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Un vieux problème de courbes enfin bouclé
Deux jeunes chercheurs américains ont récemment proposé une démonstration répondant à un problème majeur de géométrie : par combien de points peut-on forcer une courbe à passer sans la dénaturer ?
De nombreux chemins mènent au problème d’interpolation. Le mien a consisté à m’intéresser d’abord à un autre problème, appelé “conjecture du rang maximal”. Pour démontrer cette conjecture, j’ai été amené à utiliser de l’interpolation, et j’ai donc prouvé un cas particulier du problème. Cela me suffisait pour résoudre la conjecture du rang maximal, mais il manquait encore une résolution complète du problème d’interpolation. C’est pour cela que je m’y suis attelé.
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Eric Larson, professeur assistant, département de mathématiques, université Brown
Ce qui m’a poussée à m’intéresser à ce problème, c’est d’abord l’intérêt de la question elle-même. Depuis mes études, je m’intéresse aux courbes, et le problème d’interpolation est une question fondamentale à leur sujet ! Les courbes nous échappent, ce sont des objets difficiles à appréhender et à comprendre. Au fond, le problème d’interpolation nous indique à quel point les courbes sont flexibles, et c’est une manière de les comprendre. Savoir qu’on peut les forcer à passer par certains points, c’est une façon de mieux les saisir.
Isabel Vogt, professeuse assistante, département de mathématiques, université Brown
Un R Sultat Remarquable
C’est un résultat qui pourrait bien faire date dans l’histoire de la géométrie. Une prouesse, qui, si elle est confirmée, viendra mettre un point final à des siècles de recherche. Deux jeunes chercheurs américains de l’université Brown, Isabel Vogt et Eric Larson, ont mis en ligne début 2022 un preprint (article soumis pour publication dans une revue scientifique, mais qui n’a pas encore passé les épreuves de relecture par les pairs) répondant à une question majeure appelée « problème d’interpolation ». En substance, ce problème demande : peuton forcer une courbe répondant à certains critères – par exemple, une courbe « pas trop repliée sur elle-même » – à passer par un ensemble de points donné ?
Isabel Vogt et Eric Larson revendiquent la démonstration d’une inégalité simple fournissant la réponse à cette question dans un cadre ultragénéral : dans un espace de n’importe quelle dimension, elle indique par combien de points au maximum on peut forcer un type de courbe donné à passer. Seuls persistent quatre types de courbes qui ne se comportent pas comme les autres, mais pour lesquelles le preprint fournit des raisons géométriques expliquant ce comportement exceptionnel.
Si la démonstration tient de l’exploit, c’est que les objets considérés sont extrêmement délicats à saisir. Les courbes dont il est question ici sont des objets abstraits, difficiles à décrire mathématiquement et au sujet desquels on connaît, en fait, peu de choses. Ensuite, parce que l’existence d’exceptions à la règle représente elle aussi un défi. Car à cause d’elle, les arguments avancés pour démontrer le théorème doivent être suffisamment précis pour contourner ces quatre cas particuliers… Mais suffisamment généraux pour attraper tous les autres. Enfin, parce que les techniques déployées dans l’article constituent un outil puissant, qui pourrait se révéler utile pour résoudre d’autres problèmes sur les courbes. Les auteurs proposent en effet une méthode systématique permettant de reconstruire des courbes compliquées en « collant » entre elles des courbes plus simples, sur lesquelles il est plus aisé de démontrer des résultats géométriques. De quoi ouvrir, potentiellement, de belles perspectives. ©