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DIMANCHE 05 JUILLET 2015

CTUALITÉS

LE JOURNAL DU DIMANCHE

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livier Bancoult milite depuis deux décennies pour la nation chagossienne. En 2006, il avait fait twister le gouvernement britannique, pour ramener son peuple sur les Chagos. On refait votre dimanche revient sur la vie de ce bancal qui a fait reculer la Reine… Je suis né le 15 février 1964. Issu d’une famille de neuf enfants, je compte sept frères et deux sœurs. Mon père travaillait comme charpentier. Quand j’avais quatre ans, ma sœur Noëlie s’est accidentellement fait écraser le pied par une charrette. Pour obtenir des soins, ma mère l’a emmenée à l’infirmerie .Par faute d’équipements, on n’a pas pu lui venir en aide. Le déplacement pour Maurice s’imposait donc. C’est ainsi que je débarque à Maurice avec toute ma famille en 1968. Deux ans plus tard, Noëlie décède d’une gangrène. Apres le décès de ma sœur, ma mère est partie s’enregistrer pour pouvoir regagner son île. Et là, c’est le choc ! On lui apprend qu’elle ne pourra plus jamais rentrer. Je l’accompagnais ce jour-là, et je me souviens encore comment elle versait des larmes, lorsqu’on lui a appris cette dure nouvelle. Cette annonce a aussi été celle du début de notre galère. Une fois à Maurice, mon père ne travaillait qu’occasionnellement. Dans ce sens, ma mère a dû travailler comme bonne chez plusieurs familles. De plus certains de mes frères et moimême, avons dû vendre de l’eau dans un cimetière. Une de mes sœurs faisait aussi du baby-sitting. Tout cela pour aider la famille à joindre les deux bouts. Ce n’est qu’en 1971, que j’ai commencé à suivre des études primaires à l’école Renganaden Seeneevassen à Cassis et, où j’ai étudié jusqu’en 1976. Alors élève en troisième, mon père était atteint d’une congestion. C’est ce qui a rendu la vie de ma mère encore plus difficile. Cependant, elle ne s’est jamais découragée. Mais, les choses n’allaient pas s’améliorer. Et pour cause : à quatre mois de mes examens finals, j’ai perdu mon père. Cela a été très difficile à vivre, surtout à la veille de mes examens de fin de cycle primaire. Mais, encouragé par ma mère, j’ai fini par obtenir quatre ‘A’. Je serai par la même occasion le seul élève qui a ramené un résultat pareil au sein de mon école.

Mon adolescence

C’est au sein du collège London, que j’ai poursuivi mes études secondaires. A ce moment, l’école n’était plus payante, certes, mais ma mère éprouvait beaucoup de difficultés à

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twiste ! novembre 2000, la justice britannique déclare que notre déracinement de nos terres était illégal. Le combat que j’ai mené au nom de la communauté chagossienne m’a aussi permis de décrocher le titre de OSK, offert par le gouvernement mauricien. J’ai aussi été élu comme le Most Outstanding Person de l’année 2004. A travers ce combat, j’ai aussi pu rencontrer de grandes personnalités comme Nelson Mandela, le Pape Jean Paul II, Joachim Chissano, les cardinaux du comité Justice et Paix Vatican, entre autres. La lutte a continué jusqu’à ce que nous ayons pu effectuer une visite sur nos terres natales au mois de mars 2006. Mais notre plus grande histoire reste le jugement du 11 mai 2006 . Celui qui nous permet de retourner sur nos îles et ce, malgré une tentative de la Reine de ne pas reconnaître tout le mal que son Empire nous a fait.

Mes amours subvenir à mes besoins estudiantins. C’est comme ça que des députés comme Jack Bizlall, Mathieu Laclé et les autres, me sont venus en aide en me fournissant mes manuels scolaires ou encore des paires de tennis. J’ai poursuivi mes études jusqu’au SC. J’aurais aimé continuer, mais ma mère n’avait plus les moyens de financer mes études.

Mon parcours

Voyant en moi quelqu’un de brillant, la communauté chagossienne m’a approché en 1983. C’était pour que j’apporte ma contribution à la lutte que menaient déjà mes ainés. J’ai demeuré au sein de ce conseil d’Ilois jusqu’en 1990. Durant cette période, nous avons œuvré pour que les Ilois obtiennent leurs cartes d’identité pour éviter tout cas d’abus. Il faut dire qu’à cette époque, n’importe qui se disait ilois dans le but de toucher une compensation. En 1987, j’ai fondé le Groupe Zenfan Zilois. L’objectif derrière était d’encourager nos enfants de pratiquer du sport pour qu’ils ne tombent pas dans les fléaux des quartiers pauvres dans lesquels ils vivaient. Je dois dire que certains d’entre eux ont même excellé sur le

Amal Clooney, l’épouse de George Clooney a paru hier devant la haute Cour de Londres pour contester l’injustice du gouvernement britannique envers les natifs de l’archipel. Une photo de Olivier Bancoult, le leader du Groupe Refugiés Chagos, discutant avec l’avocate a même paru en une de plusieurs journaux a travers le monde.

plan national. Par la suite, J’ai intégré le CEB en 1991 après avoir postulé pour être laboureur. Avant cela j’avais aussi envoyé beaucoup de lettres de candidature dans l’espoir de décrocher un emploi à la mairie de Port-Louis. Mais les choses étant ce qu’elles sont, je n’ai jamais été reçu et ce, malgré mes compétences académiques. Il faut aussi savoir qu’avant mon intégration au sein du CEB, j’ai trainé ma bosse un peu partout. J’ai ainsi travaillé dans une usine, au Corner House et même en tant que pêcheur. J’ai travaillé pendant deux ans comme laboureur à la station de St-Louis. Par la suite j’ai été muté à Bramsthan où j’ai travaillé pendant trois ans en tant qu’assistant technicien. Comme je n’avais pas mis de côté mon engagement pour la cause des Chagossiens, j’ai demandé mon transfert pour le CEB de la rue de La Poudrière à Port-Louis. C’est ce qui m’a permis de mener mes démarches beaucoup plus facilement.

Ce n’est qu’en 1999, que je fus promu technicien. Avec le soutien d’une bonne partie de la communauté chagossienne, je décide en 1998 de poursuivre le gouvernement britannique pour tout le mal qu’il a causé à notre peuple. En 1999, la justice britannique prononce un juge ment en notre faveur. Ce qui a été une de nos premières victoires. Du 7 au 9 juin 2000, j’ai eu la chance d’aller visiter Diego, Salomon et Peros Banos avec deux ainées de ces îles. Nous avons pu le faire grâce aux efforts menés par nos hommes de loi auprès du gouvernement britannique. Nous avons ainsi pris un avion pour Singapour et de ce pays, nous avons pris un avion militaire qui nous a déposés sur Diego. De Diego, nous nous sommes rendus par bateau sur les deux autres iles susmentionnées. Cela a été là des moments riches en émotions. Un mois plus tard, le procès qui nous avait valu une première victoire a été porté en audience. Le 3

Je me suis marié à Marilyne le 27 octobre 1984. De notre union sont nés dans l’ordre : Oliver, Jessica et Evelyna. Mon fils ainé est informaticien en Angleterre alors que mes deux filles sont étudiantes aux collèges London et Medco Cassis respectivement. Pour la petite histoire, je souligne que mon ainé et ma benjamine sont nés à la même date. C’est-à-dire le 25 août. Je pense que cela fait de moi un bon mathématicien.

Mon présent

Je travaille toujours pour le compte du CEB à la rue La Poudrière. J’y suis toujours employé comme technicien. Sinon, cela va sans dire que toute la communauté chagossienne attende impatiemment de retourner sur leurs îles natales. Mais, avant de faire cela, nous entamons déjà des démarches pour que le gouvernement britannique nous verse une compensation par rapport à ce qu’il nous a fait subir pendant tout le temps que nous avons vécu en exil.

L’après-moi

Qu’on le veuille ou non, ce qu’a fait la communauté chagossienne est rentrée dans l’histoire à travers sa lutte. J’ai aidé à cela. Je pense que c’est déjà un bon souvenir que je laisserai…


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