dossier de presse CRÉATION <
16 OCT. 2016
LA LETTRE DU JEUNE TRAVAILLEUR RILKE À VERHAEREN AVEC PAUL VAN MULDER ET LUC VANDERMAELEN MISE EN SCÈNE DOLORÈS OSCARI
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1 LA LETTRE DU JEUNE TRAVAILLEUR - AU POÈME 2 DU 6 AU 16 OCTOBRE 2016
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LE POÈME 2 - DOSSIER DE PRESSE
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« Le sexe n’est pas le mal » SALMAN RUSHDIE
« ... Les simples humains pourraient envier aux djinns leur immense et frénétique capacité à s'accoupler. Le sexe n'est pas le mal, comme l'affirment toutes les religions. Mais le sexe refoulé revient chez les terroristes sous la forme de la violence. Le terrorisme islamiste est le
celui de l'Occident dépravé. Il donne à des pauvres types sans pouvoir dans la vie la promesse d'une revanche. Soit, s'ils sont psychopathes, en décapitant ou en égorgeant ; soit en sacrifiant leur nonvie actuelle pour un paradis rempli des femmes qu'ils n'ont pas eues ici-bas
. »
3 LA LETTRE DU JEUNE TRAVAILLEUR - AU POÈME 2 DU 6 AU 16 OCTOBRE 2016
récit d'un pouvoir salvateur érigé contre
Ce que le philosophe en dit TEXTE DE JACQUES SOJCHER
« Ici-Bas »
LE POÈME 2 - DOSSIER DE PRESSE
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La Lettre du jeune travailleur est l’un des derniers
sexe est « le mystère de ma propre existence », dit le
textes en prose de Rilke. Le poète donne la parole à
travailleur et ceci encore, qui résonne aujourd’hui
un jeune employé dans une usine qui travaille dans
plus que jamais : « le mensonge et l’insécurité
un bureau et s’occupe de l’entretien d’une machine.
épouvantables de notre époque ont leur source dans
Il écrit à un poète dont on a lu des poèmes à une
le bonheur inavoué du sexe, dans cette culpabilité
réunion à laquelle il a assisté. Il l’admire et voit en lui
singulièrement erronée qui s’accroit sans cesse et nous
un maître qui célèbre l’ici-bas.
coupe de tout le reste de la nature. »
Le jeune travailleur qui est chrétien explique au
Le jeune travailleur ne se sent pas un pécheur.
poète pourquoi il a pris des distances avec le Christ.
Nous possédons, dit-il, dans le sexe, « le centre de
Il n’y a pas pour lui d’installation dans la religion.
nos ravissements. » « Un trop-plein » qui nous fait
Le Christ est un geste, pas un séjour. Peu à peu,
dépasser le moi par « ce quelque chose d’absolument
au cours des siècles, la religion a aliéné et dégradé
incommensurable » qui est l’affirmation de
l’ici-bas. Elle nous a détourné vers un au-delà en
l’« existence surabondante » dont parle la neuvième
appauvrissant le lieu où nous vivons – la seule terre.
Élégie de Duino.
C’est ce détournement, cette imposture que dénonce le jeune travailleur.
Je me sens proche de ce paganisme poétique et aussi de cette sorte de pansexualisme enfantin, de La
À la puissance de Dieu, il veut substituer la puissance
Lettre du jeune travailleur : « […] autrefois nous étions
de nos sens, rabaissés, défigurés, refoulés par le
partout enfant, maintenant nous ne le sommes plus
christianisme. Le péché s’est porté sur « notre beau
qu’en un endroit. »
sexe » que la religion a rendu apatride, alors qu’il faudrait appartenir à Dieu « de par cet endroit ». Le
Éros dit oui à l’ici-bas.
LA LETTRE DU JEUNE TRAVAILLEUR - AU POÃ&#x2C6;ME 2 DU 6 AU 16 OCTOBRE 2016
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Présentation du spectacle Un an après sa disparition accidentelle, en 1917, paraît au Mercure de France, Les Flammes hautes, un recueil posthume d’Émile Verhaeren qu'il dédie « À ceux qui aiment l’avenir… »
LE POÈME 2 - DOSSIER DE PRESSE
RILKE
relit à voix haute les poèmes de Monsieur V. C’est un
VERHAEREN
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Parmi ses nombreux lecteurs, il y a Rilke qui lit et véritable choc de lecture. Pour Rilke, c’est le temps juste pour écrire une lettre forcément fictive au
1
disparu. Il convoque Verhaeren et nous le rend présent par cette adresse, une lettre du jeune travailleur. C’est l’occasion pour Rilke de se « mesurer » politiquement et poétiquement au poète disparu. D’échanger des points de vue. De se situer vis-à-vis des pouvoirs temporels ; et partant, des modèles de société. Rilke avance masqué sur ces terrains sensibles, derrière le visage d’un jeune travailleur. S’il admire sans réserve le poète disparu, s’il le qualifie de « Maître de l’Ici-Bas », leurs chemins et convictions divergent cependant. Leur vitalité pourtant est de même nature. Pour Rilke, son postulat est clair : se réapproprier l’existence par le commencement, le bonheur du sexe sans entrave.
Les Flammes Hautes, 1917, Mercure de France (extrait) – page 49, on y lit : « Dites, connaissez-vous l’émoi « De suivre et d’épouser avec vos doigts « Les souples lignes « Que font les fers et les aciers « Et les mille ressorts et les mille leviers « Des machines insignes ? » Le poème de Verhaeren se poursuit par une célébration de la dissémination universelle des machines, qui multiplie la présence de l’homme dans le monde. L’exaltation de la technique, chez Verhaeren, est bien loin du « bon usage » de la terre prôné par Rilke et son jeune travailleur. !
RILKE
VERHAEREN
2 Plus loin, le jeune travailleur de Rilke, plaide d’une
Le jeune travailleur de Rilke accuse le
part, pour le renoncement à la révolte et pour
christianisme d’avoir abandonné à l’emprise de la
l’adoption d’une attitude quiétiste vis-à-vis du
technique un monde qu’il n’a cessé de déprécier.
pouvoir ; d’autre part, pour une réhabilitation du
C’est dans le domaine de la sexualité, qui est « à
sexe, où s’enracinerait toute l’expérience humaine.
la racine de toute vie vécue », que son rôle aurait été le plus destructeur : « c’est là que résident sans
La condamnation de toute révolte contre les
doute les pires effets de cet abaissement que le
pouvoirs temporels est citée par ceux qui
christianisme a cru devoir faire subir aux choses de
dénoncent les convictions « réactionnaires » de
la terre ».
Rilke, tandis que l’apologie de la sexualité passe au contraire pour un aspect « progressiste » de sa pensée.
n’est qu’usurpation et contribue d’une manière qu’on ne peut décrire à glorifier le vrai pouvoir. Le révolté s’efforce d’échapper à l’attraction qu’exerce sur lui le champ du pouvoir, et il peut réussir à quitter ce champ magnétique ; mais sorti de ses limites, il reste suspendu dans le vide et doit rechercher une autre gravitation à laquelle il puisse être intégré. Et celleci est le plus souvent d’une légitimité plus réduite
RILKE
3 On peut s’étonner de voir Verhaeren ici associé à cette célébration du sexe. Ellen Key le confirme : à propos des Heures Claires, elle parle de l’extase
encore. »
supérieure que procure l’union des âmes et des
À travers ces propos du jeune travailleur, Rilke
Verhaeren le poète du corps et de la vitalité
s’en prend indirectement à un aspect de l’œuvre de Verhaeren, et surtout à son image largement répandue en Allemagne : l’image d’un Verhaeren engagé et révolté que privilégiaient des écrivains de gauche comme Ludwig Scharf, Paul Zech ou Wilhelm Hausenstein. La traduction par Ludwig Scharf du poème « La révolte », extrait des Villes tentaculaires, fut largement diffusée dans des revues et des anthologies d’inspiration socialdémocrate, et reprise dans Die Aktion au lendemain de la mort accidentelle du poète.
sens. Quant à Paul Zech, il avait déjà salué en sexuelle retrouvée, tout en rapprochant de celle de Rilke l’inspiration « néo-religieuse » de la trilogie des Heures de Verhaeren.
7 LA LETTRE DU JEUNE TRAVAILLEUR - AU POÈME 2 DU 6 AU 16 OCTOBRE 2016
mène plus loin que la révolte ; elle confond ce qui
VERHAEREN
« Au plus profond de moi, je sais que la soumission
Contexte À la fin de l’année 1905, Rilke, alors secrétaire de Rodin, rencontre Émile Verhaeren à l’initiative d’Ellen Key. Les deux hommes sortent tout deux enchantés de cette rencontre, une amitié se forme entre les deux poètes et une correspondance s’établit entre eux.
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La relation n’est pas sur un pied d’égalité : Verhaeren
ses « anciens amis allemands. » Rilke pense bien
est déjà reconnu et Rilke admire l’homme et le poète,
avoir perdu l’amitié et l’estime de Verhaeren.
LE POÈME 2 - DOSSIER DE PRESSE
dont il a déjà lu plusieurs poèmes. Verhaeren, s’il apprécie Rilke en tant qu’homme, ne connait pas
Lorsqu’il apprend la mort soudaine de Verhaeren,
l’allemand, et ne pourra dès lors jamais connaître
qu’il considère toujours comme un de ses chers
l’œuvre de Rilke…
maîtres, Rilke est profondément touché. « La mort effroyable de Verhaeren m'a touché au
Leur estime réciproque n’en est pas moins vraie,
plus profond de moi-même, comme une privation
et leur sensibilité similaire sur les sujets qui les
intime, c'était l'ami qui avait et me communiquait la
préoccupent – le rapport à la nature et à la ville, le
plus grande force, c'était le Grand Verhaeren - il y a
christianisme, la mort… – les rapprochent : « son
si peu d'hommes qui me soient proches : il me l'était,
œuvre me semble à présent de plus en plus proche,
lui, et sentait tout ce que j'éprouvais, entre lui et moi il
elle m'est très chère et souvent d'une sensibilité
n'existait pas de frontière. Dans ce monde, on devient
toute parente de la mienne » écrit Rilke à Ellen Key
inconsolable. » 1
après la lecture de Villes tentaculaires. Un même enchantement du monde les réunit et nourrit leur
En 1919, Rilke découvre le recueil Les Flammes
correspondance.
hautes, publié de façon posthume, et il s’approprie deux des poèmes de Verhaeren. Le premier, Les Morts,
Puis survint 1914, et les deux poètes se retrouvent
reprend un thème cher à Rilke, peut-être davantage
dans des camps ennemis… La relation se rompt.
encore maintenant que son ami est décédé : les morts
Rilke, un moment gagné par la fièvre guerrière,
continuent à vivre en nous, ils nous poussent et nous
compose des poèmes utilisés par la propagande
inspirent.
allemande, avant de revenir à une vision plus critique du conflit. Verhaeren s’engage quant à lui dans une « guerre des esprits » contre l’Allemagne et il fustige
1 Rainer Maria Rilke, Lettres à Sidonie Nâdhemy du 2 décembre 1916 et du 27 novembre 1917
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LE POÃ&#x2C6;ME 2 - DOSSIER DE PRESSE
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« Leur esprit est en nous, mais non pas pour nous nuire (…) c’est nous, nous qui chantons. » 2 Et Rilke ne s’identifierait-il pas au « passant d’un soir » du second poème ? Ce poème qui est aussi une célébration de l’homme et du vivant contre une
« mon sexe n’est pas simplement tourné vers la descendance, il est le mystère de ma propre vie. »
représentation tyrannique du Dieu chrétien : « Et la lumière et l’ombre et le vent des saisons « Sont la joie et la force et l’élan de mon être. « Si je n’ai plus en moi cette angoisse de Dieu « Qui fit mourir les saints et les martyrs dans Rome, « Mon cœur, qui n’a changé que de liens et de vœux, « Éprouve en lui l’amour et l’angoisse de l’homme. » 3
écho aux préoccupations actuelles et à la recherche d’une spiritualité dénuée d’une morale écrasante. Rilke célèbre avant tout l’Ici-Bas : il ne veut pas qu’on le délivre du monde, il refuse les promesses d’un au-delà qui mènent à la destruction de la beauté du monde, celui qu’il connaît et qu’il aime. Dieu ne doit pas être un « superpatron » qui écrase les hommes !
La lettre est fictive : Rilke s’y attache un personnage de jeune ouvrier à l’usine… Celui-ci raconte que lors d’une soirée à laquelle il a assisté, pendant laquelle on a tenu des discours chrétiens, les poèmes de Verhaeren, entendu la veille, ont résonné à son oreille. Ils l’ont poussé à réagir et à écrire, écrire toute la nuit, pour exprimer son sentiment, sa réponse aux propos des uns et aux poèmes de l’autre. Ce texte, encore méconnu, marque un tournant dans la réflexion de Rilke, et par là, un tournant dans son œuvre. Rilke s’interroge sur le poids de la religion sur les hommes, sur la place de Dieu dans nos vies, dans la spiritualité et dans la sexualité de chacun. Une réflexion qui va au-delà du concept de foi – ou qui définit plutôt une foi en l’Homme – et qui fait encore
« Quelle folie de nous détourner vers un au-delà, alors que nous sommes ici pressés de toutes parts de tâches et d’attentes et d’avenir ! » Sa lettre à Monsieur V. célèbre l’homme et l’importance de la sexualité y est affirmée. Car Rilke ne comprend pas pourquoi la religion a placé le péché dans « cette partie du corps », pourquoi avoir rendu à l’homme son sexe étranger. Il n’accepte pas le sexe comme simple outil de procréation : « mon sexe n’est pas simplement tourné vers la descendance, il est le mystère de ma propre vie. » Selon lui, cet état des choses, perpétré par l’éducation religieuse, étouffe les hommes. « La fausseté et l’insécurité effroyable de notre époque ont leur origine dans la non-reconnaissance du bonheur du sexe, dans cette culpabilisation parfaitement fausse, qui ne cesse de s’aggraver et nous coupe de tout le reste de la nature, y compris de l’enfant. » Dans cette lettre, Rilke chante ceux qui « célèbrent l’Ici-Bas ». Il voit en Verhaeren un maître dans cet art, et chemine lui-même vers la pleine possession de son art, pour devenir à son tour, un « maître. » Car si cette lettre reste bien entendu un hommage
2 Émile Verhaeren, « Les Morts », Les Flammes hautes, op. cit. 3 Émile Verhaeren, « Au passant d’un soir », Les Flammes hautes, op. cit..
à l’homme qu’il ne cesse d’admirer, elle est aussi une prise de distance avec certaines positions de
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C’est en réponse à ces poèmes que Rilke écrit, en 1922, La Lettre du jeune travailleur.
Verhaeren – comme le rapport au progrès et à la technique que Verhaeren encense, mais aussi visà-vis de la révolte : « je sais bien que la soumission mène plus loin que la révolte ». Rilke est parvenu à une maturité qui lui permet d’affirmer ce en quoi il croit et ce en quoi il diffère de son grand maître. Plus tard, vient l’affirmation que l’amitié entre les deux poètes n’a jamais cessé d’être réciproque. Rilke aura la confirmation par Marthe, la veuve de Verhaeren, qu’il n’a jamais compté parmi les « amis allemands » rejetés par le Belge. En 1925, alors que Rilke est à Paris, il retourne voir Marthe. Elle lui assure qu’il n’a jamais baissé dans l’estime de Verhaeren : « Les deux mains que je vous tendrai le jour où vous voudrez bien venir jusqu’ici,
LE POÈME 2 - DOSSIER DE PRESSE
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seront bien les deux mains même de Verhaeren, celles que, pleines d’affection, il n’a cessé de vous tendre, durant les douloureuses années, les dernières qu’il a vécu. » 4 L’amitié des deux hommes est donc restée intacte…
POUR EN SAVOIR PLUS SUR LA RELATION ENTRE RILKE ET VERHAEREN, nous ne saurons trop vous conseiller deux lectures qui ont nourri ce texte : •
la préface de Stéphane Lambert – « Donnez-nous des maîtres qui célèbrent l’Ici-Bas » - Paris-Orbey, Arfuyen, 2006
•
l’article de Fabrice van de Kerckhove « Rilke et Verhaeren », Textyles, 11, 1994, 187-220, aussi en ligne sur http://textyles.revues.org
4 Lettre de Marthe Verhaeren à Rilke
Biographies
Rainer Maria Rilke Rainer Maria Rilke (René Karl Wilhelm Johann Josef
élève de Rodin. Le couple se sépare après un an de
Maria Rilke), né à Prague (Autriche-Hongrie) en
vie commune et la naissance d’une fille, Ruth. Rilke se rend alors à Paris où, en 1905, il devient
De 1886 à 1897, en Autriche-Hongrie et en
le secrétaire particulier de Rodin. De 1903 à 1908,
Allemagne, Rilke passe par une école militaire, des
il écrit ses Lettres à un jeune poète qui ne seront
études de droit notarial, la profession de journaliste
publiées que de façon posthume, en 1929.
avant de commencer des études d’Histoire de l’art et de littérature, puis de philosophie.
De 1907 à 1910, Rilke voyage à travers l’Europe et l’Afrique du Nord. Il apprend l’arabe, lit le Coran
C’est que, parallèlement à ces activités, Rilke écrit
et s’initie à l’égyptologie. En 1910, il rencontre la
– principalement des nouvelles et des poèmes – et
princesse Marin von Thurn und Taxis qui devient,
que cela prend beaucoup de son énergie. Son premier
pendant dix ans, son mécène. C’est pour elle que
recueil est dédié à une amie de sa cousine, et publié
Rilke écrit les Élégies de Duino.
en 1894. Si Rilke demeure peu lu sa vie durant, il est vite reconnu par ses pairs comme un grand poète. Son œuvre est empreinte de spiritualité – sans dogme – et de mélancolie ; il parle de l’amour, de la mort, de la solitude, et de l’art créatif. Rilke s’illustre également par ses traductions – de Verhaeren à Paul Valéry, en passant par Tolstoï et Dostoïevski. Il s’essaiera à la « littérature alimentaire », par des
Il est brièvement mobilisé lors de la Première Guerre mondiale. De 1914 à 1916, il a une liaison avec la peintre Lou Albert-Lasard alors qu’il travaille aux archives de la guerre, à Vienne. En 1919, il s’installe en Suisse où il compose des poésies en français ; puis déménage en Ardèche à partir de 1921. Il y termine les Élégies de Duino et les
articles de critiques littéraires, avant de décider de se
Sonnets à Orphée.
consacrer uniquement à son œuvre, ce qui lui vaudra
Pendant six ans, il a une histoire avec Baladine
quelques années de misère économique. En 1897, Rilke change son prénom, de René à Rainer. Suite à sa rencontre avec Lou Andreas-Salomé à Munich, il voyage avec le couple Andreas en Italie et en Russie – pays de Lou, qui le fascine, et où il rencontre Tolstoï. Rilke entretiendra une grande amitié et une correspondance fournie avec Lou et lui écrira une série de poèmes en russe. Puis, en 1901, Rilke épouse Clara Westhoff, sculpteur, ancienne
Klossowski et s’attache aussi à ses deux enfants. Il meurt en Suisse d’une leucémie en 1926, après un affaiblissement généralisé depuis l’hiver 1921 qui le mène vers plusieurs maisons de santé. Il a 51 ans.
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1875, est de nationalité autrichienne.
Biographies
Émile Verhaeren
LE POÈME 2 - DOSSIER DE PRESSE
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En Flandre, sur la rive droite de l'Escaut, se trouve
En 1875, il fréquente la vieille Université de Louvain
le village de Saint-Amand. C'est là qu'est né le poète
pour y suivre des études de droit. Il y fonde un
Émile Verhaeren, en 1855. Au détour du fleuve, les
journal, La Semaine, bientôt supprimé par l’autorité
pieds baignés des vagues, s'élève un monument sobre
académique qui trouve les écrits de Verhaeren trop
où dort le poète. C'était son vœu :
« batailleurs ». Il est reçu docteur en droit.
« Le jour où m'abattra le sort,
Dès 1880, il devient poète-peintre à temps plein car
« C'est dans ton sol, c'est sur tes bords,
jamais il n'a vu autrement que par formes et couleurs.
« Qu'on cachera mon corps, « Pour te sentir, même à travers la mort, encor » 1 Le sonneur, le passeur d'eau, l'horloger sont les amis du petit Émile ; les « va-nu-pieds » et les misérables fils des paysans, ses potes. C'est avec eux que cet enfant de grands bourgeois catholiques francophones s'encanaille avec délectation... : « ... de bouge en bouge « chercher l'un d'eux (un va-nu-pieds) pour m'en aller, « Avec son aide, à pas légers, « Voler « Dans les vergers. » 2 La nature déjà. La nature toujours. Il semble évident qu'avec ses copains du bourg, il
EXTRAIT DE www.lespoetes.net : « En 1881, Émile Verhaeren entre au barreau de Bruxelles qu’il quittera rapidement pour se consacrer à la littérature. Il publie Les Flamandes (1883). Le recueil fait scandale en Flandre. Après des hésitations « naturalistes » ou « parnassiennes », il adhère au mouvement de rénovation « Jeune Belgique » et « L’Art Moderne » lancés à la conquête de la liberté littéraire en Belgique puis, se rallie au mouvement symboliste. En 1886, il publie Les Moines, qui évoque la vie des cloîtres. Entre 1887 et 1891, Émile Verhaeren traverse une crise maladive grave, mort de ses parents et des problèmes de santé qui affecte sa
parlait le flamand mais il ne l'a jamais écrit. Chez lui
vie, la transformant en tragédie intérieure.
on parle le français. Comme on le parle à l'Institut
Ses poèmes exaltent la douleur pour elle-même
Saint-Louis à Bruxelles où il est envoyé à l'âge de 11 ans. Verhaeren n’écrira donc jamais un français de France. À 16 ans, il quitte Bruxelles pour le collège SainteBarbe à Gand.
avec rage et sauvagerie (Les Soirs, Les Débâcles, Les Flambeaux noirs). En 1891, il se marie et s’établit à Bruxelles. Son bonheur conjugal s’exprimera dans Les Heures claires (1896), Les Heures d’Après-midi (1905), Les Heures du soir (1911).
1 Émile Verhaeren, « L'Escaut », Toute la Flandre, Paris, Mercure de France, 1904-1911 2 Émile Verhaeren, « Mon Village », Toute la Flandre, ibid.
En 1892, il est dans le groupe qui fonde la Section d’Art à la Maison du Peuple. On y joue
Les convictions de Verhaeren
Wagner, on discute d’Ibsen, on lit Hugo et on y
Extrait de L'élément germanique dans l'œuvre d'Émile
interprète aussi des chansons populaires.
Verhaeren 1:
En 1893 il publie Les Campagnes hallucinées.
« Les idées humanitaires de Verhaeren, qui trouvent
L’année suivante Les Villages illusoires. Dans Les
leur origine dans la générosité naturelle de son
Villes tentaculaires il dénonce l’absorption des
caractère, ont été nourries, non seulement par les
campagnes par les villes, la misère, la corruption,
opinions libérales de Michelet et de Hugo, mais sans
la veulerie, l’argent.
doute aussi par les théories de Karl Marx, « que le poète
Il exorcise le présent dans Les Aubes, rêve d’avenir
a dû connaître, tout au moins par un de ses disciples,
purifié. L’ouvrage est traduit dans le monde
Émile Vandervelde. » 2
En 1898 il se fixe près de Paris, à Saint-Cloud. Vers 1900 il écrit les poèmes peut-être les plus marquants de son œuvre, Les Visages de la vie (1899), Les Forces tumultueuses (1902), La Multiple splendeur (1906), Les Rythmes souverains (1910)… Dans Toute la Flandre (1904-1911), il magnifie les hommes et les paysages de son pays natal. Il donne des conférences dans de nombreux pays d‘Europe. Le roi Albert 1er le proclame « poète national ». Ses œuvres sont traduites en 20 langues. En 1911 il rate le Prix Nobel de littérature attribué cette année-là à Maeterlinck.
Sans se laisser enchaîner par les fers du parti, Verhaeren a des conceptions franchement socialistes. Quelques-unes de ses œuvres ont une portée communiste ; c'est pour cela qu'elles ont eu un si grand succès en Russie avant 1914 3. Les Aubes y ont été traduites plusieurs fois. Ce drame est une utopie humanitaire où Verhaeren cherche à résoudre ce problème : de quelle façon les guerres pourront-elles prendre fin ? Il est vrai que l'œuvre date de 1897 et que le poète, après la grande crise, met son art au service des préoccupations sociales. Plus tard son socialisme se refroidira peu à peu, mais le sentiment de la tendresse humaine 4, cette pitié que Nietzsche condamnait, restera l'inspiratrice de Verhaeren. C'est l'amour de l'univers qui fait l'unité de l'œuvre du poète, mais dans l'univers, l'homme qui en est un des
15 LA LETTRE DU JEUNE TRAVAILLEUR - AU POÈME 2 DU 6 AU 16 OCTOBRE 2016
entier.
La guerre et l’invasion allemande de 1914 entame
fragments les plus merveilleux, occupera la place la
son idéal en une humanité meilleure.
plus considérable. »
Sa poésie « du paroxysme » est aussi une poésie
La mutation de la pensée de Verhaeren est irréversible
de la « suggestion » où il est demandé au lecteur, par des paroles simples, d’achever, par sa propre émotion, la vision proposée par le poète qui est alors comme « un sifflet dans les ténèbres ». Émile Verhaeren reste le poète d’un humanisme prônant une foi indéfectible en l’homme luttant contre l’inégalité sociale et le déclin des régions rurales. Émile Verhaeren a écrit également quelques contes, des pages de critique littéraire et des études d’art dont les monographies sur Rembrandt, Ensor et Rubens. Il meurt tragiquement, broyé par un train en gare de Rouen le 27 novembre 1916. Il avait 61 ans. »
et passe du catholicisme au panthéisme. La vaste Nature, voilà désormais son Dieu : « Tout ce qui vit nous chauffera de son mystère ; « Nous aimerons autant que nous-mêmes la terre ; « La nature et l'instinct, la mer et l'infini » 5
1 Huberta Frets, L'élément germanique dans l'œuvre d'Émile Verhaeren, Genève, Slatkine Reprints, 1975 2 Robert-J. Lemoine, Essai sur Verhaeren, 1924 3 (...) « L'industrie, l'usine, les machines, écrit Vladimir Pozner sa Littérature russe contemporaine (Éd. Kra, Paris, 1929), p. 361, ont été décrites sans fin non sans que l'influence de Verhaeren vint se mêler à ces descriptions ». 4 (...) Le 25 novembre 1916, Anna Gineste Tesi lui écrit de Paris : « Vous êtes du pays sublime de tous les sacrifices et c'est peut-être pour cela que vous avez si bien compris la Russie où l'on meurt en silence pour une idée ». Le rêve de fraternité qui a tant fait aimer en Russie, est celui de Dostoïevski et de Tolstoï. Verhaeren a très bien connu les Russes. Il les a lus en traduction. (...) (De Léon Tolstoï, la Sonate à Kreutzer, Mes Mémoires, 1887). 5 Émile Verhaeren, « L'amante », Les Forces tumultueuses, Paris, Mercure de France, 1902
CRÉATION
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16 OCT. 2016
LA LETTRE DU JEUNE TRAVAILLEUR RILKE À VERHAEREN
LES JEUDI, VENDREDI, SAMEDI À 20H ET DIMANCHE À 16H
TEXTE DE RAINER MARIA RILKE
PHOTO SERGE GUTWIRTH
RILKE PAUL VAN MULDER
VIDÉO MARIE KASEMIERCZAK
ÉVOCATION DE VERHAEREN LUC VANDERMAELEN
MODÈLE PHOTOS LILY DANHAIVE
MISE EN SCÈNE DOLORÈS OSCARI
RÉGIE LILY DANHAIVE ET BENOÎT FRANCART
LUMIÈRE CHRISTIAN HALKIN SCÉNOGRAPHIE DOMINIQ FOURNAL DÉCOR BENOÎT FRANCART
LE POÈME 2 A.S.B.L. 30, RUE D’ÉCOSSE 1060 BRUXELLES INFO@THEATREPOEME.BE WWW.THEATREPOEME.BE
M
TEASER LA LETTRE DU JEUNE TRAVAILLEUR
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AVEC L’AIDE DE LA FÉDÉRATION WALLONIE-BRUXELLES, ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA CULTURE, SERVICE GÉNÉRAL DE LA CRÉATION ARTISTIQUE, DE LA LOTERIE NATIONALE ET DE LA COMMUNE DE SAINT-GILLES. AVEC LE SOUTIEN DU GOUVERNEMENT FRANCOPHONE BRUXELLOIS. ÉDITEUR RESP. : DOLORÈS OSCARI, 89 BD. SAINCTELETTE, 7000 MONS. PHOTOS : SERGE GUTWIRTH, MARIE KASEMIERCZAK, GRAPHISME : WWW.PASCALLIENARD.COM