Madame, Monsieur,
Nous sommes un certain nombre de professeurs de lettres et langues anciennes du département de la Haute-Savoie . Nous n’acceptons pas la réforme des collèges qui a été programmée pour la rentrée 2016 par un décret promulgué en catimini par la ministre de l’Education sans véritables discussions préalables, notamment avec les organisations de spécialistes de nos matières . Cette réforme constitue une attaque sans précédent contre la culture humaniste qui a longtemps fait honneur à notre enseignement secondaire . L’étude des langues anciennes va être sabotée malgré les dénégations de la ministre : le nombre d’heures consacrées à ces matières sera considérablement réduit et les conditions de l’enseignement du latin et du grec –notamment par l’intermédiaire des EPI –rendront une véritable étude de ces langues désormais impossible . En effet leur horaire sera considérablement réduit et les langues anciennes ne bénéficieront plus d’un enseignement structuré et progressif, puisqu’il sera possible de s’y inscrire à n’importe quel moment, de la 5° à la 3° . Pire, leur existence même au sein des établissements est compromise – au mépris de l’égalité pourtant tellement vantée – puisqu’elle sera soumise à la création d’un EPI-LCA (langues et cultures de l’Antiquité) . Quant à l’enseignement du français, il sera lui aussi sérieusement mis à mal par des diminutions importantes d’horaires : faut-il vous rappeler qu’il y a quelques années les élèves de 6° et de 5° avaient 6H de français par semaine contre 4H ½ aujourd’hui et encore moins après la mise en place de la réforme ? Pendant ce temps, on déplore l’effondrement du niveau de maîtrise de leur propre langue par les Français ; et, au lieu de renforcer son enseignement dans les premières années de la scolarité obligatoire, on rétablit des cours de grammaire et d’orthographe dans les universités, tandis que des officines privées profitent de la situation en créant des certifications payantes destinées à donner l’assurance aux futurs employeurs d’un niveau de maîtrise minimum . N’est-il pas de la responsabilité des hommes et des femmes politiques d’agir en amont en permettant de nouveau au plus grand nombre de bénéficier d’un enseignement correct de notre langue, au lieu de laisser ce soin aux familles et de condamner ainsi les moins favorisées ? Il se trouve justement que l’étude des langues anciennes, qui va être sacrifiée par la réforme, permettait évidemment d’améliorer la connaissance du français pour les élèves de tous horizons qui faisaient le choix de suivre ces cours . A l’heure où l’on entend dire que notre culture commune doit être renforcée, on empêche les élèves issus de l’immigration de connaître ce qui en constitue un fondement essentiel : la langue grecque, la langue latine et les œuvres littéraires qui les ont illustrées, d’Homère à Saint-Augustin en passant par les tragiques grecs et les historiens latins (grâce à Salluste, Jugurtha est d’ailleurs devenu un héros national algérien), mais aussi les philosophes, de Platon à Lucrèce . La phrase de ce penseur épicurien « Tantum religio potuit suadere malorum » (Tant d’horreurs ont été inspirées par la religion) résonne d’ailleurs tragiquement aujourd’hui .
Depuis plusieurs décennies, de nombreux ministres de l’Education, de gauche comme de droite, se sont acharnés à dégrader, de réforme en réforme, la qualité de notre école républicaine . Nous vous demandons d’intervenir pour faire cesser la confusion entre égalitarisme réducteur et égalité réelle, pour rétablir un enseignement de qualité qui défende pour tous des valeurs humanistes et républicaines et donc de vous engager activement pour le retrait de la catastrophique réforme des collèges . Nous attendons de connaitre la position de votre formation politique sur cette question capitale pour l’avenir de notre pays . Vous pouvez nous répondre à cette adresse mail : coll.lettres74@orange.fr
Le Collectif 74 pour la défense de l’enseignement des lettres et contre la réforme des collèges