Mémoire de fin d'études

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PARCOURIR LE QUARTIER DE LA VISTE,

DESSIN D’UN NOUVEAU MAILLAGE URBAIN DANS LES QUARTIERS NORD DE MARSEILLE Mémoire de travail de fin d’études Quentin Le Manac’h


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Sources

En l’absence d’indications relatives à l’auteur d’un document, toutes productions graphiques relèvent d’un travail personnel.


Mémoire de travail de fin d’études

Quentin Le Manac’h Année 2019-2020 INSA CVL - École de la Nature et du Paysage

Président de jury : Bruno Ricard

Docteur en méthodes de conception et techniques urbaines Maire de Lanvallay Enseignant à l’École de la Nature et du Paysage de Blois

Directeur d’étude : Marc Claramunt

Paysagiste DPLG Paysagiste conseil de l’Etat Enseignant à l’École de la Nature et du Paysage de Blois

Professeur associé : Olivier Gaudin

Docteur en philosophie des sciences sociales Maitre de conférence à l’École de la Nature et du Paysage de Blois


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SOMMAIRE PRÉAMBULE

6

INTRODUCTION

17

DES IMAGINAIRES À UN MOMENT POLITIQUE, LA FABRIQUE D’UN CLIVAGE

18

A. DES IMAGES MOBILES

20

B. CLIENTÉLISME, DES RÉSEAUX D’INFLUENCES

25

C. DES DÉCISIONS LATENTES, UNE RÉPERCUSSION SPATIALE

29

D. SCISSION GÉOGRAPHIQUE ET HUMAINE

35

LA VISTE, UNE FIGURE DE PROUE CONTRAINTE

44

A. LA VISTA

46

B. ÉMERGENCE ROCHEUSE, SURFACE D’ARGILE

51

C. LES EAUX CONTRAINTES

59

D. INFRASTRUCTURES QUI SÉGMENTENT

69


DES IMAGES MOBILES

SÉDIMENTATION URBAINE, CONSTRUCTION SOCIALE

76

A. DES BASTIDES AUX GRANDS ENSEMBLES, UNITÉ FONCIÈRE

78

B. STRUCTURE FAITE DE DÉLAISSÉS, RÉSIDUS DE CAMPAGNES

89

C. CRISE INDUSTRIEL, RENOUVEAU URBAIN

97

D. ROMANTISATION DES QUARTIERS NORD, INITIATIVES LOCALES

PROJET, DESSIN URBAIN COLLABORATIF

103

112

A. DÉFINITION D’UN PROJET COMMUN STRUCTURANT POUR LE DÉVELOPPEMENT DU PÔLE URBAIN LA VISTE

114

B. DESSIN DU MAILLAGE

120

CONCLUSION

141

BIBLIOGRAPHIE

142

REMERCIEMENTS

145


6

PRÉAMBULE La découverte de Marseille commence en mai 2019. Je me procure la carte IGN 3145 ET. Elle sera le point d’appui de mes futures balades. Installé dans le centre, c’est vers la périphérie de la ville que je regarde. Une périphérie que je découvre en voiture à l’occasion du stage que j’effectue à ce moment là. Interpelé par une suite d’immeubles blancs à flanc de coteau le long de l’autoroute A7 : c’est sur la carte que j’identifie leurs emplacements dans les quartiers Nord, je décide de m’y rendre.


J’ai retrouvé le point de vue d’où j’ai découvert ce coteau, ces grandes barres dessinent des lignes dans l’horizon, comme un bloc. En dessous, une friche et quelques maisons. L’autoroute fait mur.


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Après un tunnel, j’arrive en contrebas de la friche. Je monte sur la dalle d’enrobé au milieu des romarins, de quelques robiniers et des déchets. Il y a un terrain de foot abandonné plus haut, il regarde l’autoroute. Je redescends.


Au fond sur la droite le chemin rural Henri Beyle. Il jouxte la friche et monte vers un ensemble de maisons. Le trottoir se rétrécit, les voitures roulent vite. Je traverse ce quartier fermé sur lui même. Les murs sont hauts, quelques figuiers en dépassent.


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Après avoir monté un escalier, je me retrouve sur l’Avenue de La Viste. De là j’aperçois les tours et les maisons que je viens de laisser derrière moi. Un morceau de roche sur lequel est construit un mur se distingue en contrebas des barres blanches. Une limite forte.


Je continue l’avenue, et me retourne, depuis ici, on voit une partie du centre de Marseille, les massifs des Calanques au loin, et la périphérie du centre, lâche, hétéroclite.


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Plus loin encore, un panneau prend l’espace, et m’indique la distance qu’il me faut pour aller à Grand Littoral, le centre commercial des quartiers Nord.


Arrivée devant la cité du 38 de la Viste, celle que je voyais depuis l’autoroute. Je passe ma route, la regarde de loin, encore distant de ce que je vois.


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Après 300 mètres, je tourne à gauche. Attiré par la présence du clocher d’une église. Je ne m’attarde pas. Je me trouve devant un grillage entre-ouvert. Je finis ma traversée ici, la présence de buissons me cache la vue que j’ai depuis ce point haut.


Là bas la Mer méditerranée et le centre commercial comme une grande dalle. Quelques pins d’Alep et des tamaris brûlés par un incendie récent.


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INTRODUCTION J’ai découvert le quartier de La Viste depuis l’autoroute A7 lorsque je me rendais dans le quartier de La Castellane. C’est par cette infrastructure routière qui traverse la ville que l’on est le plus confronté aux déséquilibres urbains des quartiers Nord de Marseille. Lorsque le paysage se resserre dans le vallon du ruisseau des Aygalades, l’autoroute le surplombe. Ce pincement oblige à un rapport plus direct avec le relief et les bâtiments qui le surmontent. La bande d’asphalte scinde les deux quartiers qui se regardent depuis le haut des coteaux : sur le gauche La Viste, sur la droite Les Aygalades. Dans le premier, des vides ponctuent les pentes laissées à l’état de friche. La trame est complexe et les espaces, lâches. Au pied des grandes tours blanches, un ensemble de maisons à la toiture orangée avec des entrepôts en contrebas. Des figuiers, quelques pins et robiniers, une ample prairie sèche, habillent les nombreux interstices.

Les grands gestes d’aménagement ont bouleversé le territoire, scarifié le paysage. Comment les habitants traversent-ils aujourd’hui d’un quartier à l’autre ? Est-il possible de pratiquer ce paysage autrement qu’avec sa voiture ? Un défaut de mobilité peut-il être un frein social ? Ces trois questions feront l’objet d’une réflexion croisée, visant à comprendre la genèse de ce problème spatial et social et à proposer des pistes de projet. Dans un premier temps, je tenterai d’éclairer les causes et les effets de ces inégalités territoriales. Puis, je regarderai les différents socles qui structurent la géographie de La Viste. L’objectif sera ensuite de comprendre le fonctionnement plus fin du quartier, la place d’un héritage patrimonial. Il s’agira d’identifier les forces en présence, les changements à venir. Une nouvelle partie sera consacrée aux nouvelles façons de parcourir ces quartiers, en s’appuyant sur l’analyse de celui de La Viste.


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DES IMAGINAIRES À UN MOMENT POLITIQUE, LA FABRIQUE D’UN CLIVAGE


Les représentations individuelles et collectives alimentent depuis longtemps l’imaginaire que chacun se construit de la ville. Elles peuvent être sources de rejets, voire de ségrégation, mais servent aussi la reconquête récente de morceaux de territoires délaissés grâce à la création d’images nouvelles. Ces figures se heurtent souvent à une réalité politique mise à mal depuis de nombreuses années pour ses incompétences, et parfois l’incohérence dans la gestion municipale de Marseille.


20 1 DES IMAGINAIRES À UN MOMENT POLITIQUE, LA FABRIQUE D’UN CLIVAGE

A. DES IMAGES MOBILES i. Berceau méditerranéen Marseille est située dans le bassin méditerranéen. Son histoire est liée à son port. Elle fut l’une des premières villes françaises. Longtemps indépendante, la ville finit par être unie à la couronne de France au XVe siècle. En 1669, le statut de “port franc” est accordé. Forte de ses relations tissées avec les autres peuples de Méditerranée, et son nouveau statut accordé, Marseille se déploie. Pendant près de deux siècles, les échanges commerciaux nourrissent sa gloire. Au centre du commerce international, les produits de Marseille se retrouvent aux quatre coins du Monde. Ses tuiles ocres habillaient l’Amérique du Sud. Chassés par les Perses, les Phocéens s’installent dans cette baie. Ils rencontrent les peuples celto-ligures, installés dans les terres. La fondation de Marseille, qui porte encore le nom de Massalia (au VIe siècle avant J-.C.), repose sur le mythe de l’union de ces deux peuples. L’un regarde vers l’intérieur des terres et l’autre vers la mer. Cette mythologie va cependant marquer un développement bi-directionnel. Porte d’entrée vers le Vieux Continent, nombre de voyageurs et de migrants, passèrent en Europe par ici : un simple passage pour certains, un refuge pour d’autres. Sa constitution sociale est le fait de cet accueil des populations en mouvements.

Elle constitue sa richesse et façonne le mythe de la ville. Elle a aussi été un facteur de tensions et de séparations Aujourd’hui, «c’est le texte qui nourrit le lieu, vide depuis longtemps des aventures qui l’ont fait naître1»

ii- Cultures du peuple Des histoires anciennes, il ne reste que peu de choses. Loin de se préoccuper des fondements matériels de la ville, la population a su transmettre la mémoire des murs qui sont tombés. Sa composition raconte à elle seule les histoires de Marseille, qui sont multiples.

1. Michel Peraldi, Sociologie de Marseille, Ed La Découverte, 2015

Début des travaux d’un projet immobilier à proximité de la carrière de la Corderie datant du Ve siècle avant notre ère. (source : Le Parisien, 2017)


A. DES IMAGES MOBILES

Basile Boli lors de la victoire de l’Olympique de Marseille en 1993, scène de communion avec les supporters du club (source : AFP, 1993)

Avec Naples, Marseille fait partie des dernières villes d’Europe à héberger dans leurs centre des populations pauvres, et issues de l’immigration. Dans le centre cohabitent des populations complexes, qui s’organisent face à la pauvreté. Elles se débrouillent, s’animent grâce à leurs oralités prononcées. Marseille n’est pas de ces villes dont le centre est figé. Ce mouvement perpétuel sert l’appropriation de ceux qui y débarquent, elle peut aussi en faire fuir. Que ce soit à l’oral ou à l’écrit, on aime parler de sa ville, fier de ce qui en a fait la gloire ; la victoire de l’Olympique de Marseille en Ligue des Champions en 1993 en est l’illustration.

La culture qui fait du bruit, c’est celle du peuple. Elle se structure aux plus petits échelons et à la défiance des instances représentatives, préfère tisser des liens de confiance plus directs. Nourrie de faits tangibles et purement fantasmés, la ville ne cesse de donner corps à la fiction. Cette fiction peut conduire ses habitants à se transcender mais elle peut aussi l’aspirer vers des pratiques déviantes.


22 1 DES IMAGINAIRES À UN MOMENT POLITIQUE, LA FABRIQUE D’UN CLIVAGE

iii- Représentations Le poids des mots et des images peut-être fort. La déferlante médiatique qui touche les quartiers Nord de la ville, dans lequel se trouve le quartier de La Viste nous le prouve ; nous en étudierons les processus de création. Le géographe Christophe Guilluy, dans son livre Fractures Françaises (Édition Flammarion, 2013), a tenté une appréciation de l’impact des portraits faits des habitants des quartiers Nord par les médias. Pour lui, ils sont directement responsables des décisions politiques liées aux banlieues. Il dit dans son ouvrage que le poids de la découverte de cette problématique sociale nouvelle en France à la fin des années 1970, n’a eu de cesse d’accroître l’ampleur des discriminations positives faites à l’égard de ces quartiers. La lecture sociale est passé au second plan de la lecture sociétale. De ce fait, on ne se base plus que sur des représentations construites des populations de ces banlieues pour répondre aux maux qui les touchent. Il y voit une sur-exposition positive pour ces quartiers.

Captures d’écrans de vidéos sur le site web d’hébergement de vidéos Youtube. Chacune d’entre elles montrent de l’intérieur ou de l’extérieur le quartier de La Viste Il peut s’agir de clips de rap, de documentaires amateurs ou de reportages.


A. DES IMAGES MOBILES

En réalité l’acharnement presque obsessionnel de représenter la misère et ses déviances est nocif. Cette sur-exposition a certes conduit à débloquer des fonds publics pour les quartiers, mais qui enrayent difficilement des problématiques spatiales et sociales d’une telle envergure. Les causes de cette “discrimination positive” ont en fait un double effet sur les habitants des banlieues : elles participent à une représentation négative des habitants sur leurs espaces de vie pouvant conduire à la négligence, la dégradation de l’espace habité et des communs. Elles autorisent la construction d’une forme de rejet à l’égard de ces lieux par ceux qui ne les connaissent pas et constituent la première source d’un repli sur soi pour ces habitants.

Le Programme de la Rénovation Urbaine

Création de l’Agence Nationale de la Rénovation Urbaine 2004 ANRU

Rénovation urbaine et architecturale 2003-2014

Rénovation urbaine, architecturale et prise en compte des problématiques sociales 2014-

Il faut maintenant réfléchir les quartiers dans leurs relations les uns avec les autres

Les budgets développés par l’Agence de la Rénovation Urbaine sont souvent mis en avant pour discréditer la situation alarmante de certaines banlieues.


24 1 DES IMAGINAIRES À UN MOMENT POLITIQUE, LA FABRIQUE D’UN CLIVAGE

En dépit d’une forte présence du patrimoine urbain dans la ville (si ce n’est certains lieux notables), la population bigarrée de Marseille est le marqueur et le détenteur de ces histoires. Une histoire qui se transmet par des images et par des récits. Il y a les histoires communes, celles qui dessinent la villeport, l’OM, les Phocéens et les Celto-ligures. Et d’autres plus récentes qui alimentent les fantasmes réactionnaires de certains, qui figurent et cristallisent une image des quartiers Nord. Celle d’une jeunesse rongée par les réseaux de trafic, d’un espace habité en état de décomposition et d’un niveau de pauvreté inquiétant.


A. DES IMAGES MOBILES

B. CLIENTÉLISME, DES RÉSEAUX D’INFLUENCES i- Clientélisme Les pouvoirs publics et les édiles politiques ont bien compris l’importance de la structuration et de l’identification au territoire des populations marseillaises. À Marseille comme ailleurs, il est rare de voir une personnalité politique ne pas vouloir conserver sa place. En ce sens, il est important de se construire un réseau pour assurer sa réélection. Pour ce faire, certains maires de Marseille ont mis en place un système permettant le lien direct avec les notables de la ville et les personnes d’influences : on peut parler de “clientélisme”. Ce terme se définit de la manière suivante : “il désigne des relations politiques où la distribution des ressources publiques est la résultante d’une relation personnalisée”1. Ces personnes supposés d’un rang social important sont placées à des hauts postes de la fonctions publics. Elles obtiennent un “portefeuille” (des places dans des structures dont ils choisissent les bénéficiaires) d’emplois qui leur permettent d’assurer ensuite un pouvoir d’influence. Cela va de pair avec l’attribution de places dans les logements sociaux dont bénéficient ces notables au moment de la construction de ceux-ci. Les processus de clientélisme à Marseille explicité par Michel Peraldi dans l’ouvrage Gourverner Marseille, Ed. La Découverte, 2005

Ce système a fait la gloire du Parti Socialiste (PS) pendant de longues années (19501980). Cependant, le poids politique diminuant et le parc HLM se dégradant fortement, les ressorts du clientélisme se réduisent progressivement, bien que ces pratiques continuent d’exercer une influence sur les élections : le nombre de votants étant extrêmement faible, les représentants du pouvoir connaissent les interlocuteurs privilégiés pour rester au plus haut (les Comités de Quartier, les syndicats…).

1 Jean-Louis Briquet et Frédéric Sawicki, Le clientélisme politique dans les sociétés contemporaines, Presses universitaires de France, 1998.

Le clientélisme

Élus

Une faveur injustifiée accordée

Influence sur le vote lors des élections Membres du CIQ

Électeur

Électeur

Électeur

Urnes


26 1 DES IMAGINAIRES À UN MOMENT POLITIQUE, LA FABRIQUE D’UN CLIVAGE

ii- Réseaux d’influences Les réseaux d’influences et le clientélisme ont été entretenus par des attributions peu impartiales de postes, de logements, d’aides sociales etc. On a ainsi donné la compétence d’emploi à des personnes non qualifiées pour les fonctions auxquelles elles prétendaient. Les offices d’aménagement ont été longtemps dirigés par des proches du réseau de Gaston Deferre (maire de Marseille de 1953-1986) et de ses administrés. Le fruit de cette politique opportuniste non compétente va être la négligence d’une grande partie du patrimoine bâti de la ville. On cherche plus à conforter la stature politique du maire qu’à répondre aux enjeux posés par les mutations qui doivent s’opérer.

D’autres acteurs intermédiaires structurent la vie sociale de Marseille. Ils se font représentants de la parole habitante, défendent leurs intérêts en échange d’un peu de reconnaissance. À ma connaissance, deux voies permettent cette reconnaissance locale, et dans les deux cas les objectifs ne sont pas forcément les mêmes.

Animateur

Interlocuteur

Habitants

Habitants

Membres du centre social

Centre Social : Un centre social est un équipement de quartier à vocation sociale globale, ouvert à l’ensemble de la population habitant à proximité, offrant accueil, animation, activités et services à finalité sociale. Il peut soit être géré par une association ou par une institution. Il existe un centre social à La Viste, le Centre Social Del Rio : constitué en association, il est indépendant des institutions.

Citoyens

Membres du CIQ

Élus

CIQ : Les comités d’intérêt de quartier, ils sont souvent considérés comme des forces d’influence des politiques. On en compte 180 à Marseille, et ils représentent environ 126 000 adhérents. Ce sont des alliés à ne pas négliger lorsqu’on veut peser en politique. Il existe aussi un comité d’intérêt de quartier à La Viste, pourtant très peu actif.


B. CLIENTÉLISME, DES RÉSEAUX D’INFLUENCES

iv- Fonctionnement ancré Des arrangements institutionnels ont émergés des structures sociales représentatives de la société civile. Attendus par la population Marseillaise depuis des années, il était important de renouer avec un système plus direct. Les CIQ et Centre Sociaux sont dans ce contexte des relais intéressants. Dans un climat de défiance et de désaveu, comme c’est le cas parfois à Marseille, ils donnent la possibilité aux citoyens d’être entendus. Alors si le système ne change pas, on voit cependant certains de ces intermédiaires monter en compétence pour combler des vides laissés par la ville, la métropole, le département ou la région. Cérémonie de voeux 2020 du président de la confédération des CIQ en présence de Martine Vassal, Bruno Gilles et Guy Teissier. Tous trois candidats aux éléctions municipales de cette année. (source : La Provence, 2020)


28 1 DES IMAGINAIRES À UN MOMENT POLITIQUE, LA FABRIQUE D’UN CLIVAGE

La population Marseillaise est au cœur de l’intérêt politique. Ici plus qu’ailleurs on a compris les enjeux des rapports directs avec les citoyens. Relations personnelles, voire personnalisées, qui assurent depuis longtemps une base électorale stable au pouvoir en place. Les habitants peuvent parfois trouver leurs places dans ces réseaux d’influences. Ils ont également la possibilité de faire porter leurs paroles, par le biais de deux intermédiaires, les Comités d’Intérêt de Quartier (CIQ) et les centres sociaux. Eux-mêmes sont parfois ancrés dans la machinerie politique. Ces relais soulagent certains maux, mais ne peuvent être la réponse à des problèmes spatiaux qui dépassent leurs domaines de compétences.


C. DES DÉCISIONS LATENTES, UNE RÉPERCUSSION SPATIALE i- L’industrie sur la façade Nord C’est au Second Empire que la façade littorale Nord de Marseille s’industrialise. En 1840, la pression d’un trafic maritime croissant est trop intense pour le seul Vieux-Port. Celui-ci doit s’agrandir, mais la prise de décision tarde. Sous ordonnance du royaume de France en 1844, l’extension du port vers La Joliette est actée. Ce quartier

se trouve au Nord du Vieux-Port. La royauté est consciente de la position stratégique de Marseille, à l’époque deuxième port de France. Le trafic double entre 1830 et 1847. Marseille se trouve aux portes de l’Empire colonial que Napoléon III va structurer à partir de 1852.

Peinture de Joseph Inguimberty - Marseille, le bassin de la Joliette (entre 1896 - 1971)


30 1 DES IMAGINAIRES À UN MOMENT POLITIQUE, LA FABRIQUE D’UN CLIVAGE

Dans cet élan, entre 1854 et 1856, l’État organise l’extension du système portuaire toujours sur la façade Nord. Les échanges vont s’accroître, faisant du port de Marseille le premier port français et le quatrième port mondial à la fin du XIXème siècle. Le développement du site industrialo-portuaire au Nord se base presque exclusivement sur le commerce avec les colonies. Les matières premières importées depuis principalement le Maghreb et l’Indochine, sont transformées ici pour ensuite être redistribuées. Ce développement centré sur les retombées coloniales d’outre-mer fait la fortune et la gloire de la ville et de ses notables. Il est cependant une donnée que l’État n’a pas pris en compte puisqu’après la Seconde Guerre Mondiale, les colonies proclament une à une leurs indépendances, cessant de fait les liens commerciaux qui les unissaient à la Françafrique.

La chute du port Échange de matières premières

Développement du port sur la façade Nord de Marseille 1er port de France

Port industriel de Marseille

milieu XIXème Indochine

fin XIXème

Maghreb Indépendances des anciennes colonies françaises

1943 - 1980 Presque uniquement centré sur les négoces coloniales, une partie de l’appareil industriel s’éffondre à la rupture de ces échanges

Chute progressive du système industrialoportuaire de Marseille

à partir des années 1960

La Place d’Afrique et le port de la Joliette au début du XXe siècle (source Delcampe)


C. DES DÉCISIONS LATENTES, UNE RÉPERCUSSION SPATIALE

ii- Déprise, espace fragilisé Pendant plus d’un siècle, la façade maritime Nord de Marseille se construit et s’agrandit au rythme des avancées industrielles. Elle a alors débordé d’activités, d’emplois ouvriers. Et « dans l’absence d’un plan directeur, le grand port et les quartiers de travail qui l’accompagnent ont bloqué le développement urbain dans toute la partie nord de la ville »1. L’équilibre urbain et social n’est pourtant pas pensé et réfléchi. Dans cette effervescence, des populations ouvrières, souvent issues de l’immigration affluent pour trouver le plein emploi. Un paysage unifonctionnel qui repose sur une seule activité, l’activité portuaire. C’est la première cause de fragilité de cet espace social et du territoire. Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale jusqu’aux chocs pétroliers des années 1970, la quasi-totalité de l’appareil industriel marseillais disparait2. Une désindustrialisation qui touche toute la France, mais qui ici comme dans le Nord, ne se solde par aucune reconversion. Aucune lecture de ce qui pouvait arriver n’est faite par les acteurs politiques et économiques de la ville. Le retour des rapatriés en 1962 va un temps masquer les effets de cet effondrement progressif. La construction des logements sociaux de masses tardives, permet l’emploi. Encore une fois, cette effusion a une fin. Pour relancer l’industrie portuaire, le PAM (Port Autonome de Marseille) est créé. La direction du port est assurée par l’État.

Capture d’écran du documentaire de Bruno Victor-Pujebet, Lorette, Dernier Bidonville de 1995. Le bidonville avant avec sa destruction pour la construction de la ZAC Saint-Anrdré, et du centre commercial Grand Littoral

1. J. Greber cité par

Roncayolo, La ville et ses territoires, Ed. Folio, 1990, p. 259

2. Michel Peraldi,

Sociologie de Marseille, Ed. La Découverte, 2015


32 1 DES IMAGINAIRES À UN MOMENT POLITIQUE, LA FABRIQUE D’UN CLIVAGE

L’image des quartiers Nord se dégrade alors pour devenir celle que l’on connaît aujourd’hui, un territoire dans un état avancé de précarité. L’activité est relancée progressivement à Marseille mais ne ramènera jamais les emplois perdus. Les quartiers centraux liés au district industriel ont également été touchés.

La façade littorale Nord, les mouvements de terrains articifiels et la tuilerie Monier. Au loin sur la gauche le lycée Saint-Exupéry ouvert en 1959. (source Delcampe)

Les effets du port

Extension du port industriel sur la façade Nord de Marseille. Les ouvriers s’installent autour de cette zone

Acte pour l’agrandissement du Vieux-Port vers la Joliette

1844

Marseille devient le premier port Français Commerce qui repose pour beaucoup sur les négoces colonials

Règne de Napoléon III

1848-1870

Superficie du domaine Français triplé

X3

Indochine Maghreb

1850

1900


C. DES DÉCISIONS LATENTES, UNE RÉPERCUSSION SPATIALE

iii- Reprise étatique L’État, déjà acteur majoritaire du Port Autonome de Marseille, a encore sa part de responsabilité dans la fabrique du paysage urbain qui jouxte l’espace portuaire en reconversion. Nous sommes dans les années 1990. Les rapports de la Délégation interministérielle à l’Aménagement du Territoire et à l’Attractivité Régionale (Datar) en 1989 mettent les politiques marseillais face à leurs lacunes. Une partie de la ville est détériorée. L’Opération d’Intérêt National (OIN) est lancée, elle s’incarne sous le nom d’Euroméditerranée, établissement d’aménagement public. Les ratés urbains sont repris dans des projets d’envergure. Les visées sont économiques, l’ambition est mondiale.

Le fruit de cette ingérence a conduit à l’émergence de deux facettes de Marseille qui s’opposent. Ces deux espaces urbains coexistants dans une même ville préexistaient depuis la fin du XIXème. Cette dichotomie était cependant atténuée par des équilibres économiques fragiles, dont l’effondrement a conduit certains quartiers vers un futur précaire. C’est véritablement à ce moment là que l’opposition entre le Nord et le Sud marseillais se crée. Ceux qui le peuvent quittent les quartiers Nord pour des quartiers moins exposés à la pauvreté. Les plus nécessiteux et les nouveaux arrivants précaires se retrouvent isolés dans les quartiers Nord.

La moitié de l’appareil industriel du port de Marseille disparait

:2

1975 Les anciennes colonies françaises ploclament une à une leurs indépendances

Rapport de la Datar sur l’État de Marseille

1943-1980 Deuxième guerre mondiale

1939-1945

1950

Création du Port Autonome de Marseille

1989-1995

1966

2000

Création de Euroméditerranée


34 1 DES IMAGINAIRES À UN MOMENT POLITIQUE, LA FABRIQUE D’UN CLIVAGE

La façade Nord de Marseille est choisie pour le développement de son port industriel. Ce choix est structurant dans le dessein social de la ville. Une population ouvrière au nord drainée pour faire fonctionner les usines qui tournent à l’époque encore à plein régime. La déprise progressive des activités industrielles accentue la fragilité de ces espaces. La DATAR se saisit alors du dossier à la fin des années 80, le cas de Marseille est inquiétant. La prescription étatique s’impose, l’Établissement Public d’Aménagement Euroméditerranée est créé en 1995. Il est mis en place pour repenser le district industrialo-portuaire vidé d’une partie de ces activités. L’objectif est de rendre attractif ces quartiers abandonnés par les élus municipaux. Les choix urbains passés et un manque d’anticipation ont conduit au dessin d’une ville double. Celle dans un état de précarité avancée, au nord, et l’autre, refuge d’une petite bourgeoisie locale, au sud.


D. SCISSION GÉOGRAPHIQUE ET HUMAINE i- L’industrie sur la façade Nord La dénomination de quartiers Nord fait désormais partie du langage commun. Sans se limiter à Marseille, il est compris par au moins une majorité du peuple français. Une page Wikipédia reprend même cette toponymie pour désigner les entités urbaines qu’elle regroupe. Le site en fait d’ailleurs une description très factuelle, le ton est vite donné. Ce qui revient le plus ce sont les unes racoleuses des journaux faisant état des morts par fusillades sur fond de trafic de drogues. Sur la plateforme Youtube c’est le même résultat. On y met en avant la rudesse des cités, la tâche difficile des policiers dans ces quartiers.

Localisation des Quartiers Nord

16ème

15ème

13ème 14ème

Marseille

Quartiers Nord

N

0

5km

Capture d’écran des premiers résultats dans la rubrique Images lorsque l’on tape «Quartiers Nord» sur la plateforme de recherche Google.


36 1 DES IMAGINAIRES À UN MOMENT POLITIQUE, LA FABRIQUE D’UN CLIVAGE

« Tant qu’ils se tuent entre eux, ce n’est pas grave. »1 Ce sont les mots prononcés

publiquement par le maire de la ville à la suite du décès de jeunes des suites d’un affrontement entre bandes rivales. La fracture entre les élus et ces quartiers semble importante. Cette allocution donne la mesure du manque d’intérêt porté par le maire sur une partie de son territoire. Bien que la fracture soit réelle, il semble que les effets de ces représentations médiatiques aient nourri un peu plus la stigmatisation faite des habitants de ces quartiers. Cette stigmatisation entraîne la distanciation, et oppose deux modèles de société. L’un déviant, celui des individus des quartiers Nord et l’autre dit conventionnel. “La mise en œuvre par les institutions publiques d’actions d’encadrement des populations du quartier, furent-elles stigmatisantes pour les dites populations”2

1. Jean Claude Gaudin, repris par Philippe Pujol, La fabrique du monstre, 2015.

2. Nadine Roudil, Usages sociaux de la déviance. Habiter la Castellane sous le regard de l'institution, L'Harmattan, series: « Habitat et sociétés », 2011, 211 p.

ii- Fragmentation socio-spatiale Qu’en disent les chiffres ? Quelles traductions spatiales ? C’est le PUD (Plan d’Urbanisme Directeur) en 1959 qui donne les grandes orientations d’urbanisation de la ville. Il reprend en partie les propositions d’avant guerre des plans de Greber et Beaudoin. Les fonctions de la ville sont réparties : pour le Nord, la zone est désignée comme “dortoir des travailleurs du ports et de la zone industrielle”. Une désignation dangereuse lorsqu’on sait qu’à cette époque déjà, le devenir du secteur industriel est incertain.

La majorité de la frange Nord est désignée par le terme : zone industrielle. Plan d’Urbanisme Directeur de 1959. © Archives de la Ville de Marseille


D. SCISSION GÉOGRAPHIQUE ET HUMAINE

Photographie prise depuis l’autoroute A7 en direction d’Aix-enProvence. Au loin les tours blanches du quartier de La Viste dessinent l’horizon.

Cette urbanisation frénétique opéra une rupture complète dans le paysage urbain marseillais par le volume des constructions qu’elle généralisa1. La construction des ensembles HLM s’est parfois faite de manière brutale partout dans la ville. Son impact sur la structure urbaine existante a eu des répercussions importantes. Les infrastructures routières et les grandes tours en sont les traces dans le paysage. Leur juxtaposition est violente. Certaines sont posées sur les reliefs qui régissent l’arrière-pays marseillais.

1. Allessi Del’Umbria, Histoire universelle de Marseille, Ed. Agone, 2006


38 1 DES IMAGINAIRES À UN MOMENT POLITIQUE, LA FABRIQUE D’UN CLIVAGE

Politique de la ville, Diagnostic local de santé publique - Portrait des territoires du Contrat, 2013

Part d’ouvriers dans la population active (%)

Dans ce diagnostic, les quartiers Nord sont appelés Marseille Nord. Il reprend les 4 arrondissements définis comme relevant de cette dénomination sur la page Wikipédia. Les données analysées dans ce dossier proviennent de l’AGAM (Agence d’urbanisme de l’AGglomération Marseillaise) et de l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Études Économiques). Il explique que les habitants ont un fonctionnement de quartier, c’est à dire qu’ils restent dans les quartiers pour les actes de vie quotidienne et sortent à proximité de leurs résidences. Ces difficultés de mobilité sont dues au morcellement du tissu urbain. Le rapport parle également d’une sous-dotation en équipements de petite enfance ainsi qu’en équipements culturels, commerciaux, sanitaires et de services de proximité. Le 15ème arrondissement de Marseille, présente des indices de pauvreté très élevés. Des données signifiantes mais nuancées à l’échelle de la ville par des très fortes disparités entre arrondissements. À titre d’exemple, le 11ème arrondissement (80 725 hab.) dispose d’un revenu médian de 24 746 €, un taux de chômage de 11,4 %, et un taux de pauvreté de 11 %.

Marseille

N

0

5km

43,9 ; 29,6

21,9 ; 15,1

29,6 ; 21,9

15,1 ; 4,7

Plus spécifiquement sur le 15ème arrondissement dont fait partie le quartier de La Viste :

Population : 76 420 hab. (Marseille : 862 211 hab.) Superficie : 16,9 km² (Marseille : 240,6 km2) Densité : 4521,9 hab./km² Taux de chômage : 28 % (Marseille : 11,4%) Revenu disponible médian : 13 321 € Taux de pauvreté : 44 % (Marseille : 25%)


D. SCISSION GÉOGRAPHIQUE ET HUMAINE

Localisation du 15ème arrondissement Marseille

15ème

15ème arrondissement Superficie : 16,9 km² Population : 76 420 hab. Quartier de La Viste

N 0

2km

iii- Perception dégradée Il semble donc qu’ici plus qu’ailleurs les pouvoirs publics ont abandonnés une partie de leurs fonctions. Les conséquences sont exponentielles. Il y a bien eu au moment de la construction des cités HLM la mise en place de nouveaux équipements pour accompagner cette hausse démographique. Ceux-ci ont fini par se dégrader au même titre que la condition sociale des habitants. Les choix d’activités se restreignent, conditionnent les rapports sociaux et économiques. Les quartiers sont distants les uns des autres, souvent séparés par des infrastructures routières qui ont accompagné l’aménagement de ces anciens quartiers ouvriers.

Photographie de plots de béton en limite ouest de l’ensemble pavillonnaire du quartier de La Viste. Un chêne vert isolé et derrière la Mer Méditerranée


40 1 DES IMAGINAIRES À UN MOMENT POLITIQUE, LA FABRIQUE D’UN CLIVAGE

Photographie du coteau ouest qui borde le quartier de La Viste. Un tamaris brûlé par un incendie l’été 2019. Autour des résurgences de tuiles et de briques, signes des activités passées

Photographie au pied de la friche de l’ancienne Cité des Créneaux en contrebas de la Cité de La Viste. Les pentes abîmées. Un espace en attente depuis 2012


D. SCISSION GÉOGRAPHIQUE ET HUMAINE

iv- La Viste

Localisation du quartier de La Viste

La Viste, c’est :

Verduron

Revenu médian disponible : 13 300 € Taux de chômage : 31,4 % Part de logements sociaux : 51 %

St.-André

Une partie du quartier de la Viste est inscrit du programme porté par la Politique de la Ville* au titre de Quartier Prioritaire de la Ville. À ce titre, il a bénéficié de l’action de rénovation de l’ANRU marseillaise, MRU (Marseille Rénovation Urbaine), en 2018.

St.-Antoine

La Viste Borel

QPV La Viste Les Aygalades

St.-André

St.-Louis

N

*Actions étatiques visant à aider les quartiers sensibles soumis à de très fortes inégalités

Quartier Prioritaire de la Ville - La Viste

À l’échelle de ce quartier prioritaire

Population : 2 887 hab. Population de moins de 25 ans : 43 % Revenu médian disponible : 7 414 € Taux de chômage : 31,5 %

En dépit de ce constat alarmant, le quartier fait encore l’objet d’opérations de construction de logements sociaux. Des opérations qui visent certainement un équilibre en matière de logement social à l’échelle de la commune mais qui participent à la ségrégation encore plus forte de La Viste. Le projet porté par l’ANRU, a permis la rénovation des bâtiments classés. Néanmoins en termes de structure urbaine, cette intervention semble manquer de corps. La vision se limite aux quartiers prioritaires et ne propose pas une vision d’ensemble concrète. De ce fait, les interstices et les espaces intermédiaires ne sont pas traités et constituent des lieux de nondroit souvent sujet à la dégradation. Ces limites entraînent une fragmentation spatiale entre les entités urbaines, qui à l’image de Marseille, alimentent les frustrations et nourrissent la paupérisation.


42 1 DES IMAGINAIRES À UN MOMENT POLITIQUE, LA FABRIQUE D’UN CLIVAGE


La distinction Nord-Sud est entrée dans le langage commun. La dénomination de “quartiers Nord” est marquée au fer rouge sur ce morceau de territoire, une appellation entendue, comprise, par une majorité des Français. Les représentations montrent un espace dégradé, une zone de non-droit dans laquelle règne la violence. Des représentations qui ont un impact sur les habitants de ces quartiers. Les chiffres sont évocateurs et traduisent les conséquences du renouvellement manqué de la mutation de ces quartiers. La réalité spatiale de ce désaveu politique se traduit pour les habitants des quartiers par une difficulté importante d’accès aux soins, à la culture, à l’éducation et au travail. Des services qui sont pourtant présents. Les entraves liées à des défauts de mobilités sont à l’origine de cette mise à distance. Comprendre ces ruptures permet d’envisager une meilleure mise en réseau de ces services et de rétablir l’accès au territoire.


44

LA VISTE, UNE FIGURE DE PROUE CONTRAINTE


La rupture n’a pas toujours été aussi nette, La Viste se situe sur une voie historique de la ville, une entrée remarquée par certains auteurs. La Vista se trouve sur un promontoir duquel on contemple la rade de Marseille. En contrebas de celui-ci, ce sont des axes stratégiques de développement dessinés par l’eau, des axes pour circuler vers l’arrière pays.


46 2 LA VISTE, UNE FIGURE DE PROUE CONTRAINTE

A. LA VISTA i- Route Nationale 8 Le quartier de la Viste est situé, dans le 15ème arrondissement. Cet arrondissement est celui le plus au Nord de l’aire urbaine de Marseille, il marque la limite avec les communes de Pennes Mirabeau et de Septèmes-les-Vallons. Le développement du quartier s’est fait autour d’un axe routier qui, s’il est désigné sur les panneaux signalétiques comme l’Avenue de La Viste, est bien la Route Nationale 8. Historiquement cette voie était nommée la route de Marseille. La portion de RN 8 qui traverse La Viste s’étend jusqu’à Aix-enProvence jusqu’au centre de Marseille. Dans sa toponymie la plus commune, cette ligne prend successivement les noms - depuis la porte d’Aix d’où elle démarre dans le centre - de : Avenue Camille Pelletan, Avenue Roger Salengro, Rue de Lyon, Avenue de SaintLouis, Avenue de la Viste et Avenue de Saint-Antoine avant de prendre le nom de RN8. Cette voie structurante, une entrée de ville, qui dessine un axe Nord-Sud.

Localisation de la route nationale 8

Les PennesMirabeau Septèmes-lesVallons

Route nationale 8 Quartier La Viste

Marseille

Porte d’Aix

N

0

1

2km


A. LA VISTA

ii- Entrée remarquée Nombre d’écrivains, de visiteurs ou d’hommes politiques ont décrit leurs arrivées à Marseille. Ces descriptions sont souvent inscrites dans le temps et font écho à une période de l’histoire où le terroir marseillais était réglé, ordonné. Par le terme terroir (terradou), j’entends l’agencement spatial qui fait référence à ce qui se trouve à l’époque en dehors du centre dense de Marseille, sa campagne. C’est dès le XVIIe siècle que les premiers voyageurs relatent ces espaces, s’évertuent à en décrire les traits. Cette lecture du

paysage est rendue possible par la topographie particulière du quartier. En effet La Vista signifie la vue en occitan. Ce nom évoque très directement les largeurs visuelles qui s’ouvrent depuis cette estrade aux abords de la ville. Aujourd’hui, bien plus que la campagne, le regard s’appuie d’abord sur la mer Méditerranée, s’accroche aux tours nouvelles : La Marseillaise, et la CMACGM, puis remonte vers Notre-Dame-de-laGarde pour se perdre et se ré-accrocher aux multiples marqueurs visuels qui ponctuent la ville.

« La campagne couverte de vignes et d’oliviers dans sa plus grande étendue, arrosée dans toute sa longueur par une rivière sur les bords de laquelle règnent des jardins et des prairies, se prolonge au levant dans un espace d’environ cinq lieues de circonférence. Il y a plus de cinq mille maisons de campagne, placées à une petite distance les unes des autres qui se détachent sur fond du tableau par leur blancheur, et font un effet merveilleux sur cette verdure dont la terre est couverte huit mois de l’année. »1

1. Abbé J.-P. Papon, Voyage littéraire de Provence, Paris, Barrois, 1780 ; 2e Ed., Paris, Moutard, 1787, t. 1, p. 236-237.

Peinture de Émile Loubon - Vue de Marseille prise des Aygalades un jour de marché (1853) Le quartier des Aygalades est le voisin de celui de La Viste. Cette peinture montre au loin le massif des Calanques, la rade de Marseille, un moulin et deux cheminées d’usines. L’arrière-pays est encore peu construit.


48 2 LA VISTE, UNE FIGURE DE PROUE CONTRAINTE

iii- L’horizon, les tours

Carte du relief du Nord-Ouest de Marseille

Le socle est donc le support de ce relief singulier. Cette dalle vient marquer l’homogénéité de la pente qui s’évase du Massif de l’Étoile jusqu’à la Mer. Un palier permet la mise à distance visuelle du paysage qui environne le quartier. Il n’y a guère que lorsque l’on regarde vers le Nord que l’œil peut autant se soustraire des objets proches. Ce socle est surmonté de hauts bâtiments blancs, leurs hauteurs renforcent, transcendent la capacité d’absorber ce paysage. Ces tours qui ne sont qu’une partie du quartier de La Viste, sont l’œuvre de l’architecte grec George Candilis, inscrites aujourd’hui au patrimoine du XXe siècle. La situation topographique du quartier de la Viste lui permet d’apprécier une large partie du territoire marseillais. Ces vues d’horizons sont accentuer depuis une partie des immeubles du 38 de l’avenue de la Viste. Néanmoins, au sein de la trame urbaine on aura des vues privélégiées sur l’Ouest, le Sud et l’Est.

Septèmes-lesVallons

Les PennesMirabeau

Quartier La Viste

Marseille

N

1 : 100 000

Transect du massif de l’Étoile jusqu’au port de Marseille Ouest 0

70

Port de L’Estaque 0m Quartier L’Estaque

70 m

35

90 Centre commercial Grand Littoral

16 ème arrondissement

135m

Est 110

205

Massif de l’Étoile 205 m

90 m

35 m Quartier Saint-Henri

135

Quartier Saint-André

Quartier La Viste

Quartier Les Aygalades

15 ème arrondissement


A. LA VISTA Massif des Calanques

Au sein de la trame urbaine, on a la possibilité de laisser son regard se porter en dehors des limites du quartier, parfois il s'agrippe à des morceaux de roches qui surgissent au détour d’un bâtiment. Le relief est empreint de la structure géologique.

Tours Euroméditerranée

S

Vue des horizons depuis une tour du 38 de l’Avenue de la Viste

Ruisseau des Aygalades

Rade de Marseille

Centre commercial Grand Littoral Église de La Viste N

École élémentaire de la Viste Quartier Les Aygalades

Massif de l’Étoile O

E

Bastide de Guillermy Boulevard du soleil (A7)

Mer Méditerranée

Autoroute A55

Cité Kallisté

Cité du 38 de la Viste

Massif de la Nerthe

Lycée de la Viste

Marseille International Fashion Center 68


50 2 LA VISTE, UNE FIGURE DE PROUE CONTRAINTE

Au Nord de l’aire urbaine de Marseille, le quartier de la Viste se trouve traversé par l’avenue du même nom. Une rue qui porte également le nom de route nationale, qui prend son départ Avenue Roger Salengro, au centre de Marseille. La D8 mène jusqu’à Aix-en-Provence. Historiquement c’était l’entrée principale de la ville au Nord. Nombre d’écrits évoquent ce passage par la colline de La Viste. Un quartier remarqué par sa situation topographique, ce qui lui vaudra son nom en occitan, Vista qui signifie vue.


B. ÉMERGENCE ROCHEUSE, SURFACE D’ARGILE i- Dalle de travertin La Viste et le quartier voisin de SaintAntoine sont situés sur une dalle rocheuse calcaire sédimentaire de travertin. Il s’agit d’une roche sédimentaire calcaire dont

la formation est relativement récente à l’échelle des autres massifs présents dans les environs (1 million d’années avant notre ère).

Carte géologique du Nord-Ouest de Marseille Cénozoïque Septèmes-lesVallons

PennesMirabeau

Alluvions fluviatiles modernes Travertin Conglomérat côtiers

Quartier St.-Antoine

Grès, sables, conglomérats Dépot sabloargileux grossier Quartier La Viste

Mésozoïque Argiles, grès, conglomérats Calcaire argileux Calcaire Lapiazé

Marseille

Calcaire à chailles Calcaire Calcaire

N

1 : 100 000

VILLENEUVE et al., La carte géologique à 1/50 000 AUBAGNE MARSEILLE, 2018


52 2 LA VISTE, UNE FIGURE DE PROUE CONTRAINTE

Cette roche se forme à proximité d’émergences de sources et de cours d’eau douce. Contrairement au Tuf calcaire, la roche se produit en condition d’eaux thermales, c’est à dire naturellement réchauffée (le Tuf se produit lui en eau froide). Le procédé de formation est le suivant : les eaux souterraines chargées en carbonate de calcium remontent en surface. À leurs sorties elles relâchent du calcium, celuici au contact de l’air va retomber en précipitations. Ces précipitations atteint alors les organismes vivants qui se trouvent en surface, ils meurent progressivement, et laissent après eux la matière minérale qui, accumulée, va constituer la roche. La couleur et la finesse du travertin varient suivant les matériaux minéralisés.

Le résultat de relevés réalisés sur les travertins du quartier voisin, émettent l’hypothèse que cette dalle pourrait être liée à des dépôts qui couronnaient le massif de l’Étoile. Difficilement lisible sur la carte géologique, le quartier des Aygalades repose lui aussi sur du travertin. La présence de ces “hauts plateaux solides”1 détache le quartier de La Viste des quartiers qui l’environnent.

1. M. Villeneuve et al., Carte Géologique de France_Aubagne Marseille, 2018

Coupe de lecture des états géologiques Ouest Tuilerie Monier

Dépot sabloargileux grossier Pente de Foresta

Est

Quartier pavillonnaire

38 de La Viste

Travertin Quartier de La Viste

Dépot sabloargileux grossier Vallon des Aygalades


B. ÉMERGENCE ROCHEUSE, SURFACE D’ARGILE

Photographie prise depuis l’Avenue de la Viste en descendant vers le quartier Saint-Louis. À l’approche de La Viste il n’est pas rare d’observer ce genre de coupe dans la roche. Roche sédimentaire, le Tuf peut comporter des aspérités.

Photographie prise depuis le chemin rural Henri Beyle. Derrière les portails surmontés de piques, la roche à nue. Ce bloc a servit l’accroche d’un mur en limite de l’École Notre Dame de la Viste.


54 2 LA VISTE, UNE FIGURE DE PROUE CONTRAINTE

iii- Gisements d’argiles, bassin de Séon Autour de cette dalle, on remarque à l’Est, la trace d’alluvions fluviatiles modernes qui sont les marques du passage du ruisseau des Aygalades. En dehors de ce tracé, l’estrade est comme un objet insulaire au milieu de dépôts sablo-argileux grossiers. Cette nature géologique va fortement influer sur le devenir du bassin de Séon qui se trouve à l’Est en contrebas du quartier de La Viste. Cette vasque, dans laquelle la mer s’engouffrait il y a quelques millions d’années, est contenue à l’est par les plateaux de travertins et à l’Ouest par le Massif de la Nerthe.

Plan de localisation du Bassin de Séon

Les PennesMirabeau

Septèmes-lesVallons

Quartier L’Estaque Quartier La Viste

Bassin de Séon

Bassin de Séon Travertin Dépot sabloargileux grossier

N

1 : 100 000

Marseille


B. ÉMERGENCE ROCHEUSE, SURFACE D’ARGILE

C’est la présence de plusieurs gisements d’argiles qui incitent les hommes à exploiter cette ressource pour fabriquer des tuiles et des briques. Le fait de l’existence de sources d’eau est également un point d’appui par le développement de cette industrie. Au départ restreint au village de l’Estaque, situé tout à l’Est du bassin, choisi à l’époque pour son éloignement avec la ville, l’activité se propage ensuite plus largement vers Saint-Henri et Saint-André. La renommée des tuiles est internationale. Au XIXème siècle, l’export se fait directement depuis le port de Marseille jusque dans le monde entier. De multiples carrières sont creusées, dont une très importante sur les pentes Est de La Viste, juste en contrebas du Château des Tours, propriété des Foresta (riche famille Italienne installé juste au nord de La Viste). À l’image d’une façade industrielle nord, l’emploi d’ouvriers dans ces manufactures a dû fortement contribuer au dessin du paysage social de La Viste et des autres quartiers du bassin.

2.

1. Représentation d’une tuile fabriquée dans l’usine Monier 2. Représentation d’une brique fabriquée dans l’usine Monier

1. Photographie du Creux du pilot. Carrière qui servait la fabrication des tuiles et briques des usines environnantes. Sur la droite la pinède qui bordait le flan ouest du quartier de La Viste (source Delcampe)


56 2 LA VISTE, UNE FIGURE DE PROUE CONTRAINTE

iv- Altération Pendant la Seconde Guerre Mondiale, les Allemands réquisitionnent le domaine de la famille Foresta. Des officiers installent une batterie de défense sur ce point haut, le lieu est stratégique. Ils forment une ligne de défense pour protéger leurs hommes, 150 en tout, regroupés dans le château qui devient un véritable bastion. Les tirailleurs marocains, sous l’ordre d’un officier français lancent un premier assaut pour faire reculer l’ennemi en août 1944. Ce premier mouvement se solde par un échec. C’est finalement, quelques jours plus tard une batterie alliée disposée sur les îles du Frioul qui va complètement détruire le château. Sous les coups de la guerre, cette zone est fortement endommagée, tant dans sa structure urbaine que dans son socle. Les activités liées à la nature des sols finissent par reprendre. Néanmoins le nombre d’usines est beaucoup plus faible. Les différents propriétaires se regroupent définitivement en 1965, la tuilerie Monier est fondée à ce moment là et est construite au pied de l’ancien domaine des Foresta. Cette usine ultramoderne offre à elle seule la capacité de production des dernières tuileries et briqueteries qui restaient jusque là. Encore en activité aujourd’hui, c’est 25 millions de tuiles qui y sont fabriquées tous les ans. Batterie Allemande postée aux abords du Château des Tours en 1944. En arrière plan le flanc Est de La Viste (source Delcampe)

Du Château des Tours à Grand Littoral 1

Destruction du Château des Tours par des missiles alliés en 1944

2

Regroupement des dernières usines Création en 1965 des tuileries modernes Monier


B. ÉMERGENCE ROCHEUSE, SURFACE D’ARGILE

v- Centre commercial Grand Littoral Depuis les années 1970 et la perte brutale de vitesse des industries dans la frange Nord de Marseille, les projets émergent lentement pour repenser ces territoires en mutation. Bien avant que la verticalité des tours de la politique de la ville remplacent celle des cheminées des usines abandonnées, la ville s’est alors construite sans réelle planification, les ouvriers regroupés en fonction de leurs origines façonnaient euxmême leurs quartiers, souvent teintés des images des villages qu’ils avaient dû quitter. En 1990, l’étude d’impact de la Zac de SaintAndré propose de penser une trentaine d’hectares de terre le long des pentes ouest de La Viste. Le projet annonce la création d’un centre commercial, d’un parc zoologique et d’un lotissement. De cette étude, il ne restera que le centre commercial, qui porte le nom de Grand Littoral. Un projet central dans les quartiers Nord, et porteur d’un peu d’espoir pour les habitants. Cette nouvelle dalle de béton bouleverse la topographie déjà fortement bousculée et anthropisée. Une langue de travertin est rongée pour faciliter l’implantation du colosse. Les travaux révèlent la nature fragilisée des soussols qui nécessitent la mise en place de fondations importantes. En effet, les creux des carrières liés aux activités industrielles passés sont remblayés, mis hors de vue. Grand Littoral est inauguré en octobre 1996. Dès 1998, le cinéma est mis en quarantaine pour des raisons de sécurité, le sous-sol est instable, l’édifice menace de s’effondrer. Il est finalement détruit en 1999. Depuis cette

date, la construction de la zone ne s’est pas poursuivie, les projets annoncés plus tôt sont restés en suspens. La ZAC SaintAndré existe pourtant d’un point de vue administratif. Cet espace de 26 hectares est aujourd’hui la propriété du groupe financier Résiliance. Toujours en activité, il ne reste donc que la dernière usine Monier. On la voit lorsqu’on arrive à Marseille par le TGV. L’histoire de l’argile ressurgit parfois, une cascade de tuiles descend les pentes de Foresta, les sources d’eau sont elles maintenant muettes. Le profil de la pente est complètement remaniée pour l’arrivée du centre commercial Grand Littoral

GRAND LITTORAL 3

GRAND LITTORAL

Le centre commercial Grand Littoral a gommé l’existence passée du Château des Tours. Une nouvelle dalle minérale et un sursaut d’emplois et d’activités dans les quartiers Nord.


58 2 LA VISTE, UNE FIGURE DE PROUE CONTRAINTE

Le quartier de la Viste se trouve sur un éperon rocheux fait de travertin, une roche calcaire. Il s’agit possiblement des détachements d’un couronnement plus ancien du Massif de l’Étoile. Il s’agit donc d’un marqueur important dans le paysage. Les lignes du quartier se remarquent dans l’horizon, depuis les Aygalades ou depuis les quartiers plus proches de la mer. Au pied de cette langue se trouve des gisements d’argiles. Aujourd’hui plus exploités, ils étaient hier la raison de la présence d’une petite vingtaine de tuileries, installées dans le bassins de Séon. Depuis l’automatisation des usines, et les bombardements de la Seconde Guerre Mondiale, le terrain a subi un remodelage. La Zac Saint André, lieu du creux, comblé aujourd’hui, a fini par être surmontée du centre commercial, le plus grand des quartiers Nord, Grand Littoral. Durant les soixantes dernières années, la façade Est du quartier a fortement été remaniée. Des transformations qui empêchent de lire une partie de l’histoire de ces pentes.


C. LES EAUX CONTRAINTES i- Vallon de la Caravelle Le ruisseau de la Caravelle trouve sa source dans le massif de l’Étoile. Il devient ensuite le ruisseau des Aygalades à l’approche du quartier éponyme. Il continue ensuite sa descente vers le quartier Arenc où il rejoint la mer méditerranée sous une des tours phares du projet Euroméditerranée. Ruisseau ou fleuve côtier, c’est son écoulement qui dessine la vallée qui sépare le quartier de La Viste et celui des Aygalades. C’est sa présence qui va permettre le développement de cette partie du terroir marseillais. À partir du XIXe siècle, les riches propriétaires de la ville commencent à s’installer en dehors du centre dense, ils se laissent la possibilité de fuire les nuisances liées à la vie urbaine. Contrairement au bassin de Séon, cette vallée, de par l’existence du cours d’eau et son exposition, bénéficie d’un cadre particulièrement propice au développement d’une agriculture de proximité. Les Bastides, ou domaines bastidaires, sont de grandes propriétés emmurées dans lesquelles sont souvent plantés des vergers, ainsi que des vignes. Le ruisseau de la Caravelle, également appelé aussi ruisseau des Aygalades, est un point de franchissement pour circuler d’un quartier à l’autre. Sur une portion d’un kilomètre, c’est presque sept points de passages.

Plan du parcours du ruisseau des Aygalades

Les PennesMirabeau Septèmes-lesVallons

Quartier La Viste

Marseille

N

1 : 100 000


60 2 LA VISTE, UNE FIGURE DE PROUE CONTRAINTE

Deux cascades accentuent l’effet pittoresque. L’une d’elles est mise en scène par la construction d’une passerelle qui permet de se rendre au plus proche du spectacle.

La Cascade des Aygalades en 1911 Lieu de villégiature des riches marseillais (source Delcampe)

Points de franchissement du ruisseau en 1944

Cascade des Aygalades La Viste

Les Aygalades

Franchissements principaux Franchissements secondaires On compte en 1844 huit points de franchissements entre le quartier de La Viste et celui des Aygalades. Le ruisseau des Aygalades n’est pas un frein dans l’expérience quotidienne de ce territoire


C. LES EAUX CONTRAINTES

Le XXe siècle est porteur de changement, ce système est mise à mal. Infrastructures et ensembles d’habitations désordonnent ce paysage. Une première portion des prémices de l’autoroute A7 est livrée en 1951. Ce tracé emprunte le vallon. Il marque une rupture entre les quartiers qui se trouvent de part et d’autre. C’est à ce moment là que le ruisseau est déclassé. Il sombre progressivement dans l’oubli, les générations plus jeunes évoquant un égout lorsqu’elles parlent du cours d’eau. Aujourd’hui le débit du cours d’eau est presque entièrement lié à l’activité de la cimenterie Lafarge. Installée à la source des Aygalades, elle se sert de l’eau pour de multiples opérations. Eau qui est ensuite parfois relâchée dans le lit du cours d’eau, ce qui entraîne un débit anormalement élevé. Hormis pendant ces événements particuliers, et les quelques forts épisodes pluvieux aux mi-saisons, le débit est relativement faible. Pas de quoi animer les deux cascades hautes de trois mètres. Après presque un demi-siècle d’oubli, le ruisseau des Aygalades a disparu sous des amas de déchets. Un amoncellement qui masque l’origine de la dépression qu’il comble et ainsi les traces de ce ruisseau presque disparu.

Plan du tracé du ruisseau des Aygalades au contact de La Viste

N

1 : 20 000

Coupes de principe de différents profils du ruisseau au contact du quartier de La Viste


62 2 LA VISTE, UNE FIGURE DE PROUE CONTRAINTE

Photographie du sillon dessiné par le ruisseau des Aygalades. L’eau s’écoule à quelques mètres seulement de l’autoroute A7.

Photographie de la cascade des Aygalades prise en 2020. La passerelle qui l’a surmonté est toujours présente. Un jour d’hiver où le débit était très important.


C. LES EAUX CONTRAINTES

iI- L’eau salvatrice Marseille est au début du XIXème siècle une ville en pleine expansion démographique, la population augmente de presque un tiers entre 1806 et 1831, passant de 99 169 à 145 115 habitants. La population s’accroit et s’entasse dans des quartiers pauvres, où la salubrité devient déplorable. Les étés sont souvent rudes à Marseille, et l’eau manque fortement, la ville étant dépendante à ce moment là du fleuve côtier l’Huveaune. C’est à cette même période que des épidémies de choléra frappent le monde. Ce mal gagne la France en 1832, sans d’abord toucher la cité phocéenne. Se rappelant l’épisode dévastateur de peste en 1720, l’état major de Marseille, décide, pour palier le problème d’extrême vulnérabilité liée à la ressource en eau et éviter une possible urgence sanitaire, de faire construire un canal qui captera l’eau au niveau de la Durance. Maximin-Dominique Consolat, maire de Marseille, anime ses débats et prend cette décision majeure en 1834. Trop tard pourtant : le 7 décembre 1834, le choléra fait irruption dans la ville. Un long chantier commence alors, c’est l’ingénieur Franz Mayor de Montricher qui sera missionné pour le chantier. Les travaux débutent en 1839 et s’achève en 1854. Les premières eaux s’écoulèrent en 1849. L’édifice long de 80 kilomètres termine sa course à Marseille au Palais Longchamp, l’eau salvatrice est fêtée, mise en scène.

Photographie de la construction du canal de Marseille en 1848. (source toutsurmarseillle)

Photographie de la fontaine principale du Palais Longchamps (source Monumentum)


64 2 LA VISTE, UNE FIGURE DE PROUE CONTRAINTE

Plan du tracé du Canal de Marseille Le débit est de 10,3 m3/s. Alors qu’en période de sécheresse on était auparavant conditionné à l’usage d’un litre d’eau par jour et par habitant, la population dispose dorénavant d’une ration 30 fois plus importante.

Arrivée depuis La Durance Les PennesMirabeau

Dérivation

Septèmes-lesVallons

Quartier La Viste

Voie principale

Marseille

N

1 : 100 000

Toujours en fonctionnement il ne représente néanmoins plus la totalité de l’approvisionnement en eau potable pour la ville. Son tracé le fait arriver à Marseille par le nord de la ville. Le parcours principal le fait ensuite longer le contour est du périmètre de la ville pour se diriger vers le Palais Longchamp, il est visible dans l’espace public. Il sillonne en majorité à l’air libre Une dérivation se fait depuis le nord de la ville, elle servait l’approvisionnement des industries présentes sur la façade nord. Celle-ci traverse le quartier de la Viste en souterrain, sa présence est marquée par l’existence d’une allée verte, un chemin des eaux. Sa sortie du quartier est signalée par un aqueduc, grand d’une vingtaine de mètres. Il est dissimulé derrière des arbres, comme oublié.


C. LES EAUX CONTRAINTES

Photographie d’un aqueduc du canal de Marseille. Il passe en contrebas de l’Avenue de la Viste à la limite du quartier Saint-Louis.

Photographie du départ de l’aqueduc du canal de Marseille. L’eau passe difficilement à travers les déchets et les amas de feuilles mortes.


66 2 LA VISTE, UNE FIGURE DE PROUE CONTRAINTE

iii- Perte de patrimoine Le XXe siècle fut celui de l’oubli, un siècle de grand changement pour Marseille et son terroir. Les deux Guerres Mondiales sont les premières à toucher l’équilibre urbain (déjà fragilisé) de la cité. La seconde moitié de ce siècle va insuffler le plus de changement et nous livrer la ville que l’on connaît aujourd’hui. Les obus et les artilleurs détruisent le maigre patrimoine. Un bombardement allié en 1944, frappe la ville pour la libérer de l’emprise allemande. Dans les années 60, le rapatriement des ressortissants des anciennes colonies françaises fait grossir de façon extrêmement rapide la population de la ville , bien au delà des prévisions et incite à un nouveau dessin (PUD). 450 000 Pieds-Noirs gagnent Marseille, 100 000 s’y installent durablement. Ainsi, 50 % de l’essor urbain de la ville de Marseille est imputable aux rapatriés. Plusieurs dizaines de milliers de famille dorment dans des conditions précaires quand elles ne sont pas dans la rue.

hauteurs, de par son feuillage plus dense la végétation se distingue du reste du cortège végétal des environs. L’état des deux cascades est déplorable, ce qui provoquait l’émoi des riches marseillais un siècle auparavant disparaît aujourd’hui sous des amas de déchets. La structure écologique du deuxième fleuve côtier de Marseille est fortement dégradée.

1. Alèssi Dell’Umbria, Histoire Universelle de Marseille, Agone, 2006

L’oubli du socle

Les grands ensembles émergent à grande vitesse, des socles de bétons en dessinent les contours1. Dans ce flou majeur, le “petit patrimoine” est relégué. C’est le cas du ruisseau des Aygalades qui devient un caniveau. Sa nature urbaine, lui donne une valeur fonctionnaliste, son tracé devient rigide. Il sert les industries. Au niveau de La Viste, le ruisseau disparaît aujourd’hui sous une épaisse couche végétation fortement encaissée. Des

Le canal de Marseille est une relique, véritable trace de l’histoire de la ville, ce patrimoine apparaît comme ruine dans l’espace urbain. Ce long passage à vide a entraîné des dégâts réels sur l’état de ce patrimoine unique, et structurant.

L’eau structurante dans la trame urbaine fut reléguée au second plan à mesure de la construction du terroir.


C. LES EAUX CONTRAINTES

iv- Intérêt nouveau Depuis l’impulsion culturelle majeure portée lors de l’année 2013 à l’occasion de Marseille Capitale Européenne de la Culture, ce patrimoine fait l’objet d’un intérêt particulier. La création du Bureau des Guides GR2013 a amorcé toute une série de promenades à la recherche de ces traces du passé. La mise en lumière de celles-ci ont suscité l’émoi et engendré la formation de structures associatives qui militent depuis pour rendre visible aux yeux du plus grand nombre ce qui avait été enfoui. C’est le cas de La Cité des Arts de la rue qui a notamment ordonné une étude sur le ruisseau des Aygalades. Cette étude avait pour objectif l’élaboration d’un projet pour rendre public une partie des berges du ruisseau et en permettre le franchissement. En plus de cette étude, les membres de cette structure, accompagnés de bénévoles, a remis à la lumière l’une des cascades qui se trouve en contrebas de leur site. Sous 40 tonnes de déchets, coulait difficilement le ruisseau. Cette étude date de 2011, et pour l’instant, le cadre créé par La Cité des Arts de la rue est très intimiste. La mise à jour de ce patrimoine dans un contexte démographique totalement différent doit être accompagnée, et servir les populations installées à proximité.

Impulsion culturelle Marseille-Provence 2013

L’assignation d’une ville à la dénomination de Capitale Européenne de la Culture est l’occasion d’engager des politiques de renouvellement urbain, de donner une autre image de la ville à l’échelle internationale. Nombre de personnes ce sont à l’époque questionnées sur les biens fondés de ce projet. Ils interrogeaient la capacité de cette événement à agir comme un levier sur la vie marseillaise, ses dimensions sociales, économiques et politiques. C’est le cas de Boris Grésillon dans Un enjeu « capitale» : MarseilleProvence 2013.

La Cité des Arts de la rue est initié en 1995. Il s’agit d’un espace d’expérimentation et de développement des arts de la rue. Le lieu actuel est inauguré en 2013. Ils ont participé au nettoyage des berges et de la cascade des Aygalades

Julie de Muer Bureau des Guides GR2013

Aude Vandenbrouck Cité des Arts de la rue


68 2 LA VISTE, UNE FIGURE DE PROUE CONTRAINTE

Le quartier voisin des Aygalades est mis à distance par la présence du ruisseau des Aygalades. Celui-ci a façonné la vallée, difficilement lisible à ce jour. Et pourtant dans les premiers écrits qui décrivent ce territoire au XVIIIe siècle il est bien question du ruisseau.Ce dernier contribue d’ailleurs à l’essor de cette vallée, et à l’installation des bastides dès le XVIIème siècle. Ces grandes propriétés tirent parti de la richesse qu’offre la présence de ce cours d’eau. Il porte les points de passage entre les quartiers. De plus en 1849 arrive le canal sur Marseille, une dérivation passe sous le quartier. L’arrivée du canal marque la fin des épidémies de choléra et le développement de la ville. Aujourd’hui l’eau du ruisseau des Aygalades et du canal de Marseille n’est plus au centre des regards, elle est cachée et reléguée au statut de canalisation.


D. DES INFRASTRUCTURES QUI SÉGMENTENT i- Accumulation

Extrait de carte de l’État Major

Sur la carte de l’État Major (1820-1866), on lit la première trace d’une infrastructure routière dans le paysage proche de la Viste. En contrebas du quartier à l’Est, le chemin de fer d’Avignon / Lyon / Marseille. Cet axe est directement lié aux activités de fabrication de briquettes et de tuiles. En plus de la desserte de passagers, cette ligne devait assurer un lien commercial avec d’autres villes françaises. Ces rails connaissent plusieurs points de franchissements, assurant notamment le lien avec la mer Méditerranée, et les quartiers voisins de Saint-André, Saint-Henri et L’Estaque. De l’autre côté, mais sur le coteau opposé, passe une autre ligne de train, celle qui relie Marseille à Lyon via Grenoble. Ces axes conduisent l’espace le long d’un axe nord-sud, ils sont cependant au service de la topographie complexe du territoire en surlignant ses courbes et ses reliefs.

Au départ de la porte d’Aix dans le centre ville de Marseille, l’axe qui monte au nord est déjà visible sur la cartographie de l’État Major (source : Geoportail)


70 2 LA VISTE, UNE FIGURE DE PROUE CONTRAINTE

Au moment du développement de toute la façade portuaire industrielle, une deuxième ligne vient doubler celle qui se situe à l’Ouest. Elle dessert les docks et se greffe au niveau de Saint-André à la ligne Marseille/ Avignon/Lyon. Le vrai changement s’amorce avec la construction de l’autoroute A7 en 1951, elle est un point de rupture majeur, un changement d’échelle dans l’appréhension de l’espace. Les formes sont volumineuses et proposent déjà de repenser la manière dont on se déplacera, ce sera avec une voiture. Tout s’y prête alors, les échangeurs autoroutiers, les bretelles d’accès, les dalles de parking et les distances qui s’allongent. On va plus vite donc on va plus loin. En 1972, la construction de l’autoroute A55 finit d’achever cette accumulation d’infrastructures qui fragmentent maintenant les quartiers. Celle-ci triple déjà la double voie de chemin de fer à l’ouest de La Viste. L’utilisation de l’automobile se démocratise et rentre de plus en plus dans les modes de circulation du quotidien. Certes l’espace s’agrandit, mais limite en réalité les rapports directs avec ses voisins des quartiers alentour.

Plan des principales infrastructures routières et ferroviaires

Ligne TER vers Aix-en-Provence Ligne TGV vers Lyon - Paris

Autoroute A7 vers Lyon

Quartier La Viste

Ligne TER vers Miramas

Marseille Autoroute A55 vers Avignon

N

1 : 100 000

Datation de l’arrivée des différentes infrastructures de transports

Mise en service de la ligne Marseille - Aix-en-Provence

1884 Mise en service de la ligne entre L’Estaque et Miramas

Mise en service de la ligne Paris - Lyon - Méditerranée

1915

1857 1850

1900

1950

Mise en service de l’autoroute A7 en direction de Lyon

1951

Mise en service de l’autoroute A55 en direction d’Avignon

1975

2000


D. DES INFRASTRUCTURES QUI SÉGMENTENT

ii- Perte d’espace de liberté L’accumulation des lignes qui ouvrent certes des trajectoires sud-nord importantes, conditionne en fait très fortement les trajets de vie des habitants de ces quartiers. Et cela a un impact fort sur la relation aux autres des habitants entre eux, en particulier les enfants et adolescents. En effet, entre 0 et Perte d’espace de liberté 18 ans, dans ces quartiers qui concentrent un niveau de précarité très élevé, on est d’autant plus exposé à la délinquance et l’isolement. De la plus petite enfance jusqu’à l’âge de l’émancipation, à La Viste, on est à priori condamné à côtoyer les mêmes individus tout au long de sa scolarité. On est alors plus facilement exposé aux réseaux de trafics de drogues et parfois à la violence.

Conditionnement social qui limite les possibilités de sortie du quartier

La notion d’espace de liberté doit être entendue comme le périmètre environnant du quartier accessible facilement à pieds. Celui-ci est lourdement restreint dans certaines parties de la ville. C’est le cas dans le quartier de La Viste.

De 0 à 18 ans, tout les services scolaires se trouvent dans le quartier

Accumulation de barrières physiques qui appuient ce défaut d’accès à la culture, à l’éducation supérieure et à la santé


72 2 LA VISTE, UNE FIGURE DE PROUE CONTRAINTE

Ce constat est très certainement le même dans une grande partie des quartiers qui composent le nord de Marseille du fait des assignations scolaires selon les quartiers de provenance des écoliers. Néanmoins on franchit une étape supplémentaire avec cette fois-ci des limites physiques fortes qui ralentissent les processus d’émancipations de ces enfants et jeunes adultes. De plus, les réseaux de transports en pleine transformation autour de ce quartier, avec notamment l’arrivée du tramway à SaintAndré - La Castellane en 2025. Il est bon de rappeler que jusqu’à la Deuxième Guerre Mondiale, une ligne de tramway passant par la route nationale 8 desservait le quartier de La Viste. La ligne de bus B2 qui traverse le quartier pour aller jusqu’à l’arrêt Vallon des Tuves plus au nord interrompt son trafic à partir de 21h30 la semaine et 22h le weekend. Ce transport est lui-même dépendant de la ligne 2 du métro pour ensuite atteindre le centre de la ville. Un défaut de structure urbaine peut être à l’origine de processus d’exclusions et des répercussions sociales sur les personnes qui constituent un quartier.

Plan du tramway à l’horizon 2025

La Castellane La Viste

Lycée St.-Éxupéry

Gèze

Arenc

N

Futurs arrêts du tramway 3 Ligne projetée du tramway 3

1 : 100 000

Ligne existante du tramway 3


D. DES INFRASTRUCTURES QUI SÉGMENTENT

iii- Nécessité de traverses Ces infrastructures de transports, qui segmentent l’espace au lieu de le relier, sont un réel frein pour les populations locales. Aujourd’hui habitués à l’usage de l’automobile, le parcours à pied est quelque peu sorti des pratiques. Et pourtant des points de passage sont importants à trouver dans l’expérience quotidienne du leur territoire des plus jeunes par exemple. Certains lieux sont des points d’accroches et drainent tous les jours une population importante. C’est le cas notamment du centre commercial Grand Littoral et du lycée Nord Saint-Exupéry. Le lycée Nord est fréquenté par 2000 lycéens qui proviennent de neuf collèges différents du 15ème arrondissement de Marseille, ces étudiants sont nombreux à se déplacer à pied, notamment ceux provenant des Aygalades. Pour le centre commercial, les visiteurs annuels sont au nombre de 13 millions. Même si les 5 000 places de parkings induisent fortement l’utilisation de la voiture, les habitants des quartiers proches privilégient des déplacements piétons. La présence de ces deux équipements sont donc à l’origine de flux de déplacement identifiables et cela rend nécessaire un regard particulier, tant les conditions de déplacement à pied sont compliquées, non sécurisées car tributaires d’un territoire où la voiture est au centre des logiques de déplacement. Entrevoir des traverses et des porosités augmente les possibilités d’accès au territoire de chacun et ouvre le champ des possibles.

Lieux des franchissements entre l’Est et l’Ouest

Centre commercial Grand Littoral 35 000 visiteurs quotidien

0,30 km

0,54 km

La Viste 6800 habitants

Les Aygalades 6700 habitants 1,10 km

1,60 km

0,3 km

Lycée St-Exupéry

N

1 : 20 000

3000 lycéens des quartiers Nord

Franchissements piétons et véhicules motorisés Franchissements piétons uniquement Franchissements véhicules motorisés uniquement


74 2 LA VISTE, UNE FIGURE DE PROUE CONTRAINTE


La restructuration de la vallée après-guerre amorce les ruptures et accentuent l’enclavement. Au réseau ferré construit au XIXème siècle viennent s’ajouter les autoroutes A7 et A55. Plus que le système ferroviaire, ces deux constructions scindent le paysage, coupent les dynamiques de déplacements quotidiennes des habitants. Elles induisent et produisent une autre manière de se mouvoir, liée quasi-exclusivement à l’automobile. La notion de distance est reconsidérée, c’est la voiture qui ordonne cette nouvelle mesure. Les points de franchissements de ces infrastructures lourdes tendent à disparaître avec le renforcement de ces dernières et l’effacement des pratiques de la marche dans les habitudes quotidiennes de déplacement. Ces franchissements ne sont ainsi, quand ils existent encore, que très peu valorisé. L’espace de liberté des habitants est de plus en plus faible. En plus de ces infrastructures, l’urbanisme d’après-guerre appuie cet effet de ceinturement. Jusqu’à leurs 16-17 ans les jeunes sortent relativement peu de la sphère du quartier, et les fréquentations ne varient pas, appuyant certains vers des déviances. L’enclavement réduit les possibles, et limite les points de contacts entre individus.


76

SÉDIMENTATION URBAINE, CONSTRUCTION SOCIALE


Ces infrastructures multiples sont des points d’appui pour lire le paysage ; les barres qui trônent à flanc de coteau, les pins solidaires d’un terrain de football seul au milieu d’une friche, quelques arbres fruitiers étagés dans les pentes, une série de maisons mitoyennes aux toits de tuiles orangées, entre ça et là des figuiers à moitié cachés par des murs. Comment s’est constitué cet agglomérat et peut-on anticiper son évolution ?


78 3 SÉDIMENTATION URBAINE, CONSTRUCTION SOCIALE

A. DES BASTIDES AUX GRANDS ENSEMBLES, UNITÉ FONCIÈRE i- Construction du terroir Il y a plus de cinq mille maisons de campagne, placées à une petite distance les unes des autres qui se détachent sur fond du tableau par leur blancheur, et font un effet merveilleux sur cette verdure dont la terre est couverte huit mois de l’année. » 1 Cette citation, déjà utilisée dans une partie précédente, amorce une description urbaine du territoire de La Viste, et de ce qui se trouve autour. Voilà ce qui marquait les voyageurs à partir du XVIIe siècle. C’est pourtant bien plus tôt, à partir du XVe siècle que les premières bastides sont construites.

À l’époque on parle d’unités rurales de productions2, en effet il y a alors une demeure qui domine un espace agricole, dans lequel on peut également trouver des bâtiments fermiers. Ces pratiques vont très vites être croisées avec des logiques résidentielles. Fait survenu du fait de la très forte proximité avec la ville centre. Sa fonction va alors durablement changer à partir du XVIIIème siècle, et les premiers écrits recensés incitent à la décrire. Sa fonction va alors durablement changer à partir du XVIIIe siècle.

Carte postale qui montre le château du Roi René (ou des Aygalades) en 1906 (source Delcampe)

1. Abbé J.-P. Papon, Voyage littéraire de Provence, Paris, Barrois, 1780 ; 2e éd., Paris, Moutard, 1787, t. 1, p. 236-237. 2. Jean Marc Chancel & René Borruey, La maison des villes et la maison des champs... la bastide marseillaise, 1993

Photographie ancienne d’une cascade qui rythmait la descende du ruisseau des Aygalades (source Delcampe)


A. DES BASTIDES AUX GRANDS ENSEMBLES, UNITÉ FONCIÈRE

Avant la construction du canal de la Durance, le développement de ces domaines suivait l’hydrologie naturelle induite par le relief. Avec pour objectif initial le développement de cultures, il fallait se trouver à proximité de cours d’eau. C’est pourquoi dans le vallon des Aygalades, été construit un grand nombre de ces bâtisses. Dans le cas de la vallée de l’Huveaune et la vallée du Jarret, les axes forts de déplacement étaient induits par la relation du terroir à la ville. C’est ensuite le canal de la Durance et ses dérivations, qui participe d’un étalement plus large. La présence d’une dérivation du canal à la Viste, le rapport au Vallon des Aygalades et la vue avantageuse qu’offre la situation morphologique du terrain, ont participé au développement rapide et tramé de ce territoire.

1926

La Viste

N 0

200

400m

200

400m

Les Aygalades

2018

Comparaison de la trame urbaine entre 1926 et 2018 Voies de circulation Ruiseaux des Aygalades

Châteaux, anciennes campagnes, bastides

La Viste

Habitations

Limites murets des anciennes bastides

Commerces, industries, artisanats

Alignements d’arbres, vergers

Parcellaires boisés Espaces agricoles

Ce qu’on observe : Ramification du réseau viaire Extension de l’espace habité Disparition des espaces agricoles Réduction du parcellaire boisé Maintien des activités aux abords du quartier

N 0

Les Aygalades


80 3 SÉDIMENTATION URBAINE, CONSTRUCTION SOCIALE

ii- Construction du terroir Progressivement ces logiques d’organisation vont disparaitre. Au XIXe siècle, on réfléchit Marseille dans sa relation avec les autres villes qui l’entourent. Les dynamiques de réseau sont pensées à l’échelle régionale mais aussi nationale. On distingue dès lors moins facilement la différenciation auparavant faite entre la ville et son terroir. L’organisation devient trouble, la production faible. L’intérêt pour le terroir est grandissant. Dans ce même temps, la ville s’agrandit et conquiert son paysage proche, elle intègre le terroir qui devient son espace péri urbain. Dans ce mouvement croissant, lourd d’impact, les infrastructures qui recomposent le territoire, ignorent tout référence au niveau local1. Dans le vallon du ruisseau des Aygalades, la guerre entame ce que l’autoroute A7 terminera : certaines bastides sont détruites et d’autres reléguées au rang de ruines. Dans les descriptions de voyageurs, il est récurent de retrouver les termes de murets. Les domaines bastidaires, de tailles variables, faisaient toujours l’objet d’une séparation du dedans et du dehors. Cette donnée est importante, car si certaines demeures ont étés détruites, les murets au contraire attestent de ce passage entre l’intérieur et l’extérieur des domaines aujourd’hui disparus.

1. Claude Prelorenzo, Les bastides dans la structuration morphologique du territoire péri-urbain à Marseille, 1981

Photographie prise depuis le 38 de La Viste. En contrebas l’autoroute A7, la bastide de Guillermy et une partie du quartier des Aygalades

La Bastide aujourd’hui, est un terme polysémique qui désigne en fait toutes les constructions individuellement développés pendant une période donnée. On peut très bien parler de maisons de campagnes, de villas ou de pavillons par exemple.


A. DES BASTIDES AUX GRANDS ENSEMBLES, UNITÉ FONCIÈRE

iii- Unité foncière d’aménagement Le parcellaire des Bastides restantes va avoir un poids déterminant dans la manière dont le péri-urbain s’est développé dans la période qui a suivi la Seconde Guerre Mondiale. Dans les mêmes mouvements qui voient de nouvelles infrastructures de transport balafrer le territoire, la construction massive de grands ensembles de logements pour absorber les populations nombreuses de Pieds-Noirs dans les années 60 va avoir un impact important sur le paysage. Si les infrastructures traçantes des autoroutes balafrent le territoire, l’édification des tours massives de logements collectifs s’inscrit quant à elle dans la grille cadastrale héritée du terroir Marseillais. Une parcelle bastidaire acquise par la ville devient donc une unité foncière d’aménagement. Ces termes font écho aux unités foncières d’intervention développées par Claude Prelorenzo dans sa thèse citée plus avant. Elles évoquent plus largement, le fait de la structuration du péri-ubain de Marseille, en lien avec le système des bastides historiques. À La Viste, ce raisonnement prend du sens lorsqu’on observe les cartes, et photos satellites anciennes. On observe que les deux cités, de La Providence et le 38 de la Viste, s’inscrivent dans l’enceinte de deux “bastides” (maisons de campagne). Ces deux parcelles ont été fragmentées pour servir la construction des tours de l’architecte Candilis en 1959.

Photographie prise depuis l’avenue de la Viste. Au premier plan le muret qui borde le chemin rural qui descend dans le quartier italien. En arrière plan les tours de logements collectifs du 38 de La Viste


82 3 SÉDIMENTATION URBAINE, CONSTRUCTION SOCIALE

Évolution du tissu urbain dans l’emprise de deux parcelles bastidaires

Parcelles bastidaires Murs en limite

État urbain autour de 1930 Noyau villageois

État urbain autour de 1960

État actuel

Grands ensembles

Bastides

On peut encore lire aujourd’hui la présence des deux bâtiments, les deux bastides autour desquelles se déployaient les domaines : l’établissement scolaire Notre-Dame de la Viste (toujours en activités) et une villa délabrée, séparée en appartements. Les limites de ces domaines, enclos par des murets, sont encore en partie visibles. Les murets en périphérie de ce nouveau quartier, n’ont pas été détruits, mais s’effondrent à mesure du temps. Ils participent bien

Tissu pavillonnaire Résidences

pourtant d’une sédimentation urbaine et méritent d’être conservés. À l’échelle locale, la trace bastidaire a accompagné les transformations, néanmoins violentes, de l’espace urbain pour être celui que l’on peut lire aujourd’hui, mais à l’échelle globale et dans la construction du système bastidaire, cette lecture de l’espace a été niée.


A. DES BASTIDES AUX GRANDS ENSEMBLES, UNITÉ FONCIÈRE

iv- Répartition humaine Les arrivées se sont succédées à La Viste depuis le XIXème siècle. Tout comme l’on parle de sédimentation urbaine, on peut aussi parler de sédimentation des populations. En effet, à la suite des riches propriétaires industriels provençaux qui étaient peut-être bien les premiers à s’installer sur ces terres, sont ensuite arrivés les Italiens, puis les Arméniens, les Pieds-Noirs et pour finir des ressortissants maghrébins. Leurs répartitions dans le quartier, même si elles peuvent sembler floues, suivent tout de même une logique. De la parole des habitants, il m’est expliqué que chaque individu se disperse suivant des regroupements communautaires. Ces regroupements suivent la morphologie du quartier, figent les ruptures du passé. Les murets qui délimitaient les domaines des bastides assument encore aujourd’hui le rôle de barrière, de clôture. Là où ils ne sont pas, ce sont les habitants eux-mêmes qui marquent les limites. Ici un mur de parpaing, enjambé par une échelle pour quand même assurer un point de passage. Datation des formes urbaines du quartier de La Viste Av. XIXème siècle Noyau villageois XIXème siècle Tissu habité rural XXème siècle Tissu pavillonnaire ouvrier Grands ensembles

Fin XXème début XXIème siècle Tissu pavillonnaire Résidences Autres informations Bâtis industriel, commercial et de services. Espaces végétalisés publics Espaces végétalisés privés

N 0

200

400m


84 3 SÉDIMENTATION URBAINE, CONSTRUCTION SOCIALE

1850

22 19

17

19

19

18

14

70

Liens entre flux migratoires à Marseille et formes urbains du quartier

1900

Crise agraire majeure en Italie 195 258

Génocide arménien 586 341


76 19

62 19

57 19

46 19

2000

1950 Libre circulation des colonies au Maghreb Rapatriement des pieds-noirs 908 600

863 310

L’arrivée successive de ces nouvelles populations dans le quartier ont parfois entrainé des logiques de fermetures entre les différentes formes urbaines qui composent le quartier.

Formes récentes

Ouverture en 1996 du Centre Commercial Grand Littoral. La concentration de cette infrastructure s’est accompagnée de programmes immobiliers aux abords . Des pavillons et des résidences ont été édifiés.


86

Ce principe de fermeture n’est pas un fait nouveau et relève d’une forme d’héritage. La fragmentation sociospatiale visible entre le nord de Marseille (populaire) et le sud (bourgeois), peut se lire plus finement dans le tissu marseillais. Par exemple, les populations italiennes, premières arrivées, plus inscrites dans la vie locale, vont se créer une sorte d’enclave pour se “protéger” des nouveaux arrivants. La croissance urbaine du XIXe et XXe siècle, très brutale, ne va pas enrayer ces logiques sécuritaires. On retrouve trois types de barrières, les murets des domaines bastidaires, les murs en parpaings et les grillages verts. Ces infrastructures répondent à des époques urbaines différentes, mais relèvent toutes de moyens efficaces et rapides pour traiter les entre-deux.

Photographie prise dans le cimetière des Aygalades. Ici une voie d’accès pour le Boulevard des Créneaux condamnée par un mur de parpaings. Une échelle le surmonte.


A. DES BASTIDES AUX GRANDS ENSEMBLES, UNITÉ FONCIÈRE

Photographie prise Allée du plein Midi. Un passage bloqué par un nouveau mur de parpaings. Ce passage est un point d’accès vers un parking qui donne sur la cité du 38 de La Viste.


88 3 SÉDIMENTATION URBAINE, CONSTRUCTION SOCIALE

À partir du XVIIème siècle, la trame urbaine de ce qui deviendra les quartiers Nord se construit. Les bastides se répartissent l’espace, les vastes domaines sont délimités par des murets. Un territoire organisé, qui se traversait, qui s’arpentait et qui se vivait. Ce système de domaines clos commence son déclin dès la Seconde Guerre Mondiale. Quelques unes de ces bâtisses sont détruites, l’ordre est chahuté. L’arrivée de l’A7 accentue cette déprise. Mise à la vente, les parcelles servent d’unités foncières à la construction des grands ensembles destinés à reloger les nouveaux arrivants, Pieds-Noirs ou migrants en provenance des pays du Maghreb. Ce territoire devient celui de la voiture. La structure du territoire, autrefois marquée par un parcellaire agricole où s’alternaient des cordons boisés, est aujourd’hui définie par les surfaces minérales des dalles d’enrobé autour des tours d’habitation. Néanmoins ce passé reste visible en certains points, il signale les entre-deux, les points de rupture et parfois aussi le lieu de passage. Il a aussi servi de support cadastral pour la construction des différents quartiers, il en a parfois créé la séparation.


B. STRUCTURE FAITE DE DÉLAISSÉS, RÉSIDUS DE CAMPAGNES i- Interstices, trâmes informelles Photographie extraite du projet : Marseille, ville sauvage réalisée par Geoffroy Mathieu. Ce cliché a été pris depuis l’Avenue de la Viste. Il montre un délaissé qui se trouve entre la cité du 38 de La Viste et le quartier dit «Italiens». Cette parcelle est la propriétée du bailleur social de la cité, Erilia.

Ces limites héritées de la construction morphologique du quartier varient dans leurs épaisseurs. Elles vont du passage fin et étroit, à des friches de tailles importantes. L’ensemble de ces interstices constituent un réseau, une sorte de trame. Chacun de ces entre-deux relèvent, d’une histoire différente, des échos du passé aux déprises plus contemporaines. Le tissu péri urbain de Marseille est lâche dans sa construction. Les vides sont parfois aussi nombreux que les pleins, ils assurent des ouvertures, des respirations. Malheureusement, souvent sous exploités et peu reconnus comme tels, ils ne contribuent pas à créer un équilibre avec la rudesse urbaine de ces quartiers.

En effet l’espace urbain est violent dans sa construction, des formes urgentes, des juxtapositions contraintes, le quartier manque de liant. Certes, on peut parler de sédimentation, et ce terme pourrait renvoyer à un vocable positif, mais il faut aussi noter la confrontation des formes. Cette confrontation peut s’apprécier dans son esthétique brutale. Néanmoins, ce paysage du quotidien est un territoire difficile à la pratique piétonne.


90 3 SÉDIMENTATION URBAINE, CONSTRUCTION SOCIALE

ii- Résidus

Carte de la trame végétale

Dans cet agglomérat, il existe donc un trame d’espaces délaissés. Les vides, abandonnés, sont devenues le support de développement d’une végétation spontanée et nouvelle. Il y a également des résidus hérités du passé agricole qui accompagnaient la construction des premières bastides. Ces résidus sont néanmoins la preuve d’une compréhension entendue d’un climat et d’un relief. Sur le quartier de La Viste, les expositions varient, le rapport à l’eau également. On a d’un côté sur la façade Est, une exposition au soleil légèrement moins importante que sur le coteau ouest. Ce dernier face à la mer Méditerranée, est soumis certainement à quelques embruns lorsque le vent vient de l’ouest. Pour revenir à la façade est, elle est également liée à l’eau, mais cette fois au ruisseau des Aygalades. De manière générale, le sol a été fortement remanié, il ne résulte pas d’une accumulation de matière organique très ancienne.

Pinède

Vestiges de terrasses Espaces verts

Prairies sèches

Ces différences ont un impact sur la végétation encline à pousser dans ces lieux. Friche des Crénaux

Pinède Ripisylve

Prairie sèche Espaces verts Vestiges de terrasses Friche des Créneaux Ripisylve

N 0

200

400m


B.STRUCTURE FAITE DE DÉLAISSÉS, RÉSIDUS DE CAMPAGNES

Pinède

Prairies sèches

Après avoir passé la dalle sur laquelle le quartier de La Viste est construit, la pinède ne comprend que, quelques pins d’Alep (Pinus halepensis) sur le flanc de coteau (ouest). Une partie d’entre eux a cependant brûlée l’été dernier. Ces pins sont les résidus de boisement qui existaient jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale. Ils étaient collés au quartier sur la frange nord-ouest, où se trouvait le Château des Tours (propriété du marquis de Foresta). Sur une place proche du centre du quartier de La Viste (de ce même côté), il y un chêne vert (Quercus ilex) isolé, presque majestueux, il marque un point d’ombre, marquant aussi le passage entre coteau et plateau. Les Pinus halepensis, fortement abîmés, sont accompagnés de tamaris (Tamarix gallica), ayant eux aussi subi le feu à répétition. Cette façade est fortement exposée aux sécheresses l’été.

Sur le même coteau que la pinède mais un peu en contrebas.En miroir des vestiges des terrasses, c’est à dire sur une large bande qui s’étire sur presque tout le quartier du nord au sud se trouve une prairie sèche, celle-ci pousse sur le relief artificiel au dessus la tuilerie Monier. Cette prairie est composée majoritairement de fenouil commun (Foeniculum vulgare), fausse roquette (Diplotaxis ericoides) et de Pied-de-coq (Lotus hirsutus). Elle est très rase et fait l’objet de cueillette par des glaneurs solitaires. Sans protections aériennes cette nappe est sèche durant l’été. Germandrée faux petit pin (Teucrium pseudochamaepitys), grenadier (Punica granatum), arroche halime (Atriplex halimus), bette maritime (Betta vulgaris maritima), scabieuse (Scabiosa), alysson maritime (Lobularia Maritima)

Lumière

Ombre

Lumière

Humidité Atmosphérique

Sec

Température

Froid

Continentalité

Marin

Chaud Continental

Nutriments

Pauvre

Riche

Lumière

Ombre

Lumière

Humidité Atmosphérique

Sec

Température

Froid

Continentalité

Marin

Nutriments

Pauvre

Humide

Humide Chaud

Continental Riche


92 3 SÉDIMENTATION URBAINE, CONSTRUCTION SOCIALE

Espèces verts

Vestiges de terrasses

Dans la structure de la Cité du 38 de La Viste, et de La Providence, on trouve une série d’espaces verts principalement des espaces enherbés. Pour des modalités d’entretien simple, presque rien n’a été planté. Une surface non-négligeable. En plus de ces espaces verts dans la cité, il y a un jardin municipal, lui aussi presque exclusivement enherbé, coupés à ras. Les seuls végétaux qui accompagnent ces pelouses tondues courtes sont des lauriers-cerises (Prunus laurocerasus). On note cependant sur ces étendues vertes la présence d’étendoirs à linge. Les espaces verts constituent donc une pièce supplémentaire à l’extérieur des appartements. Lorsque les températures remontent, le soleil et le vent assurent le séchage du linge. Ces espaces peuvent aussi servir d’aires de jeux pour les plus jeunes.

Au dessus de la friche et sur une large bande, de presque la taille du quartier (dans sa longueur), se trouve des “vestiges” de terrasses. Cette hypothèse est permise par l’agencement en niveau du coteau. On trouve quelques amandiers (Prunus dulcis), des ronciers, et toujours des arbousiers (Arbutus unedo). En dessous des arbres, arbustes, une strate basse, dans laquelle on trouve des graminées. Il semble que cet espace serve de passage, sa structure ancienne forte, en fait pour le quartier et ses différentes entités, un lieu structurant dans les déplacements. Entouré de grillage qui bloque le passage, son niveau de fréquentation est de plus en plus faible. La présence de ronciers peut-être l’indice d’un futur possible enfrichement de cette bande.

Lumière

Ombre

Lumière

Humidité Atmosphérique

Sec

Température

Froid

Continentalité

Marin

Chaud Continental

Nutriments

Pauvre

Riche

Lumière

Ombre

Lumière

Humidité Atmosphérique

Sec

Température

Froid

Continentalité

Marin

Nutriments

Pauvre

Humide

Humide Chaud

Continental Riche


Friches des Créneaux

Ripisylve

Sur l’ancienne cité des Créneaux, en contrebas de la cité de La Viste, il existe aujourd’hui une friche. Au milieu de cette friche est encore visible l’allée goudronnée qui permettait de desservir les quatre tours. Il y a un pin d’Alep (Pinus halepensis), seul, au milieu d’une végétation qui ne dépasse que rarement les 1 mètre de haut. Dans cette strate on trouve du genevier cade (Juniperus oxycedrus), quelques fenouils commun (Foeniculum vulgare), et un ensemble de graminées, qui à l’été prend une teinte jaune, à cause du climat. Lorsque l’on remonte un peu le côteau, on peut voir quelques arbousiers (Arbutus unedo) ainsi que des robiniers (Robinia pseudoacacia), en nombre faible. La végétation progressivement, reprend le pas sur les traces laissées du passage de l’Homme.

Les berges du ruisseau des Aygalades, très encaissée, présente une végétation de bord de cours d’eau. Il y a quelques specimens d’acanthes (Acanthus Mollis), des arbres de Judée (Cercis Sillicastrum), des figuiers (Ficus Carica) isolés, proches des anciens bâtis. On peut également trouver des saules Marsaults (Salix Caprea). La végétation assure un recouvrement presque annuel des berges. De plus, laissé à l’abandon pendant plusieurs années, les abords du ruisseau se sont fortement enfrichés. Néanmoins la reprise progressive d’une partie de ces berges par l’APCAR (Association pour la Cité des Arts de la Rue) a permis de retrouver des accès le long de l’eau. Un ancien alignement de platanes (Platanus Acerifolia) atteste de l’utilisation passé des berges du cours d’eau.

Lumière

Ombre

Lumière

Humidité Atmosphérique

Sec

Température

Froid

Continentalité

Marin

Chaud Continental

Nutriments

Pauvre

Riche

Lumière

Ombre

Lumière

Humidité Atmosphérique

Sec

Température

Froid

Continentalité

Marin

Nutriments

Pauvre

Humide

Humide Chaud

Continental Riche


94 3 SÉDIMENTATION URBAINE, CONSTRUCTION SOCIALE

iii- Espaces fragiles

Carte de l’entretien des espaces végatalisés

Les “territoires en réserve”1 peuvent constituer une armature forte du paysage, si ces territoires de réserve sont considérés, compris, et valorisés. Or ils sont rarement compris comme un tout, relèvent souvent d’une analyse de site à l’échelle uniquement du lieu et de son environnement proche. En ce sens il est difficile de comprendre l’intérêt que présentent ces réservoirs. Cette vision a un poids sur la pérennité de ces délaissés. Individualisés, détachés d’un contexte plus général, et surtout au contact de l’urbain, il est facile pour certains de ces espaces de ne plus être lisibles, malgré la richesse des fragments existants. Alors dénués de cette lecture, et compris comme abandonnés, ces talus, friches, jardins municipaux, berges, absorbent des usages informels, parfois riches de la liberté qu’ils offrent, mais parfois dévastateurs pour l’écologie de ces espaces. Cela peut aller du terrain de jeux pour les plus jeunes à la décharge sauvage pour d’autres. La dégradation matérielle de l’espace fait écho, à la perception dégradée du paysage quotidien des habitants de ces quartiers. Il semble en effet que la démission des pouvoirs publics pour la valorisation de ces espaces, autorise de fait, une utilisation autre de ces lieux.

1. « Marseille, ville sauvage » : plaidoyer d’écologie urbaine dans une ville populaire, Frédéric Barbe

N

1 : 20 000

Espaces non-entretenus Espaces légèrement entretenus


B.STRUCTURE FAITE DE DÉLAISSÉS, RÉSIDUS DE CAMPAGNES

iv- Entre-deux On comprend alors que ces interstices, fait d’un “déruralisme”2, de la déprise progressive de l’industrie, d’un urbanisme d’urgence et d’un désaveu politique, constituent aujourd’hui un vivier d’espaces riches de leur écologie, et de leur situation dans la ville. Néanmoins, non mis en réseau, ces espaces n’ont que peu de valeur dans la constitution des quartiers. Il est intéressant de constater, une approche sans doute hygiéniste d’un urbanisme du XXe siècle lié au développement de l’industrie. Dans des logiques d’assainissement, le ruisseau permettait à la fois, le fonctionnement des usines, mais également le transport des matières polluantes en dehors de Marseille, dans la mer Méditerranée. Cependant, un regard porté sur l’écologie urbaine nous permet de comprendre les conséquences de ces manières de faire, qui ont entravé et détruit l’équilibre de ces milieux compris dans l’aire urbaine de Marseille. Plus que jamais ici, il est primordial de porter un regard conjoint entre planification et écologie, deux mots mis en exergue par l’écologue Philippe Clergeau.

Dynamique de déprise 2. Jacques Le Goff, Pour l’amour des villes, Ed. Textuel, 1997 Campagnes organisées

Construction rapides du Nord de la ville dans les années 60

Déprise industrielle, beaucoup d’entrepôts vides

Abandon progressive des jardins publics de petites tailles

Espace péri-urbain délaissé


96 3 SÉDIMENTATION URBAINE, CONSTRUCTION SOCIALE

De ce tracé, il reste aujourd’hui des interstices. Ces interstices sont présents en nombre, et constituent une trame informelle. Ils sont altérées de par leurs fortes proximité à l’espace de la ville. Selon les expositions et la nature des sols, les milieux diffèrent et présentent des richesses écologiques qui leurs sont propres. Ils sont des espaces transitoires, qui font l’objet d’usages informels, de la décharge domestique, au ramassage de roquette vivace Diplotaxis tenuifolia pour la salade, au circuit de motocross. Ces espaces délaissés, fragiles, sont autant d’opportunités de composer la trame urbaine du quartier de La Viste. Ils ouvrent des possibilités de liaisons avec les quartiers environnants. Dans leurs épaisseurs qui varient et en tant que possible lieux de projets, ils pourront être des points de respiration dans l’espace urbain, accompagner la marche.


C. CRISE INDUSTRIELLE, RENOUVEAU URBAIN i- Industrie de proximité Au début du XIXe siècle, on trouvait dans ce vallon des activités beaucoup plus liées au caractère agricole de ce morceau de terroir. Minoterie et Semoulerie fonctionnaient ici. On notait la présence d’un moulin. C’est à la fin du XIXe siècle qu’on note l’arrivée des premières industries dans ce secteur de la ville. Alusuisse par exemple, mais aussi l’Huilerie Savonnerie L’Abeille, et enfin plus tard la Savonnerie du Midi. C’est la proximité du ruisseau des Aygalades qui influe sur la localisation des usines. Ainsi, c’est véritablement à partir du XXème siècle l’industrie se durcit : les plus grosses machines sont l’usine de production d’alumine Alusuisse, et plus au sud que le quartier de la Viste, Saint-Louis Sucre. L’espace urbain de Marseille étant étalé, le tissu industriel et le tissu habité ont souvent cohabité. On observe une situation similaire dans la vallée de l’Huveaune, à l’est dans Marseille. Ces présences, comme celle des Tuileries Briqueteries Monier, en contrebas du coteau ouest de La Viste, ont fortement impacté le paysage social de ce territoire. Aujourd’hui ce paysage industriel, tenu par des grosses entités s’est disloqué. Il subsiste alors des petites structures, qui gardent néanmoins en prise une partie du foncier proche des berges du ruisseau. Il reste aussi le groupe Lafarge présent à la source du ruisseau.

Les présences de la Savonnerie la Corvette, et de la Tuilerie Briqueterie Monier ne pose que peu de problèmes, au contraire, elles sont la marque d’une adaptation constante au contexte urbain. Carte des activités actuelles

MIF68

Tuilerie Monier

Savonnerie du Midi Dachser Marseille

Les compagnons du véhicule Casse

Carrosserie St-Louis Cité des Arts de la Rue Transports rapides

Déchetterie de Aygalades

Sogetrans

Société de transports

N

0

Activités

200

400m Activités à capacités de mutation


98 3 SÉDIMENTATION URBAINE, CONSTRUCTION SOCIALE

ii- Renouveau Depuis les années 1970, et la fin des échanges liés aux anciennes colonies, la façade Nord de Marseille est perturbée dans son fonctionnement. Une grande partie de son activité est déplacée à Fos-Sur-Mer. Le patrimoine bâti industriel au porte du centre ville qui prend de la place doit faire l’objet d’un renouvellement. 1 Rapport de la mission DATAR sur les 1989 enjeux que présente la rénovation du centre ville de Marseille. 2 Signature d’un protocole entre la ville et 1992 l’État. Protocole qui autorise l’intervention de l’État et la mise en place d’une mission de préfiguration 1995 Euroméditerranée devient Opération d’Intérêt National (OIN). L’État est la maitrise d’ouvrage théorique et le principal financeur, à hauteur de la moitié de l’investissement total. 3 Le projet Euroméditerranée est intégré 1997 dans le zonage «objectif 2» de l’Union Européenne (politique structurelle de l’Europe). L’UE devient alors un partenaire financier. L’EPAEM s’appuie sur un co-financement public/privé. Les aménageurs deviennent partie prenante du projet. 4 L’EPAEM fait toujours débat à Marseille. 2019 Beaucoup de chiffres, et de populations déplacées. Il s’agit presque du seule EPA qui fait projet dans un tissu urbain déjà existant, ce qui rend sa mise en place complexe.

1 Activité du port de Marseille en baisse depuis 30 ans

Rapport sur la situation

DATAR

L’État impose un projet plus ambitieux

État

Discussion pour la création d’un EPA

2

État Création de l’EPAEM

Prise de conscience des élus locaux

Euroméditerranée 3

Euroméditerranée

Par ordre d’apparition : Robert Vigouroux (maire de Marseille entre 1986 et 1995) Hugues Parant, directeur général d’Euroméditerranée Laure-Agnès Caradec, président d’Euroméditerranée

480 ha de territoire 200 000 m2 d’équipements publics 37 000 emplois 40 ha d’espaces verts et publics 1 000 000 m2 de bureaux et d’activités 5 300 entreprises 40 000 habitants 200 000 m2 commerces 18 000 logements neufs 7 000 logements réabilités


C. CRISE INDUSTRIEL, RENOUVEAU URBAIN

Euroméditerranée, une avancée progressive

Légendes Euroméditerranée 1 310 hectares 10 000 nouveaux hab. 37 000 nouveaux emplois

La Viste 15ème arrondissement

Périmètre Euroméditerranée 2

Périmètre Euroméditerranée 2

0

1

2km

170 hectares 30 000 nouveaux hab. 20 000 nouveaux emplois 7 milliards d’euros sur une superficie de 480 hectares

2,5 km

N

Euroméditerranée 2

Photographie prise au départ de l’Avenue Roger Salengro. Les travaux de la première phase d’Euroméditerranée


100 3 SÉDIMENTATION URBAINE, CONSTRUCTION SOCIALE

iii- Urbanisme de plein Le projet Euroméditerranée avance progressivement vers les quartiers Nord de Marseille. Un urbanisme standardisé qui propose néanmoins des logements plus décents qu’une bonne partie de ceux présents actuellement dans le centre de la ville. Un changement nécessaire qui arrive semble-t-il trop tard et dont les logiques d’aménagement sont difficilement proches des réalités sociales des quartiers dans lesquelles les interventions se font. En effet, une action proposée sur des territoires comptant parmi les plus pauvres de France. Des quartiers qui ont vu se fédérer bon nombre de leurs habitants pour tenter de faire porter leurs intérêts en matière de droit à la ville. Malheureusement cet urbanisme coercitif1 laisse peu de place à la sensibilité de ces aménageurs, c’est ce que développe Marie Beschon dans sa thèse Euroméditerranée ou la ville de papier - éthnographie du monde des aménageurs, 2019. Dans son travail, elle met en avant le processus de l’établissement public d’aménagement dont l’expression sensible est évincée au profit de logique économique d’une autre échelle. Marseille doit grandir, rayonner, et ce même si elle relègue une partie de son terreau social ailleurs.

Euroméditerranée 3 n’est pas annoncé que certains parlent déjà de la prochaine étape de renouvellement de la ville. Il est évoqué la transformation de la façade maritime Nord, pour attirer une population plus aisée, on parle de marketing de la vue. Ce terme correspond tout à fait à ce que peut proposer spatialement le quartier de La Viste, une vue imprenable sur la rade de Marseille. Pour l’instant rien d’écrit.

1. Silvère Jourdan, Un cas aporétique de gentrification : la ville de Marseille, 2008 Photographie prise devant une friche proche des Docks du Sud. Derrière la ville se remplit.


C. CRISE INDUSTRIEL, RENOUVEAU URBAIN

iv- Urbanisme de pôle, rénovation urbaine Rien d’écrit dans les papiers de l’EPA. Néanmoins le Plan Local d’Urbanisme Intercommunal (PLUI) présente dans Orientations d’Aménagement et de Programmation (OAP à l’échelle de pôle urbain. Par ces OAP, la métropole tente une lecture groupée d’ensembles de quartiers. Ce dessin est essentiel tant les discontinuités sont fortes. Les propositions visent principalement à : - reprendre les mobilités. Le tram est prévu à Saint-André La Castellane. Le terminus se trouvera au niveau du centre commercial Grand Littoral. Les pôles urbains sont faits de pôles de mobilités. - dessiner les nouveaux pôles d’activités tertiaires qui s’inscrivent dans le dessin des Zone Franche Urbaine (ZFU). L’économie a chuté dans ces quartiers, il faut retrouver des sources d’emplois localisées. -organiser la reconversion de certaines zones industrielles, mais également des friches très nombreuses dans le tissu urbain marseillais.

En amont de cette programmation urbaine, de nombreuses cités ont été rénovées dans le cadre du programme de l’Agence Nationale de la Rénovation Urbaine (ANRU). Le quartier prioritaire de La Viste, qui comprend les grands ensembles du 38 de La Viste et La Providence, mais aussi une partie du noyau villageois, a fait l’objet d’une rénovation urbaine qui s’est achevée en

Ces OAP ont ensuite une traduction spatiale, formalisée dans le PLUI (nouveau dessin en date du 30 janvier 2020). La Viste et le quartier voisin des Aygalades ne figurent malheureusement dans aucune de ces opérations.

2018. Une rénovation nécessaire, mais qui n’enraye pas les problèmes majeures spatiaux d’enclavement. Ces problèmes ont une incidence sur la vie des habitants. La vision à l’échelle de pôle est donc essentielle.

L’ANRU à La Viste Les actions Réhabilitation des deux grands ensembles (La Providence, le 38) Réhabilitaion du groupe scolaire de La Viste Requalification des rues Douriant, Esseiro et de la Largade Réamènagement des abords du Centre Social Création d’un nouveau terrain de sport

Le coût

€ 42,8M, accordé par les signataires de la convention avec l’ANRU en 2005. À presque 70%, c’est le bailleur Erilia qui est le plus donateur.

correspond à la somme des investissements privés aux abords € 31M, du quartier. Données issues de la fiche de projet de La Viste sur le site Marseille Rénovation Urbaine


102 3 SÉDIMENTATION URBAINE, CONSTRUCTION SOCIALE

L’industrie a été le moteur de l’urbanisation de ces quartiers, elle est également inscrite dans la trame urbaine. Depuis les années 1970, ce secteur se fragilise, jusqu’à progressivement complètement disparaître. L’EPA Euroméditerranée se propose de repenser ces espaces, de changer le visage de la ville en tout-sens, sa structure physique et sociale. Pour l’instant conditionné au centre ville de Marseille, on peut se poser la question du devenir des quartiers populaires proches. La métropole incite à repenser ces espaces en “pôle urbain”, La Viste n’est incluse dans aucun d’entres eux. Par le biais du programme de l’ANRU, la Politique de la Ville a permis la rénovation de certaines des cités de la ville. Les échelles de “pôles urbains” proposées par la Métropole Aix-Marseille-Provence constituent une opportunitée pour reprendre les dynamiques de déplacement entre les quartiers. Elle permet d’envisager la mise en commun de certaines ressources, culturelles, éducatives à l’échelle d’un territoire.


D. ROMANTISATION DES QUARTIERS NORD, INITIATIVES LOCALES i- Nouveau regard Longtemps fustigés par les médias, et regardés de travers par les politiques locaux, les quartiers Nord font l’objet d’un nouvel intérêt. Depuis l’année 2013, année durant laquelle Marseille fut reine de la Culture en Europe, des militants associatifs d’un nouveau genre s’activent sur ce terrain. L’une des actions fut le tracé d’un chemin de Grande Randonnée (GR) à l’échelle de la Métropole Aix-Marseille-Provence. C’est le premier mondial à explorer l’espace périurbain. Son tracé passe dans le quartier de La Viste, il longe le centre commercial Grand Littoral pour finir dans le Parc Brégante. Alors que le territoire pour certains ne présentait aucun intérêt, on cherche maintenant à y construire un patrimoine commun, une sorte de construction mentale. En 2009, certainement dans les moments de préparation de Marseille Capitale Européenne de la Culture (MP2013), sont testés des chambres d’hôtes à l’initiative de la coopérative habitantes Hotel du Nord. Michèle Jolé, parle de revaloriser les quartiers populaires trop souvent stigmatisés dans son article1. On parle alors de “défi”, et de “contact avec l’habitant”.

s’agir que d’excursions exploratrices ne servant qu’à un seul des partis, le visiteur et non le visité. La valorisation de ces quartiers passent avant tout par une action publique sur l’espace, les mobilités.

C’est la culture plus précisément l’échange culturel qui sert de moteur. Attention néanmoins à ne pas tomber dans le voyeurisme. Si le point de contact ne se fait pas avec la population locale, il ne pourrait

“la culture est désormais une force productive et la ville imaginée, celle des légendes et des mythes, devient une pièce maîtresse de ce réenchantement, lorsque les rapports de forces deviennent aussi des rapports de sens.” 2

Tracé du GR2013 aux abords de La Viste

Tracé du GR2013

N

0

100 200m

1. Jolé, Hôtel du Nord. La construction d’un patrimoine commun dans les quartiers nord de Marseille, 2012

2. Jaquet, 2014, extrait de Sociologie de Marseille, Michel Peraldi, Éd. La découverte, 2015


104 3 SÉDIMENTATION URBAINE, CONSTRUCTION SOCIALE

ii- Multiplicité des acteurs engagés Dans le cadre des “quartiers créatifs” toujours à l’occasion de MP2013, l’Institut de Recherche en Design Civic City est missionné pour travailler sur plusieurs projets dans les quartiers Nord, et plus spécifiquement autour du quartier des Aygalades et celui de La Viste. Leur réflexion commence en 2011 avec une analyse historique des quartiers. Par la suite et au contact de la population, ils comprennent l’importance de travailler à de nouvelles circulations. Des circulations qui doivent lier les deux quartiers cités plus tôt : des prototypes d’escaliers sont réalisés, un belvédère est construit. La promesse d’une enveloppe budgétaire pour aller au bout du projet est faite. Finalement, les prototypes disparaissent, le belvédère aussi et l’argent également. Une déconvenue pour tout le monde. Un groupe d’habitants du quartier de La Viste sur le belvédère, conçut par les étudiants du projet Civic City. L’installation est restée trois jours, elle a ensuite été reprise et n’a jamais été réinstallée.

Sur le coteau de l’autre côté de la dalle une autre histoire se raconte. Le groupe financier Résiliance a acheté en 2015 les pentes qui se trouvent entre le centre commercial et le Parc Brégante. Résiliance est un groupe financier, à la fois promoteur et investisseur, et réalise des projets immobiliers à dominante tertiaire sur le territoire de la Métropole d’Aix Marseille (site internet du groupe). De la rencontre de ce groupe avec les collectifs Yes We Camp, la coopérative habitante Hotel du Nord et le bureau des guides GR2013 naît la volonté de dédier un site de 16 hectares à l’expérimentation d’un parc métropolitain. Un accord est signé pour 8 ans. Le processus expérimental est long, l’ambition d’un parc métropolitain a encore aujourd’hui, 5 ans après, du mal à se lire. L’objectif pour le collectif Yes We Camp est d’obtenir le rachat d’une parcelle par un collectif habitant afin de pérenniser leur action et continuer le travail au delà des 8 années convenues. Des acteurs ponctuels Intervention à partir de 2011, le projet s’est ensuite arrêté. Imke Plinta (enseignante) continue de venir animer des présentations du projet à la Cité des Arts de la rue

Civic City

Yes We Camp

Installé sur les pentes de Foresta pour 8 ans pour expérimenter la création d’un parc métropolitain. Léa Ortelli se bat pour pérenniser l’action du collectif


D. ROMANTISATION DES QUARTIERS NORD, INITIATIVES LOCALES

Des acteurs permanents Les membres de la Cité des Arts de la rue sont installés à proximité de La Viste depuis 2013. Aude Vandenbrouck collabore avec le centre social pour se lier aux habitants

La Cité des Arts de la rue

Le bureau des guides GR2013 organise des balades urbaines autour du chemin de grande randonnée.

Le collectif nait de la rencontre entre plusieurs acteurs de terrain. L’objectif est de porter l’urgence écologique concernant l’état du ruisseau des Aygalades.

Bureau des guides GR2013 Gammares Collectif

Dans chacun des cas, la population semble lassée, non pas des initiatives tentaient par ces intervenants extérieurs, mais bien par le manque de suite de ces projets. Dans chacun des deux exemples précédents, le relais privilégié pour aller au contact de la demande habitante fut le Centre Social Del Rio, le centre social du quartier. Il est lui même moteur pour améliorer la situation des habitants qui habitent La Viste.

Centre Social Del Rio C’est une association d’habitants fédérés autour de leur quartier qui est l’origine du centre social. Sebastien Del Rio était à la tête de celle-ci. En 1979, l’association obtient l’accréditation pour devenir le centre social de La Viste. Les finalités : L’inclusion sociale et la socialisation des personnes Le développement des liens sociaux et la cohésion sociale sur les territoires La prise de responsabilité des usagers.

Mounir Ghares Directeur du Centre Social


106 3 SÉDIMENTATION URBAINE, CONSTRUCTION SOCIALE

iii- Portage local Le centre social en 2011 a sollicité la société Arènes pour les accompagner dans la reprise d’un ancien jardin aménagé laissé à l’abandon. Après de multiples concertations et la conception du projet avec la participation du collectif ETC, les jardins partagés du Belvédère sont inaugurés en 2013. Dans un premier temps c’est le centre social qui se porte garant du fonctionnement administratif des parcelles. Puis il assiste la création d’une association indépendante pour la gestion de cet espace potager. Plus récemment, un membre stagiaire du centre social, Solkam Tando, dans la continuité des travaux amorcés jusque là, a proposé la mise en place d’un cheminement. Le projet des “4 chemins” dessine une traversée du quartier de La Viste qui vise à relier les différentes entités associatives présentes.

À ce jour, la mairie de Marseille n’a jamais recensé de telle initiative sur son secteur. Le travail établi par le centre social est d’envergure. Les employés multiplient leurs prises de connaissances pour répondre aux problématiques d’enclavement que connaît le quartier. Ce travail se fait en réponse la non-présence de projets structurants de l’espace urbain dans ce secteur. La mise en réseau des différents acteurs est faite. Le relais auprès des institutions doit être fait dans les prochains mois. Le projet se limite à ce jour à un axe de circulation allant d’est-ouest. Il s’accroche sur des emprises communales, de ce fait le trajet est très linéaire et manque certainement d’épaisseur.

Solkam Tando Stagiaire du Centre Social

Transect du parcours du projet des 4 chemins Ouest 1

Est 2

Pente de Foresta échelle 1:10 000

3

Boulevard d’Hanoï

4

Avenue de la Viste

Cité de la Viste

5

6

Pente des Créneaux

7

Rue Augustin Roux

8

Cascade Ruiseaue Cité dese des Arts de Aygalades la rue


D. ROMANTISATION DES QUARTIERS NORD, INITIATIVES LOCALES

Parcours du projet des 4 chemins Vers Grand Littoral

1

Cartographie réalisée pour Solkam Tando pour la présentation du projet qu’il porte avec le centre social.

Piste formation routière

Foresta

Cité du 38 de la Viste

3

2

4

Jardin du Belvédère

5

Belvédère des étendoirs

Centre Social Del Rio

Friche des Créneaux

6

Cascade des Aygalades

7 Vers les Aygalades

N

0

100

200m

Au même titre que certaines interventions, ce genre de projet structurant devrait bénéficier de moyens financiers importants. Il n’en est rien, alors le centre social porte ce projet auprès de la Politique de la Ville et la Mairie de Marseille pour obtenir des subventions qui ne seront certainement pas à la hauteur des enjeux spatiaux et sociaux dans les quartiers Nord.

Cité des Arts de la rue

8


108 3 SÉDIMENTATION URBAINE, CONSTRUCTION SOCIALE

iv- L’espace de dialogue Délaissés par les institutions, les habitants de cette partie de la ville accompagnés de militants associatifs n’ont jamais manqué d’imagination pour trouver des solutions. Néanmoins, il semble que l’impulsion culturelle de 2013 est marquée un tournant majeur dans la volonté de changer les représentation des quartiers Nord. Ces approches visent par des regards extérieurs, à voir le pittoresque, apprécier les formes du patrimoine, trouver de la richesse dans la misère. À minima cette romantisation1 enchante le quotidien de certains habitants et riverains le temps d’événements. Il ne faut pas que cette vitrine cache l’inaction caractérisée en matière de transformation de l’espace des élus de la ville depuis quelques décennies. À La Viste, ce geste a fait germer chez les travailleurs sociaux du centre social des élans de motivation pour aller au bout de certaines promesses faites. Méticuleusement, Solkam Tando a repris le travail réalisé jusque là pour essayer de mettre en oeuvre concrètement ce qui avait été entrepris. Trouver des solutions pour désenclaver le quartier en prenant en compte les façons de faire de la politique marseillaise.

1. L’habitat populaire urbain entre destruction et patrimonialisation (XVIIème-XXIème siècle), modéré par Brigitte MARIN directrice de l’école française de Rome, 2019, la patrimonialisation et la “romantisation”

Cité des Arts de la rue Institution artistique publique qui manque de public habitants le quartier

Habitants du quartier Des habitants qui manquent d’accès à la culture

Ces deux dynamiques, habitantes et politiques culturelles ne s’opposent pas mais demandent l’instauration d’un dialogue, une conversation qui doit satisfaire tous les parties et avant tout les habitants, les usagers. Un dialogue qui ne doit pas se faire sous la contrainte mais qui doit ouvrir l’opportunité de rencontres, de croisements. La patrimonialisation des quartiers Nord ne doit pas être le prétexte de l’oubli de la situation précaire de ces quartiers.


D. ROMANTISATION DES QUARTIERS NORD, INITIATIVES LOCALES

Deux photographies prises lors de la «Faite de la parole». Il s’agit de la fête du quartier de La Viste organisée par le centre social. Cette année l’organisation proposait deux balades urbaines. Une partant du centre social pour aller jusqu’à la Cité des Arts de la rue et une autre qui partait de la Cité des Arts de la rue pour aller au niveau du projet de parc métropolitain. Dans le premier cas, les habitants du quartier étaient présents, dans le deuxième une population extérieure au quartier. Cette initiative m’a permis de constater combien il était difficile de lier les parcours.

L’objectif était la rencontre, elle n’a pas eu lieu. Néanmoins si ce genre de tentative ne fonctionne pas il est important de multiplier les points de contact avec les différents lieux culturels, les acteurs extérieurs.


110


L’année 2013 semble avoir conduit à une sorte de prise de conscience d’une situation délicate dans le nord de la ville. Les politiques culturelles permisses par le statut de Capitale Européenne de la Culture ont fait émerger à La Viste, et ailleurs, des dynamiques locales provenant d’acteurs extérieurs mais également des travailleurs sociaux du quartier. Les initiatives qu’ils projettent convergent progressivement. La conversation qui en sera le résultat doit amener à la création de nouveaux projets à l’échelle des enjeux sociaux et spatiaux des quartiers concernés. Cependant, bien que ce dialogue est en train de naître, il faut s’assurer des suites financières possibles accordés par les politiques curieux de ces nouveaux processus.


112

PROJET, DESSIN URBAIN COLLABORATIF


Le pôle urbain que constitue les quartiers de la Viste et des Aygalades n’est pas inscrit dans les OAP de la métropole. Les plans de territoire se concentrent sur la façade littorale avec laquelle la Viste est en contact. Dans ce désert et après les derniers programmes de rénovation urbaine, une pluralité d’associations (Gammares, Sud Side, ApCAR, Centre Social Del Rio etc…) tentent de se coordonner pour faire projet. Une dynamique compliquée à pérenniser. Comment accompagner ces acteurs pour faire projet ?


114 4 PROJET, DESSIN URBAIN COLLABORATIF

A. DÉFINITION D’UN PROJET COMMUN STRUCTURANT POUR LE DÉVELOPPEMENT DU PÔLE URBAIN LA VISTE Il semble bon de rappeler que les quartiers Nord font bel et bien l’objet de projets de rénovation, réhabilitation. Néanmoins ces projets pour la majeure partie, portés par le programme de rénovation urbaine représenté à Marseille par MRU ne permettent pas de résoudre des problèmes de structure urbaine à l’échelle des quartiers Nord, qui souffrent justement de ces scissions spatiales et humaines. La métropole commence à engager un travail à cette échelle en considérant des pôles. La Viste et le quartier voisin des Aygalades ne figure dans aucune de ces OAP (Orientations d’Aménagement et de Programmation, propositions qui découle du SCOT). Les ruptures étant trop fortes on a peut-être voulu éviter certaines maladresses. Et pourtant, comme évoqué dans une partie antérieure, les étudiants de l’institut de recherche en design Civic City, ont travaillé pendant 18 mois (à partir de 2011) sur la notion de lien entre ces deux quartiers. Un regard porté pour partie de coteau à coteau, avec un travail de terrain conséquent pour comprendre au mieux les besoins des habitants. La réponse évoquait déjà des notions de cheminements, qui s’accrochaient à des lieux présentant un intérêt particulier ; un belvédère, une friche, un espace culturel, entre autres. Les acteurs engagés dans ce projet étaient nombreux.

Bien que prolongé après la date prévue initialement, le projet a dû se contenter de la mise en place de prototype éphémère, faute de moyens dégagés par les institutions. Une déconvenue pour tous les acteurs locaux concernés, centre social, habitants, étudiants et intervenants. Une déconvenue certes, mais qui n’entache pas la volonté toujours forte d’avancer ensemble. Volonté grandissante et convaincante, car forte des expériences passés, mieux armé pour mener à bien de nouveaux projets. C’est pourquoi mon projet doit s’organiser autour de cette dynamique, et suivre une progression ascendante, depuis les habitants, aux associations, aux bailleurs sociaux jusqu’aux représentants politiques. Grâce à une première lecture plus formelle et à partir des constats de la situation actuelle, je vais tenter d'expliciter la manière dont j’entends m’y prendre pour appuyer les initiatives déjà en partie existantes.


Partir du constat de la situation actuelle On observe la présence de trois échelles d’intervention et de réflexion dans l’aménagement de la ville. L’échelle de la ville, l’échelle des pôles urbains et l’échelle des quartiers.

L’échelle de la ville est représentée par l’EPA Euroméditerranée qui propose un nouveau dessin d’une partie du centre et de la façade maritime du Nord de Marseille. Elle est financé à 50% par l’État. Son acteur privilégié pour construire le projet est le promoteur qui influence beaucoup sur les décisions et le contenu du projet. La Viste se trouve potentiellement sur l’axe de l’extension progressive des périmètres d’Euroméditerrannée. L’échelle des pôles urbains n’a pas ce genre d’établissement d’aménagement. Cependant la Métropole par le biais de son PLUI doit traduire des OAP qui expriment des souhaits de développement à l’échelle de pôles urbains. Le quartier de La Viste, bien qu’ayant une position fortement liée à d’autres quartiers autour de lui, ne figure pas dans un « pôle urbain ». Sur le plan des OAP seules les pentes ouest sont concernées par le développement de l’agriculture urbaine. Un point néanmoins intéressant. L’échelle du quartier est représentée par MRU (Marseille Rénovation Urbaine) qui a proposé la rénovation du QPV (Quartier Prioritaire de la Ville) de La Viste. Le projet s’est donc intéressé à une zone très précise et a surtout porté à la réhabilitation de routes et la restauration des tours conçues par l’architecte Georges Candilis. Son acteur privilégié, et financeur à presque 60 % est le bailleur social de la cité du 38 de La Viste : Erillia.


116 4 PROJET, DESSIN URBAIN COLLABORATIF

Situation des montages actuels État

Promoteurs

EPA Euroméditerranée

Ville

État Bailleurs sociaux

Marseille Rénovation Urbaine

Quartier

Métropole

Comité de pilotage

Centre Social Del Rio

Les établissements publics d’aménagement ont pour objet de favoriser l’aménagement et le développement durable de territoires présentant un caractère d’intérêt national. L’action d’Euroméditerranée repose en grande partie sur les promoteurs. Ils sont moteurs dans le financement des projets. Ce sont eux qui guident l’aménageur public. Des acteurs souvent étranger à la ville. Le GIP Marseille Rénovation Urbaine coordonne et pilote la mise en œuvre à Marseille d’une politique nationale de rénovation urbaine en zones urbaines sensibles Les acteurs privilégiés de MRU sont les bailleurs sociaux. Ceux présents dans les quartiers d’interventions sont souvent les principaux financeurs des projets. Ils ont souvent une connaissance du terrain. Le Centre Social Del Rio est reconnu pour ses compétences au sein du quartier de La Viste. Il est donc un relais essentiel entre les habitants et le comité de pilotage dont il fait partie. Le comité de pilotage se constitue en maîtrise d’ouvrage, son rôle est de porter une étude sur le pôle urbain et de réalisées ensuite une partie de la conception des projets. Le Centre Social est donc également assistant de cette maîtrise d’ouvrage.


A. DÉFINITION D’UN PROJET COMMUN STRUCTURANT POUR LE DÉVELOPPEMENT DU PÔLE URBAIN LA VISTE

Les leviers On observe la présence d’un grand nombre d’acteurs associatifs, représentants de la demande citoyenne (comme le Centre Social Del Rio), représentants des préoccupations environnemental (le collectif GAMMAR), et des représentants de l’animation du territoire (Cité des Arts de la rue, Yes We Camp). Ces associations commencent à avoir depuis quelques années une lecture du pôle urbain de La Viste. C’est à dire qu’elles saisissent de manière autonome les nécessités de mobilités, de créations de pôles culturels, éducatifs et de développements écologiques à l’échelle du quartier et plus. Depuis quelques temps, on voit émerger un bon nombre d’actions pour faire projet sans forcément se conformer aux appels d’offres classiques. Des opérations qui ne nécessitent pas l’engagement de sommes financières très importante. Une des raisons pour laquelle se soulève ce tissu associatif est la défiance des institutions. Des études ont été faites sur ce territoire, mais les projets n’ont jamais réellement abouti. Les associations se structurent alors pour réaliser elles mêmes certains travaux dans l’espace public. Les politiques depuis longtemps impliqués dans ces systèmes de relégation de certaines compétences tentent d’encourager et d’accompagner ces structures entreprenantes. Ce fut le cas par exemple d’un parc public en place de l’actuel

Jardin Partagé du Belvédère, accompagné dans sa création par le Centre Social Del Rio et financé en partie par les services communaux.

Comment agir ? C’est à partir d’un travail de terrain, et la rencontre d’acteurs que j’en suis arrivé à la proposition suivante. De la volonté d’un stagiaire du Centre Social de relancer une initiative commune autour d’un parcours dans le quartier permettant une traverse Est-Ouest vers le quartier des Aygalades, a déjà été entrepris une première rencontre avec des militants associatifs et représentant institutionnel (Politique de la Ville). Pour répondre au mieux au problème global d’enclavement du quartier de La Viste. Je propose de mettre en place un comité de pilotage de projet à l’échelle du pôle urbain de La Viste. Ce comité de pilotage sera composé de représentants des différentes associations présentes sur ce pôle (dont toutes ont déjà assité à la première réunion évoquée). C’est dans ce comité de pilotage que le paysagiste trouve sa place pour structurer les différents projets portés par les associations, son approche de territoire permettra de porter un regard d’ensemble sur les projets, et tendra à une cohérence générale.


118 4 PROJET, DESSIN URBAIN COLLABORATIF

Centre Social Del Rio

Yes We Camp

Comité de pilotage

Appuyer les initiatives

Hotel du Nord Gammar Bureau des Guides GR2013 Paysagiste ApCar

Compétence pour mener à bien une étude + crédibilité pour mobiliser des fonds

Centre Social Del Rio

demande habitante

Expert d’usage Métropole

Métropole

Représentant institutionnel

Comité de pilotage

Centre Social Del Rio

Dans un premier temps, le comité de pilotage se charge de l’étude du pôle urbain, en tant que maîtrise d’ouvrage. Le Centre Social de par son expertise habitante et son approche territoriale se constitue en assistance à maitrise d’ouvrage (AMO). Le comité sera également à même de faire des demandes de subventions auprès de différents acteurs pour pouvoir financer une partie des projets et ainsi rémunérer les acteurs mobilisés pendant les phases de travail. Des réunions sont organisées avec la métropole, l’acteur privilégié institutionnel (celle-ci aura lieu mi-février 2019). Le but est de ne pas perdre la main sur le projet mais d’avancer conjointement avec les services reconnus compétents en toute transparence. L’étude est ensuite mise en discussion. Le projet est composé de deux étapes : Une première étape, financée par les subventions permettra de contourner la mise en place d’un appel d’offre. Cette étape du projet est celle de la trame, la moins couteuse, elle concerne la plantation d’arbres, et la réalisation de mobilier construit par les associations ayant les compétences. Ce sont les prémices du projet, la matrice. Une deuxième étape concernera des projets plus stratégiques et nécessitant un apport financier plus important. La localisation et la nature de ces projets, décidé durant l’étude, sont repris par la Métropole qui conduit un appel d’offre pour leurs réalisations par des entreprises compétentes.


A. DÉFINITION D’UN PROJET COMMUN STRUCTURANT POUR LE DÉVELOPPEMENT DU PÔLE URBAIN LA VISTE Schéma du montage de mise en place du Comité de pilotage

Union Européenne

État

Région PACA le V il

Comité de pilotage

on Subventi

Groupe financier privé

le Pô

urb

Co

nve

ain

Marseille Rénovation Urbaine Qu

Re

er a r ti

Bailleurs sociaux

Centre Social Del Rio

s

Lien Lien financier

Compétence Financement public Financement privé

on

lai

s

Associations Marseille

lai

Demande

nti

Métropole

Re Relais

CIQ

Bouchesdu-Rhône

La Viste habitants + quartiers environnants


120 4 PROJET, DESSIN URBAIN COLLABORATIF

B. DESSIN DU MAILLAGE

Analyse liée au quotidien des habitants

Les traverses

Ligne B2 Vallon des Tuves

Ce projet de traverse s’appuie sur différentes analyses du quartier : Une analyse liée au quotidien des habitants. Cette analyse se base sur la définition de polarités fortes dans et en dehors du quartier. Savoir ce qui aujourd’hui provoque les mobilités dans ce paysage. Tout cela se formalise soit par la définition très précise d’itinéraires pendulaires, ou bien sur le fait d’usages informels. Une analyse liée à la morphologie urbaine du quartier. Cette analyse a pour objectif de comprendre la manière dont le quartier s’est fabriqué, la compréhension de ce processus permet de trouver les ruptures mais aussi les lieux de liens. C’est un point de départ pour déceler les opportunités de projets dans l’espace urbain. Des opportunités qui sont liées à du foncier public ou des projets déjà amorcés. Une analyse liée l’espace et son épaisseur. La morphologie urbaine regarde surtout les pleins, cette analyse permettra quant à elle de s'intéresser aux vides. Ce sont ces vides qui rendront possible le dessin d’une nouvelle trame. Suivant leurs épaisseurs, ils appuieront le rythme des traverses et soutiendront certains usages parfois déjà existants.

Ligne 30 La Savine

Centre commercial Grand Littoral 35 000 visiteurs quotidien

Centre Social Del Rio

La Viste

Anime la vie locale du quartier

6800 habitants

Les Aygalades 6700 habitants

Ligne 25 Saint-Antoine

Lycée St-Exupéry 3000 lycéens des quartiers Nord

N

0

200

400m

Vers centre ville de Marseille

Arrêt de bus Itinéraire des lignes de bus Axes principaux de circulations piétonnes


Analyse liée à la morphologie urbaine

Analyse liée à l’espace et son épaisseur

Contact rompu avec le coteau au Nord-Est

Ouvertures plus nombreuses à l’Ouest

2

1

3

Volonté de distance avec le coteau

6

4 5

Peu d’alternatifs de parcours au sein de la trame

7

Difficulté de franchissement lié au relief Axes routiers comme support de pacrours

N

0

200

8

Présence d’une zone industrielle

400m

N

0

200

400m

1 Pente Foresta

5 Parc Brégante

2 Chemin des eaux

6 Anciens vergers

Anciens passages fermés

3 Jardin Municipal

7 Friche des Créneaux

Anciens murs bastidaires

4 Espaces verts et

8 Berges du ruisseau

Rupture topographique forte

étendoirs


122 4 PROJET, DESSIN URBAIN COLLABORATIF

Le fruit de ces analyses prend forme dans le tracé de traverses1. Des traverses urbaines pour ouvrir l’espace, rendre l’expérience du quotidien plus confortable, plus riche. Ces traverses se tissent dans l’espace urbain. Il sera néanmoins important de mesurer l’impact de certaines ouvertures entre les différentes formes d’habiter qui composent le quartier. Les ouvertures créées doivent être ponctuelles, les nouveaux seuils de passages doivent être mesurés et adaptés aux lieux qu’ils joignent. Les logiques de fermetures communautaires sont importantes et ne doivent pas être négligées dans cette recomposition du maillage urbain.

Tracé des traverses Passage vers la Gare St.-Antoine

Passage vers Grand Littoral

1 2

1. Chemin, sentier... qui est plus court, plus direct que la route habituelle, ou qui conduit en un lieu où elle ne passe pas.

3

Définition du dictionnaire Larousse

Passage vers le Lycée St-Exupéry

N

1 2 3

0

200

Passager vers les Aygalades

4

5 6

400m

Appuyer le lien entre le quartier et le coteau Dessiner un nouvel espace central dans le quartier Appuyer le lien entre le quartier et le coteau

4 5 6

Nouvelle polarité pour entrer/ sortir du quartier Structurer l’implantation de nouvelle activité Créer un nouveau point de franchissement


B. DESSIN DU MAILLAGE

Suivant les analyses précédentes et le dessin de cette trame, il me semble important de remarquer quatre lieux qui doivent faire l’objet d’un intérêt particulier. Pour rendre plausible ce projet et appuyer la faisabilité réelle de ces projets, j’ai d’abord regardé le cadastre, afin de déterminer, au vu des différentes analyses précédentes, des parcelles susceptibles d’être le support de ces projets. Soit parce qu’elles appartiennent à un propriétaire public (la ville, ou la métropole) ou parce que dans l’espace privé, elles ne sont plus utilisés, ou présente un usage qui manque de cohérence avec le contexte dans lequel elles se trouvent.

Carte des sites d’études Passage vers la Gare St.-Antoine

Passage vers Grand Littoral Site n°1 Verger de Foresta

Site n°3 Les Créneaux

Site n°2 Les Étendoirs

Passager vers les Aygalades

Passage vers le Lycée St-Exupéry

N

0

200

400m

Site n°4 Le parc des Aygalades

Site n°1 Verger de Foresta

Site n°3 Les Créneaux

Site n°2 Les étendoirs

Site n°4 Le Parc des Aygalades


124 4 PROJET, DESSIN URBAIN COLLABORATIF

Site n°1 Verger de Foresta

2

3

1

Les vergers de Foresta 16 930 m2 Ce site a une place importante, il fait la transition entre le quartier habité de La Viste, le Lycée de La Viste, les pentes de Foresta et le centre commercial Grand Littoral. Un espace qui semble marquer ce seuil entre plusieurs entités, un grand chêne vert isolé appuie cette lecture. En contrebas de cette “place” les pentes de Foresta. C’est sur ces pentes que le regard se pose lorsqu’on arrive ou sort de Marseille en TGV. Aujourd’hui elles sont nues, usée par les départs de feux réguliers liés à la proximité urbaine. Auparavant, des strates de végétation haute habillaient ce coteau. Ici je propose de conforter ce seuil par la construction d’une place en balcon, elle fera la transition entre l’espace habité et les pentes. Elle s’organisera autour du chêne vert qui constitue un amer dans ce paysage. Sur cette place il y a une fontaine, l’eau qui y coulera proviendra du canal de Marseille qui passe à 50 mètres de cet espace. Cette

fontaine aura de multiples fonctions, elle va évoquer les sources présentes par le passé dans les pentes, elle aura une fonction sociale pour le quartier et sera également une ressource en eau publique pour les habitants. En contrebas de cette place, il faut retrouver des strates intermédiaires et hautes. Le sol modelé par les machines est instable. Laisser ce sol presque nu n’aide en rien à le stabiliser. La plantation de végétaux permettra de limiter l’érosion et les processus de détérioration. Pour aller dans le sens du projet de Parc Métropolitain de Yes We Camp, la plantation d’arbres d’ornements, fruitiers et d’arbustes doit être accompagné par le dessin de cheminements qui soulignent les manières de circuler. Allant d’axe principal entre le quartier et le centre commercial par exemple, aux chemins beaucoup moins formels pour arpenter le parc.


B. DESSIN DU MAILLAGE

1

3

2

Cartographie des sites, s’appuyer sur les maquettes

Cartographie des sites, s’appuyer sur les maquettes


126 4 PROJET, DESSIN URBAIN COLLABORATIF

Propriétaires fonciers

Site n°1 Verger de Foresta

Ville de Marseille (public) Résiliance (privé)

Passage vers la gare de St.-Antoine

Topographie

135m 95m

Passage vers le centre commercial Grand Littoral


B. DESSIN DU MAILLAGE

Passage vers le noyau villageois

Création d’une place en balcon sur la rade de Marseille

Dessin d’un escalier pour se rendre au centre commercial et dans le parc Foresta

Construction d’une fontaine dont l’eau provient du Canal Passage vers le lycée de La Viste

Plantation d’un verger en terrasse


128 4 PROJET, DESSIN URBAIN COLLABORATIF

3 4

1

2

Site n°2 Les étendoirs

Les étendoirs 6 260 m2 Ce site est situé au sud de la Cité du 38 de La Viste. Il est symptomatique du nontraitement des entre-deux. Il s’agit d’un interstice qui se trouve entre des grands ensembles, une école privée, et un quartier fait de maisons individuelles. Sa relation à ces différents espaces est contrainte par le relief marqué. Les écarts de niveaux sont un atout pour traiter cet espace complexe. Aujourd’hui, à la fois propriété du bailleur social Erillia et de l’école Notre-Dame de La Viste, ces parcelles doivent permettre une circulation mieux accompagnée entre les différentes formes urbaines notamment vers l’avenue de La Viste, et le 38 de La Viste. Du fait de son épaisseur et sa situation centrale, ce site peut être aménagé en jardin. Un jardin dont l’expérience commune servira peut-être l’amorce d’un décloisonnement

entre les différentes formes de bâtis. L’objectif n’est pas de forcer la rencontre, mais de créer une opportunité par la mise en place d’un espace ouvert, commun aux habitants d’un quartier. Il faudra donc faire attention à ne pas créer un espace qui cristallisserait les tensions sociales urbaines


B. DESSIN DU MAILLAGE

1

2

3

4


130 4 PROJET, DESSIN URBAIN COLLABORATIF

Propriétaires fonciers

Erilia (privé)

Site n°2 Les Étendoirs

Notre-Dame-dela-Viste (privé)

Passage vers le 38 de La Viste

Topographie

108 m Passage vers l’Avenue de la Viste 90 m


B. DESSIN DU MAILLAGE

Passage vers la friche des Créneaux Création d’un jardin de proximité aux abords de la cité

Travail sur une sente plus direct vers le site des Créneaux Définition d’un jardin entre les différents quartiers de La Viste Maintien des étendoirs à linges

Passage vers l’École Notre-Dame-de-la-Viste


132 4 PROJET, DESSIN URBAIN COLLABORATIF

2

4 1

Site n°3 Les Créneaux

3

Les Créneaux 19 775 m2 Ce site reprends le tracé de l’ancienne cité des Créneaux. C’est un espace épais qui s’étire sur les pentes Est du quartier de La Viste. Depuis 2011 et la destruction complète des quatre bâtiments qui composaient la cité, l’espace s’est enfriché. Il n’y a ici pas d’usage informel de ce site qui regarde l’autoroute, si ce n’est la décharge de quelques déchets domestiques. Cet espace délaissé se meurt. La convention signée avec Marseille Rénovation Urbaine, a bien donné lieu à la destruction de cette cité très enclavée mais n’a pour l’instant permis aucune nouvelle construction. Et pourtant il est inscrit que ce site devait se transformer en espace d’activités grâce à une zone artisanale. En reprenant l’idée d’un espace de formations

artisanales, il s’agira de programmer ce lieu en pensant ces accroches avec les entités alentour, la cité de La Viste, La Cité des Arts de la Rue, le jardin des Étendoirs et le parc du ruisseau des Aygalades. Ce nouvel espace sera une amorce entre la Cité des Arts et la cité. L’implantation ici de ce lieu de formation est l’opportunité d'ancrer des activités au coeur du tissu habité.


B. DESSIN DU MAILLAGE

1

2

3

4


134 4 PROJET, DESSIN URBAIN COLLABORATIF

Propriétaires fonciers

Site n°3 Les Créneaux

Passage vers l’école Notre-Dame-de-la-Viste Ville de Marseille (public) Passage vers le Parc des Aygalades et le quartier des Aygalades

Topographie 108 m

70 m


B. DESSIN DU MAILLAGE

Passage vers le jardin des Étendoirs

Progammation de la création d’une zone artisanale Création d’un chemin plus direct vers la partie haute du quartier

Passage vers les Aygalades

Passage vers la Cité de la Providence Reprise des vestiges de terrasses Amorce d’une liaison à travers le coteau


136 4 PROJET, DESSIN URBAIN COLLABORATIF

Site n°4 Le Parc des Aygalades

4

2

1 3

Le parc des Aygalades 17 380 m2 Ce site est situé dans le mineur du ruisseau des Aygalades. Il est celui qui s’intéresse à la présence de l’eau en milieu urbain. Auparavant symbole de franchissements entre deux quartiers, il a perdu cette fonction. D’abord abandonné pendant de nombreuses années, sa présence dans le paysage marseillais apparaît aujourd’hui comme une richesse pour nombre d’acteurs. De plus, il est un possible point de passage vers le quartier des Aygalades. Je propose donc de m’appuyer sur du foncier public, appartenant soit à la mairie ou à la métropole pour proposer la création d’un parc le long du ruisseau des Aygalades. Suivant les propositions faites par Julien Rodriguez dans son étude de faisabilité, il apparaît important de créer une passerelle

pour lier les deux quartiers. Un passage existe bien déjà mais il est fait pour la voiture, et nécessite de faire un détour. La possibilité qu’offre la Cité des Arts de la Rue par l’ouverture d’un passage directement sur leur site est structurante pour les habitants du secteur. Le fait de passer sur ce site dédié à la création est une nouvelle fois une opportunité de rentrer en contact avec la culture. Il faudra néanmoins faire attention à sécuriser ce lieu de passage vis à vis des activités présentes dans la Cité des Arts de la rue. La création d’un parc sur une emprise actuellement imperméable permet de donner de l’épaisseur au ruisseau dans l’espace urbain. Il s’agit de dessiner un parc à la mesure des enjeux démographiques.


B. DESSIN DU MAILLAGE

1

2

3

4


138 4 PROJET, DESSIN URBAIN COLLABORATIF

Propriétaires fonciers

Site n°4 Le Parc des Aygalades Ville de Marseille (public) Décheterie des Aygalades (public)

Topographie

58 m

46 m

Passage vers le 38 de la Viste par les Créneaux


B. DESSIN DU MAILLAGE

Passage vers le jardin des Étendoirs Construction de la passerelle vers le quartier des Aygalades Reprise d’une parcelle communale pour travailler le lien avec les berges du ruisseau Création du Parc des Aygalades

Passage vers l’École Notre-Dame-de-la-Viste


140


CONCLUSION

Le projet est en parti déjà lancé. En arrivant à La Viste en juin dernier, j’ai cru entendre des envies collectives qui proviennent des acteurs locaux et traduisent des besoins habitants. Dans un paysage altéré que je découvrais à peine, il m’a semblé bon de m’accrocher à ces envies. Ma démarche de paysagiste s’inscrit dans l’accompagnement de ses dynamiques, vise à les appuyer pour sortir de l’enclavement spatial et social dont La Viste hérite. Cela passe notamment par le dessin d’une nouvelle trame, faite de traverses. En choisissant de travailler dans les quartiers Nord, je renoue avec un objectif que j’avais en rentrant à l’école : le paysage est le lieu des communs, il doit être accessible et qualitatif pour tous. C’est ce qui m’animait lorsque j’ai choisi cette formation. Ces pensées fortes me reviennent à mesure que mon cursus se termine. La périphérie nord du centre ville de Marseille était pour moi une inconnue. Une inconnue dont j’avais pourtant déjà des images, qui n’étaient pas les miennes. Des représentations de la misère qui s’y accordait. Parcourir La Viste fut l’opportunité de déconstruire la fiction pour en initier une lecture plus proche des réalités urbaines et sociales de la ville. Ainsi le projet qui s’amorce vise maintenant à préciser le passage de ces traverses dans le quartier, affiner plus précisément le dessin de celles-ci en s’accrochant au socle topographique particulier sur lequel s’est implanté La Viste. Le long de cette nouvelle trame certains espaces figurent les changements de rythmes et appuient les liens. Quatre de ces lieux feront l’objet d’une attention particulière plus concrète pour répondre au mieu aux enjeux de circulations quotidiennes pour les habitants du quartier. Les travailleurs sociaux du Centre Social Del Rio sont partis prenants de cette réflexion engagée sur le territoire. C’est avec eux et les autres acteurs locaux impliqués que je vais continuer ce dessin pour le rendre le plus concret possible.


142

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Articles BERTONCELLO Brigitte & GIRARD Nicole, Les politiques de centre-ville à Naples et à Marseille : quel renouvellement urbain ?, Persee, 2001 BERTONCELLO Brigitte & HAGEL Zoé, Marseille : une relecture de l’interface ville-port au prisme de l’habiter, 2016 BESCHON Marie, Euroméditerranée ou la ville de papier - éthnographie du monde des aménageurs, 2019 CHANCEL Jean-Marc & Borruey René, La maison des villes et la maison des champs... la bastide marseillaise, 1993 EMELIANOFF Cyria, L'écologie urbaine entre science et urbanisme, Quaderni, 2000 HASCOET Yannick sous la direction d’Eric Charmes et de Isabelle Lefort, Vers une modification de l'image de la cite d'habitat social ? : lisières métropolitaines et détours « récréa(r)tistes » (Marseille, Paris, Montréal), Thèse, 2016 JOURDAN Silvère, Un cas aporétique de gentrification : la ville de Marseille, OpenEdition, 2008 PRELORENZO Claude, Les bastides dans la structuration morphologique du territoire péri-urbain à Marseille, 2018 ROUDIL Nadine, Usages sociaux de la déviance. Habiter la Castellane sous le regard de l'institution, 2011

Conférence L’habitat populaire urbain entre destruction et patrimonialisation (XVIIème-XXIème siècle), modéré par Brigitte MARIN directrice de l’école française de Rome, 2019


Ouvrages BACQUÉ Marie-Hélène & CHARMES Eric, Mixité social, et après ?, Édition Puf, 2016 BRETON Christine & PARAPONARIS Hervé, Au ravin de la Viste, Édition Commune, 2011 DEL’UMBRIA Allessi, Histoire Universelle de Marseille, Édition Agone, 2006 GUILLUY Christophe, Fractures Françaises, Édition Flammarion, 2013 LANASPEZE Baptiste & MATHIEU Geoffroy, Ville sauvage : Marseille - Essai d’écologie urbaine, Édition Actes Sud, 2012 PERALDI Michel & SAMSON Michel, Gouverner Marseille : Enquête sur les mondes politiques marseillais, Édition La Découverte, 2005 PERALDI Michel, Sociologie de Marseille, Édition La Découverte, 2015 PUJOL Philippe, La fabrique du monstre, Édition Points, 2016 RONCAYOLO Marcel, L’imaginaire de Marseille, Port, ville, pôle, Édition ENS, 2013 STENDHAL, Mémoires d’un touriste, 1838

Films BLIER Bertrand, Un deux trois soleil, 1993 GUEDIGUIAN Robert, La vie est tranquille, 2000 VICTOR-PUJEBET Bruno, Lorette, dernier bidonville, 1994

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Rapports COLOCO, Plan Paysage, 2014 LANGEVIN Philippe, Pauvres à Marseille, 2018 RODRIGUEZ Julien, Tous à la cascade, 2011 VILLENEUVE M. & al., Carte Géologique de France_Aubagne Marseille, 2018


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Je tenais à remercier mes deux professeurs encadrants : Marc Claramunt et Olivier Gaudin qui m’accompagnent et me bousculent quand c’est nécessaire. J’ai une pensée particulière pour ma grand-mère. Merci à Christine, Éric, Margot et Agathe. Merci à Clara, Gaspard, Marguerite, Matthieu, Maxime, Pierre et Victor. Je salue aussi les amitiés naissantes, précieuses pour avancer. Merci au Centre Social Del Rio. Plus particulièrement Solkam Tando et Mounir Ghares À Marseille, et ce qu’il y reste à faire.


Les grands gestes d’aménagement ont bouleversé le quartier de La Viste. Ils ont marqué des ruptures. Aujourd’hui les travailleurs sociaux et les acteurs locaux tentent de créer des traverses dans ce paysage scarifié. Parcourir le territoire, c’est rendre possible les rencontres, l’accès à d’autres réalités.


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