un niveau de lecture irréprochable ce qui sera essentiel….pour avoir de bonnes notes ! Au fil de ce livret, j’aimerais que vous compreniez qu’une œuvre, c’est d’abord une rencontre et que la classe préparatoire exige de vous que vous connaissiez les œuvres comme si elles étaient des amies de longue date. Je sais, c’est un peu fleur bleue, mais c’est le secret de ceux qui réussissent : ils ne haïssent pas tout-à-fait ce qu’ils font ! Ce livret numérique doit vous servir à préparer votre lecture, à bien lire vos œuvres et à prendre des notes qui vous seront utiles toute l’année. Vous voilà prévenu, cher étudiant, sachez qu’une aisance dans les œuvres est inestimable, tandis que l’inverse vous fera perdre énormément de temps. Si vous passez en seconde année, vous voyez exactement ce que je veux dire, et si vous êtes en première année, évitez l’erreur de certains de vos prédécesseurs !
Dalie
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Servitudeet Réflexions préliminaires
soumission
Ce thème peut sembler effrayant... Il l’est sans conteste. Mais ô combien fascinant ! Depuis le succès mondial du livre Cinquante nuances de Grey qui glorifie une relation mièvre fondée sur une sexualité sado-masochiste jusqu’aux domaines sociaux, politiques et économiques, la servitude et la soumission se sont positionnées au premier plan de notre actualité : la question des relations hommes/femmes, de cette terrible « culture du viol » que les féministes combattent ; les rapports de force liés au travail aggravés depuis les crises économiques ; la question religieuse et le rapport au dogme qui a déchiré et déchire encore la société civile... Bref, en 2016, la question de la servitude et de la soumission est essentielle. Pour ma part, je trouve particulièrement intéressant que des futurs ingénieurs puissent, grâce à ce programme, interroger le passé, le présent et surtout l’avenir en s’appuyant sur une relation sociale et politique fondamentale. Si je vous demande aujourd’hui : êtes-vous asservi ? Êtes-vous soumis ? Vous me repondrez pas la négative sans doute. Pourtant, vous verrez, d’une part, que la découverte de notre degré d’asservissement est le point de départ de l’émancipation, d’autre part que cette découverte ne va pas de soi. On ne se sait pas toujours enchaîné. Mais on ne force pas à la liberté non plus. Une liberté véritable est-elle possible en société ? La servitude et la soumission sont-elles une fatalité ontologique* ? Bref, la notion de servitude et celle de soumission interrogent notre rapport à la liberté. Dans sa réécriture de 1984, intitulée 2084, Boualam Samsal propose une dystopie où la soumission serait orchestrée de façon politique et religieuse. Les deux œuvres, l’une parue en 1949 et l’autre en 2015, saisissent par leur pessimisme terrifiant. Je tiens à vous prévenir, il est plus que probable que les cours de Français-Philosophie sur ce thème ne vous rendent pas joyeux, joyeux… La résonnance avec l’actualité pourra aussi un peu vous désespérer… Mais ce n’est pas non plus une totale obscurité qui vous attend. Il apparaît, en effet, dans l’œuvre de La Boétie, comme dans les Lettres Persanes et surtout dans la pièce d’Ibsen que l’individu peut avoir prise sur sa liberté soit de manière intime, soit de manière collective. Vous allez donc, cette année, partir à la conquête de ce qu’est une réelle liberté en fouillant les ressorts de la servitude et de la soumission… Vous allez plonger dans les mécanismes des relations entre les Hommes, entre les hommes et les femmes qui vous forceront à voir le monde différemment. Beau programme, non ? Je peux vous l’avouer, ce thème me plaît énormément. Notre métier n’a de sens que si l’on considère que chaque être peut changer une partie du monde, et ce, en commençant par soimême. Et le thème de cette année sera, à mon avis, très fructueux ! * j’aime bien utiliser cet adjectif, cela impressionne toujours les étudiants, et ça fait très sérieux. Ontologique = par essence, par nature, qui appartient à l’être. -4-
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Les Ĺ“uvres au programme
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JE VOUS CONSEILLE LES ÉDITIONS SUIVANTES, MAIS LE MIEUX EST DE SUIVRE POUR CELA LES CONSIGNES DE VOTRE PROFESSEUR. POUR L’ÉDITION D’IBSEN, C’EST LA TRADUCTION CONSEILLÉE PAR LE B.O. DONC C’EST L’OFFICIELLE !
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Bibliographie complémentaire
et petits
outils bonus…
Il faut d’abord LIRE les œuvres. Mais on peut aussi compléter cette lecture par des connaissances qui vous permettront d’avoir du recul sur la notion et d’être plus à même de problématiser vos dissertations. Par ailleurs, cela permet d’avoir une projection subjective par le fait de choisir vos bonus, et de rendre la connaissance plus ludique. Cette bibliographie est archi-complète, ne lisez pas tout…Il vous faudrait plus d’un été !
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POUR LA BOÉTIE, IL EXISTE UNE PETITE ÉDITION À 3 EUROS EN FRANÇAIS « ADAPTÉ » QUI PEUT ÊTRE UTILE POUR UNE UNE LECTURE PLAISIR
Un exemple de mise en scène de la pièce d’Ibsen : Vidéo
Vidéo
Vidéo
Acte I
Acte II
Acte III
Textes en pdf : - Discours de la servitude volontaire - Étienne de La Boétie - Montesquieu- Lettres persanes - Livre : Lettres persanes, de Montesquieu - Résumé des Lettres persanes - Slideshare de l’œuvre de La Boétie
Documentation complémentaire ( sous forme d’extrait ou de lecture plaisir, notez une deux citations qui enrichiront à la fois votre pensée et vos copies) -9-
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Antiquité
d’animation : https://www.youtube.com/
Platon, La République, 4ème siècle av J.C.
watch?v=SP6fZrxFPMM )
(Livre VII : allégorie de la caverne) Eschyle, Les Perses, 5ème Siècle avant J.C.
21ème siècle
(Le personnage de Xerxès)
Stéphane Hessel, Indignez-vous, 2010. Boualam Samsal, 2084,2015..
16ème siècle Rabelais, Quart Livre, 1552. (Chapitre VIII, « Comment Panurge fit en mer noyer le
Œuvres iconographiques et filmiques
marchand et ses moutons»)
Le Dictateur de Charlie Chaplin, 1940. Une journée particulière, d’Ettore Scola, 1977.
17ème Siècle
Le Roi et l’oiseau, chef d’œuvre de Paul
La Fontaine : «Le loup et le chien » Fables,
Grimault, textes de Jacques Prevert, 1980.
livre I, 1668.
Le personnage de Xerxès dans Les 300, film
Jean de la Fontaine « La cour du Lion »,
de Zack Snyder, 2007.
Fables, Livre VII, 1668.
La Vague, Dennis Gansel, 2008.
Jean de La Bruyère : «Du Souverain», Les Caractères, fragment XXIX, 1688.
Une émission sur la Boétie très intéressante
18ème siècle
http://www.franceculture.fr/emissions/
Voltaire, Le Mondain, 1736.
le-gai-savoir/discours-de-la-servitude-
Diderot, Dictionnaire philosophique, 1764.
volontaire-la-boetie
(article « Paix ») Montesquieu, De l’esprit des lois, 1748.
Bonus
Voltaire, Dictionnaire Philosophique, 1769.
L’expérience de Solomon Sachs (1951) sur le conformité normative dans un groupe. Stanley Milgram, Expérience sur l’obéissance et la désobéissance à l’autorité, 1965. I comme Icare de Henri Verneuil (1979). (https://www.youtube.com/ watch?v=0zZSOVvu_6Y) Et la véritable expérience : https://www. youtube.com/watch?v=D3aShsV0HJw
(article «Torture»)
20ème siècle Beckett, En Attendant Godot, 1948. « Pozzo et Lucky » ( Extrait https://www.youtube. com/watch?v=vt6qVfSRkGY) Alfred Jarry, Ubu Roi, 1896. Jean Anouilh, Antigone, 1944. Georges Orwell, 1984, 1949. Albert Camus, Caligula, 1944, acte IV, scène 14. Pavloff, Matin Brun, 1998. ( film - 10 -
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Biographies contextualisées Une œuvre n’existe pas en dehors de son contexte quand il s’agit de la comparer et de la traiter à travers un thème, il ne faut pas pour autant perdre du temps (que vous n’avez pas en classe prépa) pour mémoriser le jour précis où La Boétie a perdu sa première dent. (Date par ailleurs inconnue d’après moi). Mais il faut sentir un livre dans son siècle et sous la plume de la personne qui l’a écrit. Imaginez une personne confiant ses mots à la page, créant une œuvre qui n’existe pas avant... son désir d’écrire. .. Moi ça m’émeut toujours, mais je ne serai pas vexée si ce n’est pas votre cas..
Conseils pour
la prise de note
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Parce que la première lecture, c’est comme un premier amour, cela se prépare, cela ne se bâcle pas. Le premier souvenir de lecture, c’est ce qui ne s’efface pas autant alors y mettre les formes, comme un premier rendez-vous, il faut se sacrifier au romantisme des comédies américaines et pour cela il faut quelques techniques que je vous proposerai à la fin de chaque présentation.
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Biographie et contextualisation de l’œuvre de La Boétie Autant vous le dire tout de suite, j’ai un petit faible pour La Boétie ! Cet homme a vécu 33 ans, il a œuvré pour la paix, œuvré pour que le dialogue interreligieux devienne réalité, il s’est engagé de manière véritable et a laissé un souvenir lumineux à ses contemporains. Impossible de trouver une bonne photo de lui, ou un poster pour le vénérer. J’ai cherché une image libre de droit, je n’ai pas trouvé. Alors, c’est sous le sourire de la Joconde que je vous confie cette biograhie. Enfin, lançons-nous dans mon siècle fétiche et mon cher Etienne de La Boétie. Car pour cette œuvre, il est essentiel de connaître l’arrière plan littéraire, philosophique et historique.
Le 16ème siècle : un siècle de questions et de réponses instables
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Un courant baptisé l’humanisme souvent de la période de la Renaissance baptisé l’humanisme qui se définit globalement par une nouvelle ère centrée sur l’homme et le savoir. On pourrait représenter ce courant par la figure de Léonard de Vinci. Il suffit d’observer les cahiers de dessins de cet homme - 13 -
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pour saisir son génie : désir de comprendre le vivant mais aussi les techniques de vol, de portage… Fasciné par l’eau, les machines de guerres, les machines volantes, il conçoit aussi des ponts mobiles, des systèmes hydrauliques ; peintre de génie, il explore des nouvelles techniques de représentation du réel, comme le Sfumato ; metteur en scène et maître du divertissement, il construit des automates, on cite notamment ce lion taille réelle qui, en ouvrant la gueule, laissait échapper des fleurs de lys aux pieds de François 1er ; architecte, il dessine des palais, des escaliers, des villes entières ; sculpteur, il rêve d’un cheval de bronze gigantesque qui ne verra pas le jour car les quantités de bronze nécessaires serviront à la guerre….Je vous conseille à ce titre la visite du Clos Lucé dans la jolie ville d’Amboise où vous pourrez admirer les machines de Léonard, les futurs ingénieurs que vous êtes ne pourront qu’apprécier. Où en étais-je ? Ah, oui : La perfection de l’homme. Ce courant de savoir perpétuel se fonde sur l’idée que tout homme lettré peut connaître et comprendre l’homme, appréhender le monde à travers des mécanismes complexes. La perfection de l’homme réside dans sa capacité à connaître… Il ne s’agit pas seulement de s’en tenir à ce que les aînés conçoivent comme le savoir mais de s’émanciper de ce savoir pour aller par soi-même découvrir les textes antiques et par làmême les questions posées par l’Antiquité. L’humanisme est une politesse à l’égard de l’esprit qui n’a pas de frontières car les lois sont celles de l’imaginaire et de l’intuition. Je suis assez fière de cette phrase mais je vais l’éclaircir quand - 14 -
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même : la puissance de l’esprit est aussi illimité qu’un forfait 4 G avec l’intuition et l’imaginaire en plus.
« Une si malplaisante saison »
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Pourtant cette période connaît aussi des événements qui troublent l’image exaltante d’une renaissance, d’une nouvelle humanité prête à renaître d’une précédente comme le mythe du Déluge dans l’Enéide. Le contexte historique révèle un siècle où le pouvoir royal se renforce et l’état national se forme. Les lois promulguées depuis Paris en direction de la Province doivent être appliquées par une nouvelle élite qui aimerait parfois s’en tenir au droit local pour éviter les conflits. Ainsi la révolte de la Gabelle (impôt sur le sel, 1547/1548) est-elle symptomatique d’un peuple qui cherche à se libérer du poids de nouveaux impôts mais qui subit la répression royale, répression violente et victorieuse. Les émeutiers refusant de payer s’attaquent aux hommes mandatés pour récolter l’impôt mais aussi aux nobles et aux riches qui leur semblent complices de cette décision. En 1548, à Bordeaux, les paysans arrivent pour manifester leur révolte et le pouvoir local en appelle à Henri II qui envoie 10 000 hommes. La répression est sans merci, actes de vengeance, massacre et procès qui amènent à l’exécution de bon nombre de « petites gens ». Etienne de la Boétie ne pouvait ignorer ces événements même si nous n’avons aucune preuve qu’il était un témoin direct, il semblerait, qu’il aurait écrit sa première version du - 15 -
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Discours sur le servitude volontaire durant cette époque troublée qui se poursuivra bien après la mort de La Boétie. « Une si malplaisante saison » selon l’expression de Montaigne. Vous remarquez, j’imagine, quels liens nous pouvons faire avec notre actualité, avec votre temps, vous qui avez l’âge de La Boétie au moment de la rédaction de son Discours. Au passage, il serait fabuleux que ce détail vous rende à la fois modeste et ambitieux…
Donc renaissance, d’accord, mais période de troubles aussi. Car les révoltes sociales sont associées à d’autres événements violents : le sac de Rome ( 1527), affaire des placards (en 1534, des « blasphémateurs » jugés comme hostiles au Pape sont brûlés vifs), lutte sans merci contre la Réforme. La réforme de l’Eglise exigée par Luther et Calvin crée un schisme religieux, c’est une date très importante dans l’histoire religieuse européenne. A l’origine un moine allemand propose 95 arguments en opposition au «régime» catholique : arguments qui concernent la foi directe (donc sans clergé, sans hiérachie ecclésiastique) et le salut de l’âme. Ce moine, Luther considère le clergé, la hiérarchie papale comme une création humaine qui n’a aucun lien avec le divin… (Il la surnomme, la « rouge prostituée de Babylone »...) En somme, et sans rentrer dans les détails ici, c’est une véritable révolution religieuse et une révolte politique. Vous comprenez combien ces interrogations ont pu amener à une guerre civile entre catholiques et protestants. En France, cette guerre trouve son acmé sanglante dans le massacre de la Saint Barthelemy en 1672. Pour les catholiques, les protestants sont des séditieux qu’il faut combattre, supprimer, éradiquer. Pour les protestants, les catholiques sont des tyrans qu’il faut abattre. Il s’agit de transformer la force, voire la violence en droit, et c’est en cela que le Discours sur le servitude volontaire pourra être interprété de manière différente selon le point de vue. - 16 -
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Douter, critiquer, s’opposer. C’est donc aussi un siècle où l’on critique, où l’on doute, où l’on pratique la critique et le doute. Dans toute l’Europe une littérature d’opposition voit le jour, ainsi, bien avant la révolution française pullulent pamphlets, libelles, dialogues et autres textes satiriques et critiques… Et les revendications sont toutes politiques même quand elles concernent l’usage de la langue française ! (Renaissance des Arts, des lettres, des sciences et des techniques, le XVIe siècle est un siècle où les frontières se déploient : voyages en Europe, et époque des grandes découvertes…) C’est le siècle où l’on s’interroge sur la nature de l’homme : l’homme dans sa nature est-il dû à l’héritage d’Adam et Eve ? Comment alors, expliquer, la présence de peuples paisibles sans connaissance des dogmes chrétiens. Ou alors : Existe-t-il un ordre universel de la paix qui prendrait sa source dans la nature de l’homme ? Les arts et les lettres, par le biais de fiction, d’utopie ou de dystopie explorent différentes questions parfois interdites par le dogme religieux…
Conclusion L’humanisme porte son sens et sa valeur dans l’homme, mais il faut voir le XVIe siècle comme une période complexe où l’exaltation politique, artistique, technique, religieuse, polémique fonde une modernité, qui crée un sentiment insolite à la lecture des œuvres d’un Rabelais, d’un Montaigne ou de La Boétie. Un sentiment d’universalité associé à une intuition d’une singularité profonde. Le siècle de tous pour un, ou du un pour tous ! (Mais pas encore du chacun pour soi, ça c’est pour plus tard…)
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Né en 1530, d’origine bourgeoise, Etienne de La Boétie se retrouve rapidement orphelin avec ses deux sœurs et c’est son oncle, un homme d’église cultivé, qui aime le droit, les lettres et la théologie qui deviendra leur tuteur. Curieux, intelligent, Etienne de la Boétie est licencié en droit à l’Université d’Orléans, université relativement prestigieuse. Il se destine comme la plupart des jeunes de son âge et de son milieu à une carrière parlementaire. Il appartient à cette nouvelle élite lettrée qui veut s’affranchir de la scolastique. (Manière d’enseigner a u Moyen-âge en se fondant, notamment, sur le dogme religieux et une pédagogie figée sur la déduction.) Précoce, cinq ans avant l’âge légal, il achète sur dérogation autorisée par le roi Henri II la charge de parlementaire de Bordeaux à un certain Guillaume de Lur-Longa. C’est un peu comme une franchise Subway ou une licence de Taxi, si ce n’est que cela donne le droit de devenir juriste ou conseiller parlementaire. (D’ailleurs, Guillaume de LurLonga est le destinataire du DSV*) La Boétie devient donc conseiller parlementaire à Paris en 1554. L’objet de la cour de Bordeaux est celui d’une cour de Justice souveraine. Ce rôle juridique devient aussi au cours du temps politique. On note ici qu’en tant que parlementaire, il appartient à l’ordre politique relié par des devoirs envers le pouvoir royal. Ensuite, il épouse une femme cultivée Marguerite de Carle, l’un de
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Etienne de la Boétie, 33 ans, la vie d’un homme brillant amoureux de la paix
* Discours de la servitude volontaire - 18 -
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ses frères est évêque, l’autre président du parlement de Bordeaux. Durant les années 1555/1557, le climat à Bordeaux est difficile : peste, répression contre les hérésies , cf la Gabelle… La rencontre avec Michel de Montaigne a lieu durant ces années. Etienne de la Boétie, pendant une dizaine d’années, accomplit des missions qui l’amènent à considérer, à la suite de sa rencontre avec Michel de l’Hospital, la paix et la tolérance comme solutions des déchirements politiques et religieux. Charles IX n’a que dix ans et c’est Catherine de Médicis, craintive des débordements religieux qui lui demande d’apaiser les tensions notamment en usant de tolérance et de bienveillance entre catholiques et protestants. Alors que le parlement de Bordeaux est plus favorable au Duc de Guise et donc au catholicisme, Etienne de la Boétie doit promouvoir ceux que l’on appelle les huguenots (c’est-à-dire les protestants). Il organise un colloque où Protestants et Catholiques devaient fonder une forme de concorde. Ce n’est ni nouveau, ni spectaculaire…pour autant, dans les faits les massacres, les meurtres, les dissensions se poursuivent de part et d’autre et Etienne de la Boétie n’a de cesse d’œuvrer à l’apaisement. Oui, vous pouvez l’admirer avec moi. Mais il meurt d’un violent mal en dix jours le 18 août 1563. Sans accomplir sa tâche mais sans, non plus, assister au massacre de la Saint Barthelemy…ce qui n’est pas plus mal. Sur son lit de mort, il confie sa bibliothèque à Michel de Montaigne ainsi que la publication de ses œuvres, il donne sa parole en héritage à son meilleur ami. Cet échange apparaît pour beaucoup comme l’origine de l’écriture des célèbres Essais. Etienne de la Boétie a vécu 33 ans et n’a rien publié de son vivant, son souvenir et la marque de son discours font pourtant date dans l’histoire de la pensée.
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La vie de l’œuvre, une vie polyphonique, une vie d’aventures plus trépidantes que celle de l’auteur Nous sommes à la Renaissance et l’œuvre d’Etienne de La Boétie porte les marques de cette modernité. C’est là, à mon avis toute l’immortalité du DSV : chaque groupe, chaque époque, chaque siècle s’approprie le discours du jeune homme pour servir une cause ou une autre. On lui donnera le pouvoir d’allumer une rébellion anarchiste ou au contraire, on le traitera comme un petit exercice rhétorique, brillant mais sans conséquence. Il faut savoir que ce texte a subi plusieurs variantes et a pu être ébauché quand l’auteur avait 16 ans. Après, c’est un vrai feuilleton : différentes copies ont circulé et son instrumentalisation empêchera une publication en bonne et due forme, ce qui amène évidemment à des rééditions plus ou moins politisées et même commerciales, dirions-nous aujourd’hui, qui multiplient les interprétations. D’ailleurs dans ses Essais Montaigne écrit presqu’une défense du « citoyen » Etienne de la Boétie : « Il ne fut jamais un meilleur citoyen, ni plus affectionné au repos de son pays, ni plus ennemi des remuements et nouvelletés de son temps. » Il évoque le DSV comme un texte « à l’honneur de la liberté contre les tyrans » et ne reconnaît pas les rééditions orientées qui sont diffusées de son temps. Dès lors, on considère une première version appelée le manuscrit de Mesmes comme l’édition la plus proche de l’original. Montaigne, malgré son désir de publier les écrits de son ami, se refuse à publier le Discours sur la servitude volontaire, en clair, il ne veut pas que l’on récupère le texte et que l’on détourne les intentions de La Boétie en - 20 -
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lui donnant une posture anti-Charles IX. Montaigne fait référence au pamphlet « Le Reveille-matin des François » publié en 1574 : c’est un appel à la résistance et presque au soulèvement contre la monarchie catholique française de Charles IX qui est explicitement assimilée à une tyrannie. De la même manière, le sous-titre « Le contre’un » est un ajout d’une édition de 1576 qui se révèle aussi une instrumentalisation idéologique : Tous contre un = tous contre Charles IX. Méfiez-vous donc de l’interprétation de ce titre « Le Contre’un » qui est un ajout des protestants et non un sous-titre de l’auteur. Malgré les efforts de Montaigne, le texte porte définitivement le sceau de la sédition (une incitation à la révolte) dans ses rééditions mais aussi dans le silence qui l’entoure au cours du XVIIème siècle. Il réapparaît au XVIIIè, puis au XIXe comme la forme d’un texte révolutionnaire à même de libérer le peuple. Le texte, le discours porte en lui l’universalité de ces œuvres qui n’ont pas d’époque et qui sont pourtant le produit d’une époque. Des citations de la Boétie ont résonné dernièrement sur les réseaux sociaux lors du mouvement Nuit Debout….N’est ce pas là une forme de définition du chef d’œuvre ? Cette petite histoire des publications et interprétations de l’œuvre montre à quel point le texte d’Etienne de La Boétie n’a pas fini de dire son monde et de lire le nôtre. Vous reconnaîtrez dans la lecture du texte des tyrannies contemporaines, des barbaries récentes, des inégalités actuelles. Il est impossible de rester de marbre face à la justesse du descriptif des stratagèmes qui permettent cette fameuse et paradoxale « servitude volontaire ». Vous penserez à la propagande, à la publicité, et même au rôle de la télévision, d’internet quand cet auteur du 16ème siècle évoque les passe-temps et autres divertissements offerts par le tyran pour éteindre tout désir de liberté dans le peuple.
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Pour la lecture du discours et pour votre prise de notes, je vais vous donner des outils pour organiser votre lecture. Le texte n’est pas très difficile mais obéit à une logique oratoire assez codifiée dont je vous donne quelques éléments. L’art oratoire se compose de 3 parties : invention, disposition et élocution. On s’intéressera principalement à l’invention (qui regroupe les preuves, les mœurs et les passions), à la disposition. Il est plus que probable que votre professeur y fasse allusion.
Bas-relief de Cabrières-d’Aigues avec la première représentation connue de tonneaux. Exposé au Musée Calvet d’Avignon. La scène montre deux esclaves halant une barque dirigée par un nautonier.
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Un discours ?
L’art oratoire
Invention
•Le choix des idées •Les moyens de convaincre
Disposition
•L’ordre de ces idées •Les matériaux pour convaincre
Elocution*
•La manière de dire le discours •Le puissance du discours
* On ne peut en tenir compte dans ce texte sauf à interpréter à l’oral ce magnifique discours !
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Un discours ? L’Invention:
la preuve, les moeurs, les passions
L’invention, c’est la recherche d’arguments, c’est réunir tout ce qu’il faut pour convaincre. Battre son adversaire et avoir gain de cause. Il y a des règles et des «trucs» pour cela, enseignés par la rhétorique grecque. L’art oratoire est un art codifié.
Raisonnement par comparaison et conclusion Exemples
Arguments
Induction Argument personnel (Ad hominem)
La preuve
Lieux communs = Principes généraux
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Lois, témoignages... Définition, énumération des parties ...
Autres Parties
de l'invention
Pour faire la preuve de ce que l’on défend, il faut des arguments, des exemples, partir du particulier vers le général (induction) ou l’inverse (déduction). On peut utiliser des arguments qui attaquent la personnalité (ad hominem). On peut aussi utiiser des principes généraux (qu’on appelle des lieux communs) fondés sur des lois, des témoignages...Ensuite dans l’invention, on s’appuie sur les moeurs et les passions qui servent notre cause.
Honneteté
Les moeurs : qualités de l’orateur (forme de subjectivité)
Modestie Bienveillance Prudence
Les passions
Amour Haine etc...
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La disposition Mettre dans le bon ordre pour produire le bon efffet !
L’ordre des différentes parties du discours en fait la puissance. L’auditeur est pris par l’exorde, comprend de quoi il est question par la proposition et la division, puis la narration permet de connaître les faits qui concernent la cause à défendre. La confirmation, c’est la thèse défendue, la réfutation c’est l’examen des arguments adverses. Enfin, pour terminer et prendre congé en beauté de ses interlocuteurs, il y a la péroraison. Les parties suivies d’une astérisque concernent principalement le genre judiciaire. L’exorde
Proposition et division*
Narration*
• Entrée en matière qui met en place un questionnement • C’est le moment phatique du discours : la prise de contact
• Annonce du sujet ( parfois inclus dans l’Exorde) • Et éventuelle division de ce sujet ( différentes parties)
• Récit des faits
Confirmation
Réfutation*
Péroraison
• Défense de sa position notamment par le développement argumentatif
• Argumentation contre la thèse à laquelle on s’oppose (parfois incluse dans la confirmation)
• Récapitulation de l’argumentation et conclusion • Prendre congé des interlocuteurs en les touchant : registre pathétique
Voyons maintenant comment on peut baliser le Discours en fonction de cet ordre, en sachant que votre professeur procèdera à l’analyse détaillée. Vous pouvez organiser vos prises de notes en fonction du découpage suivant et vos commentaires en fonction des critères fournis. Vous pourrez alors suivre votre cours avec plus de facilité. Ce sera aussi un bon outil de révision tout au long de l’année.
Conseils prises de notes : Pour cette œuvre, il faut prendre des notes selon le plan du discours (en sachant que plusieurs découpages sont possibles, votre professeur pourra en faire un différent du mien.) et relever les citations importantes, citations qu’il faudra bien maîtriser en cours d’année. - 26 -
Exemple de prises de notes :
Partie
Résumé et agencement des Citations importantes en lien avec le idées (rapport entre elles)
thème « (…) C’est un extrême malheur d’être
Mise en évidence du paradoxe assujetti à un maître duquel on ne
Exorde
de la servitude volontaire se peut jamais assurer qu’il soit bon, Etc…
puisqu’il est toujours en sa puissance d’être mauvais quand il voudra. »
Le titre paradoxal est le point de départ du discours. Ensuite l’exorde présente
Servitude
Volontaire
l’objectif du discours. La démonstration commence par deux paradoxes
Le questionnement de départ : Ils sont nombreux Le tyran est seul
La contrainte se fait sans force
Paradoxe 2
Comprendre pourquoi les hommes supportent la tyrannie
Paradoxe 1
Objectif
Exorde et proposition
L’obéissance sans raison objective
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POURQUOI ? : Narration Comment la servitude volontaire est-elle possible ? Pourquoi ces paradoxes sont-ils possibles ? C’est l’objet de la narration qui va essayer de comprendre comment la servitude volontaire est possible. Puis La Boétie va analyser en profondeur ce qui amène à ces paradoxes en poursuivant la narration.
Par Nature ? Par Habitude ? Par Bêtise ? Par Lâcheté ?
Narration et amplification
C’est «étrange»...: De servir De ne pas désirer la liberté De donner tout pouvoir et de l'alimenter - 28 -
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Les causes : Confirmation La confirmation va permettre de faire la liste des causes à l’origine des différents paradoxes evoqués dans l’exorde et la proposition. Irrespect de la nature de l’homme Ne connaissent pas la liberté véritable Ils sont ignorants Cercle vicieux de la servitude qui rend lâche La manipulation des asservis par le tyran L’existence d’une structure d’asservissement pyramidale
La péroraison Enfin dans la courte et étrange péroraison, La Boétie en appelle au bien moral et au châtiment des tyrans. Par qui ? Comment ? La réponse sera formulée par tous ceux qui utiliseront le discours pour défendre leur cause.
Le bien moral
Le châtiment des tyrans
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Biographie et contextualisation de l’œuvre de Montesquieu Comme la Boétie, Montesquieu est d’origine noble (noblesse plus ancienne), il est parlementaire et il n’est pas parisien. Dans une région où, comme nous l’avons vu les guerres de religions sont encore assez vivaces dans l’esprit et les lieux. L’Edit de Nantes de 1598 qui permettait la libre conscience et une liberté restreinte de la pratique du culte protestant vient d’être révoqué. (1685). Conseiller au parlement de Bordeaux, Montesquieu épouse une riche protestante, il hérite d’une charge de juge et devient alors une personne importante dans la politique d’Aquitaine. Il fréquente des salons, des penseurs originaux et parfois même iconoclastes et s’essaie à l’écriture de dissertation académique dont le contenu est essentiellement d’ordre politique et économique. Il note ses pensées, les fait publier en 1720. C’est en mai 1721 que les Lettres Persanes sont publiées sans nom d’auteur. Elu à l’Académie Française en 1728, Montesquieu se met à voyager en Europe. Pour cet auteur, il est nécessaire de bien connaître son parcours complexe qui révèle une personnalité complexe et une œuvre complexe. Formulé ainsi, je n’ai rien écrit de très éclairant abordons alors la vie de l’homme d’exception selon quelques unes de ses facettes :
Un homme de lettres, de terres et d’esprit : La terre bordelaise : racines et histoire Né en 1689 au château de la Brède, situé en plein vignoble bordelais (un premier point commun avec La Boétie, ils devaient boire le même vin…). Ses parents lui donne pour parrain un dénommé Charles, un homme pauvre, pour qu’il puisse établir et comprendre la fraternité - 30 -
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chrétienne. Montesquieu fait ses études dans un collège appartenant à l’ordre des Oratoriens (ordre séculier catholique). Il étudie le droit à Bordeaux (Second point commun avec La Boétie). C’est une région marquée par des dissensions avec la capitale comme nous l’avons vu dans la vie de La Boétie.
La carrière parlementaire : le destin d’un homme Héritier d’une des plus hautes charges de la justice française, époux d’une riche protestante à une époque où le protestantisme est de nouveau proscrit en raison de la révocation de l’Edit de Nantes, Montesquieu œuvre au parlement de Bordeaux et quand il se fait connaître par le biais de ses œuvres il devient aussi un homme invité et écouté dans différents salons parisiens.
Un esprit curieux et avide Auteur de traités scientifiques, il s’intéresse aussi aux questions philosophiques et politiques. Il voyage pour apprendre, il reste plus d’un an en Angleterre et observe la monarchie constitutionnelle, mais il va aussi en Autriche, en Allemagne, en Italie, en Hollande, en Hongrie. Il s’intéresse aux mœurs des uns et autres, à la politique, à la géographie, à la manière de concevoir ou d’aborder les relations entre les hommes.
Les facettes d’une œuvre éclectique Montesquieu a publié deux œuvres qui restent dans les mémoires et ont marqué l’histoire littéraire, philosophique et politique. D’abord les Lettres Persanes puis L’esprit des Lois.(1748) La forme épistolaire des Lettres Persanes, n’est pas une originalité mais la manière dont l’œuvre s’organise entre une intrigue romanesque (celle du sérail) et un échange de lettres sur différents sujets est nouvelle dans l’histoire de la littérature. Par ailleurs, la polyphonie est inédite et amène une lecture à plusieurs degrés. On peut alors analyser un personnage-scripteur en 3D, depuis ce qu’il écrit, jusqu’à ce qu’on lui réponde mais aussi ce que l’on dit de lui ! - 31 -
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L’Esprit des Lois est un traité, un essai dirait-on aujourd’hui de sciences économiques, sociales et politiques. Il adopte un point de vue original : une loi doit être analysée non pas hors contexte, mais par ses causes culturelles et sociologiques, ainsi que ses causes naturelles liées au lieu dans laquelle elle est née. Ce texte propose un autre regard sur la question politique sans pour autant être programmatique. Montesquieu ne fonde pas un parti politique même s’il propose une lecture politique des lois. Ainsi, les libéraux, comme les encyclopédistes des Lumières, et même les aristocratiques peuvent y puiser des idées. La question de la « balance des pouvoirs » constitue une étape du concept de la séparation des pouvoirs qui nous est familière.
Polémiques Ces deux œuvres majeures sont publiées sans nom d’auteur et connaissent chacune un succès fulgurant. Mais elles seront tout deux prétextes à attaquer Montesquieu, notamment après l’Esprit des Lois, où jésuites et jansénistes (qui pour le coup trouvent un terrain d’entente) veulent prouver le caractère sacrilège de son œuvre qui sera mise à l’index en 1751. ( interdite)
Pour mémoire voici un petit schéma qui explique ce qui sépare les courants chrétiens. La différence se fait au sujet de la manière d’être sauvé, entendez par là d’avoir la vie éternelle, c’est-à-dire de vivre après la mort. Qui aura droit à la vie éternelle ? Comment faire pour être choisi ? Peut-on être choisi ? La question est de savoir comment atteindre cet objectif. Comment est-on sauvé ? Grâce à Dieu ? Grâce à nos oeuvres ? Les deux ? L’homme est-il capable de faire suffisamment le bien pour obtenir cette chance ? Existe-t-il des hommes prédestinés à être sauvés et d’autres maudits quoi qu’ils fassent ? Est-ce une question d’arbitrage divin qui n’a aucun lien avec la vie des hommes ? Voilà une des questions qui séparent les chrétiens en trois courants majeurs (il y - 32a- d’autres…) en
La manière de répondre à ces questions entre la prédestination et la grâce divine divisent les hommes qui s’entretuent en attendant de vivre éternellement....
Concilier prédestination et grâce
Dieu crée les hommes et décide de damner les uns et de sauver les autres : aucune liberté
capacité de l’homme à faire le bien par ses propres forces : liberté excessive
Calvinistes (protestants)
blessure infligée au libre arbitre par le péché originel, irréparable sans une grâce divine particulière : liberté relative
Molinistes ou humanistes chrétiens (pour Jésuites = sans aide de Dieu) Catholiques
Augustiniens ( dits aussi jansénistes par leurs adversaires) Catholiques
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Les Lettres Persanes et son siècle Quelques événements sont essentiels pour situer les enjeux de notre thème, mais il y en a bien d’autres signalés par votre livre dans les notes de bas de page. he e nt r ci uv ya Lo H du de e V sé X I Mu s ui d Lo i g a u R de
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- 34 -
Composition de l’œuvre Le roman de Montesquieu est constitué de lettres envoyées par des Persans. Des Persans fictifs qui proviennent des lectures de l’auteur et de l’imaginaire de l’Orient que l’on a à son époque. Usbek, maître d’un sérail (un harem) s’est enfui comme pour soigner une sorte de mélancolie et accomplit un long voyage avec Rica. Ce voyage amène des réflexions et les échanges de lettres entre Paris et la Perse et d’autres villes permettent à Montesquieu proposer ses analyses par la voix des épistoliers. Par le regard faussement naïf des Persans, les interrogations sur le pouvoir et les relations sociales et politiques sont alors portées par des personnages eux-mêmes surpris de comparer Orient et Occident. Par ailleurs, se déploie une intrigue au cœur du sérail car l’absence du maître crée le désordre que les gardiens eunuques ont bien du mal à contrôler. Au cours des lettres, il y a des récits enchâssés, des contes, des fables, voire des descriptions qui ont l’air détachés de l’ensemble mais qui apportent des nuances à la pensée de Montesquieu. Voilà quelques schémas qui vous permettront de vous situer tout au long de l’œuvre. La richesse des Lettres persanes ne vous permet pas de tout mémoriser, mais il faut connaître les grands mouvements pour inscrire votre réflexion philosophique dans l’écriture de l’œuvre littéraire. L’espace et le temps sont codifiés, la question du voyage, du déplacement temporel jouent un rôle central dans l’interprétation de l’œuvre. Pour le thème, ils agissent aussi comme le feraient les paramètres d’une expérience ou d’une modélisation. Conseils prises de notes : Pour cette œuvre, la prise de note est FONDAMENTALE car vous n’aurez pas le temps de relire l’œuvre plus de deux fois. Il faut absolument résumer les lettres pour pouvoir vous y retrouver. Il faut aussi faire le relevé de citations qui convergent vers le thème. On retrouve trop souvent dans les copies de concours les mêmes citations. Il faut absolument se construire son propre répertoire. La lecture des Lettres Persanes est longue, complexe, voilà quelques outils pour vous repérer. - 35 -
- 35 -
Du coup un petit rappel pour les chiffres romains, je vous conseille de mémoriser et de vous référer aux lettres par ces chiffres là : I •1
XXII
XL
II •2
III •3
IV
VII
VIII
•4( •6( •7 5-1) 5+1)
•8
LX
C
L
• = 22 ( • = 40 ( • = 50 10 + 50 – 10 + 10) 2)
VI
XC
IX
X
• 9 ( • 10 10-1)
D
M
XCIV
• = 60 ( • = 90 • = 100 • = 500 • = • = 94 50-10) (1001000 10)
Exemple de prises de notes : Lettre
Résumé
Citation en lien avec le thème
Lettre I Usbek à Rustan, raison du voyage / Lettre II Usbek au premier Eunuque noir
« Tu es le fléau du vice et la colonne de la
: forme de lettre de mission de
fidélité. »
l’Eunuque pour la garde et le
« Tu leur commandes, et leur obéis ; tu
divertissement du sérail.
exécutes aveuglément toutes leurs volontés et leur fait exécuter de même les lois du sérail. » « Tu les sers comme l’esclave de leurs esclaves. Mais par un retour d’empire, tu commandes en maître comme moimême(…) »
Pour les citations, utilisez le texte numérisé dont je vous donne le lien dans la bibliographie. - 36 -
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Les Lettres Persanes qu’est-ce que c’est ?
Un roman épistolaire : un roman construit uniquement par les lettres que les personnages s’envoient. L’histoire d’un voyage en Europe
L’histoire d’un sérail en Perse
La description de mœurs orientales et occidentales
Une satire sociale et politique
Quelques documents pour vous repérer : - Les événements importants à connaître - Les transcriptions temporelles - La chronologie - Les personnages Avertissement : soyez attentif à ne pas lire les réflexions sur l’islam ou l’alcoran (= le coran) à la lumière du XXIe siècle, de même inutile de hurler au sexisme en ce qui concerne les réflexions sur la soumission naturelle de la femme. Il s’agit d’analyser et non de juger, encore moins de s’offusquer de manière anachronique ! - 37 -
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Les principaux évenements évoqués par Montesquieu qui ont un impact sur le thème au programme. Je vous invite à chercher sur la toile des éléments complémentaires ! Fin de règne : renforcement et durcissement de la monarchie absolue 1680 Révocation de l’Edit de Nantes •1685
Guerre de succession d’Espagne ruineuse •1700-1702
Victoire des Jésuites sur les Jansénistes (bulle papale) •1713
Mort de Louis XIV •1715
Polysynodie : gouvernement par conseil (régence) et droit parlementaire entre 1715 et 1718 Amitié Franco-britannique •1717/18
Départ 19 Lune de Maharram 1711 ( mars)
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Le voyage d’Ispahan à Paris La chronique de l’Occident
La chronique l’Orient
23 lettres : (19 mars 1711 au 4 mai 1712) Le règne de Louis XIV : 69 lettres (mai 1712 à sept 1715) La régence : 54 lettres 1715 à 1720
13 mois et demi 3 ans et demi 5 ans
de le roman tragique du sérail : 14 3 ans lettres 1717-1720
Les personnages sont plus nombreux que dans la pièce de théâtre et il est essentiel de comprendre leur place hiérarchique mais aussi de bien les orthographier. Soyez attentif !
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La hiérarchie principale du sérail et les principaux personnages cités dans l’oeuvre :
Usbek
Le grand Eunuque
Eunuques blancs
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Eunuques blancs
Fatmé
Roxane
Zachi
Zélis
Ibben Puis les esclaves renvoyés
Rhedi (neveu d’Ibben)
Venise
Mirza Rustan
Smyrne
Ispahan
Le sérail Nessir
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- 41 -
H en
rik
Ib s
Henrik Johan Ibsen est un auteur norvégien qui est né en 1828. Il grandit dans une famille marquée par les épreuves morales et financières. La faillite, la solitude et le sentiment d’un rejet social sont le ferment de la jeunesse d’Ibsen. Dans un premier temps il est attiré par la carrière de médecin puis les événements politiques (notamment la révolution populaire de 1848) l’amènent à l’écriture théâtrale et à l’engagement populaire. Préparateur en pharmacie le jour, écrivain et journaliste la nuit, il passe son bac et écrit une pièce qui sera jouée dans un grand théâtre à Oslo. Mais les déceptions frappent le jeune utopiste : le peuple ne vainc pas et le succès ne vient pas. Quand ça veut pas, ça veut pas. Mais il n’est pas totalement abandonné par le destin et il devient conseiller artistique au théâtre National de Bergen puis au théâtre National de Christiana censé faire concurrence au célèbre Christiania Theater. Même s’il se forme dans d’autres théâtres, se marie et a un fils, Ibsen reste un médiocre metteur en scène. Puis le refus d’une bourse pour un voyage en Europe couplé avec des relations difficiles dans son théâtre l’amènent à une grande mélancolie. En 1861, il est en proie à des idées suicidaires, puis il perd son poste et décide de quitter son pays pour l’Italie. Pendant presque trente ans, Ibsen voyagera depuis Rome jusqu’en Allemagne, en Autriche. Sa carrière prend enfin tournure en 1866, il publie une pièce Brand qui lui vaut le succès et la considération financière tellement espérée. Puis Peer Gynt, est saluée en Norvège. Et c’est avec la pièce au programme Une maison de poupée publié en 1879, qu’Ibsen devient - 42un - auteur dramatique incontesté et connu de manière internationale.
en
Biographie et contextualisation de l’œuvre d’Ibsen
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Ses pièces sont jouées dans toutes les capitales d’Europe. D’autres pièces confortent le regard sans compromis qu’Ibsen porte sur la société et ses mensonges organisés que sont notamment le mariage. Vous pouvez à ce titre lire les Revenants et Un ennemi du peuple. Ses œuvres ultérieures confirment l’orientation réaliste et sociale de son inspiration tout en s’inscrivant dans une psychologie intimiste. Bref, l’homme qui a connu les déchirements d’un père alcoolique et d’une mère lunaire, la misère sociale et morale, le rejet, la pauvreté matérielle termine sa vie dans la gloire, et c’est nimbé de cette gloire qu’il retourne en Norvège. Son 70è anniversaire est un événement de teneur nationale ! Imaginez les grandes villes de Norvège qui célèbrent l’anniversaire d’un homme qu’elles avaient rejeté comme un malpropre… Ibsen devient un classique, deux ans après cette liesse générale, une attaque cérébrale le cloue au lit. Il mourra six ans plus tard. Vraiment, le temps des retrouvailles fut court…
La pièce La pièce de théâtre se lit assez vite, elle n’est pas difficile, mais peut paraître anodine, moins touffue que les autres œuvres. C’est le cas évidemment et la difficulté sera de penser à interpréter le texte et à le penser comme du théâtre. Ce texte n’est que l’incarnation partielle de l’œuvre. Des hommes et des femmes doivent le jouer. Je vous conseille une lecture à voix haute et même mieux, si vous avez de vrais amis, une lecture à plusieurs voix. Cela permet de percevoir le texte en 3D, c’est du théâtre, ne l’oubliez pas ! Une maison de poupée, nous fait pénétrer dans l’intérieur bourgeois d’une famille qui s’apprête à fêter Noël. Une femme rentre des courses, c’est Nora. Un homme l’accueille, c’est Torvald. Elle mange des macarons en douce et supplie son mari d’emprunter de l’argent. A priori une scène toute en légèreté dans un couple qui nous ferait - 43 - 43 -
l’honneur de Amour, Gloire et Beauté. Et bien non. Dans cet univers lisse et coloré comme une maison de poupée, couve un drame. Nora pour sauver son mari d’une maladie a par le passé réalisé un faux en écriture et ainsi emprunté de l’argent pour l’emmener en cure. Ce faux, se double d’un parjure qui lui fait porter à la fois le poids de la culpabilité et d’être découverte par son mari. Car celui qui partage ce secret n’est autre qu’un employé au passé louche : Nils Krogstad que Torvald, justement veut licencier. Sur ce arrive une ancienne amie de Nora, Kristine Linde : elle est à la recherche d’un emploi. Le jeu des chaises musicales est simple : elle prendra la place de Krogstad. Ainsi le dilemme réside dans cette place d’employé de banque. Nils menace de tout révéler s’il n’obtient pas la place. Nora se trouve dans une posture insupportable qui fera craquer le verni de la belle maison de poupée. Pendant ce temps, Nils et Kristine se retrouvent et le Docteur Rank déclare sa flamme à Nora avant de les quitter pour mourir. Torvald Helmer découvre le rôle que sa femme a joué et la répudie en un instant. La violence de la situation, son injustice amènent alors Nora à ouvrir les yeux sur sa réalité, elle décide de tout quitter.
Pour la prise de notes, cette pièce n’est pas difficile, il suffit de résumer les scènes et de reprendre quelques citations.
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Torvald Helmer, bientôt directeur d’une banque, dirige son couple et sa famille.
Nora Helmer, lasse d’une vie d’austérité et lourde d’un secret essaie de se défaire de ce poids
L’avocat Nils Krogstad, père seul, employé de Torvald, à la réputation frelatée auteur du chantage qui oppresse Nora.
Docteur Rank, ami fidèle, célibataire et riche qui vit dans l’ombre du couple car amoureux de Nora. Il est mourant.
Kristine Linde, veuve, sans enfant, sans emploi, qui a par le passé éconduit Nils.
Anne-Marie, ancienne nourrice de Nora qui s’occupe de ses trois enfants (Ivar, Bobby et Emmy)
Exemple de prises de notes passage
Résumé
Acte I Nora rentre avec des courses. Helmer D i a l o g u e l’interroge sur ses faits et gestes et Helmer-Nora il s’oppose à des dépenses que Nora voudrait faire pour Noël. Nora dissimule des macarons qu’elle a achetés en douce. Ils se remémorent leur précédent noël où ils avaient peu d’argent qui fait contraste avec la situation présente car Torvald va devenir directeur de banque.
Citations en lien avec le thème Métaphores animales qui désignent Nora (écureuil, étourneau, alouettes) « NORA : L’idée ne me viendrait pas d’agir contre ton gré »
Acte I Dialogue Nora Mme Linde Etc… - 45 -
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Définitions
Je pense qu’il est trop tôt pour tenter des définitions définitives, surtout que ces définitions vont fluctuer selon les œuvres et les analyses mais je voudrais vous montrer avec des schémas, (ou ce que l’on appelle parfois avec un peu de snobisme scientifique une carte heuristique) comment penser les définitions de ces deux termes que sont Servitude et Soumission. Dans le schéma ci-dessous, on peut voir une première ligne qui permet de passer de l’obéissance (qui peut paraître comme un choix, voire même une liberté…) à l’avilissement. Ce ne sont pas des étapes d’un processus inéluctable mais le glissement qui opère une mutation du sujet qui devient objet, c’est-à-dire que l’obéissance peut faire croire à une décision et la soumission à l’impuissance, à l’impossibilité de prendre une décision. Obéissance
Se soumettre à la volonté d’autrui
Etat de soumission
Avilissement, Perte de dignité
Servitude et Soumission Assujettir
Asservir
• Placer en dépendance politique et sociale
•Réduire à l’état de dépendance à la fois physique et morale
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Acceptation
Consentement
Désobéissance
Emancipation
Refus et rébellion
Il y a ensuite deux verbes qu’il faut connaître : asservir et assujettir. L’asservissement semble procéder d’une force légale et totale qui annihile toute liberté physique et morale de l’individu. L’assujettissement, quant à lui, amène à considérer le sujet comme le membre d’un groupe de soumis. La dépendance du sujet est incluse dans une soumission collective. En cours d’année, avec votre professeur et dans des exemples précis, vous aurez l’occasion d’affiner les nuances du thème, ce schéma est un schéma d’entrée dans la notion, pas un schéma définitif. Enfin les mots clés encadrés fondent une gamme de réactions possibles du sujet face à la servitude et à la soumission.
Que nous apprend l’étymologie ? Ainsi, pour conclure sur une approche des termes, la séparation entre les deux mots n’est pas totale, on pourra distinguer l’approche individuelle et l’approche collective. Mais il sera difficile d’ignorer qu’un sujet se soumet toujours dans le cadre d’un groupe social, culturel, politique ou religieux. Par ailleurs, le degré d’asservissement varie selon la lucidité avec laquelle on donne sa liberté à autrui, ainsi ce qui est légal et ce qui est légitime peuvent se contredire ou se confondre.
Servitude = acceptée, légalisée et subie
Degré de volonté et d’obéissance
Soumission = consentie, légitimée parfois associée au désir et au plaisir
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Enfin, on pourra convenir qu’une servitude est subie car il lui faut un adjectif pour devenir choisie (servitude volontaire), tandis qu’une soumission peut être choisie en toute « liberté »… Du latin servitudo qui évoque une dépendance voire un état d’esclavage, au submissio qui renvoie à une action de soumission, la différence entre actif et passif prend tout son sens. Le premier terme englobant le second alors que la soumission n’entraîne pas forcément une servitude... Il vous faudra jongler avec ces nuances en étant toujours précis, mais si vous vous appuyez de manière précise sur les œuvres, cela devrait être tout à fait possible !
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Spectre problématique de la notion Ce schéma que je fais depuis quelques années à mes étudiants est utile pour se rendre compte des questions connexes au thème au programme, il permet aussi de situer une problématique dans le cadre de ce schéma et de travailler tous les angles de la question. Il vous servira plutôt en cours d’année, mais il peut déjà vous annoncer les domaines et concepts qui vont rejoindre le thème au programme. Il s’agit de prendre en considération tous les questionnements soulevés par ce thème. Plusieurs concepts philosophiques entrent en relation avec le thème au programme. Dans l’analyse de vos sujets il faudra probablement explorer la notion dans une problématique qui pourra être incluse dans le schéma suivant : Là encore, dans vos prises de notes, soyez sensibles à ces thématiques adjacentes que vous aurez obligatoirement à explorer en cours d’année. Essayez avec chaque dissertation de vous placer dans le schéma, de voir si vous devez interroger la relation entre le thème et un autre concept ou analyser le fonctionnement, la mécanique du thème au programme. Le fait qu’il y ait deux mots peut être perturbant, ne les considérez pas comme des synonymes, mais parfois, les frontières seront poreuses entre ces deux termes.
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Loi sociale/ culturelle/ divine
Degré d’assujetissement et de dépendance Causes
Effets
Justice, violence et force
Question morale
Question du bonheur
Servitude et Soumission
Autrui
Volonté
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Liberté
Citations sur le thème Je ne vais pas abuser de cette partie là, car je pense qu’une bonne citation est une citation que l’on comprend et du coup, rien ne sera de qualité équivalente aux sujets que vous aurez étudiés en cours avec votre inestimable professeur. Dans la correction des copies, les petits malins qui font un mille-feuille de citations qu’ils n’expliquent pas ne réussissent pas. NAPOLEON BONAPARTE : “Le peuple est le même partout. Quand on dore ses fers, il ne hait pas la servitude.” JEAN-JACQUES ROUSSEAU, Les Confessions. “L’argent qu’on possède est l’instrument de la liberté, celui qu’on pourchasse est celui de la servitude.” “La cruauté est un geste de servitude : car elle atteste que la barbarie du régime oppresseur est encore présente en nous.” CAMUS ALBERT, L’Homme révolté : « La servitude fait régner le plus terrible des silences. Si l’injustice est mauvaise pour le révolté, ce n’est pas en ce qu’elle contredit une idée éternelle de la justice, que nous ne savons où situer, mais en ce qu’elle perpétue la muette hostilité qui sépare l’oppresseur de l’opprimé. Elle tue le peu d’être qui peut venir au monde par la complicité des hommes entre eux. » EMMANUEL KANT, Réflexion sur l’éducation : « Un des plus grands problèmes de l’éducation est le suivant : comment unir la soumission sous une contrainte légale avec la faculté de se servir de sa liberté ? Car la contrainte est nécessaire ! Mais comment puis-je cultiver la liberté sous la contrainte ? » ABBE RAYNAL, Histoire philosophique et politiques des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes « La liberté est la propriété de soi ; on distingue trois sortes de libertés : la liberté naturelle, la liberté civile, la liberté politique ; c’est-à-dire la liberté de l’homme, celle du citoyen et celle d’un peuple. » - 51 -
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Méthodologie
de la dissertation pas à pas
Là encore, je vous donnerai quelques éléments, mais je ne crois pas véritablement à la magie. En effet, s’il suffisait de distribuer des fiches de méthodologie pour que chaque « apprenant » apprenne, il y a longtemps que cela se saurait…On aurait aboli l’école et on vous enverrait dès la petite section de maternelle un énorme livre de magie. (Même Harry Potter lit des livres et possède des professeurs…) L’apprentissage de la dissertation se fait de la même manière qu’un forgeron apprend à forger : en écrivant des dissertations. Pour autant, je vous donnerai quelques principes simples qui permettent d’analyser un sujet, de rédiger une introduction et de construire un paragraphe argumentatif.
La dissertation comparée Français-Philo qu’est-ce que c’est ? Il faut considérer que 1- La citation est comme un algorithme qu’il s’agit d’appliquer à des données constituées par les œuvres au programme. 2- Il faut donc savoir parfaitement analyser une citation pour la problématiser et 3- Maîtriser ses œuvres...
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L’analyse du sujet consiste tout d’abord à réaliser - Une analyse lexicale - Une reformulation des enjeux de la citation - Une problématisation : c’est-à-dire interroger l’analyse pour faire émerger un paradoxe. Un paradoxe c’est une idée qui semble très étonnante, qui ne va pas dans le sens habituel, qui n’est pas une évidence. - Reste ensuite à formuler un plan qui est simplement une REPONSE à la question posée.
Essayons avec un exemple : Choisissons une citation très connue qui permet de faire un exercice, mais ne sera pas forcément la citation la plus originale du monde : « L’homme est né libre, et partout il est dans les fers. » écrit Jean Jacques Rousseau dans le Contrat Social ( Chapitre 1, livre 1), dans quelle mesure cette réflexion vous parait-elle s’appliquer aux œuvres au programme ? Nous avons ici une citation courte mais qu’il faut quand même analyser.
1- ANALYSE LEXICALE
«L’homme est né libre, et partout il est dans les fers.» • Dans cette citation, Rousseau défend l’idée d’une liberté naturelle et d’un enchaînement postérieur à la naissance: le verbe « naître »trouve son écho dans le verbe « être » qui sont soulignés. • Par ailleurs, il oppose deux généralisations la première sous la forme - 53 -
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de l’article défini qui renvoie à l’humanité (l’homme) et la seconde sous la forme adverbiale (partout). La conjonction de coordination « et » exprime ici une opposition sous forme de paradoxe. (eh, oui, fallait écouter au collège quand on vous expliquait la nature des mots, ça finit par servir…) • Enfin, l’expression « dans les fers » renvoie à l’image de l’enchaînement, des captifs, voire de l’esclavage, car les fers désignent les chaînes. (C’est une métonymie, eh oui, faut réviser aussi ses figures de styles…)
2- REFORMULATION DE LA THESE Je vous conseille de la formuler sous la forme suivante : « Machin » pense que….souligne que…montre … définit…
Ici ça donne : Rousseau souligne une contradiction, un paradoxe entre la liberté première (naturelle) de l’homme et son aliénation générale (systématique).
3- PROBLEMATISATION Il s’agit d’interroger la thèse, ici, c’est assez simple car la citation est ellemême construite sur un paradoxe. Je vous fais plusieurs propositions : Doit-on avec Rousseau penser que la liberté de nature innée est vite remplacée par une servitude acquise ? La liberté est-elle naturelle ? Disparaît-elle au profit d’une servitude générale ? L’homme est il condamné à la servitude malgré sa liberté naturelle ? - 54 -
- 54 -
Qu’est ce qu’une bonne problématique ? Une question qui interroge la thèse de l’auteur.
Qu’est ce qu’une mauvaise problématique ? Toutes les autres... C’est-à-dire : Une question qui prend les mots du sujet au
Mauvais exemple : L’homme est-il libre ?
hasard, ou même un seul mot ou pas de mot
ou Pourquoi l’homme est-il libre ?
du tout. Une question trop générale qui certes englobe
Mauvais exemple : La liberté existe-t-elle
le sujet mais ne permet pas de le traiter
vraiment ?
directement. Une question trop restrictive qui n’aborde
Mauvais exemple : Peut-on libérer les
qu’une partie du sujet.
hommes ?
Une question qui n’a pas de sens et reprend les
Mauvais exemple : Doit-on considérer
mots du sujet dans le désordre.
que l’homme dans les fers se libère naturellement à sa naissance ?
Une question abstraite sans queue ni tête.
Mauvais exemple : La liberté dans les fers, doit-elle dépendre de ce que les philosophes d’une servitude qui serait comme une soumission libre sans l’accord des hommes et ce avec la volonté de la naissance transcendante ? - 55 -
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4- LE PLAN Il suffit de répondre à sa question sous la forme d’un plan dialectique. Souvent les étudiants paniquent et se demandent comment trouver un plan et une problématique. Pas question d’être un détective, un extra-lucide, un médium ou d’avoir des supers pouvoirs ! Pas question non plus de croire que seuls les étudiants « bons » en français ou en philosophie au lycée sont les seuls « élus » qui peuvent accéder à la problématique suprême… La problématique, comme vous l’avez vu dépend de votre technique d’analyse, de votre bon sens, et de votre rigueur. Et en tant que scientifique, futurs ingénieurs, devinez quoi ? Ce sont des qualités que vous possédez. En plus ou moins grande quantité, je vous l’accorde… Bref, la problématique ne se trouve pas, elle est DEDUITE, d’un sujet par le biais d’une analyse lexicale et analytique. TOUT LE MONDE PEUT Y ARRIVER. Puisque je vous le dis. La pratique en cours vous permettra d’acquérir des réflexes et des automatismes techniques.
Concrètement, voici avec le sujet le plan que l’on aurait pu trouver. Je choisis cette problématique : L’homme est il condamné à la servitude malgré sa liberté naturelle ?
• Certes, l’homme semble être « partout » aliéné malgré sa liberté
naturelle : démonstration partielle ou totale de la thèse de l’auteur. • Pourtant, l’homme est capable d’être libre de « retrouver » sa liberté naturelle : contradiction partielle de la thèse. • Dès lors, comment rester libre en société, comment échapper à la servitude : dépassement de la contradiction. - 56 -
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Le plan doit être pensé comme une REPONSE à la PROBLEMATIQUE : L’un dépend de l’autre. Ainsi, si l’on vous demande : quel parfum de glace préférez-vous ? I- J’aime le chocolat II- Mais j’aime aussi la vanille = BON PLAN III- Ce que je préfère c’est les sorbets car ils sont plus rafraichissants
Si vous répondez I- La glace fond au soleil, II- Mais on est en hiver, III- Pourquoi ne mange t-on pas de glace en hiver ?
= MAUVAIS PLAN : Le lien est thématique et ne répond pas à la question posée.
PS. Lorsque le sujet est particulièrement paradoxal, on peut commencer dans la première partie par contredire la thèse de l’auteur, puis dans une seconde, montrer dans quelles conditions elle peut être éventuellement valable, enfin dans la dernière partie, envisager une question plus centrale par rapport aux œuvres et moins caricaturale que l’opposition marquée par le sujet de dissertation. - 57 -
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Qu’est-ce qu’une bonne introduction ? Une Amorce subtile soit : - un lien avec le sujet et la problématique... - ...qui ne doit pas être VAGUE ni généralisant du type ( Depuis l’aube des temps de l’humanité…) - une citation (courte) directement liée au sujet - une énumération directement liée au sujet - ...mieux vaut pas d’amorce qu’une amorce ridicule ou passe-partout Une Analyse précise et intelligente du sujet - commentez EXPLICITEMENT le sujet (construction, choix des mots, thèmes….cf brouillon) - reprendre EXPLICITEMENT les termes du sujet entre guillemets. (entièrement si le sujet est court et par extrait si le sujet est long) - L’analyse doit amener à poser une CONTRADICTION, un QUESTIONNEMENT, UN PARADOXE Une Problématique clairement formulée - découle de ce qui précède. - Sous forme de question (une ou deux) PS : la différence entre discours direct et discours indirect : On écrit : « Nous pouvons alors nous demander dans quelle mesure l’homme est condamné à la servitude malgré sa liberté naturelle. » = discours indirect ( sujet + verbe) On peut écrire aussi : Nous pouvons alors nous demander : dans quelle mesure l’homme est-il condamné à la servitude malgré sa liberté naturelle ? » = discours direct ( verbe + sujet et point d’interrogation) MAIS on ne peut pas écrire : « Nous pouvons alors nous demander dans quelle mesure l’homme est-il condamné à la servitude malgré sa liberté naturelle ? » = n’importe quoi. (un mélange des deux)
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Un Plan exprimé de manière EXPLICITE par le biais de connecteurs logiques. L’ensemble de ces éléments doit être lié de manière logique et non juxtaposée. Un exemple toujours à partir de notre dissertation sur Rousseau.
Ce n’est pas la plus belle introduction du siècle, mais je voulais vous montrer avec des mots simples et une rédaction accessible comment lier les différentes étapes. A ce stade de lecture, votre correcteur peut avoir une idée de la valeur de votre copie… Si, si, je vous l’assure. Surtout au bout de 200 ou 300 copies de concours ! J’en ai fait l’expérience.
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Qu’est-ce qu’un bon paragraphe de dissertation ? 1- Un argument clairement explicite 2- L’explication de cet argument 3- La démonstration par un exemple pris dans une œuvre au programme ou plusieurs œuvres (exemple majeur précis) 4- Commentaire et analyse de cet exemple qui permet de le relier à l’argument. 5- Lien avec au moins une autre œuvre dans le même paragraphe (exemple mineur)
L’ensemble de ces éléments doit être lié de manière logique et non juxtaposée
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Voilà une possibilité avec notre sujet sur Rousseau. Brouillon plan
Rédaction
I-Certes, l’homme semble être « partout » aliéné malgré sa liberté naturelle A-Un asservissement général 1-La société généralise l’asservissement
Comme l’explique Rousseau, il apparaît bien que les « hommes [soient] partout dans les fers. » En effet, les œuvres au programme dépeignent un monde où l’homme se retrouve perpétuellement asservi, que ce soit de gré ou de force. Ainsi, toute les formes ou structures sociales semblent fondées sur un rapport de domination qui nécessite la soumission des uns par rapport aux autres. Dans la pièce de théâtre du norvégien Ibsen, c’est le titre qui formule le mieux la situation des personnages. « Une maison de poupée“ désigne la conséquence du mariage de Nora avec Torvald : Nora est devenue la poupée de son mari. Elle est dans les « fers » de la relation conjugale. Evidemment, la démonstration est encore plus simple quand il s’agit de se référer aux Lettres Persanes. Le sérail est le modèle d’enfermement des femmes et des eunuques dans un système social qui donne tout pouvoir au maître. Mais l’on voit aussi rapidement, ce même maître dépendant des lettres qu’il reçoit, de la désobéissance ou de l’obéissance de ses eunuques. Finalement, il s’avèrerait, comme l’évoque Rousseau, que toute relation sociale se construit sur l’asservissement. Ainsi, selon La Boétie, dans son Discours, l’homme semble malheureusement désirer être asservi.
Formulation explicite de l’argument général (I) Explication de cet argument général Formulation explicite de l’argument intermédiaire (A) = sous-partie Analyse précise de l’exemple (œuvre 1) en le reliant à l’argument intermédiaire Analyse précise de l’exemple (œuvre 2) en le reliant à l’argument intermédiaire Bilan précis de l’argument en faisant une transition vers l’argument intermédiaire 2 et ce par le biais de l’œuvre 3.
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Fiche auto relecture dissertation C’est un gadget qui peut être utile pour vous auto-évaluer en cours d’année. Allez, c’est moi qui offre, faites en bon usage !
Brouillon et préparation Analyse globale du sujet (thèse et intention) Analyse détaillée (relation entre les termes) Reformulation de la thèse Problématisation en relation avec l’ensemble du travail au brouillon
Introduction Bonne amorce Analyse du sujet Problématisation Plan
Développement Taille de la dissertation adaptée à l’épreuve (2 feuilles doubles) Contextualisation Argumentation Traitement des exemples (précision et analyse) Diversité et pertinence des exemples Logique de l’argumentation Troisième partie pertinente transitions Reprise régulière de la citation et de la pensée de l’auteur Références hors programme pertinentes
Conclusion Reprise de la question Synthèse « éclairée » des réponses Forme Ecriture lisible et agréable Alinéas, paragraphes Titres des œuvres soulignés Orthographe -syntaxe 62 -
Note
« Il est juste que ce qui est juste soit suivi ; il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyra nnique. La justice sans force est contredite, parce qu’il y a toujours des méchants. La force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste. La justice est sujette à dispute. La force est très reconnaissable et sans dispute. <Ainsi> on n’a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice et a dit qu’elle était injuste et a dit que c’était elle qui était juste. Et ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste. »
BLA I SE PA SC A L
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bienvenue en CPGE scientifique ! Quel est l’objectif de ce livret ? A apprendre à lire les œuvres par soi-même. Pourquoi ? Pour bien commencer l’année, pour bien suivre, et pour bien la terminer. Français –Philosophie Qu’est-ce que c’est ? Comment travailler cette matière ? Comment lire les œuvres cet été ? Comment faire pour prendre de l’avance ? Comment réussir même si on n’a pas de très bonnes bases en dissertation et en philo ? Des analyses, des schémas, des biographies commentées, des outils de lecture, une méthodologie de la dissertation et plein de petits trucs très pratiques et très concrets déjà vérifiés et validés par mes étudiants. A lire sur tablette et sur portable ! Qui je suis ? Je suis professeure depuis plus de vingt ans, et en classe prépa depuis sept ans. Depuis deux ans, je fabrique pour mes étudiants un livret pour qu’ils puissent lire les œuvres. Je me suis rendue compte que cela les rendait meilleurs dans la mesure où ils maîtrisaient le contenu des œuvres. J’ai corrigé des copies de différents concours d’ingénieurs et je me suis dis que ce serait amusant de fabriquer un ebook pour tous les étudiants. Dalie. Autodidacte, j’aime créer, webdesign, peinture, dessin tout m’interesse ! L’art visuel au service du savoir cela me permet de donner du dynamisme à l’apprentissage. Je participe à l’aventure Plumes d’Ailes et Mauvaises Graines car ma richesse, c’est l’art. Lysia.
Bonne lecture et bon courage ! P.S : Durant l’année, vous pourrez retrouver d’autres documents (analyses, et vidéos) sur le site suivant : plumesdailesetmauvaiesgraines.fr
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