rara LE MAGAZINE DE PROSPECIERARA ÉDITION 2 /2016
PLACE AU JABOT Page 5
LA FORMATION AU CŒUR DU TRAVAIL DE CONSERVATION Page 10
CONSERVATION DES VARIÉTÉS : ENJEU SCIENTIFIQUE OU VERNACULAIRE ? Page 12
À LA CHASSE AU TRÉSOR DANS LES ALPES Page 16
Fondation suisse pour la diversité patrimoniale et génétique liée aux végétaux et aux animaux 1
Photo : Anja Tschannen
Dans notre pays, il n’existe plus qu’environ 200 animaux d’élevage de l’élégant canard de Poméranie, la seule race de campagne élevée en Suisse.
RAPPORT ANNUEL Informez-vous sur les événements de l’année de ProSpecieRara. Désormais notre rapport annuel détaillé sera consultable dès la fin mai sur : www.prospecierara.ch /fr /rapport-annuel
MERCI ! Votre soutien nous fait avancer : Donatrice /donateur plus à CHF 120.– /an Donatrice /donateur à CHF 70.– /an Donateur couple à CHF 90.– /an Donatrice /donateur junior ( jusqu’à 25 ans) à CHF 35.– /an Parrainage d’animaux entre CHF 150.– et CHF 450.– /an Parrainage d’arbres CHF 250.– /an Pour vos dons : CCP 90 -1480-3 IBAN CH29 0900 0000 9000 1480 3 BIC POFICHBEXXX
Faire un don en ligne Vous pouvez également faire un don par carte de crédit ou PostFinance Card. L’établissement d’ordres permanents est aussi possible en ligne.
Die Organisation ProSpecieRara
ist seit 1997 ZEWO-zertifiziert. www.prospecierara.ch/fr/don
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Éditorial
Gertrud Burger, membre de la direction
Solliciter et développer des compétences, éveiller l’enthousiasme pour le soin à apporter aux races et variétés rares – notre Fondation, c’est aussi cela. Le secteur Formation et conseil a été renforcé. Nous pouvons ainsi proposer des formations à plusieurs degrés d’approfondissement, qui s’adressent aussi bien au novice qu’au militant de longue date. Pour nourrir nos connaissances, nous avons régulièrement des échanges avec les détenteurs d’animaux et cultivateurs de variétés ProSpecieRara les plus expérimentés. Nous nous interrogeons sur des sujets comme : comment sauvegarder le canard de Poméranie au jabot attrayant, mais difficile à obtenir ? Nous collaborons aussi régulièrement avec des étudiants auxquels nous demandons d’étudier des aspects spécifiques. Ainsi, l’an dernier, une étudiante de la Haute École des sciences appliquées de Zurich s’est livrée pour notre compte à une chasse au trésor en Basse Engadine à la recherche de baies rares. Allions enthousiasme et compétence spécialisée pour favoriser la sauvegarder de nos ressources génétiques rares ! 3
La sélection d’un beau jabot typique pour la race (canard de gauche) n’est pas facile. 4
Focus
Place au jabot Erwin Kump, responsable des projets animaux
Robuste, frugal et peu coûteux, le canard au jabot blanc est l’idéal pour des petits producteurs autosuffisants. Ces avantages se paient d’une maturité tardive, ce qui serait un handicap pour des éleveurs professionnels, raison pour laquelle le canard de Poméranie est menacé d’extinction.
Photos : Anja Tschannen
Un jabot comme accessoire de mode, cela n’est pas seulement joli à voir, c’est également indispensable pour l’identité de la race de canards présentée ici. Mais, tout comme nouer sa cravate dans les règles de l’art peut-être un vrai défi pour un homme soucieux de son apparence, l’obtention du jabot du canard peut être un défi pour le sélectionneur, car elle ne va pas sans mal. On y reviendra.
UN MIGRANT MENACÉ Comme beaucoup d’entre nous, le canard de Poméranie a été migrant avant de devenir suisse. Il vient d’Allemagne. Les chroniques du dix-huitième siècle parlent même d’une
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Les deux couleurs officielles du canard de Poméranie : noir et bleu.
« Les canards
fidèles récompensent leurs éleveurs avec jusqu’à 150 œufs
»
savoureux par an. Erwin Kump
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origine suédoise ; en effet la Poméranie n’a pas toujours été allemande. Autrefois, les gens tenaient à avoir des animaux robustes, capables de prospérer sans fourrage concentré ni lampes infra-rouge, de pondre en suffisance et d’atteindre le poids d’abattage. Autour de 1920, sa frugalité et peut-être aussi son ornement de poitrine peu commun ont retenu l’attention des éleveurs suisses de canards qui l’ont introduit dans nos régions. Depuis, son étoile a pâli tant dans sa région d’origine que chez nous. La concurrence de races de boucherie à maturité précoce telles que le canard de Rouen ou celui de Pékin a eu le dessus. On fait vite le tour des effectifs actuels de canard de Poméranie en Suisse ; il reste tout juste quelque 50 groupes d’élevages avec à peine 70 mâles et 120 canes. Indirectement, la grippe aviaire qui a marqué la dernière décennie a été un coup dur supplémentaire. Le durcissement de la réglementation vétérinaire applicable à l’élevage de la volaille aquatique a amené plus d’un éleveur à jeter l’éponge, d’autant qu’en Suisse, l’élevage du canard de Poméranie est essentiellement le fait d’éleveurs privés qui ne peuvent se permettre les mesures constructives supplémentaires exigées.
UN ÉLEVAGE PLEIN DE CHAUSSE-TRAPPES Le canard de Poméranie existe dans deux variétés de couleurs, noir et bleu (terme technique pour gris). La sélection du canard de Poméranie pour obtenir les signes extérieurs typiques est un défi, car un beau jabot est difficile à obtenir. Il doit être de dimensions harmonieuses et bien délimité, sans trop remonter au niveau de la gorge. Il faut avoir la main dans le choix des animaux d’élevage pour tailler au canard un habit sur mesure. Comme la couleur blanche du jabot provient à l’origine d’animaux complètement blancs, ceux-ci sont encore génétiquement présents chez le canard de Poméranie, si bien que dans une nichée, on retrouve certains animaux tout blancs. Comme ces animaux ne sont pas conformes au standard de la race, ils sont écartés de la sélection.
La sélectionneuse Anja Tschannen avec l’un de ses protégés.
LENTEMENT, MAIS BIEN ! Durant ses études en agronomie, la sélectionneuse Anja Tschannen a accompagné le canard de Poméranie depuis l’œuf à couver jusqu’au rôti. Elle a accompagné la couvée de centaines d’œufs, a pesé les canetons, testé des fourrages, cherché des débouchés. Son objectif était d’améliorer les chances de valorisation commerciale du canard de Poméranie afin de lui permettre de mieux tenir tête à la concurrence des autres races de boucherie. Heureusement le canard de Poméranie s’en sort bien ! Ses atouts sont un meilleur indice de consommation et une meilleure qualité de la viande. Les grands chefs n’ont d’ailleurs tardé à s’intéresser à cette race. D’abord perçue comme une faiblesse, la maturité tardive est en réalité un avantage : un animal qui grandit lentement a davantage de substance. Les chefs les plus avisés sont sensibles à cette qualité et ménagent un créneau bienvenu au canard de Poméranie. Le travail d’Anja montre que des produits durables qui sortent du lot par leur qualité
Dès leur éclosion, Anja pèse régulièrement ses canetons affectueusement appelés Pommis et documente leurs progrès.
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ouvrent des perspectives nouvelles à une race menacée. À partir de ce travail, Anja va maintenant construire dans sa ferme près de Fribourg, avec le soutien de ProSpecieRara, une station d’accouvage pour les canards de Poméranie et les oies de Diepholz. Elle devrait permettre de réduire le manque de disponibilité de jeunes volatiles. Pour que le canard de Poméranie puisse se maintenir, il est essentiel d’encourager des projets de conservation et de valorisation commerciale. C’est la seule façon de faire connaître le potentiel du canard au jabot blanc et d’animer des sélectionneurs à se rallier à sa cause.
S DÉTENIR DES CANARD
Les canards sont faciles à entretenir, mais ils ont quelques besoins qu’il faut connaître : • Détenez au moins un couple ; les canards sont à l’aise en groupe. • Donnez suffisamment d’espace à vos animaux, mais clôturez cet espace. Vous protégerez ainsi les plantes de votre jardin. • Tous les oiseaux aquatiques ont impérativement besoin d’un plan d’eau propre doté d’un accès pour entrer et sortir. Il importe de changer l’eau régulièrement. • Une remise sans courant d’air avec une litière protège les canards du froid et des prédateurs. Pour être protégés, il est préférable qu’ils passent la nuit dans leur remise. • Pour en savoir davantage, s’adresser à l’AEVM : www.zun-schweiz.ch
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AIDER LE CANARD À PRENDRE SON ENVOL Qui offre un toit au canard de Poéméranie est récompensé : jusqu’à 150 œufs savoureux par an ; de temps en temps un bon rôti de canard et que de bons moments passés avec leurs fidèles animaux domestiques qui, en plus, garantit un jardin sans limaces. Le canard de Poméranie est l’exemple même de l’animal de rente à usage multiple. Près de 50 éleveurs s’investissent sans compter pour la sauvegarde de cette race en Suisse. Pour les aider, ProSpecieRara a fondé en l’an 2000 l’Association des éleveurs de volailles menacées (AEVM), devenu une association autonome qui coordonne l’élevage au plan national et qui organise des cours d’élevage des volailles. L’an dernier, ProSpecieRara a créé le site www.animaux-rares.ch qui facilite l’achat et la vente de canards de Poméranie comme de toutes les autres races ProSpecieRara. Les éleveurs, l’AEVM et ProSpecieRara travaillent activement à la sauvegarde du canard au jabot. Tout ami des canards peut les aider à sa façon : Soutenez nos efforts par un don, ou mieux encore : élevez vous-même des canards. L’encadré à gauche vous indique les principaux éléments à prendre en compte.
Canard de Poméranie en promenade familiale : alors que les jars sont en règle général des pères très attentifs, le canard, à droite sur cette image, ne se montre pas de manière flagrante soucieux de sa famille.
LES CHIFFRES CARACTÉRISTIQUES POUR LE CANARD DE POMÉRANIE • • • •
onte : environ 150 œufs /an P Poids des œufs : > 70 g Poids : canard env. 3 kg, cane 2.3 – 2.7 kg Poids d’abattage atteint à : 3 – 4 mois
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Formation
La formation au cœur du travail de conservation Entretien : Nicole Egloff
Depuis deux ans, ProSpecieRara a son propre secteur Formation. Pour la Suisse romande, c’est Denise Gautier, biologiste, qui coordonne le programme et veille ainsi à la transmission du savoir nécessaire pour la conservation, mais aussi pour la valorisation des variétés et des races rares.
Tout à fait ! Dans la production des semences notamment, il est très important de savoir quelles espèces sont autogames ou allogames et ce que cela signifie pour la multiplication, à quoi veiller lors de la sélection et tant d’autres choses. C’est la seule façon
« Bien connaître pour mieux les conserver », une devise que Denise Gautier affectionne et qui passe souvent aussi par le palais ! 10
de garantir qu’on a vraiment obtenu une variété de semence pure. Des questions du même ordre se posent dans le domaine animal ou également pour les fruits. C’est ainsi que le cours de production de semences, le cours spécialisé pour la détention des petits ruminants et le cours de détermination variétales fruitières font partie des piliers de notre enseignement.
Photo : Agenda 21, Ville de Genève
DES COURS PEUVENT-ILS SERVIR À SAUVEGARDER DES VARIÉTÉS OU DES RACES ?
COMMENT INTÉGREZ-VOUS DE NOUVEAUX COURS DANS VOTRE PROGRAMME ? D’une part, je demande aux participants eux-mêmes quels autres sujets pourraient les intéresser, ou encore à notre équipe quels sujets restent à couvrir concernant le travail de conservation. Il y a également des gens qui me contactent et qui se proposent pour donner des cours. Alors nous regardons ensemble s’il y a moyen d’y intégrer une dimension ProSpecieRara, puis nous proposons le cours en collaboration. C’est ainsi que cette année nous proposons les cours intitulés « Un jardin en équilibre avec l’écosystème naturel » et « Je démarre un jardin bio ». Ces cours s’adressent aux propriétaires de jardins, voire de balcons, et montrent quels moyens existent de cultiver des variétés rares dans son environnement personnel. Parfois il y a des propositions qui deviennent des incontournables comme le cours « Confection d’un duvet en laine de moutons ProSpecieRara » proposé depuis plusieurs années maintenant par Pro Natura à Genève. Le succès est tel que ce cours voyage et se donne maintenant aussi au Tessin. Il y a aussi déjà eu un cours issu du projet « Tomates-Urbaines ». Pour cette communauté particulière, nous avons créé l’an dernier le cours « Tomates de A à Z ». Ce cours a eu tant de succès que nous l’avons aussitôt intégré dans notre programme ordinaire, avec cette année une extension pour la culture des poivrons et des laitues.
EXISTE-T-IL AUSSI DES COURS QUI S’ADRESSENT AUX ÉCOLES ? En Suisse romande, n’ayant la possibilité de nous déplacer nous même dans les écoles, les jardins d’enfants ou les centres de loisirs, nous avons mis au point il y a trois ans une mallette pédagogique. Elle contient des idées et des propositions de « potagers en carrés », une formule qui permet, moyennant un peu d’astuce, de planter beaucoup de choses dans un tout petit espace. Bien
entendu, nous recommandons pour cela les variétés ProSpecieRara, afin que les enfants fassent la découverte de la biodiversité. Nous avons depuis traduit le dossier pédagogique qui l’accompagne en allemand et au Tessin, il a servit de base à la création de « Lo Scrigno dell’Orto » (l’écrin du potager), réalisé en collaboration avec l’association Orto a Scuola, qui accompagne les enseignants dans la création d’un potager scolaire.
E MALETTE PÉDAGOGIQU DS AN M UR DES « CARRÉS GO DE LA DIVERSITÉ »
Dans le cadre de leurs activités autour du potager scolaire, deux jardiners-enseignants enthousiastes, Claude Zryd et Christian Bavarel, sont souvent appelés à donner des formations à des enseignants. Ils nous disent : « Nous avons trouvé, via le site (www.prospecierara.ch /fr /enfants /) des outils pédagogiques adaptés aux élèves de la Suisse Romande, cela grâce à la Malette pédagogique de ProSpecieRara. D’abord, cet outil pédagogique contient une magnifique bibliographie, très bien organisée, facile d’emploi et très riche. En effet on y trouve des livres de technique de jardinage, indispensables, pour les enseignants. Pour les élèves, elle représente un riche panel, qui va de l’histoire des plantes en passant par le développement durable, sur la bio diversité, des bricolages, des contes, etc. … De plus, les fiches pédagogiques photo copiables pour les élèves sont bien élaborées et proposent beaucoup de pistes de réflexions autour de la diversité, des variétés et de notre environnement ».
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Semences
Conservation des variétés : enjeu scientifique ou vernaculaire ? Philipp Holzherr, responsable des projets plantes de jardin et de plein champ
« Multiplier des semences » et « conserver des variétés », ce n’est pas la même chose. Les semences peuvent être multipliées à moindres frais. Conserver une variété, c’est une autre affaire, notamment en raison du grand nombre de plants nécessaires à cet effet. L’expérience de ces dernières années le montre bien.
Un jardinier peut sans problèmes récolter quelques graines de plantes individuelles et les ressemer l’année suivante. Souvent il sera récompensé en voyant pousser les mêmes belles plantes que l’année précédente. En revanche, si une multiplicatrice veut conserver durablement une variété, elle se retrouverait bientôt dans l’impasse si elle ne travaille qu’avec quelques plants séminifères.
PRÉVENIR L’ENDOGAMIE, CONSERVER LE POOL GÉNÉTIQUE Certaines variétés, notamment des variétés dites allogames (à fécondation croisée) comme les différentes variétés de choux, nécessitent pour chaque multiplication plusieurs douzaines de plants fleurissant en même temps. C’est la seule façon d’être sûr qu’il y aura un échange suffisant de gênes entre plantes et qu’il n’y aura pas de problème d’endogamie. Lorsqu’on voit pousser des plantes porteuses d’un tout petit nombre de semences ou des plantes délicates et à faible rendement, c’est un signe d’endogamie. Les plantes autogames, par exemple les laitues ou les tomates, peuvent se multiplier à partir d’un seul spécimen. Les fleurs 12
s’autopollinisent. Ces variétés pourraient théoriquement être multipliées chaque année à partir d’une seule plante. Mais là encore, il faut faire attention. Les plantes obtenues à partir de plantes autogames peuvent présenter des modifications, par exemple lorsqu’un insecte est venu y introduire du pollen extérieur, ou en cas de mutation. C’est pourquoi il est tout de même recommandé de planter plusieurs plants de la même variété pour pouvoir sélectionner spécifiquement les spécimens les plus
« Multiplication de
semences et conservation variétale sont deux choses
»
différentes. Philipp Holzherr
Les carottes étant des plantes bisanuelles, il faut compter deux saisons de culture de la graine à la graine. Après la première saison, les carottes typiques pour la variété sont sélectionnées et hivernées dans du sable. Etant allogame et pollinisée par les insectes, une seule variété doit fleurir dans un rayon de 150 mètres, afin d’éviter toute hybridation.
LA COMPÉTENCES POUR ALE ÉT RI CONSERVATION VA Conditions importantes pour la conservation durable d’une variété : • Connaissances de base en botanique : Que peut-on croiser avec quoi ? • Respect du nombre minimum de plants séminifères • Sélection : Conservation des caractéristiques typiques de la variété • Récolte de semence saine Conseil : Pour gagner de la place, on n’a pas besoin de multiplier chaque variété chaque année. Cependant dans l’année de sa multiplication, la variété doit jouir de conditions optimales. Comme, lorsqu’on utilise un grand nombre de plants séminifères pour la multiplication, on obtient également beaucoup de semences, on peut constituer des réserves suffisantes pour plusieurs années.
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Il faudrait qu’au moins 60 plantes de bettes fleurissent simultanément pour éviter l’endogamie au sein d’une variété. Attention : les bettes s’hybrident avec les betteraves ou les betteraves à sucre, qui appartiennent également à l’espèce beta vulgaris. Comme elles sont pollinisées par le vent, une distance d’isolement de 300 mètres doit être respectée entre les différentes variétés.
typiques de la variété et les plus robustes, et récolter uniquement les semences provenant de ces spécimens.
UN SAVOIR-FAIRE ANCIEN – DES ACQUIS NOUVEAUX Ce savoir est la base pour les multiplicateurs qui prennent en charge des variétés et en produisent des semences pour le compte de ProSpecieRara. Il s’acquiert à l’occasion de cours et de manifestations spécialisées. Les échanges entre multiplicateurs sont passionnants également pour nous autres experts. Nous y glanons des données empiriques précieuses concernant les variétés anciennes et l’art et la manière de les conserver. De ces échanges et aussi avec les organisations de conservation, nous avons conclu à la nécessité d’augmenter les quantités minimum stipulées jusqu’ici quant au nombre de plants à cultiver pour la multiplication des semences de diverses variétés. Par exemple, pour chaque étape de multi plication d’une variété de carotte, il faut au moins 60 plants pour conserver à terme la variété. Pour de nombreux multiplicateurs, cela représente un défi. Outre la place requise, il 14
y a d’autres exigences, telles que la pro tection contre l’hybridation avec d’autres variétés. C’est pourquoi maintenant, nous profitons des cours et des manifestations professionnelles pour transmettre les trucs et astuces que nous avons recueillis au cours des années. C’est ainsi que, même si l’expression « conservation variétale » peut de prime abord paraître bien scientifique, cette pratique exigeante finit par renvoyer à un savoir au quotidienne.
CHÉES MAINS VERTES RECHER
Nous recherchons des multiplicateurs prêts à nous aider à sauvegarder quelque 1600 variétés plantes de jardin, d’ornement et de plein champ. Pour plus d’information, voir www.prospecierara.ch / fr /news /mains-vertes-recherchees
Agenda
Comme chaque année, nous vous proposons quelques occasions uniques de trouver des plantons de variétés rares et menacées, mais aussi un large assortiment de semences commercialisées sous le label ProSpecieRara par le producteur Sativa, lors de différents marchés de plantons. Ainsi vous pourrez cultiver dans votre jardin ou votre plantage des légumes différents de ceux disponibles dans les commerces et participerez ainsi à leur conservation. Marché de printemps de la ville de Vernier 30 avril 2016, 9 h – 15 h Centre d’entretien, Via Monnet 3 1214 Vernier /GE Foire Agricole Romande 7 et 8 mai 2016 samedi 9 h – 18 h, dimanche 9 h – 17h Ecole cantonale Agrilogia de Grange-Verney 1510 Moudons /VD Samedi de la tomate 7 mai 2016, 10 h – 17h « Les Artichauts », serres du parc Beaulieu, Rue Baulacre 3 1202 Genève « Semences de Pays », serres de Belle-Idée Ch. Petit Bel-Air 2 1225 Chêne-Bougeries /GE
LA VISITE D’UN DOMAINE AVEC UNE DÉGUSTATION À LA CLÉ Frank Siffert et Annie Ryter ont repris le fermage du Domaine de la Sauvageraie, de la Fondation La Coudre en 2008. Celui-ci, certifié ProSpecieRara depuis 2009, Bio-Bourgeon depuis 2010 et Demeter (Biodynamie) depuis 2011, est composé d’1 ha de verger haute tige, 1.5 ha de cultures de plantes médicinales et petits fruits, 3.5 ha de prairies dédiées aux animaux, 4 ha de grandes cultures, 0.5 ha de vigne et 0.5 ha de truffière. Ce jour là, Frank et Annie vous invitent pour une balade à la découver te des cultures, des animaux, de la vigne et pour un repas à la ferme.
VISITE DE LA COLLECTION NATIONALE DE PETITS FRUITS
La collection de baies de Riehen est unique en Suisse. Depuis 1998, sont cultivées sur une parcelle privée des variétés rares et anciennes de framboises, fraises, groseilles et cassis. Mar tin Frei et Claudio Niggli, nos spécialistes de petits fruits chez ProSpecieRara nous ferons découvrir cette grande diversité. Ça sera également l’occasion de déguster les saveurs des ces anciennes variétés !
2 juillet 2016, 10 h – 17h Collection nationale de petits fruits à Riehen /BS Prix : CHF 50.– pour les donateurs /actifs de ProSpecieRara et CHF 100.– pour les autres Inscription : Tél. 022 418 52 25 romandie@prospecierara.ch
25 juin 2016, 10 h – 16 h Rue des Juifs 10 1427 Bonvillars /VD Prix : CHF 60.– pour les donateurs /actifs de ProSpecieRara et CHF 80.– pour les autres (demi tarif pour les enfants de 8 à 16 ans). Inscription : info@sauvageraie.ch (nb de places limité)
Consultez le programm e complet de nos événements et de nos cours sous : www.prospecierara.ch/f r/calendrier
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© iStock.com/sorendls
OÙ SE PROCURER DES PLANTONS PROSPECIERARA
Baies
À la chasse au trésor dans les Alpes Claudio Niggli, responsable de projets baies
Lorsqu’il est question de patrimoine culturel suisse, la plupart des gens pensent à des monuments historiques ou à des coutumes traditionnelles. Mais les plantes cultivées ayant un ancrage régional sont également un héritage culturel digne d’être protégé. Or nous ne pouvons sauvegarder que ce que nous reconnaissons. Ainsi, lorsqu’on s’intéresse aux baies dans l’espace alpin qui peuvent être de véritables perles, l’œil éduqué de l’expert est indispensable.
UNE TERRE PLEINE DE PROMESSES Les géologues savent quelle est la nature des terrains la plus propice lorsqu’on veut avoir une chance de débusquer les richesses du sous-sol. Il en est de même pour les variétés de baies attendant encore d’être découvertes. Les vallées les plus reculées des Alpes peuvent être des lieux particu lièrement prometteurs parce qu’il y a des chances que les habitudes de sélection plurigénérationnelles y aient favorisé des formes de culture propres, inconnues des chercheurs. La Basse Engadine est un cas exemplaire. Isolée et pourtant proche de l’Autriche et de l’Italie, cette vallée avait des chances d’accueillir d’anciennes variétés étrangères qui n’ont ensuite plus trouvé moyen de se répandre ailleurs en Suisse. Un paradis potentiel pour les chercheurs de baies.
PERSÉVÉRANCE MÈNE À RÉCOMPENSE … Une chasse au trésor à 1500 m d’altitude, cela peut paraître follement romantique. Mais 16
cela exige des préparatifs extrêmement pointus. Janine Dümel de la Haute École des sciences appliquées de Zurich (ZHAW) a fait en 2015 des recherches de plusieurs mois pour son travail de bachelor qui l’ont amenée à visiter environ une douzaine de jardins dans diverses communes. Chercheuse en sciences de l’environnement, l’étudiante a interrogé les propriétaires des jardins et documenté systématiquement toutes les baies rencontrées. Martin Frei, l’expert ProSpecieRara des baies, a ensuite passé en revue les photos de fleurs et de fruits ainsi que les données descriptives relatives aux différents arbustes pour évaluer l’appartenance des baies aux variétés correspondantes. Pour identifier correctement les baies trouvées, il faut des dizaines d’années d’expérience dans les baies anciennes.
COUP DE THÉÂTRE CHEZ LES GROSEILLIERS De toutes les variétés de baies, les groseilliers étaient quantitativement les plus représentés. C’est également eux qui présen
Janine Dümel a trouvé dans ce jardin de Sur En (près d’Ardez) divers groseilliers. Ils doivent encore être identifiés.
taient la plus grande diversité de formes. Parmi les trouvailles prometteuses, on peut citer de vraies découvertes. Quelques vingt arbustes n’ont pu être rapprochés d’aucune variété connue répandue autrefois. Il s’agit essentiellement de variantes, et sans doute aussi de formes sauvages, du groseillier des pierriers Ribes petraeum, indigène dans l’espace alpin. Ces formes sont particulièrement adaptées à un environnement de haute montagne.
SOIN ET UTILITÉ DES VARIÉTÉS RARES Actuellement, une autre étudiante de la ZHAW, Chloé Berli, poursuit le travail en documentant sur place des variétés inconnues de groseilliers. Pendant ce temps, les groseilliers sont multipliés par bouturage puis plantés dans les collections de baies ProSpecieRara à Riehen BS pour que leur survie soit assurée. Ces variétés pourront ensuite être introduites dans des cultures de baies en montagne ou intégrées à de nou veaux projets de sélection variétale. Elles présentent également un potentiel d’utilisation dans le domaine touristique. Connaissant l’engagement de la population locale en Basse Engadine lorsqu’il s’agit de sauvegarder et de valoriser le patrimoine culturel des jardins, les conditions sont favorables pour des projets ultérieurs. Cela donne envie de poursuivre la chasse au trésor.
Pour le spécialiste, les fleurs du groseillier sont pleines d’enseignements sur la variété. Photos : Janine Dümel
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Chronique
News
Sans biodiversité, pas de sécurité alimentaire Daniel Bärtschi, directeur Bio Suisse La conservation de la plus grande diversité des espèces (ou biodiver sité, comme on dirait aujourd’hui) possible est un principe fondateur de l’agriculture biologique. Cela était déjà vrai avant qu’il existe des subventions publiques à cet effet. La biodiversité, c’est la vie même – et cela se comprend aisément. Il suffit de voyager dans des pays étrangers pour s’en convaincre. Sur les marchés de Bolivie et du Pérou par exemple, les pommes de terre se présentent sous toutes sortes de formes et de couleurs, pêlemêle, jaunes, rouges, bleues, grandes et petites. Dans les cultures également, les variétés coexistent en mélange. C’est une façon de répartir les risques, car si une variété ne pousse pas bien, d’autres prospèrent d’autant mieux. On en connaît d’innombrables exemples. Notre agriculture à nous, axée sur la performance, entraîne une réduction de la diversité des espèces, ce qui finit par entraîner un risque élevé pour notre sécurité alimentaire. Malheureusement nous n’en avons pas suffisamment conscience. Les variétés commercialisées sont de moins en moins nombreuses, la culture écologique n’est guère encouragée, et nous perdons de nombreuses et précieuses ressources génétiques. C’est pourquoi la conservation de la plus grande diversité possible de variétés végétales et de races animales est davantage qu’un noble but : c’est un enjeu essentiel pour la survie de l’humanité. À cet égard, l’agriculture biologique montre la voie en investissant dans la culture de variétés nouvelles et dans la conservation d’anciennes variétés biocompatibles, pour notre profit à tous. 18
ACHETER DES MÛRIERS
Ces dernières année nous avons repéré des mûriers partout en Suisse et prélevé du matériel de multiplication sur les spécimens les plus intéressants. Les jeunes arbres ainsi obtenus sont désormais en vente dans des pépinières spécialisées. La meilleure période pour la mise en terre va de mai à septembre. www.prospecierara.ch/fr/projets/muriers
ÉCIÉ PROSPECIERARA APPR S DES LABELS SUISSE
Les labels Bio Suisse et IP Suisse misent sur ProSpecieRara dans leur catalogue d’exigences. Depuis 2015, les entreprises Bio-Suisse attestent qu’elles prennent des mesures en faveur de la biodiversité. Pour ce faire, elles peuvent entre autres choses faire valoir qu’elles ont recours à des variétés et à des races ProSpecieRara. www.prospecierara.ch/fr/news/bio
IMPRESSUM Le magazine « rara » paraît quatre fois par an en français, en italien et en allemand. Éditeur : Fondation ProSpecieRara, Bâle, Suisse Rédaction : Denise Gautier, Nicole Egloff, Anna Kornicker Textes : Gertrud Burger, Erwin Kump, Denise Gautier, Philipp Holzherr, Claudio Niggli Traduction : Irène Kruse Photos : ProSpecieRara Layout : Reaktor AG, Kommunikationsagentur ASW, Aarau Impression : SuterKeller Druck AG, Oberentfelden Papier : Cocoon 100 % Recycling 90 g /m2 Tirage : 5600 expl. en français, 25 000 expl. en allemand, 1130 expl. en italien Féminin / masculin : Pour plus de lisibilité, nous renonçons à mettre les désignations au masculin ET au féminin. Que nous options pour l’un ou pour l’autre, il va de soi que le terme recouvre à chaque fois les deux genres.
COMMANDER LE RARA Notre magazine vous plaît ? Si vous ne l’avez pas encore reçu, nous serons ravis de vous le faire parvenir à l’avenir. Contactez-nous pour un abonnement gratuit à l’essai. info@prospecierara.ch, Téléphone 022 418 52 25
FONDATION PROSPECIERARA Fondation suisse pour la diversité patrimoniale et génétique liée aux végétaux et aux animaux. ProSpecieRara Suisse romande c/o Conservatoire et Jardin botaniques de Genève Case postale 60 1292 Chambésy Suisse Téléphone +41 22 418 52 25 Fax +41 22 418 51 01 romandie@prospecierara.ch www.prospecierara.ch
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Des paroles aux actes n° 138
Nous faisons aussi de la généalogie et redécouvrons des espèces anciennes. Les variétés traditionnelles de légumes connaissent en ce moment une renaissance, à laquelle nous contribuons largement. En effet, depuis 1999, nous soutenons la fondation ProSpecieRara dans son travail de préservation de la diversité des espèces végétales et animales. C’est pour cette raison que vous trouvez dans nos rayons plus de 120 articles portant le label ProSpecieRara, une garantie de notre engagement mais aussi d’un goût inégalable.
Pour tout savoir sur l’engagement de Coop en faveur du développement durable, rendez-vous sur des-paroles-aux-actes.ch