Berne val le Grand
à la Belle Époque
Berneval le Grand,
un village à la Belle Époque Ce que l’on nomme la « Belle Epoque », appellation qui éveille bien des images dans notre esprit, a été une période de progrès social et économique. Cette période qui débute à la fin du XIXème siècle et se termine avec la première guerre mondiale, a sans doute été idéalisée après le second conflit mondial. Elle correspond sur notre côte à une évolution importante des villes, des villages, et de la vie quotidienne de leurs populations. Le développement d’un petit village comme celui de Berneval le Grand ne peut se comprendre seul, sans références à son environnement géographique. Tout proche de la ville de Dieppe, il est lié pour ce qui est de la vie économique et sociale à cette ville. Un aperçu de l’historique du développement de celle-ci pendant la période qui nous intéresse éclairera notre plongée dans le passé de Berneval.
Une trentaine d’années après sa construction, le premier établissement de bains ne correspond plus aux nouvelles modes architecturales de l’époque : Dieppe qui tient à garder son rang en reconstruit un nouveau plus conforme à celles-ci. Celui que l’on nommera le « second casino de Dieppe » ne résistera pas non plus aux changements de mode de la fin du siècle : en 1886, c’est le « casino mauresque » qui dresse ses hautes tours aux allures de minarets sur la plage. Au début du XXème siècle, ces dernières disparaissent à leur tour pour laisser place au « casino art déco », qui, nouveauté, offre aux vacanciers un solarium. Les ombrelles qui abritaient les dames des rayons du soleil sont désormais désuètes ! Quatre casinos à Dieppe en un siècle : voici qui donne la mesure du développement de cette station balnéaire, du « poids » économique que représente la population venue sur notre côte pour la saison des bains.
Dieppe au XIXème siècle En 1822 est construit sur la plage de Dieppe le premier établissement de bains de mer, fréquenté à partir de 1824 par la duchesse Marie-Caroline de Berry, belle-fille du roi Charles X. On y trouve les équipements de loisirs habituellement destinés aux baigneurs : espace dédié à la musique, salle de billard, restaurant et divers salons. Quand le train arrive à Dieppe en 1848, il fait de cette station balnéaire la plage la plus proche de Paris et… celle qui sert d’étape aux voyageurs en transit pour l’Angleterre.
Le développement de la station balnéaire dieppoise a entraîné, peu à peu, le développement des petits villages situés à l’est et à l’ouest sur cette côte. Ce développement est dû principalement à la volonté d’« étrangers »1, qui, fuyant l’agitation de Dieppe, trouvent de l’agrément dans ces villages plus calmes, où la vie est moins onéreuse.
1 - Appellation retenue par les guides et annonceurs publicitaires à cette époque : on nomme ainsi aussi bien le « touriste » anglais que celui venu de Paris ou de Rouen. Il faudra attendre les années 1920 pour que les noms de « baigneur » et d’ « étranger » soient remplacés par celui d’ « estivant ».
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Alors, Berneval au tout début du XXème siècle ? L’arrivée dans le village se fait, alors comme aujourd’hui, par un passage devant un calvaire.
Nous pourrions nous y promener, en profitant de ces vues, de ces instants figés par l’objectif d’un photographe, en cette fin de XIXème siècle, en ce début de XXème siècle. La carte postale, élément presque indissociable de l’image des « vacances », est née et s’est diffusée à partir des années 1870, mais reste rare jusqu’à la fin du XIXème siècle. L’étude des cartes postales anciennes présente bien des intérêts. Intérêt documentaire, bien sûr, puisque nous découvrons ainsi le passé de lieux connus aujourd’hui. Mais penser au choix qui a présidé à la prise de vue du photographe est également intéressant : celui-ci a choisi une maison ou une scène de préférence à d’autres. Intérêt enfin du choix de celui qui a acheté cette carte postale, avec l’intention de transmettre à son destinataire un aperçu de l’endroit où il passait ses vacances. Reflétant pour nous aujourd’hui le Berneval « typique », pittoresque que voulaient montrer à leurs amis les personnes venues en villégiature dans notre village, ces cartes postales permettent à chacun d’entre nous un voyage dans le temps… Comme un voyageur d’alors, comme ces « touristes »2 arrivés par le train à Dieppe, puis parvenant à Berneval à cheval, en calèche, puis par omnibus, nous allons découvrir ensemble un Berneval au visage quelque peu différent de celui qu’il présente aujourd’hui.
Nous rencontrons sur cette route, à l’entrée du village, trois enfants jouant au cerceau, un jeu courant jusqu’à la seconde guerre mondiale. Un cercle de bois ou de métal, une baguette pour le pousser : voici un jeu solide et économique ! Le calvaire et la maison qui lui fait face ont finalement peu changé aujourd’hui.
Le guide touristique Joanne3, que nous avons en poche pour visiter la région, nous fait arriver en 1901 de Dieppe par la « route du Tréport ».
La rue des Passants nous mène vers le centre du village.
2 - Terme issu de l’anglais. Dès le XVIIIème siècle, le « Tour » des jeunes anglais aisés consiste en une découverte du « continent » avec Rome pour destination première. 3 - Monnier, Jules, Itinéraire général de la France, par Paul Joanne, Normandie, 1901, Hachette et Cie, Paris.
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Bien que les lignes électriques apparaissant sur cette vue permettent de dater la photographie comme étant plus tardive dans ce début de XXème siècle, l’aspect de cette rue a sans doute peu changé jusqu’à la seconde guerre mondiale.
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Mare se trouvant sur le côté droit de la rue.
Dans le guide Joanne que nous avons suivi pour cette première entrée à Berneval en 1901, la seule indication touristique concernant Berneval le Grand est la mention de l’« église du XIIIème siècle ». Puis, tout de suite, on nous invite à emprunter un « chemin rapide » qui descend à « Berneval le Petit » ou « Berneval les Bains ». Mais avant de descendre vers la station balnéaire, prenons le temps de découvrir le centre du village. Le « guide-agenda de Puys-Plage »4, publié en 1903, a choisi, lui, de nous faire pénétrer dans le village par la route venant de Belleville-sur-Mer. 4 - Guide-Agenda de Puys-Plage,1903, Lenoir, Paris.
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Après avoir suivi « en plein champs au milieu des moissonneurs, faucheurs et faneuses, une belle route », voici l’entrée de notre village qui « comme tous les villages normands », s’étend sur un long parcours, très irrégulièrement, à gauche et à droite de la route qui le traverse. En effet, nous ne sommes pas loin du « village-rue » ! « De place en place on voit de larges mares où viennent s’abreuver les troupeaux de vaches formant la principale richesse du pays ». L’emplacement de celle qui est nommée « le grand étang » ou « mare du Foret » est encore aisément reconnaissable au début du XXIème siècle. Au carrefour des routes venant de DerchignyGraincourt, de Belleville et de Saint Martin en Campagne, au
pied d’une maison toujours existante, il accueille aujourd’hui des emplacements de parking. Mais, en 1901, on trouve principalement des fermes autour de l’axe principal, et aussi quelques commerces. Nous voici face à une enseigne portée au devant d’un commerce : « Café de la Place Sellier-Boclet ». C’est Albert Sellier qui accueille les clients, autour des années 1900, dans la salle du Café de la place. Son épouse, Séraphine Boclet, tient l’épicerie qui se trouve dans la même maison5, un emplacement qui accueillera un peu plus tard au cours du XXème siècle la boucherie de Berneval.
5 - Archives départementales de Seine Maritime (= ADSM), 6M363 (Dénombrements 1891 et 1901).
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Vers le Petit Berneval…
Mais revenons maintenant sur nos pas, pour suivre, comme nous l’indique notre guide touristique, le « chemin rapide » qui « descend vers Berneval le Petit ou Berneval-les-Bains, station balnéaire située dans un vallon assez vert »28. Il faudra encore quelques années pour que s’installe sur le chemin qui nous éloigne du centre du village, niché dans un tournant, l’Hôtel des Chardons. L’établissement évoluera au fil du temps, s’agrandissant en même temps que la station balnéaire.
28 - Monnier, Jules, Itinéraire général de la France, par Paul Joanne, Normandie, 1901, Hachette et Cie, Paris.
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Continuons notre chemin sur le « Chemin de la plage », une petite route de campagne qui relie Berneval le Grand au Petit Berneval. C’est arrivés à mi-pente que nous trouvons, à notre gauche, les premières installations de la station balnéaire : les terrains de tennis de la pension-hôtel « Le Petit Vallon » sont idéalement situés, à l’abri du vent et un double mixte est en train de se disputer au moment où nous arrivons.
Deux couples habillés de blanc profitent de cette installation sportive dont la mode est arrivée d’Angleterre à la fin du XIXème siècle. Les premiers terrains de « lawn-tennis » ont été installés à Dieppe en 1885, dans les jardins du tout nouveau casino dit « mauresque » et, en ce début de XXème siècle, ce sport connaît un engouement spectaculaire : les terrains de jeu se multiplient dans les stations balnéaires. Nos joueurs de tennis portent, malgré la chaleur estivale, une tenue qui est devenue la marque d’un certain statut social : ces messieurs gardent chemise et pantalon long tandis que les dames portent des jupes leur couvrant largement les jambes et de larges chapeaux.
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Le Petit Vallon (Val Fleuri) Mais descendons plus bas, vers la pension de famille du Petit Vallon, qui a fait installer ces terrains de sport. La pancarte « English Spoken » à l’entrée de cet établissement composé d’une suite de bâtiments de briques, nous indique que nos voisins d’Outre Manche y sont les bienvenus. Nombreux sont les clients de l’établissement à être là, prenant le frais ou le bon air marin. Parmi les dames, la majorité portent de grands chapeaux, une seule a délaissé le sien pour laisser visible ce chignon haut à la mode en ce début de siècle. Cet établissement deviendra par la suite « Le Val Fleuri », et continuera à accueillir jusqu’à la seconde guerre mondiale les vacanciers. L’omnibus de l’hôtel est d’abord hippomobile ! La voiture lourdement chargée amène-t-elle de nouveaux vacanciers au Petit Berneval ? Le service est régulier, de Dieppe à Berneval… mais seulement en saison29.
29 - Guide-Agenda de Puys-Plage,1903, Lenoir, Paris.
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Bientôt, avec le développement de l’automobile, le relais des chevaux sera pris par cet omnibus… toujours aussi chargé quand il s’agit d’apporter les bagages des vacanciers ! En attendant, le maréchal-ferrant, Arthur Tinturier, a encore du travail…30
30 - Nicolas Tinturier (son parent) né en 1814, maréchal-ferrant lui-même, fut maire de Berneval de 1883 à 1893.
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En face du Petit Vallon, au niveau de cette fourche aux deux rues menant toutes deux vers la mer, nous choisissons de continuer dans la Grande rue, bordée d’hôtels et de boutiques… A propos d’Hôtel, en voici un de belle taille ! Le Grand Hôtel est annoncé par une inscription au bas d’une jolie tonnelle. L’établissement est grand et confortable. Il reçoit beaucoup de parisiens, des familles entières. Le peintre impressionniste Camille Pissarro, en ce début de siècle, vient à plusieurs reprises y installer sa famille, tandis que lui-même repart vers Dieppe pour peindre le port, ou l’église Saint-Jacques31. Mais M. Pissarro a également pris le temps de poser son chevalet dans notre petite station balnéaire.
31 - Deux tableaux de Camille Pissarro sont visibles dans les collections permanentes du château-musée de Dieppe : L’église Saint-Jacques, peinte en 1901 et l’Avant-port à Dieppe, datant de 1902.
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La Chapelle Notre Dame de Liesse En continuant notre chemin vers la mer nous arrivons devant la petite « chapelle, construite vers 1830 », qui est, d’après différents guides, « le but d’un pèlerinage »37. Un pèlerinage que dit faire Oscar Wilde, lorsqu’en 1897, il trouve refuge à Berneval, fuyant la communauté anglaise dieppoise qui le boude38. Cette petite chapelle a été bénie en septembre 1833 par Nicolas Prudence Lepicard, curé de Belleville-sur-Mer, aux frais duquel elle avait été élevée. Dédiée à Notre Dame de Liesse, elle a remplacé une chapelle plus ancienne placée sous le vocable de Saint Nicolas. Briques et « cailloux » taillés (c’est ainsi que l’on dénomme le silex utilisé en matériau de construction, dans la région dieppoise) mais aussi grès taillés pour les soubassements constituent les murs de cet édifice39.
Oscar Wilde (Dublin 1854 — Paris 1900).
37 - Monnier, Jules, Itinéraire général de la France, par Paul Joanne, Normandie, Paris, Hachette et Cie, 1901. 38 - Lettre à Robert Ross, 31 mai 1897, dans WILDE (Oscar), traduction BOISSARD (Henriette de), Lettres d’Oscar Wilde - Tome II, Paris, Gallimard, 1966, et cité dans Guého Francis, Berneval, terre d’exil d’Oscar Wilde, Luneray, Bertout, 2002. 39 - Archives municipales de Berneval [2M1 – devis avant reconstruction].
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L’Hôtel de la Plage Le chemin du pélerinage n’aura pas été bien long pour Oscar Wilde ! Il loge à son arrivée à Berneval à l’Hôtel de la Plage, situé sur cette même place. Cet Hôtel « ouvert toute l’année »40 accueille non seulement les voyageurs mais également leurs montures et leurs voitures, comme l’indique la réclame apposée dans le guide « PuysPlage », qui nous assure également du bon accueil de M. Bonnet, restaurateur propriétaire de l’établissement.
Cette vue vantant les mérites de l’hôtel du « fondateur de la plage », nous indique que le baigneur trouve ici tout le confort qu’il peut désirer attendre d’un établissement hôtelier de bord de mer : la table semble accueillante, une buvette et un billard se trouvent dans des annexes sur le côté du bâtiment principal, des abreuvoirs, des écuries et des remises assurent le repos et l’abri aux chevaux et aux voitures des voyageurs.
Si quelques voyageurs arrivent en voiture automobile, certains venant de Dieppe descendent tout juste de cette calèche dont la pancarte annonce les villages desservis : « Puys-Bracquemont-Belleville-Berneval ».
40 - Guide-Agenda de Puys-Plage,1903, Lenoir, Paris.
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Les villas Elles entourent en effet cette valleuse verdoyante vantée par les guides. Pour cette vue où elles apparaissent nombreuses, le photographe a choisi d’emprunter le second « chemin de la mer »42 aperçu tout à l’heure, en face de la pension de famille du Val Fleuri.
Pierre-Auguste Renoir, en descendant vers la plage, avait choisi cet endroit pour poser son chevalet et y peindre sa « Vue de la côte près de Wargemont en Normandie »43.
Pierre-Auguste Renoir (Limoges 1841 - Cagnes-sur-Mer 1919).
42 - Rue Marie-Alexis. 43 - Renoir Pierre-Auguste (1841-1919), Vue de la côte près de Wargemont en Normandie, 1880, Metropolitan Museum of Art, New York.
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La plage… « Un des grands avantages de Berneval est sa plage de sable fin, située au-delà d’un cordon littoral de galets facile à dépasser. On sait, en effet, que toutes les stations de la Haute-Normandie sont des plages à galets. Ici les cailloux se trouvent seulement au niveau des hautes mers, et à marée basse on jouit pour la promenade d’un large espace de sable, ce qui est d’un prix inestimable pour les enfants57 ». C’est en 188158, semble-t-il, qu’a lieu la première demande de location de plage. L’ingénieur des Ponts et Chaussées chargé d’étudier la demande de M. Baudard, maire de Nogent-sur-Marne et « chef d’institution », note dans son rapport : « La plage dont il s’agit est située à dix kilomètres à l’Est de Dieppe : c’est une bande très étroite de galets et de débris des falaises à laquelle on peut accéder par deux petits sentiers formant le fond des ravins
qui descendent du village du Petit Berneval. La zone à l’abri de la mer lors des mauvais temps se réduit à une largeur insignifiante. Un petit abri de maçonnerie servant de corps de garde aux douaniers vient d’être établi vers le milieu de la plage. On nous assure qu’un grand nombre de personnes viennent des localités voisines se baigner au Petit Berneval. Quelques particuliers (autorisés par des arrêtés préfectoraux) établissent l’été des cabines à l’Ouest de la zone dont M.Baudard sollicite la location ». Cette zone dont M. Baudard demande et obtient la concession est celle de la partie centrale de la plage, entre le « ravin de Morval » et celui « du Petit Berneval ». 57 - BARDET (G.), Plages du Nord et de la Normandie, Guides Dentu 1892, Paris, E. Dentu, Paris, 1892, 292 pages. 58 - ADSM 4S16 (Affaires Maritimes).
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On aperçoit ici, au bas du chemin menant à la plage, et derrière une femme abritée du soleil par un large chapeau muni d’une voilette, un des corps de garde des douaniers. Plus à droite sous la falaise, des cabines de plage installées là par des particuliers comme Paul Bérard en 1880, Edouard Dumas en 1881, et avant eux par Charles Eugène de Clercy59 en 1877. En 1901, les douaniers Léon Billard (52 ans), Arthur Devaux (48 ans), Placide Noël (37 ans), Henri Masson (43 ans) et Elisée Poullain (28 ans) travaillent sous les ordres de Jean Sénécal, leur brigadier de 36 ans. Ces fonctionnaires ne sont pas, pour la plupart, originaires de la région et semblent assez mobiles au cours de leurs carrières (cinq ans plus tard, seul Arthur Devaux est encore recensé à Berneval)60. En 1901, tous sont célibataires à l’exception de Jean Sénécal, dont la jeune épouse de 28 ans, Blanche, est couturière.
59 - Charles-Eugène de Clercy a été maire de Derchigny (1817-1818), puis, à la fusion des deux communes, de celle de Derchigny-Graincourt (1822-1831). Il était l’époux de Melle de Caumont, fille d’Auguste de Caumont, gouverneur de Dieppe et de Marie-Charlotte de Clieu (cette dernière étant elle même petite fille de Gabriel de Clieu, qui, en 1721, introduit le caféier à la Martinique). 60 - ADSM 6M443 et 6M449 (dénombrements 1901 et 1906).
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La plage va suivre, en ce début de XXème siècle, l’évolution de la mode balnéaire. Berneval offre en 1891 « aux baigneurs ennemis de tout luxe » sa « longue grève de sable débarrassée - par extraordinaire - des galets qui encombrent le littoral haut normand »61, mais l’aménagement de la plage commencé par M.Baudart, premier « locataire » de celle-ci, a été complété par M. Joseph Bonnet qui lui succède en
1884 et devient alors aussi propriétaire de l’Hôtel de la Plage. Parisien d’origine, il fonde la société anonyme immobilière de la Plage de Berneval qui sera remplacée en 1898 par la Société de Berneval-Plage62. L’aménagement balnéaire doit tenir compte des contraintes posées par l’administration : le libre accès au poste de douane situé au centre de la plage doit être préservé et, d’autre part, il ne peut y avoir d’installations permanentes (c’est à dire demeurant au-delà de la saison des bains) sur la plage elle-même. Cependant, l’installation de la grande buvette occupant le centre des alignements de cabines a pu se faire sur un terre-plein en arrière de cet estran, vendu par l’Etat en 1885 à M. Bonnet. Cet établissement, construit au début du XXème siècle, sera détruit lors de tempêtes pendant l’hiver 1921-192263.
61 - TOURS (Constant de), Guide-album du touriste : Vingt jours d’Étretat à Ostende, Haute-Normandie, Plages du Nord, Paris, May et Motteroz,1891, 130 pages, p 61. 62 - Déjà évoqué dans le livre. 63 - ADSM 4S16.
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Celles qui auront malencontreusement laissé leur visage prendre les rayons du soleil pourront essayer la recette publiée par La Vigie de Dieppe, en 1873 :
aux bains de mer : « A nos lectrices qui vont enir avec ce teint hâlé, ce Une recette pour ne pas rev r l’œuvre du soleil que de l’ai masque bistré, qui est moins salé et pénétrant de la mer. cité : La voici dans toute sa simpli prendre un blanc d’œuf, le r, che cou se Le soir, avant de s’être débarbouillé le visage battre en mousse, et après te bien séché, s’étaler cette sor avec de l’eau tiède et s’être te ein att été de la figure qui a de crème sur toute la partie par le masque. vir d’eau légèrement tiède Le lendemain matin, se ser r de l’enduit, et recommence pour enlever ce qui est resté la même opération le soir. peau sera redevenue aussi Au bout de deux jours, la blanche qu’auparavant ».
La plage, autrefois domaine dévolu aux activités de pêche et de surveillance maritime, est en train de devenir un espace de loisir. Très vite, en 1884, un arrêté de « Police concernant les bains de mer » est pris par le maire, M. Tinturier. En voici quelques extraits : « Considérant qu’il est de notre devoir de veiller à ce que les baigneurs ne s’écartent pas des règles de la décence », les personnes désireuses de se baigner ne pourront le faire « sans être munies d’un caleçon de bain ou tout autre vêtement ». Il nous est aussi précisé qu’il est interdit de se déshabiller sur la plage en présence du public et que les parents seront responsables des infractions commises par leurs enfants… Derrière la dame debout devant nous qui regarde les baigneurs, des jeunes filles sont allongées et s’abritent du soleil sous ombrelle et chapeau blancs.
On remarque sur cette vue la délimitation du domaine accordé au locataire de la plage, matérialisée par des cordes tendues sur des piquets. Ces cordes servent parfois d’aide aux baigneurs peu aguerris qui s’avancent alors dans l’eau en s’y accrochant… L’installation des sièges pliants apportés par ces dames et posés non loin d’elles, tout comme celle de tentes de toile comme celle que l’on aperçoit au loin, est autorisée aux particuliers qui veulent éviter de payer le prix d’une location.
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Mais ces champs, achetés par des sociétés telles que « BernevalPlage », « Villa à la mer », « La Falaise », seront peu à peu lotis dans les décennies qui suivront. L’une de ces sociétés, « Berneval-Plage »72 émettra en 1922, neuf cents actions de 100 francs chacune. La constitution de cette société anonyme aura pour premier but la réhabilitation de la plage, dont les installations ont été détruites par la mer, mais seront également inscrits dans ses statuts « l’achat, la vente, la construction, la prise en location, la mise en valeur de tous immeubles et notamment toutes plages à Berneval et communes avoisinantes, l’exploitation de tous commerces et industries sur les dites communes ». Pour ces nouvelles sociétés qui apparaîtront après la première guerre mondiale, les acquéreurs potentiels de terrains en bord de mer auront changé. Les terrains qui seront proposés à ceux-ci seront de petits terrains nus, formant des rectangles identiques alignés le long de rues rectilignes : on les voit ici matérialisés par des lignes de barrières de bois.
72 - ADSM 4S15 [Les statuts de cette société nouvelle - mais qui reprend le nom de la société créée à la fin du XIXème siècle déjà évoquée- sont déposés en décembre 1922 ].
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Le programme de construction « Villa à la mer »73 annoncera « des maisons accessibles pour les petites bourses au même degré que pour les grandes ».
Une population nouvelle viendra en vacances sur la plage de Berneval et des relations d’une autre sorte se tisseront avec les habitants permanents du village.
Mais nous voici arrivés au bout de notre promenade dans cette période un peu mythique de « La Belle Époque ». Les dernières photographies que nous avons vues ensemble laissent présager d’un développement d’un type nouveau pour la station balnéaire du Petit Berneval. Mais l’histoire de Berneval « Petit » et « Grand » ne se termine pas au début de ce XXème siècle, et n’est pas moins intéressante à étudier, à découvrir…
73 - ADSM 4S15.
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