Conférence régionale du spectacle vivant en Poitou Charentes

Page 1


2

Conférence régionale du spectacle vivant



Les participants des Entretiens de Valois s'étaient accordés sur la nécessité de formaliser en région un lieu de concertation et de dialogue. La Conférence régionale du spectacle vivant a été installée le 24 novembre 2009 en PoitouCharentes au Théâtre et Auditorium de Poitiers. Le préfet de Région, représenté par le directeur régional des affaires culturelles avait convié les collectivités territoriales concernées, les structures et acteurs du spectacle vivant. Cette première conférence régionale avait pour objet de convenir des modalités de concertation et d'envisager des groupes de travail spécifiques. A la demande des représentations professionnelles, une articulation toute particulière entre les travaux du COREPS et ceux de la conférence a été recherchée.

Ont contribué à cet ouvrage : Introduction, synthèse générale et conclusion : Jany Rouger Synthèse des groupes et annexes : Emilie Bourbon, André Curmi, Philippe Mangin, Catherine Muller, Maud Régnier, Eric Sprogis, Fernande Verron, Thomas Vriet, en relation avec les groupes de travail. Relecture attentive : Anne Gérard Tous les comptes-rendus réalisés lors des séances des quatre groupes de travail sont disponibles sur le site : http://www.arsv.fr/groupes-de-travail.html

2

Conférence régionale du spectacle vivant


Sommaire Introduction

p. 5

Synthèses des groupes et travaux Groupe « Enseignements artistiques et professionnalisation » Groupe « Populations, pratiques, publics » Groupe « Education artistique » Groupe « Structuration artistique et culturelle » Groupe « Politiques et financements publics »

p. 7 p. 13 p. 19 p. 23 p. 33

Synthèse générale

p. 43

Conclusion

p. 49

Vingt notions et chiffres-clés du spectacle vivant en Poitou-Charentes

p. 51

Annexes La Conférence regionale en pratique Orientations bibliographiques Annexe au groupe « Structuration artistique et culturelle » Etude sur la connaissance des publics du spectacle vivant en Limousin

p. 59 p. 60 p. 61 p. 63 p. 67

Conférence régionale du spectacle vivant

3


Glossaire des sigles CESMD : Centre d’études supérieures musique et danse CEPI : Cycle d’enseignement professionnel initial CFMI : Centre de formation des musiciens intervenants à l’école CRD : Conservatoire à rayonnement départemental CRR : Conservatoire à rayonnement régional DRAC : Direction régionale des affaires culturelles OPCA : Organisme paritaire collecteur agréé PRMA : Pôle régional des musiques actuelles

4

Conférence régionale du spectacle vivant


Introduction Lors de la synthèse des Assises de la Plate-forme interrégionale d’échanges et de coopération pour le développement artistique (organisées à Poitiers le 1er octobre 2009), Eric Sprogis, responsable des enseignements artistiques à la Région Poitou-Charentes, nous rappelait cette citation du Président de la République, extraite du discours prononcé à l’occasion de l’installation du Conseil de la création artistique le 2 février 2009 : « [Le] ministère de la Culture [est] inépuisable en linéaire d’étagères pour entasser des rapports. Ce n’est pas de rapports dont nous avons besoin, ce sont des actions, des décisions, des faits, des objectifs et même, des résultats. » Et Eric Sprogis s’interrogeait alors sur l’intérêt de produire des actes qui viendraient encore alourdir les étagères du ministère… en y répondant néanmoins par l’affirmative ! Cette question, nombre d’acteurs de la région Poitou-Charentes se la sont posée quand la DRAC de cette région, a proposé la mise en place d’une Conférence régionale du spectacle vivant, devant aboutir à la rédaction d’un rapport sur le spectacle vivant dans la région. Fallaitil se lancer dans un tel chantier, alors que le plus haut niveau gouvernemental manifestait un certain mépris de la forme même qu’il pouvait prendre ? Cette volonté retrouvée de privilégier le débat n’allait-elle pas se noyer dans une multiplication de réunions aux objectifs incertains ? Sollicitée par la DRAC pour l’organisation pratique de cette Conférence, l’Agence régionale du spectacle vivant s’y est néanmoins engagée résolument, tout en ne négligeant pas les questions posées. Tout d’abord parce que la finalité d’un tel chantier n’est pas à rechercher principalement dans une éventuelle utilisation au niveau de l’Etat, mais bien plutôt dans la possibilité donnée aux acteurs culturels d’une région de s’emparer des sujets qui les concernent, d’en débattre et de participer ainsi à la co-construction des politiques culturelles de cette région. Nous l’avons souvent dit et répété : l’enjeu global de l’existence d’un outil comme l’Agence régionale du spectacle vivant est bien de contribuer à l’émergence d’une véritable démocratie culturelle dans notre région. Permettre aux acteurs du spectacle vivant de faire émerger les problèmes majeurs de leur domaine, proposer un processus de réflexion collective, mettre en place une concertation qui croise les différentes approches, aboutir à un diagnostic partagé, tels sont bien les ingrédients de cette exigence démocratique. Organiser une Conférence régionale du spectacle vivant correspondait donc pleinement au sens même du travail d’une Agence régionale. Et si la finalité de la Conférence était bien en adéquation avec les objectifs de l’Agence, son organisation concrète pouvait aussi s’appuyer sur des moyens humains et une expérience non négligeables : un Observatoire régional du spectacle vivant, une pratique de la mise en réseau et de la concertation, des commissions de réflexion existantes - comme la Conférence régionale des enseignements et formations artistiques, la Conférence régionale de la création et de la diffusion, la Conférence régionale de l’éducation artistique. La demande institutionnelle de l’Etat nous a donc donné l’occasion de formaliser des travaux déjà initiés, et de leur donner une plus forte visibilité. Car l’Agence régionale du spectacle vivant

Conférence régionale du spectacle vivant

5


est d’abord l’outil de l’appropriation. Elle n’est pas une structure tournée sur elle-même : elle est au service des pouvoirs publics et des acteurs du territoire, et de leur mise en relation, celle qui permet de mieux se connaître et d’avancer ensemble. Quel usage faire de ces travaux ? Il ne s’agit pas d’une copie que l’on va rendre au ministère de la Culture pour aussitôt l’oublier. C’est bien ensemble, dans ce processus participatif déjà évoqué, qu’il nous faudra trouver les meilleures suites à donner. Ce rapport n’est donc pas un aboutissement, mais bien un jalon. C’est à chacun des acteurs culturels de cette région de s’emparer de cette restitution pour en faire ce qu’il jugera bon, ou ce que nous jugerons bon ensemble.

6

Conférence régionale du spectacle vivant


Groupe « Enseignements artistiques et professionnalisation » Ce groupe a poursuivi les travaux de la Conférence régionale sur les enseignements artistiques (CREFA), en particulier sur l’évolution des métiers liés aux arts vivants et plus largement sur l’organisation de la formation professionnelle. En termes de résultats, l'objectif a été de faire des propositions concrètes susceptibles d'être reprises sur le plan national en s'appuyant sur l'expérience régionale pour la généralisation du cycle d'orientation professionnelle, pour la structuration de l'enseignement supérieur et la formation professionnelle diplômante, pour l'éducation artistique en milieu scolaire et en ce qui concerne l'articulation entre enseignement artistique et développement culturel. Le groupe s’est donné comme objectif de produire collectivement un texte d’orientation. Rédigé par Eric Sprogis en dialogue avec tous les participants du groupe, il est disponible dans son intégralité sur le site : arsv.fr/groupes-de-travail.html. Une synthèse vous est proposée ici. Animateur et coordinateur : Eric Sprogis et Philippe Mangin Calendrier • Vendredi 11 juin 2010 de 9h30 à 12h30 à la DRAC • Lundi 4 octobre 2010 de 14h à 17h30 à la DRAC • Vendredi 18 février 2011 de 14h à 16h30 à la DRAC • Mardi 3 mai 2011 de 14h à 17h à la DRAC • Mardi 3 mai 2011 de 9h30 à 12h30 à la DRAC. Séance de travail avec le groupe « Populations pratiques publics » sur le thème de l’éducation artistique. Participants BARJOLLE Eric, Rectorat BLANC Pierre, DRAC BONIN Anthony, SMA BOUILLY Barbara, DAEC/Rectorat BOURBON Emilie, ARSV CAILLÉ Arnaud, PRMA(1) CHENAL Philippe, Ville de Thouars CHRÉTIEN Jérôme, CRD de Châtellerault DUBOST Gwenaëlle, DRAC FULMINET Christophe, CRD de Niort GÉRARD Jocelyne, DRAC LOUSSOUARN Anne, PRMA(1) MALLAISÉ Dominique, EMPBB MANGIN Philippe, COREPS MEYER Catherine, CRR de Poitiers MICHON Claire, CESMD

MILLAN Blanca, Conseil Général 86 MONNET Véronique, CRD de Châtellerault POMMIER Jean-Pierre, Conservatoire de La Rochelle PRADEM-FAURE Odile, Abbaye aux Dames de Saintes ROUGER Jany, ARSV SPROGIS Eric TURPAULT Florence, Ecole départementale de musique CG 16 VALDENAIRE Eric, CRR de Poitiers VERDIROSI Irène, CRD de Niort VERRON Fernande, ARSV VUILLEMIN Christophe, CFMI WEEGER Benoît, CRR de Poitiers

(1) En janvier 2011, l’Etat annonce son retrait définitif d’ici à trois ans de l’une des cinq Scènes de musiques actuelles régionales. Le réseau PRMA y voit un arbitrage hâtif et contradictoire avec la démarche de concertation en cours et décide alors de suspendre sa participation à la Conférence régionale du spectacle vivant. Conférence régionale du spectacle vivant

7


L'enseignement artistique est-il vraiment une priorité ? Tout le monde s’accorde généralement pour affirmer que l'enseignement artistique doit être la « première priorité culturelle ». Mais cela correspond-il vraiment à la réalité ?

Toutes les structures et toutes les institutions sont concernées L’enjeu est celui de la transmission des savoirs, du développement des pratiques. Il concerne un « réseau » de multiples structures, dispositifs, acteurs et institutions(1) dont il convient d’encourager les articulations et les mises en cohérence. Il est cependant nécessaire d'interroger la réalité de ces dispositifs en mettant en perspective les intentions et les directives avec la réalité de ce qui est fait concrètement.

Domaines, fonctions, largeur et profondeur de l'action… La période actuelle est caractérisée par l'incertitude sur les objectifs des formations artistiques. Nul ne peut en effet savoir désormais ce que les « apprenants » feront de ce qu'ils auront appris quand ils auront quitté leur cadre d’enseignement. Les projets pédagogiques et d’établissement doivent s’inscrire dans cette nouvelle problématique. L’analyse des missions des dispositifs et des partenariats doit alors être faite en s’appuyant sur la taxinomie suivante : -> Fonctions : tout ce qui concerne les modes d’action (formation, éducation, enseignement, diffusion, documentation, animation, médiation, recherche, création etc.). Leur nombre définit la profondeur de l’action. -> Domaines : tout ce qui concerne les disciplines (musique, danse, théâtre, cirque, arts de la rue…) y compris les « sous-domaines » (musique / théâtre / danse qu’ils soient classiques, contemporains, jazz, traditionnels, « actuels »…). Leur nombre définit la largeur de l’action. On relèvera à cet égard que les structures sont désormais amenées à avoir des missions toujours plus profondes et toujours plus larges.

L’identité professionnelle des enseignants

(1) Conservatoires, éducation nationale, éducation populaire, associations…

Sont-ils artistes, enseignants, éducateurs, médiateurs, fonctionnaires ? Comment peuvent-ils se situer quant aux missions des établissements et au champ toujours plus étendu de ce que l'on attend d'eux ? Un malaise s'exprime en outre quant aux publics visés et touchés, leur mutation profonde et leurs attentes de plus en plus diversifiées. Il est ressenti par beaucoup comme un problème de légitimité et de (re)connaissance. D’autant qu’une situation totalement nouvelle est en train d'apparaître avec le développement des nouveaux moyens de créer, de produire, de reproduire, de diffuser les expressions artistiques dans des modes interactifs dont on ne pouvait même pas avoir idée il y a vingt ans. Dans ce contexte culturel en plein bouleversement, l'exigence d'une formation initiale et continue commune aux enseignants et à tous ceux qui assurent une responsabilité dans le domaine culturel est alors plus que jamais patente.

8

Conférence régionale du spectacle vivant


Un problème d'aménagement du territoire et de clarté Les entrées sont multiples : des territoires au sens propre (géographique) qui concernent l’aire de rayonnement des structures, jusqu’à une acception métaphorique où l’on peut parler de territoires générationnels, esthétiques, sociaux, voire disciplinaires… Notre région semble se caractériser à ce propos par deux données : • existence de collaborations et de réseaux actifs ; • grande circulation des élèves liées à la fois au grand nombre de « territoires ruraux » et à la taille modeste de la région. Ce sont ces cohérences et cette solidarité indispensables qui devraient être réétudiées au plus près des territoires, notamment dans le cadre des Schémas départementaux de l'enseignement artistique (SDEA).

Lisibilité du continuum de formation C'est l'objectif principal du Schéma régional des formations artistiques et culturelles adopté par le Conseil Régional en décembre 2009. L'atteindre implique une grande clarté entre enseignement initial et enseignement supérieur et/ou à vocation professionnelle. Le Poitou-Charentes présente à cet égard une situation particulièrement riche puisque notre région offre un ensemble très complet de formations professionnelles ou professionnalisantes avec notamment un département de musicologie à l'Université, un CESMD, un CFMI, des formations professionnelles de musicien d'orchestre à l'Abbaye aux Dames... Ces clarifications vont à l'évidence de pair avec la mise en place du CEPI et la prise en compte de missions pédagogiques de la part des structures de diffusion.

La place des amateurs La refonte, engagée depuis 2004, de l'organisation générale de l'enseignement artistique spécialisé et des établissements qui en sont chargés a pour objet une double clarification : • d'une part, mieux distinguer les parcours de formation (majoritaires) destinés aux amateurs des cursus d'orientation professionnelle ; • d'autre part, mieux distinguer la formation initiale d'orientation professionnelle de l'enseignement supérieur. Cette clarification doit notamment avoir pour effet de donner aux objectifs et aux formations des amateurs toute leur place sans aucune dévalorisation par rapport aux pratiques professionnelles. Il faut alors développer des formations personnalisées, débouchant sur des projets autonomes et articulés, d'une part, avec les pratiques associatives et, d'autre part, avec celles des professionnels, sans, pour autant, les confondre.

Un problème d'égalité Sociale et géographique Les possibilités d'apprentissage artistique dépendent souvent du lieu de résidence et des situations sociales des publics potentiels. Les articles 101 et 102 de la Loi Libertés et respon-

Conférence régionale du spectacle vivant

9


sabilités locales du 13 août 2004 sont, comme on le sait, mis en sommeil au plan national. Mais, ne serait-ce que parce que son volet CEPI est mis en œuvre avec succès dans notre région, il est indispensable de continuer à travailler sur des schémas départementaux permettant de réduire, tant que faire se peut, les inégalités constatées et de renforcer les collaborations et mutualisations d'actions et de moyens. Notamment, le rôle des «établissements centres » dans le pilotage de projets structurants n'a pas encore été suffisamment étudié dans toutes ses implications. Enfin, l'une des inégalités les plus criantes est celle qui existe entre les enseignants eux-mêmes : postes uniques et postes « éclatés » sur plusieurs établissements ; temps complet et temps non complet posant à certains de véritables problèmes de subsistance ; emploi titulaire ou CDI et emplois précaires soumis à des renouvellements aléatoires d'une année à l'autre qui, outre la situation personnelle de l'enseignant, interdit souvent de penser l'action sur le long terme.

Culturelle et esthétique L’enseignement artistique du spectacle vivant a porté, de manière hégémonique, sur des pratiques liées au patrimoine savant. Jusqu’aux années 1980, les autres esthétiques (musiques et danse de tradition populaire, jazz, musiques que l’on appelle aujourd’hui « actuelles », danses contemporaine, jazz, hip-hop…) ne bénéficiaient pas de la même reconnaissance ni des mêmes moyens publics. Des politiques d’appui et de soutien à l’ouverture esthétique ont été mises en place à l’instar du plan de développement des musiques actuelles qui vient récemment d’être adopté par la Région Poitou-Charentes. La plupart des conservatoires de la région offrent maintenant des enseignements de jazz, de musiques actuelles, de danse contemporaine. La danse jazz, les musiques traditionnelles présentent un développement plus modeste même s’il faut souligner que notre région a pu mettre en place les premiers (et pour l’instant les seuls en France) CEPI dans ces disciplines (comme pour les musiques actuelles amplifiées). L’enjeu aujourd’hui est bien dans une refonte des conceptions même de l’enseignement artistique, de recherche de transversalité et de nouvelles formes d’expression artistique qui mettent en question la division historique entre créateurs, interprètes, publics, diffuseurs, médiateurs voire techniciens…

Entre collectivités Les disparités ont deux types de conséquences : • inégalité de l’offre de formation aux élèves en fonction de leur lieu de résidence ; • proportion importante d’élèves « extra-muros » dans les plus gros établissements accroissant les charges de la collectivité gestionnaire et/ou réduisant les possibilités d’accès aux élèves résidant dans celle-ci. Là encore, les schémas départementaux doivent jouer un rôle pour réduire ce type d’inégalité en développant le partenariat, les complémentarités et la mutualisation des actions et des projets.

10

Conférence régionale du spectacle vivant


Un problème d'identité et d'adaptabilité Aujourd’hui, plus que jamais, les enseignants doivent poursuivre leur formation, leur entraînement, leurs recherches en dehors de leur établissement dans une dynamique de rencontre avec leurs collègues des autres structures. Les formations et les réflexions communes aux enseignants et intervenants du secteur culturel et de celui de l’enseignement général sont toutefois encore trop rares. On peut citer par exemple tout ce qui concerne la prise en compte du développement personnel de l’élève au sein d’un enseignement dont les démarches collectives doivent évidemment continuer à être leur caractéristique éducative principale. La notion de projet personnel, tenant compte des motivations, du temps libre, des capacités, différents pour chaque élève, est au cœur des réflexions actuelles. Un inventaire raisonné des multiples actions existantes, des programmes de formation-action dans ces domaines doit être considéré comme prioritaire.

Conclusions et perspectives Quatre enjeux principaux se présentent : • le rayonnement des établissements et leur inscription dans des territoires qu'il convient de repérer ; • la pluridisciplinarité et, au-delà, la transversalité des formations ; • l'évaluation et la confrontation des expériences en vue de leur généralisation ; • l'identification de l'évolution des profils et des attentes des publics. Il est cependant évident que les actions qui pourront être menées seront inévitablement limitées et qu'il faudra nécessairement établir des priorités. A cet égard deux pistes doivent être suivies principalement : • travailler sur l'identité professionnelle des enseignants ; • mettre en œuvre des actions de formation à la fois imaginatives et conçues en fonction des évolutions et nécessités constatées et analysées sur le terrain de la société.

Préconisations Elles visent principalement à améliorer : • la connaissance de la réalité de l'enseignement artistique en lien avec le développement territorial ; • la formation des professionnels en vue d'un service adapté ; • la pratique et l'exercice des professionnels ; • l’identification des partenariats.

-> Faire un état des articulations entre les structures Il conviendra de définir (et de « mesurer ») le public visé et le public touché (en identifiant des catégories spécifiques : usagers inscrits et public « non inscrit », public « captif », spectateurs) ainsi que les partenariats établis.

Conférence régionale du spectacle vivant

11


-> Repenser la pédagogie et développer la formation : • repenser les contenus et l'organisation pédagogiques en fonction d'une analyse de l'environnement social et technologique ; • développer les formations, prioritairement, selon les axes suivants : - former les responsables d'établissement ; - donner des outils pour intégrer les nouvelles technologies dans l'enseignement ; - former les enseignants à l'encadrement et à l'accompagnement des projets personnels. -> Identifier les complémentarités entre les structures et développer encore le travail en réseau -> Améliorer l'aménagement du territoire sur le plan des structures, des moyens matériels et de locaux adaptés

12

Conférence régionale du spectacle vivant


Groupe « Populations, pratiques, publics » Ce groupe a développé une réflexion autour des fonctions de médiation, contribué à l’articulation entre l’éducation artistique et culturelle, l’éducation populaire, les pratiques artistiques et la construction des publics. Il a repéré les dynamiques liant l’éducation artistique à l’existence d’initiatives localisées de développement artistique et culturel, puis analysé les relations des publics et des populations face à des offres basées sur des logiques similaires à partir d’un échantillonnage représentant la diversité des réseaux et des modalités d’action. Animateur et coordinatrice : Jany Rouger et Emilie Bourbon Témoignages : Anne-Maire Chaignon, Christophe Vuillemin, Jean-Michel Perez, Yves Menut et Yvon Lamy. Calendrier • Vendredi 18 juin 2010 de 14h à 17h à la DRAC • Vendredi 15 octobre 2010 de 14h à 17h30 à la DRAC • Mardi 7 décembre 2010 de 9h30 à 12h30 à la DRAC • Vendredi 11 février 2011 de 9h30 à 12h30 à la DRAC • Mardi 3 mai 2011 de 9h30 à 12h30 à la DRAC Poitiers. Séance de travail avec le groupe « Enseignement artistique et professionnalisation » sur le thème de l’éducation artistique. Participants BARJOLLE Eric, Rectorat BARRE Sylvie, Ville de Saintes BLANC Pierre, DRAC BOURBON Emilie, ARSV BRISSONNET Marie-Christine, Ville de Châtellerault/CAPC CHENAL Philippe, Ville de Thouars CORDIER Rachel, PRMA(1) CURMI André, ARSV DESLYPERE Isa, Abbaye aux Dames de Saintes DUBOST Gwenaëlle, DRAC EHRMANN Frédérique, DRAC EPRON Jean-Jacques, Union régionale des foyers ruraux GÉRARD Jocelyne, DRAC LAMY Yvon, Université de Limoges LÉANDRI Vincent, SYNDÉAC LECLERC Cyril, Abbaye aux Dames de Saintes

LOUSSOUARN Anne, PRMA(1) MALLET Laure, Jeunesses musicales de France (JMF) MANGIN Philippe, COREPS MENUT Yves, ORACLIM NEGRAULT Brigitte, Ville de Poitiers PAROUTY Jean-Luc, Ville de Rochefort PEREZ Jean-Michel, L'Astrolabe à La Rochelle PRADEM-FAURE Odile, Abbaye aux Dames de Saintes ROGEON Lionel, SMA ROSSARD Aline, La Ligue ROTONDARO Isabelle, Ville de Saintes ROUGER Jany, ARSV SPROGIS Eric VERRON Fernande, ARSV VUILLEMIN Christophe, CFMI YAKICH Emilie, Les Francofolies

(1) En janvier 2011, l’Etat annonce son retrait définitif d’ici à trois ans de l’une des cinq Scènes de musiques actuelles régionales. Le réseau PRMA y voit un arbitrage hâtif et contradictoire avec la démarche de concertation en cours et décide alors de suspendre sa participation à la Conférence régionale du spectacle vivant. Conférence régionale du spectacle vivant

13


Le groupe de travail « Populations, pratiques, publics » s’est réuni quatre fois entre juin 2010 et février 2011. Chaque réunion comptait en moyenne seize participants et a auditionné un grand témoin (respectivement : Anne-Marie Chaignon, Christophe Vuillemin, Jean-Michel Pérez et Yves Menut). Tout d’abord, il est important de préciser que cette thématique et l’approche des problématiques qu’elle sous-tend sont complexes et que peu d’études existent encore sur ces questions. Les perspectives d’approche sont donc peut-être légèrement différentes des autres groupes de travail.

-> La première séance nous a permis de dégager quatre axes principaux de réflexion : • la question des médiations ; • la question des territoires ; • la question des publics ; • la question de l’éducation artistique (traitée conjointement avec le groupe « Enseignements artistiques et professionnalisation »). En lien avec ces axes définis, il nous a semblé important de préciser que ces questions pouvaient connaître des réponses différentes suivant que l’on se situait dans une perspective de démocratisation culturelle (mettre en contact le plus grand nombre avec les grandes œuvres, privilégier une politique de l’offre) et ou de démocratie culturelle (permettre l’épanouissement culturel de chacun, le développement des pratiques et des identités, individuelles ou collectives, privilégier une politique partant des droits culturels).

-> Quelques questions, liées à la méthode ou au contexte, ont été aussi abordées : • l’orientation du groupe de travail : la question s’est posée de savoir s’il s’agissait d’une contribution à un débat national nourri par l’expérience régionale ou bien, s’il s’agissait de faire une proposition de préconisations, d’éclaircissements, en vue d’une meilleure organisation (uniquement) régionale ? • l’importance du contexte économique (quel sens peut prendre une telle réflexion alors que les acteurs culturels se sentent inéluctablement confrontés à un risque d’appauvrissement, individuel ou collectif, voire de paupérisation) ; • la nécessité d’une clarification sémantique afin d’éviter toute ambiguïté d’analyse.

Médiations Dans la logique des axes de travail dégagés, un double constat, s’appuyant sur le témoignage de Christophe Vuillemin (directeur du CFMI), a été fait : -> 1er constat : les propositions artistiques restent réservées à une part restreinte de la population. -> 2ème constat : le lieu majeur de l’éducation artistique pour tous reste l’école, mais le « monde culturel » y est peu investi.

14

Conférence régionale du spectacle vivant


-> Ce témoignage a permis de dégager les ingrédients d’une médiation réussie : • être en mesure de fabriquer du lien sur un territoire, décloisonner les genres – en veillant à ne pas rentrer dans une pluridisciplinarité systématique, décloisonner les publics (en encourageant la mixité sociale) et décloisonner les structures (en développant les liens entre écoles, lieux d’enseignement artistique, centres socio- culturels ou autres équipements culturels…) ; • confier à l’artiste (pour peu qu’il en ait l’envie et les compétences) la fonction de médiateur ; • ne pas occulter l’importance du projet pédagogique (dans sa continuité et sa dimension partenariale). -> Pour répondre à la nécessité d’une clarification sémantique du terme de médiation, différentes représentations en ont été données : • la médiation, ce n’est pas seulement la recherche d’un élargissement du public, mais ce sont des articulations, c’est la manière dont peut s’installer une collaboration entre les acteurs et structures d’un territoire ; • la médiation est nécessaire dans un processus de développement artistique, car elle permet de réduire la distance générée par tout acte de création (qui, par définition, contient de l’innovation, de l’inattendu, de l’inouï) ; • la médiation est intrinsèque aux politiques culturelles publiques, qui doivent permettre aux individus d’avoir accès à l’offre artistique. La médiation offre les clés du choix, doit proposer les conditions de possibilité de la rencontre entre artistes et publics ; • mais la médiation ne doit pas oublier la démarche individuelle elle-même, et s’articule ainsi avec les pratiques.

-> Cette séance dédiée à la médiation a permis d’ouvrir sur les interrogations suivantes : • la médiation passe-t-elle uniquement par le sensible et la pratique, telle qu’elle peut être proposée par un artiste intervenant ? • l’échange intellectuel proposé par les institutions du monde de l’éducation ou de la culture (histoire des arts, rencontre avec un artiste…) est-il acte de médiation ? Et peut-on considérer que ce type d’échange est suffisant dans un processus d’éducation artistique ? • la médiation est-elle une des branches de l’éducation artistique en tant qu’éducation populaire (appropriation par tous du geste artistique) ou bien, au contraire, la médiation dépasse-t-elle le cadre de l’éducation, en s’inscrivant comme fait social, dans la mesure où elle serait le point de rencontre entre les artistes (porteurs d’un projet d’innovation) et les populations et ce, au travers de projets vécus ensemble, dans un aller-retour où chacun s’enrichit de l’autre ? -> Des propositions ont ainsi pu émerger : • créer une formation d’artiste médiateur au niveau Master à l’Université ; • réfléchir à la question des publics et des « non-publics » (à travers une étude approfondie) : quelles médiations pour quels publics, quelles propositions culturelles pour les « non publics » (c’est-à-dire les populations au sens large) ; • étudier davantage l’enjeu de la connexion entre le monde culturel et l’ensemble des populations.

Conférence régionale du spectacle vivant

15


Territoires En France, la fracture sociale se conjugue souvent avec la fracture territoriale : les équipements et dispositifs culturels focalisent les énergies et les efforts sur les territoires des centres villes, ne touchant donc principalement que des populations qui, sociologiquement, ont un parcours culturel déjà bien étoffé et laissant, de ce fait, bien souvent en marge les autres types de territoires (ruraux ou périphériques…). Face à ce constat, la démocratisation culturelle – c’est-à-dire l’effort d’aller vers les populations – est essentielle. Elle rencontre cependant un certain nombre d’obstacles, qui peuvent être de différents ordres : • économiques et sociaux (précarité, problèmes de mobilité, handicap…) ; • culturels (représentations symboliques d’une culture faite pour une élite). Comment résoudre ces problèmes ? Jean-Michel Pérez, directeur de l’Astrolabe à Mireuil (quartier de La Rochelle), nous a présenté l’objectif majeur de son action (permettre l’appropriation culturelle par les habitants) et les postures professionnelles ou « bonnes pratiques » qui lui semblent nécessaires pour œuvrer en ce sens : • travailler avec l’ensemble d’une population dans toute sa diversité. Ce qui suppose donc de comprendre la nature du territoire sur lequel l’équipe travaille, les populations concernées, leurs rapports à la culture, leurs modalités de perception de la dimension artistique, leurs pratiques et expériences ; • vivre au quotidien avec les habitants. Accepter chacun en tant que « personne ». Ouvrir son lieu ; • inscrire le projet culturel dans la globalité du projet de développement territorial. Participer à la dynamique collective du territoire ; • dynamiser le territoire par l’implication des réseaux associatifs, notamment au niveau de la co-construction du projet ; • organiser des événements s’adressant au plus large public, mais en conservant une grande exigence artistique. Il a été rappelé que le terme territoire pouvait être entendu au sens géographique, mais aussi au sens métaphorique. Un territoire peut également être considéré, au sens symbolique, comme un espace à sauvegarder ou encore comme un espace possédant son identité propre. Pour tous ces territoires, une question sous-jacente : comment éviter le cloisonnement ?

-> Pour répondre à cette question, deux axes de travail possibles ont été évoqués : • développer l’impact des événements afin que des populations se situant hors du territoire donné puissent venir à la rencontre de populations de quartier (par exemple) ; • renforcer l’attention portée au montage partenarial. -> Enfin, ont été pointés, en termes de préconisations ou de pistes à approfondir, les éléments suivants : • la médiation exige une formation et une professionnalisation spécifiques ; • il conviendrait de formaliser une méthodologie de la médiation ; • le champ déterminant de la médiation, c’est « l’entre-deux » (entre social et culturel) : il faudrait repenser le financement de l’action culturelle en fonction de cette problématique majeure ;

16

Conférence régionale du spectacle vivant


• la participation de l’artiste à sa propre médiation est une question qui reste à creuser, car elle pose de nombreux problèmes (ne serait-ce qu’en termes économiques, en raison des contraintes du régime de l’intermittence).

Publics La présentation de l’étude sur les publics menée par l’ORACLIM (Observatoire régional des arts et de la culture en Limousin) a permis au groupe de travailler : • sur le rapport public et territoire ; • sur la question de la motivation du public, du contexte ou du facteur déclenchant (comme le coût de la pratique, les déplacements, l’intérêt porté aux propositions culturelles qui sont faites...) ; • sur la question de la transversalité des publics qui passe par le lien entre les publics de la diffusion du spectacle, du patrimoine, de l’enseignement artistique... ; • sur la question de « l’intimidation sociale » ; • sur le rapport au numérique (qui n’empêche pas toujours la pratique, comme l’atteste la fréquentation des salles de concerts par les publics adolescents qui téléchargent pourtant beaucoup de musique via Internet) ; • sur la remise en cause du financement public de la culture dans les salles conventionnées ou labellisées, dans le cas où le public ne serait pas « suffisamment diversifié » ; • sur l’intérêt de compléter les études macro-économiques par des études de territoire ; • enfin, plus globalement, sur les questionnements liés à l’élargissement des publics qui peuvent entraîner aussi un élargissement de l’offre et donc nécessiter davantage de moyens financiers et humains. Ajoutons que la notion d’« élargissement des publics » pose des questions de tous ordres (économique, social et politique). Et que faut-il entendre par « élargissement » : le nombre ou la diversité ? En conclusion de cette séance de travail, il convient de redire combien cette connaissance des publics (ou plutôt, des populations face à une offre culturelle) reste à construire, autant sur un plan quantitatif que qualitatif. Elle devra croiser les approches : sociologiques (usages face à une offre) et économiques (dépenses culturelles) ; statistiques et monographiques (derrière les statistiques, quelles personnes, quels récits de vie ?). Elle devra s’intéresser aux démarches (comment vient-on à la culture ?) et privilégier la connaissance des publics « potentiels ». Et enfin s’interroger sur le sens que donne chacun à sa démarche : qu’est-ce que les « publics » font de cette culture ? Pour conclure, à travers ces quatre réunions, nous avons tenté d’atteindre les objectifs fixés initialement par le groupe de travail : sur la question de la médiation et de ces représentations associées, sur la volonté d’élargir les publics et de mieux comprendre toutes les conditions de cet élargissement, de concevoir les modalités de cette perception des publics comme étant un facteur possible de cet élargissement et sur la nécessité d’aller vers une démocratisation culturelle des territoires afin d’éviter leur cloisonnement. A travers ces différentes clarifications conceptuelles, nous avons tenté de voir quels pouvaient être les outils pratiques à construire à partir d’une meilleure connaissance partagée (études de territoire, études des « non-publics », postures professionnelles, formation des artistes-enseignants, des médiateurs, dispositifs d’accompagnement des politiques culturelles...).

Conférence régionale du spectacle vivant

17


18

Conférence régionale du spectacle vivant


Groupe « Education artistique » Le thème de l’éducation artistique a fait l’objet d’une séance de travail spécifique entre le groupe « Enseignements artistiques et professionnalisation » et le groupe « Populations pratiques publics ». Animateurs : Eric Sprogis et Jany Rouger Calendrier • Mardi 3 mai 2011 de 9h30 à 12h30 à la DRAC Participants BLANC Pierre, DRAC BOUILLY Barbara, DAEC/Rectorat BOURBON, Emilie, ARSV CHENAL Philippe, Ville de Thouars CHRÉTIEN Jérôme, CRD de Châtellerault DECREUX Jean-Jacques, CESMD DUBOST Gwenaëlle, DRAC MANGIN Philippe, COREPS MEYER Catherine, CRR de Poitiers MICHON Claire, CESMD MONNET Véronique, CRD de Châtellerault ROUGER Jany, ARSV SPROGIS Eric, VERDIROSI Irène, CRD de Niort VERRON Fernande, ARSV VUILLEMIN Christophe, CFMI

Conférence régionale du spectacle vivant

19


Priorité sans cesse réaffirmée depuis qu’existent des politiques culturelles et éducatives, l’éducation artistique(1) n’a jamais connu réellement les outils de son plein développement. Le décalage entre la posture gouvernementale actuelle sur ce point et la réalité n’a jamais été aussi grand. Et pourtant, tel Sisyphe remontant son rocher, il nous faut continuer sans cesse à revendiquer les moyens de cette priorité. Parce que l’école est le premier lieu culturel de proximité, et parce qu’elle est fréquentée par tous les enfants ou adolescents, quels qu’ils soient, c’est aussi, potentiellement, le premier lieu de démocratisation culturelle, sans équivalent dans sa possibilité de toucher le plus grand nombre. S’il en était besoin, la « feuille de route pour l’éducation artistique » publiée par l’UNESCO en 2006 nous rappelle combien ce combat prend de l’importance à l’échelle de la planète. Rappelant le « rôle essentiel de l’éducation artistique dans l’amélioration de la qualité de l’éducation générale », ce texte pourra être utilement consulté si l’on veut s’imprégner de l’ensemble des questions touchant ce domaine.

(1) Selon la définition qu’en donne le ministère de la Culture dans une récente étude du Département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS), « l’éducation artistique et culturelle vise à former chez les enfants et les adolescents la capacité à poser un regard personnel sur le monde, grâce à la connaissance des œuvres et des courants artistiques qui ont marqué l’histoire de l’humanité. Sollicitant la sensibilité des enfants, les actions en ce domaine s’organisent autour de trois axes majeurs : le rapport direct aux œuvres, l’approche analytique et cognitive des œuvres, et enfin la pratique effective dans le cadre d’ateliers ». Notre groupe de travail a alimenté ses réflexions sur des expériences liées surtout au troisième axe (la « pratique effective »), constituant la base sensible d’une véritable éducation artistique.

20

Le groupe de travail sur l’éducation artistique (regroupant les membres du groupe « enseignements artistiques » et du groupe « médiations »), conscient des difficultés du contexte national dans ce domaine, mais aussi observateur de nombreuses réussites locales (dues, pour la plupart, à la forte implication des collectivités territoriales), s’est d’abord appuyé sur les travaux réalisés par la Conférence régionale de l’éducation artistique (CREA) initiée par le CFMI et coorganisée par l’Agence régionale du spectacle vivant ces trois dernières années. La CREA avait notamment permis de mettre à jour les valeurs portées par les « militants » de l’éducation artistique, d’inventorier et qualifier les ingrédients de la réussite d’un projet d’éducation artistique. Ont ensuite été repérés les obstacles à franchir pour mettre en place de tels projets, et quelques questions sous-jacentes. Enfin une liste de propositions/préconisations termine ce compterendu.

-> Valeurs portées par les militants de l’éducation artistique : • L’art n’est pas réservé à une élite, ni à quelques privilégiés, ni aux seuls artistes, mais l’accès pour tous et pour chacun est une nécessité. • L’art n’est pas une marchandise, l’éducation artistique ne constitue pas un marché. • Il n’y a éducation que s’il y a pratique : c’est la pratique qui permet l’accès au sens, à la sensibilité ; une pratique inscrite dans le paysage culturel contemporain, et en relation avec lui. • L’art à l’école ne doit pas passer par une « scolarisation ». • Cette éducation doit faire une large part aux activités d’invention et de création pour que le public soit acteur de l’art qui se fait, et non simple destinataire de l’art des artistes. • Des liens sont à tisser avec le territoire, la culture locale, les cultures présentes, la diversité esthétique, la diversité des publics, pour une pédagogie de projets en partenariat où se croisent patrimoine et invention, expérimentation et interprétation. • Les projets s’inscrivent dans la durée, parce que le temps est nécessaire dans tout processus éducatif (pour le partenariat, pour la recherche et l’expérimentation, pour les réalisations, etc.).

Conférence régionale du spectacle vivant


Composantes d’un projet d’éducation artistique -> Un partenariat de qualité s’appuie sur : • une communauté d’intérêt au niveau des finalités : ce qui motive l’action doit être du même ordre au niveau de chacun des partenaires ; • la parité d’estime : le rapport entre les partenaires ne doit pas être d’ordre hiérarchique ; • le partage du pouvoir : par nature, être en partenariat avec quelqu’un, c’est à la fois faire partager son propre talent et ses propres convictions et accepter de renoncer à une part de ses propres conceptions et de ses propres responsabilités ; • le temps de construire : quand on travaille en partenariat, il faut du temps pour construire ce partenariat. Toute action ponctuelle... est d’une autre nature. La relation temps/projet est donc déterminante : compte tenu de l’importance d’un « temps long » dans la réussite de tout projet éducatif, mais de la difficulté à ne mettre en place que des actions dans la durée, il convient d’articuler (dans le cadre de projets territoriaux d’éducation artistique) les actions de fond et les actions ponctuelles. Tout projet qui ne serait constitué que d’actions ponctuelles prend le risque du saupoudrage. Une relation privilégiée avec l’environnement culturel doit s’instaurer. Elle doit permettre de lier les pratiques artistiques à l’école et dans l’enseignement spécialisé (Conservatoires) avec les structures de création et de diffusion du territoire. Elle doit aussi être attentive à la diversité culturelle et esthétique de cet environnement.

Obstacles et difficultés -> La relation à l’entité « Education nationale » est parfois difficile. La « parité d’estime » nécessaire entre mal dans les cadres du fonctionnement de cette institution très hiérarchisée. -> L’organisation fractionnée du domaine de l’éducation ne facilite pas le montage de projets : chaque niveau nécessite un lien avec des partenaires différents, et qui ne sont pas interdépendants : au niveau primaire, communes d’un côté, Inspections académiques (et IEN) de l’autre ; au niveau des collèges, Départements et Rectorat ; au niveau des lycées, Région et Rectorat. Il est donc difficile d’avoir une vision d’ensemble sur un parcours d’éducation de la maternelle à l’Université. -> S’y ajoutent par ailleurs, d’une part, la non concordance des territoires politiques (communes et leur regroupement) et des territoires administratifs (de l’Education nationale) ; et d’autre part, l’isolement d’un certain nombre d’écoles (en milieu rural en particulier). La réforme territoriale en cours, qui vise à créer de plus grandes communautés de communes, aux compétences élargies, permettra-t-elle d’éviter ces difficultés ? -> La complexité du montage de projets (grand nombre d’interlocuteurs à toucher et de « partenaires obligés », procédures d’agrément parfois ubuesques) est telle qu’elle décourage bien souvent les bonnes volontés.

Propositions et préconisations -> Mieux connaître : faire un inventaire raisonné des lieux et ressources de l’éducation artistique (en particulier des structures aptes à piloter un plan local d’éducation artistique), en relation avec l’évaluation qualitative et quantitative des articulations, proposée par le groupe « enseignements artistiques » (cf compte-rendu de ce groupe).

Conférence régionale du spectacle vivant

21


-> Valoriser les « bonnes pratiques » repérées et recueillir les témoignages de porteurs ou bénéficiaires de projets d’éducation artistique (précisant en quoi ces projets ont été bénéfiques au sein d’une classe, par exemple). -> Sensibiliser les chefs d’établissement à l’intérêt de la mise en place de projets d’éducation artistique au sein de leur structure. -> Former les enseignants (soit en formation initiale ou en formation continue) au montage de partenariats et de projets. -> Multiplier les formations conjointes, même courtes, (associant différents publics : personnel de l’enseignement général, agents de l’enseignement spécialisé, médiateurs culturels, artistes…) culturelles (organisation de projets, montage de partenariats) ou artistiques, susceptibles de créer une dynamique de réalisation. -> Organiser la rencontre entre les différents partenaires susceptibles d’être impliqués dans un projet d’éducation artistique (enseignants, structures culturelles, artistes intervenants…), que ce soit au niveau des territoires locaux, ou au niveau régional, où elle pourrait prendre la forme d’Assises de l’éducation artistique (à l’initiative de la DRAC et du Rectorat, avec la participation de collectivités, de structures culturelles, de l’Université et de l’IUFM). -> Développer des CLEA (Contrats locaux d’éducation artistique) sur l’ensemble des territoires (en prenant appui sur les structures repérées dans l’inventaire cité plus haut).

22

Conférence régionale du spectacle vivant


Groupe « Structuration artistique et culturelle » Après 40 ans d’expériences de politique de développement culturel, le paysage culturel est devenu très complexe quant à la multiplicité des structures, des réseaux et de leurs missions. Ce groupe a eu pour objectif de rendre lisible la structuration actuelle du paysage dans ses dimensions « création », « diffusion » et dans les modes d’accompagnement des équipes artistiques. Animateur et coordinatrice : Michel Roudier et Catherine Muller Regard extérieur : Michel Adam Calendrier • Vendredi 11 juin 2010 de 14h à 17h à la DRAC • Mardi 6 juillet 2010 de 9h30 à 12h30 à l’Espace régional Poitou-Charentes • Mercredi 22 septembre 2010 de 9h à 13h à la DRAC • Mercredi 17 novembre 2010 de 9h à 12h30 au Théâtre et Auditorium de Poitiers • Jeudi 17 février 2011 9h30 à 12h30 à la DRAC • Mardi 1er mars 2011 à l’ARSV • Lundi 16 mai 2011 de 9h30 à 12h30 à l’ARSV

Participants ADAM Michel, sociologue AUVIN Jean-Luc, Collectif Zo Prod AZAGURY Odile, Cie Les Clandestins BAILLERGEAU Benoît, PROFEDIM BLANC Pierre, DRAC BONNIN Anthony, SMA BRETON Joël, La Palène à Rouillac BRUN Maud, Région Poitou-Charentes CHAMARRE Céline, Collectif Zo Prod CHAMPALOU Stéphanie, Conseil Général 86 CHUILLET Yves, Théâtre de Thouars CURMI André, ARSV EHRMANN Frédérique, DRAC GACHARD Bruno, Cie Alice de Lux GÉRARD Jocelyne, DRAC

LAUMOND Florence, Ville de Niort LEFÈVRE Gérard, SYNDÉAC LOUSSOUARN Anne, PRMA(1) MANGIN Philippe, COREPS MOUROUX Sylvie, Belokane MULLER Catherine, ARSV OCHOTNY Nolwenn, Orchestre Poitou-Charentes RÉGNIER Maud, Observatoire/ARSV ROBBE Elodie, Belokane ROUDIER Michel, SNSP ROY Matthieu, Cie du Veilleur SAUVIGNON David, PRMA(1) THÉRON Anne, Cie Les Productions Merlin TRÉGUER Patrick, Espace Mendès-France VERRON Fernande, ARSV

(1) En janvier 2011, l’Etat annonce son retrait définitif d’ici à trois ans de l’une des cinq Scènes de musiques actuelles régionales. Le réseau PRMA y voit un arbitrage hâtif et contradictoire avec la démarche de concertation en cours et décide alors de suspendre sa participation à la Conférence régionale du spectacle vivant. Conférence régionale du spectacle vivant

23


Identification et lisibilité des acteurs et de leurs fonctions : qui fait quoi ? Pour clarifier le champ de la création/diffusion, extrêmement diversifié, et qui paraît souvent confus aux yeux de nombre de décideurs et d’usagers, le groupe de travail a procédé à une mise à plat de ce secteur, identifiant ses acteurs, leurs fonctions et leurs interactions. Il a été nécessaire de recourir à des nomenclatures précises pour résoudre des questions sémantiques (notion plurielle des termes « structure » ou « réseau », différence entre « création » et « production », et entre « médiation » et « formation »). Un glossaire est par ailleurs à construire pour mieux expliciter tous ces termes.

Cinq types d’acteurs ont été identifiés par leurs différences fonctionnelles -> Equipe artistique (compagnie, collectif, groupe, ensemble musical…). -> Structure « à vocation de création et de production » (opéra, centre dramatique, centre chorégraphique, orchestre permanent ou non…). -> Structure « à vocation de diffusion » (scène nationale, scène conventionnée, SMAC, théâtre de ville, centre socio-culturel, centre de culture scientifique, salle communale, lieux de proximité (bars), festivals…). -> Administration et collectivités territoriales (Etat, services culturels de commune, de ville, d’agglomération, de Conseil Général, de Conseil Régional…). -> Réseaux et acteurs de la coopération et de l’accompagnement, regroupés en trois familles : • réseaux de production et de diffusion, d’éducation populaire et de coopération ; • lieux ressources ; • structures d’accompagnement (bureau de production, tourneur, développeur d’artiste…), publiques ou privées.

Cinq fonctions sont partagées par ces acteurs, à des degrés divers La création, la production, la diffusion, la médiation (sensibilisation, éducation artistique) et la formation.

Quelles interactions entre les acteurs et leurs fonctions ? La fonction de création est le propre de l’artiste, elle permet la conception de l’œuvre Elle ne concerne que les équipes artistiques et les structures « à vocation de création et de production », majoritairement dirigées par des artistes.

La fonction de production transforme l’idée première en réalité concrète Elle concerne chaque catégorie d’acteurs : -> Une équipe artistique peut produire un spectacle de différentes façons : en autofinance-

24

Conférence régionale du spectacle vivant


ment / à l’aide d’un financement public ou privé / en coproduction avec une structure « à vocation de création et de production » ou « à vocation de diffusion » / via un appel d’offres de structure ou de collectivité à caractère publique ou privé. Quand elle dispose d’un lieu propre, elle peut aider une autre équipe artistique à sa production. -> Une structure « à vocation de création et de production » a pour mission principale de produire ou coproduire les spectacles de son artiste/directeur(rice), et ceux des équipes qu’elle accompagne, en financement direct ou indirect (résidence, accueil studio, plateau technique, enregistrement…). -> Une structure « à vocation de diffusion », une collectivité qui a fonction d’opérateur, et un réseau de diffusion de proximité, peut aussi, bien que ce ne soit pas sa mission principale, avoir des fonctions de production et de coproduction, selon ses moyens budgétaires ou matériels (lieu de répétition). -> Une collectivité publique assume cette fonction en finançant les différents acteurs (artistes et lieux) via des dispositifs divers (conventionnement, aide à la production, à la résidence) ou en financement direct (par appel d’offres) lorsqu’elle organise elle-même une manifestation ou une programmation. -> Un réseau ou un acteur d’une structure de coopération ou d’accompagnement accompagne les artistes dans leur travail de production : lieu ressource et structure de coopération (fonction de conseil, de mise en réseau), bureau ou structure de production (aide au montage, à la gestion des projets), réseau local, régional, interrégional, national, de structures « à vocation de création/production » et « à vocation de diffusion ».

La fonction de diffusion fait accéder le public à l’œuvre créée, elle est commune à tous -> Une équipe artistique, lorsqu’elle dispose d’un lieu, peut y diffuser son spectacle et/ou ceux d’autres équipes artistiques, sans intermédiaire. Mais dans la majorité des cas, elle doit faire appel à un diffuseur extérieur. -> Une structure « à vocation de création/production » diffuse essentiellement ses propres productions et celles des équipes qu’elle accompagne en création/ production. Elle ne fait généralement pas d’accueil simple. -> Une structure « à vocation de diffusion » programme les spectacles qu’elle a coproduits lorsque c’est le cas, mais majoritairement des spectacles qu’elle achète (dans le cadre d’une saison, d’un festival, d’un réseau territorial, ou d’une manifestation ponctuelle). -> Un réseau ou un acteur d’une structure de coopération ou d’accompagnement a une fonction d’intermédiaire entre une équipe artistique et un diffuseur public ou privé. Son rôle est de favoriser et d’élargir cette mise en contact (réseau de diffusion, de coopération, lieu ressource), ou de réaliser lui-même la vente des spectacles (bureau de production, tourneur…).

La fonction de médiation, d’éducation, est commune à chacun, à des degrés ou sur des plans divers -> Une équipe artistique peut s’auto-missionner pour des actions sur son territoire d’implantation, y être conviée par une collectivité publique dans le cadre de ses différents dispositifs. Elle peut aussi être sollicitée par les différents types de structures ou réseaux qui produisent ou achètent ses spectacles. -> Une structure « à vocation de création/production » ou « à vocation de diffusion » exerce cette mission auprès d’une population, en organisant des actions, dans son lieu et sur son ter-

Conférence régionale du spectacle vivant

25


ritoire d’implantation, en sollicitant l’équipe artistique dont elle soutient le spectacle, en production ou en simple diffusion, ou en travaillant directement avec ses équipes. -> Une collectivité territoriale inscrit naturellement son action dans une volonté de développement culturel de territoire, et invite les artistes, à travers ses dispositifs (aide à la création en résidence, conventionnement), à partager l’acte de création avec la population du territoire où elle travaille mais à l’inscrire aussi au-delà (périmètres interrégional, national, international)… -> Un réseau ou un acteur d’une structure de coopération ou d’accompagnement exerce par nature un rôle de médiation entre les acteurs de la profession et la population, travaille au développement culturel du territoire. Il peut porter lui-même des actions (réseaux d’éducation populaire), les faciliter (réseau), les élargir (lieu ressource), aider au montage et à la gestion des projets (bureau de production).

La fonction de formation ne concerne que peu d’acteurs -> Une équipe artistique peut s’auto-missionner (en organisant elle-même un stage dans son propre lieu) ou répondre à la sollicitation d’un organisme de formation, d’une structure de création/ production ou de diffusion, ou d’institutions comme les établissements d’enseignement spécialisé (conservatoires) ou généraliste (écoles, collèges, lycées…). -> Un certain nombre de structures reçoivent une homologation pour assurer cette fonction, ainsi que les réseaux d’éducation populaire dont c’est une des fonctions principales.

Les acteurs exercent leurs missions dans une situation de crise Crise des représentations (nouvelles technologies qui impliquent une mutation des usages), crise idéologique (risque d’assimilation de la culture aux industries culturelles), crise économique, crise des moyens de financement de l’Etat, et des collectivités territoriales (sur fond de réforme des collectivités territoriales) qui doivent faire des choix politiques sur le rôle de la culture. -> Les équipes artistiques en subissent les effets de plein fouet. S’y ajoutent les menaces à répétitions sur les annexes 8 et 10 de la convention UNEDIC. Elles éprouvent une difficulté grandissante à trouver les moyens de se structurer et de se professionnaliser, un manque de reconnaissance professionnelle structurel en termes de financement et d’évolution des carrières, et vivent dans une précarité généralisée. -> Les structures de création/production et de diffusion connaissent une difficulté croissante à réunir des partenaires et des moyens de production, en particulier pour accompagner les jeunes équipes. Le coût des spectacles qui ne cesse d’augmenter, pose la question des recettes propres aux petits lieux qui veulent garder des prix accessibles. Ce manque de moyens réinstalle un esprit de concurrence entre les structures et entre les esthétiques. -> Les structures de coopération et d’accompagnement : les réseaux de l’éducation populaire sont menacés de disparition. Les réseaux de diffusion vivent la situation actuelle comme un retour en arrière : ce que le réseau a permis de structurer (l’aide à la professionnalisation des structures modestes) est en voie de destructuration par la remise en cause du financement de certaines collectivités envers ceux-ci, d’où un sentiment de perte de reconnaissance institutionnel. Les bureaux de production peinent à maintenir leur existence alors que les besoins des équipes artistiques en termes d’accompagnement sont de plus en plus grands.

26

Conférence régionale du spectacle vivant


-> Pour les collectivités, la stagnation générale des moyens renvoie à la question de leur implication aujourd’hui dans les champs artistique et culturel ? Faut-il faire des choix et lesquels ? Tenter de nouvelles approches ? Sur quelles bases ?

Quelles problématiques poser aujourd’hui pour préparer l’avenir ? Réinterroger les fondamentaux -> Le pacte politique et citoyen, le rapport entre une vision pyramidale et une vision horizontale du fonctionnement de la culture, impliquant les acteurs de terrain. Il est nécessaire de reposer des questions de fond : quel bien commun à co-construire en termes d’intérêt civique, social, éducatif, culturel et artistique ? -> Le modèle économique d’une compagnie à travers la question des ratios de temps et d’équilibre entre les cinq fonctions précitées, la prise en compte du temps de conception et de recherche (fondement de l’économie du spectacle vivant), la pérennisation des annexes 8 et 10 de la convention UNEDIC. -> Le modèle institutionnel des structures (de production et diffusion) en réaffirmant l’importance de l’existence des institutions avec des missions claires et une lisibilité dans la durée, et en reprécisant leurs fondamentaux (valeurs et dispositifs d’intervention) : quels « modèles » opérationnels garder ? Quelle typologie ? Quel équilibre entre les cinq fonctions ? En réaffirmant la nécessité de garder un réseau diversifié qui participe d’un même mouvement général, et le rôle essentiel des conventions/chartes entre les compagnies et les lieux (définition et périmètre d’une « résidence », d’une « compagnie associée »…). -> La place des réseaux, des acteurs de la coopération et de l’accompagnement dans l’économie globale de la culture : comment viabiliser et structurer chacune des trois catégories pour les reconnaître comme des éléments essentiels à la structuration de la profession ? -> Les logiques d’aménagement du territoire : les collectivités doivent travailler de manière concertée en termes d’expertise, de dispositifs d’accompagnement pour un développement partagé du territoire, se mettre d’accord sur la place de chacun, avec un Etat conservant son rôle d’arbitre. Cela passe par une réflexion politique sur le sens de la culture pour une collectivité. Il faut repenser l’adaptation des subventions aux différentes sortes d’outils (déséquilibre de financement public entre structures culturelles des villes/préfectures et celles situées en milieu rural pour des spectacles de même prix), choisir entre logique de concentration des équipements structurants sur les villes/préfectures ou logique de développement, mettre en adéquation les missions et les moyens.

Clarifier les rapports économiques public/privé -> Les acteurs s’accordent sur la nécessité de résister à la réduction de la culture à une marchandise (voir la tendance de certaines structures de production privées à intervenir dans le processus de création pour aller dans le sens du marché), à l’intrusion rampante du secteur marchand dans les missions de service public (les structures « à vocation de création/production et de diffusion » sont de droit privé mais exercent leurs missions dans un cadre de service public), à la confusion de certaines collectivités entre culture (échange de savoirs) et divertissement (occupationnel), frontière où le privé « fait son beurre ».

Conférence régionale du spectacle vivant

27


-> La problématique des « délégations de service public » pose également question : on constate que les collectivités dans leur fonction d’opérateur, font de plus en plus appel au privé. Les équipes artistiques déplorent une gestion des appels d’offres qui leur impose des contraintes importantes en termes de calendrier, et pose question en terme de qualité : cette gestion fait naître un marché juteux pour des équipes médiocres (donc moins chères) qui fabriquent des spectacles sur commande et gagnent les marchés basés sur des critères financiers.

Comment réguler le déséquilibre entre l’offre et la demande ? -> Les équipes artistiques rencontrent des problèmes grandissants pour trouver des partenariats avec les structures de production et de diffusion et leur économie en est complètement déséquilibrée : augmentation du temps pour réunir les conditions d’une production (de deux à trois ans), pléthore de spectacles à peine joués, effet de concurrence accru, fragilisation des acteurs dans leurs conditions de création et de survie, et sentiment de malaise croissant entre artistes et diffuseurs. -> Les structures de production ou de diffusion peinent à gérer l’inflation de demandes des équipes artistiques par rapport à leur offre possible en termes d’accueil de salles, de calendrier, et de part de budget à consacrer à la création (« effet ciseau »). Ils partagent le même sentiment de malaise (difficultés de gérer les demandes de contacts avec les artistes, de voir l’ensemble des projets proposés et d’intégrer les nouveaux types d’esthétiques dans une programmation qui n’augmente pas). Certains dispositifs des collectivités renforcent ce phénomène de déséquilibre entre production et diffusion : les dispositifs de conventionnement mettant l’accent sur la production (deux créations sur trois ans exigées) peuvent avoir pour effet d’encourager une fuite en avant dans la production. Cela pose la question du rééquilibrage de la ressource : comment à la fois consolider le modèle institutionnel et accompagner les initiatives qui naissent sur un territoire ? Hyper concurrence, donc hiérarchisation nécessaire, mais sur quels critères de régulation? Sélection par le talent ou par l’efficacité d’usage ? Comment travailler à une amélioration du partage ? Encourager les séries pour diffuser plus longtemps ? Quels « effets leviers » (paramètres économique, pédagogique…) identifiés par les acteurs pour définir une sorte d’écosystème (autorégulation, quotas, choix institutionnels) ?

Comment intégrer les nouvelles esthétiques ? La question n’est pas celle d’une rupture avec l’existant, mais plutôt la prise en compte d’une évolution de notre société : ces dernières années ont vu l’émergence de nouveaux champs artistiques. Certaines esthétiques anciennes se sont renouvelées (arts de la rue, de la piste, théâtre d’objets, de la marionnette, conte) et d’autres, comme les musiques actuelles et les arts numériques, bouleversent aujourd’hui le paysage esthétique. -> Ces nouvelles esthétiques manquent d’espaces d’expression et de reconnaissance institutionnelle : le multimédia apparaît de manière aléatoire dans les différentes DRAC du territoire national, les structures ressources de ce secteur sont labellisées mais non financées, et le cloisonnement des réseaux de diffusion, comme celui des disciplines, ne favorise ni la lisibilité de ces formes en majorité pluridisciplinaires, ni le passage d’un réseau de diffusion à l’autre. Les structures généralistes peinent à intégrer l’ensemble de ce nouveau champ : impossibilité de voir et de montrer la totalité des champs esthétiques dans un périmètre de programmation qui ne peut augmenter.

28

Conférence régionale du spectacle vivant


-> Comment structurer et soutenir ces nouveaux secteurs de production ? Le réseau institutionnel ne pouvant jouer son rôle, de plus en plus de lieux fabriquent du maillage sur le territoire ; mais fragiles, ils ne peuvent créer que des synergies ponctuelles. Les collectivités manquent de connaissance et d’expertise sur ces nouvelles esthétiques, et s’interrogent sur leurs modes d’accompagnement : sur quels types de structures s’appuyer pour développer ces secteurs ? Quels nouveaux dispositifs de financement des projets ?

Comment structurer les modes d’accompagnement des équipes artistiques, à plusieurs niveaux et à plusieurs échelles ? -> A l’échelle de l’émergence, comment organiser le repérage dans la multiplicité des champs esthétiques ? Comment accompagner une équipe émergente sur la structuration artistique de son projet (méthodologie de montage, de présentation et d’écriture des projets) et sur sa structuration professionnelle (méthodologie sur les questions de production, de communication, de diffusion). Sur qui s’appuyer ? -> A l’échelle de la maturité, l’objectif est de consolider et pérenniser la vie d’une équipe artistique. A quelle étape de son développement, et pour quelle durée, accompagner le projet artistique global d’une équipe : l’aider à passer « la 1ère vague », ou plus ? Accompagner quels passages ? Du local au régional ? Du régional à l’interrégional voire au national ? Comment ? -> Sur le très long terme, quels modes spécifiques d’accompagnement ? Comment aider une équipe à s’adapter aux nouveaux contextes de la profession, à s’interroger sur la pertinence dans le temps de son projet artistique, à intégrer de nouveaux modes de fonctionnement et de nouveaux réseaux ? Comment accompagner dans sa reconversion quelqu’un qui souhaite intégrer une autre carrière ? Les artistes posent la question des interactions entre les équipes artistiques et entre les générations : comment, pour une compagnie, construire un réseau ? Sur quelles bases (affinités artistiques, nécessité économique – mutualisation – ou logique de territoire) ? Quels modes d’accompagnement peut-on envisager de la part d’équipes expérimentées en direction de jeunes équipes sur le développement de leurs projets (tutorat, compagnonnage) ? Et qu’est-ce que l’on transmet ? Un outil ou des savoirs ? Quels rôles et quels moyens donner aux réseaux et aux acteurs de la coopération et de l’accompagnement vis-à-vis des artistes ? Problème de la connaissance et de la reconnaissance de ces acteurs, mais aussi de leur viabilité et structuration.

Questionner la place ambiguë de la médiation Tous les acteurs considèrent la médiation avec les publics comme consubstantielle à leur métier, et déclarent s’y investir beaucoup. Ils rencontrent cependant un certain nombre de limites dans l’exercice de cette mission, à commencer par le retrait continu de l’Etat dans le financement de l’action culturelle, à contrario d’un discours ou de mesures qui laissent entendre le contraire, comme le dispositif « La culture pour chacun, pour tous et partagée ». Dans la réalité, les structures de création/production et de diffusion ont l’impression de devoir aller partout sans les moyens pour le faire, et notamment de porter seuls le poids de l’éducation artistique à l’école dans ce secteur. Elles attendent de la clarté sur leurs missions. Pour les équipes artistiques, ce problème s’ajoute à celui des annexes 8 et 10 de la convention UNEDIC limitant le nombre d’heures prises en compte dans le cadre de ces annexes spécifiques.

Conférence régionale du spectacle vivant

29


Réaffirmer un socle commun de valeurs et de principes d’actions Il paraît fondamental aux acteurs de partir d’un socle commun, d’un champ de valeurs partagées qui soit un repère structurant, pour travailler à la construction de nouvelles dynamiques en matière de politiques culturelle et artistique. -> La création comme valeur fondatrice : sa fragilité implique qu’elle soit accompagnée, avec pour principe d’action, des moyens pour créer et des outils pour favoriser la rencontre entre les œuvres et le public. -> La liberté sous de multiples aspects, avec pour principe les conditions concrètes de construction de ces libertés, le débat contradictoire, au coeur de l’expression démocratique. -> L’éducation de l’individu : ce qui sous-tend cette valeur, c’est l’idée que la personne humaine se construit, que l’individu peut s’émanciper, faire ses propres choix, devenir citoyen. Le principe d’action c’est la transmission des savoirs, l’éveil à la sensibilité artistique, tout en sachant que chaque personne est absolument libre de ses choix, et qu’il faut les respecter. -> Le consentement mutuel avec pour principe d’action des méthodes de construction des consensus, de négociation, de compromis visant à une construction commune des actions. -> La légitimité plurielle, valeur fondamentale dans un pays où l’on a tendance à penser que n’existent que les valeurs qui viennent d’en haut. Tous les acteurs sont légitimes. Pour que cette valeur devienne un principe d’action, il faut co-construire.

Ré-ouvrir le champ culturel et tracer de nouvelles perspectives politiques L’objectif de ce groupe d’acteurs n’était pas d’aboutir à tout prix à des préconisations mais plutôt de faire un état des lieux des problématiques à l’œuvre dans le secteur de la création/diffusion. Néanmoins, face aux nouvelles politiques de concentration et de recentralisation de l’Etat, il a paru important de rouvrir le champ culturel et de poser des perspectives politiques :

Repenser le champ culturel en termes de « bio-diversité culturelle » et d’« écosystème du spectacle vivant » Il faut aujourd’hui regarder la culture comme un champ global à part entière, multiplier les points de vue (croiser regard économique, regard social, regard du territoire et regard créatif) et les topologies, y compris celle des liens nourris par les uns et par les autres. La nature très diverse des structures, et la grande variété d’échelles et d’interconnexions entre celles-ci, rendent difficile la gestion de leur interdépendance. Comment en tenir compte et structurer cette biodiversité culturelle ? Comment repérer et tracer les frontières de ces différentes pratiques (représenter les acteurs, leurs échelles et travailler à leur mise en lien) ? Comment, cependant distinguer l’intérêt et la pertinence des réseaux (leur dynamique) et la qualité de ce qu’ils promeuvent (leurs fruits) ? Cela suppose que l’Etat et les collectivités adaptent leur logique à cette dynamique de réseau, intègrent cette pluralité de points de vue, d’approches et d’analyses, et entrent dans une dynamique de co-construction avec l’ensemble des acteurs.

30

Conférence régionale du spectacle vivant


Poser des perspectives politiques Cette dynamique doit nécessairement passer par la reconnaissance des territoires, la défense et l’appropriation collectives des idées de maillage et d’irrigation, pour le maintien d’un écosystème culturel et artistique, et par l’impulsion de nouvelles dynamiques pour préserver ou développer cet écosystème. Plus globalement, il faut oser réinterroger la complexité des dynamiques culturelles à l’échelle d’un territoire, et à toutes les autres échelles, interrégionale, nationale et internationale. Il est nécessaire que l’Etat s’implique dans cette nouvelle dynamique et réaffirme une politique avec les collectivités du champ culturel, reprenne son rôle régalien, d’arbitre qui veille à l’égalité d’accès à la culture du citoyen, et réaffirme la nécessité des trois valeurs de la République, liberté, égalité, fraternité.

Pour une mise en œuvre concertée : appropriation des problématiques, préconisations, actions Les participants à ce groupe de travail ne souhaitent pas aller plus avant dans le cadre de la Conférence régionale. Ils souhaitent que leurs préoccupations, rassemblées dans cette contribution, soient saisies et débattues dans les instances de concertations représentatives (COREPS ou instances syndicales) et débouchent au plus vite sur des actions concrètes.

Conférence régionale du spectacle vivant

31


32

Conférence régionale du spectacle vivant


Groupe « Politiques et financements publics » Ce groupe a pour objet la compréhension de l’organisation des politiques publiques et la répartition de leurs financements en région. Pour cela, il s’est appuyé sur la connaissance et l’analyse des dispositifs d’aide au spectacle vivant (et potentiellement au spectacle enregistré) des services culturels des principales collectivités. Animateur et coordinateur : Vincent Gatel et André Curmi Calendrier • Vendredi 18 juin 2010 de 9h30 à 12h30 à la DRAC • Vendredi 5 novembre 2010 de 9h à 13h à la DRAC • Jeudi 10 mars 2011 de 14h à 17h à la Mairie de Saintes

Participants ANSELIN Marianne, Le Nombril du Monde BARRE Sylvie, Ville de Saintes BLANC Pierre, DRAC BRUN Maud, Région Poitou-Charentes CURMI André, ARSV DESCHAMPS Guillaume, Ville d'Angoulême EHRMANN Frédérique, DRAC GATEL Vincent, SYNDÉAC GÉRARD Jocelyne, DRAC LOUSSOUARN Anne, PRMA(1)

MANGIN Philippe, COREPS PÉROUX Jean-Michel, Le Nombril du Monde ROGEON Lionel, SMA ROSSARD Aline, La Ligue ROTONDARO Isabelle, Ville de Saintes RUAULT France, Région Poitou-Charentes SOCCODATO Vincent, Abbaye aux Dames de Saintes VERRON Fernande, ARSV

(1) En janvier 2011, l’Etat annonce son retrait définitif d’ici à trois ans de l’une des cinq Scènes de musiques actuelles régionales. Le réseau PRMA y voit un arbitrage hâtif et contradictoire avec la démarche de concertation en cours et décide alors de suspendre sa participation à la Conférence régionale du spectacle vivant. Conférence régionale du spectacle vivant

33


Méthode de travail Ce groupe de travail reposait sur un travail d’étude et non sur une contribution par débat entre acteurs du secteur, qu’ils soient opérateurs, bénéficiaires ou décideurs. Son objet était d’améliorer la connaissance de l’organisation des politiques publiques et la répartition de leurs financements en région pour une meilleure articulation et une plus juste évaluation. Toutefois l’étude ne pouvait se produire sans la participation de ces différentes catégories, principalement à deux titres : • la validation de la méthodologie mise en œuvre ; • la construction d’échantillons pertinents de collectivités distributrices de ressources publiques et de bénéficiaires de ces dernières. Le groupe de travail a donc été mobilisé au préalable sur ces questions, et a donc été sollicité sur le suivi de la méthode et des extractions d’informations qu’elle permettait, soit collectivement, soit par rencontres avec tel ou tel niveau (DRAC, Région, Villes, Communauté d’agglomération, etc). Il s’est tenu trois rencontres qui ont rassemblé au total 18 participants, des techniciens des administrations publiques, des élus et des professionnels de la production ou de la diffusion du spectacle vivant, tous secteurs confondus. Des échanges et des entretiens individuels pour valider et vérifier des classements sont venus compléter ces moments de partage. Le travail d’interprétation se poursuit et s’enrichit par ailleurs d’une mise en perspective des données propres au secteur du spectacle vivant avec celles de l’ensemble des dépenses culturelles des collectivités et administrations publiques (Enquête interrégionale sur le financement public de la culture).

Échantillons de l’étude Collectivités DRAC Poitou-Charentes Région Poitou-Charentes Conseil Général de la Charente-Maritime Conseil Général de la Charente Grand Angoulême Ville de Poitiers Ville de Niort Ville de Saintes Communauté de communes du Val de Sèvres Pays Civraisien

Bénéficiaires Compagnie La Cavale (danse) Compagnie Carabosse (arts de la rue) Compagnie du Sablier (théâtre/arts de la rue) EMIL (école de musique intercommunale de la Villedieu du Clain) Orchestre Poitou-Charentes Le Nombril du Monde (centre culturel dédié à l’oralité, ayant un festival biennal) L’Abbaye aux Dames (centre de formation de création et de diffusion, ayant une activité de festival musical) Le Moulin du Roc, (scène nationale de Niort)

Nota bene Dans le contexte, ouvrant à débat, de réforme des collectivités territoriales, de réforme générale des politiques publiques (RGPP) et de mise en œuvre des critères de performance et de contrôle de la LOLF, (loi organique relative aux lois de finances), un certain nombre de bénéfi-

34

Conférence régionale du spectacle vivant


ciaires pressentis pour l’analyse ont marqué leur opposition à ce processus d’enquête, estimant que leurs situations, souvent difficiles, étaient suffisamment connues des pouvoirs publics. Aussi nous n’avons pu auditionner : West Rock (musiques actuelles), Le Théâtre de la Coupe d’Or (scène conventionnée de Rochefort), Les Matapeste (compagnie de clowns), La Fausse Compagnie (théâtre).

Dépenses des collectivités Le principe de collecter les données, à partir des comptes administratifs des collectivités ou des budgets opérationnels des administrations, a été adopté sur la présentation d’une nomenclature classant les dépenses par domaines, par bénéficiaires et par actions pour la part dédiée au spectacle vivant. Ces trois modes d’approche permettent une vision complexe et complète des objectifs des financements, de leurs modalités d’attribution et des usages qui en sont faits. L’échantillon rassemblait une dizaine de collectivités, État et Région compris, et déclinait la recherche jusqu’au niveau du Pays. A ce jour, tous les niveaux de collectivités ont été enquêtés pour l’exercice 2008, à l’exception du Pays, mais ce travail demeure dans nos perspectives. Les classements ont été opérés et les tableaux d’analyse travaillés une première fois en groupe élargi et à plusieurs reprises avec des interlocuteurs spécifiques (DRAC, Région, Ville…), le but étant de restreindre la marge d’erreur et de consolider la dimension interprétative. Il est utile de préciser deux particularités de ce premier travail d’enquête et de classement : -> La collecte initiale des dépenses des collectivités ne porte que sur l’exercice 2008, mais, le cadre étant construit, elle est dorénavant reproductible sur les exercices 2009 et 2010, ce qui demeure à compléter pour avoir une vision dynamique (dans l’échantillon, il y a par exemple une évolution notable à la hausse des engagements d’une ville de l’échantillon d’étude de 2008 à 2010 et une décroissance significative de l’intervention d’un Conseil Général). Ce modèle sera enquêté par la suite avec la récurrence dont la pertinence sera jugée la meilleure au vu des résultats ; -> Les investissements sont distingués du fonctionnement, mais n’offrent dans l’immédiat que peu d’intérêt, il conviendra donc de définir une méthode spécifique d’analyse pour en dégager les sens (échantillonnage, durée ?) ; -> L’identification des dépenses à partir de la fonction 3 « culture » des collectivités est un filtre de qualité. Dans les échanges que nous avons eu avec nos interlocuteurs, nous avons en effet pu mesurer par recoupement avec les techniciens et élus qu’elle permet d’approcher l’essentiel des engagements. Elle ne recouvre toutefois pas la totalité des « économies publiques » qui sont à l’œuvre dans le domaine du spectacle vivant. Par exemple, une dépense de sensibilisation dans le domaine scolaire qui peut représenter une contribution non mineure pour une compagnie de danse ou de théâtre ne sera pas toujours affectée dans cette fonction ; ou encore une subvention pour un événement « type Foire exposition » contiendra sans doute des dépenses pour une programmation de spectacles, mais elle sera alors engagée par ce bénéficiaire intermédiaire ; ou enfin, certaines collectivités peuvent engager sous la rubrique « communication » des dépenses contenant des interventions de spectacles importantes autour de l’animation de leur patrimoine.

Conférence régionale du spectacle vivant

35


La publication des montants d’intervention des seules collectivités de l’échantillon ne constitue pas l’enjeu principal de ce groupe de travail. En revanche, le fait d’avoir pu approfondir la recherche auprès des techniciens et/ou des élus référents a permis de valider l’approche par nomenclatures et domaines. Nous avons collecté pour l’année 2008 des informations chiffrées sur un ensemble bien plus vaste de près de cent collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) recouvrant plus des ¾ de la population picto-charentaise. Nous nous approchons ainsi pour cette année de référence d’une photographie de plus en plus précise de l’intervention globale des collectivités et administration sur notre territoire pour les dépenses de fonctionnement (voir tableaux pp.40-41). Le recollement se poursuit, mais la prise en compte des éléments chiffrés complémentaires ne devrait en principe pas modifier notablement les tendances observées.

Premiers éléments de repérage L’analyse des comptes reflète les dispositifs et les modes d’actions que les collectivités engagent et indique le plus souvent le niveau auquel elles sont placées, dans une comparabilité globale avec les éléments de connaissance dont nous disposions par grande masse au niveau national (Les dépenses culturelles des collectivités locales en 2006, Jean Cédric Delvainquière et Bruno Dietsch, DEPS). Nous avons désormais construit un outil de collecte et d’analyse qui permet de disposer à terme d’indicateurs pertinents sur les financements publics du spectacle vivant dans l’ensemble de notre région, aux conditions indispensables d’une contribution régulière des collectivités et de la permanence du dispositif d’observation (outil technique et ressources humaines). Rappelons en effet que la mise en œuvre a mobilisé une participation très volontariste des directions des affaires culturelles et financières des collectivités et un travail de « fourmi et de titan » des chargés d’études, recrutés ad hoc par l’Observatoire régional au sein de l’Agence régionale du spectacle vivant Poitou-Charentes. Des tendances sont désormais repérables, par mode de gouvernement (national, régional, départemental, communal…) et par strates de population. Tous les niveaux interviennent et le poids de leur intervention a tendance à croître de façon exponentielle avec l’importance des populations concernées. Toutes les collectivités prennent en compte le spectacle vivant dans leurs interventions culturelles, que ce soit par l’engagement direct pour la formation dans les établissements qui relèvent de leurs compétences ou par des subventions, ou pour aider à la création et à la diffusion, majoritairement par subvention et marginalement par engagement direct de dépenses (plus de précisions dans la lecture des légendes attachées aux tableaux). Globalement, l’année 2008 témoigne de l’intégration dans le comportement des collectivités des compétences qui leurs sont désormais dévolues par la loi, tout comme de l’usage de la clause de compétence générale qui permet à chaque collectivité territoriale d’intervenir librement dans des domaines de compétences non transférées par l’État. Il est important de souligner ce dernier point car, après avoir fait l’objet d’un débat et d’une orientation vers sa suppression sur proposition du Sénat, son maintien dans les domaines du sport, du tourisme et de la culture paraît désormais acquis.

36

Conférence régionale du spectacle vivant


Ainsi, le bloc formé par l’assemblage des villes centres de plus de 10 000 habitants et de leurs collectivités d’agglomération demeure le premier intervenant (environ 51%) au niveau des dépenses dites de « transfert », en l’occurrence les subventions, vers des institutions de formation, de diffusion, et des lieux de production disposant de leurs outils propres, le plus souvent sur un mode conventionnel ou contractuel. Il est suivi par la Région et l’État qui interviennent désormais sensiblement à équivalence en termes de poids de leurs dépenses globales (18% et 20%) et de champs recouverts (avec des distorsions significatives), mais le nombre de bénéficiaires auxquels s’adressent leurs financements est au moins deux fois plus important pour la Région (de 163 pour l’Etat, 361 environ pour la Région). Enfin les départements accompagnent l’ensemble des actions auprès des lieux d’implantation (11%), souvent avec la ville et/ou la collectivité d’agglomération et favorisent d’abord les développements ruraux (petites communes, événements, collèges, équipes artistiques) en démultipliant considérablement le nombre de leurs bénéficiaires (plus de deux fois plus que les villes qui viennent en second rang).

Dépenses de fonctionnement pour le spectacle vivant Parts respectives des niveaux de collectivités

Communes 29%

Etat 20%

Région 18% Communauté de communes et d’agglomération 22%

Départements 11%

Bénéficiaires des financements publics Les bénéficiaires de financements publics ont été enquêtés à la fois sur le mode qualitatif (entretien de type sociologique) et sur le mode quantitatif (rapports d’activités, bilans et comptes de résultats des années 2008/2009/2010).

Qualitatif La recherche qualitative s’attachait, dans le cadre d’un entretien non-directif, à entendre le bénéficiaire, directeur (trice) de la structure, coordinateur (trice) ou administrateur (trice), artiste ou encore président(e), dans le but de connaître la définition de son action en termes de structuration juridique et administrative, d’activités, et de ressources. -> Structure juridique et administrative champ d’action – forme juridique – année de création – budget des années 2008, 2009, 2010 et tendances – licences d’entrepreneurs (détention et rôle) – direction ou gouvernance (nature et genre) – emplois et bénévolat. -> Activités Diversité et temps consacré aux différentes tâches – territoire d’existence, siège, rayonnement – autonomie et dépendance dans le choix des activités (injonction, recommandation, suggestion) – contraintes réglementaires. -> Ressources Aides publiques, niveaux de gouvernement, sociétés civiles (part dans la structure budgétaire) – modes d’attribution, fonctionnement, projet, convention – mutualisation et accompagnement

Conférence régionale du spectacle vivant

37


– ressources propres (ventes, recettes de billetterie, mécénat, bénévolat) – aire économique d’existence (publics, aire de diffusion, de partenariat, etc.). Les entretiens ont été réalisés sur le site de travail ou au siège social, à l’exception d’une compagnie ne disposant pas de lieu spécifique.

Quantitatif La recherche quantitative s’appuyait pour partie sur l’analyse des bilans et comptes de résultats sous l’angle des soldes intermédiaires de gestion(1). Le solde intermédiaire de gestion présente en effet l’avantage d’être un outil de lecture synthétique et critique des comptes de résultats et des bilans pour identifier les marges de manœuvre ou les difficultés d’une activité. La méthode se révèle particulièrement précieuse pour établir des comparaisons ou des tendances. L’autofinancement est alors la capacité de la structure à dégager une ressource propre. Il se calcule à partir du résultat net comptable, en ajoutant dotations aux amortissements et provision et en retirant les subventions inscrites au résultat et la reprise sur provision. L’essentiel dans ce mode de calcul réside dans le fait que la subvention publique est intégrée dans la valeur ajoutée (ce qui est peu commun dans le modèle économique privé). L’économiste Dominique Sagot-Duvauroux identifie en effet la subvention publique comme un versement de la collectivité auprès d’un organisme dans le cadre d’une mission d’intérêt général. C’est également un indicateur pour « l’échelle de notoriété » de la structure, à attacher aux modèles économiques du : • monopsone (un demandeur pour beaucoup d’offreurs) ; • monopole (un seul offreur pour plusieurs demandeurs).

Premiers éléments de repérage

(1) Il nous faut souligner ici l’apport de Vincent Gatel qui était l’animateur initial de ce groupe de travail.

Les structures auditionnées relèvent d’une typologie diversifiée qui montre bien la multiplicité des formes d’intervention de la puissance publique et les niveaux et les formes selon lesquelles elles s’associent, ou non, pour « déléguer une mission de service public ». Par exemple, nous avons auditionné un établissement qui bénéficie d’une convention quadripartite pluriannuelle pour son financement public, allant de l’échelon local au national, et auquel se conjuguent des financements européens sur objectifs précis. A l’inverse, nous avons aussi entendu des témoignages qui montrent que l’activité dépend d’une négociation renouvelée chaque année et dont les contributeurs varient en fonction des projets. Les économies budgétaires des bénéficiaires de l’échantillon s’étalaient du niveau le plus bas atteignant environ 30 000 euros, au plus haut, dépassant les 2 000 000 ! On retrouve dans cet étagement les variations du monopole au monopsone (des compagnies aux établissements dits du 1er cercle). On retrouve aussi l’expression d’activités faisant l’objet d’une politique publique multi-niveaux qui, même si elle n’est toujours pas encadrée par des textes réglementaires, fait désormais l’objet d’accords tacites entre les collectivités et administration publiques, parfois – mais pas toujours – appuyés sur des conventions ou contrats d’objectifs ; comme on retrouve des actions essentiellement engagées par des collectivités d’immédiate proximité et qui ne bénéficient que très marginalement de financements de niveaux plus éloignés. Néanmoins les bénéficiaires manifestent des tendances communes qui sont à souligner.

38

Conférence régionale du spectacle vivant


Toutes les actions s’adressent, d’une façon ou d’une autre, aux publics ou populations de proximité de leur aire d’existence, siège social, outils de production ou de diffusion. Ce qu’il faut entendre à travers ce constat, c’est qu’il existe toujours – du moins dans notre échantillon – une relation qualitative, économique et sociale à l’environnement dans lequel s’est implantée l’initiative portée par le bénéficiaire d’un financement public. Cela figure parfois dans l’objet même du cahier des charges (scène nationale, ou école intercommunale de musique par exemple), mais même lorsque cela ne constitue pas le premier objet du financement (compagnies de création, danse, théâtre, arts de la rue, par exemple) aucun projet ne se développe sans cette attention portée à la proximité ou par la proximité. Tous les bénéficiaires ont pour ambition d’allier le « local », au « national », voire à « l’international », y compris pour ceux dont le champ d’action ou la genèse même sembleraient les contraindre ou les réduire au seul espace de référence principal (intercommunal, départemental, régional…). Cette dimension est éminemment variable, mais elle est symboliquement indispensable aujourd’hui, quand bien même elle ne constitue pas une ressource économique non négligeable pour certains acteurs (arts de la rue, formation européenne, etc,). Tous les bénéficiaires ont des capacités de mutualisation de leurs expériences, mais la mise en œuvre en est rarement opérée. Et plus globalement les questions des réseaux et de leur fluidité, de l’absence de porosité entre les échelons d’action (1er, 2ème, 3ème cercle…), voire des mécanismes de concurrence non avoués ou de compétition pour une ressource qui se raréfie, en empêchent une mise en œuvre efficace. On se reportera très utilement à l’analyse opérée par le groupe de travail « Structuration artistique et culturelle ; missions, structures, réseaux » et ses préconisations pour de plus amples développements. La transversalité des champs d’action dans lesquels s’exerce l’activité de toutes les structures répond certes à une diversification des financements qui ne sont pas seulement contenus dans le cadre des politiques sectorielles de la culture, mais qui font intervenir des champs relevant de l’aide au développement économique comme à celui des politiques éducatives ou sociales. Mais elle exprime aussi une volonté de certaines initiatives de ne pas s’inscrire d’emblée dans un secteur vertical mais de considérer la culture et a fortiori le spectacle vivant comme un élément du « vivre ensemble ». Enfin, la dimension de l’économie sociale et solidaire demeure très vivante à certains échelons, sans être l’apanage d’une typologie particulière. Elle s’exprime par l’importance de l’engagement bénévole qui représente parfois un apport économique non numéraire non négligeable. Elle a par contre souvent disparu à certains niveaux de gestion d’institutions dont le support juridique demeure l’association réduite à la seule expression du contrôle de gestion.

Conférence régionale du spectacle vivant

39


Nombre de « Bénéficiaires spectacle vivant »

40

Conférence régionale du spectacle vivant


DĂŠpenses culturelles en faveur du spectacle vivant (dĂŠpenses de fonctionnement)


42

Conférence régionale du spectacle vivant


Synthèse générale Au préalable, il nous faut saluer la qualité du travail réalisé par chacun des groupes, dont la richesse et la profondeur ne peuvent être pleinement appréciées qu’au travers de la lecture des rapports complets(1). Cette synthèse ne donne qu’un modeste aperçu de cette complexité, et se veut plutôt un prolongement des réflexions de ces groupes.

Un contexte de crise La première impression qui se dégage de tous ces rapports, et cela ne surprendra personne, est celle de l’expression d’un malaise. Malaise du monde de la culture qui, pourtant, aux dires de certains, est loin d’être aussi profond que celui du monde qui nous entoure mais dont il est l’une des expressions. Néanmoins, chacun témoigne d’abord de cette sensation de vivre une « crise ». Et chaque groupe a tenté d’en analyser les éléments, que l’on pourrait regrouper ainsi :

-> Crise économique et sociale : chacun en fait mention sans l’analyser pleinement, tant elle semble évidente ; dans le domaine du spectacle vivant, où l’intervention publique est prédominante, elle est autant le fruit des modifications des politiques culturelles ou sociales que du contexte global, même si ce contexte économique modifie certains équilibres fragiles (menaces sur le régime de l’intermittence, diminution des ressources propres en raison de la paupérisation d’une partie du public…). -> Crise politique : recomposition des politiques culturelles de l’Etat (changement du rôle du ministère de la Culture, interrogations sur le concept de démocratisation, régression du soutien à l’éducation populaire, contradiction entre les discours sur l’éducation artistique et les réalités vécues sur le terrain) et des collectivités locales (réforme territoriale en cours, sur fond de diminution de leur autonomie et de leurs ressources budgétaires, recours excessif à un système concurrentiel par appel d’offres). -> Crise civique : individualisation croissante de la société, menaces sur le pacte républicain. -> Crise des représentations : confusion entre culture et divertissement, place prégnante des industries culturelles. A cette crise multiforme (qui additionne surtout des régressions), s’ajoutent des modifications liées à l’évolution de la société (qui, quant à elles, pourraient être vécues positivement) : • mutations technologiques : développement des technologies de la communication, place croissante prise par les « quatre écrans » dans la vie quotidienne, influence en termes de création, d’apprentissage ou de transmission ; • mutations esthétiques : développement de nouvelles disciplines (arts de la rue, musiques et danses actuelles et cultures émergentes), parfois nées des nouvelles technologies (multimédia par exemple), ou de nouveaux lieux d’expression (« nouveaux territoires de l’art ») ; • mutations sociales : autonomisation du public (principalement en raison des mutations technologiques), modification des comportements des populations.

Enseignements artistiques et compétences régionales - Actes des journées d’études de Poitiers

(1) Les comptes-rendus sont disponibles sur le site : arsv.fr/groupes-de-travail.html

43


Les conséquences de ces crises et mutations ont elles aussi été listées : • précarisation des acteurs (en particulier des artistes, premier maillon et première cible de la chaîne) et des structures ; • problèmes de légitimité et de (re)connaissance pour tous, amateurs ou professionnels, individus ou structures ; • interrogations sur les identités professionnelles ; • problèmes d’égalité, qu’elle soit individuelle (entre acteurs), collective (entre structures) ou territoriale. Comme en illustration de ces problèmes, chaque secteur (ayant fait l’objet d’un groupe de travail) se juge ainsi mal connu et mal reconnu, voire oublié, et souhaiterait être priorisé. C’est montrer combien, sournoisement, cette crise engendre un esprit de concurrence/compétition, que ce soit entre les secteurs, mais aussi entre artistes, structures ou territoires. Il n’est pas surprenant que, dans un tel contexte, les frustrations se focalisent sur le rôle de l’Etat. Dans une période où les incertitudes s’accumulent, on se tourne vers l’institution qui en était l’habituel « réducteur » (pour reprendre une formule d’Emmanuel Négrier). Or, non seulement l’Etat ne réduit plus les incertitudes, ni les inégalités, mais il en rajoute lui-même. Nombreux ont ainsi été ceux qui ont pointé tous les « flottements » ou les décisions erratiques du ministère de la Culture ces dernières années. Deux exemples parmi d’autres pourraient être cités : le domaine des enseignements artistiques, sept ans après la loi de 2004, attend toujours une organisation cohérente sur l’ensemble du territoire national ; plus globalement, les textes ministériels sur le soutien au spectacle vivant sont en contradiction totale avec les moyens accordés aux acteurs de terrain (en particulier en matière d’action culturelle et d’éducation populaire). En conséquence, l’acrimonie envers le ministère de la Culture se fait croissante. En témoigne la mauvaise humeur exprimée par nombre d’acteurs de la région lors des réunions organisées dans le cadre de cette Conférence, allant jusqu’au refus de participer ou de répondre à nos sollicitations. Dans ce contexte d’incertitudes, il était important d’essayer de trouver des points de stabilité. Dans un domaine où le symbolique prend la première place, où les signes sont porteurs du sens, la clarification sémantique est ainsi apparue nécessaire à tous. Chaque groupe a fait un effort notable pour donner des définitions communes aux mots-valises souvent employés dans notre monde : fonctions et domaines de l’enseignement artistique, typologie des acteurs et des fonctions pour ce qui concerne les structures de création et diffusion, approches des diverses acceptions de la médiation, voilà les premières bases de ce glossaire du spectacle vivant que chacun appelle de ses vœux. Pour en terminer avec les éléments de contexte, et pour y apporter une note un peu plus positive, la plupart des groupes ont pointé une spécificité régionale : Poitou-Charentes semble être une région privilégiée, sans que les raisons de cette particularité aient été clairement explicitées (sauf dans le secteur des enseignements artistiques). Est-ce en raison de la politique de la Région elle-même (qui multiplie ses interventions et touche un grand nombre de bénéficiaires, nous a précisé le groupe sur les financements publics) ? Voire de celle d’une DRAC qui reste un acteur, un animateur et un financeur déterminants dans cette région ? Est-ce en raison d’une tradition de coopération, malgré les menaces du temps présent ? D’un maillage d’acteurs et de réseaux sans équivalent ? Et de l’action d’outils de concertation comme le COREPS ou l’Agence régionale du spectacle vivant ? Sans doute un peu pour toutes ces raisons. Reste néanmoins

44

Conférence régionale du spectacle vivant


que cette spécificité est sans doute bien précaire, et que la fragilisation d’un seul de ces éléments pourrait conduire à faire s’écrouler l’ensemble…

Des problématiques partagées Avant de s’engager dans ce chapitre, un mot sur la méthode de travail proposée lors de la mise en place de cette Conférence. Le choix d’une organisation des groupes en fonction de secteurs transversaux avait été fait. Certains ont critiqué cette sectorisation, qui leur est apparue excessive, ne concourant pas à une vision globale du domaine. Comme dans tout système complexe, il est pourtant nécessaire de séparer pour mieux comprendre, et pour mieux connecter ensuite. Au bout du compte, des problématiques communes se sont dégagées, des questions transversales ont émergé, que nous allons essayer de synthétiser dans ce chapitre.

Quelle attitude face à la crise ? Nous l’avons longuement développé dans le chapitre précédent, le contexte de crise a marqué tous les esprits. Crise aux formes complexes, nous l’avons vu, faite de régressions et de mutations. Mais derrière ce mot de crise, il faut aussi entendre évolution, tension, recomposition. Il peut être compris comme expression d’un mouvement duquel il ne faut pas s’abstraire, qui peut porter une dynamique. Quelles réponses apporter, face à ces transformations ? Elles peuvent être de plusieurs ordres : -> De l’ordre de la résistance : au modèle économique occidental basé sur la concurrence et la compétition ; à l’individualisation et aux inégalités croissantes… -> De l’ordre de l’adaptation : aux mutations technologiques et esthétiques, à l’évolution des publics… -> De l’ordre de l’invention, voire de la revendication (se reporter au chapitre suivant, traitant des préconisations) : invention de nouveaux modèles économiques, basés sur les principes de l’économie sociale et solidaire, rédaction de chartes de valeurs ou de bonnes pratiques…

Des politiques artistiques peu analysées Bien souvent, dans l’analyse des politiques publiques du domaine culturel, se crée une confusion entre les politiques artistiques et les politiques culturelles. Sont dénommées politiques artistiques celles qui concourent à développer la création artistique, et qui visent donc principalement à permettre le travail des artistes eux-mêmes. Curieusement, ces questions ont été peu explorées (bien qu’ait été rappelée en de maintes occasions la place centrale de la création dans la chaîne artistique et culturelle). Ont néanmoins émergé (entre autres) les questions suivantes : -> Comment résoudre le déséquilibre entre l’offre artistique et la demande de diffusion ?

-> Comment structurer les modes d’accompagnement des équipes artistiques en fonction de leur parcours (émergence, maturité, long terme, interactions générationnelles) ? -> Comment permettre le développement des nouvelles esthétiques ?

Des politiques culturelles en question Si l’objectif final de toute action culturelle reste, ainsi que nous l’a rappelé Valérie de St-Do, lors d’un de nos précédents congrès, la « rencontre d’une population et d’un geste artistique », le but de toute politique culturelle est donc bien d’organiser (ou de créer les conditions de) cette rencontre. Ce vaste objectif a généré de nombreux questionnements, qu’ils concernent son organisation (financements, institutions, réseaux) ou ses modalités (médiation, éducation artistique). Conférence régionale du spectacle vivant

45


-> Financements Derrière les réalités financières, décortiquées au sein du groupe de travail ad hoc, se profilent des modèles économiques, dont nous avons souligné combien ils posaient de problèmes. Comment se démarquer d’une logique de fabrication de « produits culturels » auquel nous conduit le modèle dominant ? Quelles relations installer entre public et privé ? -> Institutions Si la plupart des acteurs ont pris acte des nécessités d’évolution du système institutionnel actuel, ils sont en manque de repères clairs et de règles du jeu communes : quels conventionnements (des structures, des équipes artistiques et/ou entre elles) en adéquation avec cette exigence ? Quelle relation entre ces institutions et leur environnement ? Quelle organisation territoriale à l’échelle de la région ? -> Réseaux Dans un domaine en demande permanente de lien et de décloisonnement, quelle place pour les réseaux et acteurs de la coopération et du développement ? Comment viabiliser et structurer chacune des catégories d’acteurs (réseaux et acteurs de la coopération et de l’accompagnement) pour les reconnaître comme des éléments essentiels à la structuration de la profession ? Et pour les collectivités, comment s’adapter à cette dynamique ? -> Médiation et éducation artistique La question des médiations a généré de nombreux débats au sein de chaque groupe de travail, et pas seulement au sein du groupe dont c’était la thématique première, tant cette question est prégnante en matière de politique culturelle. Il a même été affirmé, par le groupe de travail « médiations », qu’elle constituait bien souvent le marqueur d’une réelle politique culturelle. Car si la médiation est l’affaire de tous, elle doit être financée en tant que telle, ce qui est loin d’être le cas pour de nombreuses structures (qui considèrent pourtant la médiation comme consubstantielle à leur mission), en mal de financements pour leur travail d’action culturelle ou d’éducation artistique. Restent de nombreuses questions en débat, qui nourriront encore nombre de rapports ! Quelle place pour l’artiste dans un processus de médiation ? Peut-il être lui-même le médiateur de son propre travail ? Quelle différence de nature entre médiation et éducation artistique ? Si la médiation est accompagnement de la création, rencontre du geste artistique (et suppose donc que l’acte artistique possède sa singularité, et ses acteurs spécifiques), l’éducation ne vise-telle pas à permettre d’apprivoiser le geste artistique, de devenir créateur (et suppose donc que chacun est artiste potentiel) ? Quel est l’objectif prioritaire : élargissement des publics ou développement d’une citoyenneté artistique et culturelle ? Démocratisation ou démocratie culturelle ?

Des territoires en recomposition La question des territoires fut, elle aussi, transverse à l’ensemble des groupes. Territoires géographiques, mais aussi métaphoriques (esthétiques, genres, structures). C’est que, d’une part, la place croissante prise par les collectivités territoriales dans le financement des politiques culturelles a conduit à une territorialisation inéluctable. Et que, d’autre part, la plupart des acteurs artistiques et culturels fondent leur travail sur une relation privilégiée avec leur environnement immédiat, quand bien même cette relation n’entre pas dans leurs missions premières (cf analyse du groupe « Financements »). Mais, au regard d’une politique artistique et culturelle « républicaine », cette territorialisation

46

Conférence régionale du spectacle vivant


peut conduire à de grandes inégalités. Quels outils se donne-t-on pour maintenir un réel aménagement du territoire ? Par ailleurs, comme pour faire pendant à ce souhait assez unanime d’ancrage territorial, s’exprime aussi unanimement une volonté de décloisonnement (des lieux, mais aussi des genres, des publics, des structures) et de transversalité. Est-ce si paradoxal ? Faut-il rappeler les mots de la poétesse Anaïs Nin : « C’est au plus profond de son puits que l’on trouve la grande nappe universelle » ? C’est dans l’approfondissement de son territoire, de son identité, que l’on peut trouver les éléments du dialogue avec l’autre. Les frontières d’un territoire, qui doivent être franchies pour aller vers d’autres territoires, ne sont pas forcément à la marge…

Des pistes pour les chemins futurs Au chapitre des préconisations, les propositions de chacun des groupes sont très diverses. Les regrouper relève d’un exercice d’inventaire à la Prévert. Nous avons néanmoins tenté cet exercice en partant des verbes les plus fréquemment utilisés.

Conforter/améliorer -> La connaissance de la réalité. L’enjeu de la connaissance est apparu majeur aux yeux de tous. Les travaux de l’Observatoire régional du spectacle vivant, et ceux de cette Conférence vont y contribuer notablement. Mais ils devront être poursuivis, voire renforcés ; l’Observatoire continuera à être mis à contribution. Notons les principales propositions : • sur le plan de la méthode : l’identification (des rôles, fonctions, missions, etc.) est préalable (séparer, identifier pour mieux comprendre, et pour ensuite mieux connecter, mieux lier, mieux articuler, nous a enseigné le « professeur » Adam). Et la clarification sémantique est nécessaire : chacun, nous l’avons déjà souligné, y a apporté sa part : il conviendra maintenant de poursuivre ce travail et ainsi formaliser ce glossaire du spectacle vivant que chacun appelle de ses vœux ; • en matière de chantiers à entreprendre : méthodologie de la médiation (déjà en germe dans le compte-rendu du groupe spécifique), cartographie des lieux et ressources du spectacle vivant, et de leurs articulations (déjà dans les cartons de l’Observatoire) , inventaire des « bonnes pratiques » (vaste programme !) ; • en matière de nouvelles études : les bases d’une étude sur les publics/populations ont été proposées lors d’une séance du groupe « Médiations ». -> La formation et la qualification des professionnels (en particulier des cadres) reste un enjeu déterminant, principalement dans les domaines de l’enseignement et de l’éducation artistiques. Deux propositions spécifiques : • formations face aux mutations technologiques, sociales (accueil de nouveaux publics) ou pédagogiques (accompagnement de projets) ; • formation d’artistes/médiateurs dans le domaine de l’éducation artistique (dans la lignée des formations de Dumistes).

Articuler/coopérer/mutualiser (lier/décloisonner) Cette demande d’une meilleure articulation est revenue à de nombreuses reprises dans les comptes-rendus des groupes de travail. Nous l’avons déjà signalé, elle passe d’abord par une identification des articulations existantes (cf paragraphe ci-dessus) dans tous les domaines (au

Conférence régionale du spectacle vivant

47


sein de chaque secteur, entre secteurs, lieux, politiques…), et une mise à jour des partenariats et complémentarités entre structures (ce qui relève de la cartographie déjà citée). Et l’expression de cette meilleure articulation, prenant appui sur l’existant, revêt de multiples formes : mieux articuler les différentes fonctions, mieux lier production et diffusion, consolider les réseaux et structures d’accompagnement, développer les coopérations et les porosités, tisser des liens entre acteurs et territoires. Il nous semble qu’il conviendrait de graduer ces demandes de liens, afin de mieux les identifier et les organiser : l’articulation est fonctionnelle, la coopération demande une volonté de solidarité, la mutualisation (peu exprimée, au bout du compte) exige encore plus d’engagement.

Evoluer/inventer Nous l’avons déjà mentionné : les mutations en cours ne sont pas que négatives, et elles demandent à faire preuve d’adaptabilité ou d’invention. Peuvent être mentionnées en ce sens les propositions suivantes : • privilégier les formations visant à faire face aux mutations (déjà cité plus haut) ; • intégrer les nouvelles esthétiques et nouvelles pratiques dans les projets d’établissement ; • repenser les contenus et l’organisation pédagogique (dans les domaines de l’enseignement et de l’éducation artistiques) ; • inventer de nouveaux espaces de coopération entre équipes artistiques, institutions et réseaux ; • imaginer de nouveaux modèles économiques, inspirés des modèles de l’économie sociale et solidaire.

Réguler/aménager Face aux inégalités croissantes (déjà décrites), de tous ordres (sociales, géographiques, culturelles, esthétiques…), une forte demande de régulation s’est exprimée. Elle peut prendre diverses formes : • lutter contre les déséquilibres, structurels (entre l’offre artistique et la demande) ou géographiques (entre villes/centres et quartiers ou milieu rural, par exemple) ; • réguler les rapports public/privé (en matière économique, particulièrement) ou la relation Etat/collectivités ; • aménager une organisation équilibrée du(des) territoire(s), demandant une vision large (un schéma régional serait nécessaire dans tous les domaines), intégrant le projet culturel dans un projet de développement global.

Revendiquer Est-ce parce que le domaine de la culture est contestataire par nature ? Il semble qu’en filigrane de tous les travaux, s’est manifestée une volonté de ne pas se laisser aller à la résignation, quelles que soient les difficultés auxquelles les acteurs sont confrontés. Ils tentent de résister (aux régressions) et de revendiquer. A cette volonté revendicatrice, peut se rattacher : • la réaffirmation d’un socle commun de valeurs et de principes d’actions, proposés par le groupe « Structuration artistique et culturelle ». Rappelons que c’était aussi l’une des conclusions des travaux que nous avions menés sur le « 3ème cercle » : ces valeurs (proches de celles des militants de l’éducation populaire) témoignent d’une réelle volonté d’inscrire l’action culturelle dans un objectif de transformation sociale, disions-nous alors… ; • l’inscription du domaine culturel dans un autre conception de l’économie : ont ainsi été

48

Conférence régionale du spectacle vivant


demandés d’autres indicateurs pour mesurer les effets des politiques culturelles (demande que nous pourrions rapprocher des recherches de nombreux économistes sur de nouveaux critères en matière de PNB ou de développement humain) ; et plus spécifiquement, a été souhaité un régime de l’intermittence prenant en compte les temps de création et permettant la pluriactivité artistique ; ou l’intégration des temps de conception et d’expérimentation dans les budgets de production ; • la demande politique : tous les acteurs sont orphelins d’une politique culturelle nationale ambitieuse. Plus particulièrement, cette revendication s’est exprimée fortement dans deux domaines : le financement de « l’entre-deux » (entre social et culturel), lieu crucial de la médiation ; et la demande, tant de fois réitérée, d’une vraie politique d’éducation artistique.

Conclusion En conclusion de ce rapport, qu’il me soit permis d’apporter une note personnelle. Les travaux réalisés par les groupes de travail de cette Conférence (en une année seulement) sont de grande qualité, et vont au-delà de ce que nous pouvions espérer. Sans doute n’est-ce pas un hasard. Voilà déjà plusieurs années qu’en cette région, s’est développée une pratique de la concertation, du dialogue, parfois de la confrontation (d’idées), au bout du compte d’une réelle mise en partage des questions touchant à l’organisation du domaine du spectacle vivant. Est-ce le signe de la réalité de cette « démocratie culturelle » que nous appelions de nos vœux en introduction ? En tous cas, de l’un de ses éléments, qui est de permettre une appropriation des enjeux culturels par l’ensemble de ses acteurs. Au-delà de cette appropriation, cette exigence démocratique repose, à mon sens, sur trois piliers. -> Premier pilier, celui de la démocratisation : trop souvent mis en opposition avec la finalité qu’est la démocratie culturelle, c’en est au contraire l’une de ses composantes. La culture est d’abord rencontre : avec l’autre, avec l’art, avec l’œuvre… Créer les conditions de cette rencontre pour le plus grand nombre reste l’objectif premier d’une politique culturelle publique. -> Deuxième pilier, celui de la participation des acteurs à la décision publique les concernant. Vous êtes nombreux à revendiquer cette co-construction des politiques publiques qui est sans doute la marque des sociétés les plus avancées. Mais comment organiser la rencontre entre les initiatives artistiques et culturelles et la décision publique ? Si chacun des acteurs de cette mise en œuvre a sa propre légitimité, il reste nécessaire d’organiser les espaces et les ingéniéries de cette rencontre. -> Troisième pilier, celui du développement d’une réelle « citoyenneté culturelle » : à la fois moyen et finalité d’une démocratie culturelle, le rôle actif du citoyen est l’objectif final. En ce sens, la valorisation de l’identité culturelle de chacun reste un préalable (au sens où le développe la Convention UNESCO pour la diversité culturelle). Car il importe de redonner à chacun sa dignité culturelle, pour le mettre en situation de pouvoir dialoguer avec l’autre. Mais cette valorisation des identités ne doit pas rester un but en soi, sous peine de conduire à l’enfermement. Elle doit se concevoir comme un processus permanent, une mise en chemin, en mouvement, et elle doit être régénérée par la mise en relation avec la culture de l’autre. C’est à cette condition que chacun pourra devenir acteur dans sa cité, ouvert au monde. Jany Rouger

Conférence régionale du spectacle vivant

49


50

Conférence régionale du spectacle vivant


Vingt notions et chiffres-clés du spectacle vivant en Poitou-Charentes Précautions de lecture Tenter la synthèse panoramique d’un paysage en mouvement à travers l’extraction de vingt notions et chiffres-clés est le pari risqué de cette insertion par l’Observatoire dans le compterendu des travaux de la Conférence régionale. Nous en avons exercé les choix dans un va-et-vient avec les animateurs et coordinateurs des groupes de travail. Les données chiffrées sont à manier avec précaution, elles ne figurent pas à titre de valeur absolue, mais comme indicateurs de tendances. Certains travaux se poursuivent et se prolongent qui apporteront les précisions nécessaires dans un proche avenir. Par ailleurs, nous conseillons au lecteur, qui souhaiterait approfondir son approche des notions et données contextuelles sur le spectacle vivant en Poitou-Charentes, de se référer aux travaux de l’observatoire de l’Agence régionale du spectacle vivant téléchargeables sur : arsv.fr/observatoire

Conférence régionale du spectacle vivant

51


Établissements, emploi et activités dans le spectacle vivant Initiatives polymorphes et diversité des porteurs de projets caractérisent le spectacle vivant. Mesurer l’importance du secteur en région signifie donc multiplier les approches. Ci-après, vous trouverez un aperçu de cette diversité, de sa dynamique et également des fragilités du secteur à travers une lecture des établissements, de l’emploi et des activités(1).

Diversité d’établissements et de porteurs de projets(2) En 2008, près de 750 établissements déclarent une activité principale dans le spectacle vivant (créateurs, producteurs et organisateurs de spectacles, gestionnaires de salles). Près de la moitié d’entre eux emploie des salariés intermittents(3) (CDD d’usage) et/ou permanents (CDI et CDD de droit commun). Caractérisé par de toutes petites entreprises, le spectacle vivant en région compte 16 établissements de plus de 10 salariés et 80% d’associations. Egalement, 3 550 établissements, dont l’activité principale n’est pas le spectacle, ont recours à l’emploi en CDD d’usage, pour porter ou diffuser des projets artistiques et culturels. Les activités associatives (hors spectacle), les particuliers et le secteur de la restauration et de l’hébergement représentent les deux tiers de ces employeurs.

Baisse de régime pour l’emploi ? (1) Pour des analyses détaillées, se reporter aux tableaux de bord élaborés en lien avec l’Accord-cadre des métiers du spectacle. (2) Sources : INSEE CLAP, GUSO, AFDAS. (3) Le rythme particulier d’emploi des artistes et techniciens du spectacle leur confère un régime spécifique et une embauche par les employeurs sous contrat dit à durée déterminée d’usage, contrat ne répondant pas aux mêmes règles que le CDD « traditionnel ». Pour prendre en compte ces rythmes discontinus, les artistes et les techniciens du spectacle relèvent donc des annexes 8 et 10 de l’assurance-chômage. (4) Sources : INSEE DADS, Pôle emploi, Centre de recouvrement, CNFPT. (5) Intermittent indemnisé : ce terme englobe les salariés ouvrant des droits à l’assurance chômage des annexes 8 (techniciens) et 10 (artistes).

52

En croisant nos sources de données et par extrapolation, 8 000 salariés dans le spectacle sont actifs en Poitou-Charentes en 2008(4). Le schéma ci-contre indique la diversité des formes d’emploi des artistes, techniciens, enseignants et administrateurs. L’emploi permanent progresse ces dernières années mais nous constatons, à partir de 2008, un fléchissement des volumes d’activités pour les salariés en CDD d’usage (heures effectuées, nombre de déclarations), tendance confirmée en 2009.

Une lecture de l'emploi dans le spectacle vivant (2008)

Salariés du régime général (CDI,CDD) 1 420

Salariés en CDD d'usage 5 390

735

1 450 Salariés intermittents indemnisés(5)

Salariés de la fonction publique territoriale

Pluri-compétence et économie mixte Différentes fonctions se croisent au sein des établissements du spectacle vivant (création, production, diffusion, médiation, formation) et nécessitent une lecture simultanée pour comprendre les interactions de l’activité principale avec les autres dimensions indispensables à la réussite du projet. Cela se traduit également dans le recours, pour la plupart des établissements, à une économie mixte alliant des ressources propres (recettes de billetteries, ventes, adhésions,…) aux contributions directes ou indirectes d’une ou plusieurs collectivités territoriales, par exemple, lorsqu’une mission relève de l’intérêt général (subvention, mise à disposition). Le bénévolat constitue également un processus de mixité. Au-delà de l’appui et de l’implication que cela représente, c’est un enjeu réel dans le pilotage et le partage des projets entre salariés et bénévoles. Conférence régionale du spectacle vivant


Pour une valorisation de « l’utilité sociale » des structures artistiques et culturelles Les structures artistiques et culturelles sont porteuses de sens et leurs activités impactent les dimensions sociales, écologiques, politiques d’un territoire, au-delà des résultats économiques des services proposés (chiffre d’affaires, emplois). Quelles méthodes peut-on utiliser pour qualifier ou mesurer ces dimensions au sein des organisations? C’est ce défi qu’il est important de relever en s’imprégnant de concepts tels que l’« utilité sociale », le « capital social »(6) et des réflexions en cours sur les indicateurs alternatifs de richesse. Principes qui n’aboutiront et ne prendront sens que s’ils sont réinvestis, définis puis portés par les protagonistes, leurs partenaires et leurs destinataires.

Pratiques et enseignements artistiques De la pratique à l’orientation professionnelle En Poitou-Charentes, 560 structures proposent une offre de formation pour l’apprentissage ou l’enseignement de la musique, de la danse, du théâtre et du cirque sous la forme d’ateliers, de cours divers ou de cursus structurés. Une très large majorité de ces dernières relève d’initiatives privées (95% sont des associations ou organismes à but lucratif). Une enquête portée par la CREFA(7) en 2009 identifie près de 180 établissements dans le champ des enseignements artistiques et estime à 25 000 le nombre d’élèves accueillis. Parmi ces établissements, certains sont de la responsabilité des collectivités territoriales. Notons à ce propos que 11 établissements sont agréés(8) par le ministère de la culture et de la communication en région. Ces conservatoires accueillent au total 7 700 élèves chaque année et emploient près de 400 enseignants. Un CEPI a été confié à 6 d’entre eux avec le soutien de la Région.

Continuum de formation et enseignement supérieur Pour répondre aux besoins de professionnalisation des métiers artistiques notamment, une offre de formation initiale et supérieure diplômante s’est structurée : le CFMI et le CESMD. Elle confère au territoire de Poitou-Charentes une richesse certaine dans ce domaine. Un aperçu des diplômes délivrés et des effectifs d’élèves en 2009-2010 :

(6) Voir orientations bibliographiques p. 61. (7) Conférence régionale des enseignements et formations artistiques, enquête réalisée en 2009 avec l’appui d’Aude Monfront. (8) Conservatoire à rayonnement régional de Poitiers, les Conservatoires à rayonnement départemental d’Angoulême, de La Rochelle, de Niort, de Châtellerault, les Conservatoires à rayonnement communal/intercommunal de Lencloître, Bressuire, Thouars, Saintes, Cognac et de la Charente.

Cycle

Établissements

Effectifs 2009-2010

3 ans (CEPI)

Conservatoires d’Angoulême, Bressuire, Châtellerault, La Rochelle, Niort et Poitiers.

165

Diplôme Universitaire de musicien intervenant (DUMI)

3 ans

CFMI

29

Diplôme d’état de professeur de danse (DE)

2 ans

CESMD

13

Diplôme d’état de professeur de musique (DE)

2 ans

CESMD

33

CESMD

32

Diplômes délivrés Diplôme National d’Orientation Professionnelle (DNOP)

Diplôme National Supérieur en lien avec la licence de Professionnel de Musicien (DNSPM) musicologie de l’université

Conférence régionale du spectacle vivant

53


L’université de Poitiers propose également une licence de musicologie, le concours de préparation à l’enseignement de la musique et un Master en dramaturgie.

Les enseignants artistiques L’enquête CREFA a aussi permis de repérer 1 070 enseignants exerçant en région, représentant plus de 1 500 postes. La moyenne d’âge est de 43 ans et si les hommes représentent 53% de ces emplois, la profession se féminise. Pour la transmission d’une pratique artistique, la posture d’enseignant recouvre différentes dimensions : du professeur à l’éducateur en passant par celle de l’artiste. Près de la moitié des enseignants exerçant en région ont une qualification professionnelle comme le Certificat d’Aptitude, DE, DUMI.

L’artiste-enseignant

(9) Si l’on se réfère aux travaux de la commission emploi du CNPS ou aux observations des bureaux emploi et formation de la Direction générale de la création artistique. (10) Par exemple pour l’Orchestre Poitou-Charentes, l’Abbaye aux Dames, l’ensemble Ars Nova… (11) Annuaire de l’Agence régionale du spectacle vivant. (12) La licence d’entrepreneurs de spectacles est obligatoire pour tout responsable de structure associative ou commerciale dont l’activité habituelle est la production de spectacles ou qui organise plus de 6 représentations à l’année civile. Il existe trois types d’entrepreneurs de spectacles : les exploitants de lieux de spectacle (licence 1), les producteurs de spectacles et entrepreneurs de tournées (licence 2), les diffuseurs de spectacles (licence 3). (13) dont les Rencontres interrégionales de diffusion artistique (RIDA) ou les scènes régionales de promotion comme Les Rencontres à l’Ouest et des agences de développement culturel dont l’ARSV.

54

L’artiste enseignant est une figure hybride. Cette hybridation peut être autant source d’enrichissements que de tensions dans l’emploi du temps de l’individu et dans son parcours(9). A titre d’exemple, un enseignant titulaire dans la fonction publique territoriale peut en effet s’impliquer dans la vie artistique locale à condition toutefois que la disponibilité que suppose son statut ne soit pas immédiatement obérée par un emploi du temps truffé de déplacements. De même, un artiste menant une action de développement d’un parcours de création ou d’interprétation est tributaire des rythmes propres de la production et de la diffusion des spectacles auxquels il participe et ne se voit le plus souvent proposer que des vacations d’enseignement et non des postes statutaires. Il existe toutefois sur le territoire régional des exemples de conjugaisons heureuses, le plus souvent dans le domaine musical. Elles sont le fait d’un projet d’établissement ou d’ensemble qui intègre dans sa construction même la nécessité d’être artiste et d’enseigner(10).

De la création à la diffusion Près de 3 000 artistes ou équipes artististiques en Poitou-Charentes(11) Parmi eux, 300 artistes, groupes, compagnies détiennent la licence de producteur et d’entrepreneur de tournées (licence 2)(12) fin 2010. Au-delà même de leur vocation première de création, elles peuvent répondre à la fonction d’employeur et de responsable du plateau artistique en fonction des conditions négociées avec la structure d’accueil pour la diffusion de spectacles (contrat de session, de co-réalisation, contrat d’engagement,...). Egalement, pour illustrer les différentes fonctions des structures à vocation de création, près de 90 équipes artistiques organisent un festival ou des manifestations régulières et sont titulaires de la licence 3 d’organisateurs de spectacle. 21 d’entres elles gèrent un lieu spécifique leur appartenant (café-concert, lieu de création ou chapiteau). Ces propositions révèlent également la nécessité pour les artistes de se constituer de nouveaux réseaux de diffusion.

Marché, circulation des œuvres Selon une étude à paraître de Philippe Henry et Daniel Urrutiaguer, la deuxième dépense d’énergie des compagnies est consacrée aux moyens à mettre en œuvre pour accéder aux diffuseurs institutionnels (valorisant symboliquement et prescripteurs d’achats ultérieurs) dans un contexte concurrentiel d’offre pléthorique. Des dispositifs locaux ou interrégionaux(13) accom-

Conférence régionale du spectacle vivant


pagnent le développement de celles-ci pour franchir cette phase qui peut constituer un véritable « mur de verre ». Le rôle des festivals est également à souligner, mais la mise en visibilité y est à chaque fois concentrée dans l’espace et le temps. Or ce n’est que par des mises en contact particulières et successives que les compagnies peuvent espérer élargir leur réseau de partenaires, ponctuels ou plus pérennes. Les stratégies déployées sont donc multiples et inventives pour construire un accès alternatif ou fabriquer son propre réseau ; par exemple, la multiplication des résidences en consentant des conditions financières ou en apportant des financements spécifiques dans leurs « besaces » : conventions avec les collectivités territoriales, programmes européens…

Organisateurs de spectacle et aménagement du territoire

Bressuire Châtellerault Parthenay

Poitiers

Deux-sèvres Vienne

Niort La Rochelle

Rochefort

Charente-Maritime

Charente

Saintes Cognac

Royan

Angoulême

Nombre d’équipements recensés par commune 1 2 5 10 13

Nbre d'organisateurs réguliers de spectacle par département (2010) 150 120 90

© Articque

Pour des besoins techniques ou d’adéquation avec la proposition artistique, 400 organisateurs réguliers(14) investissent des lieux classiques de diffusion en Poitou-Charentes (salle de spectacles ou polyvalentes, plein air, chapiteau) ou des lieux atypiques (chez l’habitant, monuments ou sites exceptionnels...). Parmi eux, 60 collectivités territoriales investissent ce champ de la diffusion et portent des manifestations sous la forme d’évènements ou d’animation de l’espace public. La carte ci-contre localise les 115 équipements considérés comme adaptés à la diffusion(15).

Thouars

0

60 30 30 km

0

16

17

79

86

Réseau et acteurs de la coopération et de l’accompagnement Le réseau est un terme polysémique, qui évoque un ensemble de structures interconnectées et une interdépendance entre individu ou organisation. Dans le spectacle, le déchiffrage des réseaux tissés entre individus et au sein des territoires est un élément clé de compréhension des mécanismes de production, de diffusion et de coopération plus large. Le réseau recouvre de multiples dimensions. Il peut être informel (réseau affinitaire, réseau social,...) ou structuré à travers des dynamiques collectives (mutualisation, partage de réflexion et d’outils, action commune...)(16). Il serait intéressant de mener une étude plus précise sur ces réseaux et également sur les acteurs de l’accompagnement (bureau de production, développeur d’artistes...) pour bien identifier leurs rôle et missions de chacun (approche réalisée sur les musiques actuelles par le PRMA).

Conférence régionale du spectacle vivant

(14) Détenteurs de la licence 3 : diffuseurs de spectacle, 2010. (15) Source : mission d’inventaire des lieux scéniques de l’APMAC. (16) Deux exemples de réseaux structurés en Poitou-Charentes : le PRMA réunissant 20 adhérents ; le réseau du G19, réseau de salles créé il y a près de 20 ans.

55


Financements publics et politiques culturelles L’histoire de la décentralisation dramatique depuis environ soixante ans (selon le terme historiquement consacré, et qui a été poursuivi par plusieurs moments structurants d’initiatives, conjointes ou non, d’inventions culturelles décentralisées des collectivités et de l’Etat), les lois de décentralisation depuis les années 80, les axes choisis au nom de la construction d’une identité territoriale et des liens de proximité avec les citoyens sont les facteurs qui différencient les engagements de chaque niveau et expliquent la démultiplication des dispositifs d’intervention.

Les champs principaux des actions financées(17) Le spectacle vivant représente le premier secteur d’intervention culturelle, tous niveaux confondus, des collectivités et administration publique, soit 40%(18). Les bénéficiaires à « vocation principale de diffusion » et à « vocation principale de création et de production » cumulent 58% des financements. Ils sont suivis des bénéficiaires à vocation d’enseignement et de formation à hauteur de 30%. Près de 8% des financements sont orientés vers des bénéficiaires dont l’activité principale n’est pas le spectacle vivant mais pour une action relevant de ce secteur. Les structures dont le champ se limite à l’action culturelle de développement et d’information ou aux seules pratiques en amateurs ne bénéficient plus désormais que de 3% des dépenses publiques(19).

Les strates communes et les interventions singulières L’accompagnement de la création, de la production et de la diffusion est un lieu de convergence de l’ensemble des collectivités et administration : 112 bénéficiaires pour l’Etat, 229 pour la Région, 230 pour les communes et leurs regroupements, 284 pour les départements. Conformément à la loi d’août 2004 organisant l’enseignement artistique, l’Etat n’intervient plus qu’auprès de 9 établissements d’enseignements artistiques dont 2 au titre de la formation supérieure contre 110 environ pour le reste des collectivités. Enfin ce sont les départements qui soutiennent le plus grand nombre de bénéficiaires hors spectacles vivants(20).

Labels et missions (17) Source : comptes administratifs des collectivités et mandatements de l’Etat (DRAC et crédits centraux), 2008. (18) Cf. tableau, p. 37. (19) Elles sont abondées essentiellement par les communes et leurs regroupements et les départements. Cf. tableaux, pp. 40 et 41. (20) Idem supra. (21) Léonin : la prérogative de l’un l’emporte sur l’autre ; synallagmatique : les termes sont fixés de façon équitables entre les parties.

56

La notion de label est circonscrite aux équipes et établissements abondés par l’Etat conjointement soutenus par des collectivités territoriales. On voit pourtant apparaître dans les dispositifs propres aux Régions et Départements des notions d’intérêt ou de caractère structurant qui construisent un nouvel espace de sens et de mission pour les acteurs eux-mêmes. Aucune initiative soutenue par des financements publics ne se circonscrit, stricto sensu, dans un seul champ d’action. Une des raisons principales réside dans la nécessité de conjuguer les financements. Une autre provient des envies partagées des équipes de création, des lieux de diffusion qui les accompagnent, des populations et des associations qui les accueillent de ne pas réduire leurs relations au seul moment du spectacle. Conventions et contrats d’objectifs et de moyens La différence majeure entre la convention et le contrat d’objectifs et de moyens réside dans son caractère « léonin » pour le premier, « synallagmatique » pour le second(21). Le contrat d’objectifs et de moyens est en principe obligatoire pour des établissements du type Scène nationale, Centre chorégraphique national, Centre dramatique régional et quelques

Conférence régionale du spectacle vivant


autres labels encore. L’intervention de plusieurs niveaux, dont le plus souvent celui pondérable de la collectivité territoriale de siège de l’initiative, engage à une négociation des objectifs, et à une construction commune des critères d’évaluation. Le contrat est pluripartite et pluriannuel, en général de quatre ans, dont la dernière année consacrée à l’évaluation et à l’examen de la reconduction. Dans le cas de la convention, il s’agit de répondre à des critères pour obtenir un financement répondant à un dispositif, au terme d’un parcours d’instruction et de commissions d’évaluation ou d’expertise. Il convient de souligner qu’une position intermédiaire entre la convention et le contrat d’objectifs et de moyen émerge progressivement à l’initiative des lieux de musiques actuelles ou de production atypique essentiellement.

Les populations, les publics, les pratiques Articuler les trois termes indique la volonté de prendre autant en compte des processus de démocratisation que de démocratie culturelle et de s’interroger sur les valeurs que cela recouvre, sur les pratiques que cela engendre, sur les engagements que cela suppose.

Les valeurs C’est le respect de la diversité culturelle et du droit de l’individu qui prime tout autant que l’enrichissement attendu de la mise en relation des gestes artistiques et des publics. L’individu est considéré dans sa globalité autant comme un usager que comme un partenaire de la production du sens des actes de la création et de la diffusion des spectacles. La médiation est une valeur centrale qui ne se réduit pas à une transmission descendante, voire condescendante de codes et de clés d’appropriation, mais elle incarne la manière dont peut s’installer une collaboration entre citoyens, acteurs et structures artistiques au terme d’un parcours négocié en commun. Les valeurs englobent l’adhésion à un système de solidarité sociale et à des mécanismes de redistribution qui ne corrigent pas toutes les inégalités. Aussi l’intervention directe de l’individu ou des groupements sociaux par l’économie sociale et solidaire s’avère-t-elle une précieuse plus-value. La gestion respectueuse des ressources de proximité s’inscrit de longue date dans cet ensemble, tout en étant de plus en plus souvent interrogée et parfois mise en œuvre au nom de l’Agenda 21 de la culture, pour lequel justement cette dernière constituerait le quatrième pilier du développement durable.

Les bonnes pratiques Quatre termes constituent un carré magique(22) dans l’équilibre desquels rechercher les notions de bonnes pratiques : il s’agit de l’engagement, de la gouvernance, de la production et de l’utilisation. La finalité de cette approche permet à l’ensemble des partenaires d’une action de se construire un outil d’évaluation qui ne se réduise pas à la seule performance économique ou à la prééminence de tel ou tel niveau d’acteurs dans le discours (les artistes, les professionnels, les bénévoles, les décideurs politiques et économiques…). Il s’agit alors de connaître et de mettre en

Conférence régionale du spectacle vivant

(22) Source : Michel Adam, Système associatif et complexité organisationnelle, article Idées, 2004.

57


valeur les interactions entre ce qui fonde les engagements (politiques, bénévoles, professionnels), le mode d’organisation (juridique, structurel), les « outils de production », (lieux, rythmes, économie de gestion, ressources) et l’usage qui en découle (par les citoyens, la population, la profession…).

Le bénévole citoyen (une forme d’économie sociale et solidaire) Une des formes de présence de l’économie sociale et solidaire se manifeste par le bénévolat qui demeure très présent dans de nombreuses initiatives, de formation, de transmission et d’enseignement tout comme dans l’animation de certains lieux ou encore dans l’organisation de saisons ou de festivals. L’implication bénévole est plus restreinte dans les équipes de création ou les lieux institutionnalisés de production ou de diffusion, où elle se limite le plus souvent à la participation aux conseils d’administrations ou à l’assemblée générale des structures juridiques supports. Aussi apparaît-il de plus en plus souvent nécessaire de valoriser l’apport non numéraire et non marchand du bénévolat dans l’existence des structures et d’en vérifier régulièrement les fondamentaux.

Réseaux sociaux, enjeux numériques et évolution de la figure de l’amateur L’amateur n’est plus limité aux deux sens qu’il occupait depuis le 18ème siècle, celui qui pratique un art qui n’est pas son activité principale, ou qui le connaît et qui l’aime sur un mode expert. Un autre niveau apparaît qui articule les réseaux sociaux traditionnels d’appartenance et les techniques numériques. Le « bouche à oreille » se transforme grâce à l’intervention possible du transmetteur sur les objets même de la transmission. Par exemple, l’amateur joindra des extraits (sons, images, écrits, critiques) à l’invitation à découvrir ou à partager une émotion. Et, plus encore, il sera parfois placé en situation d’ajouter une interprétation personnelle, transformant au passage l’œuvre d’origine, l’exemple le plus évident étant celui de l’échantillonnage et de l’assemblage (appelé plus couramment sampling)(23).

(23) Il conviendrait de vérifier aussi le caractère prescriptif de fréquentation des concerts et des salles de cinéma que cela engendrerait.

58

Conférence régionale du spectacle vivant


Annexes

Conférence régionale du spectacle vivant

59


La Conférence régionale en pratique Objectif général La Conférence régionale proposée par la DRAC Poitou-Charentes a pour objet de proposer un espace de dialogue et de concertation sur le spectacle vivant. La conférence vise, dans un premier temps, à réaliser un diagnostic territorial partagé avec l’ensemble des collectivités territoriales et diverses représentations professionnelles.

Phases de travail Le travail des groupes s’est structuré en trois phases : • préciser la formulation des problématiques et définir les modalités de traitement ; • mettre en commun les constats pour aboutir au diagnostic partagé ; • identifier des perspectives et des points d’appui.

Composition La composition des groupes est ouverte avec un engagement de la structure ou de la personne à être présente. Il y a eu un appel à participation.

Animation L’animation des groupes s’est organisée autour de plusieurs fonctions : • animateur (fonction de présidence du groupe) : il a une vision globale et joue le rôle de modérateur ; • coordinateur (chargé(e) de mission de l’Agence ou coordinateur COREPS) : il a une vision technique du sujet, aide à la préparation des réunions et des comptes-rendus. Il veille au bon déroulé des réunions ; • rapporteur : rôle d'écoute tout au long de la réunion. Il a pour mission de réaliser une synthèse/reformulation à la fin de chaque réunion (dernier ¼ heure) ; de vérifier collectivement les éléments énoncés dans la rencontre ; • un regard extérieur peut être associé.

Accessibilité aux informations des groupes Toutes les informations pratiques sur chaque groupe ont été mises en ligne sur arsv.fr/groupesde-travail.html : comptes-rendus synthétiques, documents annexés et/ou ressources, calendrier et lieu des réunions, liste des participants.

Rencontre des quatre groupes La rencontre des quatre groupes a eu lieu le vendredi 25 mars 2011 de 9h à 12h30 à l’Espace Mendès France à Poitiers. Chacun des groupes a présenté l’état d’avancement de ses travaux, a pris connaissance des réflexions et travaux menés par les uns et les autres, pour faire émerger une vision d’ensemble.

60

Conférence régionale du spectacle vivant


Orientations bibliographiques • AGENDA 21 DE LA CULTURE, Cités et gouvernements locaux unis (agenda21culture.net) • ARCADE, Les financements publics de la culture en PACA – 2003, coll. Repères n°3, 2007 • BERTHOD M., WEBER A., Rapport sur le soutien de l’Etat aux musiques dites actuelles, ministère de la Culture, Paris, 2006 • BOUSSAGUET L., JACQUOT S., RAVINET P., Dictionnaires des politiques publiques, Ed. Sciences Po les presses, 2004 • CAILLÉ A., HUMBERT M., LATOUCHE S., VIVERET P., De la convivialité, dialogues sur la société à venir, Ed. La Découverte, 2011 • CARASSO J.-G., Nos enfants ont-ils droit à l'art et à la culture ? Manifeste pour une politique de l'éducation artistique et culturelle, Ed. de l'Attribut, Bessières, 2005 • COFAC, L’impact des associations culturelles sur la société, les territoires, les individus, 2006 • CONSERVATOIRES DE FRANCE, Ecoles de musique, de danse et de théâtre : des accueils et des apprentissages diversifiés pour une pratique artistique en amateur, Actes du colloque de Rezé, 2003 (conservatoires-france.com) • CONSERVATOIRES DE FRANCE, Changements de mesure(s), actes du colloque d’Alençon, 29 et 30 novembre 2007, (conservatoires-france.com) • COULANGEON P., Sociologie des pratiques culturelles, Ed. La Découverte, 2005 • GROUPE DE FRIBOURG, Déclaration de Fribourg sur les droits culturels, 2007 (unifr.ch) • DELVAINQUIÈRE J.C., DIETSCH B., DEPARTEMENTS DES ETUDES, DE LA PROSPECTIVE ET DES STATISTIQUES, Les dépenses culturelles des collectivités locales en 2006 • DEPARTEMENTS DES ETUDES, DE LA PROSPECTIVE ET DES STATISTIQUES, Culture et médias 2030. Prospective de politiques culturelles, coll. questions de culture, 2011 • DONNAT O., Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique, Ed. La Découverte/ministère de la Culture, Paris, 2009 • DUCHEMIN N., VEITL A., Maurice Fleuret, une politique démocratique de la musique, La Documentation Française, coll. Comité d'histoire du ministère de la Culture, Paris, 2000 • GADREY J., JANY-CATRICE F., Les nouveaux indicateurs de richesse, Ed. La Découverte, 2007 • HAHN K., LARTIGOT J.-C., DEMANGE E., Apprendre la musique ensemble. Les pratiques collectives de la musique, base des apprentissages instrumentaux, Ed. Symétrie, Lyon 2007 • HENRY P., Spectacle vivant et culture d’aujourd’hui une filière artistique à reconfigurer, Ed. Pu Grenoble, 2009 • LA BELLE OUVRAGE, ARCADI, CNT, ONDA, Démarches et pratiques des bureaux de production de spectacle vivant en Ile de France, 2008 • LA FEDUROK, L’Observation participative et partagée (OPP), une méthode proposée par La Fédurok, 2005 • LASCAR J., La danse à l’école. Pour une éducation artistique, L’Harmattan, 2000 • LASSALE J., LORIOL J.-P., LALLIAS J.-C. (sous la direction de), Le théâtre et l’école. Histoire et perspective d’une relation passionnée, Cahier ANRAT n°11, Actes Sud Papier, 2002

Conférence régionale du spectacle vivant

61


• LATARJET B., Pour un débat national sur l’avenir du spectacle vivant, 2004 • LAVILLE J.-L.(dir.) et ANTONIO D.-C., Dictionnaire de l’autre économie, Ed. Folio, 2006 • LEPHAY-MERLIN C., Les musiques actuelles dans les établissements d’enseignement spécialisé contrôlés par l’Etat, DMDTS, IRMA, 2001 • LUCAS J.M., Décentralisation et compétences culturelles des collectivités : faux et vrais débats, 2010 (irma.asso.fr) • MARLAND-MILITELLO M., Rapport sur la politique des pouvoirs publics dans le domaine de l'éducation et de la formation artistiques, Assemblée nationale, rapport d'information déposé par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, juin 2005 • MARTIN J., Comment mieux accompagner les artistes ? De la production à la diffusion, ONDA, 2006 • MINISTÈRE DE LA CULTURE, note circulaire : Labels et réseaux nationaux du spectacle vivant – mise en œuvre de la politique partenariale de l’Etat, 2010 • MORIN-DESAILLY C., Décentralisation des enseignements artistiques : des préconisations pour orchestrer la sortie de crise, Rapport de la commission des affaires culturelles du Sénat, n°458, 2008 • MOULINIER P., Politique culturelle et décentralisation, L’Harmattan, 2002 • POLE REGIONAL DES MUSIQUES ACTUELLES, Concertations territoriales pour les musiques actuelles en Poitou-Charentes, 2009 • RANNOU J., IONELA R., Les danseurs : un métier d’engagement, La Documentation Française, Paris, 2006 • SPROGIS E., Collectivités locales et enseignement artistique : enjeux pédagogiques, culturels et politiques, Territorial-Editions, 2010 • STIEGLER B., Mécréance et discrédit, La décadence des démocraties industrielles, Ed. Galilée, 2004 • STIGLITZ J., Rapport de la commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social, 2009 • VAN COLEN F., Etude-action, éducation populaire et musiques amplifiées, CRY pour la musique, Fédurok, 2002 • VIVERET P., Reconsidérer la richesse, Ed. de l’Aube, 2010 • UNESCO, Déclaration universelle sur la diversité culturelle, 2001 (portal.unesco.org) • U-FISC, Manifeste pour une autre économie de l’art et de la culture, 2007 (ufisc.org) • WALLACH J.-C., La culture pour qui ? Essai sur les limites de la démocratisation culturelle, Ed. de l'Attribut, Toulouse, 2006

Pour l’ensemble des notions et données contextuelles sur le spectacle vivant en PoitouCharentes, il est conseillé de se référer aux travaux de l’observatoire de l’Agence régionale du spectacle vivant téléchargeables sur : http://www.arsv.fr/observatoire

62

Conférence régionale du spectacle vivant


Annexe au groupe « structuration artistique et culturelle » Pour une nouvelle vision de la place de la culture LABO Culture et Développement Durable – Michel Adam Les mots sont des cartes pour penser la réalité et la carte n’est pas le territoire. Mais elle peut interagir sur lui(1). Nous devons donc les apprivoiser avec beaucoup de soin. Faire une approche sémantique du thème « Culture et DD » conduit d’emblée à commencer par le sens du mot sémantique : « discipline scientifique des significations du langage » ou plus brièvement la science du sens. Vaste programme. Soit un des trois sens du mot sens : la signification. Mais n’oublions pas les deux autres, le sens comme orientation qui a rendu possible le mariage de ce deuxième sens avec le premier sous la forme du slogan d’une banque connue : le bon sens près de chez vous. Et enfin le premier sens du mot sens désigne la perception humaine et ses organes sensoriels, soit les cinq sens et le fameux sixième sens appelé aussi l’intuition. Précisons que certains animaux ont d’autres sens, comme la perception du champ magnétique terrestre pour les abeilles ou les oiseaux migrateurs. Ces trois sens du mot sens sont connectés entre eux, la perception, la signification et l’orientation, à tel point que certaines approches les disent non séparables dans la réalité vécue mais uniquement dans la pensée et par l’analyse. Nous voilà au seuil de la pensée complexe qui conseille de distinguer (pour apprendre) et de relier inlassablement, car relier c’est comprendre, prendre avec soi. Venons en à notre sujet, en y appliquant cette méthode.

Cinq sens du mot culture Culture, n. f. issu du latin colere qui signifie à la fois cultiver la terre et célébrer ; célébrer le mystère fascinant de la vie végétale, du grain de blé qui devient un épi et en même temps développer tous les soins nécessaires pour que cela arrive. Le cousin naturel du mot culture est « culte » religieux et l’adjectif inculte signifie sans culture, un terrain ou une personne ! Sans culture, une personne ? Qui ose émettre un tel jugement ? Et à partir de quels critères ? Voilà une question forte. Et de belles récoltes en perspective. Cinq acceptions du mot culture et leurs relations respectives peuvent être repérées puis autant de placements possibles de ce terme dans le schéma (latin) du développement durable.

-> Le sens agricole initial parle de la culture du blé ou de la tomate. L’agri-culteur est celui qui cultive le champ, viticulteur en Pays du cognac, sylviculteur, apiculteur, ostréiculteur, etc. et implicitement ou explicitement (pratiques animistes) célèbre la Nature pour ses bienfaits (Déméter, déesse des moissons, processions anti-sécheresses, Pacha Mama des amérindiens, etc.). Soit les deux visages(2) de la nature Natura naturans (aidé par nous) et natura naturata

Conférence régionale du spectacle vivant

(1) En dépit de ceux ou celles qui pensent que « tout ça, ce ne sont que des mots ! ».

63


consommé par nous. Et les biologistes cultivent de dangereux virus sans beaucoup de contrôles ! Quelques références : Jean-Marie Pelt, André Dubos, Francis Hallé, Philippe Desbrosse, etc. Dans ce sens on débouche inexorablement sur le conflit agriculture intensive, productiviste et destructrice de la biodiversité, de l’eau, des sols et de la santé des êtres vivants contre agriculture extensive, non toxique, créatrice d’emplois et protectrice/régénératrice de l’environnement naturel.

-> Le sens érudit (et évaluatif) du terme culture est le transfert dans le champ abstrait des savoirs du sens précédent ; on parle alors d’un homme ou d’une femme de grande culture ou d’un milieu culturellement pauvre. Comme si toutes les formes de connaissances étaient l’objet d’une attention et d’une action « agricole » de l’être humain pour lui-même et sur lui-même ; on dit alors qu’il se cultive. Faites attention à la profession de votre interlocuteur quand vous parlez de grande culture ! Surtout s’il est agro-manager dans la Beauce... C’est l’histoire et sa connaissance large des activités humaines et non plus l’agriculture qui est au premier chef concernée par cette dimension. Quelques références : Fernand Braudel, Pierre Nora, Emmanuel Leroy-Ladurie, etc. Dans ce second sens c’est le savoir des citoyens, l’expertise des travailleurs de tous métiers (Mary Parker Follett, 1910), des usagers de tous biens et autres équipements qui est en jeu et sa prise en compte par une réelle « maîtrise d’usage » pour un développement plus humain et plus soutenable.

-> Le sens sociologique du mot culture nous renvoie à André Malraux, quand il fonde les Maisons de la Culture. Il désigne une des activités de la vie sociale, liée à la création artistique sous toutes ses formes... ou technique, nous y reviendrons. Et un ministère nouveau créé sous la Vè république. La culture est alors le rapport que les citoyens entretiennent à ces formes. On parle alors d’actions culturelles, de pratiques culturelles et de politiques culturelles. C’est le sens étroit et le plus répandu. Et sont aussi apparus mais plus tard les centres de culture scientifiques et techniques (CCST) tels que l’Espace Pierre-Mendès France à Poitiers. Mais aussi de la frontière de ce sens qu’est devenu le « socio-culturel » des centres éponymes ou sociaux et culturels. Quelques références : Pierre Gaudibert, Jean-Gabriel Carasso(3), l’Observatoire des pratiques culturelles, Jacques Perriault (INRP), etc.

(2) Du bon usage de la nature, pour une philosophie de l’environnement, Catherine et Raphaël LARRÈRE, Champs, 1997. (3) cf son intervention lors du congrès del’Agence régionale du spectacle vivant à Pamproux en 2006 dont j’ai assuré la synthèse.

64

Dans ce sens ou s’intéressera alors aux trois aspects du développement durable (latin) dans le champ institutionnel de la culture et des pratiques culturelles, selon la méthode des regards croisés. Soit un questionnement de type étroit (cf p.66). On cherchera à faire des Agendas 21 de la culture. (cf L’affût, octobre 2009). Mais aussi à repérer les puissants bourgeons qui surgissent de partout construisant un imaginaire du développement durable riche et protéiforme (Loïc Fel, 2010 ; Adam, 2011).

-> Le sens ethnologique introduit les cultures au pluriel, comme manifestations multiformes de l’imaginaire humain exprimé et cultivé au sein d’un groupe, c’est-à-dire concrètement des imaginaires qui naissent des conditions de vie globales des membres d’un groupe, d’une classe, d’un pays, d’une profession, d’un peuple, etc. et les interactions de ces imaginaires avec

Conférence régionale du spectacle vivant


les modes de vie. Le tutoiement ou le vouvoiement, les traditions festives ou religieuses sont des faits culturels comme l’est la pelote au pays basque ou l’éclade en Aunis. C’est le sens large, il inclut en la dépassant la façon de consommer la nature, d’en vivre. Et c’est dans ce sens qu’on parle d’acculturation d’un groupe... Ou encore que l’on pose la question : les toilettes sèches sont-elles un fait culturel ? La culture est un rapport prégnant (imposé au départ à l’être humain par son milieu) à l’identité collective, comme dans les cultures paysannes, ouvrières, des peuples basque, breton, kabyle, etc. Quelques références : Pierre Clastre, Jean-Pierre Warnier, voire Bruno Latour, mais aussi Sainsaulieu avec la dimension culturelle de l’entreprise (par ex la culture SCOP et son « rejet » assez fort et peu avouée de la culture associative, car « nous on est des vrais entreprises »), etc. Dans ce quatrième sens du mot culture, qui englobe totalement les trois premiers et s’en nourrit en retour, on s’intéressera alors à la place et au rôle des cultures dans les trois autres aspects du développement durable (approche latine) : dans le social ? A côté ? Dans le socle « responsabilité et participation » ? Soit un questionnement de type large. On cherchera à ne pas (ne plus) oublier la culture et les cultures dans un Agenda 21 de ville ou de territoire.

-> Le sens anthropologique enfin, élargit encore l’acception précédente et l’englobe en la dépassant, part à la recherche du fait humain pensé dans sa spécificité, et non plus ethnologique à la recherche des différences entre groupes humains. C’est le sens allemand et finalement adopté en France du mot Kultur utilisé par Freud dans Malaise dans la Culture, autrefois traduit par civilisation. La culture se fait rapport à l’identité humaine, à l’humanité de l’humanité ou à son inhumanité... d’homo sapiens demens, comme le dit Edgar Morin, capable de massacrer allègrement ses semblables en les décrétant différents. Quelques références : Sigmund Freud mais aussi Antonio Gramsci (et le concept d’hégémonie culturelle), Michel de Certeau (La culture au pluriel), Gabriel Liiceanu (De la limite, 1997), et Edgar Morin (La Méthode tome 5, l’identité humaine, 2000). Dans ce sens on se demandera cette fois en quoi le développement durable est l’émergence d’une nouvelle culture – d’une nouvelle civilisation, ce qui est plus fort en français – c’est-àdire d’un nouveau rapport au monde et à ses contraintes reconnues et un nouveau rapport entre les hommes. Par exemple avec l’extension ou le renouveau des pratiques de la gratuité et du bien commun (les Creative Commons, le prix Nobel 2009 d’Elinor Östrom sur la gouvernance des biens communs, l’apparition d’une éthique de la discussion (Habermas, 2000), la notion de « parties prenantes » en micro-économie et l’éthique de l’entreprise responsable, le principe de légitimité plurielle des acteurs (Adam, 2005), etc. Une civilisation de la renaturation du monde ? (Adam, 2011) Une analogie se dessine dans les rapports entre ces deux derniers sens avec les rapports des deux sens du mot qualité mais aussi d’autres termes forts comme modèle, distinction, ... Un sens dénotatif et un sens connotatif, centrés tour à tour sur l’existence puis sur l’essence de la chose nommée (cf schéma des deux cerises dans le Guide pratique de la Qualité dans le Social,1998).

Conférence régionale du spectacle vivant

65


66

Conférence régionale du spectacle vivant


Etude sur la connaissance des publics du spectacle vivant en Limousin Synthèse générale de la première phase

Cadre général -> Objectifs Conformément à la lettre de mission de la DRAC et de la Région, l’ORACLIM a recensé les dispositifs de connaissances des publics mis en place par les équipements fixes permanents de diffusion du spectacle vivant subventionnés par l’Etat et/ou la Région Limousin. Il s’est donc bien agit d’une enquête qualitative, portant sur les méthodes et les procédures et non sur les résultats chiffrés de fréquentation, déjà connus des services de l’Etat et de la Région au travers des bilans joints aux demandes de subventions. -> Méthode L’ORACLIM a élaboré une grille d’entretien afin de rencontrer in situ les responsables des vingtet-une structures dont la liste avait été arrêtée par l’Etat et la Région (vingt structures permanentes gérant une saison de spectacles et un festival dont le fonctionnement est plus proche de celui des structures permanentes que de celui des autres festivals). Un courrier présentant la démarche a été adressé par l’Etat et la Région aux structures concernées. Le Théâtre de La Passerelle a accepté de tester la grille d’entretien. -> Conditions de déroulement de la phase d’enquête La phase d’enquête s’est déroulée entre le 2 juillet et le 24 septembre. Neuf structures ont été rencontrées en juillet, trois en août et huit en septembre, la Ferme de Villefavard n’ayant pas été en mesure de répondre favorablement à la demande de rendez-vous. L’accueil a été globalement très favorable. Le fait que le personnel de l’ORACLIM soit connu de longue date de la plupart des personnes rencontrées a largement contribué à créer un sentiment de confiance. Quelques réticences ou incompréhensions dues au fait que le courrier Etat/Région ne soit parvenu que tardivement dans les structures ont pu être rapidement évacuées et les entretiens ont pu se dérouler dans un climat propice aux échanges. Il convient cependant de souligner que les structures s’interrogent et sont même parfois inquiètes quant à la finalité de l’étude et à l’utilisation qui en sera faite par l’Etat et la Région. Toutes ont accepté que l’entretien soit enregistré, dès lors qu’elles avaient reçu l’assurance que seule une synthèse et non la transcription intégrale de l’entretien serait communiquée aux commanditaires de l’étude.

Conférence régionale du spectacle vivant

67


-> Conditions d’exploitation des données Une fiche de synthèse a été rédigée pour chaque structure à partir des réponses apportées au cours des entretiens, vérifiée et complétée grâce à la transcription complète des enregistrements. Peu de données sont exploitables sous forme de tableaux, la grille d’entretien ayant été plutôt utilisée comme un guide que comme une liste d’items appelant des réponses binaires, qui auraient alors donné une image tronquée, voire caricaturale, des situations extrêmement diverses rencontrées sur le terrain.

Constats réalisés/tendances observées -> Données quantitatives L’examen des dossiers de subvention effectué auprès de la DRAC et l’interrogation des structures sur le sujet, démontrent le caractère disparate de ces données, d’une structure à l’autre, tant sur la forme que sur le fond. Dix-sept structures disposent d’un logiciel de billetterie dont elles déclarent n’exploiter les possibilités que partiellement, faute de temps ou parce que le personnel utilisateur n’est pas suffisamment formé. Toutes les structures sont en mesure d’établir des bilans annuels ou saisonniers de fréquentation plus ou moins détaillés, selon leurs besoins ou les moyens dont elles disposent. Toutes établissent au moins un total annuel, mais également des totaux périodiques, par spectacle, par tarif, par types de publics. Certaines établissent des totaux par esthétique ou genre de spectacle. Toutes les structures comptabilisent à part ce qui relève des actions de médiation, des ateliers, expositions, cinéma... Les opérations menées en coproduction entre structures limousines donnent généralement lieu à comptabilisation distincte. L’agrégation des résultats de fréquentation à l’échelle régionale mériterait cependant vigilance sur ce point, pour éviter le double comptage. Toutes les structures ont mis en place un tableau de bord de fréquentation permettant des comparaisons sur plusieurs années. Aucune n’établit de comparaison avec d’autres structures culturelles équivalentes bien que cela semblerait pertinent pour une grande partie des structures rencontrées. Certaines ont tenté de le faire mais se sont heurtées à des difficultés pour obtenir les données. Les comparaisons entre structures sont perçues comme complexes, chaque situation étant largement singulière : forme juridique, implantation (milieu rural/milieu urbain, isolement/multiplicité), pluridisciplinarité/spécialisation, label ou non, moyens humains et financiers… L’analyse des données chiffrées est généralement confiée au responsable de la billetterie, mais fait souvent l’objet d’un travail d’équipe. Les structures rencontrées déclarent toutes utiliser les informations quantitatives fournies par la billetterie dans la politique de communication, les actions de médiation ou les partenariats et dans une moindre mesure dans la politique tarifaire (toutes déclarent avoir déjà des tarifs permettant l’accessibilité à tous mais peuvent faire évoluer les conditions d’abonnement d’une année sur l’autre). Si la plupart des structures déclarent également infléchir leur programmation à partir de ces éléments, d’autres ne le font pas car elles admettent être tenues dans des orientations de programmation par un cahier des charges précis ou parce qu’elles souhaitent défendre un certain type de projet artistique.

68

Conférence régionale du spectacle vivant


-> Données qualitatives Les déterminants sociaux les mieux connus par les structures sont l’origine géographique, grâce à la billetterie (réservations) et aux formulaires d’abonnements et, dans une certaine mesure les tranches d’âge au travers des politiques tarifaires, ce qui demande à être nuancé, certaines structures pratiquant des tarifs identiques pour des catégories différentes comme les scolaires/étudiants et les demandeurs d’emploi. Quelques structures, parmi les plus importantes et les mieux dotées en personnel, proposent le remplissage d’une fiche à toutes les personnes achetant un billet, permettant ainsi de recueillir des données complémentaires, telles que : âge, sexe, domiciliation précise, profession... mais soulignent que toutes les questions ne sont pas forcément renseignées dès lors qu’elles sont considérées comme intrusives. Aucune n’a mis en place de méthode de comparaison entre la partie la mieux connue du public (les abonnés) et la population locale ou celle de la zone de rayonnement de l’équipement (à part l’étude menée par le Théâtre du Cloître en 2008). La moitié des structures ont fait des tentatives pour aller plus loin dans la connaissance de leur public : questionnaires de diverses natures, boîtes à idées, livre d’or... Ces tentatives ont été ponctuelles et non renouvelées car décevantes quant au taux de réponses obtenues. Elles ont souvent porté sur une partie de l’activité seulement (période de festival, abonnés...). Une structure sur quatre gère une programmation de type festival en plus de la programmation saisonnière et aborde les questions de connaissance des publics sous cet angle spécifique. On trouve malgré tout quelques expériences réussies d’enquêtes, parfois menées en lien avec des réseaux locaux, régionaux ou nationaux, ayant fourni des résultats probants qui ont permis aux structures d’infléchir leur action (Le Sirque, Théâtre du Cloître, Opéra de Limoges...). Au-delà des données objectives parcellaires récoltées par diverses méthodes, les personnes rencontrées déclarent avoir cependant une idée assez précise de la composition des publics par « expérience » : cela passe par la présence constante des équipes avant et après les spectacles, par les modalités d’accueil proposées, par l’ancienneté de ces personnels dans la structure et la connaissance de sa zone d’influence. Plus les structures sont petites, plus elles ont fidélisé un noyau dur de public et mieux elles le connaissent. -> Eléments de connaissance des publics potentiels L’élargissement des publics en termes quantitatifs ne semble être un enjeu pour aucune des structures rencontrées car elles affichent des taux de remplissages élevés. De même, au travers des multiples actions de médiation qu’elles mènent en direction des publics spécifiques (monde scolaire, associatif, publics empêchés...), elles ont le sentiment de brasser des catégories très diverses et ont du mal à voir ce qu’elles pourraient faire de plus, la marge de progrès leur paraissant assez limitée. De nombreux responsables trouvent normal qu’une partie de la population ne se sente pas concernée par leur offre pour des raisons de goût ou de choix personnel et qu’elle peut avoir d’autres pratiques culturelles que le spectacle vivant ou d’autres priorités comme par exemple le sport. D’autres évoquent la complémentarité d’offres diversifiées pouvant exister, en milieu urbain et sur des bassins de vie, avec une multiplicité de lieux plus ou moins spécialisés ayant chacun leur public.

Conférence régionale du spectacle vivant

69


Cependant, ces nuances étant faites, la plupart des responsables rencontrés souhaiteraient avoir une meilleure connaissance du degré de notoriété de leur structure et de l’image qu’elle véhicule. Ils pensent pouvoir en déduire des informations utiles pour adapter leurs démarches afin d’attirer de nouveaux publics, principalement parmi les personnes ayant d’autres pratiques culturelles que le spectacle. Ils souscrivent pour la plupart à l’idée d’une enquête menée par une structure externe sur la zone géographique la plus pertinente pour eux (qui va du bassin de vie à la région selon les cas).

Préconisations Sans présumer des éléments qualitatifs précis dont l’Etat et la Région souhaiteraient disposer et qui devront être nécessairement et préalablement exprimés, cette première phase permet de cerner quels pourraient être les objectifs opérationnels de la phase suivante, visant à élaborer une méthodologie commune de connaissance qualitative des publics : • définir le corpus minimal commun de données quantitatives et qualitatives utiles sur la base d’une concertation entre l’Etat, la Région et le cas échéant les autres collectivités publiques concernées ; • harmoniser les données quantitatives de fréquentation pour aboutir à un corpus cohérent, homogène, comparable entre structures et entre périodes ; • améliorer l’utilisation des systèmes de billetterie existants pour le recueil de données qualitatives sur les abonnés (dont connaissance des déterminants sociaux) ; • étudier les modalités pour élargir le recueil de données similaires sur le public ponctuel, sans effet intrusif ; • organiser un dispositif d’agrégation et d’analyse croisée de ces données, incluant leur restitution et tenant compte d’une part de la diversité extrême des structures et, d’autre part, des études générales de population du territoire d’implantation (phénomène croissant de « rurbanité », va-et-vient de population dans les aires urbaines…). L’élaboration et l’expérimentation de ces démarches au cours du premier semestre 2011, menées sous l’égide de la DRAC et de la Région, devront être partagées avec les structures volontaires. Cette première phase permet également à l’ORACLIM de formuler des propositions et des préconisations visant à perfectionner le dispositif à plus long terme : • apporter un appui à la DRAC et à la Région pour améliorer la connaissance des publics potentiels du spectacle vivant en privilégiant les approches territoriales par bassin de vie, • apporter un appui aux structures par la réalisation périodique et concertée d’études de notoriété et/ou d’enquêtes internes plus approfondies, • prendre acte du fait que les personnes en charge des publics dans les structures permanentes sont souvent de jeunes professionnels, avec des profils ou des compétences pas toujours en adéquation avec le poste et bénéficiant rarement de l’accompagnement et de la formation continue nécessaire. Des mesures rectificatives pourraient être envisagées sous la forme d’un plan régional de formation de ces personnels, dont un des axes serait la connaissance des publics.

70

Conférence régionale du spectacle vivant


Légendes et crédits photos Couverture : Jeune Orchestre atlantique, photo : Michel Garnier Page 1 : Aphasie, Cie E.go, photo : Darri Page 7 : Ici ou là, Cie Le Bruit du Frigo, photo : Olivier Rigault Page 13 : Coup d’Savate, Les Traîne-Savates, photo : Croc’No Pages 19 et 59 : Jeune Orchestre atlantique, photo : Michel Garnier Page 23 : Marionnette géante, Collectif l’Homme debout – Benoît Mousserion Page 33 : Le Vertige des Curieux, Cie La Cavale, photo : Vincent Curdy Pages 51 et 53 : L’Expédition, Les Traîne-Savates, photo : Darri

Conférence régionale du spectacle vivant

71


Contacts

Agence régionale du spectacle vivant 91, boulevard du Grand Cerf - 86000 Poitiers - Tél. : 05 49 55 33 19 - Mél : accueil@arsv.fr


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.