Faites de votre entreprise un lieu d’exposition
Faites de votre entreprise un lieu d’exposition
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sommaire 1. Une journée… Bruno Caron ............................................... 4 2. … Particulière Catherine Elkar ............................................ 5 3. Le concours Barbara Sirieix ................................................. 7 4. Les Ateliers de Rennes Barbara Sirieix ................................ 9 5. Carnet de bord Brigitte Charpentier ..................................... 10 6. Un lieu, une œuvre, des publics Brigitte Charpentier ......... 16 7 Les projets Les équipes Sud’n’Sol – Michelangelo Pistoletto .................................. 24 Piz’Wich – Hreinn Friđfinnsson ....................................... 28 Christian Faure S.A. – Alain le Quernec .......................... 32 Kiosque à Sandwiches – Nicolas Chardon ...................... 36 Pain Concept – Isabelle Arthuis ....................................... 40 Pain Clément – Yvan Salomone ....................................... 44 Daniel Dessaint Traiteur – Shigeo Fukuda ...................... 48 Daunat Services et Daunat Bretagne – Jacques Villeglé .. 52 La Boulangère – Shigeo Fukuda ...................................... 56 La Viennoiserie Ligérienne – Alain Bizeau ..................... 60 Le Ster – Hamish Fulton ................................................... 64 Took Took – Lewis Baltz .................................................. 68
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une journée… Bruno Caron
Depuis plusieurs années, le groupe Norac poursuit une action de mécénat visant à développer l’intérêt d’un large public pour l’art contemporain. Le groupe est en particulier l’initiateur des Ateliers de Rennes - biennale d’art contemporain. Le souhait d’associer la plus grande partie possible du personnel du groupe Norac à la 2e édition de la biennale, qui s’est déroulée, à Rennes, du 30 avril au 18 juillet 2010 a été le point de départ du concours Faites de votre entreprise un lieu d’exposition. 4
Une démarche difficile à mettre en place car l’art contemporain est souvent précédé de sa réputation d’hermétisme et d’absence de beauté plastique. Interpeller les salariés sur un sujet différent de celui de leur travail, les convier à jouer un autre rôle n’est pas non plus très habituel. Enfin, intéresser 3 300 salariés répartis sur une grande partie de la France, à un événement d’art contemporain qui se déroule à des centaines de kilomètres de leur lieu de vie est un objectif plus qu’ambitieux. 120 salariés, soit douze équipes, ont répondu à cette proposition d’apporter leur contribution à Ce qui vient, thème de la 2e édition de cette biennale. En réalité, davantage de personnes ont été touchées. Chaque équipe a, en effet, choisi une œuvre en relation avec le thème des Ateliers de Rennes parmi la collection du Frac Bretagne, puis l’a exposée sur son lieu de travail. Salles de pause, couloirs, façades extérieures d’usine ont ainsi été investis par les œuvres d’art. Enfin dernier volet de ce concours : faire partager et expliquer leur démarche à l’ensemble du personnel. Le 16 juin 2010 fut une journée inhabituelle dans la vie du groupe Norac. Les équipes sont venues présenter et défendre leur choix d’œuvre et d’artiste devant un jury (cf. page 72). Point d’orgue de six mois de travail pour chaque équipe, cette rencontre a été, pour tous, une grande première. L’émotion sous toutes ses formes était présente : stress, rires, enthousiasme, énergie du côté des équipes.
Surprise, étonnement, plaisir du côté du jury qui vivait une expérience tout aussi inédite. Les présentations, les argumentations d’une grande qualité et intensité ont rendu l’établissement du palmarès particulièrement difficile. Accéder à des œuvres originales, les exposer sur les lieux de travail, donner des clés de lecture, de connaissance, la liberté de choix et d’expression – dans les limites des contraintes techniques – caractérisent cette expérience. Elle a été possible grâce à une collaboration exemplaire avec le Fonds régional d’art contemporain Bretagne. Nous tenons à remercier vivement tous les salariés qui, de près ou de loin, ont répondu à cette proposition et ont ainsi permis pour euxmêmes et pour leurs entreprises un enrichissement du regard, les collaborateurs du Frac Bretagne qui ont rendu possible et concrète cette aventure, les directions et encadrement des entreprises qui ont joué le jeu et enfin, les correspondants dans les entreprises relais et précieux ambassadeurs de cette initiative. Nous n’oublions pas les artistes qui, contactés par les équipes, ont répondu, d’une façon ou d’une autre, présents. Nous espérons que tous ces pionniers ouvriront la voie à de nouvelles découvertes pour des collaborateurs encore plus nombreux en 2012, année de la 3e édition des Ateliers de Rennes.
… particulière Catherine elkar
Le Frac Bretagne, comme ses homologues, compte parmi ses missions cardinales, la sensibilisation à l’art contemporain à partir de la collection qu’il constitue depuis 1981. Au centre du dispositif, le mouvement des œuvres, l’action de « déplacer ». L’art est en effet question de rencontre. Et il revient au Frac d’organiser les conditions de cette rencontre en favorisant le rapprochement entre les œuvres et un public
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très vaste, comprenant aussi bien des amateurs d‘art contemporain que des personnes n‘ayant jamais fait face à une œuvre d‘art actuel. La mission pédagogique du Frac Bretagne s’adresse le plus souvent aux « corps constitués », au premier rang desquels l’Éducation nationale. Dans le cadre du concours mis en place avec Art Norac, le contexte change radicalement, l’échelle de travail dépasse le territoire régional et, au sein des équipes, les interlocuteurs sont multiples, différents en terme de génération, de profil de poste, de disponibilité. Ce qu’ils partagent ? L’émulation résultant d’un enjeu inédit dans l’entreprise, une curiosité bientôt transformée en réel enthousiasme en faveur de pratiques artistiques pour la plupart inconnues. Du côté de l’équipe du Frac agit un phénomène parallèle de découverte. Jusqu’alors le monde de l’entreprise n’avait fait l’objet que de collaborations à faible impact. Les rencontres croisées des équipes, celles des entreprises du groupe Norac venues découvrir au Frac les œuvres en réserve, celle du Frac explorant sur chaque site les possibilités d’accrochage, tout en bénéficiant d’une visite souvent approfondies des unités de production, aboutissent à de véritables échanges sur les métiers, les connaissances, les savoir-faire de chacun. Le concours requiert de chaque participant qu’il exerce, pour un temps, un ou plusieurs « métiers de l’exposition » : recherche, documentation, sélection, régie, médiation, communication… Ce processus tant intellectuel que pragmatique, permet d’appréhender en accéléré les questions du projet de l’artiste, de son inscription dans un contexte plus vaste de savoirs et de questionnements contemporains, ainsi que de sa réception. Le déplacement de l’œuvre dans l’entreprise, tout en testant la capacité de celle-ci à exister en dehors du white cube (cf. page 19), libère le regard de certains préjugés. Sa présence résulte d’un choix partagé et argumenté. Elle est là d’abord pour elle-même, pour ses qualités intrinsèques, en ce qu’elle résonne également avec le thème de Ce qui vient. Parmi les raisons de la sélection viennent aussi, souvent, les significations tissées avec les problématiques du travail, collectives ou personnelles. Confrontées aux arts visuels, les personnes participantes ont su trouver les mots pour dire l’œuvre, la relier à leur propre expérience, spécifiquement leur vie professionnelle. Ce qui vient est une invitation à se projeter dans un avenir par nature incertain, cependant l’artiste aide à décrypter la complexité du monde. Si le moment du jury a paru si exceptionnel, c’est que peut-être se réalisait sous ses yeux, véritablement, l’union de l’art et de la vie.
le concours ConCoUrs « Faites de votre entreprise un lieu d’exposition » Objet du concours
Dans le cadre des Ateliers de Rennes - biennale d’art contemporain qui se déroulera du 30 avril au 18 mai 2010, Art Norac vous propose de participer à un concours en équipe sur le thème des Ateliers de Rennes 2010, Ce qui vient.
Comment participer ?
- Constituer une équipe de 5 à 15 personnes dans votre entreprise avant le 31 janvier 2010. - Choisissez (avec l’aide du Fonds Régional d’Art Contemporain) l’œuvre qui représente, pour l’équipe, Ce qui vient ou la pensée de l’avenir. - Exposez l’œuvre dans votre entreprise. - Présentez les raisons de votre choix devant un jury lors des Ateliers de Rennes. - Règlement sur www.artnorac.fr
Les récompenses • 1er prix :
1er prix
Un week-end à Venise pendant la biennale entre mai et octobre 2011 pour tous les membres de l’équipe.
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2e prix
prix :
week-end à Paris pendant la Fiac (Foire internationale d’art contemporain) en octobre 2011 pour tous les membres de l’équipe.
3e prix
• 3 e prix :
Choix et achat d’une œuvre d’un montant de 3000€ à la Fiac par 3 personnes désignées de l’équipe.
Pour toute information contactez votre « correspondant Ateliers de Rennes » :
Vous pouvez aussi vous connecter à l’espace réservé aux salariés sur le site www.artnorac.fr accessible après inscription
Dans le cadre des Ateliers de Rennes - biennale d’art contemporain, qui se sont déroulés du 30 avril au 18 juillet 2010, Art Norac * propose aux salariés des entreprises du groupe Norac de participer à un concours en équipe Faites de votre entreprise un lieu d’exposition, en relation avec Ce qui vient, thème de la 2e édition des Ateliers de Rennes 2010. Ce concours est réalisé en partenariat avec le Fonds Régional d’Art Contemporain de Bretagne (Frac Bretagne).
Il consiste pour chaque équipe participante (5 à 15 personnes) à choisir une œuvre d’art dans les collections du Frac Bretagne en relation avec le thème des Ateliers de Rennes, qui interroge notre relation à l’avenir. Les équipes bénéficient, à chaque étape du projet, des conseils du service médiation du Frac : une visite est prévue dans l’entreprise pour étudier les possibilités d’installation de l’œuvre ainsi qu’une visite d’une partie de l’équipe au Frac à Châteaugiron. L’œuvre est ensuite exposée dans l’entreprise pendant une durée d’un mois. Trois des membres de l’équipe présentent l’œuvre et les raisons de son choix devant un jury le 16 juin 2010 à Rennes. L’exposé comporte une description de l’équipe et la répartition des rôles de chacun des membres, une présentation des critères retenus pour choisir l’œuvre, en relation avec le thème des Ateliers de Rennes, Ce qui vient, un « reportage » sur la période d’accrochage.
* Art Norac est une association loi 1901 créée en 2005 pour abriter les actions de mécénat du groupe Norac. Elle soutient des projets d’intérêt général dans le domaine de la culture, et particulièrement celui de la création artistique contemporaine. www.artnorac.fr
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Le jury, composé de Véronique Brégeon, directrice de l’hôtel-restaurant Le Coq-Gadby et élue à la CCI Rennes Bretagne en charge du mécénat, Bruno Caron, PDG du groupe Norac, Catherine Elkar, directrice du Frac Bretagne, David Perreau, co-directeur du Master Métiers et arts de l’exposition de l’Université Rennes 2 et directeur du centre d’art Le Spot au Havre, Camille Planeix, chargée de production Art to be, délibère selon les critères d’évaluation suivants : la pertinence du choix de l’œuvre au regard du thème Ce qui vient, l’originalité des critères et des justifications par rapport à l’œuvre de l’artiste et la thématique, la diversité de l’équipe en termes de fonctions dans l’entreprise, l’accrochage de l’œuvre, sa médiation dans l’entreprise et la créativité de la présentation. Les équipes lauréates ont remporté les prix suivants :
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1er prix ex-aequo
3e prix
prix spéCial du jury
Kiosque à Sandwiches et La Viennoiserie Ligérienne.
Sud’n’Sol
Piz’Wich
Choix et achat d’une œuvre d’un montant de 3 000 e à la Fiac par 3 personnes désignées de l’équipe
Un week-end à Rennes à l’hôtelrestaurant Le CoqGadby. Ce prix est offert par Véronique Brégeon, directrice de l’hôtel-restaurant Le Coq-Gadby et membre du jury.
Un week-end à Venise pendant la biennale 2011 entre mai et octobre pour tous les membres de l’équipe
Les œuvres ainsi sélectionnées ont été exposées du 1er au 16 juillet dans la galerie du Cloître de l’école des Beaux-Arts de Rennes. Le vernissage de l’exposition a eu lieu le 1er juillet en présence des membres des équipes. Les prix ont été officiellement remis par Bruno Caron et Catherine Elkar aux lauréats.
© atelier PUZZLE (Rennes)
les ateliers de rennes www.lesateliersderennes.fr
Dans le cadre de la deuxième édition des Ateliers de Rennes - biennale d’art contemporain, cinquante artistes internationaux investissent huit lieux, dont le principal est le Couvent des Jacobins, et l’espace public.
Créés en 2008 à l’initiative du groupe agro-alimentaire Norac, les Ateliers de Rennes sont la seule biennale en Europe à traiter de la relation entre l’art et l’économie. Intitulée en 2010, Ce qui vient, la deuxième édition des Ateliers de Rennes s’attache cette fois à faire apparaître les formes, les processus et les contradictions de notre relation à demain. Celle-ci, aussi complexe que passionnante, met en jeu nos valeurs, nos espoirs, nos désirs et nos peurs dans un mouvement qui lie passé, présent et futur. Nos actes sont le reflet de notre capacité d’anticipation. Celle-ci se nourrit de notre propension à échafauder des hypothèses, à faire des paris, à bâtir des stratégies face à ce qui n’est pas encore là, dont nous n’avons pas l’entière maîtrise. L’indétermination du futur est aussi notre liberté, car elle ouvre à tous les possibles et nous invite à l’invention de nos existences. La majorité des 50 artistes présentés produisent une œuvre inédite sur le thème de Ce qui vient, et sept d’entre eux travaillent dans le cadre d’un Séjour de Recherche et de Création en Entreprise (programme SouRCES).
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carnet de bord
Cette aventure s’est déroulée entre le 6 octobre 2009 et le 20 août 2010.
Arras Val-de-Saâne Morlaix
Guingamp
Plouedern
Morangis
Bulgnéville
Locminé Les Herbiers Mortagne-sur-Sèvre Ste-Hermine
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Agen
Annexe 1 - CALENDRIER entreprise Took Took, Morlaix Le Ster, Locminé La Boulangère, Les Herbiers Viennoiserie Ligérienne / La Boulangère, Mortagne-sur-Sèvre Pain Concept, Sainte-Hermine Le Kiosque à Sandwiches, Morangis Christian Faure S.A., Plouedern Pain Clément, Val-de-Saâne Daunat Services et Daunat Bretagne, Guingamp Daniel Dessaint Traiteur, Arras Sud’n’Sol, Agen Piz’Wich, Bulgnéville
visite du site visite au FraC
aCCroChage
déCroChage
jeu. 21 janvier
jeu. 7 janvier
ven. 16 avril
jeu. 19 août
mar. 26 janvier
ven. 29 janvier
lun. 19 avril
ven. 20 août
ven. 5 mars
jeu. 25 mars
jeu. 19 août
ven. 12 février
mar. 2 mars
Jeu. 25 mars
lun. 28 juin
mar. 23 février
mer. 24 mars
jeu. 18 février
mer. 10 mars
mar. 20 avril
mar. 29 juin
ven.19 février
jeu. 4 mars
ven. 16 avril
jeu. 19 août
jeu. 4 mars
mer. 17 mars
mer. 21 avril
lun. 16 août
lun. 8 mars
jeudi 25 mars
jeu. 15 avril
jeu. 19 août
mer. 3 mars
mer. 21 avril
lun. 16 août
jeu. 11 mars
mar. 20 avril
lun. 28 juin
mer. 10 mars
mar. 6 avril
lun. 28 juin
6 octobre Le rendez-vous organisé à la demande du groupe Norac est à l’origine de la mise en place du concours. Les contours du projet sont esquissés à partir d’échanges informels concernant les pratiques du Frac Bretagne et de son service éducatif. Celui-ci développe notamment des expériences qui associent des publics non spécialistes au choix d’œuvres de la collection et à leur présentation dans les espaces les plus divers. Une fois le principe retenu, proposer à des petits groupes de salariés de jouer en quelque sorte au commissaire d’exposition, il reste à en penser l’organisation précise.
17 novembre La première rencontre avec les correspondants de chaque entreprise du groupe Norac a lieu au Frac Bretagne afin de présenter la structure culturelle. La visite des réserves est suivie de la présentation du concours et des premiers éléments d’organisation du travail.
Novembre - décembre Un protocole de travail est défini, destiné à fixer les cadres de la rencontre avec les équipes, organiser le choix de l’œuvre, du lieu d’accrochage et le calendrier des projets.
deux rendez-vous aveC les équipes Sur le site de l’entreprise : - Définir ensemble le lieu d’accueil de l’œuvre en fonction de trois exigences : une zone de passage pour une majorité de salariés mais aussi suffisamment sûre pour l’œuvre et ne posant pas de problème au fonctionnement de l’entreprise (sécurité alimentaire par exemple). - Appréhender les caractéristiques de l’entreprise, son fonctionnement ; rencontrer les salariés dans leur contexte quotidien. Au Frac Bretagne : - Permettre aux membres de l’équipe de découvrir à leur tour les missions et le fonctionnement de leur partenaire culturel. - Aborder et tenter de démystifier un certain nombre d’idées reçues et blocages liés à l’art contemporain, sa réception. - Formuler éventuellement un premier choix.
séleCtion des œuvres Bien que l’un des objectifs majeurs du concours soit de laisser les équipes choisir librement une œuvre dans la collection du Frac Bretagne, plusieurs paramètres conduisent à définir un corpus plus resserré : - La grande richesse de la collection, plus de 3 000 œuvres, qui implique de guider des personnes néophytes dans leur découverte afin d’éviter qu’elles ne se sentent submergées. - La fragilité excessive de certaines œuvres, difficiles à concilier avec des lieux d’accueil par nature plus ouverts et libres d’accès d’une entreprise. - L’indisponibilité d’œuvres déjà retenues dans le cadre des projets de diffusion du Frac Bretagne. À partir de cette première liste, une deuxième sélection est faite en fonction du thème de la biennale, Ce qui vient (penser l’avenir), avec pour règle de privilégier la diversité des formats et des médiums (peinture, dessin, photographie, sculpture, vidéo…) et de faire abstraction (autant que faire se peut) de toute considération personnelle. Au total une soixantaine d’artistes d’origine et de génération variées pour environ 140 œuvres sont retenus (cf. annexe 2). Même si la collection du Frac Bretagne est accessible en ligne, pour faciliter le travail des équipes, chacune sera destinataire d’un CD d’images de la présélection, remis lors de l’un des deux rendez-vous ou expédié par courrier.
Calendrier prévisionnel - Janvier : inscriptions des équipes et premiers rendez-vous. - Février-mars : poursuite des rendez-vous. - Entre mi-mars et début avril selon la chronologie des rencontres : choix final. - Installation des œuvres au plus tard pour le 29 avril, date d’ouverture de la biennale. - Début juin : réception des équipes par le jury. - Fin juin : accrochage des œuvres sélectionnées par les équipes lauréates sur l’un des sites de la biennale et remise des prix. - Courant juillet : décrochage de la totalité des œuvres.
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Janvier - mars (cf. annexe 1)
les rendez-vous dans les entreprises
Le point de départ de ces rendez-vous a pour but de déterminer un lieu adéquat d’accrochage d’une œuvre. Les contraintes habituelles, sécurité, neutralité de l’environnement, accès facile pour la majorité des visiteurs, sont a priori les buts visés.
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Dès la première visite, dans l’entreprise Took Took à Morlaix, les paramètres se trouvent largement bousculés. Le sentiment est celui d’une découverte, celle d’un milieu nouveau, voire inconnu (environnement de travail, nature des lieux, modes de déplacement dans les différentes zones de travail…). Très vite s’impose la particularité de cette expérience qui prend la forme d’une rencontre humaine beaucoup plus que technique. Le véritable enjeu de ce rendezvous sur le lieu d’activité des salariés est à la fois de faire la connaissance d’individus, d’échanger, néanmoins dans un contexte particulier, celui de leur quotidien sans oublier (et en oubliant aussi à certains brefs moments) les objectifs de la visite. À titre d’exemple, la question des mots, du vocabulaire : celui de l’art contemporain est ainsi souvent perçu comme difficilement compréhensible pour les néophytes mais à l’évidence celui du monde de l’entreprise nous est tout autant étranger. Chaque rendez-vous est à la fois similaire (accueil par l’équipe, présentation des uns et des autres, visite des unités de production, des bureaux, des salles de pauses, questions, interrogations sur le lieu possible d’accrochage…) et particulier en fonction des activités, de la localisation, de la personnalité des individus. Partout l’accueil est chaleureux, attentif à présenter l’activité de l’entreprise et en même temps, tous sont soucieux de se mettre au diapason du projet malgré la quantité d’inconnues qu’il représente. La contrainte des lieux qui sont visiblement loin du schéma classique (murs blancs, recul suffisant…) est aussi une donnée dont nous n’avions pas mesuré l’importance. Une contrainte qui néanmoins nous obligera, au final, à déplacer des pratiques habituelles et favorisera de nouvelles formes de rencontres avec les œuvres.
l’aCCueil des équipes au FraC Bretagne
Le principe posé est celui de la réciprocité : être accueilli et accueillir. Pour la plupart des équipes, il s’agit d’un premier contact réel avec l’art contemporain. Les discussions initiales tournent bien sûr autour du concours mais s’orientent très vite sur des questions touchant à la réception des œuvres, aux appréhensions liées à la méconnaissance de l’art : Comment choisir ? Sur quels critères ? Je n’y connais rien !!! Une œuvre contemporaine ? Qu’est-ce que c’est ? Qui juge ? Malgré tout, l’enjeu de la découverte, la curiosité, la perspective d’une forme de défi l’emportent visiblement. À quelques exceptions, les équipes ne finalisent pas leur choix lors de ce rendez-vous dont c’était l’un des objectifs. Pourtant, il nous semble que la rencontre initiée avec chacune dans l’entreprise s’est enrichie d’un vrai partage d’expérience, d’une forme de confiance réciproque ; nous avons aussi la sensation de mieux comprendre nos domaines professionnels, en apparence si éloignés, une étape essentielle à la poursuite du projet, à son dynamisme.
Annexe 2 LISTE DES ARTISTES SéLECTIoNNéS Dennis Adams Vahram Aghasyan Jean-Max Albert Isabelle Arthuis Lewis Baltz Richard Baquié Yves Belorgey Hervé Beurel Ursula Biemann Jean-Charles Blais François Bouillon Jean-Yves Brélivet Marcel Broodthaers Samuel Buckman Daniel Buren Nicolas Chardon
Christophe Cuzin Jocelyn Cottencin Dector/Dupuy Larry Deyab Edith Dekyndt Gabriele Di Matteo Philippe Durand Gilles Ehrmann Alexandre Estrela Sylvie Fanchon Anne-Marie Filaire Harrell Fletcher Hreinn Frieđfinnsson Shigeo Fukuda Hamish Fulton olivier Gourvil Raymond Hains John Hilliard Emma Kay Julije Kniffer Yvan Le Bozec Guillaume Le Marchal
Jean-Philippe Lemée Mark Lewis Vlamidir Logutov Gilles Mahé Vincent Mauger Didier Mencoboni Didier Morin olivier Mourgue Aurelie Nemours Maria Nordman Gabriel orozco Jean-Yves Pennec Steven Pippin Alexandre Ponomarev Etienne Pressager Julien Prévieux Alain Rivière Yvan Salomone Seton Smith Agnès Thurnauer Hervé Vachez Jacques Villeglé
Mars - avril
l’aCCompagnement des équipes, le Choix de l’œuvre
Chaque équipe a reçu la sélection d’œuvres faite par le Frac Bretagne (cf. annexe 2). En fonction des impératifs horaires et de leur rythme de réunion, chacune se manifeste par téléphone ou e-mail, sollicitant l’avis du Frac. Une inquiétude perceptible et commune à nos interlocuteurs donne une idée précise de leur implication : l’œuvre est-elle encore disponible ? N’a-t-elle pas déjà été sélectionnée ?
Après d’âpres discussions nous avons finalement trouvé un terrain d’entente sur deux œuvres : - Fukuda : Einstein (nous ne connaissons pas exactement le titre de l’œuvre) - Mencoboni : Y Notre préférence (+++++) va à Fukuda. Merci de nous donner votre avis par rapport au choix effectué (taille, accrochage….) et surtout la disponibilité de cette œuvre, ariane deleval
- Nous souhaitons communiquer une information « explicative » aux salariés sous forme d’affichage, avez-vous une idée ? Voilà je pense avoir fait le tour des questions. Merci d’avance pour votre aide. Bien cordialement, élisaBeth asCoët Bonjour, Vos deux choix sont vraiment intéressants et possibles. Cependant, après avoir regardé de près les contraintes d’accrochage de la bâche de Jacques Villeglé avec nos collègues de la régie, nous avons constaté que certains détails nous avaient échappés, à savoir le nombre de points d’accroche, environ une vingtaine sur chaque hauteur et 5 ou 6 en haut et en bas. Donc, une cinquantaine de trous au total !!! De petits trous mais des trous. évidemment le jeu en vaut la chandelle car cette œuvre est particulièrement spectaculaire et visible pour le coup par tous les salariés. (ci-joint une image en situation de la bâche) Donc c’est à vous de trancher et voir si ces contraintes sont gérables. Sinon, pas de problème pour Living Colors qui serait également très efficace dans votre couloir. En fonction de votre choix définitif, nous affinerons le nombre éventuel de photos et fixerons le jour d’accrochage. De même pour les autres éléments (adresse artiste, arguments, idée affiche). Brigitte Charpentier (extrait d’un échange, équipe Daunat Services et Daunat Bretagne, Guingamp)
Bonsoir, Bien reçu votre choix. Je pense que l’idée de Fukuda (Einstein) est bonne mais il existe d’autres portraits dans la même série et comme vous avez de la place, ce serait intéressant de rajouter d’autres personnalités. L’idée étant de penser l’avenir à travers des inventeurs qu’ils soient artistes, écrivains, musiciens, scientifiques ou explorateurs. Voici des suggestions : Portraits de Bach (47), Shakespeare (45), Léonard de Vinci (44), personnalités : Galilée et Youri Gagarine.
Deux points méritent d’être soulignés : - La rapidité. Ainsi chez Piz’Wich et Sud’n’Sol la consultation du site internet du Frac Bretagne a-t-elle permis de prendre très vite une décision en toute autonomie. - L’indépendance. Le Kiosque à Sandwiches, malgré des suggestions qui nous paraissaient pertinentes, a maintenu de façon finalement très juste, son option initiale.
Brigitte Charpentier
Bonjour Madame Charpentier, Nous nous sommes réunis hier et avons déjà choisi, il me manque juste trois personnes à voir car hier elles n’étaient pas là. Je vous enverrai notre choix (rien à voir avec vos propositions) début de semaine prochaine. Cordialement, Faty
(extrait d’un échange, équipe la Boulangère, Les Herbiers)
Bonjour Suite à notre petite réunion, les deux œuvres sélectionnées sont : Choix 1 : Bâche de Jacques Villeglé Choix 2 : Living Colors d’Isabelle Arthuis Et quelles questions m’ont été posées : - Quand saurons-nous quelle œuvre nous est attribuée ? - Pourra-t-on contacter l’artiste ?
Bonjour Madame Charpentier, Notre choix s’est arrêté sur CHARDON, une des trois images ou les trois. Cordialement, Faty
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Bonjour, À priori, il nous semble que ce choix est intéressant mais que, compte tenu de votre espace assez haut vous allez perdre une partie de l’intérêt de l’œuvre à savoir la possibilité de déplacer les éléments géométriques blancs, de se réapproprier en quelque sorte l’œuvre […] L’autre difficulté est que, installée sur le mur d’en face, l’œuvre supporterait mal les différents parasites visuels et peut-être aussi une manipulation pour le coup un peu excessive vu le nombre de vos salariés utilisateurs de cette salle. Enfin le métal laqué des supports est particulièrement sensible à toute rayure. Nous imaginons bien que ces nouvelles ne vont pas vous réjouir mais les œuvres sont parfois récalcitrantes et se font un plaisir de nous compliquer la vie !!! Sans vouloir trop intervenir dans votre choix, n’avez-vous vraiment pas du tout envie de réfléchir à la proposition de l’œuvre de Jocelyn Cottencin qui serait tout à fait spectaculaire sur votre site ??? Rappelez-moi si vous voulez que nous en parlions de vive voix. Bien cordialement. Brigitte Charpentier
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Bonjour Madame Charpentier, L’équipe va vraiment être très déçue car tout le monde avaient bien adhéré à ce choix. Cette œuvre a parlé à toute l’équipe, en revanche, je suis désolée de vous décevoir mais l’œuvre de Cottencin n’inspire personne. Nous avons néanmoins lors de notre dernière réunion fait un deuxième et un troisième choix au cas où, que vous trouverez ci-dessous. 2e choix : Arthuis la grotte 3e choix : Bizeau première image Cordialement, Faty Bonjour, Décidemment nous jouons de malchance !!! Je suis vraiment désolée mais les deuxième et troisième choix sont déjà retenus. Donc après avoir discuté avec ma collègue, nous pensons que finalement, même si vous perdez une partie du sens de l’œuvre de Nicolas Chardon, il n’y a guère d’autre solution. Par contre, pour une meilleure accroche visuelle, il faut vraiment prendre les trois œuvres, bleu, grise et violette. Les principes de réalité sont parfois contraignants !!! Confirmez- moi votre choix afin que je puisse alors vous faire parvenir des documents sur l’artiste et ses œuvres. Bien cordialement. Brigitte Charpentier
Bonjour Madame Charpentier, Je vous confirme donc notre premier choix. Cordialement, Faty (Extrait d’un échange, équipe Le Kiosque à Sandwiches, Morangis)
15 avril étape majeure réussie, toutes les équipes ont finalisé leur choix. L’éventail est ouvert tant au niveau des supports que des générations.
les apports doCumentaires, le ContaCt aveC les artistes Chaque équipe est destinataire de documents d’information : notices explicatives, iconographie, catalogue, lien internet vers le site des artistes. Leurs contacts téléphoniques ou e-mail sont transmis après les avoir informés des grandes lignes du projet. Il s’agit seulement d’offrir cette possibilité, les uns et les autres sont totalement libres de s’en saisir, d’y répondre ou pas. Isabelle Arthuis, Alain Bizeau, Yvan Salomone et Jacques Villeglé sont ainsi contactés par les équipes de Pain Concept, de La Viennoiserie Ligérienne, Pain Clément, Daunat Services et Daunat Bretagne.
Avril
l’aCCroChage des œuvres (cf. annexe 1)
Une fois déterminé le choix final, la dernière étape, et non des moindres, consiste à organiser physiquement et techniquement le déplacement des œuvres et leur accrochage. Là encore, chaque situation implique une réponse particulière. - Le cas de figure le plus classique Un mur, situé dans un lieu sans contrainte spécifique d’usage, d’accès ou d’horaire ; des œuvres plus faciles à installer. - L’aménagement du lieu Les murs doivent être repeints chez Daniel Dessaint Traiteur à Arras. L’espace doit être dégagé de son mobilier habituel dans le hall d’accueil de Sud’n’Sol. - La contrainte du lieu et de l’œuvre Le lieu, le format de l’œuvre, son installation requièrent la disponibilité d’un équipement spécifique et une aide technique sur les sites : nacelle, élévateur, fixation
adaptée au support. C’est le cas pour trois d’entre eux : La Viennoiserie Ligérienne, Daunat Services et Daunat Bretagne et La Boulangère.
16 juin
la présentation devant le jury
Les membres du Frac Bretagne qui ont accompagné le déroulement du concours ne peuvent pas faire partie du jury mais ont néanmoins souhaité assister à la présentation des projets de chaque site.
1er juillet Au final, quelles que soient les conditions de l’accrochage, ce moment ne se résume pas seulement à régler des problèmes techniques. D’une manière ou d’une autre, c’est une étape essentielle du projet : implication des salariés mobilisés le temps de l’installation, attente, surprise devant l’objet nouveau, inconnu qui est enfin présent. La rencontre avec les régisseurs du Frac Bretagne amène une approche différente des œuvres. Même si l’information paraît anecdotique, l’importance du nombre des messages électroniques échangés, plus de 150, témoigne des énergies qui ont été mobilisées par la réalisation de ce projet.
la remise des prix
15 L’étape finale de cette aventure partagée est la remise des prix aux lauréats dans un lieu partenaire des Ateliers de Rennes, l’école des beaux-arts de Rennes où sont exposées les œuvres choisies par les équipes gagnantes.
21 avril
Juillet - août
le déCroChage des œuvres (cf. annexe 1)
20 août Toutes les œuvres sont installées sur les douze sites engagés dans le concours.
La dernière œuvre est décrochée, à l’exception de la Grotte de Donant d’Isabelle Arthuis dont le support, une affiche, implique qu’elle reste en place jusqu’à sa disparition « naturelle ».
un lieu, une œuvre, des publics 16
La volonté d’exposer, le choix d’un lieu, les relations de l’œuvre à son contexte, la place et le rôle du visiteur sont autant d’éléments qui ont été abordés lors du déroulement du projet Faites de votre entreprise un lieu d’exposition. Cette sélection de citations, loin de se vouloir exhaustive, a pour objectif de poser quelques repères liés à l’exposition de l’œuvre d’art contemporain. Critique d’art, chercheur, concepteur d’exposition, philosophe et artiste éclairent, chacun selon son point de vue, ces différentes questions.
Exposer et accrocher […] on voit de nombreux sens au mot exposer. La signification la plus immédiate renvoie à l’idée d’exhiber, de mettre en vue. […] Vient ensuite l’idée de décrire, d’expliquer, de raconter et, enfin, celle à laquelle je tiens beaucoup, de disposer, de placer… Enfin, exposer, c’est orienter : dire d’un objet qu’il est bien exposé, c’est reconnaître sa bonne orientation. Toutefois, il existe un autre sens du verbe exposer, […] il s’agit de celui de détachement. Exposer une œuvre, en effet, c’est la détacher de son contexte de production pour la poser dans un autre contexte. L’acte d’exposition implique ainsi toujours cette idée de détachement, d’extraction. « Exposer c’est s’exposer » / Bernard Marcadé in L’art contemporain et son exposition (1). – Paris : l’Harmattan, 2003. – (Patrimoines & Sociétés), p. 135.
Exhiber une œuvre, c’est fatalement la faire entrer dans un processus de contamination. Une œuvre exhibée c’est finalement une œuvre exposée aux contaminations les plus diverses : les autres œuvres, le commissaire, le contexte architectural et idéologique mais aussi le regard du spectateur. Ibid. Bernard Marcadé, p. 138.
En effet : il est facile de considérer qu’une œuvre exposée plusieurs fois est un peu comme un morceau de musique joué plusieurs fois. De même qu’il y a des bonnes interprétations d’un morceau de musique, il y a des « bonnes » présentations d’une œuvre d’art (et d’autres qui sont ratées, au sens où elles ne la mettent pas en valeur, la rendent incompréhensible, illisible ou invisible). L’art : une histoire d’expositions / Jérôme Glicenstein. – Paris : Presses universitaires de France, 2009. – (Lignes d’art), p. 227.
Exposer n’est pas compris comme le seul fait de montrer des choses : comme le dit bien le mot exposition, il s’agit de livrer à la curiosité. Un organisateur d’exposition s’expose lui-même. « L’art de l’exposition : neuf thèses sur la théorie et la pratique de l’art de l’exposition et de la muséographie » / Paola Bianchi in L’art exposé. – Ostfildern : Cantz Verlag, 1995, p. 225.
Que conclure de ces accrochages ? Il n’y a pas d’accrochage idéal (mais tous, bien sûr, ne se valent pas) : les grandes œuvres d’art tendent à être complexes, polysémiques, et les diverses présentations devraient traduire cette diversité. « Constat amiable » / Jean-Claude Lebensztejn in Les Cahiers du MNAM, n°17/18, 1986, p. 91.
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L’exposition L’exposition étant en dernière analyse une manière de regarder les choses, ce qu’est précisément l’art aujourd’hui. « La question de l’exposition » / Olivier Mosset in L’art contemporain et son exposition (2). – Paris : l’Harmattan, 2010. – (Patrimoines & Sociétés), p. 164.
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L’enjeu symbolique de l’exposition est la possibilité ou l’impossibilité pour l’art d’être à la fois donné à la société, puis reçu et rendu par elle. L’exposition n’est donc jamais simplement la mise en place d’une circulation entre des « objets-à-exposer » qui fasse voir une histoire, une esthétique, une question de société ou quelque thème que l’on voudra. L’exposition construit la possibilité ou inversement l’impossibilité d’un échange entre les sujets. Et par cette alternative, je tiens à marquer qu’elle peut positivement interdire cet échange comme elle peut le fonder. « Malaise dans l’exposition ou l’exposition en mal d’histoire » / Catherine Perret in L’art contemporain et son exposition (2). – Paris : l’Harmattan, 2010. – (Patrimoines & Sociétés), p. 188.
[…] l’exposition, qu’elle soit petite ou grande, qu’elle soit situation de rencontre, outil de communication ou qu’elle vise un impact social, fonctionne toujours – en tant que mise en exposition – comme un inducteur de sociabilité et comme lieu de production de langage. Ibid. Jean Davallon, p. 186.
Il [le dispositif de l’exposition] est avant tout espace de rencontre de soi avec l’œuvre. Ibid. Jean Davallon, p. 239.
L’espace est un lieu pratiqué * Dans mon espace, les objets ne doivent pas submerger le spectateur. Si, ailleurs, le spectateur s’endort en passant devant des murs remplis de tableaux, notre conception doit rendre l’homme actif. Tel doit être le but de l’espace. El Lissitzky, 1890-1941 : architecte, peintre, typographe. – Paris : ARC, Musée d’art moderne de la ville, 1991. – Citation de El Lissitzky p. 53.
Aujourd’hui, nous avons atteint un point où ce n’est pas l’art que nous voyons d’abord, mais « l’espace » […]. L’image qui vient à l’esprit est celle d’un espace blanc, idéal, qui, mieux que n’importe quel tableau, pourrait bien constituer l’archétype de l’art du vingtième siècle. White Cube : l’espace de la galerie et son idéologie / Brian O’Doherty. – Zurich : JRP/Ringier, 2008, p. 36.
L’histoire qui reste à faire s’affiche. L’histoire qui reste à faire, c’est la prise en considération du lieu (l’architecture) dans lequel une œuvre échoue (se fait) comme partie intégrale de l’œuvre en question et de toutes les conséquences qu’une telle appartenance implique. Il ne s’agit pas d’ornementer (enlaidir ou embellir) le lieu (l’architecture) dans lequel le travail s’inscrit, mais d’indiquer aussi précisément que possible l’appartenance du travail au lieu et inversement, aussitôt que celui-ci s’y « affiche » . « Notes sur le travail par rapport aux lieux où il s’inscrit, prises entre 1967 et 1975 et dont certaines sont spécialement récapitulées ici » / Daniel Buren in Museums by Artists. – Toronto : Art Metropole,1983, p. 69.
[…]on remarquera également que tout lieu peut devenir un lieu d’exposition, même une cuisine ou une chambre d’hôtel, à condition d’être convenablement cadré. […] En d’autres termes, il est sans doute possible de réaliser une exposition absolument n’importe où, mais pour que cette exposition ait une existence sociale, il lui faut des indicateurs formels ou informels (verbaux ou non), orientant le regard. Op.cit. Jérôme Glicenstein, p. 174-175.
Je mets un tableau sur un mur. Ensuite j’oublie qu’il y a un mur. Je ne sais plus ce qu’il y a derrière ce mur, je ne sais plus qu’il y a un mur, je ne sais plus que ce mur est un mur, je ne sais plus ce que c’est qu’un mur. […] J’ai mis le tableau sur le mur pour oublier qu’il y avait un mur, mais en oubliant le mur, j’oublie aussi le tableau. Il y a des tableaux parce qu’il y a des murs. Il faut pouvoir oublier qu’il y a des murs et l’on n’a rien trouvé de mieux pour ça que les tableaux. Espèces d’espaces / Georges Pérec. – Paris : Galilée, 2000, p. 77.
J’imagine un espace adéquat pour mes tableaux : j’exécute en peinture la salle, mais aussi l’ensemble du bâtiment. Cette représentation est une image et appartient donc à mon domaine de compétence. […] l’image crée son propre espace. Bildanschauung = Arrêt sur l’image / Thomas Huber. – Lausanne : Musée cantonal des Beaux-Arts ; Darmstadt : Verlag Jürgen
* L’invention du quotidien : 1. Arts de faire / Michel de Certeau. – Paris : Gallimard, 1990
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Le contexte aussi… Vers 1960 déjà, certains artistes ont commencé à travailler pour le musée, dans ce sens qu’ils ont créé des œuvres dont on savait d’avance qu’elles seraient montrées exclusivement au musée. Toutefois, dans les années 60 déjà, certains artistes devenaient allergiques à l’idée de coopérer avec des musées et cherchaient à s’échapper de leur atmosphère statique en organisant des happenings et des concerts. Aujourd’hui, en 1971, leurs préoccupations ont un but plus social. Les artistes ne s’intéressent plus à accéder au musée, mais ils veulent exercer leurs activités sur une plate-forme plus vaste, comme par exemple la ville. « Cartographie des expositions internationales » in L’art exposé. – Ostfildern : Cantz Verlag. – Citation d’Harald Szeemann p. 207-208.
Les musées n’ont jamais été, et, je pense qu’ils ne le seront jamais, l’environnement absolument juste pour les œuvres d’art. […] Le musée permet à un plus grand public de les voir, c’est pratique, c’est bon pour l’histoire de l’art, – particulièrement parce qu’il préserve les œuvres – mais c’est un compromis. Quand l’œuvre a lieu : l’art exposé et ses récits autorisés / Jean-Marc Poinsot. – Genève : Mamco ; Villeurbanne : Art Edition, 1999. – citation de William Rubin p. 17.
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Exposer une œuvre, c’est incontestablement la mettre à l’épreuve en la confrontant à un contexte architectural, idéologique et artistique. Op. cit. Bernard Marcadé, p. 137.
L’organisateur de l’exposition ne fait que proposer un contexte singulier (contexte interprétatif), un moment de rencontre unique entre œuvres et publics. En conséquence, la compréhension que nous avons des œuvres d’art se lie fortement à une expérience contextuellement circonscrite. D’ailleurs, si l’on était un peu honnête, on ne dirait pas qu’une œuvre est belle ou intéressante, mais plutôt que « l’interprétation de l’œuvre qui nous a été proposée à telle ou telle occasion était plaisante (ou convaincante, ou satisfaisante) » . Op. cit. Jérôme Glicenstein, p. 215.
Àne pas oublier : les arts ne sont pas simplement liés à des bâtiments. Ils ont aussi une origine immatérielle, une histoire affective. Ils sont partie intégrante de la vie quotidienne, de la ville, de l’urbanité. Ils jouent sur deux plans, celui de l’artiste et celui du public. […]. Les arts pour pouvoir s’explorer et s’accomplir, n’ont pas besoin de conditions de localisation, ils ont besoin de marge de manœuvre et de liberté. « Pas-réseaux-hôtes : thèses sur les avant-gardes du XXIe siècle » / Paola Bianchi in l’art exposé. – Ostfildern : Cantz Verlag, p. 298.
La vraie question serait plutôt celle-ci : quels sont les modes d’exposition justes par rapport au contexte culturel et par rapport à l’histoire de l’art telle qu’elle s’actualise aujourd’hui ? Esthétique relationnelle / Nicolas Bourriaud. – Dijon : Les presses du réel, 1998, p. 48.
Visiteur, spectateur et acteur Pour se trouver là [dans la galerie], il faut déjà être mort. De fait, la présence de ce meuble bizarre, votre corps, apparaît superflue, c’est une intrusion. Si, dans cet espace, les yeux et l’esprit sont les bienvenus, on se prend à penser que les corps ne le sont pas – ou ne sont tolérés qu’en tant que mannequins kinesthésiques, pour complément d’enquête. Op. cit. Brian O’Doherty, p. 37.
Le spectateur aussi agit, comme l’élève ou le savant. Il observe, il sélectionne, il compare, il interprète. Il lie ce qu’il voit à bien d’autres choses qu’il a vues sur d’autres scènes, en d’autres lieux. Il compose son propre poème avec les éléments du poème en face de lui. Le spectateur émancipé / Jacques Rancière. – Paris : La Fabrique éditions, 2008, p. 19.
Le visiteur d’exposition agit directement ; il choisit, regarde, décide, produit de la signification. Au fond, c’est lui qui tient lieu d’acteur énonçant, à travers son activité même de visiteur, l’histoire qui résulte de la temporalisation de la mise en espace et de la mise en scène. Op. cit. Jean Davallon, p. 55.
La visite est un voyage qui possède une affinité profonde avec le voyage en pays étranger. Dans les deux cas, je suis « dépaysé » et je dois me construire un itinéraire. Dans la vie courante, mes itinéraires sont répertoriés, connus et suffisamment intégrés pour faire partie de mon territoire [...] Mais en voyage, je suis confronté à de nouvelles façons de faire, à des objets dont l’usage ne m’est pas familier. Il me faut sans arrêt choisir entre des voies différentes, décider de mes buts, essayer des passages, apprendre à me repérer, modifier mes attitudes [...]. Op. cit. Jean Davallon, p. 174-175.
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les projets
Sud’n’Sol Piz’Wich
Michelangelo Pistoletto Hreinn Friđfinnsson
Christian Faure S.A.
Alain le Quernec
Kiosque à Sandwiches
Nicolas Chardon
Pain Concept
Isabelle Arthuis
Pain Clément
Yvan Salomone
Daniel Dessaint Traiteur
Shigeo Fukuda
Daunat Services et Daunat Bretagne La Boulangère La Viennoiserie Ligérienne Le Ster Took Took
Jacques Villeglé Shigeo Fukuda Alain Bizeau Hamish Fulton Lewis Baltz
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L’info autour du monde. William
En voilà une bonne nouvelle ! Stéphanie
News of the world !! Kevin
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La tomate a perdu sa peau ! Michel
Pistoletto partage la même opinion que Christophe Colomb… Notre bonne vieille terre est bien ronde. Dominique Extraits du livre d’or.
sud’n’sol
3e prix du concours
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Agen (47)
Production de légumes marinés
équipe de 10 personnes Magali Barrull, Christine Belain, Ludovic Couvreur, Céline Depetris, Sophie Dignac, Françoise Garros, Kinta Gomis, Carole Moga, Natasha Roma, Bruno Vigneron
Michelangelo Pistoletto Sphère de journaux, 1965, sculpture papier journal, 100 cm de diamètre
200 employés
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1. Une œuvre, un lieu
3. Présenter, interpréter
L’œuvre de Michelangelo Pistoletto est choisie pour sa simplicité et son originalité. Elle provoque l’étonnement du spectateur. L’équipe s’intéresse au parcours de l’artiste et à l’Arte Povera, un mouvement qui a remis en cause la société de consommation ainsi que les règles de l’art classique. Cette œuvre correspond bien à l’esprit Sud’n’Sol, toujours à la recherche d’innovation et d’originalité.
Ce que la sphère de journaux évoque à l’équipe : - Demain, l’avenir - La suite logique d’aujourd’hui - L’évolution de l’homme dans une société en mouvement - L’écologie et le recyclage - La mondialisation - Une nouvelle ère où la communication est planétaire - Le cycle de la vie
L’œuvre est disposée à l’accueil, ce qui permet à l’ensemble des salariés et aux personnes de l’extérieur de la voir. L’aménagement est modifié pour que la sculpture ait de l’espace et que l’on puisse circuler autour d’elle. Installée devant les grandes baies vitrées, la sphère bénéficie d’un éclairage naturel qui contribue à la mettre en valeur. 2. L’artiste Michelangelo Pistoletto est un plasticien né à Biella (Italie) en 1933. À la fin des années soixante, il est membre fondateur du mouvement Arte Povera. Plus qu’un mouvement, c’est une attitude qui s’oppose à la société de consommation en travaillant avec des matières pauvres : sables, chiffons, terre, bois, corde, papier journal. Pauvre est aussi à interpréter dans le sens de détachement des acquis de la culture, des arts traditionnels.
Pourquoi l’équipe a-t-elle choisi cette œuvre ? - Elle ressemble à notre planète - Elle roule, elle tourne comme notre monde qui avance - Sa forme est un symbole, celui de la Vie - Elle impose une idée du mouvement - Elle est faite de papier journal qui se recycle - Elle évoque la mondialisation - Elle rappelle que le papier a été le premier support de la communication écrite - Elle rappelle l’atome, à l’origine de la Vie - C’est un objet simple qui invite à la réflexion - Par ces couches successives de papier, elle montre bien le lien entre hier, aujourd’hui et demain - Elle ressemble à Sud’n’Sol qui a grandi au fil des ans et à sa gamme de produits qui ne cesse d’évoluer Malgré tous les avis pessimistes sur le réchauffement de la planète, les dégâts d’une société de consommation grandissante, les paradoxes Nord / Sud et le monde qui ne tourne pas toujours rond, il y a un grand espoir. Ce qui vient… Demain, c’est encore la plus belle chose qui soit, la vie ! Nous tirerons des leçons des erreurs d’hier et en sortirons grandis. Les clefs pour un monde meilleur sont entre nos mains aujourd’hui. C’est dans la positivité et dans l’action que nous construirons le monde de demain et apprivoiserons Ce qui vient. (Texte écrit par l’équipe)
4. Partager, échanger, communiquer Un atelier de pratique ouvert à tous les employés a été organisé afin de concevoir un objet avec des matériaux jetables de l’usine (film plastique, charlottes, sur-chaussures, bouchons, masques…), une manière de faire un clin d’œil à l’artiste. Le choix de la Sphère de Michelangelo Pistoletto révèle d’emblée la volonté de proposer une expérience commune. La communication et la circulation des idées y tiennent une place centrale. Preuve en est également l’espace d’accueil de l’œuvre qui par excellence permet l’échange entre extérieur et intérieur, salariés et visiteurs. Enfin la mise en pratique par le biais d’un atelier renvoie justement à la dimension sensible et symbolique des matériaux revendiquée par les artistes de l’Arte Povera.
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piz’Wich
Prix spécial du jury
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Bulgnéville (88)
Production de pizza-sandwiches
9 employés
équipe de 5 personnes
Hreinn Friđfinnsson
Fabrice Bogard, Patrick Bogard, Colette Bourguignon, Véronique Pierre, Christelle Royer
So Far 2, 2002, diptyque, photographie couleur, 2 x (52 x 52 cm)
1. Une œuvre, un lieu Le hall d’entrée s’impose comme lieu d’exposition car c’est une zone de passage pour les représentants, les intervenants et les employés de l’entreprise. Il est important que la taille de l’œuvre soit adaptée à l’espace afin qu’elle soit bien mise en valeur. Par son format modeste, le diptyque photographique de Hreinn Friđfinnsson est parfaitement adapté à l’emplacement choisi. Il correspond au thème de Ce qui vient dans la mesure où les mains photographiées par l’artiste pourraient, dans le contexte de l’entreprise, symboliser l’outil de travail. or, c’est celui-ci qui permet de voir venir l’avenir sans trop d’appréhension.
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Cette œuvre est sélectionnée par rapport à Piz’Wich : son activité, l’utilisation des mains et l’espoir en l’avenir. Le choix est unanime et rapide au grand étonnement de l’équipe. 2. L’artiste Hreinn Friđfinnsson est né en 1943 à Dölum en Islande. Il vit et travaille à Amsterdam aux Pays-Bas. 3. Présenter, interpréter Hreinn Friđfinnsson, dans la mouvance de l’art conceptuel, tend à révéler au spectateur les mécanismes de la représentation : Si l’on veut simplement présenter une idée […], il est plus naturel de le faire avec une photo ou un texte. L’artiste dit dans une interview qu’il hésite à penser son travail comme une boucle ou une spirale. En fonction de cette clé de lecture, l’équipe a distingué dans les images : la main
se reflétant dans le miroir, interprétée comme une boucle et la duplication du reflet par le dispositif en diptyque des mains, envisagée comme une spirale. La portée symbolique de la main dans les images a particulièrement touché l’équipe. Le travail du photographe est alors associé pour eux à celui d’un poète. La présentation du projet devant le jury prend alors naturellement une forme poétique : Miroir, ô miroir, regarde ces mains tendues vers un avenir incertain, invisible, ne sois pas ce miroir aux alouettes, non regarde bien ces mains qui tentent de saisir leurs images, elles ne voient que leur reflet, pas de travail. Vois-tu ces mains ? demandentelles de l’aide ? Appellent-elles au secours ? Et celles-ci ne demandent-elles pas pitié ? Pourtant il faut bien 2 mains pour travailler ! 1 main gauche et 1 main droite ; mais pas 2 mains gauches ou 2 mains droites. Ces mains, féminines ou masculines sont toujours tendues vers l’espoir, car elles savent qu’il ne faut jamais cesser de croire en l’Homme, en l’avenir ; être toujours prêtes à mettre la main à la pâte pour répondre à toutes les occasions qui se présentent à elles. Miroir fais que ce présent trouble ne soit pas bientôt qu’un simple passé, que la pensée de l’avenir anime nos mains pour atteindre l’objectif ; et une ouverture vers la continuité. Alors ne rougissons pas de notre labeur, réagissons positivement et tendons nos deux mains vers demain. Faisons leur confiance comme nous devons faire confiance en l’avenir car nos mains, elles, sont en capacité de produire encore des milliers de pizzas.
4. Partager, échanger, communiquer Pour faire connaître son choix, l’équipe a organisé un vernissage et invité la presse. Un article est ensuite paru dans Vosges Matin. Tous les visiteurs ont bénéficié d’une explication sur le choix de l’œuvre et d’un document présentant l’artiste. L’équipe a également sollicité le soutien des personnes de son entourage dans cette action. Compte tenu du nombre modeste de salariés du site, l’équipe a privilégié la communication externe : vernissage ouvert au public, contact avec la presse locale… Dans chacune de ces situations, les membres de l’équipe n’ont pas seulement mené une opération de communication classique. Attachés à la rencontre humaine, ils ont mis en évidence la singularité de leur approche, sensible et très personnelle, de l’œuvre. Ainsi pour justifier son choix, l’équipe a-t-elle dépassé l’aspect purement informatif pour aboutir à un texte d’ordre poétique.
L’œuvre de cette journée, le reflet du travail. Transports Haquin
Belle œuvre, pleine d’interrogation. Carlos
Œuvre agréable à regarder. Le facteur de Bulgnéville
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Très bon choix bien vu pour l’originalité ! Extraits du livre d’or.
Un fournisseur
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christian Faure s.a.
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Plouedern (29)
Production de crêpes
110 employés
équipe de 8 personnes Arnaud Cloarec, Céline Cornec, Marie-Louise Cornec, Sylvie Corolleur, Christian Faure, Anne-Marie Manac’h, Philippe Polisset, Jean-Michel Rolland
Alain le Quernec Danse au présent, 1984, affiche offset, 115 x 78,5 cm
1. Une œuvre, un lieu
3. Présenter, interpréter
Christian Faure suggère à l’équipe de privilégier une affiche, dont il est grand amateur. À partir de la sélection du Frac Bretagne, Danse au présent d’Alain Le Quernec est choisie pratiquement à l’unanimité. Elle est assez facile à installer dans l’usine : il faut simplement veiller à ne pas la placer à proximité des alarmes incendie. L’emplacement le plus approprié est l’escalier du couloir. Il a l’avantage d’être l’endroit le plus fréquenté par le personnel de l’entreprise.
Ce sont d’abord les couleurs de l’affiche et l’évocation de la sensualité de la danse qui attirent l’équipe. Puis celle-ci, en regardant le parcours d’Alain Le Quernec, se rend compte qu’il a réalisé des affiches que tout le monde connaît (Amnesty International par exemple). Des similitudes avec l’entreprise sont également repérables. Alain Le Quernec est breton et autodidacte, comme l’est Christian Faure, le directeur de la société. Le rapport entre l’affiche et l’entreprise vient alors presque automatiquement.
2. L’artiste Alain Le Quernec est un affichiste et dessinateur de presse né en 1944 au Faouët dans le Morbihan. Formé à l’école polonaise, il pratique un graphisme engagé.
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Il y a en permanence de la musique dans l’usine : la radio est allumée vingt-quatre heures sur vingt-quatre. D’autre part, les employés de l’entreprise font plus ou moins les mêmes gestes, particulièrement sur les lignes de fabrication, surtout sur les postes d’ensachage, comme dans une chorégraphie. Leurs gestes ressemblent à un ballet. Toutes les machines tournent, tout est en mouvement vers l’avenir, un mouvement continuel vers Ce qui vient. Cette idée rejoint aussi l’image de l’entreprise : quelque chose qui bouge, qui est en perpétuel changement. 4. Partager, échanger, communiquer Les échanges organisés autour de l’œuvre ont surtout pris appui sur une lecture symbolique du thème de l’affiche perçu par les uns et les autres comme un équivalent de leurs mouvement et gestuelle quotidiens. L’efficacité du graphisme est dans ce cas le moteur essentiel des échanges.
Légèreté et mouvement : une œuvre qui bouge. saBrina
Ça me fait penser à un funambule sur sonfil, onsent la légèreté. Christine
Ce qui vient, un petit pas, deux petits pas, trois petits pas, et puis s’enva… arnaud
Ungeste avec subtilité qui donne un air de liberté mado et nolWenn
Extraits du livre d’or.
L’imagination de l’artiste suggère avecgrâce et légèreté l’envie de danser, l’envie de rêver, l’envie d’avancerdans le plaisir et la fête. Christian
Chacun pour soi est reparti dans le tourbillonde la vie. marie-louise
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Kiosque À sandWiches
1er prix ex-aequo
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Morangis (91)
Production de sandwiches et salades ultra frais
Nicolas Chardon
équipe de 9 personnes Faty Diverger, Peggy Edouard, Hyacinthe Essinne, Franck Fusade, Jean-François Ledoux, Stéphane Mazeaud, François Potier, Dominique Roturier, Sovady Thach
Magnétique (1, 2, 3), 2004, quatre éléments magnétiques déplaçables sur plaque métallique peinte, 3 x ( 80 x 80 cm)
120 employés
1. Une œuvre, un lieu L’œuvre de Nicolas Chardon interpelle l’équipe par son aspect ludique. La salle de pause, espace de convivialité et de passage de toutes les personnes fréquentant le Kiosque à Sandwiches, est choisie comme lieu où faire vivre l’œuvre. 2. L’artiste
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Nicolas Chardon est né en 1974, il vit et travaille à Paris. De 1998 à 2008, il dit de ses peintures qu’elles sont des réponses à des situations, ses pièces demeurent mobiles afin de s’adapter avec souplesse à des espaces nouveaux. C’est durant l’exposition Dynamo à la galerie parisienne Jean Brolly que les tableaux Les magnétiques sont exposés en 2005. 3. Présenter, interpréter L’œuvre de Nicolas Chardon étant composée d’éléments différents, l’équipe s’interroge : peut-on les déplacer ? L’œuvre est-elle à l’artiste ou aux spectateurs ? L’équipe se rappelle que les formes magnétiques sont décrites comme « déplaçables » ; la décision est prise de les disposer chacun à sa guise. L’artiste laisse au spectateur la liberté de créer et d’interpréter l’œuvre comme il le souhaite. L’équipe décide de déplacer les carrés : les assemble, les disjoint, les fait sortir du cadre, et les range dans des ordres différents. L’équipe commence à organiser des sessions de questionnement, d’identification, d’appropriation ; des photos sont prises et plusieurs personnes réussissent de différentes manières à s’approprier l’œuvre.
Sur trois supports carrés colorés fixés au mur, le visiteur peut librement déplacer des formes carrées, aimantées et de dimensions graduelles. Nicolas Chardon donne deux sens à sa composition, les carrés marquent la rigidité, l’autorité, mais laisse place à l’imagination grâce à l’interactivité de l’œuvre. L’équipe investit l’œuvre en illustrant le thème du regroupement des sociétés et l’histoire de l’entreprise avec différentes dispositions des carrés magnétiques : sur le premier panneau, les trois entités représentent les trois sociétés parisiennes, chacune de leur côté. Sur le second, les regroupements se font petit à petit avec l’apparition d’un projet d’unité. Sur le troisième, les trois sociétés se regroupent en une entité. À partir de là, l’œuvre raconte plusieurs histoires : Une famille Les carrés blancs représentent les étapes de la vie : l’enfance, l’adolescence, l’âge adulte et l’âge mûr. Les familles se soudent et se dispersent au fil du temps. Mais un idéal d’unité de toutes les générations réunies émerge. L’histoire peut être racontée pour le Kiosque à Sandwiches, qui d’abord enfant, est uni au sein du groupe Sofrapain ; puis adolescent il part seul, cherchant son identité ; enfin à l’âge adulte il est avec une famille, le groupe Norac. La culture Des continents différents, des cultures différentes : nos origines. Chaque carré représente une ethnie autrefois établie chacune dans son pays d’origine. Le rapprochement des hommes et des cultures amène à une ouverture sur les autres. Un jour peut-être, un avenir fait d’unicité pour tous. Le rapprochement des cultures est
très présent au Kiosque puisque l’on compte plus de sept nationalités et origines différentes y travaillant (Indiens, Cambodgiens, Congolais, Maliens, Maghrébins, Sénégalais, Français…). La production Les carrés représentent une ligne de fabrication. Les tranches de pain à nu, les ingrédients viennent se poser sur le pain pour donner un excellent sandwich, carré dans un premier temps. Puis la coupe donne naissance à des sandwiches triangulaires. 4. Partager, échanger, communiquer Accrochée en salle de pause, l’œuvre est vue par la majorité des salariés. En déplaçant les carrés, changeant ainsi régulièrement l’apparence de l’œuvre, l’équipe incite les autres salariés à en faire autant. Les membres de l’équipe découvrent souvent avec surprise en arrivant une nouvelle composition réalisée par les employés de nuit. La nature même de l’œuvre de Nicolas Chardon induit l’idée de partage et d’échange puisque la composition des tableaux peut varier au gré des interventions du public. L’équipe a saisi cette possibilité pour un faire un outil de sensibilisation directe qui ne nécessite pas d’autre intermédiaire que la preuve par l’exemple, c’està-dire la manipulation des motifs géométriques. L’usage habituel du discours dans la découverte d’une œuvre d’art a ici cédé la place à une expérience sensible, qui, à son tour, a généré de la parole, des histoires personnelles.
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pain concept
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Sainte-Hermine (85)
Production de pain de mie et pains spéciaux
équipe de 10 personnes
Isabelle Arthuis
Vincent Chauvet, Béatrice Chevalier, Patrick Faivre, Morgane Ferrand, Valéry Frappier, Marielle Gauthiez, Jacques Gohier, Laëtitia Larazet, Aline Lecomte, Romain Vendée
La Grotte de Donant, Belle-Ile-en-Mer, hiver 1998, Photographie noir et blanc sérigraphiée sur papier affiche, 300 x 400 cm
200 employés
1. Une œuvre, un lieu Plusieurs critères sont à l’origine du choix de l’équipe Pain Concept. L’œuvre doit être visible et accessible pour tout le monde autant les employés des bureaux, de l’usine que les visiteurs extérieurs. D’autre part, l’œuvre doit être installée sur un bâtiment industriel, selon le souhait de l’équipe. Il faut donc une œuvre compatible avec un accrochage en extérieur. L’affiche d’Isabelle Arthuis offre cette possibilité, elle est retenue à l’unanimité. Collée directement sur le bardage de l’usine Pain Concept, à côté de la table de pause des salariés en extérieur, elle occupe une situation stratégique pour permettre une bonne visibilité.
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2. L’artiste Née en 1969 en France, Isabelle Arthuis vit et travaille à Bruxelles et en France. Elle réalise de nombreux projets depuis 1995 : installations de photographies, vidéos, affiches urbaines. Elle se consacre d’abord à la peinture, puis s’oriente vers la photographie tout en gardant un lien très fort avec l’histoire de la peinture. L’équipe décide de contacter l’artiste et une correspondance par mail s’établit. Lors d’une conversation téléphonique, elle leur explique son parcours et sa démarche artistique. Isabelle Arthuis leur dédie de plus un texte pour soutenir le projet : Après avoir eu un échange téléphonique avec l’équipe de Pain Concept, je voudrais souligner le fait que l’équipe s’est appropriée l’image complètement dans le sens de mon travail et particulièrement de cette œuvre. La Grotte de Donant ouvre un point de vue sur
un paysage marin et une histoire mythologique (les naufrageurs), elle souligne les espaces et donne à l’architecture un nouveau langage. Si son côté narratif séduit au premier abord, c’est dans sa monumentalité que la Grotte de Donant s’expose aux yeux de tous, interrogeant notre quotidien dans notre relation à l’espace, à l’architecture, et aux idées. (…) La Grotte chez Pain Concept c’est d’abord un projet collectif, une envie de partager des histoires, de débattre ensemble de sujets singuliers, de donner à l’entreprise une nouvelle forme (elle se trouve à côté des tables de déjeuner) de s’approprier le lieu du travail. 3. Présenter, interpréter L’affiche est une photographie noir et blanc éditée en format affiche (3 x 4 mètres). Elle a été prise à Belle-Ile-en-Mer à la Grotte du Donant. Isabelle Arthuis a voulu faire revivre le mythe des naufrageurs : les îliens, voulant faire échouer les bateaux, provoquaient des feux de plage de manière à les attirer. La situation a été mise en scène et l’image prise à un moment précis correspondant au bon coefficient d’une marée très basse en journée. Le projet a été commandité par la Ville de Paris en 1998 pour l’inauguration de la station métro METEoR à Paris puis abandonné. L’artiste a fait vivre l’œuvre autrement en exposant les affiches dans la station de métro Montparnasse pendant l’été 1999. L’équipe construit son interprétation par rapport à la thématique de Ce qui vient, à partir de deux idées : la fermeture et l’ouverture, la richesse des paradoxes. Cette photographie noir et blanc, parce qu’elle est sombre, produit une impression de tristesse, de repli sur soi, de refus du monde.
on ressent presque de la peur, de l’inquiétude et la froideur de la grotte. C’est une interprétation que beaucoup d’employés de Pain Concept partagent. L’image paraît triste et sombre si l’on ne fait pas l’effort de la comprendre et d’aller au-delà de l’espace des rochers. Car le regard est attiré vers le centre de l’affiche comme vers un puit de lumière qui incite à sortir de la grotte, à aller vers Ce qui vient. L’œuvre invite à la liberté par cette ouverture vers le large. Le format de l’affiche est à l’échelle 1 et rappelle une fenêtre, ce qui incite réellement à s’évader, à avoir une part de rêve. La richesse des paradoxes : la fermeture et l’ouverture, le noir et le blanc, la solitude et le rassemblement, l’eau et le feu, le froid et le chaud, l’intérieur et l’extérieur, l’inquiétude et l’assurance, le réel et l’imaginaire. Suivant la culture et l’éducation de chacun, même l’humeur du jour, la vision de l’œuvre change. Comme elle est exposée plein sud, il y a aussi des luminosités, des couleurs différentes et l’émotion ressentie est variable d’un moment de la journée à un autre. C’est une œuvre que l’on s’approprie au fil du temps. 4. Partager, échanger, communiquer L’équipe Pain Concept a réalisé plusieurs affiches et fascicules à l’intention des employés pour leur expliquer l’œuvre. Elle a fait circuler des questionnaires pour recueillir les impressions des salariés. Dans le même but, caméra à l’épaule, l’équipe est partie interroger les salariés sur l’art contemporain et le concours. De plus, elle a aussi organisé une communication auprès de ouest France et de la mairie de Sainte-Hermine.
Dès la première étape du projet, celle du choix, de l’œuvre et du lieu, la volonté de partager, de communiquer au mieux avec tous les salariés est manifeste. La Grotte de Donant d’Isabelle Arthuis, par son support, l’affiche, fonctionne d’emblée comme un signal visuel fort que personne ne peut ignorer, déclencheur de surprise, de réactions. C’est à partir de l’événement visuel que l’équipe conçoit l’accompagnement de ses collègues : dépliants, questionnaires et interviews.
Ce que je trouve de remarquable sur cette photo : le regard a tendance à aller vers le centre de l’image. Mouvement des yeux, du regard. Ce qui vient.
Unregard sur l’avenir, une pensée vers demain, une photo qui capte l’imaginaire aux abords de nouveaux horizons.
valéry
aline
Unœil qui s’ouvre sur la mer !! 43
Extraits du livre d’or.
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Abstraction du travail pendant quelques instants pour certains, transport à travers le futur, l’avenir, les voyages.
J’ai pris du plaisir à regarder ces œuvres quelques minutes avant de démarrer ma journée ! Extraits du livre d’or.
L’aquarelle de Salomone est loin des standards que l’on retrouve dans les boutiques de bord de mer. Il utilise une technique ancestrale pour projeter le présent mais aussi l’avenir. Peut-être devronsnous nous contenter de ces paysages sans vies et sans âmes ?
pain clément
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Val-de-Saâne (76)
Production de pain de mie et pains spéciaux
190 employés
Yvan Salomone
équipe de 13 personnes Jacky Biard, Christine Blondel, François Brulé, Francis Charlet, Charles Guilhon, Pascale Halbourg, Bruno Hiesse, Danièle Marbrier, Denis Modicom, Laura Palmier, olivier Poigny, Farnaz Rio, Sandrine Vezier
Sans titre, 1 juillet 1994, Sans titre, septembre 1997, Sans titre, janvier 1998, aquarelle et crayon sur papier, 3 x (104 x 145 cm)
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1. Une œuvre, un lieu
3. Présenter, interpréter
Chaque membre de l’équipe est invité à choisir deux œuvres dans la sélection du Frac Bretagne, puis à les défendre lors d’une réunion-débat. Un vote à main levée détermine finalement le choix qui se porte sur trois aquarelles d’Yvan Salomone. Plusieurs critères ont joué en leur faveur, notamment le sujet, le port industriel. Les œuvres retenues peuvent entretenir un lien avec le quotidien et l’environnement des salariés de Val-de-Saâne. Elles seront ainsi plus accessibles à ceux qui habitent la région, la Seine-Maritime.
Le Havre est représenté dans une des aquarelles, mais cela aurait très bien pu être Anvers, Shanghaï, Rotterdam car les ports sont de plus en plus standardisés. Va-t-on vers un monde de plus en plus industriel et uniformisé ? L’œuvre suscite des questionnements sur les marchandises et les déchets aujourd’hui, en imaginant ce que peut renfermer le conteneur. Le milieu clos et très sécurisé des ports questionne aussi l’équipe sur sa propre activité, notamment la réglementation concernant la sécurité alimentaire, dans un monde où il y a de plus en plus de normes.
L’équipe apprécie aussi les qualités esthétiques et la cohésion des œuvres avec le lieu d’accrochage. Les aquarelles sont installées dans l’escalier des bureaux pour qu’une majorité de salariés de l’entreprise et de visiteurs puisse les découvrir.
Sur ces trois œuvres, il n’y a aucun être humain, n’est-ce pas vers cette civilisation sans humanité que nous nous dirigeons ? L’aquarelle c’est comme dans la vraie vie, il n’y a pas de « repentir ». Notre avenir dépend de ce trait indélébile que notre passé a déposé sur cette page blanche sur laquelle nous écrivons notre vie. Sur ces vues de ports, les sacs d’épices qui jalonnaient jadis les quais sont remplacés par des conteneurs aveugles et des engins impersonnels. Ce carré centré sur le cargo, par sa transparence, introduit une autre dimension, celle de l’imaginaire, des possibles…
2. L’artiste Yvan Salomone est né en 1957 à SaintMalo, où il vit toujours. Artiste discret et autodidacte, il appréhende son travail artistique comme une discipline, respectant un protocole très précis. Les aquarelles sont réalisées à partir de photographies prises dans des zones portuaires. Chaque semaine, dans la petite pièce qui lui sert d’atelier à Saint-Malo, il projette une diapositive sur un grand papier blanc afin d’en dessiner la structure d’ensemble. À partir de là, l’artiste travaille l’aquarelle. Cinq ou six séances de plusieurs heures lui seront nécessaires. Deux personnes de l’équipe visitent l’atelier de l’artiste à Saint-Malo. Ce dernier se déplace par la suite, le 12 mai, à Val-deSaâne. L’équipe lui fait visiter l’usine dont il prend quelques clichés. Yvan Salomone répond à leurs interrogations et leur raconte ainsi ses débuts : Mon désir de devenir artiste m’est venu à l’âge de 18 ans, mais mes parents n’avaient pas les moyens de me payer une école d’art. J’ai suivi des études de mécanique de précision, le dessin industriel m’a aidé plus tard.
(Texte du dépliant explicatif mis à la disposition des employés de Pain Clément)
4. Partager, échanger, communiquer Pour faire découvrir les œuvres aux autres employés, les membres de l’équipe aménagent l’espace d’exposition afin d’inciter les personnes à s’y attarder. Pour le rendre plus chaleureux, ils disposent des plantes et des spots lumineux destinés à mettre en valeur les œuvres. Ils mettent en place une signalétique, un film sur le travail d’Yvan Salomone et un dépliant explicatif. Les « visiteurs » sont aussi invités à laisser un commentaire sur des grands panneaux de carton à la manière d’un livre d’or. L’ensemble du projet s’est développé sous l’angle de la sensibilité et des relations humaines : plaisir pris à regarder, rencontre approfondie avec l’artiste, reconnaissance d’images familières, faisant écho à des expériences personnelles de l’environnement quotidien. Le livre d’or, un ensemble de carrés de couleur accroché non loin des œuvres, est aussi une manière de revisiter la forme traditionnelle du livre.
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Yvan Salomone, lors de sa visite à l’entreprise.
Le tableau des visages exprime à mes yeux une notion de cohésionentre individus, ayant le même « point de naissance» , malgré les différences de forme des visages… Une œuvre originale tournée vers l’avenir… Bravo!!
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Félicitations aux filles pour leur initiative, deux œuvres originales qui abordent deux thèmes intéressants sur notre planète. Que serait notre vie sans eau ? Le tableau sur le thème de l’eau nous fait réfléchir sur le fait que la pollution est un réeldanger pour notre planète. séverine
Bon choix sur les œuvres. On perçoit bien le mouvement qui pourrait représenter le futur ou Ce qui vient. Ouvrons les yeux et laissons entrevoir les opportunités qui s’offrent à nous !!! Christophe
Extraits du livre d’or.
daniel dessaint traiteur
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Arras (62)
élaboration de salades-repas, crêpes, pâtisseries snacking
150 employés
Shigeo Fukuda
Shigeo Fukuda
Visages 3, 1988, affiche en sérigraphie, 103 x 73 cm
Water Is Life, Life On Earth, 1989, affiche en sérigraphie, 103 x 73 cm
équipe de 5 personnes Delphine Bourgneuf, Sylvie Cauet, Rachel Felbauer, Martine Laloux, Françoise Robin
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1. Une œuvre, un lieu
3. Présenter, interpréter
Les jeux d’optique de l’œuvre Visages 3 interpellent l’équipe. Les visages représentés évoquent les rapports humains et la forme générale, le symbole du cercle de la vie. Ils suggèrent une possible projection dans l’avenir et donc un rapport avec Ce qui vient. Son accessibilité est aussi un élément déterminant. Brigitte Charpentier du Frac Bretagne conseille de rajouter une deuxième œuvre « proche de la première mais légèrement différente ». Les membres de l’équipe établissent un lien thématique direct avec l’affiche Water is life, Water is on earth car les deux œuvres représentent une forme sphérique qui révèle un mouvement circulaire par un jeu d’optique.
Visages 3, par ses illusions d’optique, fait apparaître des visages blancs, des visages noirs et l’effet miroir en révèle encore d’autres. L’équipe voit dans cette superposition de figures la représentation de différentes versions de l’être humain dans un cercle, symbolique du cycle de la vie : le centre de la sphère est le point de départ qui correspond à la naissance ; puis en vieillissant l’homme passe par les différentes étapes de la vie : l’adolescence, l’âge adulte et ainsi de suite. Ce cycle est un éternel recommencement pour chaque être humain. Ce tourbillon est un mouvement qui emmène vers Ce qui vient. Ce phénomène est toujours inaccessible et imprévisible. L’image évoque aussi les différences sociales, ethniques, raciales entre les êtres humains. Le fait que certains visages ne se regardent pas et que d’autres au contraire se font face pose la question : « Comment vit-on ensemble ? ».
L’accueil de l’entreprise est retenu comme lieu d’accrochage par contrainte de place mais aussi parce qu’il s’agit d’un passage à la fois interne et externe. 2. L’artiste Shigeo Fukuda est un sculpteur, graphiste et affichiste japonais décédé en 2009. Ses affiches ont été récompensées par de nombreux prix internationaux, depuis les années soixante (Varsovie, Moscou, San Francisco…). Destiné à devenir dessinateur de manga, il a finalement choisi le graphisme publicitaire. Illusions d’optique, perspectives impossibles et anamorphoses jalonnent son œuvre. La communication visuelle pour un public cosmopolite est l’élément majeur du travail de Shigeo Fukuda. Faire passer un message est sa principale préoccupation.
L’affiche Water is Life, Life on Earth est interprétée comme une représentation de la terre liée au sens du titre « l’eau c’est la vie et la vie est sur terre ». Les petits carrés au centre de la sphère symbolisent l’activité de l’homme, souvent très réglementée par les normes de la société. La terre tourne sur elle-même et a son propre mouvement, autonome, ce qui rappelle à l’homme qu’elle peut reprendre ses droits, qu’elle est incontrôlable. La présence des hommes sur la terre et le mouvement terrestre sont évoqués dans les deux images. La sphère représente l’évolution de la vie, un perpétuel recommencement au fil des générations sans que l’avenir, Ce qui vient, soit prévisible.
Elle symbolise aussi la terre sur laquelle nous vivons. Ce qui devient est à construire dans une relation respectueuse entre êtres humains et vis-à-vis de la planète sur laquelle nous vivons. Peut-être Fukuda avait-il déjà un engagement en faveur de l’écologie ? Il existe d’autres affiches de lui sur le thème de l’environnement et de la guerre. 4. Partager, échanger, communiquer À l’occasion du concours, l’équipe aménage l’espace d’accueil de l’entreprise en véritable lieu dédié à l’exposition. L’accrochage est prétexte à la rénovation de l’entrée, repeinte en blanc ce qui permet de valoriser les œuvres. Un espace de documentation sur les Ateliers de Rennes est installé avec un écran diffusant le film conçu par Art Norac pour présenter la biennale et le concours aux salariés ; des canapés et une table pour consulter les différents prospectus et documents ainsi que le livre d’or. Pour l’essentiel, c’est l’aménagement de l’espace d’accueil de l’œuvre en lieu de documentation et d’information qui a créé les conditions d’échanges et de convivialité entre les salariés. Repeindre une partie des murs en blanc ne relève pas seulement d’une exigence liée à l’accrochage, c’est aussi le moyen d’identifier un environnement dédié à une rencontre privilégiée, à un temps particulier dans le déroulement d’une journée de travail.
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daunat services et daunat bretagne
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Guingamp (22)
Production de sandwiches
530 employés
équipe de 13 personnes Nicole Adam, élisabeth Ascoët, Soizic Charles, Hélène Cornet, Gaelle Depagne, Anita Fechard, Catherine Le Guen, Marie-France Le Guern, Nadine Menou, Nathalie Raoult, Laurence Sayec, Katell Sija, Larissa Simon
Jacques Villeglé Chaos (Saint-Briac), 2003-2009, impression sur bâche, 680 x 500 cm
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1. Une œuvre, un lieu
3. Présenter, interpréter
Chez Daunat, deux tablées de la salle de pause se constituent en équipes et s’inscrivent au concours. Puis elles doivent fusionner, ce qui est finalement bénéfique, car cela permet l’émulation au sein du groupe. Le choix s’arrête rapidement sur une œuvre d’extérieur de grande dimension de Jacques Villeglé. L’équipe s’intéresse à son style épuré et très symbolique. L’œuvre ne laissera pas indifférent. Sa taille (environ 7 x 5 mètres) et sa présentation sur bâche incitent à la placer à l’extérieur pour être visible du plus grand nombre, dans un endroit stratégique car situé sur un passage obligé qui mène des vestiaires aux ateliers. Pour les contraintes techniques, outre les techniciens du Frac Bretagne, la maintenance de Daunat est mobilisée car il faut installer pas moins de cinquante points d’accroche pour fixer la bâche.
L’œuvre est une impression agrandie sur bâche d’une des œuvres de Jacques Villeglé Le Chaos, une huile sur tissu de 387 x 285 cm réalisée en 2003. L’équipe s’intéresse beaucoup à l’artiste et à son alphabet sociopolitique : l’utilisation des symboles et les thématiques politiques, religieuses, économiques et sociales qu’ils évoquent.
2. L’artiste Jacques Villeglé est né à Quimper en 1926. Il a fait ses études à l’école des Beaux-arts de Rennes et à l’école d’architecture de Nantes. Au début des années cinquante, il forme le groupe des Affichistes ou plus justement des « décollagistes » avec Raymond Hains puis François Dufrêne ; il fera partie par la suite avec Yves Klein, Arman, Martial Raysse et César du mouvement des Nouveaux Réalistes. C’est en 1968 alors que le général de Gaulle reçoit le président Nixon à Paris que Jacques Villeglé découvre sur les murs du métro le nom de Nixon écrit en sigles. L’impact des idéogrammes politiques ainsi assemblés prime sur tous les autres slogans anti-yankees du moment. L’artiste décide donc de réunir un alphabet sociopolitique. Tous ces signes graphiques porteurs d’idéologies inscrits dans la ville, il les ingère puis il utilise cet espéranto de signes en les appliquant sur la graphie ordinaire de l’alphabet.
La première impression est un certain malaise provoqué par les signes négatifs. Ce sentiment est d’ailleurs éprouvé par la majorité des salariés interrogée par l’équipe. Les couleurs noires et rouges peuvent évoquer des choses sinistres comme la cendre et le sang. D’autre part, les premiers symboles qui se distinguent ont une connotation négative : la croix gammée, la tête de mort, la bombe, le sigle du nucléaire rappellent le mal, la peur et la désolation. on peut aussi voir des symboliques à connotation positive comme le Ying et le Yang, Peace and love et d’autres plus neutres, comme le signe de la vierge et du scorpion. La juxtaposition de ces symboles provoque de fait une réaction du spectateur. Cette œuvre peut être envisagée comme un avertissement, le message qu’elle véhicule n’est pas une prédiction mais plutôt une mise en garde. Ce qui vient ne doit pas être ce qui a été. Ce rassemblement de signes, d’emblèmes, et l’évocation de la mort, de la terreur et de la souffrance portent à réfléchir au futur et à ne pas reproduire ce qui a été ; c’est aussi un devoir de mémoire. La vie est un cycle, un éternel recommencement. Comme l’homme est acteur, il peut influencer la direction de ce cycle. Au spectateur de reconstruire ou non, selon son histoire, son vécu, ses opinions, la genèse de l’œuvre présentée. Le futur reste encore à écrire, l’alphabet sociopolitique de Jacques Villéglé ne cessera jamais de s’enrichir de signes nouveaux. La quête est sans fin. Au cours de la correspondance engagée par l’équipe avec l’artiste, voici comment celui-ci a réagi : Je n’ai rien à redire à votre interprétation, mais je suis un releveur de signes. J’ai composé l’œuvre exposée dans votre usine pour la biennale de Melle en 2003. Étant donné l’étroitesse de l’atelier dans lequel je travaillais, je pensais que son ordonnance serait chaotique, désordonnée, d’où son appellation. L’alphabet sociopolitique que j’ai créé s’enrichit chaque année de signes nouveaux. En conséquence, il correspond bien à l’intitulé de la biennale d’art contemporain de Rennes Ce qui vient.
4. Partager, échanger, communiquer Avant l’accrochage de la bâche, l’équipe conçoit un affichage explicatif au sein de l’entreprise afin de prévenir les salariés. Des questionnaires sont mis à disposition chez Daunat Bretagne et Daunat Services afin de connaître leurs impressions. Les retours sont significatifs : « Que veut dire l’artiste ? C’est étrange, pourquoi utiliser des symboles ? ». L’équipe décide alors d’afficher une synthèse de son travail afin de répondre à ces interrogations. En écho à la thématique Ce qui vient, l’équipe réalise finalement une œuvre d’inspiration « villégléenne », Utopia 2010. Leur alphabet, selon leurs termes, est « écologico-socio-économique » : Quelles que soient nos sensibilités religieuses et politiques, nous sommes tous là pour vivre et travailler ensemble et en harmonie.
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Le choix de l’œuvre et de son lieu d’implantation apparaît ici particulièrement important : bâche monumentale, fixée sur un pan de mur extérieur, visible de tous. Chaos ne peut passer inaperçu et suscite commentaires et questions. Il n’est pourtant pas facile de décrypter l’alphabet de Jacques Villeglé. Ce sont sans doute les premières difficultés éprouvées par l’équipe, qui l’ont incitée à travailler en amont, pour préparer l’arrivée de l’œuvre et pendant l’exposition, pour transmettre des éléments personnels de réflexion. La correspondance engagée avec l’artiste est un apport essentiel dans ce projet. Atelier pratique.
La communication
La créativité
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Le dépassement
La mesure
Le précurseur
Le développement
Interprétations de Ce qui vient.
la boulangère
Les Herbiers (85)
Production de viennoiseries
250 employés
Shigeo Fukuda
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équipe de 8 personnes Pierre Bichon, Mireille Boucher, Ariane Deleval, Laurent Gauly, Damien Rapin, Pierre Rapin, Marc Antoine Reinhardt, Estelle Richard
Léonard de Vinci, 1987, affiche offset, 103 x 73 cm
Albert Einstein, de la série : Toppan Printing Co., LTD., 1987, affiche offset 103 x 73 cm
Galilée, de la série : Toppan Printing Co., LTD., 1987, affiche offset, 103 x 73 cm
Youri Gagarine, de la série : Toppan Printing Co., LTD., 1987, affiche offset, 103 x 73 cm
Shakespeare, texte de Roméo et Juliette, 1987, affiche offset, 103 x 73 cm
Jean-Sébastien Bach, partition d’un hymne, 1987, affiche offset, 103 x 73 cm
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1. Une œuvre, un lieu
3. Présenter, interpréter
Le choix de l’œuvre émane de critères votés à l’unanimité par l’équipe : tenir compte du public auquel elle s’adresse, créer de la surprise sans choquer, faire abstraction de ses coups de cœur et privilégier une œuvre abordable et compréhensible. L’affiche Einstein de Shigeo Fukuda marque l’équipe par la radicalité de son effet de trompe-l’œil. Tous se laissent surprendre lors d’une réunion et croient, en voyant l’œuvre projetée, qu’il s’agit d’une représentation d’un plan de ville ! En prenant du recul par rapport à l’écran, ils distinguent le visage d’Einstein. Le parcours de Fukuda, célèbre pour ses illusions d’optique, les intéresse. L’œuvre est également retenue pour son interactivité et son rapport aux procédés technologiques qui peuvent susciter l’intérêt des salariés. La raison et la curiosité ont parlé pour certains, le charme agit pour d’autres. Brigitte Charpentier du Frac Bretagne propose ensuite de rajouter cinq affiches de la même série pour obtenir un ensemble plus complet, ce qui s’avère possible par la disponibilité d’une salle de réunion dédiée au projet de concours.
L’équipe de La Boulangère a une interprétation particulière de l’œuvre liée à la thématique de Ce qui vient car faire entrer l’art dans l’entreprise est pour chacun des participants une aventure.
2. L’artiste Shigeo Fukuda est un sculpteur, graphiste et affichiste japonais célèbre pour ses illusions d’optique. Il est décédé en 2009.
« Un moment intemporel entre rêve, illusion et réalité. Une rencontre irréelle entre deux mondes bien réels qui se côtoient mais ne se voient pas : l’art contemporain et l’entreprise. Faites de votre entreprise un lieu d’exposition était en soi totalement futuriste. Ce fut pourtant pour notre équipe l’opportunité d’effleurer l’art du bout des doigts soit par curiosité soit par sensibilité et la possibilité de mettre en mouvement un concours artistique dans un lieu aussi insolite qu’une entreprise industrielle. » C’est à travers une production personnelle que l’équipe décide de partager son expérience de l’art dans l’entreprise. Elle réalise une vidéo qui sera présentée au jury. Le film met en scène, sous forme symbolique, l’arrivée de l’art contemporain dans l’entreprise. Six personnages masqués, les « Artonautes », hybrides humains des affiches de Shigeo Fukuda, prennent d’assaut l’usine avec la volonté de s’y exposer. Un journal télévisé retrace le parcours d’un reporter suivant leurs pérégrinations dans les ateliers de production que les salariés, effrayés, ont désertés. Les six affiches représentent des personnalités intemporelles : Léonard de Vinci, Jean-Sébastien Bach, Yuri Gagarine, William Shakespeare, Galilée et Albert Einstein. Chaque « Artonaute » lors de son apparition devant la caméra délivre une interprétation de Ce qui vient qu’incarne chacune de ces figures célèbres :
Léonard de Vinci, « la créativité », Youri Gagarine, « le dépassement », William Shakespeare, « la co mmunication », Galilée, « le pr écurseur », Jean- Sébastien Bach, « la mesure », Albert Einstein, « le dévelo ppement ». 4. Partager, échanger, communiquer Une salle de réunion jouxtant les espaces de pause des salariés est mise à disposition de l’équipe, qu’elle baptise salle Art Norac. Parallèlement à l’exposition des œuvres, les membres de l’équipe laissent libre cours à leur créativité pour communiquer sur les Ateliers de Rennes et le thème Ce qui vient. La salle est transformée en espace d’expression. L’ensemble des salariés est convié à une séance de projection du film conçu par Art Norac pour présenter la biennale, qui s’accompagne d’une découverte des œuvres. Lors de ces rencontres, l’équipe partage des moments d’échanges intéressants : de l’incompréhension, de l’indifférence mais aussi de l’intérêt, des questionnements, de la surprise. Le groupe a, semble-il, été particulièrement attentif à la préparation du contexte et de l’environnement d’accueil des œuvres. Sans être un prétexte, celles-ci ont davantage joué le rôle de « déclic » d’un projet plus largement pensé pour aborder la question de l’art contemporain et de sa place dans l’entreprise.
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Images du film réalisé par l’équipe.
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la viennoiserie ligérienne
1er prix ex-aequo
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Mortagne-sur-Sèvre (85)
Production de viennoiseries
130 employés
Alain Bizeau équipe de 5 personnes Clarisse Gallard, Adrien Giraud, Florence Rivière, Sophie Tessier, Maryline Vivies
L’habité, 2000, photographie noir et blanc, 4 x (60 x 85 cm)
1. Une œuvre, un lieu
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Le couloir qui mène aux ateliers de production est très rapidement choisi comme lieu d’accrochage car il permet à tous les salariés de voir l’œuvre. Cet emplacement est défini en amont par l’équipe ; la sélection des œuvres est donc faite en fonction des contraintes de cet espace. Bien que chacun ait ses préférences, tous se mettent d’accord sur l’œuvre d’Alain Bizeau L’habité qui fait l’unanimité dans son rapport à la thématique Ce qui vient. Lors de la visite du Frac Bretagne, outre la découverte de la structure, l’objectif est de choisir quatre des douze photographies qui constituent la série L’habité. En effet les dimensions du lieu d’accrochage ne permettent pas d’installer l’ensemble. Il est possible, selon les consignes d’Alain Bizeau, de ne retenir qu’une partie des images, à condition de respecter l’ordre et l’association qu’il propose. 2. L’artiste Alain Bizeau est un plasticien né en 1957 qui vit et travaille à Rennes. Il utilise souvent la photographie sans se limiter exclusivement à ce support. La notion de temps est très importante dans son travail. Il réalise des œuvres éphémères dont il garde la trace grâce à la photographie. Lors de sa visite à La Viennoiserie Ligérienne, Alain Bizeau, sensible à l’invitation des salariés, confie pourtant qu’il avait des a priori un peu négatifs. Néanmoins, l’accrochage des œuvres et la signalétique lui plaisent vraiment : « L’emplacement choisi pour accrocher les photos donne une nouvelle lecture du travail. Comme chacun est obligé de passer dessous pour rejoindre son poste
de travail, cela donne une sensation de menace lourde, comme si l’on était obligé de passer sous un échafaudage peu rassurant. Mais cet emplacement réactive aussi le travail en créant une tension entre son aspect ludique (jeu de construction) et l’insécurité même liée à cette situation d’accrochage ». 3. Présenter, interpréter L’équipe décide, lors de l’accrochage, de l’ordre et la disposition des images. Le choix induit une narrativité particulière des images qui correspond à l’interprétation de l’œuvre. La présentation des photographies sur les cartels explicatifs reflète le point de vue adopté : « La disposition des photos n’est pas chronologique. Voici la photo de la pièce vide. Elle correspond à la base des 3 autres photos, nous l’appellerons notre « étalon ». Cette pièce représente l’atelier de l’artiste, lors de son déménagement à Rennes. En s’approchant de l’œuvre, on peut apercevoir des traces sur les murs laissant imaginer l’histoire de cette pièce. Que va-t-il faire de ce désordre ? Voici le même espace rempli de morceaux de bois accumulés au fil du temps. Fragilité éphémère : l’artiste habille la pièce avec la même quantité de bois. Pourtant, la disposition est bien différente. La création d’un nouveau volume dans la pièce prend tout son sens. Chaos et anarchie : il y a un équilibre des formes dans les deux autres photographies que l’on ne retrouve pas dans celle-ci. Nous ressentons d’abord le chaos et l’anarchie. Pourtant, cette photographie laisse place à l’imagination et à la création d’un autre volume. »
Ce qui vient peut être une réflexion, une exploration sur ce vers quoi nous allons. Dans ce contexte, Alain Bizeau expose le processus d’occupation d’un espace sans en anticiper le résultat. Il prend ces clichés dans son ancien atelier avant son déménagement alors qu’il reste seulement quelques morceaux de bois collectés au fil du temps. Toutes les sculptures sont réalisées sans clous ni colle. Ces photographies sont à l’image du monde industriel, en perpétuelle évolution. À la recherche du système idéal, nous effectuons toujours beaucoup de changements : déplacement des machines, fabrication d’un nouveau produit, arrêt d’une ligne pour en mettre une nouvelle… Il y a cependant un paradoxe avec le monde industriel : Alain Bizeau ne s’impose pas de délai pour créer cette œuvre alors que dans le système économique, l’objectif est de fabriquer dans un minimum de temps le maximum de produits (28 000 pains-chocolat à l’heure dans notre entreprise). 4. Partager, échanger, communiquer L’équipe souhaite avant tout interpeller les autres salariés. Elle opte pour une technique originale : « What comes, du 24 mars au 28 mai 2010, prochainement », une campagne d’affichage dans toute l’entreprise destinée à informer les personnes d’un événement à venir et à susciter leur curiosité. L’effet est très efficace : tous les employés viennent vers l’équipe, intrigués par les affiches. Les 10 ans de l’entreprise sont l’occasion d’inviter les salariés à découvrir les œuvres et le concours. Puis après deux semaines d’accrochage, des cartels explicatifs sont installés, des visites
sont organisées pour expliquer l’œuvre et recueillir les impressions. L’équipe a mis en place une palette très variée de moyens destinés à associer ses collègues non seulement à la découverte de l’œuvre mais aussi aux différentes étapes du projet ; créer, l’attente, provoquer la surprise en détournant avec humour les stratégies habituelles de la communication. L’identité graphique, l’affichage, l’invitation de l’artiste ont ainsi largement contribué à produire un mode de sensibilisation inventif, bien inscrit dans le contexte de l’entreprise.
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J’ai lu : « depuis toujours, la pensée de “ cequi vient ” tend à faire que cequi nous arrive maintenant, demain, après-demain ne soit point de l’ordre du désastre mais d’un meilleur » .
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Extraits du livre d’or.
le ster
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Locminé (56)
Production de pâtisserie industrielle
115 employés
Hamish Fulton
équipe de 11 personnes Daniel Bonnin, Yolande Clequin, Philippe Gilbert Le Bihan, Fabienne Le Huec, Virginie Le Lausque, Rodrigue Le Roch, Betty Nio, Marie-Thérèse Robino, Valérie Samson, Sabrina Thomazo, Isabelle Toullec
Arran Hilltops : A View from the west Coast of Arran A View from Goat Fell, 1978, across Kilbrannan Sound, 1978, 96,5 x 89,5 cm 74 x 117,5 cm diptyque, photographie noir et blanc, texte, verre et bois
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1. Une œuvre, un lieu
3. Présenter, interpréter
Le diptyque d’Hamish Fulton correspond bien aux contraintes matérielles du site, notamment parce que c’est une photographie qui paraît moins fragile et plus accessible. Le mur de la salle de pause au sein de l’usine est choisi pour accrocher l’œuvre. C’est un lieu de passage de l’ensemble des salariés, un lieu de vie, d’échange, où les discussions sont possibles autour de l’œuvre. Les deux photographies s’adaptent parfaitement à l’espace. L’œuvre est une représentation de la nature qui laisse libre cours à l’imagination.
A View from the west Coast of Arran across Kilbrannan Sound représente une nébuleuse qui vient vers nous. L’image dégage une impression de calme, de sérénité, de repos et aussi de rêve, telle une incitation à la découverte. Cette œuvre semble être une « sculpture mentale » par laquelle l’esprit peut s’ouvrir à la nature. on aperçoit deux éléments – la terre et la mer, également des nuages comme du coton. Au-delà des nuages, quelque part ailleurs, se trouve un horizon léger et clair.
2. L’artiste Hamish Fulton est un artiste anglais né en 1946. Depuis les années soixante-dix, il parcourt le monde, convaincu que le pèlerinage artistique consolide la relation avec la nature. Il photographie le paysage sans intervention ni artifice. Il immortalise des paysages vierges ou les rares personnes rencontrées dans ses voyages. Les images de ses marches sont accompagnées de textes qui commentent les circonstances des prises de vue. L’équipe est surprise par sa façon de travailler et de montrer la nature sans artifice, une nature vidée de toute présence humaine et animale.
Arran Hilltops : A View from Goat Fell, un zoom sur ce qui arrive. C’est une image compacte où certains verront un bateau échoué. Il s’en dégage une impression d’étouffement, de colère. Les deux images, bien que soit notée la date de leur prise de vue, semblent échapper au temps. Hamish Fulton se positionne à un endroit, à un moment qu’il définit et laisse la nature se révéler : le temps change, les couleurs varient, la nature fait sa loi. L’énergie de l’artiste est mobilisée vers Ce qui vient. Le fait de laisser venir les choses à soi n’est pas un processus passif. L’œuvre d’art doit être non plus une valeur marchande vouée à une élite mais une véritable expérience liée au monde réel. Hamish Fulton incite les personnes à rester optimistes face à un avenir plutôt sombre. La rencontre d’instants magiques avec la nature inspire le repos, la réflexion, la méditation. Les mêmes sentiments sont ressentis face à l’œuvre. Il faut aller vers l’ouverture, la légèreté. 4. Partager, échanger, communiquer L’équipe a privilégié une œuvre qui puisse finalement être suffisamment ouverte à la projection d’un imaginaire collectif pour favoriser des réactions, des échanges directs. Le processus de sensibilisation reste dans ce cas plutôt informel, lié à la disponibilité individuelle des salariés au moment de la pause.
Entre mer et poussière, on ne se sait pas ceque l’on est mais nous retournerons à la terre. Tout n’est peut-être pas vrai mais…
l’œuvre, lorsqu’elle a été suspendue au sein de la société fut pour moi la photographie vue au loin quelques jours aprèsl’éruption du volcan « Eyjafjallajokull » enIslande. En effet, les reflets flous et les contrastes noirs et blancs font penser aux nuages de cendres. La photographie se mêlait complètement à l’actualité du moment Ce qui vient… de venir.
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Extraits du livre d’or.
Àmi-chemin entre photos réalistes et art abstrait, ces œuvres laissent une grande part à l’imaginationdu spectateur pour l’interprétation. Une belle métaphore de « Ce qui vient » .
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tooK tooK
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Morlaix (29)
Fabrication de plats cuisinés exotiques
équipe de 4 personnes
Lewis Baltz
Yan Le Bos, Lucile Le Marrec, Stéphane Plusquellec, Marie-Nelly Ruiz
Mitsubishi, mars 1991, cibachrome et bois peint, 127,5 x 190,5 cm
40 employés
1 Une œuvre, un lieu L’équipe se constitue rapidement puisqu’elle est la première à se porter candidate. Représentative de la diversité des fonctions présentes dans l’entreprise, elle manifeste une grande curiosité tout en reconnaissant sa totale méconnaissance, ou presque, du monde de l’art.
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L’organisation des espaces de l’entreprise ne laisse guère d’autre possibilité que la salle de pause. outre sa fréquentation par l’ensemble des salariés, ce lieu offre la particularité d’avoir une paroi en partie vitrée qui donne sur les bureaux, favorisant ainsi un rapport de proximité avec l’œuvre. Peinture ou photographie s’inscrirait bien sur l’un des murs mais il est également envisageable d’installer une sculpture. L’équipe a mené le projet jusqu’à l’avant-dernière étape, c’est-à-dire l’installation de l’œuvre mais n’a finalement pas souhaité se présenter devant le jury. Les extraits d’échanges suivants sont destinés à rendre néanmoins compte du déroulement du projet.
Bonjour Madame, Ce mail fait suite à mon appel de lundi. Nous avons sélectionné quatre œuvres : - Fukuda - Dimatteo - Baltz (Mitsubishi) - Ehrmann Je vous remercie de me transmettre votre avis vis à vis de nos choix, de leur disponibilité et de la faisabilité de l’installation de l’une d’elle. Très cordialement, l’équipe took took
Bonjour, Deux des quatre œuvres que vous avez sélectionnées sont à éliminer : - Di Matteo, trop grand (2,50 m de long) - Fukuda, déjà retenu Par contre Lewis Baltz, Mitsubishi, nous paraît être un bon choix, assez spectaculaire, car le format est malgré tout de 1,90 x 1,30. Ehrmann est aussi intéressant mais par contre, il faudrait dans ce cas choisir quelques autres photos de ce même artiste de la même série car le format est plus modeste. 3 ou 4 au total serait bien. En pièce jointe, des propositions et aussi deux courtes notices sur chacun des artistes qui vous aideront peutêtre à trancher. Bien entendu, je vous ferai parvenir d’autres documents lorsque vous aurez pris une décision. Brigitte Charpentier
Bonsoir, Je vous confirme la venue de notre collègue régisseur pour l’installation de l’œuvre de Lewis Baltz, demain après-midi 16 avril, entre 14h et 15h. Il vous remettra également de la documentation concernant l’artiste. Bien cordialement, Brigitte Charpentier
2. L’artiste Lewis Baltz est né en 1945 à Newport Beach (états-Unis). Il vit à Paris et à New York. Héritier d’une tradition liée notamment à Walker Evans, Lewis Baltz a produit, depuis les années soixante-dix, des séries de photographies en noir et blanc marquées par un intérêt pour des paysages résiduels, situés dans des zones indéterminées, en lisière : terrains vagues, parkings, chantiers de construction. Il utilise le noir et blanc jusqu’en 1989 où il choisit la couleur pour investir les espaces des nouvelles technologies. Il réalise de grands tirages cibachromes, souvent présentés dans des caissons lumineux, dont les images se rapprochent de ce que l’on voit dans les rapports annuels d’entreprises. Tous ces lieux sont autant de signes des changements de la société.
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LE CoNCoURS Faites de votre entreprise un lieu d’exposition a été conçu et réalisé par : ART NoRAC Catherine Brégand, Barbara Sirieix FRAC BRETAGNE Brigitte Charpentier, Catherine Elkar, Morgane Estève LES CoRRESPoNDANTS DU CoNCoURS DANS LES ENTREPRISES Elisabeth Ascoët (Daunat), Magali Barrull (Sud’n’Sol), Faty Diverger (Kiosque à Sandwiches), Sylvie Corolleur (Christian Faure S.A.), Laurent Gauly et Ariane Delaval (La Boulangère), Marielle Gauthiez (Pain Concept), Philippe Gautier (Le Ster), Pascale Halbourg et François Brulé (Pain Clément), Christine Lannuzel (Took Took), Françoise Robin (Daniel Dessaint Traiteur et Piz’Wich) L’ACCoMPAGNEMENT DU FRAC BRETAGNE Catherine Elkar, directrice Anne-Marie Le Bars, secrétariat et comptabilité Brigitte Charpentier, service éducatif Béatrice Lamarque et Jérôme Sevrette, documentation Morgane Estève, gestion et diffusion de la collection Alain Couzigou et Nicolas Goupil, régie des œuvres
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Laurent Gauly, Damien Rapin, Pierre Rapin, Marc Antoine Reinhardt, Estelle Richard. La Viennoiserie Ligérienne - Clarisse Gallard, Adrien Giraud, Florence Rivière, Sophie Tessier, Maryline Vivies. Le Ster - Daniel Bonnin, Yolande Clequin, Philippe Gilbert Le Bihan, Fabienne Le Huec, Virginie Le Lausque, Rodrigue Le Roch, Betty Nio, Marie-Thérèse Robino, Valérie Samson, Sabrina Thomazo, Isabelle Toullec. Took Took - Yan Le Bos, Lucile Le Marrec, Stéphane Plusquellec, Marie-Nelly Ruiz. CRéDITS PHoToGRAPHIQUES Isabelle Arthuis, Alain Bizeau, Florian Kleinefenn, Jérôme Sevrette, Ville de Saint-Briac-sur-Mer CoPYRIGHTS Art Norac, Adagp, Isabelle Arthuis, Alain Bizeau DRoITS RéSERVéS © Hreinn Friđfinnsson © Hamish Fulton CoNCEPTIoN GRAPHIQUE émeric Guémas © atelier PUZZLE (Rennes) www.puzzle-rennes.fr IMPRESSIoN Les Compagnons du Sagittaire (Rennes) Tél. 02 99 38 30 30 – compagnons.du.sagittaire@wanadoo.fr
LE LIVRET Faites de votre entreprise un lieu d’exposition a été réalisé par le Frac Bretagne et Art Norac
ISBN : 2-906127-36-1
TEXTES Le concours et les Ateliers de Rennes, Barbara Sirieix Le carnet de bord et la sélection de citations, Brigitte Charpentier Les projets, Brigitte Charpentier, Barbara Sirieix et les équipes : Sud’n’Sol - Magali Barrull, Christine Belain, Ludovic Couvreur, Céline Depetris, Sophie Dignac, Françoise Garros, Kinta Gomis, Carole Moga, Natasha Roma, Bruno Vigneron. Piz’Wich - Fabrice Bogard, Patrick Bogard, Colette Bourguignon, Véronique Pierre, Christelle Royer. Christian Faure S.A. - Arnaud Cloarec, Céline Cornec, Marie-Louise Cornec, Sylvie Corolleur, Christian Faure, Anne-Marie Manac’h, Philippe Polisset, Jean-Michel Rolland. Kiosque à Sandwiches - Faty Diverger, Peggy Edouard, Hyacinthe Essinne, Franck Fusade, Jean-François Ledoux, Stéphane Mazeaud, François Potier, Dominique Roturier, Sovady Thach. Pain Concept - Vincent Chauvet, Béatrice Chevalier, Patrick Faivre, Morgane Ferrand, Valéry Frappier, Marielle Gauthiez, Jacques Gohier, Laëtitia Larazet, Aline Lecomte, Romain Vendée. Pain Clément - Jacky Biard, Christine Blondel, François Brulé, Francis Charlet, Charles Guilhon, Pascale Halbourg, Bruno Hiesse, Danièle Marbrier, Denis Modicom, Laura Palmier, olivier Poigny, Farnaz Rio, Sandrine Vezier. Daniel Dessaint Traiteur - Delphine Bourgneuf, Sylvie Cauet, Rachel Felbauer, Martine Laloux, Françoise Robin. Daunat services et Daunat Bretagne - Nicole Adam, élisabeth Ascoët, Soizic Charles, Hélène Cornet, Gaelle Depagne, Anita Fechard, Catherine Le Guen, Marie-France Le Guern, Nadine Menou, Nathalie Raoult, Laurence Sayec, Katell Sija, Larissa Simon. La Boulangère - Pierre Bichon, Mireille Boucher, Ariane Deleval,
Art Norac 2-3 Place Hoche – 35000 Rennes Tél. 02 97 44 28 28 – contact@artnorac.fr Frac Bretagne 3, rue de Noyal – 35410 Châteaugiron Tél. 02 99 37 37 93 – fax 02 99 37 62 26 contact@fracbretagne.fr – www.fracbretagne.fr Nous remercions : LES DIRECTEURS DES ENTREPRISES DU GRoUPE NoRAC QUI oNT PERMIS LE BoN DéRoULEMENT DU CoNCoURS Christophe Aillet (Pain Concept), Michel Blandon (Goûters Magiques), Bruno de Bourmont (Daniel Dessaint Traiteur), Christian Faure (Christian Faure S.A.), Fréderic Garnier, (Took Took), Jean-Christophe Neveu (La Boulangère), olivier Poigny (Pain Clément), Xavier Pointeau (Saveurs Nomades Distribution), Kevin Probert (Sud’n’Sol), Maxime Soulas (Daunat), Patrick Vincent (Espanorac). LE JURY Véronique Brégeon, directrice de l’hôtel-restaurant Le CoqGadby, élue à la CCI Rennes Bretagne en charge du mécénat ; Bruno Caron, PDG du groupe Norac ; Catherine Elkar, directrice du Frac Bretagne ; Camille Planeix, chargée de production Art to be ; David Perreau, co-directeur du Master Métiers et arts de l’exposition de l’Université Rennes 2, directeur du centre d’art Le Spot au Havre. L’éCoLE DES BEAUX-ARTS DE RENNES Philippe Hardy, directeur et odile Lemée, adjointe au directeur, chargée des études.