VENDREDI 20 AVRIL 2018
LES SUPPLÉMENTS DU REPUBLICAIN LORRAIN - R57
ÉCONOMIE
& TERRITOIRES
Interview de
Guillaume GIBAULT
Le Slip Français en page 6
Sommaire L’invité grand format
Edito Mutations
4 6 Guillaume Gibault patron
Usine du futur 4243 Champigneulles
du Slip Français
4445
Qu’y atil de commun entre le patron du Slip Français et les dirigeants de FM Logistic ? Entre le directeur de la Trane à Golbey, et l’éventailliste d’Épernay ? Entre le fondeur de Raon l’Étape et CORDM, Scop installée à Verdun ? A priori, pas grandchose. Erreur. Qui masque le double ressort essentiel qui les anime : le goût d’entreprendre, doublé de la préoccupation de savoir s’adapter aux mutations, de les devancer même grâce à une intuition entrepreneuriale qui s’appuie sur un savoirfaire parfois ancestral. L’esprit d’entreprendre, symbolisé par le dynamisme emblématique des startup, irrigue aussi une institution longtemps rétive, l’université, faisant de l’Université de Lorraine, la plus entreprenante de France. De bon augure pour les reprises d’entreprises, un phénomène méconnu, mais pourtant essentiel à l’économie. Ce supplément « Économie et territoires » vous offre quelquesuns des plus beaux fleurons de l’économie lorraine dans leur diversité, en revenant sur d’époustouflantes réussites, des résurrections incroyables d’opiniâtreté, des pépites embarquées dans la conquête du monde, en se hissant parfois au niveau de leader reconnu dans leur domaine. Philippe RIVET
Directeur de la publication : L’Est Républicain, Le Républicain Lorrain et Vosges Matin : Christophe MAHIEU. Rédacteur en chef : JeanMarc LAUER. Ce numéro a été réalisé par les rédactions et les services commerciaux de L’Est Républicain, du Républicain Lorrain et de Vosges Matin. Illustrations : les photographes de L’Est Républicain, du Républicain Lorrain et de Vosges Matin.
Entreprises familiales 911 FM Logistique roule 12 14 1617 18
dans le monde entier Un nouveau cap pour Marcotullio Valsesia : une histoire gravée dans le marbre Berthold : toujours un pont d’avance Biscuits Fossier : un rose de légende
46 4849 50
Art et patrimoine 5253 Le Bras Frères : une belle
histoire de famille
54 La fonderie d’art Huguenin 55
Startup 2021 Pharmagest valorise 22 24 25 2627 28
l’audace Alchimies à Dieuze : le succès de l’imprimante 3D Alérion : comment rendre un drone intelligent La belle histoire des cabanes vosgiennes Le Peel : l’université entreprenante Lorn’tech : la marque d’un territoire
Reprise d’entreprises 3031 La fonderie du futur à
Raonl’Etape 34 Métalest France : le spécialiste du rivetage à chaud 35 Metzger : des vérandas et des hommes 36 Le succès mondial des
prothèses du genou
38 CORDM : la Scop fière de
son destin 39 Le répreneuriat s’apprend à l’Ecole des Mines 4041 Caddie : une marque devenue mythique 3
2e brasserie de France Trane climatise le monde depuis les Vosges ThyssenKrupp imagine les concepts de demain Gris Découpage prend position en Allemagne Le plan Grand Est pour l’usine du futur
56 58 60 61 62
au service des artistes Le travail d’orfèvre de Mouroux Varnerot à la conquête du Portugal Les savons et détergents écologiques de Sodipro L’éventailliste d’Epernay s’ouvre au monde entier Les fauteuils club de Neufchâteau Matthieu Faivet créateur de stylos
Les « Plus » numériques
Vidéos
Les Brasseries de Champigneulles Les fauteuils club de Neufchâteau (voir aussi le diaporama) Il était un arbre ou l’alchimie des cabanes vosgiennes (voir aussi le diaporama) La fonderie du futur à Raonl’Etape (voir aussi le diaporama)
Diaporamas
Trane climatise le monde depuis les Vosges Valsesia : une histoire gravée dans le marbre à ThaonlesVosges
L’invité grand format
2011
date de création Guillaume Gibault avait alors 26 ans et faisait le pari du Made in France, contre l’avis de tous. Ramener l’industrie textile en France, c’est son ambition du moment. Le jeune homme de 33 ans développe des machines en ce sens.
13 M€
chiffre d’affaires 2017 Guillaume Gibault avait lancé le défi de doubler son chiffre d’affaires de 2015. Pari réussi. Son prochain challenge : développer l’international à la fin de l’année.
1million de pièces vendues
depuis 2011 et 350 000 pour la seule année 2017. 90 % des ventes sont réalisées en France, d’où l’enjeu de l’international.
Guillaume Gibault Le Slip Français
« Pour changer le monde pensez à changer de slip ! » Guillaume Gibault n’a pas seulement une belle gueule et du bagout. Il a senti venir le temps d’une nouvelle industrie et lancé Le Slip Français. Une révolution.
P
ar moments, on se perd un peu dans votre histoire personnelle, celle qui pré cède la création du Slip Français. Pouvezvous la résu mer ? Guillaume GIBAULT. – Tout jeune diplômé de HEC en 2009, j’ai com mencé chez General Electric. Pour moi, c’était costardcravate, RER A et contrôle de gestion à la Défense. Je me faisais chier. Pour la première fois, je me suis mis à réfléchir à mon avenir. Vous pensiez déjà créer votre entreprise ? Il me fallait de l’expérience d’abord, découvrir le métier. Bio c’Bon, jeune chaîne de supermar
ché bio m’a embauché. Pendant deux ans, je me suis éclaté. J’étais sur le terrain, à la fois dans les rayons et au management. Je tou chais du doigt l’entreprenariat. Comment vous est venue l’idée du Slip Français ? Je savais que je voulais me pas sionner pour un métier, je cher chais une idée pour créer une entreprise. J’avais 2324 ans, la mode me plaisait, je pressentais l’explosion de la vente sur Inter net. Pour ça, il fallait un vêtement petit, léger, qui ne s’essaye pas. Le slip pour homme remplissait tou tes ces conditions. Je me disais qu’il ne fallait qu’une histoire sympa à raconter pour m’imposer comme une marque forte. Un peu comme le luxe français. Mon con cept serait basé sur le Made in France. Vous avez réellement parié votre réussite avec des amis ? 4
Comme souvent, lorsqu’une idée germe, vous en parlez avec des potes. Ils m’ont dit que j’allais me planter. J’ai relevé le défi. C’était en 2011. Aujourd’hui, Le Slip Fran çais réalise 13M€ de chiffre d’affai res, emploie soixante personnes entre son siège à Paris et ses bou tiques. 150 personnes dans 42 ate liers textiles de France travaillent pour nous. Nous sommes un des premiers donneurs d’ordre à façon textile de France. Produire français, ça suffit pour vendre et se faire un nom ? Bien sûr que non. Il faut que le produit soit bon et qu’on le raconte bien.
Informations
Le Slip Français 1, rue du Mail, 75002 Paris Tél. : 01 45 23 92 55 www.leslipfrancais.fr/
Économie
& Territoires
C’est quoi, raconter un produit ? C’est impliquer le consommateur. Expliquer comment c’est fait, pourquoi et où. Les gens ont envie qu’on leur raconte l’envers du décor, qu’on les sorte de la standardisation du Made in China. Il fallait utiliser des slogans chocs pour ça ? Oui. « Le changement de slip, c’est mainte nant » a fait le buzz pendant la campagne présidentielle HollandeSarkozy. Il y a eu aussi « La France forte en slip » ou « Prenez le pouvoir du slip ». On trouvait ça drôle, mais surtout le consommateur se l’est approprié. Quand on veut changer une façon de faire, il faut se servir des bons outils.
Pour promouvoir sa marque, Guillaume Gibault, 33 ans cette année, n’a jamais hésité à donner de sa personne. Pas par culte de la personnalité mais pour incarner Le Slip Français, raconter son histoire et ses coulisses. Sa chaîne YouTube cumule 78 000 abonnés. En ressort l’image d’un entrepreneur dynamique et d’un produit qui suscite la curiosité et le renouveau d’une industrie. D’où le slogan de la marque: « Si vous voulez changer le monde commencez par changer de slip!» Les révolutions ne sont pas toujours là où on croit.
Communication personnalisée, Facebook, Youtube, ça signifie que désormais il faut être jeune pour réussir ? La jeunesse n’est pas une question d’âge. C’est de la curiosité, savoir s’intéresser, se former, être en veille. Le Slip Français a 230 000 followers sur Facebook. Avec 100 000 abonnés, notre Facebook live est presque devenue une TV. Mais c’est parce que nous racontons une histoire, que les gens savent qu’ils vont y découvrir des savoirfaire créa teurs d‘emplois et de compétences en France. Notre Slip Français, c’est huit empiè cements différents avec de la matière trico tée et découpée sur place, dans des usines françaises. Vous avez remis au goût du jour le Made in France ? En tout cas, on a suscité de la curiosité, prouvé qu’on pouvait fabriquer des produits au plus près des consommateurs. On a béné ficié d’un énorme capital sympathie. Mais surtout, nous n’avons pas abordé le Made in France sur la rengaine du « C’était mieux avant ». Nous l’avons vendu d’une façon moderne, en innovante et mettant en avant nos atouts. Notre force, c’est dire : inventons
Photos DR
l’avenir, notre avenir. C’est ce qui plaît et donne du baume au cœur. Du coup, beaucoup tente de vous copier, n’estce pas ? Disons qu’on inspire. Le Pull Français, le Béret Français, le Garçon Français, etc. On a créé le marché. Je leur souhaite à tous de réussir. Je sais qu’on pense à nous lorsque le nom de ces marques est prononcé. Vous donnez un sentiment de facilité. Créer sa boîte et réussir, c’est vraiment aussi simple ? C’est une expérience géniale, enthousias
mante. Je m’éclate ! Mais je dis et répète sans cesse que monter sa boîte demande beau coup d’efforts et de temps. Faut s’accrocher, être tous les jours au taquet. 90 % des startup créées se plantent. On y met tout son argent, on embarque sa famille. Person nellement, je suis caution d’emprunts. La boîte est propriétaire de 2 M€ de valeur de stock. Il y a une part de folie làdedans. Il y a une différence entre se dire que c’est facile et être capable d’assumer un échec. Quoi qu’il arrive, on apprend. Après sept ans d’existence, êtesvous enfin rentable ? Oui, nous sommes rentables depuis l’an der nier. 90 % de notre chiffre d’affaires sont réalisés en France et 70 % des ventes passent par internet. 350 000 pièces ont été écoulées en 2017, plus d’un million depuis notre créa tion. À la fin de l’année, j’attaque l’export. Notre croissance a été extrêmement rapide, ce qui implique beaucoup de dépenses. Nous sommes passés par deux levées de fonds. On peut se planter, aller trop vite. Mais j’ai confiance. Comment voyezvous votre avenir ? En rose et joyeux ! DIM fait un chiffre d’affai res de 400 M€. J’ai de la marge. On tient un concept plein de bon sens, on a inventé une nouvelle façon de faire qui force toute une industrie à se remettre en question. C’est le sens de notre slogan, notre révolution à nous : « Si vous voulez changer le monde, commencez à changer de slip ! » Propos recueillis par Laurence SCHMITT
Le Made in France a été un des principaux arguments marketing de la marque.
5
Économie
& Territoires
L’invité grand format
Guillaume Gibault Le Slip Français
Trop cher le Made in France ? On reproche souvent à Guillaume Gibault le prix de son Slip Français. Le jeune entrepreneur n’élude pas la question et répond par ce qu’il considère être : « Le juste prix».
L
e concept et le produit sont bons, mais on entend souvent dire que le Slip Français est trop cher ?
On y travaille. Mais notre credo, c’est de proposer le juste prix et d’expliquer la raison de cette différence. Les clients sont prêts à privilégier le Made in France dans certaines limites. En général, pas audessus de 10 à 15 % du prix moyen. On se bat pour proposer le moins cher possible. Comment parvenezvous à contenir ce sur coût ? On marge à 3,3 et 3,4 points alors que l’indus trie textile tourne plutôt autour de 3,7 %. Si je fabriquais en Afrique du Nord, le coût de revient de mon produit serait trois fois moins cher. Quelles sont vos marges de manœuvre pour maintenir, voire baisser les coûts ? L’innovation. Nous faisons partie du pro gramme R3iLab, un label du ministère de l’Economie destiné aux professionnels du textile, de la mode et des industries créati ves. Avec des entreprises privées, notre chal lenge est d‘inventer une machine qui per mettra de fabriquer plus vite notre produit. C’est beaucoup d’argent sur la table. Norma lement, d’ici deux ans, la Slip Machine devrait voir le jour. Du coup, c’est autant de petites mains qui n’auront plus d’emplois ? C’est une façon de voir les choses. Pourtant, c’est parce que cette industrie n’a pas su ou voulu développer les machines adéquates
LA PHRASE « L’économie repart, les signaux sont bons que ce soit du côté de la consommation, de l’investissement ou des marges. Tous les feux sont au vert sauf la balance extérieure. Signe que notre modèle est bon : achetez au plus près de chez vous ! » Guillaume Gibault fondateur du Slip Français
Pour diminuer les coûts, Le Slip Français travaille au développement d’une Slip Machine. Photos DR
que les emplois textiles sont partis de France. C’est tout l’enjeu de l’industrie fran çaise. Cette machine vous appartiendratelle ? Vous allez la breveter ? Elle sera notre innovation, uniquement des tinée à nos produits, naturellement. L’ambi tion, c’est de la dupliquer, pour les Tshirts par exemple. Le Slip Français ne se contente plus de fabriquer des slips, vous aviez besoin de vous diversifier ?
pulls et mailles. D’une vente exclusive en ligne, vous avez consenti à ouvrir des boutiques ? 70 % de la vente se fait sur Internet. Pour faire connaître une marque, il faut être visi ble et la boutique demeure indispensable. Nous avons nos boutiques en propre avec une trentaine de salariés et des points de vente que ce soit en France ou à l’étranger. Recueillis par Laurence SCHMITT
C’était la suite logique de notre succès. Tshirts, maillots de bains, chaussettes, linge de nuit font désormais partis de notre gamme. Les sousvêtements, slips, chausset tes, pyjamas, représentent la majorité de nos ventes avec 60 % du chiffre d’affaires. 20 % pour les maillots de bain et 20 % pour les
Se lancer ou pas ? À 33 ans, avec son sens aigu de la communi cation, Guillaume Gibault est devenu l’exem ple à suivre ; chantre de l’entrepreneuriat à la française. Auprès des étudiants, dans les salons d’affaires, ils ne refusent aucune con férence ou presque. « J’y rencontre un public qui hésite encore, se pose des questions. Les jeunes tout particulièrement ont beaucoup d’idées et balancent entre un premier job ou se lancer. À moi de rappeler les étapes à respecter et la réalité d’un choix qui vous implique à 100 %. Mais quoi qu’il arrive, j’estime que l’expérience sera positive. » 6
Guillaume Gibault, donne de sa personne pour afficher le dynamisme de sa marque.
Économie
Entreprises familiales
50 ans
C’est l’âge de FM Logistic, créé à SaintQuirin en 1967. Son siège social s’est déplacé à quelques kilomètres de là, à Phalsbourg en 1976. Récemment, 10 M€ ont été investis pour proposer à ses 300 salariés un environnement à la fois professionnel et convivial.
25 600 salariés.
Soit 2 000 emplois supplémentaires par rapport à l’année précédente. 5 000 personnes travaillent pour FM Logistic France avec 750 emplois créés l’an dernier. 500 postes seront à pourvoir cette année et 1 500 sur les trois prochaines années.
1,6 million
C’est le nombre d’emplois total ans le secteur de la logistique en France.
& Territoires
FM logistic Phalsbourg
La logistique entre en ville FM Logistic est un groupe international et familial. Plus de 25 000 salariés dans quatorze pays, une marche en avant impressionnante. Mais un esprit famille conservé.
«L’
avantage d’une entreprise fami liale, c’est sa vision et ses pro jets à long terme, son actionnariat d’entreprise et la traduction de nos valeurs en une attitude mana gériale positive pour nos sala riés. » JeanChristophe Machet, prési dent du groupe FM, pour Faure et Machet du nom des fondateurs en 1967, avec un siège toujours à Phalsbourg, affiche une crois sance insolente. Un chiffre d’affai res 2017 qui frôle 1,2 Md€ avec plus de 12 % de croissance. Pus de 150 M€ de nouveaux contrats sur l’année passée et déjà 100 M€ annoncés pour celle en cours. L’international, bien sûr, participe à ces résultats flamboyants. La Russie, où FM occupe une position forte, le Brésil, la Chine avec déjà plus de dix ans présence, l’Inde
depuis 2015 et tout récemment le Vietnam. « Mais nous dévelop pons aussi l’Europe et bien sûr la France avec l’arrivée de nouveaux clients, de nouveaux entrepôts à Nantes et Rennes. Je prévois une croissance de 10 % pour l’Europe. » Le groupe emploie 25 600 salariés, dont 5 000 en France et beaucoup d’embauches en perspective.
Livraisons à... vélo ! Ce développement, c’est le résul tat d’une évolution constante, « nous nous réinventons sans cesse avec de nouveaux métiers et de nouveaux outils. » L’ecom merce, par exemple. « Son volume progresse plus vite que la croissance0. » FM, spécialisé dans le transport de marchandises pour la grande et moyenne distribu tion, la cosmétique et le luxe, accompagne les nouvelles habitu des de consommation. Habitué à gérer entre 20 000 à 30 000 référen ces au quotidien, entre ses plate formes industrielles et d’autres distributeurs vers ses clients, le groupe gère désormais les colis individuels à la demande. La cobo tique, relation hommes/robot pour les tâches les plus pénibles, 9
et chariots automatisés vont faire leurs entrées dans les entrepôts. Les modes de livraison changent également. « Le maire de Rome a quasiment interdit les véhicules thermiques en centreville. Nous avons développé une flotte de plus de 150 camions hybrides avec une marque propre, City Login pour Rome, Milan, Madrid, Paris ou Strasbourg. Nous avons même des livraisons à vélo pour les zones piétonnes et réfléchissons à d’autres moyens comme l’over board. Nous entrons dans la logis tique urbaine, nous plaçons au cœur du métier ecommerce. Ce qui implique le développement de petits entrepôts près des villes. La logistique prend ses lettres de noblesse et devient visible. Car souvent, on oublie que sans logis tique, pas de livraison et donc pas de produits. » Laurence SCHMITT
Informations
FM Logistic corporate ZI de l’Europe 57370 Phalsbourg
Entreprises familiales FM logistic Phalsbourg
« Nous préparons la 3e génération » Au risque de ne pas avoir de successeur, une entreprise familiale doit mettre en place une organisation pour assurer la relève et ses valeurs.
C
omment prépareton une nouvelle génération ?
MarieLaure Faure, présidente FM Family. – On travaille l’harmonie fami liale et nous mettons en place une organisation pour ne pas mélanger les genres. Nous sommes dix actionnaires familiaux, onze avec Hervé Dujardin qui a grandi avec nous. Plus six action naires qui ne travaillent pas dans l’entreprise. Aujourd’hui, qu’il soit opérationnel ou pas, cha que actionnaire assume son rôle. Maintenant, il faut préparer la 3e génération. Ils sont dixhuit, neuf petits ou adolescents et neuf à faire des études. Quelle organisation avezvous mis en place ? Les «petits» se rencontrent au moins une fois par an avec un séminaire consacré à l’entreprise et son histoire. Nous, 2e génération, l’avons vécue. Eux, doivent se l’approprier. Les plus grands, nous les aidons à se connaître. Quels sens veulentils donner à leur vie ? Où sont leurs forces ? Nous avons convenu qu’ils devaient d’abord faire leurs études, avoir une expérience managériale à l’étranger avant de prendre des responsablilités dans l’entreprise. Tous viendront y travailler ? Non, ce n’est pas parce qu’on porte le nom que la fonction est garantie. Certains font médecine, sont dans l’humanitaire ou dirigés vers des métiers artistiques. D’autres sont en école de commerce ou dans l’industrie du luxe. Quoi qu’il en soit, qu’ils travaillent ou pas au sein du groupe, ils auront des liens d’actionnaires et nous voulons les préparer à ça.
Les cinq membres du conseil de gérance de FM Group dans le nouveau siège de Phalsbourg inauguré en 2015. Photos FM Group.
On peut se préparer à devenir actionnaire ? Bien sûr. Par exemple, nous avons monté un module avec notre direction juridique : Qu’estce qu’un actionnaire responsable? Il a des droits mais aussi des devoirs. Les grands parents rappellent sans cesse que l’argent doit se gagner. Comment cultiveton l’esprit entreprise fami liale ? C’est un gros travail de ressources humaines, chaque nouveau salarié doit connaître notre histoire, les valeurs qui nous animent. Je me déplace sur les sites, je regarde les indicateurs RH, le turn over, la participation aux fêtes d’entreprise, le climat social. C’est là que j’ai mes
idées, que je vois les besoins et que je sais ce qu’il faut redynamyser. Ces valeurs peuventelles s’appliquer de la même façon au sein des quatorze pays? Notre ADN d’entreprise est le même et nous avons même édité un guide làdessus. Mais il s’adapte à la vie de chaque entreprise, en res pectant la culture du pays.Il y a deux ans, nous avons interrogé le personnel sur la façon dont il percevait FM. Nous avons eu 74 % de retour, dont seulement 15 % négatifs. Les ressentis pos tififs convergeaient et nous ont permis d’extraire trois mots : confiance, ouverture et performance. Ces trois mots sont devenus notre slogan. Propos recueillis par Laurence SCHMITT
Du transport de grumes à la multinationale Quel point commun entre l’entreprise de débardage de bois de 1967 et ce groupe inter national de 25 000 salariés, implanté dans qua torze pays, roi de la logistique alimentaire et de la cosmétique ? Bien plus qu’on le croit ! Les valeurs de l’âpreté au travail des familles Faure et Machet, leurs capacités à saisir les opportunités et anticiper se sont transmises de la 1re à la 2e génération. FM Group et son développement exponentiel n’ont en rien trahi la société Faure & Machet, douze collabo rateurs et sept véhicules à ses débuts. La famille Faure était venue des Cévennes ardéchoises pour se reconvertir dans le trans port de bois. Activité pratiquée également par les Machet, anciens bûcherons. Un mariage
scellera leur union tant familiale que profes sionnelle. Depuis, toujours unies, les familles travaillent ensemble. Dès 1973, l’entreprise prend le virage du transport exceptionnel. La compagnie française d’entreprises métallurgi ques de Lauterbourg cherche un transporteur pour ses poutrelles de 30 m. Faure & Machet s’embarque pour un long voyage, bientôt ils transportent les matériaux pour la construc tion de la centrale de Cattenom. 1982, c’est Brumath et la construction du premier entre pôt pour Mars. Virage visionnaire qui conduira les fondateurs du début à la logistique d’aujourd’hui et ses sites multiclients que la société fut la première à développer. 1994 marque les débuts de l’international avec un premier pied en Russie. Beaucoup à l’époque les disaient inconscients… 10
Des grumes tirées par un tracteur Faure Frères à SaintQuirin, le village des débuts.
Économie
& Territoires
Logistique au quotidien
Ludres, 120 salariés et des travaux d’agrandissement La plateforme de Ludres est en pleine réorgani sation. Des travaux minutieusement orchestrés avec des constructions de chaque côté du bâti ment acheté en 1991. Sa démolitionreconstruc tion, d’autant plus complexe que la logistique continuera à tourner, est programmée au milieu de l’année. « On double la surface avec 42 000 m² et on monte la capacité de stockage à 12 m de hauteur contre 9 actuellement », décrit Alain Debureau, directeur du site depuis sept ans. FM a la particularité d’être propriétaire de ses bâtiments, « on les imagine pour nous adapter à la stratégie de nos clients », précise Stéphane Mornay, directeur des process informatiques et entrepôts. « Quand on travaille avec un client, on rentre dans son monde, son langage, son organisation. » Cent vingt personnes travaillent à Ludres, un site monoclient. L’augmentation de capacité permettra au groupe d’aller chercher de nouveaux contrats, FM privilégiant les plate formes multiclients pour massifier les flux et limiter d’autant les coûts de transport.
Métier en mouvement Stockage de produits alimentaires sucrésalé, cosmétique, santé, produits d’entretien sont le quotidien de FM Logistic. Un métier en mouve ment constant. La tendance du moment, c’est l’accélération des flux, la baisse des stocks avec une hausse de la fréquence de livraison. C’est aussi la livraison au particulier, la grande distri bution commençant aussi à être touché par le
«Ludres, en plein travaux d’aggrandissement, est ce qu’on appelle un entrepôt distributeur qui livre en magasin ou directement au consommateur», explique Stéphane Mornay. Photos Pascal BROCARD
phénomène ecommerce. « Le Black Friday fut un truc de dingue cette année, violent même à certains endroits. Il faut savoir anticiper. » FM n’est pas propriétaire des stocks mais res ponsable de leur qualité, traçabilité, bon état et bonne quantité. «Notre rôle est de garantir déchargement et chargement.» Les caristes deviennent alors les mains invisibles de la logis tique. Décharger les camions, vérifier, valider l’entrée en stock, préparer les commandes et garantir les expéditions. Toute la journée, hom mes et chariots ne font qu’un pour gerber,
terme consacré lorsqu’ils montent la charge et dégerber quand ils la redescendent et prépa rent les picking, zones au sol dédiées aux com mandes en attente de chargement. Les caristes sont dotés d’une technique vocale qui indique les produits et emplacements. Chaque palette est immédiatement scannée pour avoir un état instantané des stocks. Car si cette organisation stressante au quotidien, chronométrée, milli métrée, fonctionne, c’est parce que l’informati que a pris sa part avec une armée de 130 infor maticiens au siège. L. S.
Formation & Promotion
L’ascenseur social interne, une volonté affichée À Ludres, le responsable client a commencé comme cariste. Au sein du groupe, 80 % des personnes en responsabilité sont issus de la promotion interne. « De cariste, on peut pas ser chef d’équipe, gestionnaire de stock, res ponsable opérationnel, administratif, clients, directeur d’activité et enfin directeur de site en France ou à l’étranger », dépeint Alain Debureau, 23 ans d’ancienneté. Stéphane Mornay a commencé program meur, puis chef d’équipe jusqu’à diriger aujourd’hui toute l’informatique des entre pôts. « En 1994, c’est Claude Faure qui m’avait embauché, on comptait 1600 sala riés. Aujourd’hui, nous en sommes à plus de 25 000, mais je n’ai jamais eu le sentiment d’être dans une entreprise qui a perdu son âme. La direction impulse pour qu’on retrouve l’esprit FM sur chaque site, de la France à la Chine, en passant par l'Ukraine. Sur chaque site, on entretient l’ambiance PME, tout le monde se connaît. »
Les métiers de la logistique ouvrent à de nombreuses passerelles.
La promotion interne ne s’improvise pas. Dans chaque pays, FM Université et Ecole FM assurent les formations internes. 3,6% du chiffre d’affaires sont consacrés à la forma 11
tion; entretiens individuels et personnels chaque année permettant de faire le point sur les aspirations de chacun. « C’est un métier qui autorise les passerelles. Les caris tes recrutés, par exemple, sont générale ment des personnes sans formation ou en reconversion. Puis nous les intégrons dans le processus École FM ou FM université », assure JeanChristophe Machet, président du groupe. Un bac + 2 peut devenir patron de plateforme. Un bac + 4 pourra, s’il l’aspire, être responsable d’un pays. « L’ascenseur social est extraordinaire », apprécie le prési dent qui luimême a commencé au bas de l’échelle, sur une plateforme. S’ils sont largement majoritaires, les métiers de la logistique ne se limitent pas aux caris tes. La profession se digitalise. « Pour une efficacité opérationnelle, nous avons besoin de numériser nos métiers. Mais notre force, c’est de pouvoir analyser les données massi ves du flux de nos clients. Ce qui nous permet d’anticiper l’activité et les modes futurs de consommation. D’où l’embauche de profil ingénieurs et data scientists. » L. S.
Économie
& Territoires
Entreprises familiales
Marcotullio Nancy-Louvigny
Marcotullio franchit encore un cap Depuis le 15 février, avec son centre de production plus grand et flambant neuf basé à Louvigny, le traiteur nancéien poursuit son essor.
L
Pendant ce temps, les 49 salariés ont atteint leur vitesse de croisière à Louvigny dans les nouveaux laboratoires. Trois millions d’euros ont été investis. Et rien n’a été laissé au hasard. Une place pour chaque chose, chaque chose à sa place. Pour arriver à ce niveau de rationalisation, près d’un an et demi a été nécessaire pour optimiser le site de produc tion. Ainsi, chaque secteur possède sa couleur. Chacun sait immédiatement dans quel labo il se situe. Des réserves aux chambres froides, là aussi, tout a été fait pour limiter les déplace ments. De la fabrication à la cuisson pour arriver au dressage, chacun sait ce qu’il a à faire.
Un choix stratégique En cuisine, la chef Charlotte est dans son élément avec un outil travail de pointe. Pour mettre tout ça en musique, Marcotullio fait appel à des fournisseurs locaux. Pour les vins, l’entreprise fait confiance aux Domaines de Nancy, la farine vient de Meuse tout comme le
Des laboratoires plus grands et plus fonctionnels, à la pointe de la technologie. Photo Patrice SAUCOURT
beurre, les yaourts et le fromage blanc. Les jus de fruits sont également lorrains tout comme la viande qui vient de Longuyon. Enfin, les fleurs comestibles pousseront bientôt à côté du laboratoire. « Nous avons fait le choix stratégique de nous implanter ici car nous sommes au cœur de notre activité. Nous sommes entre Nancy et Metz, proches de l’Abbaye des Prémontrés et du Luxembourg, où nous avons un site. Cela va également nous permettre de nous dévelop per suivant un axe estouest… Aller en Meuse mais aussi jeter un œil du côté de l’Allema gne », confirme Alain Marcotullio, qui est éga lement référencé parmi les prestataires de Grand Nancy Congrès Evénements. « Nous sommes tous les deux engagés dans une démarche antigaspillage alimentaire. Sur une prestation, tout ce qui n’est pas consommé est, dans la mesure où cela est possible, reva lorisé et reconditionné avant d’être donné à la banque alimentaire. » Pour le reste, Marcotul
lio, chaque année, c’est, en moyenne, plus de 1 100 réceptions, 260 000 couverts, 155 maria ges et 150 000 personnes accueillies sur des cocktails. Quoi qu’il en soit, avec ses nouveaux Marco’Boco, qui ont déjà séduit de nombreux hôtels pour leur room service mais aussi Lor raineAirport, notamment, Marcotullio, plus que jamais, grâce à son nouveau site, se diver sifie encore et toujours, tout en restant fidèle à son cœur de métier : des réceptions haut de gamme et surmesure. Yannick VERNINI
Informations
orsque le traiteur a annoncé le déména gement de son site de production, basé à Maxéville, vers Louvigny, cela n’avait pas manqué de faire réagir, à Nancy. Mais qu’on se le dise, Marcotullio reste plus que jamais ancré dans la cité ducale et son agglo. « Le siège est basé rue Stanislas, au Casier des Saveur », tranche Alain, le président qui, avec sa sœur Sylvie et son frère Hervé a développé l’affaire familiale lancée par le patriarche Tony au point d’en faire une réfé rence dans l’Hexagone. Et même audelà puis qu’il figurait parmi les trois traiteurs français présents aux Rencontres gastronomiques d’Agadir. Là, Olivier Ferreira, le chef exécutif, a joué des coudes et joué sa partition parmi les plus grands.
Marcotullio Traiteur Route de Moince à Louvigny. Chiffre d’affaires : 8 millions d’euros Salariés fixes : 49
Une boulangerie pour une autonomie totale C’est la grande nouveauté du site de Louvi gny. Désormais, Marcotullio fait son pain, ce qui lui assure, plus que jamais, du surmesure et surtout une belle réactivité et une totale autonomie. Au pétrin, Florian, 33 ans cette année, le fils d’Alain. Celuici a fait son apprentissage et passé sa maîtrise chez Bryis, à Malzéville, décédé le 26 février dernier. « Il a été son maître à penser. D’ailleurs, jusquelà, c’est lui qui nous fournissait en pain. » Depuis février, le fiston a intégré l’entreprise familiale et bénéficie d’une boulangerie à la pointe de la technolo
gie. Et peut laisser parler son talent. Dans sa réserve, neuf sortes de farines pour répondre à toutes les demandes. Cela permet au trai teur d’avoir, notamment, son propre pain à burger et de s’adapter sans délai. Surtout, le pain est cuit à la minute, l’aprèsmidi, juste avant la prestation. Dans un même temps, sur des soirées comme celles que Marcotul lio assure à Picot les soirs de match, là aussi, la créativité à l’honneur. « Pour la venue d’Ajaccio, Florian a fait du pain avec de la farine de châtaigne et aux noix. » Y. V. 12
La boulangerie, grande nouveauté du site. Photo Patrice SAUCOURT
Économie
& Territoires
Entreprises familiales
SARL Valsésia et fils Capavenir Vosges
Une histoire gravée dans le marbre Créée par le grand-père, reprise par le fils et développée par les petitsenfants, la société vosgienne excelle dans le caveau funéraire et le marbre.
C’
C’est désormais la troisième génération de la famille qui est aux commandes depuis le décès de Roger, en 1990. Ses trois fils ont rapidement œuvré aux côtés de leur paternel et ont pu s’engager pleinement par le biais d’une SARL. En se répartissant les responsa bilités : Benoit gère l’atelier béton, Jean Louis celui du granit et Jérôme, alors âgé de 21 ans, prend en main la partie commerciale tout en assurant la cogérance de la société avec sa mère. « Le savoirfaire était là, il fallait surtout le faire savoir », indique Jérôme Valsésia. Dont l’une des premières mesures est de créer l’usine à caveaux que son père, emporté par la maladie, n’a pas eu le temps d’installer. Sillonnant les routes du Grand Est mais aussi désormais de la Belgique, de la Suisse et du Luxembourg, Jérôme Valsésia va
JeanLouis, Jérome et Benoît Valsésia : trois frères aux commandes de la société. Photos Jérôme HUMBRECHT
rapidement attirer de nouveaux clients dont 230 professionnels, ce qui va nécessiter d’« industrialiser » le site de production de Thaon à l’aube des années 2000.
Le pari de la marbrerie décorative « On coule et on vend plus de 7 000 tonnes de produits à l’année », explique le cogérant dont l’activité béton représente 75 % du chif fre d’affaires. Lors des 15 dernières années, ce sont plus de 5 M€ d’investissements qui ont été réalisés. Extension de 1 200 m² des ateliers, robot pour manipuler les plaques de béton armé, machine à commandes numériques pour découper le granit et le marbre ont été autant d’innovations ayant un objectif com mun : « Répondre au mieux à la demande par l’apport de nouveaux process et techniques
de fabrication. » C’est en ce sens que la société a pris le virage de la marbrerie déco rative sous l’enseigne Tendance Granit. « Au lieu de façonner un caillou pour un cime tière, nous le faisons pour la maison. » Cuisi nes, salles de bain, escaliers et sols : le granit s’adapte à tous les styles. Comme l’entre prise Valsésia si chère à Jean, Roger et leurs descendants. Philippe NICOLLE
Informations
était il y a 82 ans. Plus précisé ment en 1936. Immigré italien descendu du train à Thaonles Vosges un peu au hasard, avec ses deux frères à la fin de la Première Guerre mondiale, Jean Valsésia crée une entreprise de marbrerie funéraire à Golbey. L’homme a du courage et des idées. Il fait ainsi breveter un caveau monolithe. L’un des premiers en France. À ses côtés œuvrent ses deux fils, Ernest et Roger. Ce dernier décide dès 1953 de voler de ses propres ailes et s’installe à ThaonlesVosges, près du cimetière. Soixan tecinq ans plus tard, la SARL Roger Valsésia et Fils réalise 2,6 M€ de chiffre d’affaires dont 10 % à l’export. En travaillant dans trois domaines très liés : les caveaux, la marbrerie funéraire et la marbrerie décorative.
Roger Valsésia et fils 16 rue du Noyeux 88 150 ThaonlesVosges Chiffre d’affaires : 2,6 M€ 18 salariés
S’adapter à l’évolution des mœurs La SARL Valsésia et Fils a pris, depuis plu sieurs années, le virage de la diversification en misant notamment sur la marbrerie de décoration. Les dirigeants ont créé une nou velle enseigne, baptisée Tendance Granit, et ouvert un showroom au sein de la société. Les salariés travaillent ainsi le granit mais aussi le marbre et le quartz pour équiper des cuisines, des salles de bain ou des escaliers. « Le granit, facile d’entretien et esthétique, s’adapte à tous les styles grâce à une fabrica tion sur mesure et à la diversité des cou leurs » indique Jérôme valsésia. « Nous som
mes des tailleurs de pierre et des polisseurs de métier, c’est notre savoirfaire. » Pour accroître l’offre de services, l’entreprise a également créé un centre funéraire dès 1999 avec la mise en place d’un funérarium. « Nous sommes conscients de l’évolution des mœurs en la matière » ajoute le cogérant. Qui réfléchit déjà à développer les monu ments cinéraires, les columbariums indivi duels, les urnes en granit ou les jardins du souvenir. Ph. N. 14
La société Valsésia propose des cuisines en granit.
Entreprises familiales Berthold SA Dieue-sur-Meuse
Toujours un pont d’avance Avec 235 personnes à l’effectif et 47 millions d’euros de chiffre d’affaires, l’entreprise spécialisée dans le génie civil et la construction métallique, fêtera ses 70 ans l’an prochain.
A
ctuellement le savoirfaire de Berthold se décline sur cinq secteurs d’activité : les ouvrages d’art en béton neuf et répa rations, l’entreprise générale du bâti ment, le VRD, les ouvrages d’art métallique et la charpente métallique. La société est l’héritière d’une lignée d’entrepre neurs : les Beaumont qui, depuis le Premier Empire, sont implantés dans le village de Dieue surMeuse, à un jet de pierre de Verdun. Canal de l’Est, construction des Forts de la Bataille, reconstruction du secteur, construction d’une portion de la Ligne Maginot… Autant de chan tiers réalisés par cette dynastie. C’est en 1949 que François Berthold prend la suite et créé la société qui porte son nom. Elle s’illustre dans la plupart des secteurs du BTP et garde son siège à DieuesurMeuse.
Passerelle à Tahiti
Géographiquement, les activités de Berthold vont du local à la France entière, en passant par le régional ou les DOMTOM, « avec aussi une ouverture vers l’export », confie Pascal Ribolzi.
Une des réalisations de la société Berthold. Photo Berthold
« Nous travaillons sur le projet Schreiber, à Clé rylePetit, sur le VRD. Mais nous avons réalisé deux ponts en Tunisie en 2017, une passerelle à Tahiti, une en NouvelleCalédonie. On termine un gros ouvrage en Martinique et un autre est prévu en 2018. Pour les DOMTOM, nous avons un correspondant génie civil sur place. Tout est fait à Dieue, mis en container et tout part par bateau. Nous adaptons la technologie de fabri cation aux moyens qui se trouvent sur place ».
Avec 47 millions d’euros de chiffre d’affaires et forte de 235 employés, la société travaille « à 90 % sur le marché public » via des appels d’offres. Sanef, APRR, EDF, SNCF, DIR, VNF, con seils départementaux, codecom et aggloméra tions sont ses principaux clients. « Nous avons, par exemple, tout le marché d’entretien des ouvrages d’art du Grand Nancy ». Mais « on cher che à développer les marchés privés ».
dans la catégorie Apprendre.
C’est un peu des deux pour « l’entreprise géné rale. On vient, par exemple de décrocher la piscine de Commercy ».
Trois prix en trois ans ! La société Berthold a décroché trois récom penses en trois années. Une fierté, mais aussi la possibilité d’avoir une certaine visibilité. En effet, en 2015, l’entreprise meusienne décroche le Prix du Moniteur Grand Est Cons truction dans la catégorie Gros œuvre. L’année suivante, Centenaire de la Bataille de Verdun oblige, Berthold travaille sur la res tructuration du Mémorial de Verdun. Dans ce cadre, la société engrange le prix de Constri rAcer, l’organisme de promotion de l’acier,
Enfin, en 2017, dans la catégorie Franchir, Berthold est lauréat national dans le cadre de la passerelle « Darse du Millénaire ». Une passerelle qui enjambe le canal SaintDenis et relie Paris au quartier du Millénaire, à Aubervilliers. « Un prix qui a été décerné à toute l’équipe qui a travaillé au projet », précise Pascal Ribolzi. F. P. 16
Pour la charpente, « la SNCF est un client pré pondérant, pour les ponts métalliques, on est quasiment à 100 % sur de la commande publi que ou parapublique » comme pour les ponts béton.
Frédéric PLANCARD
Informations
« Berthold a été repris en 1988 par la société BaudinChateauneuf, une PME familiale qui fêtera son centenaire l’an prochain. Nous som mes sa plus grosse filiale et les seuls à avoir une RH, un DAF et à gérer notre trésorerie », confie Pascal Robolzi, le PDG. Des bureaux sur deux sites, d’autres à Metz, des ateliers… Berthold dispose d’un « parc immobilier important » et d’une « petite filiale, Ouvrages d’art de l’Est, créée en 1985 à ChalonsenChampagne. C’était l’une des premières sociétés de réparation d’ouvrage ».
Berthold SA BP 26 114, rue du Rattentout, 55 320 DieuesurMeuse. Chiffre d’affaires : 47 M€ Site : bertholdbtp.com
Économie
& Territoires
Le PDG
« Le marché de demain, c’est la maintenance et l’entretien » Il se souvient de son premier pont « à Pagny surMeuse, sur le canal. C’était un gros chan tier ». Et puis aussi d’un « à PouillysurMeuse et Villécloye. Ce sont les premiers ouvrages auxquels j’ai participé ». Pascal Ribolzi est entré chez Berthold en 1982. Et lui aussi a gravi tous les échelons. Entré comme « projeteurcalculateur » pour les ponts, Pascal Ribolzi est devenu PDG le 1er avril 2018, à la suite de François Weitz. « Quand j’ai repris la société, c’était un peu compliqué, cinquante personnes étaient en formation pour éviter l’activité partielle par manque d’activité ».
« Entre 35 et 40 stagiaires par an » Actuellement, l’optimisme est de retour : « On n’a pas le choix ! On a une vision aux vacances d’été et des commandes pour l’année prochaine », confietil. « Le marché de demain, c’est la maintenance et l’entre tien. On a souvent servi de variable d’ajuste ment et on nous appelle souvent quand ça s’écroule. Ce que l’on demande à nos gouver nants, c’est d’avoir une vision à moyen terme ». Côté investissements, Berthold entretient son patrimoine et acquiert de nouvelles machines ainsi qu’un « hall de grenaillage peinture sur le site de Dieue ». La politique de l’entreprise est aussi très dynamique en termes d’apprentissage et d’insertion : avec environ 14 apprentis ou
Pascal Ribolzi a repris les rênes de l’entreprise en 2015. Photos Franck LALLEMAND
contrats de professionnalisation en perma nence dans la société. « Et on prend entre 35 et 40 stagiaires par an ou des enseignants », poursuit Pascal Ribolzi. « En apprentissage, on va du CAP à l’ingénieur. Je cherche actuel lement trois ingénieurs pour préparer le futur. On est bloqué par le manque de res sources humaines et la tendance s’est inver sée au niveau économique. On voudrait faire plus, on ne pourrait pas. On a un vrai souci à ce niveaulà ».
Un travail de fourmi aussi pour faire connaî tre la société. « On avait un défaut d’image. Une des premières choses que j’ai faite, c’est d’essayer de développer l’image et de faire connaître la société auprès des donneurs d’ordre ». Berthold sponsorise, par exemple, l’équipe féminine de volley de Vandœuvre. « J’essaye aussi d’être très présent dans les instances représentatives de la profession ». F. P.
Portraits
Le plus jeune responsable
Prévention et sécurité
chez Berthold où il a débuté par un stage en 2004 et 2005, puis un stage ouvrier. « J’ai continué en intérim et je suis revenu faire ma licence dans les ponts », confie til. Un stage au service bâtiment plus loin, il termine sa scolarité et « j’ai commencé dans la fou lée en 2007 ».
Erkan Yasin.
Originaire de Verdun, Erkan Yasin a 32 ans. Responsable du service bâtiment, l’un des cinq secteurs de l’entreprise, il s ’o c c u p e d e t o u t : a p p e l s d’offres, chantiers, partie com merciale… Il est le plus jeune responsable
liorer les conditions de travail des salariés ». Son travail se partage à 75 % dans son bureau et « à 25 % sur le terrain avec des audits pour mettre en place des choses pour que les salariés arrivent à le retraite en bon état ».
Il a gravi les échelons : aide con ducteur de travaux, conducteur de travaux puis chargé d’affaires durant deux ans. Il devient res ponsable en avril 2016.
Aurore Poupion.
À 29 ans, après des études supé rieures en alternance réalisées dans l’entreprise meusienne, Aurore Poupion est responsable SSE, Santé Sécurité Environne ment chez Berthold qui a déve loppé un système de manage ment il y a 12 ans « pour réduire les accidents du travail et amé
« C’est un secteur où l’ascenseur social est encore une réalité », poursuitil. « On donne beau coup de liberté et d’autonomie aux gens. On fait confiance aux gens ». 17
Elle travaille aussi à la certifica tion MASE, « un gage de qualité visàvis de nos clients ». Contact avec le personnel, les organis mes de prévention, l’inspection et la médecine du travail, la Car sat, mais aussi organisation des différentes formations de sécu rité, telles sont ses missions. Une autre « est d’organiser tou tes les réunions autour de la sécurité avec l’ensemble des encadrants de l’entreprise et une grosse journée de préven tion pour tout le personnel ».
Économie
& Territoires
Entreprises familiales
Maison Fossier Reims
Le nom du biscuit rose Entreprise emblématique de cette gourmandise rémoise, Fossier vient d’ouvrir une huitième boutique, à Metz.
L
es premiers écrits sur le biscuit rose de Reims remontent à 1690. Le dernier en date, à cette année : il a fait son entrée dans l’édition 2018 du Petit Larousse. « Nous n’avons fait aucune sorte de lobbying pour intégrer le dictionnaire », sourit Charles Antoine de Fougeroux, directeur général de Biscuits Fossier, devenue l’entreprise emblé matique de ce gâteau typiquement rémois. Cette « consécration » se double, à ses yeux, d’une « reconnaissance du travail effectué ». Relancée par son père au milieu des années 90, la Maison Fossier a ouvert sa huitième bouti que en octobre dernier, dans le tout nouveau centre commercial Muse, à Metz.
60 millions par an Tout aussi solide, l’affection que lui portent les Rémois. Ils « sont très fiers de leur produit. Nous constatons une très grosse activité dans les boutiques de Reims à la veille des départs en vacances », relève Charles Antoine de Fou geroux. Ce lien est, en quelque sorte, le fil rouge du maintien d’une activité biscuitière à Reims. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on y recensait une quinzaine de biscuiteries et biscotteries. Mais la seconde
Charles Antoine de Fougeroux dirige aujourd’hui la biscuiterie Fossier rachetée, puis développée par son père il y a près de vingt ans. Photos DR
moitié du XXe siècle est marquée par des rachats, fusions, restructurations. En 1994, Charles de Fougeroux, ancien cadre de chez Lu, reprend la Biscuiterie Rémoise. Un an et demi plus tard, il rachète l’exmaison Fossier qui traverse des difficultés. Il fusionne les deux sociétés en une seule, fin 1997, sous le nom de Fossier. Un choix qui s’impose tant le patronyme est célèbre à Reims. En 1845, un boulanger, Jacques Fossier, avait acquis une biscuiterie artisanale réputée, fournissant les tables royales. Il fera découvrir le biscuit rose à la France entière. La famille en restera proprié taire pendant 150 ans. Progressivement, mais rapidement, Charles de Fougeroux créé un magasin d’usine, rénove la boutique du cours Langlet, au centreville… En 2005, l’usine de fabrication déménage dans la périphérie de Reims, à La Neuvillette. C’est là, dans le respect de la tradition, que sont aujourd’hui produits 60 millions de biscuits
roses par an. Le produit phare de la biscuiterie est complété d’autres gourmandises, sucrées (croquignolles, sablés Charles VII…) et salées. Aujourd’hui, « la période est commerciale ment intéressante. C’est plus compliqué au niveau des marges, car le prix des matières premières explose, en particulier celui du beurre », note Charles Antoine de Fougeroux. L’entreprise, conclutil, « sort de plus en plus de son territoire ». Catherine DAUDENHAN
Informations
De fait, la notoriété de cette petite gourman dise est ancienne. Même Marcel Proust l’a glissée au côté de sa fameuse madeleine, pour évoquer l’esprit des Guermantes. Paul Cézanne a peint des biscuits roses sur plu sieurs de ses toiles, dont celle figurant sur le verso du dernier billet de 100 francs. Le gâteau a aussi nourri des légendes : venant à Reims pour leur sacre, les rois de France aimaient, paraîtil, le tremper dans le vin de champagne. S’il ne se délitait pas, c’était bon signe pour leur règne. Une chose est sûre, et c’est sa particularité culinaire, le biscuit rose est plus costaud que son cousin le boudoir.
Biscuits Fossier Chiffre d’affaires : près de 12 M€ Salariés : 96, plus 25 personnes pour l’ensemble des boutiques Site : www.fossier.fr
Du carmin pour masquer les grains de vanille Un, c’est biscuit donc il est cuit deux fois. Deux, il est rose. Et cette double spécificité montre bien que les « problématiques contemporaines d’environnement et de conservation de l’éner gie ont toujours existé », observe CharlesAn toine de Fougeroux. Les boulangers d’autrefois utilisaient la chaleur résiduelle du four à pain pour faire cuire leurs pâtisseries. En l’occurrence, un mélange de sucre, farine et œuf coulé dans un moule a, un jour, été oublié dans le four. Après, au goût, ce gâteau était un peu fade. Mais, en ce XVIIe siècle, l’air est aux courses au large, la vanille arrive en France en provenance de l’île Bourbon
(aujourd’hui la Réunion). Les artisans rémois en ajoutent donc de petits morceaux. Mais la vanille laisse affleurer de gros grains noirs. Pour les masquer, ils utilisent alors du carmin de cochenille, un très ancien colorant naturel. « Le rouge avait une connota tion sociale positive », rappelle le patron de Fossier. C’est la cuisson qui va l’édulcorer en rose. Saupoudré de sucre glace, le biscuit rose est devenu l’un des symboles de Reims, au même titre que l’ange au sourire ou encore le bouchon de champagne. C. D. 18
La biscuiterie est l’une des premières à avoir été labellisée «Entreprise du patrimoine vivant» en 2006. Photo: DR
Startup
Thierry Chapusot Vandœuvre-lès-Nancy
3 700 pharmaciens sociétaires
La Coopérative Welcoop, créée en 1935 à Nancy, forte de 3 700 pharmaciens sociétaires, mise sur le positionnement du pharmacien comme « coordinateur de santé des Français ».
12 000 clients
La Coopérative Welcoop présente un chiffre d’affaires de 900 millions d’euros. Et compte 1 400 collaborateurs.
900 collaborateurs chez Pharmagest, répartis dans quatre divisions métiers.
Pharmagest valorise l’audace Le groupe, qui accompagne la révolution numérique au profit des professionnels de santé et des patients, est un « accélérateur de start-up ».
«N
ous avons été startup il y a 32 ans. Pourquoi des jeunes ne feraient pas la même chose ? » Thierry Chapusot, président du directoire de la coopérative Wel coop (900 M€ de chiffre d’affaires, 1 400 collaborateurs) a foi en l’Homme. Entrepreneur dans l’âme, il n’oublie pas l’époque où, très jeune, il créait l’entreprise Pharmagest, spécialiste des solu tions et services innovants à desti nation des officines, cédée par la suite à la coopérative Welcoop. Thierry Chapusot veille. Chaque mois, il reçoit à peu près deux jeunes entreprises repérées pour leur expertise et susceptibles d’accroître l’offre du groupe en matière de esanté. C’est ainsi que sont entrées dans le giron de Phar magest, en 2012, Diatélic et ses solutions pour améliorer le suivi
des patients atteints de maladies chroniques et dans les deux der nières années Sailendra ou encore Noviatek (lire par ailleurs) : « Nous regardons les produits mais aussi les dirigeants », insiste Thierry Chapusot : « Nous voulons embau cher des ‘’patrons’’. Et, comme nous avons beaucoup de métiers, nous avons besoin de gens très autonomes ». Des entrepreneurs qui ont « une vision, une expertise et de l’esto mac », poursuit le président du directoire de la coopérative Wel coop. Créativité, solidarité, audace sont les piliers de l’entreprise. L’optimisme, un maîtremot : « Une vraie valeur car elle impli que que vous croyez qu’en tra vaillant vous allez réussir ».
« Un deal donnantdonnant » Pharmagest s’affirme comme « un accélérateur de startup ». Dans un « deal donnantdonnant », pré cise Thierry Chapusot, « parce que l’aventure est avant tout humaine ». Le groupe met à dis 20
position des startup qui l’intè grent 30 ans d’expérience, l’accès au marché, sans les « asphyxier » afin qu’elles ne perdent pas « leur créativité ». Des startup dont lui importe « l’envie de conquête pour se surpasser, non pour amas ser ». Avec le vieillissement de la popu lation, l’augmentation des patho logies chroniques ou encore l’enjeu du maintien à domicile, Pharmagest qui possède une expertise dans tous les métiers de l’informatique haute technologie liés à la santé, accompagne la révolution numérique au profit des professionnels de santé et des patients. En plaçant toujours l’humain au coeur de ses solu tions. MarieHélène VERNIER
Informations
Pharmagest 5 allée de SaintCloud 54 600 VillerslèsNancy. connexion.phamagest.com
Économie
& Territoires
Sailendra
La « sérénité » d’être adossé à un grand groupe Quand il a quitté « un bon poste » pour créer la startup Sailendra, les personnes qui l’ont encouragé à « foncer » étaient bien peu nom breuses. Mais Régis Lhoste, aujourd’hui âgé de 40 ans, savait que s’il renonçait, il « le regretterait toute [sa] vie ». Il a bien fait d’y croire. Agée de 10 ans, Sailendra est spécialiste des solutions d’analyse comportementale par l’intelligence artificielle. Elle élabore des algorithmes qui permettent d’observer les comportements d’achat d’un utilisateur, de prédire ses futurs besoins et de les lui propo ser. Sailendra est devenue filiale du groupe Pharmagest à hauteur de 70 % en décem bre 2016. La startup issue de l’Université de Lorraine, via le Laboratoire lorrain de recher che en informatique et ses applications) (Loria), a séduit Thierry Chapusot dès l’ori gine du projet, tant il pressentait l’intérêt de telles technologies développées par la startup dans le domaine de l’ecommerce pour celui de l’esanté.
« Nous concentrer sur notre cœur de métier » Pour Régis Lhoste, l’opération est gagnant gagnant : « Nous avions besoin d’être ados sés à un grand groupe. Cela nous permet d’avoir des capacités de développement bien
Régis Lhoste : « Pharmagest nous permet de nous concentrer sur notre coeur de métier ». Photos Cédric JACQUOT
plus faciles. Depuis un an, Pharmagest nous a apporté de la professionnalisation, de la sérénité, et nous permet de nous concen trer sur notre cœur de métier. C’est surtout l’opportunité pour nous de travailler sur de beaux projets au sein du groupe. Notre fil rouge depuis toujours, c’est le challenge ». Sans être « pieds et poings liés », ajoute Régis Lhoste qui apprécie « la liberté
d’action » préservée de Sailendra. La startup qui compte 7 personnes, diversifie ainsi son offre. Tout en bénéficiant au sein du groupe Pharmagest « d’une émulation sans prix qui nous permet d’avoir de nouvelles idées ». En janvier dernier, Sailendra a accompagné Pharmagest au plus grand salon hightech grand public du monde, à Las Vegas. M.H. V.
Noviatek
« Un énorme coup d‘accélérateur » Mathieu Muller est un passionné, un inventif. A 12 ans déjà, il imaginait « un détecteur d’inonda tions » qu’il vendait à des voisins ! Ingénieur systèmes, le jeune homme, est aujourd’hui, à 29 ans, directeur associé, avec Régis Ciré, de Novia tek. Une startup, créée par les deux jeunes gens en 2011 alors qu’ils étaient encore étudiants à l’Université de Lorraine, et filiale à 80 % de Phar magest depuis 2016.
Mathieu Muller et sa box santé.
Noviatek a développé Noviacare, une « box santé » destinée à favoriser le maintien à domi cile des personnes âgées ou fragiles. Un sys tème intelligent autonome (nul besoin de con nexion internet) qui se place dans la pièce à vivre, équipé de capteurs sans fils installés à des endroits « sensibles » du domicile : salle de bains, toilettes, porte de réfrigirateur, porte d’entrée, etc. Pendant 15 jours, le système « apprend les habitudes de la personne », expli que Mathieu Muller, « ce qui nous donne un modèle de cohérence de vie ». Par la suite, la box va pouvoir, grâce à de complexes algorithmes, comparer au quotidien les scénarios de vie, et détecter les premiers signes d’une perte d’auto nomie. Un repas ou un médicament non pris ? Un proche sera prévenu. Une cascade d’alertes 21
permet d’aller jusqu’au déclenchement des secours en cas de graves problèmes. Dès le début de l’aventure, les deux associés se sont rapprochés de professionnels de santé pour développer ce système : « Nous avons, par exemple, bénéficié d’une formation pour com prendre les maladies neurodégénératives ». Entrer dans le giron Pharmagest a constitué un « énorme coup d’accélérateur » pour la startup qui depuis « a pu se consacrer à 100 % » à sa box. « On a toujours su que notre travail serait moteur de quelque chose, sinon nous ne serions pas allés au boulot chaque jour de 8 à 18 h sans salaire de 2011 à 2016. En revanche, si Pharma gest n’avait pas cru en nous, nous aurions arrêté », avoue Mathieu Muller. Cinquante boîtiers et 300 capteurs sont installés dans le Grand Est. La phase d’expérimentation se termine. « Nous allons analyser toutes les données pour performer les algorithmes », poursuit le jeune homme. Le produit, « pour lequel grâce à Pharmagest, nous avons déposé deux brevets », rappelle Mathieu Muller, sera présenté à Paris cet été. M.H. V.
Économie
& Territoires
Startup
Alchimies - Open Edge Dieuze (57)
3D, une fabrication très additive 400 000 € de chiffre d’affaires l’an dernier. Or, depuis le début de l’année, 217 000 € de commandes ont déjà été engrangées. A Dieuze, le groupe Alchimies, fabricant d’imprimante 3D, passe la vitesse supérieure.
P
Du surmesure Le tournant fut Areva en 2016. « Ce sont eux qui nous ont contactés, se souvient Alain Skiba. Une machine de 500 x 500 x 300 conçue sur mesure avec un niveau de précision de 0,05 mm sur pièces finies. Le tout avec un fil spécial. » Aujourd’hui, les grandes entreprises ont pris conscience des potentiels de la fabrication addi tive. PMEPMI savent qu’il leur faut franchir le pas, mais souvent, ne voient pas comment s’y prendre. C’est là où la structure Open Edge intervient. Elle a mis en place dès 2016 des formations de techniciens en fabrication addi tive. « Aujourd’hui, nous formons douze person nes pour sept entreprises et cinq jeunes en alternance que nous embaucherons en mai. Notre volonté est d’accompagner les entrepri ses dans leur démarche, en vendant les machi
Le groupe Alchimies à Dieuze et son nouveau bâtiment entièrement dédié à la production d’imprimantes 3D. Photo Pascal BROCARD
nes, assurant formation et maintenance. » Open Edge assure aussi la partie recherche et développement. Quatre gammes en évolution constante, de la machine découverte à l’équipe ment sur mesure. Optimus, c’est la marque de fabrique d’Open Edge, son savoirfaire. Adient, Pirus composite dans le Nord, Latécoère à Tou louse sont clients. Partnair Industrie qui cons truit son usine à Forbach (57) a acheté une machine avec une personne en formation. Pour suivre, la SAS a dû s’étendre. Installée dans l’ancien mess des officiers, rebap tisé Le 137, elle vient d’acheter, toujours à Dieuze, plus de 4000 m² dédiés à la production. « Quinze machines sont en construction. Depuis le début de l’année, nous avons engrangé 217 000 € de commandes. » Le fruit d’un partenariat commercial nouveau. Alchi mies market formation a désormais pour mis
sion de placer des commerciaux sur toute la France et d’attaquer l’international. « En 2018, nous prévoyons de quadrupler notre chiffre d’affaires. » Avant, le groupe prépare un inves tissement de 340 000 € afin d’industrialiser au mieux ses procédés de fabrication. Quand on disait que l’aventure ne faisait que commen cer… Laurence SCHMITT
Informations
lusieurs années déjà que les actionnai res d’Alchimies et Open Edge sont asso ciées. L’aventure, pourtant, ne fait que commencer. La SAS n’était pour autant pas restée l’arme au pied. Mais il lui fallait attendre son heure, parfaire ses machines et voir décoller le marché de l’imprimante 3D ou fabrication additive, terme consacré dans l’industrie. « Jusque fin 2014, décrypte Alain Skiba, directeur général, nos clients étaient des passionnés et le milieu scolaire. Ce secteur et celui de la formation ont encore du potentiel. Nous sommes en pourparlers avec l’Afpa, par exemple, au niveau national. » Par contre, le milieu industriel voyait encore dans l’impri mante 3D un simple gadget. « Il fallait démon trer le caractère répétable, fiable et adapté de nos machines. »
Groupe Alchimies 137 rue S.A.I la Princesse Alix Napoléon, 57 620 Dieuze Chiffre d’affaires : 400 000€ Mail : contact@alchimies.fr
Association, développement, extension 2006 : Alain Skiba crée Alchimies SARL.
2015 : la gamme des machines se développe.
2009/2010 : une dizaine de passionnés se réunis sent autour d’Alain Skiba pour accélérer le déve loppement de la fabrication additive (impres sion 3D) : création de la première imprimante 3D pliable, etc.
2016 : création d’Alchimies SAS pour développer de nouvelles imprimantes, fabriquer des impri mantes 3D, commercialiser les imprimantes 3D Alchimies/Open Edge. Déménagement de Fols chviller à Dieuze (57)
2013 : création d’Open Edge SAS. Objectifs : com mercialisation des différentes imprimantes ; développement du conseil en matière de créa tion de FabLab (Nancy, Folchviller, etc.) ; recher che en matière de fabrication additive avec l’Université de Lorraine, Areva ; développement de la formation pour l’impression 3D.
2017 : la gamme Optimus est lancée : ces machi nes répondent à un cahier des charges clients spécifique. Création d’Alchimies Market Forma tion pour la partie commerciale. 2018 : extension avec l’aménagement d’un bâti ment à Dieuze réservé à la production des impri mantes 3D. 22
Open Edge, la partie R&D du groupe.
Économie
& Territoires
Startup
Alérion Villers-lès-Nancy
Comment rendre un drone intelligent La start-up nancéienne conçoit des « équipements d’intelligence embarquée » pour adapter les engins aux missions les plus difficiles.
L
a spin off a décollé il y a trois ans, depuis le campus de la fac de sciences. Porté par Laurent Ciarletta, ensei gnant chercheur à Mines Nancy, spé cialiste de la gestion des réseaux dynami ques, et AnneSophie Didelot, Alérion « fonctionnalise » les drones, c’estàdire qu’elle conçoit des « équipements d’intelli gence embarquée » afin d’adapter les engins à toutes sortes de missions. Elle développe aujourd’hui des solutions « qui rendent les drones plus sûrs et plus intelligents ». Car si potentiellement le marché est immense, c’est bien la sécurité qui empêche l’industrie du drone de décoller réellement.
Hydradrone
Drone de surveillance Alérion développe également des drones de surveillance d’infrastructures. Ces engins ont été conçus pour surveiller de près les lignes d’Enedis, les canalisations en sortie de barrage, et même les clôtures de l’aéroport de Lyon. Cette nouvelle façon d’appréhender
Le prototype de l’hydradrone, dédié à la surveillance environnementale. Photo ER
la maintenance des grandes infrastructures ouvre de belles perspectives de développe ment. La startup nancéienne est engagée dans un programme qui permettra de vivre les grands événements sportifs comme jamais. Dans le cadre de ce projet porté par la Commission européenne, Alérion développe en effet des essaims de drones pour multiplier les points de vue et les angles originaux. Bref, pour renforcer la sensation d’immersion du spec tateur. Toute la difficulté est d’assurer des conditions de sécurité maximales. « Les appareils sont en cours de montage et
les tests sont prévus au deuxième semestre de cette année », indique AnneSophie Dide lot. Les essaims d’Alérion devraient couvrir le Giro, en Italie. S.L.
Informations
Installée dans les murs du Loria, dans la « Silicon Villers », Alérion compte aujourd’hui trois salariés et quatre associés et est engagée dans plusieurs projets de recherche collaboratifs. La startup a ainsi été amenée à concevoir un « hydradrone », un engin dédié à la surveillance environne mentale. Le premier prototype devrait voler dès ce printemps.
Alérion Espace Transfert, 615, rue du Jardin botanique, 54600 Villerslès Nancy. Tel. 03 54 95 86 00 Chiffre d’affaires : 70 000 € Trois salariés et quatre associés ;
Alérion et Air Marine, numéro 1 de la filière Alérion se rapproche d’une société borde laise, Air marine, experte en inspection aérienne par avion et par drone, spécialisée dans l’acquisition et exploitation de données par ces mêmes moyens. Les deux entreprises ont en effet signé une lettre d’intention en vue de son rapprochement avec la société Alérion. Pour Alérion (70 000€ de CA), cette fusion va lui permettre de renforcer ses activités à travers des projets de développement et le déploiement en Nouvelle Aquitaine de son réseau d’excellence scientifique, de se doter
de nouvelles compétences en R & D, de favoriser l’émulation positive de la nouvelle équipe créée et de bénéficier de la notoriété d’Air Marine, et ainsi devenir un leader de la filière drone. Air Marine, 31 salariés, 2,5 M€ de CA, travaille pour les plus grands donneurs d’ordre euro péens. Ce rapprochement va leur permettre de renforcer leurs compétences en R & D, apporter une sensibilité et un savoirfaire managérial nouveau, associer son image à celle déjà reconnue d’Alérion. S. L. 24
Bénéficier de la notoriété d’Air Marine. Photo ER
Économie
Startup
& Territoires
Il était un arbre Épinal
L’alchimie des cabanes vosgiennes C’est une petite pépite sortie de l’Enstib il y a trois ans. « Il était un arbre » est sorti de son statut de couveuse et diversifie ses marchés.
U
ne énorme structure autoportée, une charpente en épicéa qui s’accroche à un grand chêne planté en plein milieu de la pièce. C’est un chantier atypique dans lequel s’est enga gée la société Il était un arbre, à Sainte Barbe, près de Rambervillers. Un chantier pas si facile, parce qu’en hiver le village est exposé aux vents.
Pour l’entreprise Il était un arbre, ce chantier de 130 000 € est le premier de cette ampleur. La société, une petite pépite sortie de l’Ens tib, a passé trois ans en pépinière d’entrepri ses avant de se lancer. À la sortie de l’école, Simon Muccilli et Florent Cordonnier propo saient des cabanes dans les arbres qui font rêver petits et grands. Au fil des ans, d’autres chantiers se sont ajoutés. L’entreprise vient par exemple de faire un abribus très original (avec balançoire intégrée) à Bouxièresaux Bois, mais elle fait aussi des extensions et des chantiers d’isolation plus classiques. « Notre objectif est de valoriser et de déve
Florent Cordonnier, l’un des cofondateurs dans une yourte en dur, portée par un chêne. Photo Ph. B.
lopper la filière bois feuillu », souligne Simon Muccilli. Le chiffre d’affaires de la petite société a gonflé pour atteindre aujourd’hui 700 000 €. Six employés composent Il était un arbre : les deux fondateurs, Simon et Florent sont entourés d’un apprenti, un menuisier, un charpentier et un intérimaire. Des projets de recrutement sont en cours pour l’année à venir, et l’entreprise aimerait prendre deux apprentis.
Innover sans cesse Mais quand on se positionne dans le créneau de l’insolite, il faut sans cesse innover. « On essaye de sortir des sentiers battus, de pro poser des idées nouvelles et un autre regard », souligne Simon Muccilli. « Mais
pour créer des choses nouvelles, il faut com prendre les valeurs ancestrales et tout le savoir empirique ». Ce n’est donc pas par hasard que les deux jeunes ingénieurs ont choisi les Vosges pour s’installer. « On est bien, ici », explique Simon, encore porté par son école près de quatre ans après la fin de ses études. « On fonctionne toujours en réseau et on est très complémentaires ». Katrin TLUCZYKONT
Informations
Cent cinquante mètres carrés, une grande yourte en dur avec un toit en ardoises grises et deux extensions pour faire la salle de bains et la cuisine. « Ça n’a pas été simple de transporter le chêne, qui pèse entre 1,5 et 2 tonnes », explique Florent Cordonnier, l’un des deux associés fondateurs de l’entreprise. L’arbre, du bois local coupé dans la forêt voisine a été scanné et entré dans le logiciel pour que l’équipe puisse exploiter sa pré sence au maximum. Le bâtiment, une fois terminé sera surmonté d’un dôme en verre.
Il était un arbre Chiffre d’affaires : 700 000 € Six salariés. Spécialité : le tavaillon ou l’essi.
Simon, cofondateur de l’entreprise Au départ, ils étaient deux copains avec un rêve fou à la sortie de l’Enstib (École nationale supérieure des techniques et industries du bois) d’Épinal. Construire des cabanes dans les arbres. Aujourd’hui, cinq ans après leur sortie de cette école, qui fait référence en France, ils se reposent toujours sur le réseau. Simon, 27 ans vient des Ardennes. S’installer dans les Vosges pour lui et Florent, ça n’a pas été juste un coup de cœur, mais une évidence. « Il y a ici une vraie volonté de valoriser la filière locale, et une vraie politique avantgardiste », estime til. Simon, c’est un peu le cérébral de l’équipe, mais c’est aussi le gars qui répond toujours
présent quand il s’agit de représenter l’entre prise, dans les Vosges, à Paris ou ailleurs. Comme là, un mardi aprèsmidi en plein vent à Xertigny (Vosges), où sont installés les Woo dies, les petites constructions issues des défis du bois de l’Enstib, quand il vient expliquer sa passion à de futurs ingénieurs forestiers. Au milieu des Woodies trône la cabane historique d’Il était un arbre. Celle qui a été réalisée à la sortie de l’Enstib, une merveille bardée de tavaillons – ou essis – dans les Vosges, qui comporte cinq essences. K. T.
Simon Mucilli, cofondateur de l’entreprise. Photo DR
Startup Pôle entrepreneuriat de Lorraine Nancy
« Une logique d’expérience » À l’Université de Lorraine, le PeeL propose une nouvelle façon d’envisager l’entrepreneuriat. L’an dernier, 238 jeunes gens ont revêtu le statut d’étudiants-entrepreneurs.
« Q
uand on s’est lancé, peu de gens pariaient sur nous », se souvient Christophe Schmitt, directeur du Pôle entre preneuriat étudiant de Lorraine (PeeL). Sept ans plus tard, l’Université de Lorraine est reconnue comme la plus entreprenante de France. Une fierté pour l’universitaire : « On a fait évoluer la façon d’envisager l’entrepre neuriat. On a cassé les codes. » Cette année encore, l’ensemble des activités proposées par le PeeL (sensibilisation, accompagnement de porteurs de projets) aura touché 12 000 étudiants. Parmi eux, 238 étudiantsentrepreneurs, contre 198 l’année précédente et… 4 en 2011. Un nouveau record qui signe le succès du dispositif. « La mission du PeeL est moins de créer des entreprises que de sensibiliser les étudiants à la culture entrepreneuriale », rappelle Christophe Sch mitt.
« Amener les jeunes à se révéler » Christophe Schmitt, directeur du PeeL, entouré d’étudiantsentrepreneurs. Photo ER
Dans cette démarche de valorisation de l’imagination et de la créativité des étu diants, le PeeL organise notamment divers événements permettant aux jeunes gens de faire du réseautage. Exemple : « Le Grand oral du PeeL », au cours duquel, chaque année, des dizaines d’étudiants doivent pré senter en 1’30 leur projet pour accrocher d’éventuels partenaires. Et si les étudiants
Un suivi individualisé Statut national d’étudiantentrepreneur
l’étudiant peut substituer son projet entre preneurial, validé par le PeeL, à l’obligation de faire un stage.
Le statut national d’étudiantentrepreneur permet aux étudiants de construire leur pro jet entrepreneurial avec l’accompagnement du PeeL et un suivi individualisé, tout en bénéficiant d’espaces de travail à Nancy et à Metz, ainsi que d’un réseau de partenaires impliqués dans la création d’entreprises. Dès l’acceptation d’une candidature, un chargé de projet aide l’étudiantentrepreneur « à transformer [son] idée en opportunité d’affaires ». Dans son parcours universitaire,
Le diplôme étudiantentrepreneur Le diplôme étudiantentrepreneur s’adresse aux jeunes diplômés. Il leur donne droit à être étudiant une année supplémentaire pour finaliser leur projet entrepreneurial et bénéficier de l’accompagnement proposé dans le cadre du statut étudiantentrepre neur. Il est accessible au titre de la formation initiale et continue. 26
entrepreneurs ne créent pas leur entreprise, « ce n’est pas un échec », insiste Christophe Schmitt : « La création, c’est la cerise sur le gâteau (ndlr : il y a eu 67 créations d’activités l’an dernier). Le vrai objectif, c’est le dévelop pement de compétences, l’insertion profes sionnelle. Il y a dans le PeeL une vraie dimen sion de professionnalisation. L’idée, c’est aussi de porter des valeurs, ce que je trouve le plus beau de la part de ces jeunes gens qui feront le monde de demain. » Le défi pour le PeeL aujourd’hui : « Toucher les doctorants », explique Christophe Sch mitt : « Quand on sait qu’à peine 25 % finis sent sur un poste d’enseignant, il y a un vrai enjeu à développer l’entrepreneuriat dans cette population ». MarieHélène VERNIER
Informations
Les étudiants entrepreneurs n’ont ni expé rience, ni argent ? Qu’importe. Le PeeL s’affranchit des questions d’études de mar ché, de business plan : « Les jeunes ont des idées. Comment peuton les accompagner ? L’objectif est de les amener à se révéler, de leur permettre de faire leur expérience. Le meilleur moyen : aller confronter leur idée sur le terrain, y défendre l’intérêt de leur projet. Nous les accompagnons dans ces pas à pas », explique Christophe Schmitt.
PeeL Pôle entrepreneuriat étudiant de Lorraine. Site : peel.univlorraine.fr
Économie
& Territoires
Témoignages
« Une aventure motivante »
Amélie Poincel, 21 ans. Photo ER
En 3e année de licence info com’à Nancy, Amélie Poincel, 21 ans, consacre parallèlement près de 20 heures de son temps à l’association Un Toit partagé, dans le cadre d’un service civi que. Elle y assure des fonctions de chargée de communication : « Je voulais à tout prix mettre en pratique tout ce que j’apprends en cours », ditelle. Le projet Un Toit partagé, en pleine émulation, est actuelle
Une idée qui a « du sens »
ment incubé au PeeL. Son objec tif : contribuer à l’émergence d’offres nouvelles d’habitats à vocation solidaire et économi que. À l’origine, l’association s’intéresse à la colocation, sécu risée, entre seniors souhaitant fuir l’isolement et préserver leur pouvoir d’achat. Puis à la coloca tion intergénérationnelle pour répondre à une véritable attente. Aujourd’hui, sur la pla teforme de l’association, plus de 2 300 membres sont en attente de ce mode de vie, à Nancy, Lille, Montpellier… Mais subsiste un problème : l’inadaptation de l’habitat en France. Un Toit par tagé se penche donc désormais sur la question du bâti, accom pagné par le PeeL.
Tout est parti du vécu d’Henri Reydon, aux yeux de qui « le tra vail des multiples personnes intervenant auprès d’un enfant autiste, chacune avec ses objec tifs spécifiques, était trop cloi sonné », explique Corentin Ker biriou.
Corentin Kerbiriou, 24 ans. Photo ER
« Juggle » est la startup dirigée par Corentin Kerbiriou, 24 ans, avec son associé Henri Reydon. Le premier, diplômé d’une école de commerce parisienne, l’Iéseg, et le second, éducateur spécia lisé auprès de jeunes enfants autistes, ont uni leurs compé tences pour lancer une applica tion « simple et intuitive », mise à la disposition des profession nels et des parents afin de « par tager toutes les informations utiles aux progrès de l’enfant ».
« Je n’étais pas forcément con vaincue, au départ, par les objec tifs que s’était fixé Un Toit par tagé. Mais je vis aujourd’hui une expérience qui donne terrible ment envie d’entreprendre », avoue Amélie. untoitpartage.fr
Accompagnée par l’Incubateur lorrain, appuyée par la Société d’accélération du transfert de technologies, la startup a vu son équipe grandir de deux à six personnes et, depuis six mois, elle est en phase de déploiement de son application dans cinq éta blissements médicosociaux du Grand Est. Arrivé au PeeL dans le cadre d’un stage de fin d’études, Corentin Kerbiriou sortait d’une expé rience dans une banque luxem bourgeoise qu’il avait quittée « par manque de sens ». Le jeune homme avoue l’avoir trouvé aujourd’hui au sein de « Juggle ». www.juggle.fr
« Faire grandir mon projet » « La vie du coureur facilitée » d’affiches. Au PeeL, elle a trouvé un environnement « bien veillant », l’effet d’entraînement et de partage qui a impulsé le début de confiance qui lui man quait, « des espaces pour tra vailler, plus motivants que rester seule chez moi ». Des conseils, aussi, « pour développer ma communauté sur internet ou encore pour mon futur statut, d’autoentrepreneur ou artiste entrepreneur ». Elle y a fait éga lement nombre de rencontres. Louise Arnould, 22 ans. Photo ER
Louise Arnould, 22 ans, a tou jours aimé dessiner et peindre. Un hobby qu’elle peut aujourd’hui envisager de trans former un jour en activité pro fessionnelle. Cette éventualité, jamais la timide jeune fille n’avait osé l’imaginer avant sa rencontre avec le PeeL. Elle y prépare en un an son diplôme d’étudiantentrepreneur « pour faire grandir » son projet artisti que : la réalisation de tableaux numériques, traditionnels et
Théo Hanser, 24 ans. Photo DR
Aujourd’hui, Louise Arnould, alias Captain Lou, a déjà des commandes. Au terme de son année au PeeL, elle cherchera un travail dans le graphisme tout en continuant à développer son projet. Après un bac S, une année de mise à niveau en arts appliqués, un DUT métiers du multimédia et de l’internet, la jeune fille a décroché une licence professionnelle création publicitaire à l’IUT Charlemagne de Nancy.
« Cours, on s’occupe du reste ! » : Runergy a le slogan percutant. L’application développée par les deux étudiantsentrepreneurs lorrains Théo Hanser, 24 ans, et Thomas Lemaire, 23 ans, vise à faciliter la vie des coureurs en sélectionnant les courses à venir près de chez eux, en facilitant leur inscription, et en mettant à leur disposition en fin de mani festation photos et résultats « simplement et gratuitement »,
louise.arnould.free.fr
27
explique Théo Hanser. Chaque utilisateur a un profil où sont centralisées des données, d’ordi naire à renseigner, à chaque ins cription. Runergy entend égale ment faire gagner du temps aux organisateurs de courses à qui une partie du site est réservée. Théo Hanser donne un exemple : « Via le site, les certificats médi caux des coureurs sont vérifiés, validés dès l’inscription. Les organisateurs évitent ces vérifi cations le jour J ». Un éditeur de courses leur est aussi pro posé. Théo Hanser est en master management du numérique à ICN Business school à Nancy, Thomas Lemaire, étudiant à Metz à l’UFR mathématiquesin formatiquemécanique. Deux profils complémentaires qui fonctionnent bien. Le bilan de Runergy depuis septembre der nier : 3 000 coureurs et 17 cour ses au calendrier. www.runergy.fr
Économie
& Territoires
Startup
LORnTECH sillon lorrain
LORnTECH, à quoi ça sert ? LORnTECH, à la fois un emblème, un label, la marque d’un territoire qui essaime ses start-up et espère bien les voir grandir.
Q
u’estce LORnTECH ?
Philippe Henaux, coordonnateur LORnTECH à Metz. – C’est une ban nière de rassemblement qui cher che à fédérer tous les acteurs numériques du territoire lorrain, qu’ils soient publics, privés ou académiques, issus de grands groupes ou de PME. Sa volonté est de stimuler, promouvoir, accompagner la transition numérique des entreprises. Son ambition est de favoriser l’émergence de startup. Ça marche ?
Toutes sont concentrées dans les quatre bâtiments totem du sillon lorrain : Épinal, Nancy, Metz et Thionville ? Non. LORnTECH est tout sauf un village gau lois. Il y a les startup des bâtiments totem, mais aussi celles des accélérateurs Synergie en Moselle, de la PaPinière de Gondreville, adossée à l’entreprise de François Piot, le futur accélérateur Pharmagest ou encore celui du Crédit Agricole annoncé à Nancy. Benoît Michaux, PDG du groupe Mentor à Nancy, a créé PretUp qui a levé 5M€, soutien
Le dernier né des bâtiments totem, à Thionville, Thi’pi, Pôle Numérique. Photo Philippe NEU.
Cortex System, etc. Sans oublier les startup parfois non répertoriées ou sorties des accé lérateurs. Je pense à My Music Teacher, très actif, logé à Sarrebourg. Tous sont LORnTECH et French Tech. C’est ça la force.
bâtiment totem. C’était la dernière ville à ne pas en posséder. Mais audelà des quatre villes, c’est tout un territoire que nous irri guons avec des présences à SaintDiédes Vosges, PontàMousson, la Meuse, etc.
Ça ne fait pas un peu beaucoup d’accéléra teurs ?
Quelles sont vos ambitions de développe ment pour cette année ?
Non. Plus il y aura d’accélérateurs, mieux ce sera, à partir du moment où il y a coordina tion. Au niveau des bâtiments totem, nous nous rencontrons toutes les semaines. L’association LORnTECH recrute un coordina teur pour justement travailler à l’unité et à l’animation de tout cet écosystème. Le but est que LORnTECH soit une véritable force de frappe.
Un travail sur deux axes. De la promotion au national, avec la Région Grand Est, en partici pant à de nombreux salons ciblés : Vivatech Paris, ICT Spring Luxembourg, Be 4.0 Mul house, Blend web mix Lyon, Web Today Nan tes, Web west festival Brest, web summit Lisbonne. Sans oublier les événements majeurs lorrains avec Gen 2018 ou Osez l’innovation responsable, qui aura lieu pour la première fois au Centre des congrès de Metz.
Être répartie sur plusieurs villes n’estil pas un frein ? C’est une autre façon de travailler et, au contraire, nous avons prouvé qu’on était capables de faire travailler quatre villes ensemble, que l’on pouvait fédérer public et privé, se réinventer et développer une straté gie. Sans le label FrenchTech et la bannière LORnTECH, cette dynamique n’aurait proba blement pas eu lieu. Pour autant, cette dynamique peine à être visible ?
Philippe Henaux, coordinateur LORnTECH à Metz TCRM Blida. « Avec Émilie Pawlak pour Nancy, nous avons porté le dossier. » Photo Gilles WIRTZ
Certes, nous avons un an de retard par rap port à nos ambitions. Le recrutement du coordinateur est essentiel dans notre straté gie pour assurer cette lisibilité LORnTECH sur l’ensemble du sillon lorrain et audelà. Récemment, Thionville vient d’ouvrir son 28
Quel soutien apportezvous aux startup, à part les bâtiments Totem ? Nous voulons devenir un véritable levier : soutien au lancement d’études de marché, de prototypages ou aides financières, tout ça en lien avec la région Grand Est. Propos recueillis par Laurence SCHMITT
Informations
Depuis sa création, LORnTECH a enregistré la création d‘environ quatrevingts startup sur le territoire, dont une quarantaine à un degré de maturité avancée. La quasitotalité n’existait pas juridiquement en juin 2015. Elles représentent presque deux cents emplois et plusieurs millions d’euros de levée de fonds. Les résultats de cet observa toire seront officiellement publiés en juin, pour les trois ans de LORnTECH.
LORnTECH https ://fr.linkedin.com/compa ny/lorntechcluster lorntech.eu/ https ://twitter.com/lorntech
Reprise d’entreprise
10
C’est, en millions, le chiffre d’affaires de l’entreprise PTP Industry, dont 2 millions de fonds propres. L’objectif est à 12 millions d’ici quatre ans.
75
C’est le nombre de salariés en CDI. quinze sont fondeurs, 20 usineurs, 4 monteurs et 5 personnes à la conception et à l’industrialisation. À cela s’ajoutent une dizaine d’intérimaires. La société forme aussi neuf apprentis et quatre contrats pros. « Un coût. Mais c’est à nous de les former », estime le président Pierre Becker.
100 000 C’est la somme, en euros, investie en 2014 dans un electroaimant qui pèse la matière première, la mélange et la charge. Un investissement qui, « s’il ne fait pas gagner en productivité, améliore réellement les conditions de travail. »
PTP Industry Raon-l’Étape
La fonderie du futur La fonderie existe depuis 1955 à Raon-l’Étape (88). De changements en reprises, elle veut consolider ses acquis en regardant vers l‘avenir.
C’
est en 1939 qu’est née la société industrielle de transmissions. Filiale du groupe de pneumatiques Kleber Colombes, pour la vente des courroies dans le secteur industriel. Et c’est en 1955 qu’est intégrée la fonderie à Raonl’Étape. Faisant ainsi bascu ler le site dans une logique indus trielle. Plusieurs grands groupes se sont succédé. Embauché par un groupe américain, Pierre Becker, aujourd’hui seul actionnaire et dirigeant de PTP Industry, arrive en février 2007 alors que le groupe décide de restructurer et de con solider le management. Très rapidement, avec deux ingé nieurs, Pierre Kleber se retrouve sur un projet de reprise dont les discussions prendront surtout une forme concrète en septembre de la même année. « Ça a été très compliqué et ça a bien failli ne pas
se faire. D’autant que le site per dait beaucoup d’argent. » Une hol ding voit le jour, en mars 2008, sous l’impulsion des trois cadres qui rachètent l’entreprise. Mais la crise économique arrive six mois après : PTP Industry perd 40 % de son activité. Elle se reprend, jus qu’en 2012, et connaît un nouveau ralentissement. « Il fallait alors se remettre en cause et j’étais le seul des trois à le faire. Je me suis trouvé en porte à faux avec mes deux associés. »
tée, monter en gamme et dévelop per la partie commerciale. « Nous avons toujours pensé que nous avions les capacités à monter en puissance. Mais quand les com mandes poussent, les délais aug mentent et nous ne sommes plus dans notre stratégie », renchérit Pierre Becker, qui met un point d’honneur à « s’en sortir seul, même si le choix n’est pas facile. » Mais avec la ferme volonté de gar der une entreprise au fonctionne ment « familial ».
Une stratégie précise
« Il nous manquait juste la con fiance des banques. Et une ban que nous a suivis. C’est important, pour nous, pour réfléchir sur une autre organisation », poursuit celui qui a fait le choix « de pren dre un maximum de risques. »
Soutenu par les salariés dans son projet, Pierre Becker prend seul la tête en février 2017. Il sait déjà qu’il doit passer de 110 à 80 per sonnes. « Un redressement judi ciaire, ça se prépare. Il faut l’orga niser. Il faut aussi garder la confiance des clients, des fournis seurs et des pouvoirs publics. » Phase 2 de la stratégie de Pierre Becker : avoir des délais plus courts sur des produits de grande qualité. Et enfin, phase 3, en place depuis un an et demi, aller vers des marchés à forte valeur ajou 30
Émilie MARINBISILLIAT
Informations
PTP Industry Chemin de la Belle Orge, 88110 Raonl’Étape www.ptpindustry.com
Économie
& Territoires
Interview
Pierre Beck, président : « Prendre un maximum de risques » Quelles sont les offres, aujourd’hui, de PTP Industry ? Des solutions sur mesure de pièces de fonderie de fonte, usinées en petite série, dont moulage 3D, destinées à la fabrication et à la réparation de machines et d’équipement. La réparation de tout type de réducteurs dans nos ateliers, et une gamme complète de produits de transmis sion de qualité élevée comprenant accouple ments, poulies, réducteurs, moyeux, douilles, courroies, garnitures, etc. Votre créneau reste les petites séries. Pour quoi ce choix ? Parce qu’on mise sur des petites quantités à forte valeur ajoutée. Nous avons eu plus de 500 clients en 2017. Il nous en faut plus encore. On vend dans vingt pays, et cela aussi il faut le développer. 45 % de notre chiffre d’affaires se fait à l’export. Il y a encore du potentiel. Quel est le contexte actuel ? Il est favorable. Depuis février de l’année der nière, on sent une vraie dynamique. Il faut inves tir, remettre l’outil à niveau, prendre des risques. Je suis financier de métier mais, pour moi, les finances sont un outil au service du développe ment industriel. Quels sont vos objectifs ? Nos projets tiennent en trois volets : 3 millions sont prévus pour augmenter la capacité de production sur la fonderie et améliorer les capa cités d’usinage. Ensuite, l’investissement sera humain, avec une entreprise en train de rajeunir et qui va continuer puisque nous aurons douze départs à la retraite dans les deux ans. Enfin, il faudra penser la reconfiguration du site. Mais cela coûte cher et on ne pourra pas le faire seul.
Pour Pierre Becker, les finances sont avant tout au service du développement industriel. Photo Éric THIÉBAUT
Reconfigurer le site pour quelles raisons ?
Comment voyezvous l’avenir ?
« On a beaucoup trop de place et pas besoin de tout ça : 25 000 m², c’est énorme. Il y a eu jusqu’à 600 personnes, ici, dans les années 1980. D’autres industries pourraient venir s’implan ter. Nous sommes de surcroît bien situés, tout près de la 2x2 voies et à cinq minutes à pied de la gare. Nous avons pour cela la chance de pouvoir compter sur la communauté d’agglomération de SaintDiédesVosges et l’Établissement public foncier de Lorraine. Des études vont d’ailleurs être menées.
J’ai pris la décision de prendre un maximum de risques. On n’a pas le choix. D’ici quatre ans, il faut atteindre l’objectif de 12 millions de chiffre d’affaires. Nous sommes en capacité de faire n’importe quelle pièce. La vraie difficulté est de voir comment on trouve nos clients. Nous avons tout à gagner. Il ne faut pas faire de stratégie moyenne sinon, à terme, on est morts. Il ne faut pas faire n’importe comment et être au meilleur niveau. Propos recueillis par E.M.B.
En bref
Rencontre
Ils se passent le relais… C’est un binôme de quelques mois. Mais il a toute son impor tance. Et le cas n’est pas si courant que cela dans les entreprises. Thierry Heutzen est responsable de l’atelier fonderie à PTP Industry. C’est lui qui veille à ce que les cinq coulées quotidien nes de deux tonnes se passent bien. Cela fait trente ans qu’il travaille pour l’entreprise raonnaise, dont il connaît finalement parfaitement l’histoire, les codes… À la fin de l’année, il fera valoir ses droits à la retraite. Mais avant cela, il passe lentement mais sûrement le relais à Jérémie Lamboulé. À 30 ans, diplômé d’une école d’ingénieur, il a déjà travaillé pour plusieurs fonderies et passé quatre ans en Angleterre à se spécialiser dans ce domaine. « Thierry m’apprend les méthodes, son savoirfaire, son expé rience car toutes les fonderies fonctionnement de manière différente. C’est une réelle chance et c’est bien la première fois que je vois cela dans une entreprise. » En faisant ce choix (coûteux, puisqu’il débourse deux salaires pour un même poste), Pierre Becker joue la carte de la sécurité et de l’avenir. Séduit lui aussi par l’enthousiasme de sa jeune recrue, fière de se lancer dans une entreprise « qui a plein de projets. » Thierry et Jérémie, binôme depuis quelques mois.
E.M.B.
Photo Éric THIÉBAUT
31
1 200 tonnes de fonte sont produites chaque année à, en moyenne, 1 500 degrés. L’acier, fondu dans la poche, est ensuite coulé dans les moules en sable… aussi durs que du béton. Il faut une heure pour fon dre deux tonnes d’acier. Il faudra en revanche à peine deux minutes pour le cou ler dans les moules. Cinq coulées de 2 tonnes sont réalisées par jour, cinq jours par semaine. Le site accueille trois zones de coulées, l’une à côté de l’autre, pour les petits, les moyennes et les grandes pièces.
Économie
& Territoires
Reprise d’entreprise
Métalest France Lunéville
Le métallier s’installe chez l’habitant L’entreprise du Lunévillois, longtemps connue pour son savoir-faire auprès des équipementiers automobiles, propose aujourd’hui ses créations métalliques aux particuliers.
L
Partenaire des équipementiers automobiles L’essentiel de son activité et du travail de l’inox, l’acier ou l’aluminium, Métalest France le réalise chez les équipementiers automobiles, qui représentent encore 30 à 40 % de son chiffre d’affaires. Ce secteur d’activité a très longtemps décidé du sort de l’ancienne serrureriemétallerie fondée par Bernard Burri, en 1983. Son savoirfaire, alors largement dédié à Trailor, l’illustre fabricant de remorques de la cité cavalière, a conduit aussi à sa perte. La défaillance de l’exusine De Dietrich a préci pité celle qu’on appelait alors Métalest jus qu’au redressement judiciaire. Convaincu du
Des panneaux inspirés des moucharabiehs utilisés dans l’architecture des pays arabes. Photo : Métalest France
savoirfaire de l’entreprise bâtie sur l’île SaintAndré qui a compté jusqu’à 40 ouvriers, et avec l’aide des collectivités locales, Bruno Palmizio reprend les rênes et la direction de l’équipe de 10 personnes. Un effectif qui est porté aujourd’hui à 13 ou 14 personnes, en s’appuyant sur un noyau d’intérimaires fidè les. Bien identifié dans l’esprit de tous, le nom de Métalest est conservé. Le responsable y accole « France » : « On était alors en plein débat sur l’identité nationale », souritil. Implantée sur la zone des Mossus depuis 2009, dans un bâtiment de 2 500 m², Métalest France dispose d’un parc de machines consé quent. Dont un laser indépendant permet tant la personnalisation de son chezsoi, avec le prénom de l’être aimé, de ses enfants, une citation… « On fait de l’original, à un prix
abordable », assure M. Palmizio, aussi con fiant que prudent. « En 2015 et 2016, l’entre prise a connu une période de remise à niveau. Nous avons entamé une progression en 2017, avec une hausse du chiffre d’affaires de 5 %, qui doit se poursuivre en 2018. » Pascale BRACONNOT
Informations
a société Métalest France, implantée à Lunéville, fait partie des dix dernières entreprises françaises à maîtriser le rivetage à chaud. Celuilà même qui a permis l’assemblage si caractéristique de la tour Eiffel. Ces croisillons et boulons apparents, montés à l’identique, se montrent aujourd’hui dans les intérieurs des Français. La société, reprise en 2015 par Bruno Palmizio, crée à la demande escaliers, consoles, verrières d’ate lier… Elle surfe sur le style industriel prisé dans la décoration, en réalisant des objets surmesure, correspondant aux besoins et désirs d’une clientèle de particuliers repré sentant aujourd’hui 10 à 20 % de son chiffre d’affaires. Son directeur vise à porter cette part à 30 %, multipliant ainsi par 6 la portion qu’il avait trouvée à son arrivée.
Métalest France Adresse : 12, rue CamilleFlam marion, 54300 Lunéville Mail : commercial@metalest france.com. Site web : www.meta lestfrance.clicpro.fr 14 salariés
Du grand art Les techniques et le matériel dont dispose la société lunévilloise l’autorise à s’impo ser dans les domaines des constructions et menuiseries métalliques, de la serrure rie, l’oxycoupage, la découpe laser et plasma, la tôlerie, la mécanosoudure industrielle, la restauration d’ouvrages d’art ou encore la réalisation de mobilier urbain et mobilier d’intérieur. Parmi les réalisations locales visibles par le plus
grand nombre, on peut citer l’escalier du centre multiactivités de Damelevières, les portes du bâtiment écologique de la maison des enfants de Méhon, à Lunéville, le tunnel d’accès au bassin extérieur du centre Aqualun’de Lunéville, l’escalier intérieur du bâtiment Isolant de l’Est du marché de gros de Vandoeuvre ou encore l’escalier de la SCI Pechot, à Toul. P.B.
Le style industriel fait entrer les verrières et le rivetage à chaud dans les maisons. Photo : Métalest France
Économie
Reprise d’entreprise
& Territoires
Metzger Metz
Des vérandas et des hommes En 2010, Jean Poulallion devient le nouveau dirigeant de Metzger. Avec une volonté : placer les relations humaines au cœur de la société.
U
n ancien du groupe Disney, qui rêvait de reprendre une entreprise dans le domaine de l’agroalimen taire ou du luxe et qui est finale ment devenu patron dans le bâtiment, n’en a pas tout à fait terminé avec les montagnes russes ! Jean Poulallion, actuel président de Metzger SAS, en a fait l’expérience. En 2010, il est séduit par cette société lor raine spécialisée dans les volets roulants et vérandas en aluminium : « Je n’avais pas d’appréhension, confessetil. Mais, ça a été rock’n’roll ! » En arrivant chez Metzger, il se retrouve devant 45 salariés inquiets : « L’un d’entre eux s’est fait le porteparole et m’a demandé combien de temps j’allais rester ! »
Travailler tous ensemble Jeune patron dans un secteur qui lui était inconnu, Jean Poulallion a dû refréner plu sieurs idées. « Comme la pose de panneaux photovoltaïques ou des volants roulants sur les vérandas. Dans les deux cas, Bernard m’a
Jean Poulallion a repris Metzger en 2010. Pour y rester. Photo DR
mis en garde alors que nos concurrents en proposaient. Heureusement que je l’ai écouté ! » L’humain et les relations avec les employés ont motivé son envie de devenir chef d’entre prise. Les transformations initiées au sein de Metzger SAS ont été réalisées en partant d’une volonté : « Remettre du lien social dans l’entreprise. Je souhaite que les mem bres du personnel travaillent le mieux possi ble tous ensemble. » Dans les ateliers, des chariots facilitent le travail des techniciens et intègrent ces derniers dans leur espace de travail. Une charte d’attitude et de compor tement a été conçue avec l’équipe. « Chacun veut faire son boulot du mieux possible. Ma conviction, c’est que la croissance de l’entre prise n’est possible que par le développe ment du personnel. »
Miser sur l’humain a été un pari osé. Mais huit ans après avoir repris les rênes de la petite entreprise familiale, Jean Poulallion a élargi la clientèle en se tournant vers les marchés meurtheetmosellan, alsacien et luxembourgeois. Deux autres structures sont aujourd’hui implantées à Nancy et à Kockelscheuer. Metzger SAS est désormais un groupe employant 80 collaborateurs.
Informations
Pour rassurer ses collaborateurs sur sa moti vation, cet ancien de l’École supérieur de commerce de Paris décide de reprendre le chemin de l’école. Il décroche son CAP menui serie aluminium au centre de formation des apprentis de PontàMousson. Il s’entoure également des compétences d’un ancien salarié, aujourd’hui à la retraite, Bernard Ritz. Cette collaboration aurait pu l’irriter. « L’avoir à mes côtés a été une aide plus qu’un inconvénient. J’aime la confrontation : Bernard m’a apporté ses conseils dans tout ce que je faisais. Il connaît bien les membres de l’équipe et les métiers. »
Metzger 13, rue des Drapiers, Actipôle de Metz http://www.metzgerlorraine.fr/ 80 salariés
« Un climat bienveillant… » Franca Perquin fait partie des plus anciens salariés du groupe Metzger. Elle se souvient de ce jour de 1986 où elle a fait ses premiers pas dans les locaux de la rue des Drapiers. « Il y avait une ambiance familiale, bon enfant », se rappelletelle. Des repas de fin d’année, des moments de convivialité entre collègues dans les ateliers ont marqué son esprit. L’arrivée de Jean Poulallion en 2010 a suscité quelques craintes : « À l’époque, nous nous sommes interrogés sur notre nouveau patron, confie Franca Perquin. Mais la transi
tion a été bien vécue. Le climat bienveillant existant sous la famille Metzger perdure encore aujourd’hui. » La grande révolution : appeler Jean Poulallion par son prénom. « Ce qui s’est fait naturellement, au final… » Des entretiens individuels ont été menés, permettant à Franca d’exprimer ses souhaits et d’avoir le sentiment d’être entendue par la nouvelle direction. « Avec Jean, nous som mes de la même génération. Un jour, il m’a dit qu’on prendrait notre retraite en même temps. À ce momentlà, j’ai compris qu’il avait repris la société pour y rester. » 35
Franca Perquin : la grande révolution a été d’appeler le patron par son prénom. Photo DR
Économie
& Territoires
Reprise d’entreprise
Aesculap SAS France Chaumont
La remontada de la PME Filiale du géant allemand B.Braun, l’entreprise haut-marnaise produit des prothèses du genou exportées dans le monde entier. Renversant la situation.
L
a « remontada », ce n’est pas qu’en sport. Aesculap France, qui produit à Chaumont des prothèses du genou pour le monde entier, a su reconquérir la maisonmère allemande, B.Braun. Mieux. « Grâce à notre taille, on a plus de réactivité. Nous servons même de laboratoire pour de nouvelles idées », apprécie le président d’Aesculap SAS, Claude Rauscher. « Nous sommes force de proposition pour les nouveaux produits et les procédés de fabrication », complète Mickaël Denet, direc teur du site depuis un an. En 2008, par exemple, le processus de fabrication d’une partie de la prothèse développée à Chaumont est devenu le standard du groupe.
2008. Cela fait dix ans que l’activité « prothèse du genou » de la famille Landanger, dont les sociétés fabriquaient divers produits pour les chirurgiens, a été reprise par la firme allemande Aesculap AG, puis intégrée dans le giron de B.Braun. Une décennie marquée par des difficul tés relationnelles. « Des erreurs ont été commi ses d’un côté et de l’autre », analyse Claude Rauscher. L’Alsacien, qui a dirigé des entreprises françaises en Allemagne et inversement, est nommé cette annéelà à Chaumont. « Je n’y connaissais rien au médical ». En revanche, outre sa maîtrise des codes de chaque pays, il s’y connaît en organisation industrielle. Et par vient à convaincre le PDG de B.Braun. « C’est une chance d’avoir un groupe derrière soi, mais aussi une exigence. Il attendait de nous que
Le site de production a été agrandi pour la deuxième fois en 2016. Le marché de la prothèse connaît une croissance annuelle de 10 à 15 %. Photos : CD
nous parvenions aux normes de performance du groupe, se souvientil. Il a fallu se battre, les premières années ». Mise aux normes industrielles, technologies, formation des employés : le cap franchit, les investissements suivent. Le premier signe fort intervient en 2007 avec l’agrandissement de l’atelier de production de 600 m2. En 2016, nou velle extension de 1 200 m2. Et ce n’est pas fini.
vie booste la demande, en particulier dans les États émergents. Dans le top 10 des pays posant la prothèse Columbus, produit phare de la mar que Aesculap, l’Allemagne arrive en tête, suivie de l’Inde et de la Chine. Autre enjeu : les com mandes doivent suivre rapidement. Une opéra tion du genou dure aujourd’hui troisquarts d’heure contre 90 minutes il y a dix ans. Catherine DAUDENHAN
Objectif : 100 000 prothèses Les 10 000 implants orthopédiques annuels, avec 40 % de soustraitance, sont désormais loin. 50 000 prothèses totales du genou sont sorties de l’usine chaumontaise en 2017. Pro chain objectif : doubler ce chiffre en 2020. La PME fabrique également des ancillaires, nom donné aux différents instruments de pose. Le marché de la prothèse connaît une croissance de 10 à 15 % par an. L’allongement de la durée de
Informations
Ce n’était pourtant pas gagné d’avance entre la PME hautmarnaise et le géant mondial de matériel médicochirurgical et de services (60 000 collaborateurs, 6,5 milliards de chiffre d’affaires). Il y a 15 ans, le groupe de Tuttlingen, dans le BadeWurtemberg, songeait à fermer Chaumont.
Aesculap SAS France Chiffre d’affaires : 17 millions d’euros en 2017 Salariés : 120 personnes Site : www.bbraun.fr.
Engagée à fond dans l’alternance À Aesculap Chaumont, le nombre de salariés devrait légèrement augmenter cette année, pour remonter à 125. Soit autant qu’en 2013. La robotisation a, en effet, surtout fait évo luer le profil des postes. « Un opérateur est de plus en plus un gestionnaire : il organise ses outils, ses commandes, gère sa matière », indique Mickaël Denet, directeur du site. Ces dernières années, afin de pallier certai nes difficultés de recrutement, à tous les niveaux (ingénieurs, opérateurs, managers), Aesculap s’est fortement impliquée dans la formation par alternance en intégrant les
jeunes en apprentissage, bac pro et BTS. Elle est aussi en cheville avec Pôle emploi, dans le cadre de réorientations. Vendeur, maçon, assistante maternelle ou encore exmilitaire ont ainsi bénéficié d’une formation, à l’issue d’un test d’aptitude. Elle a également amené quelques jeunes, issus de l’École de la deuxième chance, jusqu’au bac pro. En 2017, la PME a d’ailleurs obtenu le deuxième prix de l’opération « Osons l’alternance », sur 14 entreprises champardennaises (catégorie 100 à 500 salariés). 36
Mickaël Denet, directeur du site de Chaumont, et Claude Rauscher, son président. Photo ER
Économie
& Territoires
Reprise d’entreprise
CORDM Verdun
La spécialiste de l’engrenage voit loin La Scop continue de travailler avec ses donneurs d’ordre historiques comme Alstom mais décroche aussi d’autres marchés aux quatre coins du monde.
I
ls réinvestissent chaque année leur partici pation au bénéfice dans la société. Les salariés de la CORDM, basée à Verdun, sont actionnaires de leur entreprise à parts éga les. Cette Scop (Société coopérative de produc tion) est née en 1982 quand les ateliers RDM ont déposé le bilan. Quelques employés déci dent alors de sauver leur outil de production. Une quarantaine d’entre eux décide d’investir leur prime de licenciement dans la société et de prendre les rênes de l’entreprise. Avec suc cès.
Moyenne d’âge : 36 ans La moyenne d’âge des employés est de 36 ans. Et la politique de l’entreprise se résume en un mot : l’investissement. « Depuis trois décen nies, nous ne cessons d’investir pour gagner en compétitivité », souligne Dominique Péri nel. Le but étant de renouveler au maximum les machines du parc pour proposer aux clients les meilleures techniques possibles. Si la CORDM continue à travailler avec ses don neurs d’ordre historiques, notamment dans le ferroviaire comme avec Alstom, elle est partie à la conquête de clients aux quatre coins du monde dans les domaines de l’industrie pétro lière, la sidérurgie, le concassage…. En Europe bien sûr, comme en Allemagne, mais aussi en Amérique latine, aux ÉtatsUnis, en Afrique du Sud, en Russie, en Corée du Sud ou même en
Les salariés sont actionnaires de leur entreprise, à parts égales. Photos Émilie FIEROBE
Chine et, plus récemment, au Kazakhstan. « 40 % de notre chiffre d’affaires se fait à l’export. On va sur place, on participe à des salons, on prend des contacts. Grâce à notre directrice commerciale export, Christelle Tri don. » Le prochain objectif de la société étant de développer un maximum l’international en décrochant des marchés dans les pays nordi ques comme la Finlande, la Suède ou le Dane mark. Et puis, la CORDM est désormais certi fiée « opérateur économique agréé par les douanes » : une fierté mais surtout un gain de temps pour les clients étrangers puisque le passage par la case « douanes » n’est plus obligatoire. Bref, la CORDM se porte bien. Notamment depuis qu’elle s’est lancée dans la production d’engrenages spiroconiques, pièces très pri sées, qui lui permet de décrocher plus de marchés.
Preuve de sa bonne santé, l’entreprise est en train de s’agrandir : 800 m2 d’ateliers de pro duction supplémentaires vont être construits sur le site verdunois. La surface totale sera de 6 500 m2. L’atelier d’études, lui aussi, va pren dre de l’ampleur. Afin de renforcer, encore, la compétitivité de l’outil de production. Émilie FIEROBE
Informations
Dominique Périnel en faisait partie. Il se sou vient ne pas avoir hésité une minute : « C’était ça ou je me retrouvais au chômage. » Aujourd’hui, il est directeur de cette entreprise en plein essor, spécialisée dans la mécanique de précision et les pièces d’engrenage. En trois ans, la CORDM a doublé son chiffre d’affaires. Et ne compte pas s’arrêter là.
CORDM Chiffre d’affaires : 11M€. 70 salariés. Rue du Port Sec, ZI de Tavannes, 55100 Verdun. Tel. 03 29 84 33 89. Info@cordm.com ; www.cordm.com
« L’Industrie a besoin de personnel » En pleine expansion, la CORDM, basée à Verdun, rencontre tout de même un pro blème de taille : la difficulté de recruter des techniciens qualifiés. « Dans la région, il n’y a plus de formations. Nous, on recherche des techniciens Bac + 2 pour travailler sur nos machines. Et je peux vous dire que c’est très compliqué », confie Dominique Périnel, le directeur. Qui multiplie les contacts avec des établissements scolaires du secteur et avec l’Éducation Nationale pour lancer une filière locale qui pallierait le problème. « Ces métiers de techniciens sur machine ont une
mauvaise image aux yeux des jeunes, qui pensent qu’ils vont passer leur journée dans le cambouis. C’est faux ! Aujourd’hui, toutes les machines ou presque sont à commandes numériques. Et il n’y a aucune odeur désa gréable dans les ateliers. » Il suffit de visiter les locaux de production de l’entreprise pour s’en rendre compte. Le directeur assure que la CORDM n’est pas la seule société en Meuse à rencontrer des difficultés pour embaucher des techniciens. « À l’heure où on parle de chômage, une chose est certaine : l’Industrie a besoin de personnel », insistetil. 38
L’entreprise produit des engrenages spiroconiques.
Économie
& Territoires
École nationale supérieure des Mines Nancy
Le repreneuriat, ça s’apprend
«N
ous avons créé ce Mastère repreneuriat car il répon dait à un besoin. », explique Philippe Oudin, responsable pédagogique. La formation s’adresse à des repreneurs potentiels : des jeunes diplômés ou des personnes connaissant déjà le monde de l’entreprise et qui ont besoin de repren dre certaines bases. « Il faut souvent une remise à niveau juridique, fiscale et techni que ». Deux parcours existent. L’un « classi que » dure un an et est composé de six mois de cours à temps partiel et six mois de thèse professionnelle. L’autre, « sur mesure », peut se prolonger jusque deux ans. Cette modula tion permet de s’adapter à des étudiants ayant des impératifs professionnels. « Nos élèves actuels ont entre 30 et 45 ans. Il y a des enfants de cédants ou encore des gens qui
travaillent dans l’administration et qui sou haitent changer de cap », ajoute Philippe Oudin. Du management à l’industrie du futur, la formation couvre tous les aspects du repreneuriat. Ce sont des professionnels (avocats, expertscomptables…) qui dispen sent la plus grande partie des cours. « Cela rend l’enseignement concret. Nous sommes aussi en train de constituer un groupe de mécènes pour financer les études de nos stagiaires », indique Prisca Sellen, chargée de projet. « Reprendre une entreprise c’est audelà du professionnel, c’est un projet de vie, il y a un réel engagement ». À la fin de la première session, un débriefing sera effectué afin de « tirer les conclusions pour les ses sions suivantes », affirme Philippe Sessiecq, directeur adjoint de l’école. « Notre volonté est de ne pas s’arrêter à la Lorraine. On souhaite dupliquer ce mastère dans d’autres régions ». La prochaine session débutera en octobre, il est possible de déposer une candi dature par mail ou courrier jusque fin juillet. M. D.
39
De gauche à droite : Philippe Oudin, Prisca Sellen et Philippe Sessiecq. Photo ER
Informations
L’école des Mines de Nancy a débuté en février sa première session du Mastère spécialisé® Repreneuriat. La formation dure un à deux ans.
École des Mines de Nancy Campus Artem, 92 rue Sergent Blandan, 54 042 Nancy Cedex minesnancydfsc@univlorrai ne.fr
Reprise d’entreprise Caddie Alsace
Rayons de soleil chez Caddie L’entreprise 100 % alsacienne s’est bien redressée ces dernières années, autour d’un nom mythique pour les Français, entré dans le langage courant.
«O
n est tous très fiers de tra vailler ici. Caddie, c’est un nom, l’un des fleurons de l’économie française dans l’imaginaire des Français ». Qui ignore encore l’identité – déposée à l’INPI – des fameux chariots à roulettes des grandes sur faces ? Une entreprise familiale, 100 % alsa cienne, créée en 1928 par Raymond Joseph dans le fond d’une arrièrecour de Biesheim. À l’époque, il s’agit surtout de transformer du fil d’acier en appareils domestiques et ména gers : séchoirs, paniers à salade, porteœufs, cage pour animaux… et bien entendu les premiers paniers métalliques. Ce n’est que dans les années 1950 que le président, de retour d’un voyage aux ÉtatsUnis, amorce un virage décisif dans l’activité de son entre prise, ajoutant des roues aux équipements d’origine. Une révolution qui peut, a poste riori, surprendre. Mais les valises de voyages ne connaîtront cette adaptation que tardive ment. Les idées les plus simples…
Le nom « Caddie » ? Il s’inscrit à l’époque comme un clin d’œil à la passion du PDG pour le golf. Le caddyman étant l’assistant mobile du joueur sur le green, Maurice Joseph s’ins pire du nom pour le chariot à roulettes, vite présenté comme… l’assistant du client dans les magasins. La protection du mot « Cad die » permettra même à l’entreprise alsa cienne de recevoir 200 000 € de royalties, plus
Chaque année, Caddie embauche vingt à trente nouveaux salariés. Photo Frédéric Maigrot
tard, lorsqu’une grande marque automobile choisira cette identité pour sa gamme. Sur fond d’essor des grandes surfaces, l’entreprise alsacienne connaîtra une expan sion, certes contrariée par quelques échecs dans ses choix stratégiques et une lutte vive des concurrents. Aujourd’hui, l’activité se partage entre le site de Drusenheim (30 km au nordest de Strasbourg) et Dettwiller, et
Chariot connecté : le « rupturisme » « L’évolution technologique est telle qu’il faudra envisager à plus ou moins long terme la disparition des caissières dans les grandes surfaces. Elles seront affectées à d’autres tâches. Mais c’est une révolution qui nous attend ». Jérôme Kocher et Caddie réfléchis sent actuellement au… caddie connecté (lire également sur ce sujet l’interview du PDG Stéphane Dedieu). Des études sont menées avec la collabora tion d’une startup pointue de Monaco afin
de mettre en place les conditions d’un chan gement technologique annoncé dans les usages des clients. « Le chariot connecté sera l’outil intelligent de demain. De la même manière qu’on libère un équipement avec une pièce d’1 €, cette démarche se fera par reconnaissance de l’identité du client. Grâce à cette application, il pourra être accompa gné et aidé dans son choix selon ses achats précédents, tel un assistant, la définition pratique d’un caddie. « Nous serons rupturis tes », annonceton au siège de Drusenheim. 40
concerne 220 salariés, pour une production annuelle de 250 000 chariots par an. Mais le panel des produits proposés par Caddie s’élargit bien audelà de son produit fleuron. « Le caddie, c’est un produit à part pour tous, car les enfants ont tous été poussés par leurs parents activés à faire leurs courses. On a tous des souvenirs », sourit Jérôme Kocher, en charge de nombreuses activités au siège alsacien. « En même temps, c’est une trans formation industrielle très complexe. Il faut faire en sorte que le fil d’acier qui arrive brut se cambre, se forme avant d’être mis en fusion. On voit le caddie naître sous nos yeux. C’est un produit extraordinaire » Antoine PETRY
Informations
Une idée de golfeur
Caddie 1 Route de Herrlisheim 67410 Drusenheim http://www.caddie.fr/ Effectif : 220 salariés
Économie
& Territoires
Entretien
Stéphane Dedieu : « Réfléchir sur le chariot connecté » Stéphane Dedieu, vous êtes le PDG du groupe Caddie. Comment estil possible qu’un nom comme « Caddie » soit devenu si familier dans le langage courant ? Toutes les études attestent en effet que ce mot a un véritable poids dans le quotidien de nos concitoyens. Les générations passent et le courant d’affection demeure. Comment l’expliquer… Je pense que cela renvoie aux émotions que nous avons tous ressenti, alors que nous étions petits, lorsque nos parents nous transportaient dans le chariot à roulet tes pour effectuer leurs courses dans les grandes surfaces. Ce sont des moments d’émotion, des moments simples, des moments de plaisir qui restent en mémoire. Caddie, au fond, on s’aperçoit que c’est pres que un compagnon de vie, au quotidien, un objet avec lequel on a tous grandi et qui nous accompagne dans les actes de la vie cou rante. Votre entreprise s’est lancée dans une évo lution assez spectaculaire. Vous êtes tou jours un pilier de l’industrie du chariot métallique, mais vous avez aussi développé des recherches sur le plan du chariot con necté… Nous avons structuré notre action des pro chaines années autour d’un pan important qui consiste à réfléchir et à agir sur le chariot connecté. C’est une recherche qui concentre
Stéphane Dedieu : « Le chariot, un compagnon de vie » Photo DR
nos efforts depuis un bon moment déjà, avec l’objectif de présenter ce produit totalement novateur vers la fin 2019, début 2020. De quoi s’agiratil concrètement ? Grâce à une application, toutes les courses que feront les consommateurs dans les gran des surfaces seront additionnées, de telle sorte qu’elles seront débitées directement du compte bancaire, sans qu’il y ait, comme
aujourd’hui, nécessité de faire étape devant le tapis roulant de la caissière. Notre idée, c’est de supprimer tous ces passages en caisse. Il sera même possible, avec un dispo sitif novateur, de fixer ses sacs directement sur le châssis, de telle sorte qu’en sillonnant les rayons on puisse déjà ranger les produits selon leur destination prévue dans la mai son : les produits surgelés là, les produits sanitaires ailleurs, etc.
L’atout
« Caddie, un nom magique » « CA en hausse de 10-15 % » Sur le plan économique, com ment se porte votre entre prise ?
acheter tout ce qui sera de l’ordre des produits frais. Nous voulons, en fait, donner un con fort d’achat supplémentaire aux clients. Sur quel plan votre entreprise faitelle, à votre avis, la diffé rence avec ses concurrentes ?
Stéphane Dedieu. Photo DR
Le challenge, ditesvous, ce sont les courses en ligne… Tout à fait, sachant que toutes les études sont là pour nous rap peler que passées les vingt pro chaines années, 70 % de la popu lation devrait continuer de fréquenter les grandes surfaces alimentaires, notamment pour
Peutêtre sur le registre de l’intelligence connectée des cha riots. Toutes les entreprises de notre champ d’activité réfléchis sent à des solutions pour demain. Pour notre part, nous voulons aller plus loin, notam ment sur les questions de sécu rité pour l’encaissement. Et pour cela nous bénéficions d’un atout qui est notre patronyme unique, auquel sont sensibles tous les Français : Caddie. C’est un nom magique.
Une hausse de CA de 10 % à 15 %. Photo DR
Où en êtesvous exactement sur ce projet ? Nous avons effectué et fait effectuer de très nombreux tests et nous faisons le nécessaire pour être d’une fiabilité à 100 % 41
Actuellement, nous voguons sur un rythme assez spectaculaire, très spectaculaire, même, et une forte activité. Et par ailleurs nous travaillons autour d’un projet d’évolution de business model, afin d’être également fournisseur de solutions en matière de commerce et de mar keting, et non plus seulement fournisseur de produits. Comment illustrer cette crois sance ? Nous évoluons actuellement sur un rythme de croissance de notre chiffre d’affaires qui oscille entre 10 % et 15 %. Recueilli par Antoine PETRY
Usine du futur
700
Millions de boîtes C’est la production de boîtes en aluminium ou canettes à Champigneulles chaque année. Soit 20 % en bières de soif, 4 à 5 % de panachés et bières sans alcool et 70 % de bières spéciales et spécialités plus complexes.
3,8
Litres d’eau C’est la quantité d’eau nécessaire pour fabriquer 1 litre de bière à Champigneulles. Une eau non traitée, puisée directement à 837 m au cœur de la source de Bellefontaine.
360
Millions de litres C’est la production annuelle pour 1 milliard de contenants qui, mis bout à bout, font le tour de la Terre.
Brasserie Champigneulles SAS Champigneulles
Le succès de la bière lorraine Deuxième brasserie française, le site du groupe allemand TCB fête ses 120 ans au mieux de sa forme avec 360 millions de litres en 2017.
E
lle a survécu à toutes les révolutions brassicoles, pour devenir la seconde brasserie française der rière Obernai et Kronenbourg. Près de 300 salariés, une produc tion en hausse constante, servie par des installations constam ment modernisées : la brasserie de Champigneulles a relevé le défi de Karsten Uhlmann et Mike Gaer tner, les deux associés de TCB. Ces deux consultants allemands, spé cialistes de la reprise d’entrepri ses, ont fondé TCB en 2001 et racheté Champigneulles en 2006. « Très vite, alors que la brasserie allait mal, ils insufflent une nou velle politique, plus adaptée à l’évolution du marché, à ses besoins. Durant les dix dernières années, le marché des marques distributeurs vendues dans les enseignes de hard discount a
connu une croissance importante. Par notre adaptation rapide aux besoins, nous sommes en mesure de peser sur ce marché », explique Patrice Colin, le directeur du site de Champigneulles. Alors qu’aupa ravant, le brasseur définissait l’offre et l’imposait plus ou moins à ses clients, les distributeurs de boissons ont endossé une part grandissante de responsabilités qui incombaient traditionnelle ment aux industriels : définition des caractéristiques de l’offre, prise en charge de la gestion des marques, promotion des pro duits », confirme Benoît Tave neaux , auteur avec Jacques Mignard d’une monographie très complète sur la brasserie de Champigneulles.
Bière à la carte En clair, Champigneulles est en mesure de fabriquer des bières sur commande et cahier des charges pour des dizaines de pays et cir cuits de distribution dans le monde. Dans la salle des produits, la gamme est d’ailleurs époustou 42
flante. À côté de la Grande Blonde, bière haut de gamme emblémati que de la tradition brassicole meurtheetmosellane, voisinent des étiquettes qu’on verra ou ne verra jamais dans les rayons de supermarchés français. Alors qu’elle fête ses 120 ans, la « vieille brasserie » de Champigneulles s’est offert un rajeunissement bénéfique. Les filtrespresses ont été remplacés en 2013, comme les immenses cuves matières et trempe, dont la capacité a doublé. En 2017, la cuve de la chaudière à houblonner a également été chan gée. Un chantier spectaculaire qui a nécessité de décoiffer le toit de la brasserie pour la descendre au bout de plusieurs filins en acier suspendus à une grue. Pascal SALCIARINI
Informations
Brasserie Champigneulles F.54250 Champigneulles www.brasseriechampi gneulles.fr 300 salariés
Économie
& Territoires
Performances
Un des fleurons du groupe allemand TCB Avec ses quatre sites de production, TCB oscille entre la 6e et 7e place du classement des brasseurs européens. Sa brasserie de Champigneulles, seul établissement français du groupe de Frankfortsurl’Oder, n’avait plus que 180 salariés au moment de sa ces sion en 2006. Soixantedix seront réembau chés très vite par la nouvelle direction. TCB, avec ses quatre sites de production de Frank fortsurl’Oder, Dresde, Hanovre et Champi gneulles est un des champions de l’investis sement brassicole. « Karsten Uhlmann et Mike Gaertner sont des entrepreneurs. Ils réinvestissent dans l’outil de production, pour le moderniser. Ils savent faire con fiance, laissent de l’autonomie. C’est un peu la tradition des PME allemandes, avec une gouvernance qui ne perd pas de temps en réunion, sait prendre les bonnes décisions au bon moment, ne multiplie pas des étages inutiles à la fusée », explique Patrice Colin, un ancien de Kronenbourg, qui connaît sur le bout des doigts l’outil de travail de Champi gneulles. TCB emploie plus de 700 personnes et affichait en 2014 un CA de 341 millions d’euros de chiffre d’affaires. De 2012 à 2016, 40 millions d’euros ont été investis sur le site brassicole de Champigneulles. De la bière forte type Atlas à la bière sans alcool, en passant par le Shandy, la bière sans alcool à
Une ligne d’embouteillage en verre ultra moderne pour 22 % de la production. Photos Patrice SAUCOURT
la saveur citron, qui marche fort en Espagne, s’ajoutent des bières plus complexes pour la grande distribution ou le hard discount. Des bières d’abbaye comme des pils de soif sor tent des chaînes d’embouteillage ou d’emboîtage de Champigneulles, où l’on
fabrique à nouveau la Grande Blonde, la Tradition et l’Abbaye, des bières nobles tou tes fabriquées à l’eau de source locale. P.S
Trajectoire
Patrice Colin : « Heureux d’avoir des patrons entrepreneurs »
Patrice Colin : un directeur heureux. Photo Patrice SAUCOURT
Où que l’on soit dans la brasserie, Patrice Colin n’est jamais très loin. Le directeur du site de Champigneulles est un personnage discret, qui parle peu de lui. Son truc, c’est la confiance, ce qui n’exclut pas le contrôle : « L’état d’esprit de nos dirigeants influe sur la gestion au quotidien. Ils sont rigoureux, bienveillants et soucieux de la pérennité de l’entreprise. Au moment du rachat, ils étaient là chaque semaine, aujourd’hui nous nous voyons une fois par mois, mais avec beau coup de relais par conférence. Contraire ment aux grands groupes avec des plans à 5 ou 10 ans, qui ont une forme d’inertie, TCB est un acteur mobile, qui prend des décisions rapidement. C’est l’avantage d’une PME et j’aime cette confiance et ce niveau de déci sion », explique Patrice Colin. Le patron ne quitte jamais la blouse et connaît presque tous ses salariés. Ancien de Danone et de Kronenbourg, cet ingénieur de formation est attaché à l’histoire du site. Depuis les Hinze lin et Trampitsch, les deux familles des pères fondateurs, en passant par la SEB, issue du rapprochement de Champigneulles et de La Meuse, avec ses 23 usines et 120 centres de 43
distribution, il connaît tout de l’évolution du site qui a connu des hauts et des bas. « En 1985, le rapprochement SEBKronenbourg qui aboutira au seul nom de Kronenbourg a été un virage dans l’histoire de la brasserie. Il y eut ensuite la revente de Kronenbourg par BSN Danone et puis 2006, quand on a appris que la brasserie de Champigneulles était à vendre. J’arrive ou je reviens, pour ma part, l’année suivante », explique Patrice Colin, toujours à l’affût des évolutions les plus astucieuses et fines, comme l’installation d’une microbrasserie à Champigneulles, en 2018. But de l’opération ? Tester des recettes, des bières, des processus, sur quelques dizaines ou centaines de litres. « Un brassin minimal, ici, c’est 1 000 hectolitres. Pour faire des tests, c’est un peu beaucoup », sourit Patrice Colin qui assure que sa microbrasserie, petite sœur de la grande, sera présente au salon de la microbrasserie au Centre Prouvé à Nancy. Une première sortie qui sera observée de près. P.S.
Usine du futur Trane Golbey et Charmes
Trane Vosges climatise le monde Deux sites, près de 700 personnes, un centre de formation pour l’Europe, et un laboratoire de très haute technologie. Le savoir-faire de Trane, dans les Vosges, est à la pointe et fait désormais référence au sein de la multinationale.
F
iliale d’Ingersoll Rand (43 000 salariés, 12 Md$ de chiffre d’affaires), Trane est lea der mondial dans les systèmes de chauf fage, ventilation et climatisation. Sous l’impulsion de ses dirigeants, dont José La Log gia, le directeur général Europe, la filiale euro péenne est en plein développement et donne le la au groupe pour rendre les climatiseurs et refroidisseurs plus économes en énergie et moins émetteurs de gaz à effet de serre. Notam ment la division vosgienne basée à Golbey et à Charmes, qui regroupe plus de la moitié des effectifs d’Ingersoll Rand en France (1 200) et qui rayonne sur l’Europe, le MoyenOrient et l’Afri que tout en envoyant ponctuellement des machines en Asie, en Amérique du Sud ou en Océanie.
Chaque jour, des unités conçues et fabriquées à Golbey et à Charmes rejoignent des bâtiments commerciaux et industriels plus ou moins importants, des tours géantes en France, en Europe mais aussi au MoyenOrient. Trane Vos ges a décroché le remplacement des groupes froid du tunnel sous la Manche et équipe le nouveau site d’Amazon au Bahreïn (50 unités soit 22 containers). Il va équiper le prochain hôpital d’Épinal après avoir installé ses machi nes dans la patinoire. Outre la vente d’unités de chauffage ou refroidissement, Trane développe
Une des unités géantes de Trane produites à Charmes avec des sousensembles de Golbey. Photos Éric THIEBAUT
la location et propose l’accompagnement, notamment le suivi du matériel et la formation des personnels des clients pour la maintenance.
Des produits conçus dans les Vosges adoptés par les Américains Depuis cinq ans, les sites des Vosges ont été transformés pour les rendre totalement com plémentaires. Ainsi, l’une ne va pas sans l’autre : Golbey produit des sousensembles composés d’éléments plus ou moins complexes avec, entre autres, des compresseurs, des câblages et des coffrets électriques et de commandes, qui sont ensuite assemblés avec d’autres composants à Charmes sur sept lignes de production. Toutes les heures, des camions relient les deux sites.
Une académie pour l’Europe Outre le centre de recherche, le laboratoire et les deux sites de production, Trane a également installé dans les Vosges un centre de formation pour l’ensemble de son personnel. En 2017, 3 443 personnes sont passées par Golbey pour y sui vre plus de 41 000 heures de formation. Dirigée par Pascale Frémiot, Trane Académy a proposé 581 sessions de formations en 2017. Il s’agit de formations techniques et commerciales. L’objectif est d’assurer un niveau élevé de com pétences et d’expertise des salariés de Trane en Europe, Afrique et au MoyenOrient. Ces forma tions s’adressent aux ingénieurs de vente et aux
techniciens de services. « Cela représente des retombées économiques importantes pour les Vosges, dont près de 900 nuitées sur Épinal », explique Pascale Frémiot. L’activité du centre est aussi de former des experts internes qui deviendront des formateurs de leur zone de rattachement. Cette académie s’inscrit aussi dans le développement des services que Trane propose à ses clients en accompagnement aux ventes de matériels : formation, mainte nance, etc. C’est par exemple le cas pour le marché arraché à la concurrence qui concerne le renouvellement des groupes froids du tunnel sous la Manche. 44
« Afin de tenir compte de sa destination et de son futur environnement, chaque machine est un produit sur mesure, conçu en interne par le bureau d’études. Sur la ligne de production, les machines se suivent mais ne se ressemblent pas. Par exemple, nous avons 70 000 combinai sons d’armoires électriques ! », explique Thierry Munier, responsable de production. Tôlerie, étanchéité, pression, les contrôles sont perma nents si bien que Trane est fière d’annoncer un taux de satisfaction proche de 100 %. » Cette transformation pour faire des deux usi nes, une seule, s’est accompagnée d’un renou vellement total des produits pour les rendre plus respectueux de l’environnement. Ainsi, la recherche et développement de Trane Vosges a conçu une machine de réfrigération à zéro impact sur l’effet de serre. Et elle a bousculé l’ordre établi en exportant outreAtlantique une technologie conçue dans les Vosges, alors qu’avant la recherche et le développement ne se déroulait qu’aux ÉtatsUnis. Sébastien GEORGES Notre diaporama de la visite des deux usines et du laboratoire sur nos sites internet
Informations
Sur deux sites, elle réunit la chaîne complète : de la conception à la production en passant par le test. Signe de ses performances, 15 M$ ont été investis dans les Vosges dont 4,1 M€ pour l’ins tallation en 2015 d’un laboratoire ultramoderne pour tester et valider ses unités de production de froid et de chaleur destinés aux profession nels (industrie, commerce, usines, hôtels, tours et immeubles d’habitation et de bureaux).
Trane Golbey et Charmes 700 salariés sur les deux sites Trane Golbey, 1, rue des Améri ques 88190 Golbey www.trane.com www.ingersollrand.com
Économie
& Territoires
Interview
« Les Vosgiens sont fiers de ce qu’ils font et ils ont raison » l’Europe, grâce au développement de pro duits en interne, à nos nouvelles lignes de production et avec notre nouvelle organisa tion. L’innovation accompagne notre déve loppement d’où la création de ce laboratoire très performant qui nous fait gagner du temps. Nous sommes satisfaits de nos usines vosgiennes et de la manière dont ça se passe. Nous allons continuer à investir ici. Les gens sont fiers de ce qu’ils font et ils ont raison.
Directeur général Europe de Trane, Jose La Loggia est à l’origine de la transformation de Trane et des usines dans les Vosges. Que représentent les usines vosgiennes au sein de Trane ? Nous avons tissé un lien fort avec les usines des Vosges, actrices incontournables du développement de Trane. Certaines de leurs innovations ont été adoptées par nos usines américaines. L’état d’esprit de Trane est de s’adapter pour rester leader. Nos marchés Asie, Amérique, Europe et MoyenOrient sont de taille équivalente. Nous voulons rester leader mondial en renforçant nos parts de marché. Pour l’Europe livrée par les Vosges, nous nous appuyons sur les nouvelles nor mes environnementales pour renouveler notre gamme avec des produits plus perfor mants qui nous permettront de séduire de nouveaux clients, y compris sur d’autres con tinents. La transition écologique est une bonne chose et une grande opportunité pour le business. Cela crée de nouveaux marchés et fait bouger les lignes. Notre objectif est d’aller plus loin que les normes pour nos nouveaux produits. En quelques années, la réduction de nos émissions a été exponen tielle, sans entamer les performances et l’efficacité énergétique de nos matériels. Pourquoi avoir changé l’organisation de vos usines des Vosges ? Pour renforcer nos performances, nous
Comment a eu lieu cette transformation ?
Jose La Loggia : « La transition écologique est une bonne chose et une grande opportunité pour le business. » Photos Éric THIEBAUT
avons transformé notre organisation en nous appuyant sur l’expertise de nos person nels pour devenir plus réactifs et s’inscrire dans la démarche de nos concurrents qui sont plus petits mais peuvent réagir plus vite. Nos sites de production des Vosges sont à la pointe de la transformation et ont voca tion à devenir nos meilleurs sites de produc tion au monde. Ils le sont aujourd’hui pour
Depuis 2013, nous avons réduit significative ment le nombre de jours pour produire nos unités en facilitant le montage. Aujourd’hui, Golbey et Charmes ne forment qu’un site. Si on gagne du temps, on réduit le coût de production et nos produits sont plus compé titifs. Cela ne peut se faire que grâce à l’engagement de nos salariés. Il y a eu beau coup d’échanges avec les équipes pour expli quer notre démarche. La transformation dans les Vosges montre que lorsque l’on est créatif, innovant et que l’on travaille ensem ble, on arrive à de très beaux résultats. Quand on est dirigeant, on peut avoir une vision mais si on ne donne pas la possibilité aux gens d’exprimer leur talent, cela stagne. Dans les Vosges, l’inverse s’est produit et nous progressons. La transformation a été plus simple ici car, une fois que les gens ont su pourquoi le faire et comment le faire, ils ont eu envie de le faire. Propos recueillis par S. G.
Un laboratoire unique pour des tests de 25° à 60° Le laboratoire de Trane à Charmes complète l’outil industriel du groupe dans les Vosges, aux côtés des unités de production et de recherche à Golbey et Charmes. Mis en service en 2015, il est unique en Europe avec sa salle climatique capable de reproduire des températures extrê mes, froides ou chaudes (de 25 à 60 °), et grâce à la sensibilité de ses capteurs et la finesse des analyses à mener sur les appareils de toutes tailles. Ainsi, il peut tester et valider tous les systèmes de chauffage, ventilation et de clima tisation de Trane, dont les plus imposantes, celles qui développent jusqu’à 1,7 Mgw de puis sance frigorifique. Et pour cause, les dimensions et les capacités techniques de ce centre d’essai sont hors du commun : 21 m de long, 20 de large, 13 de hauteur avec une puissance électrique de 2,5 Mgw et le renouvellement de 840 000 m³ d’air par heure. « Cela permet de tester différentes machines dans toutes les configurations et ainsi de le montrer à nos clients qui nous ren dent visite », explique Philippe Denois, le res ponsable du laboratoire. « On peut jouer sur tous les paramètres : la chaleur, la qualité de l’air, les utilisations en conditions extrêmes. Avec des centaines de capteurs, nous étudions toutes les réactions de la machine jusqu’à son niveau d’émission sonore. Nos unités sont capa
bles de produire du chaud et du froid avec de la récupération d’air. Nous vérifions dans tous les cas de figure leur puissance calorifique et frigo rifique et travaillons sur les prototypes qui anti cipent l’évolution de la réglementation environ nementale. En testant leurs limites, cet outil est un atout pour le développement et la concep tion de nos produits. » Il permet à Trane d’aller plus vite et de raccourcir son cycle de recherche et de certification en s’affranchissant des saisons. Il peut reproduire n’importe quelles conditions environnementa les. Avant, pour essayer des machines par 20°, il fallait les envoyer aux ÉtatsUnis, à La Crosse. À Charmes, même s’il fait 35 °, Trane peut tester ses machines par temps polaire. Trane ne se contente pas d’améliorer les économies d’éner gie sur ses produits pour gagner des parts de marché. Il en a tenu compte dans la conception du laboratoire qui réutilise la puissance calorifi que ou frigorifique pour préconditionner l’air de la salle de test. Une démarche qui s’inscrit dans le plan d’investissement de 500 M€ du groupe pour l’efficacité énergétique et dans son ambition de réduire de moitié ses émissions des gaz à effets de serre. Sébastien GEORGES 45
Dimension hors norme pour le laboratoire de Trane à Charmes, qui recrée toutes les saisons pour mettre à l’épreuve les unités de climatisation et chauffage.
Économie
& Territoires
Usine du futur
ThyssenKrupp Florange
Préparer le personnel à l’usine du futur Le PDG de ThyssenKrupp Presta, JeanLuc Hemmert, mise sur une montée en compétences des salariés mais aussi leur bien-être dans l’usine.
D
« Imaginer les concepts industriels de demain » L’axe d’innovation fondamental, pour Thys senkrupp, se situe en interne. JeanLuc Hem mert prépare son personnel aux mutations futures, en misant sur la capacité de tous les salariés à s’adapter aux transformations exi gées par les innovations technologiques con çues par la maison mère du Liechtenstein. « Nous faisons partie de la communauté lea der des usines du futur, ce qui impose d’imagi ner les concepts industriels de demain, ceux qui nous permettront de rester en avance sur la concurrence des pays de l’Est », trace le patron. Ce qui se traduit localement par : « Le développement de compétences et de nou veaux métiers. » C’est très concret. « Nous avons effectué une refonte complète de la grille des agents de fabrication et démarré tout un programme de formation qui con
L’enjeu : préparer le personnel aux mutations futures. Photo Pierre HECKLER
cerne la moitié des effectifs. Il faut que chacun puisse prendre conscience que les lignes de production vont changer : nous aurons donc plus besoin de polyvalence. » JeanLuc Hemmert parle de sécurité, d’ergono mie, et beaucoup de formation. D’ailleurs, Thyssenkrupp possède son propre campus où transitent toutes les catégories d’employés : opérateurs, techniciens et ingénieurs. C’est une fierté mais aussi un argument économi que car c’est l’outil d’une vision à long terme qui doit assurer un haut niveau de perfor mance pérenne. « Si l’on veut réussir les inno vations techniques, il ne faut pas oublier le personnel. Depuis deux ans, je tiens le même discours en disant au personnel que nous devons tous ensemble monter en compé tence. » Cet état d’esprit se retrouve aussi au quotidien, en incitant les employés à formuler des idées susceptibles d’apporter des amélio
rations. C’est une façon d’être acteur de son usine. Le contrat, c’est d’apporter deux idées par an qui seront mises en œuvre dans l’entre prise. « L’an dernier nous avons reçu plus de 2 400 idées avec un taux de participation de 76 %, assure JeanLuc Hemmert. Je suis content de mes équipes, de l’engagement des gens. C’est vrai. Même nos prestataires disent que cela se voit dans leurs yeux ! » Olivier SIMON
Informations
ans un marché aussi concurrentiel que celui de l’automobile, une entre prise comme ThyssenKrupp Presta Florange possède une « bonne visibi lité » sur trois ans. Pas plus. Le PDG, JeanLuc Hemmert, est loin d’être homme à se reposer sur ses lauriers. Parce que l’environnement économique ne le permet pas, et surtout parce qu’il veut conserver un temps d’avance sur la concurrence. « Le chiffre d’affaires est stable (600 M€), les volumes restent au même niveau, ce n’est plus la croissance de 2011. » Avec 1 200 salariés (250 intérimaires), l’usine de Fameck a atteint un seuil, en bonne santé. Elle reste leader dans son domaine d’équipementier automobile, spécialisé dans la fabrication de colonnes de direction avec une production de 3 500 systèmes par jour.
Thyssenkrupp Presta France SAS Chiffre d’affaires : 600 M€ 1 200 salariés 8, rue Lavoisier, 57 190 Florange www.thyssenkruppprestafrance.fr
Les hommes et les machines ensemble C’est une conviction profonde à Thyssenkrupp : l’industrie du futur va de pair avec l’ergonomie. « Beaucoup de gens parlent production, relève JeanLuc Hemmert. Mais les gens vont vieillir, donc il faut aussi travailler sur l’ergonomie. » Cette problématique est une obligation pour Thyssenkrupp Presta, qui mise beaucoup sur la formation interne. « Pour conserver ces compé tences, il faut garder le personnel en activité, retient JeanLuc Hemmert. Moi, j’ai vraiment besoin que le personnel reste en bonne santé ! Pour ça, il faut anticiper, travailler sur la qualité de vie au travail. »
C’est la raison d’être des innovations, telles l’apparition de robots collaboratifs ou des exos quelettes qui permettent de mieux répartir les charges lourdes sur les lignes de production. Le projet est toujours en cours de développement, en lien avec une startup, même si le PDG admet un retard dans la mise en œuvre de l’ordre de dixhuit mois. Il y a aussi toute une phase d’acceptation à opérer avec le personnel. Mais la volonté reste forte de faire travailler ensem ble les hommes et les machines censées assurer une plus grande automatisation des lignes de production. L’un ne remplace pas l’autre. 46
JeanLuc Hemmert : « Moi, j’ai vraiment besoin que le personnel reste en bonne santé ! Pour ça, il faut anticiper, travailler sur la qualité de vie au travail. » Photo Pierre HECKLER
Gris Découpage Lesménils
Conjuguer croissance et pérennité La PME Gris Découpage poursuit sa mue pour entrer dans la cour des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Réorganisations de production, de management, des locaux… Ou comment atteindre l’excellence et la pérenniser.
C’
est un chantier ambitieux. Au pro pre, avec la construction en cours d’un nouveau bâtiment indus triel, comme au figuré avec la refonte du système d’information, de l’orga nisation de production et celle du manage ment. « Nous avons besoin de pousser les murs… la livraison d’ici 2019 d’un nouveau bâtiment industriel de 3 700 mètres carrés va nous permettre d’optimiser nos flux de pro duction et d’accueillir de nouveau investis seurs », explique Céline Gris, directrice géné rale de Gris Découpage.
« Les exigences de nos clients nous tirent vers le haut »
Pas de quoi se reposer sur ses lauriers pour autant. « Pour devenir une belle PME, notre modèle a été celui qui convenait. Si nous voulons devenir une entreprise de taille intermédiaire (ETI), il faut se structurer, con server notre agilité et standardiser notre organisation, nos processus. » Dans le sec
44 M d’€ de chiffre d’affaires en 2017, une croissance constante depuis plusieurs années et + 10,5 % en 2017, 230 salariés répartis sur les deux sites dont celui, historique, de Lesménils en MeurtheetMoselle et un second (depuis 2012) en Allemagne. Photos Jérôme BAUDOIN
teur automobile, « les exigences de nos clients sont importantes. Elles nous font aller de l’avant, nous tirent vers le haut. Le marché automobile exige des baisses de prix de 3 à 5 % chaque année… aussi quand on ne peut plus gagner en productivité sur les machines, il faut trouver des évolutions chez les humains. » C’est donc notamment par la mise en place
Entrée réussie sur marché automobile allemand Comment contourner le patriotisme écono mique des constructeurs automobiles alle mands ? « En devenant Allemands ! » sourit Céline Gris, directrice générale du groupe Gris Découpage. En 2012, la PME lorraine mise sur le rachat de Umformtechnik GmbH, spécialiste reconnue outreRhin de la fabri cation de pièces techniques découpées, située à Hersheid dans la Ruhr, et référencée chez des constructeurs comme Volkswagen, Audi, BMW… L’entreprise a été rebaptisée GUT (Gris Umformtechnik GmbH).
été bénéfique. Et nous a permis d’entrer chez Daimler Trucks et désormais chez Daimler Cars. » Le site allemand compte 64 salariés et a réalisé un chiffre de 9,8 millions d’euros en 2017. « Cette filiale allemande nous a fait prendre un nouveau virage, celui de la crois sance extérieure. Mais la consolidation de notre croissance organique, par de bons investissements et choix d’organisation, demeure l’objectif principal. »
« La synergie totale de nos deux entreprises a
S. S. 48
d’un « lean » que l’entreprise cherche à opti miser sa productivité. « Le lean vise à suppri mer le gaspillage pour gagner en perfor mance », souligne Céline Gris. Mais ici, la performance ne se mesure pas qu’en termes de productivité. Les questions de qualité de vie au travail, « réduction du stress quoti dien » et de responsabilité sociale de l’entre prise (RSE) ont été prises à braslecorps, de concert avec la réorganisation du site. « Nous sommes entrés dans un processus lourd et long qui vise à intégrer l’homme au cœur de la démarche ». L’objectif est désormais « de maintenir la performance et la rentabilité de l’entreprise et les inscrire dans la pérennité. » Stéphanie SCHMITT
Informations
Créée en 1984, cette PME, spécialiste de la fabrication de rondelles techniques de fixa tion, est devenue fournisseur de premier rang de nombreux constructeurs et équipe mentiers de l’automobile qui constitue 78 % de son activité. 44 M € de chiffre d’affaires en 2017, une croissance constante depuis plu sieurs années et + 10,5 % en 2017, 230 salariés répartis sur les deux sites dont celui, histori que, de Lesménils en MeurtheetMoselle et un second (depuis 2012) en Allemagne.
Gris Découpage 230 salariés Chiffre d’affaires : 44 M€ www.grisgroup.com, Tél.03 83 80 80 00, Z. A. de la Louvière, à Lesménils
Économie
& Territoires
Transmission
Céline Gris : « J’ai trouvé ma place en étant moi-même » Comment a commencé votre histoire avec Gris Découpage ? L’entreprise a été créée par mon père en 1984. Je n’avais jamais envisagé de reprendre l’entre prise à la suite de mon père, Francis Gris, j’avais même quitté la région jusqu’en 1997… Je suis arrivée dans l’entreprise en 2006, sur un poste de communication, car la croissance importante de l’entreprise nécessitait des besoins en communication. À ce momentlà, le sujet n’était pas dans mon esprit, ni celui de mon père. Ce n’est qu’en 2010 que j’ai eu envie de diriger une structure. Gris Découpage était en plein développement, mon père souhaitait transmettre son entreprise, j’ai pris la déci sion. Comment s’est déroulée la transmission ? Je suis allée me former. J’ai intégré un master Dirigeant de PME à l’Institut Français de Ges tion. J’étais confortée dans mon choix par la force d’un comité de direction en place depuis quinze ans pour certains membres, trente pour d’autres. Il y avait une constance, un socle solide. Une collaboration a commencé avec mon père. Francis Gris est par ailleurs toujours impliqué dans l’entreprise en tant que président du Groupe en charge notam ment des investissements, de la construction des bâtiments, etc. À quel moment votre poste de directrice générale estil devenu concret ? En 2011, j’occupais encore un poste d’attachée de direction. J’étais en phase d’observation. À partir de 2014, il s’est agi de m’imposer de manière naturelle dans la fonction. J’avais à cœur de trouver la bonne posture et de ressen tir de la légitimité dans l’accueil qui m’était
Céline Gris a repris la direction de l’entreprise familiale depuis 2012.
fait. Car plus que la question d’être une femme à la tête d’une entreprise, ce qui m’angoissait, c’était d’être perçue comme « la fille de… ». J’ai trouvé ma place en étant moimême, natu relle. Et les gens de l’entreprise me l’ont bien rendu. C’est aussi passé par des grands projets que j’ai menés. En réalisant dès 2013 un audit de nos organisations qui est à l’origine des structurations que nous mettons en place
L’entreprise installée à Lesménils en MeurtheetMoselle est fournisseur de premier rang des grandes entreprises du monde automobile.
aujourd’hui, pour changer notre système d’information. Notre entreprise s’est dévelop pée pendant plus de trente ans sur la réacti vité. Or la réactivité, en interne, cela veut dire du stress. Nous allons donc aujourd’hui vers l’agilité et l’anticipation des problèmes, pour réduire le stress au quotidien. Recueilli par S. S.
L’entreprise associe productivité et compétitivité avec sa capacité à produire un million de pièces à l’heure.
49
Économie
& Territoires
Usine du futur
Industrie du futur Grand Est
Diagnostics et investissements Le programme Usine du futur de la région Grand Est séduit PMI-PME. 240 diagnostics ont déjà été dressés et les premiers investissements se planifient.
Depuis l’arrivée à la présidence de Jean Rottner, Rémi Sadocco a été nommé président de la commission innovation de la région Grand Est. C’est dans ce cadre, d’ailleurs, qu’il était présent avec une délégation Grand Est au CES de Las Vegas.
L’
Industrie du futur ou l’Industrie 4.0, c’est ce mouvement national qui cherche à tirer vers le haut la produc tion française, quels que soient ses secteurs d’activité et la taille des entreprises. Car la France redécouvre (sic) les vertus de son l’industrie. Et plutôt que de la voir mourir, elle a décidé de croire en son futur et investir dans son renouveau. Encore fautil pouvoir la gui der, estime la région Grand Est très investie sur le développement économique.
150 diagnostics par an 150M€ sont provisionnés sur dix ans, dont 800 000 € réservés aux diagnostics d’entreprise au rythme de 150 par an. « À ce jour, quelque 240 diagnostics ont été établis, détaille Rémy Sadocco, président de la commission innova tion à la Région. Cette démarche est particuliè rement appréciée par les entreprises, beau coup veulent passer ce cap technologique
Photo DR
mais ont besoin d’un regard extérieur et les experts s’adaptent à leurs besoins et problé matiques posées. » Il n’est pas rare que des chefs d’entreprise résolvent des questions en suspens lors du diagnostic. « Les Vosges et leur fort tissu industriel PMIPME ont bien réagi à cette offre de diagnostic. Champagne Ardenne commence à monter en puissance », constate Rémy Sadocco, par ailleurs maire de Mondelange (57). « La Moselle, par contre, n’a pas encore mis le turbo sur le dispositif. Il va falloir reprendre notre bâton de pèlerin. » Plus de la moitié des PME diagnostiquées envisa gent de réaliser des investissements dans les deux ans à venir. Les premiers retours, d’ailleurs, tombent. « Au début de l’année, les premières subventions
ont été votées, suite à un diagnostic. » Comme cette entreprise ardennaise qui conçoit du matériel agricole et investit dans des machi nes numériques. Car l’Industrie du futur con cerne des domaines très spécifiques ; l’audit numérique et la robotique étant les briques technologiques largement plébiscitées. Textes : Laurence SCHMITT
Informations
D’où la mise en place, dès octobre 2016, d’un plan régional Industrie du futur. Philippe Richert, alors président, et Lilla Merabet, vice présidente, en avaient fait la promotion tam bour battant, nommant dans chaque ancienne région des Ambassadeurs de l’Usine du futur, en l’occurrence ThyssenKrupp pour la Lorraine. « On ne parle pas de modernisa tion, mais de mutation », avait prévenu Lilla Merabet. « Pour les PME, il y a urgence. » Pour aider le chef d’entreprise à lever la tête du guidon et parler stratégie, la Région s’est vou lue facilitatrice. Car la Région ne veut rien imposer mais, au contraire, accompagner.
Où se renseigner ? Antennes de l’Agence régionale de l’innovation ou Agences territo riales de l’innovation. Ou: pascal.deparis@grandest.fr
French Fab, la marque française de l’industrie French Fab, c’est la dernière marque France. Après le succès de la French Tech, le modèle vient d’être dupliqué pour l’industrie. Mise en réseau, visibilité France et étranger, renforcement du capital humain et de l’attractivité des métiers, transformation vers l’Industrie du futur, etc. Autant d’objectifs sanctuari sés dans le Manifeste French Fab. Sans oublier la nécessité de clarifier les possibilités d’accompagne ment d’aides publiques. « Toutes les entreprises ne sont pas au même degré de maturité, explique Fanny Letier de BPI France. Trois parcours ont été identi fiés : les entreprises à sensibiliser ; celles qui veulent se lancer dans la démarche Industrie du futur ; celles qui l’ont déjà fait et veulent accroître leur crois sance. » À chaque parcours, ses aides et ses interlo cuteurs. PMIPME réclament de la clarté. Après le coq rouge de la FrenchTech, voici le coq bleu de la French Fab.
Créée en octobre 2017, la toute jeune bannière French Fab a rapidement séduit les industriels. « Des 50
fédérations comme l’aéronautique ou la chimie la rejoignent, poursuit Fanny Letier. Des Régions lan cent leurs déclinaisons et créent des accélérateurs régionaux pour l’industrie. Les entreprises se mobili sent et utilisent le coq pour s’inscrire dans le mouve ment, en France comme à l’international. » À côté des grands groupes Safran, Michelin, Dassault System, en Grand Est, Gris Découpage, Les Bronzes d’industrie, Noremat etc., sont dans le mouvement. Ce qui implique des engagements : investissement pour l’innovation et la modernisation de l’outil de travail, organisation du travail, export, etc. « Nous avons des prévisions de croissance favorable pour les deux prochaines années, souligne Fanny Letier. L’industrie française ne doit pas manquer cette fenê tre d’opportunité. C’est le moment d’investir pour la croissance. Nous sommes dans une course vitale et espérons faire de French Fab un mouvement viral. »
Art et patrimoine
Le bois, le plomb : tout un art L’actualité de Le Bras Frères ne se limite pas à Paris intramuros. L’entreprise bosse également du côté de Versailles. « On a déposé les ornements en plomb de la chapelle royale pour, comme ce sera le cas à NotreDamedeParis, les rapatrier à Jarny et les traiter dans nos ateliers », explique Julien Le Bras, P.D.G. du groupe. Mais à l’actif de l’entreprise, dont le siège social est en Meuse, à Verdun, d’autres chantiers d’envergure : une bonne dizaine de cathédrales, d’églises qui comptent, ont reçu les mains expertes et salvatrices des hommes de chez Le Bras. Dans un tout autre registre, le futur hôtel de la marque Jo and Joe qui s’installera à Paris. Reposant sur une ossature bois, il sera construit par la société jarnysienne. Prouesse technologique : il sera le premier immeuble R + 7 conçu de la sorte.
Le Bras Frères Jarny et Verdun
Une histoire de famille Une belle histoire de famille entamée à Jarny il y a plus de 60 ans. Aujourd’hui, Le Bras Frères, c’est un groupe au savoir-faire reconnu.
I
l est loin, le temps où, en 1954, le grandpère lançait l’entreprise Le Bras à Jarny en MeurtheetMo selle. Son activité : « La couver ture en fibrociment », se souvient Julien, le plus jeune de la troisième génération, mais aussi P.D.G. de la petite entreprise devenue un groupe. En 1978, Le Bras s’arrête net. Heureusement, un frère a repris le flambeau, puis un deuxième, puis un troisième. Et ce sont les cinq frères, comme les cinq doigts de la main, qui ont relancé l’activité ! Il y a encore une vingtaine d’années, Le Bras, c’était 45 employés. Contre 180 aujourd’hui. En attendant d’autres embauches. D’ailleurs, Le Bras Frères poursuit son rôle de com pagnonnage. La société vient d’acquérir l’hôtel des roulants SNCF voisin, à Jarny. Un bâtiment moderne, doté de 28 chambres, d’un réfectoire… Bref, idéal pour les hom
mes de Le Bras en déplacement sur le secteur. Dans sa politique d’exten sion, l’entreprise vient de monter un hall tout neuf muni d’une machine de découpe du bois ultramoderne, un autre hall sortira de terre cette année sur d’anciennes emprises SNCF…
Investissements lourds à Jarny Pourquoi investir plus de 5 millions d’euros à Jarny ? Julien Le Bras ne cache pas sa politique expansion niste et surtout sa volonté de tra vailler avec du matériel performant en mécanisant un certain nombre de tâches. Afin de pouvoir assembler un maximum d’éléments en atelier, au chaud, dans de bonnes conditions, plutôt que sur les chantiers.
Savoirfaire reconnu Julien Le Bras sait que son entreprise ne pratique pas toujours les tarifs les plus attractifs, mais mise sur la qua lité, la valorisation de son travail. Pas pour rien que Le Bras Frères décro che bon nombre de marchés presti gieux, et autant en ce qui concerne 52
la couverture, la charpente ou l’écha faudage. Des lots séparés lors des appels d’offres. Dans le bureau des ingénieurs trône une photo de l’échafaudage qui avait été monté pour la réfection de la colonne Ven dôme, à Paris, voici quelques années. Une œuvre architecturale en soi. D’ailleurs, un temps elle ne fut pas recouverte de publicité pour laisser paraître au grand jour la complexité du treillis métallique… Le Bras intervient dans la région mais s’est fait un nom grâce à ses chantiers sur les monuments les plus célèbres de France : le Pan théon à Paris, désormais la chapelle royale de Versailles, et dernière con quête : la flèche de NotreDame de Paris. La consécration du savoirfaire de cette petite entreprise. Olivier CHATY
Informations
Le Bras Frères 180 salariés mh@lebrasfreres.fr 69, rue VictorHugo à Jarny, tel.03 82 33 20 96
Économie
& Territoires
Julien Le Bras, P.D.-G. de Le Bras Frères
« Restaurer Notre-Dame, un privilège » Quand démarre le chantier de la flèche de NotreDame de Paris ? Julien Le Bras : Nous avons installé la base vie juste derrière la cathédrale, près du chœur à côté des jardins à la pointe de l’Île SaintLouis. Nous sommes en plein dans l’ins tallation des échafaudages. L’ensemble va ceinturer totalement la flèche jusqu’à sa pointe, qui culmine tout de même à 100 mètres ! Quel travail vont effectuer précisément vos équipes ? Nous allons restaurer la charpente ainsi que l’ensemble des éléments d’architecture en plomb. C’est vraiment rempli de détails, de décors ! Par contre, nous ne nous occupons pas de tout ce qui est en pierre de taille. Notre entreprise ne possède pas ce lot. Le principe consiste à déposer avec le plus grand soin les pièces à restaurer. À dresser un inventaire précis des déformations, des déchirures… Après, le plus gros du travail sera réalisé dans nos ateliers. C’est aussi une fierté de savoir que des pièces de Notre
Julien Le Bras « On est sur quelque chose de passionnant. D’exceptionnel. » Photo Fred LECOQ
Dame seront traitées à Jarny. Combien de temps va nécessiter ce chan tier ? Selon nos estimations, cela va représenter 35 000 heures de travail pour dix, douze per sonnes en moyenne. On est sur quelque chose de passionnant. D’exceptionnel. La
53
conservation des traces du passé, de nos prédécesseurs. Savoir que c’est nous qui allons intervenir, restaurer ce qu’avait ima giné l’architecte de renom Eugène Violletle Duc, c’est quelque chose. À chaque fois que nous intervenons sur le chantier d’un édifice marquant de notre patrimoine, c’est l’ensem ble de l’entreprise qui se sent impliqué.
Économie
& Territoires
Art et patrimoine
Huguenin Vézelise
Une fonderie au service des artistes Créée par Joël Huguenin dans des locaux des anciennes brasseries de Vézelise, l’entreprise a été reprise par sa fille. De la médaille à la statue monumentale.
C’
est une petite entreprise familiale mais sa notoriété a dépassé les frontières du département. Créée en 1978 par Joël Huguenin qui a fait ses armes dans les fonderies de Vaucouleurs et de CousanceslesForges, la gérance est assurée depuis 2015 par sa fille Céline, qui s’occupe aussi bien de la fabrication que de la partie administrative.
La statue de Champollion Au début de son activité, la fonderie Huguenin produisait aussi du bronze d’ameublement. Le mobilier de style étant passé de mode, la demande est devenue marginale. Demeure un catalogue très fourni d’entrées de serrures, pieds de commodes Louis XV et Louis XVI, crémones baroques ou éléments d’armoires. Mais l’entreprise Huguenin a su s’adapter à la clientèle. Les œuvres apportées par leur créa teur permettent de réaliser un moule au sable dans lequel sera coulé le métal en fusion : 750 degrés pour l’aluminium, 1150 pour le bronze. Le métal brut se présente sous forme de lin gots et provient de refonte de carcasses de véhicules, robinetterie ou autres pièces. Une
Actuellement la fonderie réalise en soustraitance des pieds de meubles pour un palace de Megève. Photo Patrice SAUCOURT
fois sortie du moule et ébarbée, la pièce est polie dans des cuves remplies de sortes de galets. Dans l’atelier, on croise des chats en aluminium et des pieds de table sous le regard de Champollion. Le déchiffreur de l’écriture hiéroglyphique a été portraituré par Bartholdi qui avait laissé un plâtre du père de l’égyptolo gie. En 2015, la ville de Grenoble a commandé à l’entreprise Huguenin une statue en bronze du traducteur de la pierre de Rosette. Cela a représenté deux mois de travail. La plus grosse pièce sortie de l’entreprise est une commande de la chambre de Jim Morrison des Doors, à l’échelle 1. L’œuvre de bronze, de 4 m X 5 m, a été exposée à la foire d’art de Bâle, il y a cinq ans. Pour Nancy, Joël Huguenin a coulé la statue du maréchal Lyautey qui se trouve derrière la chapelle des Cordeliers ou encore l’amas de cœurs, implanté place de la Républi que, près de la gare SNCF, en souvenir des Jeux
mondiaux des transplantés qui se sont dérou lées à Nancy en 2003. Actuellement, Huguenin réalise, en sous traitance pour une entreprise de meubles de LiffolleGrand, des pieds de bronze pour le mobilier d’un palace de Megève. Didier HEMARDINQUER
Informations
Dans les locaux laissés à l’abandon par les anciennes brasseries de Vézelise, Joël Hugue nin a installé ses fours pour réaliser des pièces en métaux non ferreux : bronze et aluminium. Les artistes apportent leurs modèles en bois, plâtre ou résine pour des tirages en métal à l’unité ou en petites séries. Cela va de la médaille de quelques centimètres de diamètre à des pièces monumentales pouvant peser plusieurs tonnes. Lorsque l’artiste n’a confec tionné qu’un dessin, une machine numérique permet d’en tirer un modèle en trois dimen sions.
EURL Fonderie Huguenin Rue du GrandCanton 54330 Vézelise, fax : 03 83 26 24 49. Chiffre d’affaires : entre 200 000 et 300 000 € Effectif : un à deux salariés. Capital social : 113 470 €
Un créneau pour un micromarché Fondateur de l’entreprise, Joël Huguenin a eu jusqu’à 6 salariés. Mais il a préféré réduire les effectifs et travailler seul, ou presque, compte tenu de la spécificité de ce marché qu’il qualifie de « micromarché ». Mais c’est un vrai créneau et il a su acquérir une notoriété dans les pays limitrophes, au Benelux et en Suisse. « Pour un artiste de la grande région, il n’y a pas trentesix adresses de fondeurs », estime Joël Huguenin. L’entreprise réalise un chiffre d’affaires annuel qui oscille entre 200 000 et 300 000 €. Le prix des pièces est calculé à partir du coefficient poids/ matière première, auquel on ajoute la maind’œuvre.
Le fondateur de l’entreprise précise qu’il façonne une pièce monumentale par an. La fonderie a réalisé, l’an dernier, une sculpture d’un soldat soignant un âne pour rappeler l’exis tence de l’hôpital des ânes de NeuvillelèsVau couleurs, à l’occasion des commémorations de la Grande Guerre. L’entreprise s’apprête à hono rer la commande passée par une commune suisse, proche de Genève, d’un basrelief de 3 tonnes, d’après l’œuvre de Nicolas Muller qui a demandé à des citoyens de marcher sur une plaque de plâtre à modeler de 7 m X 3 m. Une version helvétique de l’Hollywood Boulevard de Los Angeles avec des empreintes anonymes.
La fonderie Huguenin occupe une partie du site des anciennes brasseries de Vézelise. Photo DR
Économie
Art et patrimoine
& Territoires
Les couverts de Mouroux Darney
Le travail d’orfèvre de Mouroux Belle argenterie à l’ancienne, ou couverts en inox chic et tendance, les couverts de Mouroux à Darney sont une pépite sur une niche.
«E
« Des artisans d’art » L’usine achetée par André Maillet, son oncle, en 1985, emploie moins de 20 personnes aujourd’hui et exporte 10 à 15 % de sa pro duction. Elle est discrète, située en lisière de forêt, un peu à l’écart du bourg. Labellisée entreprise du patrimoine vivant en 2009, elle est l’héritière d’un savoirfaire très français qui remonte au XVIIe siècle, celui des orfèvres qui ciselaient dans des ateliers des pièces d’exception, une par une. Aujourd’hui « nous redevenons des artisans d’art », se plaît à souligner la patronne, qui se plaint de la surabondance des contraintes réglementai res imposées aux maisons françaises, « car les pièces sont faites en petite série de 130 à 150, à la main, jusqu’au polissage ». De très
L’entreprise est l’héritière d’un savoirfaire très français qui remonte au XVIIe siècle. Photo DR
belles pièces qui trouvent place sur les tables prestigieuses : l’an passé, le luxueux Montd’Arbois à Megève a choisi les Couverts de Mouroux pour équiper ses tables, et un prince d’Arabie Saoudite s’est offert le luxe d’une commande spéciale, avec un décor occupant l’intégralité des couverts. L’entreprise, qui est sur une niche, forme en interne des orfèvres qui assureront sa péren nité. Elle travaille principalement pour l’hôtellerie et la restauration et distribue ses productions à des détaillants sous les mar ques Chambly et Deetjen. Le segment des arts de la table s’est considérablement réduit. Aujourd’hui, les jeunes maîtresses de maison changent de service de table au gré de leur humeur, ou des saisons. Elles ne sont pas forcément prêtes à mettre 39 €dans un couteau fûtil follement élégant ! Acheter une ménagère en métal argenté coûte cher.
« Mais on observe des clients d’une quaran taine d’années ou plus qui ont l’envie et les moyens de s’offrir un beau service en métal argenté ou en inox de belle facture. Pour les toucher, nous avons misé sur un service en ligne. » Décidément, les arts de la table, sont une spécialité bien française. Et à Darney on sait la faire rayonner ! En toute discrétion. Monique RAUX
Informations
nclavés ? Oui, c’est comme ça ! On est ici à Darney, et aussi en HauteMarne, à Nogent. Mais c’est historique, on n’imagine pas de changer les choses. » Ce matin, Frédé rique Mailley, PDG des Couverts de Mouroux, s’est levée de bonne heure pour être à Dar ney à 9 h et accueillir un gros client au sujet duquel elle ne dira pas un mot. La confidenti alité est dans l’ADN de cette entreprise histo rique qui fabrique des couverts en argenterie haut de gamme, des plats, des timbales, qui trôneront sur les plus grandes tables françai ses, dans les hôtels de luxe du Bristol au Georges V en passant par l’auberge de l’Ill, le Ritz et Paul Bocuse, ou chez des rois du pétrole des Pays du Golfe. « Nous équipons aussi quelques palais, par l’intermédiaire de nos clients orfèvres », ajoute Frédérique Mailley.
Les Couverts de Mouroux Une vingtaine de salariés Magasin d’usine : 7, rue des Rochottes à Darney (88). Boutique en ligne : www.french silver.com
Une « Orchidée » pour Maxim’s La dernière création des Couverts de Mou roux fait un malheur : c’est une cuillère inox pour étaler une certaine pâte à tartiner cho colatée ou de la tapenade. Plus sérieuse ment , le bestseller, c’est le service « baguette », un modèle en métal argenté qui apparaît dès le XVIIIe siècle. Sobre et pur, c’est le préféré de Frédérique Mailley. Un bout de couvert cassé récupéré au fond d’une caisse a inspiré le très joli « Arlequin », tandis qu’« Orchidée », avec ses volutes flo rales, évoque irrésistiblement l’Art Nouveau. Ce modèle fut créé pour Maxim’s en 1907. Il y
a aussi « Olympe » avec son style Art Déco. Difficile de choisir entre « Filet ancien », venu du XVIIe, et « Uni plat », très classiques et élégants. Des pièces parfaitement équili brées, avec un bombé dessusdessous et une belle ligne. C’est encore cette belle maison qui fabrique la très prestigieuse presse en argent qui permet de confectionner le canard au sang, un plat servi à la Tour d’Argent, un grand restaurant parisien qui en a fait sa spécialité. Mais d’autres presses sont réalisées pour des grands cuisiniers à l’étranger. 55
Des documents de création d’un modèle.
Photo DR
Économie
& Territoires
Art et patrimoine
Varnerot Thierville-sur-Meuse
Quand Varnerot relève défi après défi L’entreprise spécialisée dans la maçonnerie traditionnelle et la pierre de taille a notamment restauré l’Ossuaire de Douaumont.
«L
Une affaire familiale Mais le premier défi, c’est le père de Michaël, Gilbert Varnerot, qui l’a réalisé. En 1993, en tant que chef d’atelier et tailleur de pierre, il est victime de la première vague de licencie ments orchestrée par l’entreprise Hory, de BellevillesurMeuse. Il décide en 1994 de créer sa propre société. Après avoir débuté son activité dans le soussol de sa maison de Belleville, huit mois plus tard, il s’installe dans un local de 50 m², situé derrière la mairie de ThiervillesurMeuse. Michaël, qui a toujours rêvé de devenir tailleur de pierre et vient de terminer sa formation à l’école SaintLambert à Paris, le rejoint en 1995. Mais en 1996, Gilbert est victime d’un accident
La restauration de l’Ossuaire de Douaumont a débuté en 2010 et a duré quatre ans. Photo Franck LALLEMAND
alors qu’il démonte des murs de la cathé drale de Verdun pour permettre le passage du réseau électrique à l’intérieur de ceuxci. « Mon frère, Samuel, qui était cuisinier, est venu nous aider », précise Michaël. « Il a tellement aimé notre travail qu’il s’est formé à son tour. À tel point qu’il a très vite acquis des compétences comparables aux miennes. Aujourd’hui, Samuel et moi dirigeons l’entre prise. » D’autant que, dès 2002, lorsque la société est devenue SARL, passionné par la taille de pierre mais moins par la gestion, Gilbert Varnerot est redevenu chef d’atelier. « Comme mon frère, j’ai pris plaisir à gérer cette affaire. On fait des devis, on découvre sans cesse de nouveaux édifices, on rencon tre des gens et on relève de nouveaux défis. » Comme celui du chantier de l’Ossuaire de
Douaumont entre 2010 et 2014, pour 1 300 000 €, mais aussi celui de l’ancien col lège GillesdeTrèves de BarleDuc, un édifice renaissance, pour 1 500 000 €. Plus récemment, en 2017, l’entreprise Varne rot est partie à la conquête du Portugal, où huit de ses vingtsept artisans ont restauré l’ambassade de France à Lisbonne. Pascal ISCH
Informations
e plus grand défi technique que nous avons relevé est sans doute la pose en 2008 de l’ancienne porte d’entrée des bains douche de Verdun, que nous avons adossée à l’Aquadrome, la nouvelle piscine de la cité de la Paix. » Michaël Varnerot n’a pas oublié ce moment fort qu’il a vécu en tant que chef d’une entreprise spécialisée dans la maçonnerie traditionnelle et la pierre de taille, entreprise basée à Thierville surMeuse. « La porte en pierres de taille devait s’appuyer sur quatre poteaux. Elle avait été démontée par une entreprise. Elle était notamment constituée d’arches dont il fallait contenir les poussées. » Aujourd’hui, elle accueille majestueusement les visiteurs de l’Aquadrome de Verdun.
Varnerot 8, avenue. PierreetJeanVan HeegheGoubet, 55840 Thiervillesur Meuse ent.varnerot@wanadoo.fr
Un bâtiment du XIIe siècle au Portugal « Lorsque l’on a répondu à l’appel d’offres du ministère des Affaires étrangères, on ne se faisait guère d’illusions. » Michaël Varnerot a été surpris d’apprendre, au printemps 2017, que son entreprise avait été choisie pour restaurer la façade du palais Dos Santos qui date du XIIe siècle et abrite l’ambassade de France à Lisbonne, au Portugal. « Jusqu’alors, on travaillait à environ 300 km à la ronde. » ditil. « Mais je me suis dit que ça pouvait être un challenge à relever et enrichir notre carte de visite. » Ainsi, du 16 juillet 2017 jusqu’à la mijanvier 2018, huit personnes de l’entre
prise se sont relayées sur le site, par périodes de trois semaines, après avoir voyagé en avion. À chaque fois, un chef d’équipe, des maçons, des tailleurs de pierre. « On a acheté la pierre làbas. Elle a été découpée par des entreprises locales et taillée par nos soins. On s’est aussi appuyés sur une équipe d’ouvriers portugais. En tout, une vingtaine de personnes travaillaient régulièrement sur les échafaudages. » 1000 m² de façade ont ainsi été restaurés. P.I. 56
Le palais Dos Santos lors de sa restauration. Photo DR
Économie
& Territoires
Art et patrimoine
Sodipro Allain
L’entretien se la joue écolo À Allain, près de Toul, Sodipro fabrique savons et détergents respectueux de l’environnement. L’écologie est une philosophie globale pour l’entreprise.
I
Il était une fois un chimiste, Julien Mathiot, qui formulait des détergents pour la cos métique, le nucléaire, la pharmacie et l’optique contenant bien trop de produits « pas très sains » à son goût. Il a donc pris le contrepied, s’est lancé dans la formulation et la fabrication de ses propres produits écolo avec son épouse, Clotilde. Ainsi est né Sodipro, installé à Allain (près de Toul) il y a six ans.
Seconde ligne de fabrication en vue La société d’Allain croit en « la matière sèche ». Parmi les cirages, huiles de traitement du bois ou pour surfaces poreuses qu’elle produit, son produit phare reste la pierre d’argile qui net toie tout, des jantes aux baskets, en passant par la cuisine et la salle de bains. 250 000 unités sont produites chaque année. Sodipro a même été la première à la proposer de fabrication française, sous le label Ecocert. L’entreprise fait aussi dans la « savonnette ». C’est 20 % de sa production. « Ça peut paraître un peu vieillot, mais le gros avantage du savon est qu’on ne transporte pas d’eau avec soi,
La société d’Allain croit en « la matière sèche » plus économique et écologique que les gels douche, par exemple. Photos Stéphane MANSUY
contrairement aux gels douche qui, en plus, sont conditionnés en flacon », fait remarquer Clotilde Mathiot. De plus, les emballages des savons proposés sont en cellulose d’eucalyp tus imprimés avec des encres naturelles, donc compostables. Comme la savonnerie est goulue en maind’œuvre, Sodipro va prochainement investir dans une seconde ligne de fabrication automatisée qui lui permettra de mieux répondre à la demande et d’élargir sa gamme en cosmétiques. Cet équipement va être com plété par l’installation de panneaux solaires sur le toit, qui réinjecteront dans le réseau électrique l’équivalent de l’énergétique utili sée. Une démarche mise en place pour chaque nouvel investissement. À ce titre, un déména
gement est dans les cartons. Ce changement d’adresse s’avérera nécessaire, Sodipro compte étoffer son effectif pour atteindre les vingtcinq salariés d’ici trois ou quatre ans. Tout en restant artisan, éloigné des préoccu pations des gros fabricants. Stéphanie MANSUY
Informations
Sodipro emploie aujourd’hui dix personnes pour une activité qui tourne à 80 % autour des détergents pour couvrir les besoins de l’indus trie, des professionnels, collectivités, autant que des particuliers. Mais attention, inutile de chercher le nom de l’entreprise sur des flacons vendus en grande surface. Sodipro ne dispose pas de sa marque, mais décline ses produits sous celle de La Droguerie Écologique, en vente dans les réseaux de magasins bio tel que Biocoop ou La Vie Saine. Ou sous le nom de son plus important client, qui vend exclusivement en réunions – une clause de confidentialité empêche de le nommer.
Sodipro Haie des Vignes, 54170 Allain, contact@solutionsdurables.fr Dix salariés www.solutionsdurables.net
Pépins locaux dans le savon pour travailleurs En guise d’abrasif doux, Sodipro incorpore des pépins de raisin réduits en poudre dans son savon d’atelier dédié au nettoyage des mains des travailleurs. Si la quantité annuelle de 300 kg est, pour l’heure, achetée à Nantes, des discussions sont en cours pour que ce sousproduit de la vigne vienne du cru. Plus exactement, de l’un des produc teurs des Côtes de Toul : le domaine de Camille Migot, à Lucey. Une fourniture qui n’est pas anodine. Clotilde Mathiot énumère les traitements que doivent subir les pépins : « Une fois triés, ils sont débactérisés, déshui
lés, et micronisés, autrement dit réduits en une poudre sèche. » Pour le moment, seul manque l’intermédiaire qui assurera la trans formation du produit pour fournir les besoins de l’entreprise. L’affaire se conclura donc à ce momentlà. Plus qu’une opération financière juteuse, les gérants de Sodipro souhaitent par là faire un clin d’œil au terroir local, assurer sa promo tout en valorisant une ressource qui fait office de rebut et se trouve habituellement jetée. 58
La savonnerie est gourmande en maind’œuvre, d’où l’arrivée d’une seconde ligne automatisée.
Économie
& Territoires
Art et patrimoine
Olivia Oberlin Épernay
Des éventails dans l’air du temps
L’
image, exposée à Shanghai, montre l’actrice Anna Mouglalis, un éventail en dentelle de CalaisCaudry à la main. Une création signée Olivia Oberlin, une des très rares éventaillistes de France. Colma rienne d’origine, aujourd’hui installée à Éper nay, Olivia Oberlin a des clients dans le monde entier : Europe, MoyenOrient, Asie, Australie… La capitale du champagne est proche de Paris. Cela facilite ses rendezvous avec ses distribu teurs. « Il ne faut surtout pas que les éventails aient une connotation japonisante ou hispani sante. Ce qu’ils recherchent, c’est la touche française, l’éventail réactualisé », observetelle. Olivia Oberlin crée ses propres collections, en général deux par an. Des séries limitées. Le textile foisonne : dentelle, soie, fibres naturel les, cuir, polyester, mousseline, jean… Les mon tures, ornementées, sont principalement en bois : hêtre, acajou, ébène, palissandre, bois de
rose… Enfin, le diablement beau étant dans le détail, ce qui singularise ses éventails, c’est cette passementerie de perles qui permet de les porter au poignet. Enfant, Olivia Oberlin rêvait d’être styliste. Elle exercera cette profession pendant cinq ans avant d’avoir « le » déclic à la lecture d’un article consacré au métier d’éventailliste. « Pour moi, être éventailliste et créer ma marque consti tuaient le vrai challenge », se souvientelle. Elle a fondé sa société il y a vingt ans. Au préalable, elle a suivi une formation de trois ans auprès d’une éventailliste parisienne maître d’art. « J’ai appris toutes les techniques anciennes, je les ai fait évoluer », expliquetelle. Elle a notamment mis au point un serti pour éviter que l’éventail ne s’effiloche. Une palette de compétences qui lui permet, aussi de répondre à des comman des : pour de l’événementiel ou, occasionnelle ment, pour des particuliers. Telles la restaura tion de pièces anciennes ou la renaissance d’un souvenir, comme ce foulard Hermès monté en éventail. Preuve que l’accessoire est essentiel. Catherine DAUDENHAN
60
Signé Olivia Oberlin, cet éventail en dentelle de CalaisCaudry a été exposé à Shanghai. Photo C.D.
Informations
Un savoir-faire ancestral réactualisé : les accessoires créés par l’éventailliste Olivia Oberlin sont vendus dans le monde entier.
Éventails Olivia Oberlin Site : www.oliviaoberlin.com ou sur Facebook. Atelier et showroom sur rendezvous eventails@olivia oberlin.com
Économie
Art et patrimoine
& Territoires
Atelier Club Spirit Neufchâteau
Des fauteuils club à l’anglaise L‘élite britannique s’y asseyait lors de longues discussions philosophiques au XIXe : la fabrication des fauteuils clubs n’a pas pris une ride, à Neufchâteau.
C’
est un savoirfaire unique en son genre, et dans les clubs philosophi ques du Vieux continent, on sait bien que la technicité reconnue et les matériaux de base ne se trouvent que dans les Vosges. C’est aussi depuis l’autre côté de la Manche que l’on vient commander une à une ces pièces uniques : si les fauteuils clubs et le secret de leur confort ont traversé les âges, la fabrication est quasiment restée la même, au cœur de l’Indication géographique protégée (IGP) Siège de Liffol, la toute première de l’Hexa gone.
« On ne sait pas faire du bas de gamme et je m’y refuse » « Nous trouvons toute la matière première sur place », révèle Natacha Descieux, responsable de l’Atelier. « Le hêtre est acheté à la scierie de BazoillessurMeuse », complètetelle, c’està dire à une dizaine de kilomètres de Neufchâ teau. Et de poursuivre, presque empruntée : « On sait faire du surmesure. » Mais pas du bas de gamme ! « Je me refuse à en faire. D’ailleurs, on ne sait pas faire du club à 400 €. » De la chaise
Tradition, surmesure et qualité rythment le travail de l’Atelier Club Spirit. Photos Jérôme HUMBRECHT
à 200 € pour un hôtel, oui, mais pas du club. Finalement, c’est comme si ce marché de niche devait souffrir de l’étiquette de style qui colle encore à la peau de ce secteur qui fait, pourtant, la renommée de la région. « Je réfléchis à un club original, une nouvelle niche de marché qui permettrait de déclassifier ce produit. Je songe à une prévente, aussi », ajoute Natacha Descieux, qui l’avoue : « Le clas sique a ses limites. Il faut trouver la bonne idée. » Et pourquoi pas une tête de mort à la place du Louis XVI ? Une boutade, peutêtre, mais qui confirme l’envie de l’Atelier Club Spirtit de s’associer aux modes et d’accompagner tous les designers, y compris les plus excentriques ! Un fauteuil club à Neufchâteau, ce sont dix années de garantie, et l’assurance de garder sa pièce une trentaine d’années dans le même
état. L’ACS conçoit et réalise des canapés, égale ment. La petite entreprise de la route de Frebé court poursuit son bonhomme de chemin, notamment sur les autoroutes de l’information numériques, se frayant un passage sur les réseaux sociaux. À Neufchâteau, Berlin et Paris, l’Atelier compte également un showroom qui permet d’exporter le savoirfaire vosgien. À New York aussi, où quelques modèles sont exposés. Olivier JORBA
Informations
D’abord réservé à l’aristocratie britannique puis italienne au XIXe siècle, le fauteuil club se démo cratise. À Neufchâteau, l’Atelier Club Spirit n’a pourtant que quatre années d’existence. Il reprend le concept de ce produit de qualité qui traverse les âges. Son secret ? Du hêtre massif qui a grandi dans les 50 km alentours, de la basane pleine fleur, issue des renommées Tan neries Grosjean du Thillot, autre entreprise des Vosges, et du crin 100 % végétal. Une méthode artisanale, certes mais à l’Atelier, il ne saurait en être autrement.
Atelier Club Spirit Route de Frebécourt, 88300 Neufchâteau contact@clubspiritfran ce.com
De la rénovation à la création Pas de temps mort dans le petit atelier de la route de Frebécourt. Tout en travaillant à la rénovation de fauteuils, Atelier Club Spirit plan che sur la création de clubs pour un restaurant de la Drôme. Un travail réalisé par le bureau d’études de l’entreprise partenaire toute pro che, Néo Sièges, à partir de clichés photographi ques. La rénovation représente environ 25 % de l’activité et la fabrication de clubs très british, le double (50 %). Des tapissiers parisiens, des desi gners viennent se documenter sur le savoirfaire local et réputé. L’Indication géographique pro tégée (IGP), ce tout premier label d’État obtenu dans le bassin de Neufchâteau en décem
bre 2016, concerne ACS depuis janvier 2017 qui produit 250 clubs chaque année. Cela signifie qu’au moins 22 des 23 étapes de fabrication de ce produit manufacturé sont réalisées dans un rayon de 45 km. Dont certaines (le travail de la peau de mouton et le crin végétal) comme au tout début du siècle dernier. La France ne compte qu’une poignée de fabricants de clubs. À Neufchâteau, on vient depuis la Suisse, le Luxembourg et l’Allemagne pour s’approvision ner. Depuis le Japon, aussi. Quant au « tourisme économique », il devrait se développer dans les prochaines semaines, sur place, à Neufchâteau. O. J. 61
L’Atelier travaille actuellement à la création de 36 fauteuils clubs pour un restaurant de la Drôme.
Économie
& Territoires
Art et patrimoine
Mathieu Faivet Hilsenheim
Créateur de stylo-bille ou plume
I
l était technicien maintenance dans l’industrie. Les circonstances économi ques ont conduit ce bricoleur né à se reconvertir, voici cinq ans, à l’aube de la quarantaine, dans la… création de stylos. Billes et plumes. Un pari qui était loin d’être gagné et que Matthieu Faivet consolide en construisant pas à pas sa notoriété sur ce marché de niche. En dépassant largement les frontières alsaciennes, avec notamment un fidèle client des PaysBas qui vient de lui commander son 12e styloplume, ou un autre collectionneur de Châteauroux qui attend son 10e bijou. Car Matthieu Faivet est plus qu’un tourneur de stylo élaboré à base de kits. Il est un des rares véritables créateurs (ils se comptent sur les doigts des deux mains) qui existent en France. Il travaille le bois (90 essences, locale
ou exotique), la résine ou l’ébonite, pour ciseler des corps qu’il a longuement imagi nés – « Je n’arrête jamais de cogiter. » Il rêve de fabriquer luimême les plumes. « Ils sont moins d’une dizaine à les faire dans le monde », confie Matthieu Faivet, déjà fier de « retailler les plumes en iridium. Une plume, c’est tellement de réglages différents, c’est tellement subtil ». « Si j’ai déjà créé une demidouzaine de modèles de stylos, mon plus grand plaisir, c’est quand un client arrive avec une idée précise, je flippe, vraiment je flippe, et ma récompense suprême c’est quand il essaie son stylo devant moi et qu’il me dit : vous avez tapé dans le mille ! Un stylo, c’est un objet très particulier, offert souvent en cadeau, un objet de plaisir. » Bille, roller, portemine, plume : « Le collectionneur choi sira le styloplume, car c’est vraiment un autre ressenti, et chaque styloplume est une pièce unique », précise Matthieu Faivet. Philippe RIVET
62
Matthieu Faivet « cogite tout le temps ».
Informations
Il est beaucoup plus qu’un tourneur spécialisé : Matthieu Faivet crée stylos-billes et stylos-plumes depuis cinq ans, près de Sélestat.
Matthieu Faivet 24 rue du Cygne, 67600 Hilsenheim https ://www.faivet.net/
Photo DR