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Conduite de changement : les pièges du Lean

Le mot Lean provient simplement de l’anglais « lean » qui signifie « maigre », « dégraissé ». Le terme, utilisé de manière très générique, sert à qualifier une théorie de gestion de la production qui se concentre sur une gestion sans gaspillage ou allégée, ou encore, au plus juste. On l’associe à la recherche de la performance et de l’amélioration de la productivité sous le triptyque QCD - Qualité Coûts Délais, à des compléments tels Lean Productive, Lean Manufacturing, Lean Management, on le fusionne à d’autre méthodologie comme le Six Sigma. Mais d’où provient donc ce fameux Lean ?

A la fin de la seconde guerre mondiale, le Japon est un pays en ruine, soumis à toutes les pénuries au sein d’un marché intérieur très fragmenté, un environnement fortement concurrentiel, des ressources rares, donc précieuses, des moyens financiers et productifs très limités, par

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conséquent des approvisionnements incertains, sans accès au marché des grandes séries.

SURVIE EN QUESTION En ce contexte, le président de la Toyota Motor Company , Monsieur Toyoda Kiichiro, déclare : « Il faut rattraper l'Amérique en trois ans sinon, l'industrie automobile japonaise ne survivra pas ! ». Le peuple japonais démontre deux qualités particulières, le perfectionnisme et la consensualité. Ces conditions initiales fondamentales conduisent à une attitude logique dans la recherche de l’exploitation optimale des ressources en supprimant, de manière systématique, tout gaspillage. Pour une élimination totale des gaspillages, Toyota va, d’une part, réduire au maximum les flux matières et composants. Pourquoi produire plus que de besoin ? Pourquoi chaque poste d’assemblage prélèverait-il plus que de besoin ? Pourquoi le poste

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amont ne se bornerait-il pas à produire la quantité prélevée ? Ainsi, Toyota organise les alimentations de ses lignes d’assemblage dans la juste quantité au moment du besoin.

spontanément l’arrêt automatique. Mieux encore, l’origine de défauts étant souvent attribuée aux personnels, Toyota va mettre en place des systèmes qui ne permettent plus à un opérateur de se tromper. Ces systèmes anti-erreurs seront connus sous le nom de « Poka Yoké ».

LA REVOLUTION TPS Une production de masse caractérise un risque majeur : une production de masse de défauts ! Aussi, Toyota va équiper ses machines de systèmes «intelligents», d’automates qui détectent immédiatement une situation anormale et provoquent

Pour répondre aux exigences de livraison continue des productions grandes séries, les chaines d’assemblage ne peuvent être continuellement arrêtées pour cause de détection d’anomalies. Aussi, Toyota va mettre en oeuvre des systèmes de prévention des productions défectueuses.

« Il vaut mieux penser le changement que de changer les pansements » – Pierre Dac

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Les objectifs de stabilité atteints, un seul opérateur peut alors piloter simultanément plusieurs machines, l’efficacité de production connait un accroissement considérable. Ainsi nait ce qu’on appellera le TPS (Toyota Production System), fondé sur deux piliers fondamentaux : le « Just in Time » qui détermine les conditions du Stock Zéro et la « Production Autonome » caractérisées par les APU (Autonomous Production Units).

PANIQUE EN OCCIDENT En 1973, la première crise pétrolière frappe le Japon. Les entreprises nippones connaissent de sérieuses difficultés. A contrario, Toyota résiste de façon remarquable et focalise l’attention des industriels de l'automobile japonais. Au début des années 1980, le MIT Massachusetts Institut of Technology publie une étude sous un livre titré « Le système qui va changer le monde ». L’occident est pris alors dans un vent de panique qui se transforme rapidement en l’impulsion d’un grand intérêt pour ces nouvelles méthodes japonaises. A partir de 1990, le Toyota Production System se répand en Occident. Aux Etats-Unis et en Europe, le TPS sera souvent assimilé à la seule méthode spectaculaire, le Kanban qui tire son étymologie de l’expression «kan ban» japonaise, soit «étiquette», en référence aux fiches cartonnée fixées sur les bacs ou les conteneurs dans une ligne d'assemblage ou une zone de stockage. En fait de méthode spectaculaire, les japonais se sont largement inspirés, lors de leurs voyages

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dans les pays occidentaux, de l’alimentation des rayons en flux continus des premières surfaces de distribution, au fur et à mesure du remplissage des caddies des consommateurs. Par répercussions, la méthode souvent mal comprise et restreinte à la perception du « Just In Time » et du «Stock Zéro», sera exploitée davantage pour récupérer la masse financière sur cash flow consécutive à la suppression des gaspillages liés aux stocks inutiles. Ainsi, verra-t-on dans la presse française, devant des sites industriels de production automobile en cessation forcée d'activités suite à la rupture des flux logistiques, des articles alarmistes titrés : «Renault, étranglé par le stock zéro !». Si la maitrise préventive de la production n’est pas suffisamment mise en œuvre, l’impact financier favorable conséquent à la niche du "Just In Time" sera de courte durée ; une fois éclusée, le remède s’avère en fait bien pire que le mal.

LES PERTES SONT DES BENENEFICES POTENTIELS Dans nos sociétés occidentales, traditions (sic) et routines ont instauré la notion conditionnée de « mal nécessaire ». Cette notion est souvent à l’origine de comportements fatalistes qui entretiennent la suffisance devant l’adversité, interdit toute remise en cause, tout recul en face de situations pourtant parfaitement identifiées, altère irrémédiablement l’appréhension des phénomènes, annihile la vision globale et cristallise autant une capitulation devant

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des machines et le management des hommes. Si les flux d’activités sont appréhendables, se développe par contre une notion plus abstraite : la culture d’entreprise représentative des savoir-faire acquis par l’ensemble des personnels et la méthodologie préventive nécessaire au «Zéro Défaut». Elle concrétise le Capital Immatériel de l’entreprise, certes intangible, mais bien réel. Les pertes sont des bénéfices à l’état potentiel. Il ne suffit pas simplement d’améliorer les opérations sans valeur ajoutée, il faut les anéantir !

Industriel japonais, Kiichiro Toyoda (1894-1952) est le fils de Sakichi Toyoda, fondateur du groupe Toyota.

l’idée même de progrès. L’approche Toyota Production System distingue de manière concrète, d’une part, le Processus qui représente en entrée et en sortie des « flux matériels » de matières et de composants. Ces flux sont instanciés, par usinages et assemblages, suite à la transformation des matières en produits. Ils sont physiques, palpables et tributaires d’interventions dans le temps et l’espace. D’autre part est défini l’Opération qui révèle les « flux d’activités », notamment dans la maîtrise des phases opérationnelles des processus, l’exploitation

Réussir l’élimination complète des gaspillages repose sur une méthodologie de réduction maximum des coûts qui génère une efficacité tendue vers l’efficience des processus. La fabrication doit être planifiée de manière exclusive en fonction du seul besoin, avec le minimum de main d’œuvre. La recherche de l’efficacité doit être orientée non seulement vers chaque opérateur et chaque ligne de transformation, mais sur des groupes d’opérateurs, de l’ensemble des lignes, de toute l’entreprise. Viser l’efficacité des parties reste superficiel, il faut viser également celle de Tout. Cette approche est source de gains très importants, le plus souvent, peu onéreux et mêmes gratuits. Pour Toyota, la transformation seule associée à la maîtrise préventive représente la Valeur Ajoutée vraie.

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CONTRE CULTURE, CONTRE NATURE D’origine, le Lean prend ses racines dans un environnement industriel, d’où sa dénomination initiale de « Lean Manufacturing ». Cette dénomination tend à représenter la Méthodologie TPS et l’ensemble des méthodes et outils nécessaires au « dégraissage », en une connotation perçue de manière plutôt péjorative dans nos sociétés occidentales. Elle génère des inquiétudes, l’appréhension des sollicitations humaines à l’exploitation d’approches nouvelles qui bouleversent les habitudes et les perspectives individuelles, la peur de la réduction consécutives des emplois, la perte des acquis sociaux. Des boucliers se lèvent, les a priori et les convictions se renforcent, on se complait à un immobilisme emprunt de certitudes : «La France n’est pas le Japon !». Ces manifestations agressives trouvent origine dans un complexe subtil profond qui dépasse de loin les simples frontières de l’entreprise et prend racine aux tréfonds même de notre héritage culturel confronté à la mutation des sociétés. Nostalgie du présent dissolu.

Dessin : Blogs Libération bruxelles.blogs.liberation.fr

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Union bancaire - « Ce qu'on est en train de faire est révolut © Libération - www.bruxelles.blogs.liberation.fr

Les cycles de crises mondiales incontrôlables qui mettent en exergue la conscience de l’impuissance individuelle, la perte de confiance des hommes en leurs institutions, la remise en cause des fondements vitaux propres aux sociétés civilisées sont autant de catalyseurs à la perte de référentiels moraux, à l’angoisse de la disparition progressive des perspectives professionnelles et de la stabilité sociale qu’elles procurent.

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tionnaire » (…) « Une autre austérité aurait été possible »

IMPACT DES CRISES SUR LA MOTIVATION Il faut se rendre à l’évidence. En l’espace de deux décennies, l’activité industrielle européenne à forte sollicitation de main d’œuvre a été littéralement absorbée par des continents en pleine émergence comme la Chine, d’autres pays asiatiques ou de l'Europe de l'Est et l’Inde entrainant son lot de fermetures d’unités, de licenciements massifs et la disparition quasi-totale de filières sous les coups des décentralisations

massives répétées. Que cela plaise ou non, les marchés d’affaires se mondialisent, les pays s’associent pour devenir des continents organisés, les flux des hommes et des marchandises explosent à la perméabilité et à la disparition des frontières, considérées pendant plus d’un demi siècle si naïvement protectrices. Mais la doctrine du libreéchange mondialiste qui s’est instaurée d’elle-même depuis les années 1980 comme un véritable intégrisme a accouché de ses aberrations dans la douleur. Le « miracle du crédit » permet de créer ex nihilo sur le marché un pouvoir d'achat effectif, sans qu’il puisse être considéré comme la rémunération d'une valeur humaine ajoutée. Puisqu'on peut acheter sans payer et vendre sans détenir, partout dans le monde, le crédit attise la voracité des spéculateurs. Les constats résultants du développement d’un endettement gigantesque, de la destruction des moyens de paiement par le mécanisme du crédit et d’une spéculation massive généralisée vont irrémédiablement déstabiliser le système financier et monétaire international. En 2008, le désastre répercute sur les EtatsUnis et l’Europe l’effondrement du dogme « Laissez-fairiste » mondial. C’est une crise artificielle générée par une économie fictive, mais ses conséquences tragiques sur les Etats et les populations en sont néanmoins aussi bien réelles qu’absurdes. Il ne peut y avoir et il n’y aura pas de relance keynésienne de l’économie, et pour cause. Personne n'apparaît plus aujourd'hui réellement capable de prédire l'avenir avec une quelconque certitude.

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LA THEORIE DE L'ESPOIR Le Lean n’est pas simplement un ensemble arrêté des processus organisationnels propre à une méthodologie, aussi efficace soit-elle. C’est une philosophie, une réflexion née après guerre dans un contexte désespéré, un engagement de non-choix vers sa survie qui a su prouver que l’avenir n’est pas une fatalité. L’essoufflement de l’ère industrielle laisse place à l’exposition du domaine des Services, qui représente aujourd’hui plus de 50% du produit intérieur brut de l’Union Européenne (PIBE) et près de 70% de ses emplois. Reprendre stricto sensu les méthodes ressassées du Lean Manufacturing, par phénomène de mode ou dans l’espoir que la méthodologie va apporter in situ les

réponses miraculeuses aux questions stratégiques, emportera sans doute aucun son lot de désillusions dans un gaspillage de précieuses ressources et une perte de temps irrécupérable. Si l’esprit, la structure de la démarche et son approche fondamentale doivent être sauvegardées, l’efficacité des outils et méthodes doit tout autant inspirer des approches novatrices à un contexte fortement perturbé et nombre d’inconnues. Le Lean mute à l’appréhension des marchés, pour devenir le « Lean Management » couvrant de sa zone d’influence bénéfique bien au delà de l’environnement purement productif des produits manufacturés.

Schématique de l’articulation d’une démarche Lean Sigma sous Hoshin Kanri © Qualitem Alliance

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EPILOGUE Nulle conduite de changement ou d’évolution d’entreprises n’est sérieusement possible sans le consentement et l’adhésion des personnels, cadres et opérationnels. De la direction générale, les décisions s’imposent dans le temps et l’espace, en une conjoncture aléatoire exigeant un engagement fort à une motivation générale profondément altérée. Les problématiques difficilement solubles se révèlent à la mise en œuvre organisationnelle et l’adieu définitif aux perspectives certaines. Mais du réveil des passions à l’aventure humaine, même empruntes de doutes perpétuels et de remises en cause permanentes, les entreprises évolueront à la récompense du retour graduel de leurs richesses et à la construction d’un nouvel équilibre. « Le bon sens est comme le pétrole : une ressource de plus en plus rare, de plus en plus précieuse, dont on ne sait désespérément plus quoi inventer pour pouvoir s’en passer. A cette différence que le pétrole n’est pas éternel … »

Jean-Pierre Brouillard Conseil près managers & dirigeants Associé chez Dariel Anpilar Consulting & Training, membre fondateur de Qualitem Alliance, spécialisé en maîtrise des systèmes de management, conduite à certification d’organismes et Expert Lean / BPM, il accompagne de nombreuses entreprises dans leur stratégie de développement. Membre du Collège C, il préside également la Commission de certification Mercatique et Systèmes au sein de l’IQA Cert.

Publié par Jean-Pierre Brouillard. Dariel Anpilar Qualitem Alliance

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