Rara 3 2015 francais

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rara LE MAGAZINE DE PROSPECIERARA ÉDITION 3 /2015

QUI DÉCIDE DE CE QUI ARRIVE DANS NOS ASSIETTES ? Page 5

PROSPECIERARA OU PAS ? Page 10

LA DIVERSITÉ ENTRE VOS MAINS – PRENEZ-EN DE LA GRAINE ! Page 14

RENFORT GÉNÉTIQUE VENU DU BERCEAU Page 16

Fondation suisse pour la diversité patrimoniale et génétique liée aux végétaux et aux animaux 1


Pendant des milliers d’années d’innombrables personnes ont créé une immense diversité de variétés. Aujourd’hui, cinq sociétés contrôlent 95 % du marché des semences de légumes dans le monde entier.

MERCI ! Votre soutien nous fait avancer: Donatrice /donateur plus à CHF 120.– /an Donatrice /donateur à CHF 70.– /an Donateur couple à CHF 90.– /an Donatrice /donateur junior (jusqu’à 25 ans) à CHF 35.– /an Parrainage d’animaux entre CHF 150.– et CHF 450.– /an Parrainage d’arbres CHF 250.– /an Pour vos dons: CCP 90 -1480-3 IBAN CH29 0900 0000 9000 1480 3 BIC POFICHBEXXX

Dons en ligne Vous pouvez maintenant faire vos dons par carte de crédit ou avec PostFinance Card. Vous avez aussi la possibilité d’établir des ordres permanents. www.prospecierara.ch/fr/don

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Éditorial Anna Kornicker, Responsable du secteur Communication

Parmi les tâches fondamentales de ProSpecieRara, il y a certes des activités concrètes de conservation, telles que l’importation d’oies de Diepholz, la définition de variétés ProSpecieRara ou la formation de multiplicateurs de variétés. Mais il est tout aussi indispensable de vous informer vous, le public, afin que nous puissions unir notre action en faveur d’une biodiversité menacée. S’agissant de problématiques complexes et fastidieuses comme la brevetabilité du vivant, nous autres du secteur de la Communication devons retourner chaque mot pour trouver l’expression juste pour un contenu adéquat, tout en nous efforçant de rendre accessibles des réalités complexes. Le nombre croissant de brevets déposés sur des organismes vivants nous interpelle tous, et la résistance contre ce phénomène doit provenir d’une opinion publique éclairée. C’est notre seule chance d’obtenir qu’à l’avenir, des groupes semenciers comme Monsanto et Syngenta ne décident pas seuls de ce qui arrive dans nos assiettes. Jugez vous-mêmes si nos efforts ont été récompensés. Vous trouverez le résultat dans les pages qui suivent. 3


La diversité des semences libres: Combien d’espèces figurent sur cette image ? Vous trouverez la solution à la page 19. 4


Focus

Qui décide de ce qui arrive dans nos assiettes ? Entretien mené par Nicole Egloff

La semence est la base de notre alimentation. Ces vingt dernières années, le marché des semences a connu un phénomène de concentration sans précédent. On risque d’en arriver au point où Monsanto, le groupe semencier le plus important du monde, absorbera Syngenta, le premier producteur de pesticides du monde. Qu’est-ce que cela signifie pour les variétés anciennes et en quoi cela nous concerne-t-il tous ? – Béla Bartha, notre directeur, nous en parle. MONSANTO, SYNGENTA ET TROIS AUTRES GROUPES RÈGNENT SUR 95 % DU MARCHÉ EUROPÉEN DES SEMENCES POUR LES LÉGUMES – ET IL N’EN VA PAS TRÈS DIFFÉREMMENT POUR LES AUTRES CULTURES. COMMENT A-T-ON PU EN ARRIVER LÀ ? COMMENT CINQ ENTREPRISES PEUVENT ELLES DICTER CE QUI ARRIVE DANS NOS ASSIETTES ? Béla Bartha: Ces groupes agrochimiques ont racheté un grand nombre de semenciers ces dernières années. Le consommateur ne s’en aperçoit pas, car les produits des sociétés rachetées continuent d’être commer5


Béla Bartha s’entretient avec Nicole Egloff, rédactrice de rara, dans la séminothèque au siège principal de ProSpecieRara.

cialisés sous leur présentation originelle. Ainsi, la société Samen Mauser fondée au début du 19 e siècle à Zurich a été rachetée après avoir plusieurs fois changé de main par le groupe français Plan SAS, un des plus gros semenciers européens. Les sachets de graines qu’on trouve partout dans le commerce arborent toujours le logo de Samen Mauser. Le marché des semences est devenu extrêmement opaque pour le consommateur. Cette concentration confère bien sûr un pouvoir extraordinaire. Non seulement ces immenses groupes agrochimiques sont en position de dicter les prix ; ils déterminent aussi les variétés qui seront sélectionnées. Comme ces groupes comportent toujours un important secteur chimique, ils produisent les variétés compatibles avec

«Syngenta a fait breveter des propriétés qu’elle a

seulement découvertes, mais non inventées. Béla Bartha 6

»

les herbicides, fongicides ou insecticides ou engrais maison, pour s’assurer un marché également pour ces produits. La législation européenne sur les brevets qui, depuis les années 1990, a été étendue aux organismes vivants, accentue ce processus de concentration. Car les sociétés qui ont les moyens financiers pour déposer des brevets et pour s’offrir des avocats ont la possibilité de faire breveter, et donc protéger, non seulement leurs inventions, mais aussi leurs découvertes. ON PEUT COMPRENDRE QU’UN SÉLECTIONNEUR VEUILLE ÊTRE RÉMUNÉRÉ POUR LES FRAIS ENGAGÉS POUR LA SÉLECTION D’UNE NOUVELLE VARIÉTÉ EN LA FAISANT PROTÉGER PAR UN BREVET … Bien sûr. Le problème, c’est que les brevets ont été conçus pour protéger de la matière inerte, et ils sont parfaits pour cela. Une plante ou un animal en revanche ne sont pas quelque chose de statique, ils sont vivants, et ils évoluent, que l’homme s’en mêle ou non. Voyez l’absurdité: la loi sur les brevets stipule que les variétés et les races ne peuvent certes pas être brevetées, mais qu’on peut faire protéger les propriétés qu’on leur a découvertes. On sépare pour ainsi dire la variété de ses propriétés – or c’est justement la somme des propriétés


qui fait une variété. Seuls quelques avocats spécialistes du droit des brevets sont capables d’accomplir ce tour de passe-passe. Syngenta par exemple a découvert un poivron qui pousse à l’état sauvage en Jamaïque, et qui est résistant à différents insectes. En puisant dans des banques de gènes stockant des semences de nombreuses formes sauvages et cultivées, Syngenta a pu mettre la main sur cette plante et a croisé le poivron sauvage avec des variétés commerciales. Moyennant le «SMART breeding» (une méthode de sélection conventionnelle permettant de transmettre spécifiquement certaines propriétés), elle est parvenue à sélectionner des poivrons commerciaux résistants à ces insectes. Le clou de l’affaire, c’est que Syngenta a fait breveter cette propriété, qu’elle n’a pas inventée mais seulement découverte, si bien qu’en 2013, elle s’est vu conférer des droits exclusifs sur tous les poivrons présentant cette résistance, y compris la forme sauvage. Le brevet empêche les agriculteurs et les sélectionneurs d’utiliser ces plantes sauf en payant des droits de licence à Syngenta, ce que les petites exploitations n’ont pas les moyens de faire. Cet état de fait ne fait qu’accentuer le phénomène de concentration sur le marché des semences.

QUELLE EST LA SOLUTION QUE PRÉCONISERAIT PROSPECIERARA ? La meilleure solution actuellement serait d’avoir la protection des variétés telle qu’elle se pratiquait jusqu’en 1991. La protection des variétés végétales permet de faire enregistrer les nouvelles variétés sélectionnées et ce faisant d’obtenir leur protection. À la différence des brevets, cette protection laisse intact ce qu’on appelle le privilège du sélectionneur qui lui permet d’utiliser librement une variété et de faire enregistrer luimême la nouvelle variété qui en a résulté. Le privilège de l’agriculteur qui l’autorise à multiplier les semences sur sa propre exploitation a malheureusement été fortement limité en 1991. Cela porte moins à conséquence dans les pays industrialisés où rares sont les agriculteurs qui multiplient eux-même leur semence, mais pour les nombreuses petites exploitations agricoles du tiers monde, cela est catastrophique. 7


«Signez la pétition contre la pratique actuelle en matière de dépôt de brevets, et prenez fait et cause pour des semences accessibles pour tous.» Béla Bartha

EN QUOI LA QUESTION DES BREVETS CONCERNE-T-ELLE LE TRAVAIL DE PROSPECIERARA ? Le fait que quelqu’un puisse s’emparer d’une variété, lui découvrir une propriété donnée et faire breveter celle-ci est susceptible de concerner aussi les variétés ProSpecieRara. Nous avons certes le droit – selon la manière dont on interprète la législation – de continuer de multiplier et d’échanger une variété, mais elle ne serait plus disponible sans autres comme matériau de départ pour de nouvelles sélections. Les brevets touchent ProSpecieRara au cœur de son activité, car nous nous battons précisément pour le libre accès à cette ressource. Le libre accès aux plantes de culture est le fondement de notre sécurité alimentaire future. Le problème est le même pour les animaux, dont les propriétés sont également susceptibles d’être brevetées.

La coalition européenne «Pas de brevets sur les semences!» organise la contestation publique contre le brevetage du vivant.

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PEUT-ON FAIRE QUELQUE CHOSE ? Absolument ! La coalition européenne «Pas de brevets sur les semences!», dont ProSpecieRara fait partie, organise la contestation publique contre le brevetage du vivant. Elle a déjà recouru contre de nombreux dépôts de brevets inacceptables, notamment dans le cas du brevet du poivron mentionné plus haut. Nous récoltons actuellement des signatures pour amener les États membres de la Convention sur le brevet européen (CBE) à interdire les brevets sur les végétaux et les animaux. Il importe que la Suisse joigne sa voix à la protestation, car la Suisse est également un État membre à la Convention. C’est pourquoi nous vous invitons à nous renvoyé signé le formulaire ci-joint, ou à déposer votre signature directement sur le site www.ladb.ch/npos. Vous pouvez aussi exprimer votre soutien au libre accès aux semences en achetant vos semences auprès d’entreprises indépendantes (voir encadré).


PAS DE BREVETS SUR LE VIVANT ! SEMENCES ACCESSIBLES À TOUS ! SIGNEZ LA PÉTITION La coalition européenne «Pas de brevets sur les semences!», dont ProSpecieRara fait partie, organise la contestation contre le brevetage des végétaux et des animaux, pour faire changer la pratique en la matière. Montrez en signant la pétition que vous prenez fait et cause pour des semences accessibles à tous. Détails et formulaires à signer sous: www.ladb.ch/npos

SE FOURNIR AUPRÈS D’ENTREPRISES INDÉPENDANTES Il reste en Suisse trois entreprises indépendantes des grands groupes semenciers et qui produisent des semences non hybrides. En achetant vos semences chez elles, vous leur apportez votre soutien. Vous trouvez leur offre sous: www.sativa-rheinau.ch www.arthasamen.ch www.zollinger-samen.ch

SOUTENIR PROSPECIERARA Bien entendu, vous soutenez également le libre accès aux semences en devenant donateur ProSpecieRara. Nous menons des actions communes avec des partenaires au plan politique, mais surtout nous travaillons très concrètement au maintien de la biodiversité. Notre compte postal pour les dons: PC 90-1480-3 – un grand merci !

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Connaissance

ProSpecieRara ou pas ? Gertrud Burger, responsable du secteur Végétaux, texte: Nicole Egloff

Qu’est-ce qui distingue une variété ProSpecieRara ? Qui décide des races que ProSpecieRara doit promouvoir ? Ces décisions se fondent sur une sérieuse recherche et sur des schémas clairs. C’est ainsi que même une variété de tomate portant une dénomination à consonance très peu suisse comme ’Green Zebra’ trouve sa place dans le programme de conservation de ProSpecieRara.

Il suffit de se promener au jardin, à la fin de l’été, année après année, pour comprendre pourquoi il vaut la peine de cultiver les multiples variétés anciennes. Les carottes blanches ’De Küttigen’ arrivent à maturité, de même les pommes de terre ’De Safien’ à peau rouge, le haricot à rames ’Bleu d’Adliswil’, la betterave ’Noire de Lausanne’ et la tomate ’Jaune de Thoune’. Ensemble, elles forment un tableau multicolore et pourvoient à un bon dîner. On pouvait s’en douter: toutes sont des variétés ProSpecieRara. Leur nom évoque leurs origines. Si ces variétés sont en plus rares, non hybrides, qu’elles peuvent être multipliées au jardin, plus rien ne s’oppose à leur promotion sous le label ProSpecieRara.

«C’est sur la base d’un

schéma clair que se décide si une variété est digne d’être adoptée par ProSpecieRara ou non. Gertrud Burger 10

»


LA ’GREEN ZEBRA’ DE GRAND-MÈRE ? Dans la serre aux tomates, les ’Jaunes de Thoune’ ont des voisines exotiques: la ’Green Zebra’ et la ’Black Cherry’, qui pourtant arborent elles aussi le logo ProSpecieRara sur l’étiquette de la variété. Comment se fait-il que ces variétés manifestement pas très suisses soient promues tout de même ? Lorsqu’il s’agit de décider si une variété doit entrer au catalogue ProSpecieRara, plusieurs critères s’appliquent. Concernant l’espèce, il faut tout d’abord examiner si la culture de l’espèce est traditionnelle

en Suisse. Dans le cas de la tomate, cela ne fait pas de doute. Concernant la variété, nous nous demandons si la variété a eu une importance en Suisse à un moment donné, si elle a été sélectionnée en Suisse, si elle présente des propriétés particulières et si elle est menacée d’extinction. Les deux variétés de tomates citées n’ont pas eu une importance particulière en Suisse, cependant elles présentent des propriétés épatantes. Aujourd’hui, la ’Green Zebra’ et la ’Black Cherry’ sont de nouveau relativement répandues. Lorsque ProSpecieRara a décidé, respectivement en 1995 et en 2004, de les conserver, c’était loin d’être

DÉFINITION La raison pour laquelle elles figurent dans le programme de conservation n’est pas toujours évidente. C’est que la provenance n’est pas le seul critère ; il y a aussi les caractéristiques spécifiques et la rareté. On trouvera des définitions détaillées de ce qu’est une race ou une variété ProSpecieRara sous www.prospecierara.ch/fr/savoir

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La tomate ’Green Zebra’ a été obtenue aux Etats-Unis à partir de quatre variétés de tomates non hybrides. Elle est commercialisée depuis 1983. Leur aspect singulier et leur superbe saveur justifient les efforts faits pour la conserver. Elle est également une variété de départ pour d’autres obtentions.

le cas, d’où la décision de les préserver de l’extinction. À quoi s’ajoute le fait que pour un professionnel, leur culture est relativement coûteuse et le rendement mineur comparé aux variétés modernes. La distinction et la promotion que confère l’adoption d’une variété en tant que variété ProSpecieRara lui ouvrent malgré tout un avenir sur le marché, car le label aide à faire accepter un prix de vente plus élevé. C’est ainsi que désormais, on trouve la ’Black Cherry’ même à la Coop, et la ’Green Zebra’ dans les commerces bio et en vente directe chez les producteurs.

RACES DE FERME MENACÉES EN SUISSE ET AILLEURS Pour les animaux également, il existe des critères précis déterminant quelles races vont devenir des races ProSpecieRara 12

intégrées dans le programme de conservation. Actuellement, seules les races de ferme anciennes, traditionnelles, provenant de Suisse, revêtant une importance du point de vue agricole ou socioculturel et devant être considérées comme menacées sont prises en considération. Jusqu’en 2007, ProSpecieRara intégrait également des races fortement menacées à l’étranger proche comme le mouton Skudde et la vache d’Hinterwald. Depuis, des associations fortes se sont constituées à l’étranger pour conserver les races locales, si bien que ProSpecieRara a cessé de lancer des projets de conservation concernant des races étrangères.


Agenda

-Urbaines Tomateses-urb aines.ch www.tomat

FORMATION SUR LA DÉTENTION DE PETITS RUMINANTS (CAPRINS)

FÊTE DES TOMATES-URBAINES

6 septembre 2015, 10 – 17 h Signal de Sauvabelin, Lausanne/VD Programme détaillé sous: www.tomates-urbaines.ch

COURS DE DÉTERMINATION VARIÉTALES FRUITIÈRES

À l’heure actuelle, qui connait encore le nom de nos variétés traditionnelles. Ce cours s’adresse aussi bien aux personnes possédant déjà des connaissances sur la détermination fruitière qu’aux débutants. Il est proposé par nos collègues Gertrud Burger et Frits Brunner, de Bâle, et sera traduit en français par Christoph Koehler, du bureau de ProSpecieRara Suisse romande. 19 septembre 2015, 10 – 17 h Arboretum de Zofingen/AG

maux (OPAn). 3 octobre 2015, 9 – 16 h45 Institut agricole de Grangeneuve 1725 Posieux/FR Prix: CHF 100.– (80.– pour les membres des associations d’élevage de races ProSpecieRara et pour les donateurs/actifs de ProSpecieRara) Inscriptions: info@prospecierara.ch Téléphone 061 545 99 11

Prix: CHF 200.– (100.– pour les donateurs/actifs de ProSpecieRara) Inscriptions: romandie@prospecierara.ch Téléphone 022 418 52 25

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© iStock.com/sorendls

Nous célébrons et revendiquons le libre accès aux semences. Avec une grande bourse d’échange de semences, un marché de la diversité, une présentation et dégustation d’environ 80 variétés de tomates et des ateliers pour en récolter les graines, … Venez faire la fête avec nous !

Soins aux caprins, santé animale et nourrissage, voilà les thèmes abordés lors de ce cours théorique et pratique. Il s’adresse à ceux qui ont récemment acquis des chèvres ou qui désirent se lancer dans l’élevage, afin d’avoir les aptitudes pratiques nécessaires pour détenir les animaux conformément à leurs besoins et à l’ordonnances fédérales sur la protection des ani-


Portrait

La diversité entre vos mains – prenez-en de la graine ! Entretien mené par Denise Gautier

Pour préserver environ 1600 variétés de légumes, nous nous appuyons sur un vaste réseau de personnes dévouées qui multiplient bénévolement quelques variétés dans leurs jardins et approvisionnent ainsi notre séminothèque en semences. Pour une sauvegarde efficace, chaque variété devrait être prise en charge dans trois jardins différents. Nous en sommes encore loin ! En quoi cela consiste ? Voici le portrait d’Anne Freitag, une de nos fidèles multiplicatrices.

QUELLE A ÉTÉ VOTRE MOTIVATION POUR DEVENIR MULTIPLICATRICE DE VARIÉTÉS PROSPECIERARA ? J’ai découvert ProSpecieRara lors de la première vente de plantons organisée au Château de Prangins en 2002. J’avais acheté six plantons de tomates qui étaient accompagnés d’une fiche indiquant comment récupérer les graines en fin de saison. Je n’avais jamais imaginé que ça serait aussi simple à faire et cette première expé-

rience a été très concluante. J’ai commencé ma «carrière» de multiplicatrice en redistribuant des plantons de tomates à des amis. Ces variétés de tomates étaient tellement bonnes et originales que j’ai voulu en savoir plus sur les anciennes variétés en devenant membre de ProSpecieRara. J’ai ensuite participé à son cours de multiplication de semences. Et le virus ne m’a plus quittée depuis ! Je travaille dans un musée d’histoire naturelle, et le maintien de notre patrimoine me tient vraiment à cœur. C’est

Le jardin potager d’Anne Freitag, qui dans un premier temps n’avait jamais imaginé qu’il était aussi simple de produire ses propres graines. 14


inquiétant de voir avec quelle indifférence on traite les plantes que l’homme a sélectionnées depuis des millénaires et je suis enchantée de pouvoir contribuer à la sauvegarde de quelques légumes.

QUELS LIENS CELA PERMET DE CRÉER AVEC D’AUTRES MEMBRES DE PROSPECIERARA ? Les liens sont discrets, par des mails ou des lettres, mais on découvre qu’il y a des gens à travers toute la Suisse, et même en Allemagne et en Italie, qui ont envie d’essayer de nouveaux légumes dans leur jardin. Et je profite aussi de demander des graines à d’autres multiplicateurs pour découvrir de nouvelles variétés.

DES SEMENCES DE QUELLES VARIÉTÉS PRODUISEZ-VOUS ? J’ai choisi des plantes qui ne risquent pas de se croiser avec d’autres variétés sauvages ou cultivées dans les jardins alentours. J’ai une variété de tomates (’Vladivostok’), une de poivrons (’Wieser Milder’), des haricots nains (’Chevrier vert’) et à rames (’Chriesi-Stei’), une petite laitue absolument super, croquante et délicieuse en salade (’Pomme en terre’), une salade pommée (’Brune percheronne’) et des petits pois aux belles fleurs violacées (’Commander’). Et je complète le tout avec des fraisiers hors du commun: la délicate mais savoureuse ’Ananas blanche’ et l’aromatique petite ’Capron royal’. Un régal !

QUELLES SONT LES QUALITÉS / DÉFAUTS DES VARIÉTÉS MULTIPLIÉES ? Je multiplie ces variétés depuis des années, car je leur trouve surtout des qualités. Elles sont rustiques et faciles à cultiver, et excellentes à manger ce qui est quand même important. Mais elles ont aussi du «caractère». Les haricots ’Chevrier vert’ mettent parfois mes nerfs à rude épreuve en refusant de germer !

Je cultive la ’Pomme en terre’, une petite laitue absolument super, croquante et délicieuse en salade.

UNE DE VOS ASTUCES DE JARDINAGE ? Mon jardin se situe à 800 m d’altitude, dans le Jorat, une région au nord de Lausanne où le climat peut être parfois un peu rude. J’adore cultiver des tomates, mais je n’ai pas beaucoup de place dans ma petite serre, alors je mets chaque année une vingtaine de variétés de tomates en pots sur mon balcon, où les plantes sont à l’abri de la pluie et profitent bien du soleil.

DEVENIR MULTIPLICATEUR DE VARIÉTÉ Les donateurs ProSpecieRara peuvent commander un set d’essai (livré de janvier à mars), pour s’essayer à la production de semences, sans obligations. L’étape suivante est la participation au cours de multiplication de semences, puis l’envoi de sa propre production à la séminothèque. Finalement, si la multiplication est régulière et fructueuse, de devenir distributeur privé et offrir ainsi ses semences aux donateurs ProSpecieRara, par l’intermédiaire du Catalogue des variétés. www.prospecierara.ch/fr/cultiver-des-plantes Téléphone 022 418 52 25

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Animaux

Renfort génétique venu du berceau Philippe Ammann, reponsable du secteur Animaux

La population des oies de Diepholz en Suisse est limitée. Heureusement il existe encore des animaux de cette race dans leur patrie première en Allemagne du Nord. Pour apporter du sang neuf au cheptel suisse, ProSpecieRara a importé au printemps passé quelques jeunes spécimens. Alors qu’en France comme en Allemagne, les agriculteurs continuent de détenir des oies et les gens d’en manger par exemple à la Saint Martin, la Suisse ne compte plus au nombre des pays pratiquant typiquement l’élevage des oies. Alors que, dans l’agriculture très parcellisée d’antan, ce fier volatile était encore très apprécié, depuis deux cents ans, il a perdu de son importance. C’est pourquoi, en Suisse, aucune race locale typique n’a pu se maintenir. ProSpecieRara s’engage depuis longtemps en faveur de la conservation de la race rare qu’est l’oie de Diepholz, proche du type ancien de l’oie de ferme autrefois détenue en Suisse dans des élevages extensifs.

«Avec l’élevage en

Suisse, nous contribuons à la protection des oies de Diepholz. Philippe Ammann 16

»

Dans la conservation des races anciennes, deux aspects priment: la lutte contre l’endogamie et le maintien d’un pool génétique comportant toutes les propriétés génétiques encore existantes d’une race. L’un et l’autre s’avèrent difficiles pour les oies, car comme leur détention n’est pas simple, les éleveurs d’oies ne sont pas légion et beaucoup ne détiennent pas plus d’un couple d’oies. En outre, la grippe aviaire avait décimé le pool génétique, nombre d’animaux d’élevage ayant dû être abattus suite à l’interdiction de sortie imposée à l’époque.

DU SANG NEUF POUR L’ÉLEVAGE EN SUISSE Ces dernières années, les taux de fécondation et d’éclosion des oies de Diepholz en Suisse laissaient à désirer. C’est pourquoi il s’agissait de renforcer le pool génétique du cheptel par un apport de sang neuf venu de leur patrie d’origine. Le biologiste Marcel Züger de l’entreprise d’entretien du paysage «Pro Valladas» s’est joint à nous pour organiser l’importation de spécimens jeunes de la région de Diepholz. Marcel Züger est actuellement en train d’aménager en Engadine un projet de pacage avec des


oies dans des roselières, pour lesquelles il a besoin d’un groupe d’oiseaux relativement nombreux. Son choix d’avoir recours à l’oie de Diepholz et son désir de réaliser son projet dans le cadre du projet de conservation de ProSpecieRara et de l’Association des éleveurs de volaille menacée jettent les bases de notre future collaboration. Nous avons décidé d’accompagner et de soutenir financièrement l’importation d’une volée d’oisons (jeunes oies) en provenance de Diepholz en Allemagne du Nord. En mars 2015, équipés d’une autorisation d’importation et de cartons vides, nous avons pris la route en direction du Nord. Nous avons été accueillis sur place par Horst Johanning, éleveur de longue date et président de l’association des oies de Diepholz. Ensemble, nous avons rendu visite à plusieurs éleveurs qui nous ont donné des aperçus intéressants de la détention et de la sélection de leurs oies de Diepholz. Deux jours plus tard, avec des jeunes spécimens de deux groupes d’âges, nous avons repris la route. Notre joie de repartir avec ces précieux compagnons de voyage a été quelque peu entamée par la constatation que tous les éleveurs

PHOTO REPORTAGE

Partagez notre voyage; nous avons réalisé pour vous un reportage richement illustré sur l’importation de ces oies. www.prospecierara.ch/fr/news/oies-de-diepholz

rencontrés étaient déjà d’un âge avancé. Manifestement la relève fait défaut. Notre motivation à contribuer en Suisse à la conservation durable de cette race robuste aux beaux yeux bleus n’en est que plus forte.

Aux petits soins pour la jeune génération: de g. à dr., Markus Züger, Monika et Horst Johanning et Philippe Ammann. 17


Chronique

Astuces

La ville nouricière Sandrine Salerno, Conseillère administrative Depuis quelques années, la Ville de Genève s’engage pour une alimentation durable. Alors que l’industrie alimentaire et la grande distribution se substituent de façon croissante à l’agriculture paysanne, éloignant toujours plus les consommateurs, la Ville souhaite garantir aux habitants de la cité un accès à des produits de qualité et de proximité. Par le biais de son programme «Nourrir la ville», la commune poursuit trois objectifs: promouvoir les produits agricoles locaux, sensibiliser la population au «bien manger» et développer l’agriculture urbaine. Dans le cadre de cette politique, la commune est très attentive aux questions de diversité alimentaire et de libre accès aux semences. Il s’agit en effet d’enjeux cruciaux pour l’avenir de notre alimentation. Depuis 2014, la commune travaille donc avec la Fondation ProSpecieRara pour promouvoir le projet «Tomates-Urbaines» en Ville de Genève. Ce beau projet reçoit un accueil très positif de la population, qui s’engage en nombre pour que les tomates traditionnelles ne disparaissent pas. Preuve que les citadins sont, eux aussi, attachés à leur terre et à la biodiversité.

Ce livre très complet, très fourni, illustré de nombreuses photographies, pas-à-pas et schémas explicatifs, enseigne au jardinier à produire ses propres semences à partir de ses légumes, céréales et légumineuses (114 espèces sont abordées dans le livre). Dans une démarche de réappropriation du patrimoine vivant, il permet de sortir de la standardisation imposée par le commerce de masse des semences. Andrea Heistinger, Rouergue, avril 2015 424 pages, broché, 23,2 x 3,8 x 17,8 cm ISBN: 978-2-8126-0864-3 Prix: CHF 60.– (port et emb. non compris) À commander: www.prospecierara.ch/fr/shop/category/livres Téléphone 061 545 99 11

POUR DES ANIMAUX AVEC DES CORNES

La plupart des races traditionnelles de bétail ont des cornes. Parce qu’elles ne sont pas seulement décoratives, mais sont importantes pour le comportement social et le bien-être de l’animal, ProSpecieRara soutient l’initiative pour les vaches à cornes. Soutenez-la également, en la signant: www.hornkuh.ch/fr/home

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IMPRESSUM Le magazine «rara» paraît quatre fois par an en français, en italien et en allemand. Éditeur: Fondation ProSpecieRara, Bâle, Suisse Rédaction: Denise Gautier, Nicole Egloff, Anna Kornicker Textes: Anna Kornicker, Nicole Egloff, Denise Gautier, Philippe Ammann Traduction: Irène Kruse Photos: ProSpecieRara Layout: Reaktor AG, Kommunikationsagentur ASW, Aarau Impression: SuterKeller Druck AG, Oberentfelden Papier: Cocoon 100 % Recycling 90 g /m2 Tirage: 9500 expl. en français, 41 500 expl. en allemand, 2100 expl. en italien Féminin / masculin: Pour plus de lisibilité, nous renonçons à mettre les désignations au masculin ET au féminin. Que nous options pour l’un ou pour l’autre, il va de soi que le terme recouvre à chaque fois les deux genres.

COMMANDER LE RARA Notre magazine vous plaît ? Si vous ne l’avez pas encore reçu, nous serons ravis de vous le faire parvenir à l’avenir. Contactez-nous pour un abonnement gratuit à l’essai. info@prospecierara.ch, Téléphone 022 418 52 25

SOLUTION DE LA PAGE 4 Sur l’image figurent des semences de 9 espèces différentes. ➊ Maïs (entre autres ’Rouge du Tessin, ’Hopi’) ➋ Haricot d’Espagne ’Della Nonna di Cologna’ ➌ Betterave ’Chioggia’ ➍ Seigle ’Val Peccia’ ➎ Lentille ’Rayée’ ➏ Courgette ’Costata Romanesco’ ➐ Haricot à rames (entre autres ’Schnutzla’, ’Beau de Richigen’) ➑ Cerfeuil musqué ➒ Pois chiche

FONDATION PROSPECIERARA Fondation suisse pour la diversité patrimoniale et génétique liée aux végétaux et aux animaux. ProSpecieRara Suisse romande c/o Conservatoire et Jardin botaniques de Genève Case postale 60 1292 Chambésy Suisse Téléphone +41 22 418 52 25 Fax +41 22 418 51 01 romandie@prospecierara.ch www.prospecierara.ch

ProSpecieRara Direction Unter Brüglingen 6 4052 Basel Schweiz Telefon +41 61 545 99 11 Fax +41 61 545 99 12 info@prospecierara.ch www.prospecierara.ch

ProSpecieRara Svizzera italiana Via al Ticino 6592 S. Antonino Svizzera Telefono +41 91 858 03 58 Fax +41 91 858 03 03 vocedelsud@prospecierara.ch www.prospecierara.ch

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www.reaktor.ch, www.klook-illustration.com

-Urbaines Tomateses-u rbaines.ch www.tomat

La Fête des Tomates-Urbaines Dimanche 6 septembre 2015, 9 h – 17 h Signal de Sauvabelin / Lausanne

Grande bourse aux semences

Marché ProSpecieRara

Exposition de ates 80 variétés de tom

Buffet – Dégustation sur inscription

Tomates-Urbaines est un projet de ProSpecieRara, en coopération avec les villes de Genève et de Lausanne.

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Fondation suisse pour la diversité patrimoniale et génétique liée aux végétaux et aux animaux

Contes et ateliers pour les enfants

A qui appartiennen t les semences ?

Avec le soutien de:

Carouge, Martigny, Onex, Vernier, Vevey, Yverdon-les-Bains


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