REMDH - Recommandations plaidoyer Paris

Page 1

Synthèse des recommandations des groupes de travail du projet « mobilisation de la société civile dans le suivi des relations entre la Tunisie et l’UE » mis en place par le Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme (REMDH), en partenariat avec l’UE, en vue de la mission de plaidoyer sur la situation des droits de l’Homme en Tunisie Paris, 18-19 Février 2015

Agissant activement depuis plus de 15 ans sur le contour du bassin méditerranéen pour promouvoir le respect des droits humains, le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH), composé de plus de 80 organisations, institutions et personnes réparties dans 30 pays de la région euro-méditerranéenne, a mis en place, avec l’appui de l’Union européenne, un projet pilote d’une durée de 18 mois en Tunisie. Ce projet, intitulé « mobilisation de la société civile dans le suivi des relations entre la Tunisie et l’Union européenne » (projet Tunisie-UE), vise à établir un réel espace de dialogue tripartite entre la société civile tunisienne, les autorités officielles tunisiennes et l’Union européenne ainsi que ses Etats membres concernant les enjeux majeurs auxquels la Tunisie fait face aujourd’hui. Ce projet se réalise ainsi autour de quatre thématiques prioritaires : (1) la réforme de la Justice ; (2) les droits des femmes et plus spécifiquement l’égalité hommes-‐ femmes ; (3) les droits des migrants et des réfugiés, et (4) les droits économiques et sociaux. La présente mission de plaidoyer est entreprise dans le cadre de ce projet pour sensibiliser aussi bien les structures gouvernementales que les organisations de la société civile (OSC) françaises aux préoccupations de la société civile tunisienne. Conduite par le REMDH, la délégation de militantes et de militants de la société civile tunisienne est composée de : -

M. Abdejlil Bedoui, professeur universitaire, ancien ministre auprès du premier ministre, représentant le Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux ;

-

Mme Anware Mnasri, Juge auprès du Tribunal administratif et représentant la Ligue des Electrices Tunisiennes ;

-

Mme Dalila M’Saddek, représentant le réseau DOSTOURNA ;

-

Mme Lilia Rebai, responsable du projet UE-Tunisie du REMDH ;

-

M. Ramy Khouili, consultant pour le REMDH.

Concernant l’implication de la société civile dans le dialogue UE-Société civile, la délégation appelle la France, en sa qualité d’Etat membre de l’Union européenne, à encourager cette dernière à :    

Mettre en place des mécanismes et des procédures permettant à la société civile d’accéder à l’information pertinente dans des délais lui permettant de réagir à temps ; Mettre en place des mécanismes permettant à la société civile de suivre le financement alloué par l’UE à la Tunisie ainsi que l’usage qui en est réellement fait ; Impliquer la société civile dans les discussions des projets, en amont, avant leur signature ; Assurer que la révision de la Politique Européenne de Voisinage, actuellement en préparation, prenne réellement en considération les besoins spécifiques du pays et soit fondée sur le respect des droits de l’Homme en privilégiant les intérêts communs, y compris en ce qui concerne la dimension sécuritaire.


Concernant plus précisément les enjeux liés aux droits des migrants et des réfugiés, les représentants de la société civile tunisienne encouragent fortement la France, dans ses relations bilatérales avec la Tunisie, et en sa qualité d’Etat membre de l’Union européenne : 

A conditionner la coopération avec la Tunisie en matière migratoire au plein respect des droits de l’Homme des migrants, réfugiés et demandeurs d’asile et à l’adoption et la mise en œuvre de textes législatifs tunisiens en pleine conformité avec les conventions internationales. Plus précisément, encourager la Tunisie à ; - supprimer les sanctions prévues en cas d’entrée, de séjour ou de sortie non autorisés et abroger la loi du 3 février 2004 ; - adopter des lois sur les migrations en conformité avec les traités internationaux ratifiés par la Tunisie et lutter contre toutes les formes de discrimination, de racisme et d’exclusion aux dépens des populations migrantes en Tunisie ; - mettre en place un système d’asile effectif basé sur le respect des droits humains et l’application du principe de non-refoulement.

Exclure la clause de réadmission de tous les partenariats et accords signés avec la Tunisie, compte tenu des nombreuses violations des droits des migrants et des demandeurs d’asile qui entachent l’application des procédures de réadmission, pénalisent l’entrée « illégale » en Tunisie et la sortie du pays, et exposent les ressortissants de pays tiers au risque de refoulement ou d’expulsion ;

Promouvoir dans le cadre des conventions bilatérales et du Partenariat de Mobilité, une liberté de circulation réelle et effective pour les ressortissants tunisiens en offrant une facilitation d’octroi de visa qui s’appliquerait à toutes et à tous et qui ne soit pas réservée aux personnes hautement qualifiées.

En ce qui concerne la coopération bilatérale entre la France et la Tunisie en matière de migration, les membres de la délégation appellent la France à :    

Prendre toutes les mesures nécessaires pour favoriser l’intégration des ressortissants tunisiens en France et la consolidation de la portabilité des droits sociaux notamment de la sécurité sociale en luttant contre toutes les formes de discrimination, xénophobie, précarisation et exclusion ; Régulariser les ressortissants tunisiens en situation irrégulière en France et dont le profil se trouve dans la liste des métiers à l’instar du Sénégal qui bénéficie de cette mesure ; Actualiser la liste des métiers inclus dans l’accord bilatéral (qui comprend 77 professions), afin qu’elle introduise de nouvelles spécialités (par exemple les auxiliaires de vie et l’aide aux personnes) ; Soutenir, dans le cadre de la migration et du développement solidaire, la formation et la création d’emplois dans les régions défavorisées.

Concernant ensuite les enjeux en matière de Justice, les représentants de la société civile tunisienne appellent la France, dans ses relations bilatérales avec la Tunisie, et en sa qualité d’Etat membre de l’Union européenne, à encourager à la Tunisie à: 

Mettre en œuvre les dispositions de la Constitution de 2014 et les Conventions internationales en matière de droits de l’Homme ratifiées par la Tunisie, plus précisément rendre le Code pénal et le Code de procédure pénale conformes aux standards internationaux en insistant particulièrement sur les règles du procès équitables et la prévention de la torture ;

Amender la loi relative à la justice transitionnelle de manière à assurer sa conformité avec la Constitution de 2014 et permettre l’aboutissement du processus. Plus précisément : - assurer le droit au double degré de juridiction concernant les décisions rendues par les chambres spécialisées et les décisions de l’Instance Vérité et Dignité ; - Revoir le nombre et la répartition des chambres spécialisées ; - Elargir la composition de l’Instance pour en assurer une plus grande efficacité.

Informer et sensibiliser les citoyens quant à leurs droits, plus précisément : - En garantissant un accès facile et complet à l’information juridique ; - En garantissant un accès facile à l’aide juridictionnelle pour tous les groupes vulnérables.


Renforcer la capacité des magistrats et des avocats en matière de déontologie pour assurer leur indépendance, leur impartialité et leur intégrité dans le respect de la Constitution tunisienne et des normes internationales en vigueur en la matière ;

Assurer une justice de proximité en décentralisant la justice administrative et en réformant la carte judiciaire.

En matière de lutte anti-terroriste, la délégation recommande à la France, dans ses relations bilatérales avec la Tunisie, et en sa qualité d’Etat membre de l’Union européenne, à encourager la Tunisie à revoir l’actuel projet de loi portant sur la lutte antiterroriste afin de:    

Assurer un équilibre entre les droits de l’Homme et les exigences liées à la sécurité de l’Etat ; Définir précisément et sans ambiguïté aucune, la notion de « terrorisme » ; Assurer la sécurité des magistrats et des agents de sécurité ; Assurer toutes les exigences d’un procès équitable.

En ce qui concerne la coopération entre la France et la Tunisie dans le domaine de l’égalité entre les hommes et les femmes, nous appelons la France, dans ses relations bilatérales avec la Tunisie, et en sa qualité d’Etat membre de l’Union européenne, à encourager la Tunisie à:  

Adopter le projet de la loi intégrale contre la violence faite aux femmes et aux filles ; Ratifier les conventions de l’OIT en particulier la convention 183 et les conventions relatives aux droits économiques et sociaux des femmes pour garantir l’égalité de rémunération et combattre le chômage des femmes ; Prendre en compte la dimension genre dans l’élaboration des lois, des budgets de l’Etat et des plans de développement.

En ce qui concerne les droits économiques et sociaux (DES), les membres de la délégation appellent la France, en sa qualité d’Etat membre de l’Union européenne, à fortement encourager cette dernière à adopter les orientations suivantes : Concernant le Partenariat avec la Tunisie : 

Orienter l’aide de l’UE vers les besoins identifiés et non pas plier les stratégies nationales des pays partenaires en fonction des fonds existants. Les emprunts et les subventions ne sont vraiment efficaces que si une stratégie claire de développement à long terme est tracée. La définition d’objectifs clairs permettra de mieux cibler les zones d’intervention et rendra le financement efficace. Actuellement, la multiplicité des domaines d’intervention pose des problèmes de durabilité de l’action ; Etudier des solutions pour alléger l’endettement actuel de la Tunisie qui pénalise la transition démocratique en cours : envisager l’annulation de la dette publique bilatérale et la reconversion de la dette multilatérale en financements directs de grands projets permettant une meilleure intégration régionale et sectorielle ; Orienter les relations entre la Tunisie et l’UE dans une perspective stratégique qui aide à relever les principaux défis qui se posent actuellement à la Tunisie, notamment ceux de la sécurité alimentaire, de l’autonomie énergétique et de la gestion de l’eau. Appuyer dans ce sens, la coopération technique et scientifique dans le domaine des énergies renouvelables et de l’économie sociale et solidaire.

Concernant l’accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) : 

 

Etant donné le caractère asymétrique des relations entre la Tunisie et l’UE, envisager, dans les relations, davantage de souplesse qui autoriserait le recours à des mesures d’exception et/ ou de transition ; Eviter les conditionnalités qui entrainent l’adoption de réformes et de politiques d’austérité défavorables aux droits économiques et sociaux des citoyens ; Avant de poursuivre les négociations, il est essentiel de :


Effectuer un bilan du partenariat avec l’UE tel qu’il a été engagé depuis 1995 ; Entreprendre une étude d’impact multidimensionnelle de l’ALECA en intégrant notamment la dimension des DES (précarité, des emplois, sous-traitance, perte d’emplois, protection sociale, pertes des ressources fiscales). Envisager l’ALECA dans un cadre de coopération plus équitable : S’agissant d’un accord d’échange entre pays ayant des niveaux très différents, la question d’équité des échanges est à étudier ainsi que les termes de l’échange ; Améliorer la transparence et l’accès à l’information dans les négociations de l’ALECA ; Ne pas remettre en question la protection de l’Etat concernant le secteur agricole tant que la PAC existe ; Organiser un débat public sur l’ALECA ; Assortir la liberté de circulation des biens, des services et des capitaux de la libre circulation des personnes ; Augmenter les quotas, revoir la liste des produits concernés par l’exportation ainsi que les périodes (en fonction de la production tunisienne). o o

    

Etant données les relations tant historiques, qu’économiques et sociales qui lient la France et la Tunisie, La délégation appelle la France, à accélérer les procédures pour récupérer les fonds spoliés par l’ancien régime.


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.