Ronchamp - Le Corbusier / Entre ciel et terre

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LE COR BU RONCHAMP entre SIER ciel et terre

LES 60 ANS

DE NOTRE-DAME DU HAUT

DE LE CORBUSIER À RENZO PIANO

LE DÉPARTEMENT


Une œuvre en béton

50 ans après sa mort, Le Corbusier (1887-1965) divise toujours autant. Les uns adulent ce vrai touche-à-tout, à la fois architecte de génie et urbaniste visionnaire qui a bouleversé notre façon d’habiter. Ils rappellent qu’adepte d’une architecture organisée pour un corps libéré, « puriste de la forme » et précurseur de la modernité, Le Corbusier développait des principes qui s’appliquent toujours. C’est le cas du fameux Modulor (1944), silhouette masculine de 1,83 m, fondé sur une échelle logarithmique mâtinée du nombre d’or qui lui sert d’étalon pour ses constructions. Les autres rejettent ce forcené de la norme et de la « grandeur conforme », ce « cynique en béton armé » qui voulut faire raser le centre de Paris sauf la place des Vosges (plan Voisin, 1925) pour y dresser à distance régulière des gratte-ciel desservis par des voies rapides sur pilotis et qui théorisa la froideur des cités dortoirs (Charte d’Athènes en 1943). D’autres l’accusent même d’être à l’origine de la tragédie des banlieues.. Le gigantisme de son œuvre, aussi multiforme que « terrifiante », est pour ceux-là d’autant plus dérangeant qu’ils n’oublient pas que l’artiste fut proche des mouvements fascistes et de leurs cultes de l’hygiène, du corps et du sport mais était aussi fasciné par les dictateurs - Staline un peu, Mussolini beaucoup, Pétain un temps. « Où l’ordre règne naît le bien-être », disait-il. Air pur, murs blancs, « on fait propre chez soi, puis on fait propre en soi ».

Afin de se dissocier de Pierre Jeanneret, un de ses cousins avec lequel il était associé pour ses premiers travaux, l’architecte a décidé d’utiliser (vers 1920) le nom - un peu modifié d’une branche de sa famille maternelle, Le Corbusier.

© Photo AFP

Au-delà de toute polémique et sentiment, reste une certitude : il est difficile de nier que Charles-Édouard Jeanneret-Gris, de son vrai nom, est devenu, dans l’art de bâtir, un maître, voire un mythe. À une époque où les voyages sont difficiles, l’artiste n’hésite jamais à sauter d’un continent à l’autre et à construire partout. En Suisse, en France et en Belgique bien sûr, mais aussi aux États-Unis, au Japon, en Argentine et au Brésil ! Et même une ville entière en Inde - Chandigarh -, un palais à Moscou ou un gymnase à Bagdad… Dans chaque édifice, il met la même force, le même engagement, sans concession. La chapelle de Ronchamp, qu’on le croie ou non, emporte l’âme. La Villa Savoye à Poissy (19281931), qui aura une influence considérable dans l’histoire de l’architecture, prend peut-être l’eau, mais quelles lignes ! Cette « boîte en l’air » est l’aboutissement des recherches formelles de l’architecte et de la mise en œuvre des cinq points de l’architecture moderne formulés en 1927 : les pilotis, les toits-terrasses, le plan libre, la fenêtre en bandeaux et la façade libre. Et si, vue d’en bas, la Cité radieuse écrase le paysage, son toit-terrasse sous le ciel azuré de Marseille est un havre de sérénité. Vraiment moderne par son approche des formes, simples, orthogonales, mais très dessinées, et son utilisation des matériaux de son temps, le métal, et surtout le béton qu’il coffre à sa volonté, Le Corbusier fait de ses bâtiments de véritables sculptures. Jérôme ESTRADA

Le Corbusier autour de Ronchamp A voir dans un rayon de 220 km

Briey

Genève

La Cité radieuse (1959-1960)

Immeuble clarté

est une des fameuses unités d’habitation de Le Corbusier comme « La maison du fada » de Marseille. 339 logements sur 17 étages, 6 rues intérieures. 110 m de long, 70 de haut.

Doncourt-lès-Conflans Dortoir et gîte

Face à l’aéro-club de Doncourt-lèsConflans, un édifice signé Le Corbusier et Prouvé. Restauré par un privé, cette construction, à l’origine dortoir pour pilotes et bar, est aujourd’hui un gîte.

MOSELLE

Briey MEUSE

Doncourtlès-Conflans

Saint-Dié

BAS-RHIN

La seule usine

MEURTHEET-MOSELLE

VOSGES

Stuttgart St-Dié

HAUTEMARNE

ALLEMAGNE

CÔTE-D’OR

TERRITOIRE DE BELFORT

Kembs-Niffer Zurich

DOUBS

SUISSE

La Chaux-de-Fonds JURA

Le Locle Corseaux Genève

Stuttgart La cité de Weißenhoff

HAUT-RHIN

Ronchamp Chemilly

Saint-Dié, en ruines en 1945, rejette en 1946 le projet controversé de reconstruction de la ville signé Le Corbusier. L’architecte réalise néanmoins la bonneterie Claude et Duval (1948-1951), seule usine au monde du maître.

Infographie G. Utard - Emmanuelle Ancé

Elle regroupe des maisons de travailleurs, modernes et innovantes, construites en 1927 avec le concours de grands architectes dont Le Corbusier. Certaines ont été détruites, d’autres conservées. Musée dans la Maison Le Corbusier.

La Chaux-de-Fonds Plusieurs réalisations : La Villa Jeanneret-Perret

dite Maison Blanche est la première réalisation comme architecte indépendant (1912), Le cinéma La Scala (1916) dont il ne reste que la façade,

La Villa Schwob (1916), Les villas Fallet (1905), Jaquemet (1907), Stotzer (1907).

Surnommé « maison de verre », l’immeuble Clarté de Genève (19301932) est un bâtiment locatif avantgardiste de 45 appartements, construit sur une ossature d’acier. Il a été rénové en 2007-2009.

Corseaux La Villa Le Lac (1923-1924)

Au bord du Léman, cette maison très fonctionnelle a été construite pour les parents de l’architecte. Elle est, certes, de petite dimension mais elle fourmille d’ingéniosités.

Zurich Le Centre Le Corbusier Envisagé en béton, construit en acier, inauguré après la mort de l’architecte en 1967, l’étonnant Centre Le Corbusier de Zurich a été à l’origine commandé par une collectionneuse d’art, Heidi Weber.

Le Locle La Villa Favre-Jacot

Cette villa a été construite au Locle en 1912 pour l’industriel qui a fondé les montres Zenith.

Kembs-Niffer L’écluse (1961)

Entre Bâle et Mulhouse, l’écluse de Kembs-Niffer permet aux bateaux de passer du Rhin au Rhône. Le Corbusier a signé la tour de l’éclusier et un bâtiment abritant personnels administratifs et techniques.

Chemilly Gîte Maisonnier

Sur une petite île privée, ce gîte sur pilotis n’a pas été réalisé par Le Corbusier mais, dans les années 60, par son élève André Maisonnier, dessinateur de Ronchamp. Les plans venaient de l’atelier du maître.


Un OVNI familier

Soixante ans après sa construction, la chapelle Notre-Dame du Haut à Ronchamp nous interroge encore. Construite par l’un des architectes majeurs du XXe siècle, cet OVNI n’a pas fini de susciter la curiosité et l’émotion. À l’occasion de cet anniversaire, il semblait pertinent de s’offrir un zoom sur ce temps écoulé, mais néanmoins suspendu au cœur de l’édifice tant le maître réputé athée ou a minima agnostique, a su créer une œuvre empreinte de spiritualité. Notre rédaction, témoin de ces fulgurances, des incompréhensions des premières années, de l’audace du procédé constructif, s’est immergée dans le contexte de l’époque pour nous donner à comprendre. Ce supplément «entre ciel et terre» confère de la profondeur et de la perspective à ce monument, l’un des plus visités en Franche-Comté. Beaucoup en sont fiers. L’architecte contemporain Renzo Piano, auteur du Centre Pompidou ou du siège du New-York Times à Manhattan, a lui-même déposé son offrande à son prédécesseur vénéré par des générations d’esthètes et d’amateurs de modernité. Si Le Corbusier a laissé une œuvre magistrale, épurée et austère pour le profane, ce génie, aujourd’hui contesté pour ses positions pendant l’Occupation, est aussi souvent caricaturé en créateur froid à la production déshumanisée. La lecture de son héritage doit se faire à travers une appréhension de sa subtile transcendance, celle des prodiges qui marquent leur époque et y survivent. De nos jours, un autre architecte contemporain, le Japonais Tadao Ando, maîtrise lui aussi le béton avec la même quête d’architecture du silence. Dans l’œuvre dépouillée mais protéiforme de Le Corbu, on perçoit parfois une étincelle de folie, plus allégorique et aérienne, moins linéaire. C’est typiquement le cas de sa chaise longue et de cette suprême chapelle OVNI atterrie à Ronchamp pour convertir les hommes à sa sacro-sainte écriture architecturale, enjambant le siècle avec une fraîcheur intacte.

Alain DUSART

sommaire

ed ito

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HISTOIRE

Un passé riche et mouvementé

MISE EN PERSPECTIVE

Lucien Ledeur - Le Corbusier : la divine rencontre

CONSTRUCTION

Au cœur du chantier avec Jean-Jacques Virot L’écolier des années 50

L’HARMONIE DU BÉTON BRUT

Les années Bolle-Reddat Joseph Abram décrypte le génie de Ronchamp

NOËL RONCET, président de l’Association Œuvre Notre-Dame du Haut Accueillir le monde entier

UN MONASTÈRE OUVERT SUR LE MONDE LE PROJET RENZO PIANO Dans les plis de la colline

ALBIZZATI, du monastère à la Porterie 60e ANNIVERSAIRE

Le programme, les grands rendez-vous Le Corbusier

VISITE

Lumière sur une œuvre unique Les photos oubliées de Ronchamp

REGARDS CROISÉS

La chapelle en images

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UNESCO, le difficile pari

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CARTE

HAUTE-SAÔNE, terre d’itinérance Interview du président du Conseil départemental

Tourisme en Haute-Saône

LE COR BURONCHAMP SIER entre ciel et terre Un supplément proposé par L’Est Républicain et Vosges Matin Directeur de la publication : Christophe MAHIEU Rédacteur en chef : Jean-Marc LAUER Coordination : Ghislain UTARD, Jérôme ESTRADA et Bertrand SACHET Ont participé à ce numéro : Alain DUSART, Jérôme ESTRADA, Didier FOHR, Ghislain UTARD. Couverture : photo Jérôme ESTRADA, croquis Emmanuelle Ancé Photos : AFP ; Archives de L’Est Républicain ; L’Est Républicain/Jérôme ESTRADA/Didier FOHR Ghislain UTARD/Guillaume CHAILLAN Guillaume MINAUX/Dominique ROQUELET Alexandre MARCHI ; Marc PAYGNARD ; Œuvre Notre-Dame du Haut ; ADAGP ; Jean-Jacques VIROT ; Charles BUEB ; Renzo PIANO Building Workshop ; Destination 70 ; Département 70 ; Karine ALTMEYER Vidéo : sur notre site www.estrepublicain.fr

la vidéo d’Yvan GAUDEFROY

Conception graphique : Emmanuelle ANCÉ Imprimé par les DNA - Juin 2015


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RONCHAMP avant RONCHAMP

Un passé riche et mouvementé Abandonnée, rachetée, restaurée, foudroyée, reconstruite, bombardée, la chapelle de Ronchamp avant Le Corbusier, a été ballottée par les soubresauts de l’histoire.

À se pencher sur l’histoire de Notre-Dame de Ronchamp, difficile de ne pas se souvenir d’une anecdote. C’était, il y a trois ans. Un vieil homme de Dieu, après avoir prié à haute voix, avait regardé intensément, un rai de lumière transpercer un vitrail et illuminer étrangement le chœur. Puis, il s’était levé, avait fait un ample signe de la croix. Nous apercevant, il avait hésité puis s’était dirigé vers nous, d’un pas décidé, tenant sans doute à justifier son attitude quelque peu mystique : « Que l’on soit croyant ou pas, on peut légitimement s’interroger : finalement n’est-ce pas Dieu qui a imposé l’œuvre de Le Corbusier. » Ses propos étaient apparus d’autant plus abscons qu’ils n’avaient été suivis d’aucun autre commentaire. Aujourd’hui, ils s’éclairent sous une lumière nouvelle : il suffisait d’étudier le passé mouvementé du site pour comprendre ce qu’avait voulu dire ce mystérieux visiteur. En effet, même si d’aucuns, plutôt que d’invoquer la malédiction ou la bénédiction divine, préfèreront parler d’un concours de circonstances, il n’en reste pas moins que NotreDame de Ronchamp plonge ses racines dans une histoire si troublante qu’il est difficile de ne pas faire galoper son imagination. L’église n’a cessé de mourir pour renaître de ses cendres jusqu’à son ultime résurrection, celle imaginée par l’architecte suisse, aujourd’hui figée dans l’éternité… Passons sur l’hypothèse selon laquelle, les Romains auraient érigé un temple sur la colline de Bourlémont après la bataille qui opposa Jules César à Arioviste dans la plaine entre Ronchamp et Champagney. Cet ancien sanctuaire païen aurait été ensuite christianisé. C’est possible mais rien n’est prouvé. Faisons un bon de plus de mille ans ; nous voilà vers 1080. L’archevêque Hugues fonde l’abbaye bénédictine Saint-Vincent (église NotreDame de Besançon). 12 ans plus tard, il lui donne l’église de Bourlémont , « ecclesia Boleranni montis ». Ce texte est le premier qui prouve son existence. En 1269, Thomas, seigneur de Ronchamp, qui trouve l’église trop éloignée et difficile d’accès surtout en hiver, demande à Eudes de Rougemont, archevêque de Besançon, s‘il peut en construire une dans son château. La chapelle Saint-Hubert, est alors érigée.

La chapelle avant l’incendie d’août 1913 et après. © Association Œuvre de Notre-Dame du Haut

Cela explique-t-il que Bourlémont ait été sinon reconstruite tout au moins profondément réaménagée en 1308 ? Difficile à dire. Une certitude, seule église paroissiale de Ronchamp et des hameaux qui l’entourent de part et d’autre de la colline, elle souffre de sa situation, au point qu’elle est mal entretenue et surtout jugée inappropriée par le doyen. Les paroissiens entreprennent alors des travaux de réparation qui visent essentiellement à mettre le bâtiment hors d’eau (1719). Mais l’archevêque de Besançon estimant que cette rénovation est inutile, s’exclame : « Vous n’en ferez jamais rien », avant de décider la construction immédiate d’une nouvelle église au centre de Ronchamp, peut-être à l’emplacement de l’ancienne chapelle Saint-Hubert (1741). Déchue de son titre d’église paroissiale, devenue simple chapelle dédiée au culte de la Vierge, Notre-Dame est vendue en tant que bien national pendant la Révolution (1789). Elle changera encore une fois de mains. Un négociant luxovien, Claude-François Billy, finit par l’acheter pour 875 livres (1797), vraisemblablement pour en monnayer les pierres. Cette fin peu glorieuse est évitée grâce à un collectif d’une quarantaine de familles ronchampoises qui se cotisent pour racheter « leur » précieuse chapelle (350F). Cet achat marque le point de départ d’un parcours atypique de l’édifice. Car ce lieu de culte, censé être public, devient propriété privée. Le 23 juin 1834, l’abbé Césaire Mathieu, évêque de Langres, est promu au siège archiépiscopal

La chapelle pendant l’entre-deux-guerres. © Association Œuvre de Notre-Dame du Haut


Le projet (annulé) d’une nouvelle chapelle en 1914. © Association Œuvre de Notre-Dame du Haut

Ronchamp a terriblement souffert des combats de 1944 © Association Œuvre de Notre-Dame du Haut

BOURG LES MONTS Vers 1760, les fameuses cartes de Cassini donnent à la colline le nom de « Notre Dame de Bourg les Monts ». « Burgus » en latin désigne des fortifications ou des tours fortifiées et « burg » en germanique, une ville fortifiée. Dans les textes français du Moyen Âge, le mot « bourg » a un sens plus large : il s’agit d’une agglomération ceinturée ou pas de murailles qui s‘est formée à proximité d’une petite ville ou de certains monastères. Cela peut être aussi un village où se tient un marché. En 1271, la position de Ronchamp à la limite du comté de Bourgogne et du SaintEmpire-Germanique a donné une grande importance à ses foires et marchés, à tel point que Othon IV, comte de Bourgogne, prendra sous sa protection tous ceux qui s’y rendraient ou en reviendraient « le vendredi prochain après notre dame de septembre ». Pour célébrer la nativité de la Vierge Marie, il y avait vraisemblablement, dès cette époque des rassemblements sur la colline. Le 8 septembre 1873 a lieu le plus grand pèlerinage de tous les temps. Y participent 30.000 personnes, venues de Franche-Comté, Alsace et Lorraine.

...et Le Corbusier arriva.

Photo Jérôme Estrada-L’Est Républicain © ADAGP

de Besançon. 5 mois plus tard, il s’y installe et commence ses premières tournées. L’épiscopat de ce prélat, dynamique et remarquable administrateur, sera marqué par un activisme bâtisseur – 320 églises construites, reconstruites ou restaurées dans le diocèse. Quand il visite Ronchamp, il constate « quelques désordres et abus à la chapelle ». Il condamne aussi un certain « conflit d’intérêts », les propriétaires nommant eux-mêmes le sacristain en charge de la chapelle, ce qui est « illégal dans l’application des textes ecclésiastiques ». Autre souci : la double comptabilité entre Notre-Dame du Bas, l’officielle unité paroissiale, et la chapelle où les oboles des pèlerins ne sont pas utilisées comme le dicte la loi du Concordat qui ne reconnaît qu’une « fabrique ». Si ses prédécesseurs s’étaient quelque peu désintéressés de la chapelle et de son flou juridique, Césaire Mathieu, lui, menace d’interdire le culte. Le collectif s’incline et l’activité de la chapelle est « reprise en main » par l’autorité ecclésiastique.

Même si la gestion conjointe n’est pas la panacée, cela permet de s’atteler à la rénovation de la chapelle dans un état déplorable. Un nouveau sanctuaire en forme de croix grecque (20 m de long sur 15 de large) est construit à côté. Une œuvre titanesque menée de 1844 à 1857, par un seul homme, l’abbé Vauchot, réalisant là un remarquable « acte de foi ». Notre-Dame du Haut restera dressée, intègre, près de 30 ans. Seul problème mais explosif, la chapelle posée sur sa colline, avec ses 6 flèches pointant vers les cieux, est régulièrement touchée par la foudre. Le 31 août 1913, un orage, plus puissant que les autres, éclate. Le clocher constitué de zinc et dépourvu de paratonnerre, est frappé par un éclair qui déclenche un incendie. Le sanctuaire est ravagé, seuls les murs résistent. En revanche, la chapelle est sauvée grâce à l’intervention rapide des villageois qui ont déployé une pompe à eau et construit un mur de terre pour isoler les deux bâtiments. Une souscription

régionale est organisée. L’archevêque approuve le projet de l’architecte Broutchoux, mais il est suspendu en raison de la Grande Guerre avant d’être définitivement abandonné à cause de son coût trop élevé. Plutôt qu’un édifice imposant de style similaire à celui de la basilique du Sacré Cœur de Montmartre, il est décidé d’un bâtiment plus modeste et en harmonie avec celui qui est conservé. Les travaux durent de 1922 à 1925. Cinq ans plus tard, le petit clocher comtois est démoli pour laisser place à un nouveau de style néogothique (34 m de haut) ; les murs de l’ancienne chapelle sont, parallèlement, rehaussés et modifiés pour s’adapter à l’architecture. Sa vie sera éphémère. La colline de Bourlémont se retrouve, en effet, à l’automne 1944, littéralement prise en étau entre les forces du général de Lattre de Tassigny et celles allemandes. Les obus pleuvent abondamment sur la malheureuse chapelle et son clocher, les détruisant. L’heure de Le Corbusier a sonné.

Jérôme ESTRADA


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MISE

EN PERSPECTIVE

Le chanoine Lucien Ledeur, secrétaire de la commission et supérieur du petit séminaire, avec André Maisonnier, architecte de l’atelier de Le Corbusier et dessinateur des plans de Ronchamp. © Association Œuvre Notre-Dame du Haut.

Divine rencontre Illustration Emmanuelle Ancé

DANS LES PETITS PAS

LA RÉUSSITE ARCHITECTURALE DE NOTRE-DAME DU HAUT TIENT À LA RENCONTRE ENTRE LE CORBUSIER ET UN PRÊTRE DE BESANÇON, DANS UN CONTEXTE DE RENOUVEAU DE L’ART SACRÉ.

DE L’HISTOIRE

Comment une colline du rude pays de HauteSaône, plantée entre Vesoul et Belfort, loin des cénacles artistiques parisiens, a-t-elle pu voir naître une des œuvres architecturales les plus étonnantes du XXe siècle ? Par quelle mystérieuse conjonction de facteurs Le Corbusier, architecte aussi controversé qu’adulé pour sa modernité, n’ayant jamais construit la moindre église, qui plus est agnostique de tradition protestante, s’est-il vu confier la conception de ce sanctuaire marial ? On pourrait croire au miracle. Il s’agit en fait d’un incroyable enchaînement de faits et de rencontres. Tout commence vraiment au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, même si le renouveau de l’art catholique a démarré dès l’entre-deux-guerres. De nombreux lieux de culte sont à reconstruire ou même, tout simplement, à construire, urbanisation galopante oblige ! Quelques pionniers saisissent cette occasion pour tenter de vivifier l’art religieux catholique jugé « moribond ». À leur tête, le père dominicain Mariel-Alain Couturier qui, depuis 1937, assure avec le père Régamey la direction de la revue L’Art Sacré. Très critique à l’égard de l’art catholique de son époque qu’il juge académique, médiocre, mièvre, il affirme qu’il faut parier sur le génie plutôt que sur l’académisme des Prix de Rome ; se fonder sur la tradition dans ce qu’elle a de plus authentique et vivant, pour refuser le passéisme ; en finir avec tous les courants néomédiévaux ou néo-primitifs ; et enfin faire appel à

« VOUS N’Y PENSEZ PAS ! »

Futuriste la chapelle de Ronchamp ? Elle l’était assurément pour les contemporains de sa construction. À tel point d’ailleurs que L’Est Républicain de l’époque rapportait ce propos tenu par ceux qui en virent la première maquette et « faillirent tomber à la renverse » : « ça une chapelle ? Mais vous n’y pensez pas ! ». Le journal L’Aurore, dans son édition du 28 septembre 1954 évoque, de son côté, un « garage ecclésiastique » auquel « on pourrait ajouter un petit moulin ». Le toit étant « incurvé pour ramasser l’eau de pluie », l’auteur lance cette apostrophe : « Sainte Cuvette, priez pour nous ! ». Alfred Canet, industriel qui forma la société civile immobilière pour la reconstruction, fut, quant à lui, aussitôt conquis.

toutes les bonnes volontés avec comme seul critère la qualité et non leur religion, « aux grands hommes, les grandes œuvres ». Ce renouveau s’exprime dans quelques grands chantiers exemplaires, comme celui de la chapelle des dominicaines à Vence (1951), que Matisse présente comme le couronnement de son œuvre, ou celui de Notre-Dame de Toute-Grâce sur le plateau d’Assy (achevée en 1957), église dessinée par Maurice Novarina et décorée par Rouault, Matisse, Bonnard et Marc Chagall (de confession juive). Fernand Léger, communiste et athée, se prend aussi au jeu. Il récidive dans l’église du Sacré-Coeur d’Audincourt, construite là encore sous la houlette de Maurice Novarina (1949-1951), proposant un ensemble de vitraux d’une force éclatante. À Besançon, la commission diocésaine d’art sacré partage cette préoccupation. En particulier le chanoine Lucien Ledeur, secrétaire de la commission et supérieur du petit séminaire, et François Mathey, alors inspecteur des monuments historiques. Or, ces deux-là ont conçu une idée insensée : convaincre Le Corbusier, star de l’architecture moderne du XXe siècle, de ressusciter une misérable chapelle au fin fond de la Haute-Saône, mais à laquelle ils tiennent beaucoup. L’un est originaire de Plancher-les-Mines, à moins de 15 km du site, et l’autre de Ronchamp même. Le projet paraît d’autant plus saugrenu que Le Corbusier n’avait, à son actif, aucune réalisation religieuse. Surtout, il semblait inconcevable de s’immiscer dans son agenda surchargé : non seulement l’architecte mettait toute son énergie dans la construction de son « unité d’habitation » de Marseille (19471952), plus connue sous le nom de Cité radieuse, mais il s’occupait aussi à Saint-Dié, de l’usine Duval (1948-1951) et à Buenos-Aires de la villa Curutchet (1949-1953). Et à l’horizon se profilait un chantier d’envergure : Chandigarh en Inde. L’opportunité pour cet urbaniste passionné d’expérimenter bientôt ses principes à l’échelle d’une ville entière ! Malgré tout, la foi chevillée au corps, Lucien Ledeur et François Mathey prirent leur bâton de pèlerin pour porter leur apostolat dans l’antre du maître, rue de


La colline est un lieu de pèlerinage marial multiséculaire dont les deux plus importants se tiennent le 15 août et le 8 septembre, jour de l’Assomption et de la naissance de la Vierge. © Photo Marc Paygnard (1982) /Archives de L’Est Républicain

Controverse

ENTRE « BLOCKHAUS ET STAND DE TIR FORAIN »…

Quelques « murs disparates » : c’est ce que découvre un millier de personnes venues méditer en avril 1954 sur les « caractères de l’Art Sacré moderne » lors de la pose de la première pierre dans laquelle est scellé un parchemin. « Ils finissent par y croire petit à petit à leurs architectures d’avant-garde les bonnes gens du bassin minier », écrit un journaliste. « La plupart semblent d’ailleurs s’être fait une philosophie » : même si la chapelle « n’est pas de leur goût, elle aura au moins l’avantage de rendre Ronchamp célèbre, d’en faire parler dans les journaux et d’y attirer la foule. Pourtant, comme on les comprendrait d’être effarouchés par cette petite hostellerie en forme de blockhaus d’un côté, aux couleurs de stand de tir forain de l’autre. Dénommé Abri du pèlerin, cet édifice, voisin d’une maison du même style réservé au gardien est achevé ». Heureusement, la chapelle suscitera une autre émotion !

DANS LES PETITS PAS DE L’HISTOIRE

Sèvres à Paris. Le Corbusier commença par refuser la commande car il gardait un souvenir cuisant du véto de l’épiscopat français au projet de basilique souterraine qu’il avait conçu pour le site provençal de la Sainte-Baume. Loin de s’en offusquer les deux compères s’entêtèrent. Maurice Jardot, un Belfortain qui connaissait le maître, plaida en leur faveur. Les pères Couturier et Régamey, qui dirigeaient le Centre national d’art sacré, également. Contre toute attente, l’architecte ne se fit plus prier… Dès sa première venue, la colline de Bourlémont l’impressionne. Il est saisi par la beauté d’un lieu ouvert sur « les quatre horizons » et témoin de l’ambivalence des hommes. Entre paix et guerres, spirituel et animalité. Un jour abreuvé de prières, le lendemain embourbé dans le sang et la souffrance. Touché à l’âme, l’architecte du béton a aussitôt voulu sanctifier ces drames d’hier et d’aujourd’hui qui endeuillent l’humanité. Le Corbusier aimait aussi l’idée que le site soit proche de son pays natal. Il aurait, dit-on, accepté ce projet de sanctuaire marial en pensant à sa mère. La « proue » du bâtiment n’estelle pas orientée vers La Chaux-de-Fonds, la ville où il est né en 1887 ? Il y a eu surtout la force de conviction du père Ledeur qui n’hésite pas à se porter caution de sa liberté de création. L’engagement sera respecté. Il est vrai que l’architecte fera preuve d’intelligence et d’ouverture d’esprit, consultant tout au long du projet celui qui est devenu son ami pour être sûr de bien répondre aux besoins liturgiques. Toutefois, l’audace et la sensibilité artistique de Lucien Ledeur et François Mathey n’auraient pas pesé lourd face à une autorité ecclésiastique complètement conservatrice mais ils ont la confiance de l’archevêque de Besançon, Mgr Dubourg qui approuve la maquette proposée par Le Corbusier (1950). Cette confiance réciproque, cette entente harmonieuse ont permis la naissance d’une œuvre à la fois singulière dans la longue carrière de Le Corbusier et originale dans l’histoire du sacré. Un chef-d’œuvre de l’architecture, tout simplement. Un sanctuaire où il n‘est pas besoin de croire pour toucher à la plénitude. Jérôme ESTRADA

L’élan réformateur qui touche après 1945 l’art catholique n’est pas sans susciter des polémiques. La chapelle Notre-Dame-de-Toute-Grâce, à Assy en Haute-Savoie (consacrée 4 août 1950) suscite, par exemple, une violente controverse, en raison de son modernisme, controverse exacerbée par des intégristes traditionnalistes. L’objet principal du blasphème est le Christ sculpté par Germaine Richier qui est retiré huit mois plus tard, sur décision de Mgr Cesbron, l’évêque d’Annecy. Le père Régamey écrit, dépité : « Faute de comprendre ce (nouveau) langage plastique, on n’y voit qu’une déformation sacrilège ». Cette querelle entraîne des réactions autoritaires de l’Église, tant en France qu’à Rome. Ainsi lit-on dans les Directives de la Commission épiscopale des évêques de France du 28 avril 1952, qui sonne le terme français de la querelle d’Assy : « On n’a pas le droit dans l’exécution de présenter des déformations qui risqueraient de choquer le peuple fidèle et d’apparaître aux profanes comme indignes des personnes ou des mystères représentés ou même injurieuses pour eux ». Rome est encore plus sévère qui, dans l’Instruction du Saint Office, publié le 30 juin 1952, affirme qu’il ne faut confier les créations artistiques dans l’Église « qu’à des hommes qui soient capables d’exprimer une foi et une piété sincères ». Tout cela brisera durablement l’élan du renouveau de l’Art Sacré en France, affaibli aussi par la mort en 1954 du père Couturier, et la relégation du Père Régamey sur ordre de Rome qui profite de l’occasion pour fustiger le modernisme français, les jésuites et les dominicains toujours trop turbulents et trop proches du monde contemporain. Conséquence : l’Église, suite à une pétition réalisée à Rome, refusera sa consécration à Ronchamp, à l’issue des travaux. Celle-ci n’aura lieu qu’en 2005, avec l’archevêque André Lacrampe. Le temps nécessaire afin d’apaiser les polémiques…et d’établir une certitude. La chapelle est bel et bien un chef-d’œuvre architectural. J.E


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Pèlerinage au cœur du chantier Photo DR

JEAN-JACQUES VIROT Professeur à l’Institut national des Sciences appliquées de Strasbourg, Jean-Jacques Virot explore depuis des années les secrets de la construction de la chapelle.

« CE QUI DÉSTABILISE, C’EST QUE LES SOLS NE SONT JAMAIS HORIZONTAUX, LES MURS JAMAIS DES SURFACES PLANES ! ».

TION

Sur cette colline de Bourlémont, sans eau, desservie par un chemin forestier, Le Corbusier a vite compris qu’il faudrait « faire le béton sur place et profiter des ressources à disposition ». A commencer par les « cailloux » des ruines, de piètre qualité… C’est pourquoi Notre-Dame du Haut est une « construction structurellement sur pilotis », explique Jean-Jacques Virot. L’édifice est constitué d’une ossature béton de poutres et piliers, lesquels soutiennent la coiffe, constituée de deux membranes séparées par un vide de 2,26 m, construite en partie inférieure avec un coffrage en bois dont on voit toujours les empreintes. Le tout était soutenu pendant les travaux par des centaines de perches de sapin. « Les ouvriers avaient aménagé en hauteur un cheminement en planches et y circulaient avec les brouettes pour verser le ciment ! ». La structure interne de cette toiture s’inspire de celle des ailes d’avion avec des membranes que viennent pincer les poteaux de soutien. Les murs emprisonnent ces poteaux, sans être porteurs et sans toucher la toiture, laissant la lumière se glisser dans l’interstice de quelques centimètres.

CANON À CIMENT

AVENTURE HUMAINE ET TECHNIQUE.

Avec sa toiture à la fois massive et élancée, suspendue avec légèreté au-dessus des murs, Notre-Dame du Haut reste pour les visiteurs d’aujourd’hui un choc de modernité. Si ce public avait embrassé du regard le chantier amorcé en 1953, il aurait été tout aussi étonné… Pendant la construction, « les pèlerinages sur la colline, consacrés à la Vierge Marie, ont continué comme si de rien n’était ! On montait avec le cabas, le poulet roulé dans le torchon. Il y avait la messe et le pique-nique, au milieu des madriers et des cailloux, avec des familles se promenant au milieu du chantier », sourit le Haut-Saônois d’origine Jean-Jacques Virot, professeur à l’Institut des Sciences appliquées de Strasbourg.

« UNE FENÊTRE DE TIR TRÈS RÉDUITE »

Dans cette région de paysans et d’ouvriers, on était déconcerté par l’émergence de cette drôle de chapelle. « Mais c’était une époque où les usagers s’interdisaient de juger. Mon propre grand-père, surpris, ne se permettait pas de critiquer l’architecture. On sortait aussi de la guerre et beaucoup de familles étaient broyées, avec d’autres préoccupations. Il y avait enfin l’élan de la reconstruction et une commission diocésaine d’art sacré assez audacieuse ». Ces facteurs font dire à Jean-Jacques Virot que Notre-Dame du Haut a bénéficié d’une « fenêtre de tir très très réduite » ! L’œuvre de Le Corbusier ne serait peut-être pas née en d’autres circonstances. Elle a été une aventure façonnée par des hommes au fait de l’art contemporain parmi lesquels Maurice Jardot et François Mathey.

CARAPACE DE CRABE L’abbé, également du pays, « avait été fasciné par le Pavillon de L’Esprit Nouveau », un prototype (bien différent de Ronchamp ) élaboré par l’architecte pour l’Exposition des Arts Décoratifs de 1925. « Il a fait la promesse à Le Corbusier qu’il serait totalement libre ». La confiance s’est installée. Le « choc avec le site, isolé et ouvert à 360° », « l’émotion du lieu et la gravité des ruines » ont fait le reste. Le Corbusier se lance.

Jeunesse CONS et rapiditéTRUC-

Chantier ou pas, les pélerins et visiteurs arpentaient la colline, au milieu des pierres et échafaudages ! © Photo Charles BUEB

Ces murs sont constitués, à l’exception de celui du sud composé de métal déployé habillé avec un canon à ciment (gunite), d’une maçonnerie en pierres (les blocs de l’ancienne chapelle).S’ils n’avaient été recouverts de mortier et blanchis à la chaux, la chapelle « aurait l’apparence de la Pyramide de la Paix », également édifiée tout à côté avec les anciennes pierres. Ces murs ont la particularité, grâce à leurs formes en courbe, d’assurer une bonne assise, un peu comme quand on roule une feuille de papier pour mieux la faire tenir debout. La chapelle est de dimension modeste mais impressionne. « Ce qui déstabilise, c’est que les sols ne sont jamais horizontaux, que les murs ne sont jamais des surfaces planes mais constamment gauches. On a le sentiment d’une grande complexité alors que c‘est “relativement” simple ». Le chantier a été rapide (septembre 1953 - inauguration le 25 juin 1955). Pas facile avec les rigueurs de l’hiver 54. Le Corbusier voulait une équipe soudée de 7 ou 8 personnes, « que des maçons ». Ces rudes gaillards étaient un peu « brut de décoffrage » dirait-on aujourd’hui. Avec des moyens un peu rudimentaires. Mais ils se sont diablement montrés à la hauteur.

« LES OUVRIERS N’Y COMPRENAIENT RIEN » Le Corbusier a eu la chance de trouver André Maisonnier pour réaliser les plans. Ce jeune membre de son équipe d’architecture s’est révélé être un grand dessinateur. Avec une « vraie patte dans la précision et la justesse », il a produit une masse de documents d’exception. Problème : « les ouvriers n’y comprenaient rien ». L’entreprise trouve alors François Bona, jeune également, à la formation de compagnon charpentier. « Il s’est régalé. Il a su diriger et accompagner une équipe d’hommes aguerris sur un chantier difficile, fait réaliser les coffrages »… Avec le duo Maisonnier-Bona, la naissance du chef-d’œuvre est pilotée par des hommes de 30 et 22 ans ! Qui ont dû trouver des solutions techniques car Le Corbusier « n’avait pas tout résolu ». « Les fenêtres du mur sud sont réalisées avec des boîtes de grillage qu’il a fallu fabriquer et mettre en place dans le squelette du mur. Je suis admiratif devant le travail des ouvriers », confie Jean-Jacques Virot qui continue ses investigations sur la construction, notamment grâce aux clichés récemment retrouvés du photographe Charles Bueb. On y découvre ainsi que les calottes des tours que l’on pouvait penser en béton coulé sont constituées d’arceaux et de métal étiré recouverts sans doute de gunite. Plus léger… Cette chapelle que le professeur qualifie « d’insulaire » car « unique dans l’œuvre de Le Corbusier », cache sans doute encore quelques secrets…

Ghislain UTARD


Le coffrage de la toiture comme on l’a rarement vu. ©Photo Charles Bueb

Les pélerinages n’ont pas cessé pendant les travaux. On voit ici les murs construits avec les pierres de l’ancienne église.

TÉM OIGNAGE

©Photo Charles Bueb

©Photo G.Utard/L’Est Républicain

JEAN-MARIE MAIRE Il avait 9 ans, il était « émerveillé ». « La construction a commencé avec des démolitions ! Le jour du dynamitage du clocher de l’ancienne chapelle, mon père, instituteur, a monté toute la classe sur la colline. Imaginez la tête du chef de chantier ! Imaginez aussi toute une bande de gamins, à plat ventre dans une tranchée pendant l’explosion, avec des petits cailloux qui tombent »… Souvenir surréaliste et aujourd’hui impensable. Dont rit Jean-Marie Maire. Il avait à peine neuf ans. Mais cette expérience « l’a enrichi », dit-il. Pas sûr que tout le monde aurait apprécié, un autre jour, le voir jouer là-haut, avec son copain, le fils du gardien, à se « lancer des tibias ». Parce que les ouvriers du chantier avaient mis au jour des ossements… Autre temps, autres préoccupations. Ce qui est sûr, c’est que la naissance de l’œuvre de Le Corbusier, a marqué la vie de ce Haut-Saônois. « Mon premier contact avec la chapelle a été la maquette présentée à une kermesse paroissiale. Alors que j’entendais des gens dire “c’est une mosquée, ce n’est pas une église, c’est moche etc”, j’étais assez émerveillé. C’était aussi nouveau que ma propre vie ! ». Les pèlerinages sur la colline n’étaient pas la « tasse de thé » de son père, sorte de « hussard noir » que les fonctions d’élu orientaient plutôt vers l’effort de reconstruction des écoles, dans un bassin minier plutôt « rouge ». Mais Jean-Marie en était souvent avec sa mère et sa grand-mère.

Les tours de la chapelle et le Modulor. ©Photo AONDH/ADAGP

DANS LES PETITS PAS

« COMME SI ON ALLAIT BÂTIR UNE CATHÉDRALE »

DE L’HISTOIRE

Alors ça l’intéressait. Cette aïeule était d’ailleurs sûre qu’elle ne la verrait jamais cette nouvelle chapelle. « Pour elle, c’était comme si on allait bâtir une cathédrale ! ». Dans ses souvenirs d’enfant, le projet de chapelle était celui des élites, de la bourgeoisie industrielle. « La grande masse de la population attendait de voir, était un peu partagée car c’était l’époque où la mine fermait et certains auraient préféré qu’on y consacre l’argent. Mais au fond, je crois que les gens ont été plutôt contents de l’avoir cette chapelle ». D’emblée, le petit Jean-Marie a senti qu’il se passait là « quelque chose d’exceptionnel ». « Au début, on montait avec mon copain sur le chantier pour voir du matériel auquel on n’était pas habitué. Le chemin n’était pas aménagé. Les matériaux étaient apportés avec l’aide d’animaux ou des entreprises de BTP qui utilisaient des véhicules militaires américains. La forêt de perches dressée pour construire la toiture était impressionnante ». Très vite, quand la chapelle esquisse ses formes, les deux gamins s’intéressent à l’architecture. « On voulait faire Beaux-Arts ou architecture ! ». Et à l’école, tous les élèves dessinaient soit la mine, soit l’édifice de Le Corbusier. La chapelle n’a plus jamais quitté Jean-Marie. « Quand je suis parti au collège en internat, à 11 ans, Notre-Dame du Haut, c’était mon phare. Plus tard, en tant qu’ado, j’ai compris que cette chapelle n’était pas seulement la nôtre mais suscitait l’intérêt au-delà des frontières », même si dans le bassin de Ronchamp certains « n’ont pas vraiment conscience de sa valeur ». Jean-Marie est finalement devenu professeur de sciences naturelles. Et même maire de Ronchamp de 1989 à 1995. Et de se réjouir : « Là-haut, nous avons désormais trois grands architectes : Le Corbusier, Prouvé, Piano ! ».

Ghislain UTARD

DES CHAMBRES POUR UNE NUIT

Un mois avant l’inauguration, en juin 1955, les organisateurs s’apprêtent à recevoir « des milliers » de personnes et les préparatifs s’accélèrent (avec un repas pour 400 personnes) . Des moyens ferroviaires et routiers spéciaux sont mis en place pour faire face à l’affluence. Des demandes de chambres arrivent chaque jour « de tous les coins de France et même de l’étranger ». Les hôteliers sont mis à contribution mais aussi, en raison de capacités limitées, « les particuliers disposant de chambres vacantes pour une nuit ». Même les scouts sont de la partie : le soir de l’inauguration, ils organiseront un grand feu de camp !


CONS TRUCTION

©Photo Marc Paygnard /Archives ER

©Photo Charles Bueb

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« GARDIEN DU TEMPLE »

Personnage truculent et déroutant, le chapelain Bolle-Redat racontait son amour pour Notre-Dame du Haut dans un journal.

LES ANNÉES BOLLE-REDDAT

©Photos J.J. Virot/AONDH

L’HARMONIE DU BÉTON BRUT Si Le Corbusier n’est pas à proprement parler un théoricien du « brutalisme », il en est sûrement l’un des inspirateurs. Le brutalisme est apparu dans les années 50 et laissait justement au béton comme aux formes architecturales tout leur aspect primitif, authentique, naturel et intact. Pour la chapelle de Ronchamp, Le Corbusier a souhaité laisser s’exprimer la matière brute du béton ; le « brut de décoffrage » a du sens dans l’œuvre architecturale, jusqu’à sa capacité à jouer avec la lumière. Les motifs du

bois imprimés dans le béton sont aussi importants à lire comme un témoignage de la construction et des matériaux nobles utilisés pendant les travaux. Dans tout son travail et peut-être particulièrement à Ronchamp, Renzo Piano a transformé cet héritage en hommage au « maître » en apportant un soin très particulier dans le choix des bétons, dans la minutie et la maîtrise du « banchage », du coulage du béton dans son coffrage, et de l’effet de lumière obtenu grâce aux teintes du matériau.

DANS LES PETITS PAS DE L’HISTOIRE

LA PIERRE DE TAILLE ? « HORRIBLEMENT CHER » En 1954, le chantier de Ronchamp attire les curieux. En juillet, c’est « l’affluence ». Français et étrangers gravissent le raidillon menant à Notre-Dame. « La cité est en passe de devenir centre touristique » écrit-on. « Encore faudrait-il un panneau pour guider les touristes ». Le site est aussi un incontournable lors des événements officiels : pour l’anniversaire de la Libération, les cérémonies se poursuivent par une visite à Notre-Dame du Haut. Explications en prime : « Pourquoi avoir choisi Le Corbusier ? Parce que les architectes consultés trouvaient la chapelle en ruines inrestaurable. Il en fallait une neuve ». Mais n’importe quel projet en pierre de taille aurait coûté « horriblement cher ». Le premier architecte auquel on s’adressa élabora « un beau projet, pas choquant pour deux sous, mais qui se chiffrait par un devis d’au moins cent millions ». Le béton semblait un « matériau plus commode »…

D.F.

Nommé chapelain en 1958, l’abbé Bolle-Reddat est resté plus de quarante ans un étonnant « gardien du temple ». L’abbé Bolle-Reddat n’est pas arrivé par hasard sur la colline Notre-Dame du Haut. Jeune prêtre à Vesoul, il avait suivi de très près l’aventure ronchampoise de Le Corbusier. Il l’a même rencontré à Paris, comme il l’écrit en septembre 1950 dans son atelier de la rue de Sèvres. Il a naturellement été nommé chapelain au printemps 58. Il n’y est pas non plus resté quarante-deux ans par le fait du hasard. Cet intellectuel puissant, parfois déroutant, toujours truculent, était d’abord un amoureux de la chapelle. C’était son ministère, son engagement total, le support de sa foi. Chaque année pendant plus de trente ans, le « journal de Notre-Dame du Haut », entièrement écrit par l’abbé, prenait des allures de journal intime. Il s’y raconte avec ce verbe inouï, ces fulgurances, ses exaltations, ses colères, son immense tendresse pour sa « Dame du Haut », dont on ne sait plus très bien s’il s’agit de la Chapelle ou de la Vierge. Le chapelain a tout donné à la chapelle qui le lui a bien rendu. Il lui a voué sa vie entière, a gardé bien des secrets qu’il n’a jamais voulu trahir. Une sorte d’amitié profonde, toute de fascination et de respect mutuel, l’a lié à Le Corbusier. Il lui arrivait d’imaginer leurs dialogues dans ses écrits. Il l’appelait « Corbu », l’architecte lui répondait « L’Abbé ». Le chapelain Bolle-Reddat, seul gardien du temple, très lourdement handicapé à la suite d’un accident de voiture, est resté jusqu’au bout de sa vie à défendre la chapelle, chasser les importuns à coups de cannes tripodes – ce qui lui valut quelques déboires. Il est mort le 14 mars 2000 et repose tout près de sa chapelle.


JOSEPH ABRAM Professeur à l’École nationale supérieure d’architecture de Nancy, chercheur au Laboratoire d’histoire de l’architecture contemporaine, Joseph Abram décrypte le génie de Ronchamp.

Interview

« L’une des œuvres les plus abouties de Le Corbusier ». Photo DR

Peut-on considérer la chapelle Notre-Dame du Haut comme un fleuron mondial de l’art sacré, sachant d’ailleurs que Le Corbusier se disait athée ? La chapelle de Ronchamp est une icône de l’art sacré du XXe siècle. Son étrangeté lui a conféré, dès sa création, une aura particulière dans l’imaginaire collectif. Le Corbusier, athée, a su trouver en lui les ressources poétiques pour traiter ce projet avec subtilité. On connaît le précédent de l’église du Raincy. Auguste Perret n’était pas plus croyant que Le Corbusier. Il a pourtant créé en 1923 la première architecture religieuse moderne. Le père Couturier, initiateur du renouveau de l’art sacré en France, a bien formulé le problème. Selon lui, il était préférable, pour l’Église, de « s’adresser à des génies sans la foi, plutôt qu’à des croyants sans talent ». Il admirait Rouault dont il avait découvert l’œuvre en 1939. Après la guerre, il s’adressa à Picasso pour décorer l’église du Plateau d’Assy. Celui-ci refusa, par conviction antireligieuse, mais l’orienta vers son ami Matisse qui intervint à Assy en 1947, suivi de Braque, Léger, Chagall, Lipchitz, Lurçat, Bazaine, Richier... C’est le père Couturier qui a convaincu Le Corbusier de s’investir pleinement dans ce mouvement novateur en faveur de l’art sacré…

Comment expliquer que le projet ait d’emblée suscité des controverses parmi le public ?

Il faut s’imaginer l’irruption d’une telle œuvre dans le contexte de l’après-guerre. La chapelle de Ronchamp ne ressemble à rien d’autre. Le public n’avait pas les références dont il dispose aujourd’hui. En outre, l’œuvre de maturité de Le Corbusier, malgré son pouvoir de séduction, est probablement l’une des plus complexes de la période. Même les critiques les plus avisées s’y sont trompés. Certains y ont vu un tournant radical dans le parcours de l’architecte, qui aurait abandonné ici tout rationalisme au profit d’une approche romantique. Cette analyse repose sur une vision réductrice de l’apport antérieur de Le Corbusier et sous-estime la richesse de sa culture visuelle. On trouve les prémices de Ronchamp dans son œuvre d’avant-guerre… Il y eut aussi des controverses au sein de l’institution ecclésiastique. On construisait alors des centaines d’églises en France. Le mouvement engagé

par le père Couturier (qui annonçait Vatican II) eut ses détracteurs. Certains regrettèrent que l’on ne s’en soit pas tenu aux réticences de l’architecte qui « n’ayant pas la foi » se sentait incapable de bâtir un lieu de culte…

Qu’a apporté Le Corbusier à travers la Chapelle de Ronchamp ? Pourquoi cette œuvre peut toucher autant de croyants que de non croyants, des néophytes que des spécialistes, ou encore des touristes de cultures radicalement différentes ? La chapelle de Ronchamp est l’une des œuvres les plus abouties de Le Corbusier. Elle rivalise, par sa cohérence plastique et par la densité de ses significations, avec les créations artistiques les plus puissantes de la période, celles de Matisse, Giacometti, Léger ou Picasso… Elle trouve sa place dans une époustouflante série corbuséenne aux côtés des réalisations indiennes d’Ahmedabad et de Chandigarh, du couvent de la Tourette, des unités d’habitation de Marseille, Nantes… L’architecte atteint ici une sorte de plénitude poétique qui confine à l’universalité… Lorsqu’il découvre au printemps 1950 le site de Ronchamp, il est subjugué par le paysage. Dès ses premières esquisses apparaissent les courbes qui feront l’originalité de la chapelle. L’espace intérieur est dépouillé, mais sculpté par la lumière qui y pénètre, modelée, colorée par les blocs de verre... Sous le plafond filtre un trait lumineux qui soulève la masse de la toiture... En juin 1955, Le Corbusier a trouvé les mots justes. Il parle d’un « lieu de silence, de prière, de paix, de joie intérieure », et du « sentiment du sacré » qui, par-delà toute religiosité, a animé sa recherche. C’est cela qui nous touche…

Quel regard portez-vous sur la réalisation de Renzo Piano ? L’exercice qui consiste à rapprocher une nouvelle œuvre de celle d’un maître est-il forcément sujet à polémique ? Renzo Piano a valorisé l’environnement de la chapelle. Son travail est respectueux… L’architecture est un métier difficile, davantage encore aux abords d’un chef-d’œuvre. Les polémiques sont alors inévitables.

Ghislain UTARD

Notre-Dame du Haut : une rupture avec les lignes droites ©Photo AONDH/ADAGP

DANS LES PETITS PAS DE L’HISTOIRE

ANALYSE

« ELLE NE RESSEMBLE À RIEN D’AUTRE ! »

Au pied de la colline de Bourlémont, le puits Sainte-Marie, dernier vestige d’une activité minière qui était en crise lors de la construction de la chapelle. © Photo Ghislain UTARD L’Est Républicain.

À LA MINE Le chantier mené à Notre-Dame du Haut s’accompagne d’une certaine amertume. Pour cause : tandis que s’investissent des fonds dans l’édifice de Le Corbusier, le bassin houiller de Ronchamp, en déclin continu depuis plusieurs décennies, vit ses derniers soubresauts. L’appauvrissement du gisement, son éloignement, la concurrence, ses difficultés d’exploitation … auront définitivement raison en 1958 d’une longue tradition minière. Dès la pose de la première pierre de la chapelle en avril 1954, l’avenir de la mine est évoqué dans les discours. Mais les pieuses paroles resteront vaines. Aujourd’hui, c’est au pied-même de la colline de Bourlémont que subsiste le puits Sainte-Marie, ultime vestige d’une activité minière passée avec un bassin houiller qui a employé jusqu’à 1500 personnes.


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«Un lieu vivant et habité»

NOËL RONCET

Haut et prolongent la précédente. Car Le Corbusier avait toujours eu l’idée d’édifier un accueil, de faire de ce site un endroit vivant. Faute d’argent, ça n’avait jamais été fait ». L’objectif, c’est de faire de la colline, avec la notoriété de Le Corbusier et Renzo Piano, un lieu « vivant et habité ». Tout en faisant cohabiter « tourisme, culture et spiritualité ». « Ce n’est pas toujours facile. Mais nous avons travaillé à un accueil pluriel et équilibré ». Et l’association se félicite d’avoir su nouer avec les Clarisses de Besançon un projet partagé. « Leur présence est importante Noël Roncet, président de l’AONDH pour garder le côté religieux. C’est une présence perpropriétaire du site : « faire cohabiter le tourisme, manente et discrète. Il y a une symbiose assez heula culture et la spiritualité ». reuse entre les deux entités ! ». ©Photo ER

FISSURES ET RESTAURATION

Noël Roncet regarde le futur avec optimisme. « Le site fascine les gens. Il est à la fois un point fort du patrimoine architectural moderne et un endroit spirituel ouvert sur l’avenir. Or notre monde a bien besoin d’un lieu de silence et de paix ». Mais la réalité de Ronchamp, c’est aussi une chapelle Plutôt rare pour un édifice religieux : la chapelle et la qui s’est détériorée. « Nous allons mener une phase colline forment une propriété privée. Celle de l’Asso- expérimentale pour savoir quels traitements doivent ciation Œuvre Notre-Dame du Haut, lointaine « des- notamment subir les bétons et les vitrages. La struccendante » des 45 familles qui rachetèrent le site lors ture de la chapelle est bonne. En revanche les crépis de la période révolutionnaire. C’est elle qui a porté et films de béton sont soumis à d’énormes variations la création en 2011 d’un nouvel accueil (la Porterie) de températures. Il y a des fissures. C’est dans la et d’un monastère (avec le concours des Clarisses). logique des choses. Il faut s’habituer à vivre avec un Signés de l’architecte italien renommé Renzo Piano, béton soumis aux aléas d’un vieillissement sur lequel ils sont enchâssés dans le terrain et jouent avec la nous n’avons, finalement, que peu de recul ». lumière en ouvrant les portes à une architecture du C’est dire que l’AONDH a du pain sur la planche. Mais XXIe siècle respectueuse de son aînée. Alors oui, « la après l’intervention de Renzo Piano et du paysagiste propriété privée, avec la liberté qu’elle a apportée » Michel Corajoud, la colline est entrée dans le nouveau a été un avantage, estime le président de l’AONDH. siècle, prête à conquérir plus de visiteurs, à offrir ses Sans cette marge de manœuvre, « il n’y aurait eu ni Le paysages environnants. Et si vous êtes simplement Corbusier ni Renzo Piano. Parce qu’il a fallu un peu de laïc et peu sensible à l’architecture, « il suffit, explique folie pour faire appel à de tels architectes, innovants, Noël Roncet, d’avoir le sens de la beauté et un peu d’humanité pour se laisser toucher par la beauté du audacieux », sourit Noël Roncet. site »…

Nouveau pavillon d’accueil, nouveau monastère, premier pas vers la restauration de la chapelle : l’association propriétaire du site revendique ce soupçon « de folie qu’il fallait pour faire appel à Renzo Piano après Le Corbusier ».

« UNE NOUVELLE ÈRE »

Avec la Porterie, les visiteurs disposent d’un accueil à la hauteur du site. Revers de la médaille : l’association de loi 1901 doit maintenant faire face à ses emprunts jusqu’en 2040. 12,4 millions d’euros ont été injectés dans les aménagements (Porterie, monastère, refonte paysagère, parking) qui sont griffés du maître italien et du paysagiste Corajoud. Ces équipements « marquent une nouvelle ère pour Notre-Dame du

Ghislain UTARD Vidéo de l’entretien avec Noël Roncet, par Yvan Gaudefroy sur www.estrepublicain.fr

En contrebas de la chapelle, la Porterie offre désormais un accueil professionnalisé aux visiteurs.

Photo Ghislain UTARD – L’Est Républicain ©RPBW

PORTERIE

Accueillir le monde entier… Près de 80 nationalités différentes en 2014… Ne cherchez pas : les visiteurs viennent du monde entier pour découvrir les courbes d’un chefd’œuvre. Ce qui impose un accueil professionnalisé.

Les visiteurs et pèlerins ? Ils sont à 70 % étrangers. Et si l’admiration des Japonais pour Le Corbusier est bien connue, les Chinois, les Coréens et plus globalement les Asiatiques sont de plus en plus friands de Ronchamp. Ils y croisent, pour cause de voisinage ou de nationalité partagée avec le francosuisse Le Corbusier, de très nombreux Allemands et Helvètes. La nouveauté, c’est l’afflux des Italiens. Il est vrai qu’avec la signature de Renzo Piano sur le monastère et le pavillon d’accueil (porterie), les Transalpins se lancent du même coup sur les traces d’un prestigieux compatriote qui a griffé le Centre Georges-Pompidou ou l’Académie des Sciences de Californie.

« UN TARIF DANS LA NORME »

À travers la Porterie, une entreprise qui est son émanation, l’association propriétaire (AONDH) travaille à « valoriser et animer les lieux », essaie de générer des bénéfices pour entretenir le site.

Site ouvert toute l’année ( sauf le 1er janvier). 1er avril au 31 octobre : 9 h –19 h. 1er novembre au 31 mars : 10 h – 17 h. Téléphone Porterie : 03 84 20 65 13. Accès : 8 €, 4 € pour les 8-17 ans, gratuit pour les moins de 8 ans. Courriel : accueil@collinenotredameduhaut.


Une maquette de la colline à découvrir à la Porterie. ©Photo Ghislain Utard - L’Est Républicain

Elle a surtout, explique la directrice Lucile Hervet, « professionnalisé l’accueil » des quelques 61.000 visiteurs (2014) autour d’un joyau qui est à lui seul une invitation à la découverte de l’architecture moderne, de l’usage du béton, des jeux avec la lumière et les reliefs du terrain. À l’arrivée, le regard englobe ainsi la création de Piano que surplombe celle de Le Corbusier, laquelle révèle ensuite toute sa puissance. La Porterie qui s’ouvre sur le paysage et un jardin d’hiver, offre une salle d’accueil avec bancs de béton entourant un grand insert de cheminée. Salle d’expo, maquettes, boutique… composent cet ensemble qui mène vers le haut de la colline et la chapelle. Moyennant finances… « Le tarif de 8 € est dans la norme des sites culturels », estime Lucile Hervet. « Il doit permettre à l’AONDH de faire face à ses emprunts, de contribuer au développement touristique et économique de ce site privé ».

VALORISATION, ANIMATION

Pour garantir le respect de la dimension religieuse ancestrale de cette colline, « la gratuité a été instaurée pour les habitants de RonchampChampagney puis élargie à toute la Communauté de communes Rahin et Chérimont ». Les visiteurs extérieurs peuvent souscrire un abonnement de 10 € pour l’année. La double vocation du site, religieuse et architecturale, impose d’ailleurs une approche qualitative. Pas question de multiplier les produits dérivés comme un Disneyland ! « Nous sommes extrêmement prudents », indique Lucile Hervet dont l’équipe a pour mission essentielle de faire vivre le site. « Outre des animations, nous programmons un événement majeur par an ». La Porterie permet aussi de proposer des visites guidées en français, allemand, italien, voire en néerlandais et suédois. Un des dépliants se décline en japonais. La « Colline Notre-Dame du Haut » a d’ailleurs décroché le label « Qualité Tourisme Franche-Comté ». L’année dernière, le site a enregistré des visiteurs de douze nouvelles nationalités. Vous avez dit « mondialement connu » ?

Un monastère ouvert sur le monde

©Photo Ghislain Utard - L’Est Républicain ©

Les sœurs clarisses de Besançon ont tout quitté pour rejoindre en 2011 leur nouveau monastère dessiné par une star de l’architecture. Avec la conception du monastère SainteClaire, Renzo Piano n’a rien voulu faire d’autre que du Renzo Piano, tout en ne cachant rien de ses héritages, de ses inspirations et de son admiration pour Le Corbusier. Son premier geste a été de tracer un cercle sur le plan de la colline afin de s’éloigner de 100 mètres au moins de l’édifice corbuséen. Les corps de bâtiment du monastère et de la Porterie sont venus épouser ces cercles concentriques. Enfouir les structures dans la déclivité de la colline permettait également de préserver le regard. Le projet pouvait se concrétiser… Il est l’aboutissement d’une rencontre. L’association AONDH cherchait à faire vivre sa colline, la petite dizaine de sœurs de Besançon, une communauté installée dans la cité depuis sept siècles et demi, souhaitait vendre son monastère pour d’autres horizons… Le rapprochement était naturel. Il a doublement pris une dimension extraordinaire avec le maestro italien. De « très longs échanges » ont eu lieu entre les sœurs, Renzo Piano et Paul Vincent. Les architectes qui n’avaient, jusqu’ici, jamais réa-

lisé de bâtiment cultuel, ont voulu « tout comprendre du fonctionnement d’un monastère ». Ainsi est né ce bâtiment, respectueux de l’usage, à la fois lové dans la colline et ouvert aux paysages, réceptacle de lumière et racines spirituelles. Ce bâtiment comprend un lieu de vie commune, un espace d’accueil des retraitants, un oratoire et les cellules des sœurs claRPBWL’oratoire, une petite chapelle ouverte risses. au public, est justement là où s’exprime le plus bel hommage à Le Corbusier, avec le principe d’une arche inversée qui semble ne pas reposer sur les murs porteurs, un puits de lumière qui descend sur un mur penché (à l’image du mur Sud de la Chapelle de Le Corbusier) pour suggérer une impression d’immatérialité. Les murs extérieurs sont entièrement en verre rythmé par des châssis en aluminium à l’effet « persienne » selon les angles de vue, ce qui préserve l’intimité contemplative des sœurs. À l’extérieur, une sorte de cloître déroulé est ouvert sur la forêt. Et puis du sommet de la colline, au pied de la chapelle, on n’aperçoit seulement du monastère de Piano qu’un petit campanile qui dépasse. C’est sûrement un hommage à Jean Prouvé qui a dessiné celui de la colline et qui fut aussi un grand ami et maître de Piano…

Didier FOHR

G.U

Objectif du projet de Renzo Piano pour la Porterie et le monastère : être invisibles depuis Notre-Dame du Haut. ©RPBW, 2015, Paris.


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LE PROJET RENZO PIANO

Se glisser dans les plis de la colline

Interview

PAUL VINCENT Paul Vincent a dirigé, en qualité d’architecte chef des projets et partenaire de Renzo Piano, la construction de la Porterie et du monastère Sainte-Claire.

Des visiteurs du monde entier viennent à Notre-Dame du Haut pour son architecture et/ou pour se recueillir. Quelles idées ont conduit le projet, pourquoi l’avoir amendé ?

2015 marque les 50 ans de la disparition de Le Corbusier. Au-delà de sa part d’ombre, qu’a-t-il apporté aux architectes ?

Renzo Piano ne cherchait pas la confrontation mais une façon de se mettre au service de la chapelle, des sœurs, des visiteurs. Cette humilité est une force. Le projet est puissant grâce à sa volonté de se glisser doucement, intimement, dans les plis de la colline, de tracer ainsi ces lignes d’horizon. On découvre avec ravissement cet habitat semi-enterré car l’architecture et le paysage ne font plus qu’un. Le projet n’a jamais été amendé ! Cela faisait plaisir à ses ennemis de le croire. Renzo Piano l’a fait évoluer, en continu, en se nourrissant des contraintes et en se remettant au travail afin de progresser. C’est son processus de création. J’ai joué mon rôle de fourmi ouvrière entêtée, de médiateur forcené aux côtés des acteurs du projet.

Il est l’un des plus grands inspirateurs de l’architecture moderne avec Mies, Aalto, Gropius. Il représente une référence indiscutable, qui n’a pas d’âge, ne vieillit pas ! Chacun de ses projets reste extrêmement contemporain. La chapelle de Ronchamp est une référence innovante, lumineuse ; celle qui nous donne envie d’exercer ce métier, de recevoir et transmettre. Renzo Piano a réalisé des dizaines de musées. Est-ce en spécialiste de l’art qu’il a abordé ce chef-d’œuvre ? Renzo Piano a hésité à accepter cette mission. Il a été convaincu par l’absolue nécessité d’habiter la colline, de la faire vivre, d’y assurer une présence spirituelle. Le Corbusier avait lui-même esquissé un projet. Renzo Piano a souhaité intervenir en « humaniste » respectueux, non en spécialiste de l’art. Pour ma part, j’ai été un « développeur » actif du projet. J’y ai mis avec notre petite équipe toute ma passion. Au même titre que l’avait fait, dans l’agence de Le Corbusier, André Maisonnier, véritable artisan de la réalisation de la chapelle, et Lannis Xenakis, fabuleux ingénieur et musicien.

Comment conduit-on un tel chantier avec une association comme l’AONDH et des religieuses, des maîtres d’ouvrage peu « classiques » ? Un projet est la plupart du temps le miroir d’un maître d’ouvrage. Conduire un projet puis un chantier avec des personnes d’une telle valeur morale et sérénité est une leçon de vie. Vous ressortez différent. Nous avons franchi les obstacles main dans la main. Renzo Piano et notre ami paysagiste, le grand Michel Corajoud, se sont

RENZO PIANO

L’HUMANISTE

Son nom est indissociable du centre Pompidou qu’il a signé avec l’Anglais Richard Rogers. Il avait seulement 33 ans ! On lui doit la Fondation Seydoux-Pathé et il a dessiné le nouveau Whitney Museum de New-York. En s’attachant le talent de l’architecte Renzo Piano pour imaginer la Porterie et le monastère de Ronchamp, les propriétaires de la colline ont voulu une signature à la hauteur d’une mission délicate. L’Italien est au rang des lauréats (1998) du Prix Pritzker, considéré comme le « Nobel » des architectes. Né à Gênes en 1937 dans une famille de constructeurs, Renzo Piano est attaché à ce qu’il appelle la « vérité du lieu ». Il ne dit jamais « oui » à un projet sans avoir vu le site. Sa démarche est avant tout humaniste sinon poétique. Ronchamp n’est qu’une petite pierre dans une carrière rythmée par le New York Times Building, l’extension-rénovation des Harvard Art Museums, la London Bridge Tower, l’Académie des Sciences de Californie, la fondation Beyeler… Chacune de ses réalisations ne ressemble à aucune autre. L’homme ne raisonne pas qu’en termes de formes. Il pense lumières, légèreté, avenir de la planète, évolution des périphéries urbaines… En août 2013, le président de la République italienne Giorgio Napolitano l’a nommé sénateur à vie. G.U.

Renzo Piano et Paul Vincent : « Avec une porterie et un monastère semi-enterrés, l’architecture et le paysage ne font plus qu’un ». Photo DR- ©RPBW, 2015, Paris.

beaucoup investis. Michel a souffert des polémiques stériles autour du projet. Les clarisses, dont sœur Brigitte de Singly, ont été fabuleuses, à l’écoute. Tout comme les membres de l’association : Jean-François Mathey, Jean-Jacques Virot, Patrick Gillmann, Raoul Sauron. Face à l’adversité inique, il s’agit d’avancer pas à pas sans se retourner… Quels étaient les principaux écueils techniques de ce projet par ailleurs récompensé par le Moniteur, avec un prix spécial, dans le cadre de son Equerre d’argent ? L’insertion était délicate, coûteuse à mettre en œuvre dans ce site classé. Il fallait, depuis la chapelle, être invisible tout en ayant une présence, donner la sensation que des « elfes » joyeux habitent désormais cette terre. Les travaux de terrassements et de gros œuvre ont été complexes avec l’application stricte de la règlementation sismique. S’y ajoutait la nécessité de construire un habitat vertueux, économe en énergie... De quoi êtes-vous le plus fier ? De tous ceux qui se sont unis autour du projet en faisant preuve de tolérance, écoute et passion ! J’espère que les visiteurs sentent cette humilité inscrite dans la terre du lieu.

Recueilli par Ghislain UTARD


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ALBIZZATI :

©Photos Guillaume Chaillan - L’Est Républicain

« des gens qui travaillent beaucoup » L’entreprise comtoise Albizzati a construit monastère et Porterie. Un savoir-faire au service d’un chantier soucieux du détail. À Danjoutin, près de Belfort, Alain Albizati (1), le patron de l’entreprise de bâtiment choisie pour la construction du monastère Sainte-Claire et de la Porterie, raconte cette aventure avec émotion. Et si on lui demande si ce chantier était particulier, il répond qu’ils le sont tous… Et pourtant : « Nous avions trois donneurs d’ordre et l’architecte était quand même Renzo Piano... Il se trouve que tous ces gens travaillent énormément, avec le souci du moindre détail. J’ai été frappé par le fait que chacun écoutait beaucoup. Il y avait une très grande qualité d’échange, une grande conscience du métier de chacun ». Et puis d’abord le choix du béton. De nombreux essais ont été réalisés pour trouver l’agrégat naturel qui puisse ré(1) Les noms de la famille pondre aux exigences du projet et de l’entreprise ont (c’est du « roulé du Rhin » qui a une orthographe différente pour des motifs été choisi) avec des ciments parhistoriques.

ticuliers, très clairs et à haute-performance. « Il aurait été plus simple de choisir du béton blanc mais ce n’était pas l’intention, il a fallu trouver la bonne formule ». Dans la conception également, le souci de la précision était primordial avec de très sévères contraintes thermiques et d’isolation puisque le bâtiment est semi-enterré. « Chaque détail comme celui des arêtes d’angle, de la lumière, des couleurs très précises participent au sentiment de l’expérience du lieu, à un sentiment global. C’est toute une réflexion que nous avons menée ensemble. Oui, nous sommes fiers de tous les chantiers et de D.F. celui-là aussi ».

La construction du monastère et de la Porterie a impliqué de nombreux essais pour élaborer un ciment clair et de haute performance.

De la citadelle Vauban à Besançon au château de Montbéliard, en passant par la chapelle Le Corbusier de Ronchamp ou la Saline Royale d’Arc-et-Senans, venez découvrir un patrimoine d’une richesse exceptionnelle... Culture, nature et gastronomie, faites le plein de souvenirs monumentaux ! WWW.ORIGINALEFRANCHECOMTE.FR

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- Crédit photo : GraphicObsession

BARTHOLDI, VAUBAN, OU LE CORBUSIER, CERTAINS N’ONT PAS RAMENÉ DE SOUVENIRS, ILS EN ONT LAISSÉ.

02/06/15 11:10


60e anniversaire les 25-27 et 28 juin

JEUDI 25 JUIN Lancement du comité de soutien pour la candidature UNESCO MUSIQUE - DUO DE CORDES Concert au profit des restaurations de la chapelle. La violoniste Marianne Piketty et le violoncelliste Raphaël Unger interprètent des œuvres classiques (Bach, Ysaÿe, Kodály…). Le 25/06 à 20h à Notre-Dame du Haut. Participation libre.

SAMEDI 27 JUIN

Tarification unique pour tous : 2€. Les 27 et 28 juin. Concours artistique ouvert à tous. Trois catégories seront proposées : enfants, jeunes, adultes. Un comédien costumé en Le Corbusier sera présent tout le week-end avec des interventions ludiques tout au long des deux journées. Petite restauration proposée sur place. MATIN - 9h30 : visite guidée thématique Le Corbusier, un artiste complet : on ignore souvent que Le Corbusier a habillé lui-même ses réalisations architecturales de meubles, peintures, sculptures ou tapisseries de sa propre main. Presque tous ces aspects de Le Corbusier, comme artiste polyvalent et amoureux de la synthèses des arts, s’illustrent magnifiquement à la Colline Notre-Dame du Haut. - 11h : visite guidée théâtralisée Jean Winiger, comédien et meteur en scène de la pièce « Le Corbusier un sacré rôle », s’attache à faire revivre l’héritage de Le Corbusier sur la Colline Notre-Dame du Haut. Cette visite théâtrale est donc l’occasion de partir sur les traces de l’architecte avec un comédien, copie conforme de Le Corbusier. MIDI : pique-nique géant tiré du sac. APRÈS-MIDI : - 14h30 : visite guidée théâtralisée - 16h30 : concert dans la chapelle des œuvres d’Albert Jeanneret (frère de l’architecte Le Corbusier). SOIRÉE : pique-nique tiré du sac à compter de 19h. - 20 h : concert de Clara YUCATAN, groupe « pop air bag » de Besançon à la musique légère et énergique, - 22 h : projection de 2 courts métrages « L’architecte du bonheur » et « Pour une vie, pour une ville ». - 23 h : lâcher de lanternes volantes.

DIMANCHE 28 JUIN - 9h30 : visite guidée théâtralisée - 11h : messe en plein air de la chapelle Notre-Dame du Haut suivie des discours d’inauguration de la chapelle en 1955 - à partir de 12 h : pique-nique géant tiré du sac. - 14h30 : visite guidée théâtralisée - 16h30 : visite guidée thématique Animations pour les enfants.

Détails sur : www.estrepublicain.fr et www.collinenotredameduhaut.com

EXPOSITIONS

UNE CHAPELLE INSPIRÉE : LES SOURCES DE LE CORBUSIER

L’histoire de l’architecture, les arts plastiques, les techniques industrielles et la nature sont sources d’inspiration pour Le Corbusier qui en a tiré un répertoire de formes mis en œuvre à Notre-Dame du Haut. Jusqu’au 01/11. Tarif : inclus dans le droit d’entrée.

CRÈCHES DU MONDE

A l’occasion des fêtes de fin d’année, La colline Notre-Dame du Haut se pare de crèches variées et colorées. Ces nombreuses scènes de la Nativité se distinguent par leur traitement, les matériaux employés ou bien même leur origine géographique. Pour cette deuxième édition, partez à la découverte de ces objets hors du temps... Du 16/11/2015 au 10/01/2016. Tarif : inclus dans le droit d’entrée.

VISITES-CONFÉRENCES

par Gilles Ragot, professeur d’Histoire de l’art. Le 23/09 à 20h, Saline royale d’Arc-et-Senans (25).

AUTOUR DE L’UNESCO : ITINÉRAIRE CULTUREL EUROPÉEN DES SITES LE CORBUSIER

« LA CLEF C’EST LA LUMIÈRE »

SPIRITUALITÉ

VISITE GUIDÉE DE L’EXPOSITION UNE CHAPELLE INSPIRÉE :

Programme détaillé à télécharger sur estrepublicain.fr

JOURNÉES EUROPÉENNES DU PATRIMOINE

Le Corbusier, artiste polyvalent, a habillé ses réalisations architecturales de meubles, peintures, sculptures de sa propre main. 19/09 et 20/09 à 15 h 30, 17/10 à 15h . 12€ / 6€ pour les 8 -17 ans. Inclus dans le droit d’entrée pour les Journées du Patrimoine.

NOCTURNE À NOTRE-DAME DU HAUT

Le site de Ronchamp propose, sauf exception, des animations incluses dans le droit d’entrée les 19 et 20 septembre : à 11 h et 17 h, visite conférence de la Colline Notre-Dame du Haut et 15 h 30 conférence « Un artiste complet ». Uniquement le samedi (entrée 10 €) : à 19h30 du théâtre avec « Le Corbusier, un sacré rôle ».

A VOIR AUSSI …

Le temps d’une soirée, découvrez les richesses du patrimoine de la Colline. 10/07, 24/07, 04/08 (Musique aux 4 horizons), 21/08. A 19h30 (20h30 pour le 04/08). 12€ adultes / 6€ pour les 8 -17 ans. Pour le 04/08 (Festival Musique aux 4 horizons) : 35€ adultes / 17,50€ pour les 8 -17 ans.

60 ANS DE BÉTON À RONCHAMP

De Le Corbusier à Renzo Piano, le béton a été le matériau le plus utilisé sur la Colline. Visite thématique avec un architecte. 3/10, 7/11 à 15h. 12€ adultes / 6€ pour les 8 -17 ans.

LE MONASTÈRE SAINTE-CLAIRE

En 2011, la Colline a accueilli un nouveau monastère. Visite guidée avec une moniale. 9/10, 21/11 à 15h. Tarif : inclus dans le droit d’entrée.

LES TRÉSORS DE RONCHAMP LES CROIX DE LE CORBUSIER

La chapelle se compose de nombreuses croix dessinées par Le Corbusier qui, conservées dans les archives, sont exceptionnellement sorties et expliquées. 05/09 à 15h. 12€ adultes / 6€ pour les 8 -17 ans. Réservation au 03 84 20 73 27.

RONCHAMP, ABOUTISSEMENT DE L’ART RELIGIEUX AU XXe S. FRANÇAIS

WEB

par Françoise Caussé, historienne de l’art. Le 8/09 à 16h Colline Notre-Dame du Haut.

FESTIVAL MUSIQUE AUX 4 HORIZONS L’ambition est de pérenniser le festival. « Nous faisons partie comme « Master Class » du dossier de demande d’inscription à l’Unesco. Nous avons 3 ans pour devenir un Festival de cordes contemporain unique en Europe... ou disparaître ». L’édition 2015 permet avec ses musiciens de talent de jouer les compositions les plus ardues. Iannis Xenakis, l’ingénieur de Le Corbusier, sera au programme comme Vasks et Shostakovitch, aux côtés de Barber, Isaye, Britten, Schubert, Vivaldi, Bach, Brahms. Cerise sur le gâteau : un concerto commandé spécialement pour ces dates anniversaire à Tomas Bordalejo, jeune compositeur argentin, sur le thème de « l’Ombre et la Lumière » cher à Le Corbusier.

Programme sur www.musiqueaux4horizons.com

À l’écoute de l’Évangile, découverte et partage de la vie des clarisses à Ronchamp. Ouvert aux 18 à 35 ans. Du 27/08 à 17h au 30/08 à 18h. Contact : soeur-maggy.ronchamp@orange.fr. Les 15 août et 8 septembre.

LE CORBUSIER, UN ARTISTE COMPLET

Réservations au 03 84 20 73 27

SÉJOUR MONASTIQUE

PÈLERINAGES

L’architecture, les arts, les voyages et la nature sont sources d’inspiration pour Le Corbusier. 18/07, 12/09, 24/10 à 15h. 12€ adultes / 6€ pour les 8-17 ans.

Conférences gratuites, places limitées.

La colline de Ronchamp est le cadre du Festival Musique aux 4 Horizons. Cet événement accueille des musiciens en résidence et propose une série de concerts. « Le Festival M4H est un lieu de vie musicale, pédagogique, où nature et musique permettent de relier les communautés », expliquent Marie Christine et Paul Vincent, co-fondateurs de l’association. « Accueillir sur la Colline, du 1er au 9 août 2015, dans la chapelle et le monastère, 10 jeunes prodiges de toute l’Europe créent un festival unique. Le but est aussi de donner, avec la violoniste et professeur Marianne Piketty, et grâce à une programmation contemporaine inédite, une image neuve de la région ».

LA CHAPELLE ET LE PATRIMOINE MONDIAL DE L’UNESCO

par Marc Petit des sites Le Corbusier. Le 05/11 à 18h Colline de Ronchamp.

CONFÉRENCES

Le Festival M4H associe des jeunes prodiges sur la colline de Bourlémont Photo DR

« JE RÊVAIS »

Un thème dans la peinture de Le Corbusier par Nicolas Surlapierre Conservateur des musées de Belfort. Le 16/09 à 18h Tour 46, rue Bartholdi à Belfort.

Les réservations au 03 84 20 73 27 sont obligatoires pour les visites-conférences. Dans la chapelle, Le Corbusier a multiplié les éclairages indirects, les couleurs et les dessins sur ses vitrages. Secrets à découvrir lors d’une « promenade architecturale ». 29/07, 19/08, 26/09 à 15h. Tarifs : 12€ adultes / 6€ pour les 8 -17 ans.

ANI MAT IONS

FEST IVI TÉS

ANIMATIONS et FESTIVITÉS

SUR LE

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Quelques repères parmi les événements prévus pour le cinquantenaire de la mort de Le Corbusier. • Le Centre Pompidou consacre à Paris, jusqu’au 03/08 (11h–21h) une rétrospective de son œuvre à travers quelque 300 pièces. Une salle est consacrée au Modulor, notion inventée par l’architecte (silhouette humaine standard pour gérer l’espace). • À la Maison La Roche (Paris), la Fondation Le Corbusier expose œuvres, peintures, sculptures, installations. « Re-Corbusier » : jusqu’au 06/07. • La célèbre Villa Savoye à Poissy propose tout au long de l’année des expositions et animations. Ouverture au public les 19/20 septembre de la maison du jardinier restaurée… • À Belfort, « Archi peintre ou Le Corbusier imagier », jusqu’au 22/09, salles d’exposition temporaire des Musées de Belfort. Dans la même ville, jusqu’au 22/09 : la Donation Jardot. • À la Saline Royale d’Arc-et-Senans, « L’indicible », jusqu’au 28/08. • À la cité de l’Architecture (Paris) à partir du 11/11 : « Chandigarh, 50 ans après Le Corbusier », capitale du Penjab (Inde) sur laquelle travailla Le Corbusier. Le site www.collinenotredameduhaut.com histoire, découverte et programme d’animations. Interview vidéo du président de l’AONDH sur www.estrepublicain.fr L’association des sites Le Corbusier : www.sites-le-corbusier.org/fr/ Fondation Le Corbusier : www.fondationlecorbusier.fr Le projet de porterie et monastère sur le site de Renzo Piano Building Workshop : www.rpbw.com Disparu en 2014, le paysagiste Michel Courajoud était sur le web : http://corajoudmichel.nerim. net/www.clarisses-a-ronchamp.fr/clarisses Pour découvrir la chapelle en 3D et les photos des internautes, cap sur Google Earth. Le Géoportail de l’IGN (www.geoportail.gouv.fr) permet un aperçu aérien, tout en remontant dans le temps.

LA HAUTE-SAÔNE

Connaître et séjourner : www.destination70.com. Le Département : www.haute-saone.fr Nouveau site de balades pédestres, cyclistes, fluviales, équestres : www.balade-haute-saone.fr Les Petites Cités Comtoises de Caractère : www.petites-cites-comtoises.org Le passé minier de Ronchamp sur www.mineronchamp.fr La Maison de la Négritude et des Droits de l’Homme à Champagney, près de Ronchamp : www.maisondelanegritude.fr


La Haute-Sa么ne, votre destination touristique au sud des Vosges

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Harmonie douce et insolite des formes galbées, clarté éclatante du crépi blanc, ferveur du béton. La chapelle transcende tous les codes. Visite de la plus inspirée des œuvres de Le Corbusier, apôtre de l’architecture moderne. Notre-Dame du Haut s’apprécie d’abord de loin. Pour cela, il faut arriver par la RN19. Quel que soit le temps, la chapelle apparait alors dans une clarté blanche au milieu des bois, perchée sur la colline de Bourlémont, au-dessus de Ronchamp (474m). Puis, deux possibilités se présentent au visiteur. La voiture : au centre de la commune, un embranchement conduit vers le sanctuaire, 121 m plus haut. Mais ce n’est pas le meilleur chemin. Ceux qui peuvent marcher préfèreront monter à pied, en empruntant le chemin historique des pèlerins. Pour cela il faut prendre la « rue de la Chapelle », puis la « rue de la Cure » juste après le pont de chemin de fer, à gauche. Petite anecdote : sur le linteau de la porte du presbytère, en retrait de la rue, on peut lire cette inscription : « MCMVII Régnatibus impiis » (1907, sous le règne des impies). Lors de la séparation de l’Église et de l’État, chassé du presbytère situé alors juste à côté de l’église paroissiale du village Notre-Dame du Bas, le curé de Ronchamp fit construire une nouvelle cure. Elle sert aujourd’hui pour les besoins de la paroisse ; elle permet aussi d’abriter des frères franciscains qui participent durant l’été à l’animation spirituelle de la chapelle NotreDame du Haut, avec le chapelain, lui-même franciscain. Au bout de la rue de la cure, on arrive près du cimetière de Ronchamp. Le sentier qui mène au sanctuaire en longe le mur puis s’enfonce en montant dans le bois. Il est un peu raide et assez glissant par temps de pluie mais offre un précieux temps de silence et de méditation au milieu des arbres. Les stations d’un Chemin de croix invitent les pèlerins au recueillement. Le sentier débouche sur une prairie. Notre-Dame du Haut jaillit, telle une sculpture moderne ancrée sur le sommet de la colline. De là, on pénètre sur le site par la Porterie. Avant d’entrer dans la Chapelle, il faut faire le tour de l’édifice. Lentement pour apprécier toutes les subtilités de ce mémorial de la Paix et de l’Amour contre lequel le fracas du monde s’évanouit dans une lumière immaculée. Patiemment pour laisser au regard le temps de suivre l’envol des murs crépis de blanc vers un ailleurs mystérieux. En admirant le gonflement du toit en béton brut, on se souviendra avec amusement que sa forme est inspirée

d’une coque de crabe que l’architecte avait ramassé sur une plage de Long Island, près de New York. Poursuivant le tour vers l’est, on se trouve face au chœur extérieur, abrité par le débord du toit. Il est la réplique de celui intérieur. C’est là que se tiennent, à la belle saison, les offices et les assemblées des grands pèlerinages. À ces occasions, la statue de la Vierge du XVIIe siècle (rescapée de l’ancien sanctuaire détruit en 1944), installée au-dessus de l’autel, est retournée. Une ouverture, la seule importante dans la paroi, permet de la voir depuis l’extérieur tout en paraissant ouvrir sur l’infini. Sentiment renforcé par le toit bombé pointant vers le ciel. L’arrière de la chapelle est plus austère avec ses trois tours hémisphériques (de 15 à 22 m de haut) abritant les chapelles secondaires. Là aussi, l’architecte s’est inspiré d’un souvenir : « En 1910, j’avais repéré un truc comme ça creusé dans une grotte romaine à Tivoli ». On remarquera aussi cet étrange gargouille que d’aucuns ont comparé… à une piste de saut à ski ! Elle déverse l’eau qui s’écoule du toit dans un grand bassin de béton décoré de trois formes géométriques (symbolisant la trinité ?), elles sont également de béton. Les pèlerins ont l’habitude d’y jeter une pièce en formulant un souhait. En face s’élève le Portique des cloches conçu en 1974 par l’ingénieur nancéien et grande figure de l’architecture du XXe siècle, Jean Prouvé. Deux ont été récupérées des anciennes chapelles qui se sont succédé ici. Il reste à découvrir l’intérieur. Le sol en pente glisse vers l’autel principal. La statue de la Vierge se découpe en contre-jour dans la fenêtre du mur est. Les bancs de béton et de bois sculpté sont curieusement placés sur le côté de la nef : Le Corbusier voulait laisser l’espace libre pour la circulation des pèlerins. Mais ce qui surprend le plus c’est la lumière. Travaillant sur le projet de la chapelle, l’architecte écrivit dans un carnet : « Il n’y aura pas de fenêtre, la lumière entrera partout comme un ruissellement ». C’est tout le paradoxe de cet édifice : de l’extérieur, il paraît presque dénué d’ouvertures, à l’instar des mosquées dont celle de Sidi Brahim d’El Atteuf, qu’il découvrit en 1931. Et pourtant, l’intérieur est baigné d’une luminosité tout en nuances qui incite au recueillement. En fait, le grand mur, exposé au sud-est, est percé d’une trentaine de fenêtres octogonales de dimensions diverses et habillées de vitrages blancs ou colorés. L’effet est accentué par d’autres ouvertures ici et là, comme celles minuscules dispersées dans le mur derrière l’autel. Avant de partir, il faut descendre vers le fond du parc et de nouveau s’imprégner du monument, étrange paquebot avec sa proue hardie, ses étranges cheminées-périscopes. Pour se décharger de son fardeau et mieux partir vers soi. « J’ai voulu créer un lieu de silence, de prière (…) et de joie intérieure », disait Le Corbusier. Jérôme ESTRADA

VISITE

Lumière sur une œuvre unique

Photos Jérôme Estrada-L’Est Républicain © ADAGP

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« L’architecture est le jeu savant, correct et magnifique des formes sous la lumière… » a écrit Le Corbusier.


LES PHOTOS OUBLIÉES DE RONCHAMP Deux classeurs de 72 planches-contacts, soit près de 900 photos d’exception : voilà ce que représente la chapelle Notre-Dame du Haut vue par Charles Bueb, qui y a suivi l’aventure de Le Corbusier. Ses négatifs sont restés soigneusement rangés pendant 50 ans. À part la famille de Charles Bueb, presque personne n’en connaissait l’existence ! Un livre réunit pour la première fois une importante sélection de ces archives et apporte un fabuleux éclairage sur la construction et l’atmosphère de l’époque. Disparu en 2007, Charles Bueb, n’était pas un photographe spécialisé en architecture mais un homme curieux du monde. En 1951, il commence une carrière de journaliste photographe et à la Gazette des Mines, revue des Mines de Potasse d’Alsace dont il devient rédacteur en chef. Il a immortalisé le bouillonnement de l’exploitation et de sa cité. C’est l’abbé Ferry, un ami et membre de la Commission d’Art sacré du diocèse de Besançon, qui l’invite à l’accompagner sur la colline haut-saônoise. Le photographe va assister à la naissance de l’œuvre de Le Corbusier. Il fixe sur la pellicule les prouesses humaines des bâtisseurs, saisit avec son Rolleiflex un chantier très visité. Après la construction, il retournera sur la colline à plusieurs reprises, réalisant des clichés surprenants !

LIVRES L’édifice est construit sur le sol naturel sans nivellement : il suit donc la pente du terrain qui monte presque symboliquement vers l’autel principal. La porte d’entrée (ouverte lors des célébrations) est recouverte sur chaque face de 8 tôles d’acier émaillé à 760 degrés de chaleur (une première en architecture). Sur celle extérieure, Le Corbusier lui-même a réalisé une fresque, qui se distingue des traditionnelles peintures religieuses par la modernité de son motif.

« Charles Bueb, Ronchamp, Le Corbusier »,

Éditions Facteur Humain , 31 €. Textes de Jean-François Mathey (AONDH), Claude Parent, David Liaudet. En vente notamment à la Porterie de Ronchamp. Le bâtiment est doté de trois tours (une de 22 m de haut, les deux autres de 15 m de haut) dont la forme rappelle les stèles funéraires d’Ischia.

Photos Jérôme Estrada-L’Est Républicain © ADAGP

DANS LES PETITS PAS DE L’HISTOIRE

Dans la chapelle, la lumière diffuse crée l’émotion, mais également le sentiment du sacré. Le Corbusier a multiplié les éclairages indirects, les couleurs et les dessins aux significations symboliques sur ses vitrages.

À lire aussi Collection « Les patrimoines » de L’Est Républicain : « La Colline Notre-Dame du Haut, Le Corbusier, Jean Prouvé, Renzo Piano à Ronchamp » (à paraître en juin) En 52 pages et de nombreuses images, toute l’histoire de la Colline, la construction de la Chapelle de Le Corbusier, du monastère et de la Porterie de Renzo Piano. 7€.

« Un Corbusier » de François Chaslin, Édition du Seuil, 24€. « Le Corbusier, un fascisme français », de Xavier de Jarcy, Éditions Albin Michel, 19€. « Le Corbusier, la planète comme chantier », de Jean-Louis Cohen, Textuel, 35€. « Le Corbusier le Grand, » Éditions Phaïdon, 45€. « Le Corbusier, une froide vision du monde », de Marc Perelman, Michalon 19€.

SOUCOUPES VOLANTES Certains voient dans la toiture de Notre-Dame du Haut une sorte d’aile volante. Clin d’œil de l’histoire : on a sans doute oublié que dans les années 50, on parlait surtout d’objets volants non identifiés. Les « soucoupes » étaient dans l’air du temps ! Tandis que se ficelait le projet de Ronchamp, l’actualité était nourrie par l’apparition de mystérieux aéronefs un peu partout dans le monde. Une déferlante. Y compris dans l’Est. Un membre de la société des Sciences Lettres et Arts de Haute-Saône l’affirmait à la presse en octobre 54 : « La lune pourrait être la plate-forme de départ des mystérieux engins célestes ». À la même époque, un surveillant pénitentiaire lorrain affirmait avoir vu une soucoupe volante posée à Toul tandis qu’à Morez en FrancheComté un ado signalait un objet brillant métallique au ras du sol puis une boule de feu…

Image étonnante signée Charles Bueb © : la modernité de la DS et celle de la chapelle. Ce cliché est la couverture d’un livre riche en images.


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Regards croisés

Un espace de quelques centimètres entre la façade et la toiture contribue, avec des lignes élancées à donner de la légèreté à ce bâtiment pourtant massif.

Détail de la fresque sur la porte d’entrée. Attirent particulièrement l’attention, deux mains : l’une rouge, qui bénit, l’autre bleue, qui pardonne.

Photos Ghislain Utard - Jérôme Estrada L’Est Républicain ©ADAGP

Comme la carapace du crabe découvert sur une plage de Long Island, la toiture est creuse. C’est une coque de béton, dont les deux membranes sont séparées par un vide de 2,26 m.

Artiste polyvalent, Le Corbusier a travaillé la grande porte mais aussi les vitrages qui jouent avec les ambiances lumineuses.

Façade nord, se trouve la porte par laquelle les pèlerins pénètrent dans la chapelle. Elle est surmontée de deux fenêtres, disposées à la verticale l’une de l’autre.

Telles les bâtisses que Le Corbusier découvrit dans la vallée du M’Zab (Afrique du Nord) en 1931, les murs, en pierres du pays, sont recouverts de ciment blanchi à la chaux.

Les trois chapelles latérales, situées dans chacune des trois tours, ne comprennent qu’un petit autel. Une demi-coupole permet à la lumière du jour de pénétrer d’une manière très étudiée.

Le chœur extérieur qui permet d’accueillir les grandes célébrations et les pèlerinages s’ouvre sur le paysage environnant.


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UNESCO

Benoit CORNU, élu à la Communauté de communes, vice-président de l’association des sites Le Corbusier : « L’inscription à l’UNESCO est un enjeu ».

Pour la troisième fois, la chapelle va tenter de rejoindre le patrimoine mondial de l’Unesco. Avec 16 autres sites Le Corbusier.

Saint-Dié (usine Duval). Dans un rayon de 220 km, on trouve également l’immeuble Clarté de Genève, les Maisons de la Weissenhof-Siedlung à Stuttgart, la Villa Le Lac à Corseaux. Après deux rejets du dossier, le verdict doit tomber mi- 2016. L’UNESCO est en ligne de mire. Un comité de soutien sera créé pour les 60 ans.

UN ENJEU ÉCONOMIQUE ET DE PRESTIGE Classée « Monument historique » et « Patrimoine du XXe siècle », la chapelle Notre-Dame du Haut va tenter d’obtenir son inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO. Elle figure sur la liste de 17 sites Le Corbusier, répartis sur 7 pays, qui prétendent à ce « label » et dont les retombées sont réelles, « comme l’a montré l’exemple des fortifications Vauban à Besançon », souligne Benoît Cornu, vice-président de la Communauté de communes Rahin et Chérimont. Cet adjoint au maire de Ronchamp est également vice-président de l’Association des sites Le Corbusier qui porte la candidature déposée par la France. Laquelle inclut la manufacture de

CANDIDATURE RETRAVAILLÉE « Il nous faut prouver la “valeur universelle exceptionnelle du bien”, c’est-à-dire sa trace dans l’histoire, son intégrité et son authenticité », explique Benoit Cornu. Si Ronchamp est une « évidence », comme la Villa Savoye à Poissy ou la cité radieuse de Marseille, la première liste comportait trop d’éléments. Et la ville de Chandigarh (Inde), avec son impressionnant Capitole, faisait défaut. La candidature a donc été retravaillée pour former un ensemble cohérent. Mais le passé vichyste de Le Corbusier, mis en exergue par la parution de plusieurs livres, va-t-il perturber la donne ? Aux yeux de Benoît Cornu, ces ouvrages n’apportent rien de nouveau sur un passé « déjà connu ». Et il s’agit « d’inscrire à l’UNESCO une œuvre et pas un homme ». Reste que l’épisode tombe mal à l’heure où les élus « espèrent d’une telle inscription un impact économique et touristique. Pas seulement pour ce chef d’œuvre : pour tout le territoire. C’est pourquoi nous avons

Photo L’Est Républicain © ADAGP

le difficile pari

élaboré un plan de gestion qui dresse un diagnostic, dessine à travers un programme d’actions les liens du site avec le territoire (Musée de la mine, de la Négritude…), développe la thématique du béton (avec le puits Sainte-Marie ou le barrage de Champagney érigé à partir de 1882)… ». Et d’ajouter : « En terme d’image, une inscription UNESCO peut inciter des entreprises à associer leur nom à Ronchamp ». Dans cet esprit d’ailleurs, la Communauté de communes Rahin et Chérimont a engagé le réaménagement de l’ancienne filature de la commune, fermée en 1982, devenue une friche après les années 2000. 5,6 M€ sont injectés dans sa transformation en espace économique, culturel, sportif. Au menu : cellules pour des entreprises, studio de répétition, salle omnisports, galerie d’expo, halle publique. Les démolitions ont démarré et des remblais permettent de créer un belvédère qui fera écho à la colline de Bourlémont. Ghislain UTARD

Ronchamp et ses environs

Architecture - Culture - Histoire - Nature - Détente - Pêche - Randonnée - Vélo

Avec le Pass’partout, 3 sites d’exception pour seulement 10 €

Colline Notre-Dame du Haut Maison de la Négritude et des Droits de l’Homme Musée de la Mine Marcel Maulini Office de Tourisme

Rahin et Chérimont

La Communauté de Communes Rahin et Chérimont, lauréate Territoire à Energie Positive pour la Croissance Verte !

25, rue Le Corbusier 70250 RONCHAMP Tél. : 03.84.63.50.82 contact@ot-ronchamp.fr www.ot-ronchamp.fr


TOU «terre Haute-Saône d’itinérance» RI SME 22

©Photo DR

Avec ses atouts, le département entend faire de trois grands espaces haut-saônois de vraies « destinations touristiques ». Le tout relié par des itinéraires cyclistes, pédestres, fluviaux et équestres.

Yves Krattinger, président du Conseil départemental de Haute-Saône.

« CRÉER TROIS ENTITÉS GÉOGRAPHIQUES IDENTIFIABLES PAR LE TOURISTE »

En 2012 et 2014, les batailles épiques du Tour de France dans la fameuse « Planche des Belles filles » ont fini d’asseoir la réputation de ce col (et station de ski) qui est aussi désormais synonyme de « petit Tourmalet ». La « Planche » draine ainsi des fans de vélo de tous les horizons : une boucle de 62 km cyclable avec balisage, cartographie, plaquettes sur le patrimoine… y a été créée. Elle est au rang des 21 boucles du genre dans le département ! Et sa réputation internationale fait un peu taire ceux qui, narquois, qualifiaient le « 70 » de « Haute-Patate ». D’autant que les Thermes de Luxeuil, la chapelle Le Corbusier ou le château de Ray-sur-Saône s’affichent comme des joyaux.

De quoi faire de la Haute-Saône un département touristique ? Yves Krattinger, président du Conseil départemental :

« Soyons réalistes : le poids économique du tourisme est faible. Nous n’allons pas rivaliser demain avec la côte méditerranéenne ou la Haute-Savoie. Mais la tendance générale est à la progression et nous avons une marge d’évolution importante. Nous possédons des atouts, un patrimoine de valeur. Et un énorme travail a été réalisé sur notre héritage architectural : églises, lavoirs… Pour moi, le premier objectif était de redonner aux Haut-Saônois la fierté de leur territoire, afin qu’il le communique.

Quelle est votre stratégie ? Vous afficher département « vert », comme nombre de collectivités… ? Etre rural, c’est être vert par nature ! Mais ça ne suffit pas à nous identifier, à nous distinguer. Et c’est essentiel. En revanche, le Plateau des Mille Etangs, oui, ça différencie. Au même titre que la Saône navigable… Notre objectif, c’est donc de créer trois entités géographiques identifiables par le touriste. La première c’est, même si l’appellation définitive n’est pas arrêtée, le Sud des Vosges. Ce territoire a le plus de potentiel avec les Mille Etangs, la

verrerie-cristallerie de Passavant-la-Rochère, le pays de la cerise (Fougerolles), le thermalisme de Luxeuil, Ronchamp, la Planche des Belles Filles, le musée de la Négritude à Champagney… Nous fédérons tous les acteurs de cet espace, où tous les indicateurs sont au beau fixe, pour en faire une « destination ».

Quelles seront les deux autres ?

Il y a la vallée de la Saône avec tout son potentiel fluvial, l’exceptionnel château de Ray-sur-Saône et son mobilier, la ville de Gray…. Il y a enfin, même si cela suppose un gros travail avec le département du Doubs et c’est compliqué, le sud de la Haute-Saône, avec la vallée de L’Ognon, les villes de Pesmes et Marnay.

Ne gommez-vous pas l’identité haut-saônoise ? Je ne pense pas. Il y a une grande différence entre la plaine de Saône et le sud des Vosges. Etre Haut-Saônois, c’est d’abord faire partie d’une famille. Et notre stratégie consiste également à relier ces espaces avec des itinéraires à pied, à vélo, à cheval, en bateau. Nous avons créé 21 boucles cyclables. Nous avons réorganisé les itinéraires de randonnée pédestre (des chemins de halage sont en cours d’aménagement sur la Saône). Nous avons également le passage à travers le département de la véloroute 50 - Charles Le Téméraire, une liaison vers l’Eurovélo 6, le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Nous avons 14 communes dans le réseau des Petites Cités Comtoises de Caractère, un réseau de rivières… Nous nous définissons comme une terre d’itinérance !

Sur cette « terre d’itinérance », que représente Notre-Dame du Haut ? Ce n’est pas emblématique de la Haute-Saône mais c’en est un joyau. Un joyau atypique, un élément original dans les créations de Le Corbusier. Son inscription au patrimoine de l’UNESCO renforcerait sa fréquentation. Cette chapelle interroge ! Le Corbusier se disait agnostique et a dessiné une voile tournée vers le ciel. Ce qui m’interpelle personnellement, c’est l’intérieur et les lumières ! Après avoir soutenu le projet de Porterie - Renzo Piano a réussi l’insertion dans le site -, le Département jouera le jeu de la restauration. Ronchamp est une des portes d’entrée dans le département. Mais Passavant ou le vieux Vesoul sont aussi très intéressants. Recueilli par Ghislain UTARD

PLATEAU DES MILLE ETANGS

LES THERMES DE LUXEUIL

Réputés depuis l’époque gallo-romaine, les thermes de Luxeuillès-Bains proposent des cures en rhumatologie, phlébologie, gynécologie. Bâtiment XVIIIe classé, piscine contemporaine.

FOUGEROLLES, PAYS DE LA CERISE

VERRERIE-CRISTALLERIE DE PASSAVANT

La plus ancienne verrerie d’art de France, fondée en 1475, permet, à Passavant-la-Rochère, d’assister au travail des verriers.

Culture de la cerise et kirsch font la réputation de Fougerolles. Un écomusée retrace 150 ans de distillation et savoir-faire.

Façonné par les glaciers il y a 12.000 ans, cet espace entre Lure et Faucogney offre des paysages somptueux LA 21e BOUCLE de plans d’eau, 62 km, 3 montées remarquables : rivières et forêts. la boucle des Belles Filles, Incontournable. à laquelle s’est frotté le Tour de France, est réputée. 20 autres boucles cyclotouristes sont balisées en Haute-Saône (750 km au total).

LA PLANCHES DES BELLES FILLES

Station de ski culminant à 1.148 m, la Planche des Belles Filles offre 25 km de pistes balisées pour le ski nordique, 6 pistes de ski alpin. Et aussi des activités estivales : randonnée, VTT, tir nature…


Entrepreneurs haut-saônois, Claude Marconot et François Jacquot ont en commun une vraie passion pour leur département, son patrimoine, les lieux touristiques spectaculaires et magiques des Vosges saônoises. Ils se sont alors engagés tout naturellement auprès des acteurs de ce supplément, participent à son élaboration et contribuent à vous proposer un document de qualité à l’occasion du 60è anniversaire de l’inauguration de la Chapelle Notre-Dame du Haut de Ronchamp.

&


TOU RI SME

MUSÉE DE CHAMPLITTE

PESMES

CHÂTEAU DE RAY-SURSAÔNE RIVES DE SAÔNE

EN HAUTESAÔNE

VOSGES Passavantla-Rochère Vauvillers

Fougerolles Faucogneyet-la-Mer Plateau Les Thermes des mille de Luxeuil étangs les-Bains

Jussey

Planche des Belles Filles

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o gn L’O

Faverney

Scey-sur-Saône et Saint-Albin Champlitte

TUNNEL-CANAL DE ST-ALBIN

BUCEY-LES-GY

La Saône

HAUTEMARNE

PASSAVANTLA-ROCHÈRE

CHÂTEAU D’ORICOURT

LURE

Ronchamp

Oricourt Chariez

VESOUL HÉRICOURT

Ray-sur-Saône

CÔTED’OR

Villersexel

o gn L’O

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Fondremand GRAY

DOUBS

Bucey-lès-Gy Gy Petites cités de caractère Véloroute50 Charles le Téméraire

Pesmes

Marnay

LAC ARTIFICIEL DE VESOUL-VAIVRE

Liaison Véloroute50 - Eurovélo 6

PLATEAU DES 1000 ÉTANGS

MARNAY

Vers Eurovélo 6

LE SAUT DE L’OGNON

FONDREMAND


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