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CAVALLO, UN RÊVE DE ROBINSON
C’est une destination de rêve... Cavallo – Cavaddu en corse – un nom qui fascine et qui appelle à l’abandon...
Ici s’entrechoquent les possibles, légendes antiques et modernes, nature sauvage et luxe contemporain. Seule île habitée de l’archipel des Lavezzi, à l’extrême sud de la Corse, Cavallo est une perle de granite de 120 hectares, façonnée par le soleil, le vent et le sel, couverte de maquis odorant et ceinte d’une multitudes de petites plages de sable blanc, bercée par les eaux turquoises de la Méditerranée. Posée en plein cœur de la réserve naturelle des Bouches de Bonifacio, l’île est demeurée intacte pendant près de deux millénaires et bénéficie d’un environnement exceptionnel.
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Depuis l’abandon par les Romains, au II e siècle, des anciennes carrières sur l’îlot de San Bainzo, au sud, et l’implantation d’un berger et de son troupeau en 1800, l’île n’est peuplée que des seuls puffins cendrés et autres cormorans huppés, oiseaux aux cris singuliers, caractéristiques de la faune locale. Aussi, les naufrages nourrissent-ils la mémoire locale ; celui, fameux et tragique, de la frégate la Sémillante, qui coule par le fond le 15 février 1855, avec à son bord sept cent soixante treize soldats et hommes d’équipage dont aucun ne survit, continue de hanter l’archipel... Une vision hallucinée et romantique, la toile de fond d’un monde sauvage, peuplé d’esprits, qui se superpose avec l’histoire moderne et fascinante de Cavallo.
PAYSAGES INTRÉPIDES
Le destin de Cavallo bascule un matin de 1966 quand Jean Castel, le roi des fêtes parisiennes et propriétaire du club Éponyme, guidé par un ami pêcheur bonifacien, fait le tour de l’île et en tombe littéralement amoureux. Il parvient à en acquérir la propriété auprès des autorités de l’époque. Il fait construire l’Hôtel des Pêcheurs, seul établissement officiel encore aujourd’hui, et invite ses amis à y établir les premières maisons dans l’esprit des bergeries traditionnelles, camouflées dans la nature ; on en projette une cinquantaine.
Victor-Emmanuel de Savoie, Caroline de Monaco, sont parmi les premiers à se lancer dans l’aventure ; Catherine Deneuve et Marcello Mastroianni, Bianca et Mick Jagger, y vivent des romances qui feront les belles pages des magazines de l’époque. De fait, l’esprit bohème du moment allié au cadre idyllique, parfaitement préservé, se prête bien à l’exercice. Une exploration par la mer est idéale pour appréhender la beauté des paysages intrépides de Cavallo ; des baies bien abritées sur chacune de ses façades, une multitude de criques se succédant entre les chaos de granite. On pourrait facilement se croire dans un roman de Mérimée ou projeter dans une aventure solitaire à la robinson crusoé. Seul au monde ? Presque...
JOYAUX À SAISIR
Dans la Baie de Palma, à l’est de Cavallo, se situe l’une des plus anciennes maisons de l’île. Avec sa plage de sable de fin, cette demeure aux proportions généreuses, est construite à la manière des maisons traditionnelles, protectrices et robustes, pierres sèches et toit de tuiles, enrobée dans la nature tout en laissant entrer la lumière par de grandes ouvertures vers l’extérieur. Elle se distingue par l’élégance de son parc paysager, jardin secret peuplé d’espèces indigènes qui s’épanouit au milieu des rochers, à l’abri des regards indiscrets, tout en offrant une vue sublime sur la baie. Cette maison exceptionnelle, appartenant à l’une des figures emblématiques de l’île, témoigne de l’esprit des pionniers des premiers temps de Cavallo.
Au sud de l’île, tournée vers la Sardaigne, se cache une éblouissante « maison-paysage » creusée à même la roche, prolongée d’une petite plage de sable blanc, parfaitement dissimulée dans la nature. Une sculpture accueillante, les pieds dans l’eau ; rêverie totale ! Signée par le célèbre architecte Savin Couëlle en 1990, c’est un chef d’œuvre d’architecture naturelle. Tout en vastes espaces oblongs, déployant ses voûtes et ses niveaux en écho au relief extérieur, c’est un dialogue avec la nature autant qu’une prouesse technique. Un manifeste pour celui qui s’est éteint en juin 2020 à 91 ans ; Savin Couëlle perpétue ici son travail sur l’habitat côtier sardo-corse et la volonté d’intégrer au maximum l’architecture dans le paysage qui l’accueille. Vue depuis la mer, la maison paraît comme un abri, lovée au sein des chaos rocheux, blottie sous des terrasses ombragées de branchages. Caverne merveilleuse, abris-sous-roches aux larges baies arrondies, loin du tumulte, hors du temps et du monde.
L’île de Cavallo a su résister aux modes et demeure l’un des endroits les plus convoités du monde. Aujourd’hui sereine et assagie, la belle endormie semble avoir définitivement tourné la page de son passé sulfureux et n’attend plus qu’une étincelle pour ouvrir un nouvel épisode de sa légende et le retour d’un âge d’or.