GESTION ET PRÉVENTION DES “NOUVEAUX” RISQUES PROFESSIONNELS
Synthèse des travaux réalisés par le groupe de travail prévention en juillet, septembre et octobre 2023
Ce groupe de travail, animé par David Irle (Aladir Conseil) et Scott Delhaise-Ramond, s'e st réuni les 6 juillet, 5 septembre et 23 octobre 2023 dans le cadre du projet de recherche-action Objectif 1 3, qui vise à proposer un diagnostic, un outillage et des solutions collectives pour faire face à l’e njeu de la décarbonation dans la filière du spectacle vivant.
Ont participé à ce groupe de travail : Doriane Foix - OARA, Annaëlle Richard - ODIA Normandie, Yvan Godard - Occitanie en scène, Martin Roch - Spectacle vivant en Bretagne, Vincent Robert - APMAC Nouvelle-Aquitaine, Yann Hilaire - Thalie Santé, Samuel Brouillet - Zebulon Régie, Vanessa Lechat - OARA, Anaïs Rouxel - Bel Air festival, Thibault Sinay - Union des scénographes, Cyril Klein - TSV formation, Grégoire Le Divelec - Hectores, Marc Jacquemond - Agence Culturelle Grand Est, Léa Desbiens - Ensemble Correspondances, Laëtitia Santarelli - Thalie Santé, Marion Ser - Effet de ser, Noémie Le Berre - Le Fourneau, Agnès Delbosc - Bifurques.
Le projet Objectif 1 3 est cofinancé par l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail dans le cadre du Fonds pour l’amélioration des conditions de travail et l’e nsemble des agences régionales de La Collaborative.
EN PRÉAMBULE L’e ssor des crises environnementales, notamment le changement climatique, est un facteur d’apparition, de transformation ou d’accroissement des risques dans l’e xercice des métiers de la culture. En l’é tat, il nous semblait que ces risques étaient trop peu documentés. Nous avons donc choisi d’e n faire un premier état de l’art, dans le cadre du projet Objectif13 , suite au constat réalisé dans une première phase de diagnostic. Pour ce faire, nous avons constitué un groupe de professionnel·le·s des questions de santé ou de bien-être au travail, entouré·e·s de praticien·ne·s (technicien·ne·s, chargé·e·s de production, etc.). Ce travail se veut exploratoire, il constitue un inventaire des risques, analyse les outils pour s’e n prémunir et propose de premières pistes d’action. L’e njeu de cet inventaire n’e st pas d’accroître l’é co-anxiété, elle-même identifiée comme un nouveau facteur de risque professionnel, ni de “faire peur”, mais de penser le maintien et le développement des activités culturelles dans le nouveau régime climatique.
DES RISQUES NOUVEAUX, TRANSFORMÉS OU AGGRAVÉS LES EFFETS PHYSIOLOGIQUES DES VAGUES DE CHALEUR Nous pouvons, dans un premier temps, évoquer un risque général d'atteinte à la santé des travailleur·euse·s qui prend plusieurs formes : L’augmentation du risque d'accident : les pics de chaleur (ou de froid) augmentent les risques d’accidents. Le phénomène a été étudié en Italie en 201 9 [1 ] . En quoi la chaleur importante et durable amène une telle augmentation ? Les résultats ne sont pas probants, mais l’hypothèse de la vigilance est soulevée. En outre, le phénomène stoppe dès que la température remonte (en cas de vague de froid) mais perdure quelques jours après en cas de baisse de température (suite à une vague de chaleur). Des particularités de notre secteur d’activité peuvent se greffer à ce premier point pour donner un cocktail accidentogène : - Les journées aux amplitudes longues. - Le remplacement d'une partie de la main d'œ uvre qualifiée ayant déserté, par une main d'œ uvre moins qualifiée et ne connaissant pas notre secteur. Main d’œ uvre plus malléable aussi, et qui va plus facilement accepter de se mettre en danger (en travaillant par exemple lors de grosses chaleur) De manière plus évidente, les vagues de chaleur entrainent des effets neurophysiologiques tels que fatigue, baisse de vigilance et augmentation du taux de suicide. L’INRS, en particulier, évoque ces atteintes à la santé et des pistes de mesures [2] . Il est intéressant de constater que pour les orchestres, des conditions strictes de températures (et d’hygrométrie) sont nécessaires pour que le spectacle ait lieu mais que ces conditions existent principalement pour protéger les instruments. La réflexion en matière de protection des artistes et interprètes n’e st pas aboutie. Enfin, les vagues de chaleur amènent une augmentation de la mortalité, soit chez les personnes fragiles, soit chez les personnes plus exposées (qui travaillent dehors). Si, jusqu’à présent, la culture a été épargnée, l’é té 2023 a provoqué six morts dans le milieu des vendanges lors d’un pic de chaleur[3] . Citons également le durcissement des tensions au travail. Travailler dans un environnement avec des températures élevées est susceptible de créer ou d’aggraver des situations de tension avec l’e ncadrement, entre collègues et/ou avec le public. Ces tensions sont aggravées en cas de déficit de récupération lié aux températures nocturnes élevées : manque de sommeil et difficultés d'adaptation aux horaires, le tout lié à la charge de travail. .
LES RISQUES LIÉS AUX CHANGEMENTS DE L’ORGANISATION DU TRAVAIL Pour continuer sur les questions de travail en extérieur et de risques associés, il faut parler des transformations induites en matière d’o rganisation du travail. L’o rganisation des horaires est bouleversée (on travaille plus tôt ou plus tard avec une pause méridienne). Mais pour certains postes clés, la pause n’e st pas effective à cause, par exemple, de l'accueil des livraisons ou des prestataires. D’un changement d’o rganisation, on en arrive donc à une augmentation de la durée des journées de travail. Ces changements induisent une aggravation du problème des horaires atypiques, délétères pour la santé comme le montre très bien l’INRS [4] . Enfin, cela bouleverse les questions d'é quilibre vie professionnelle/vie personnelle (et donc peut générer des risques psychosociaux).
DES RISQUES BIOLOGIQUES INATTENDUS Le changement climatique impacte évidemment les écosystèmes. Des effets biologiques existent alors comme la multiplication d’insectes vecteurs de maladies, le développement des allergènes… Cela relève à la fois de la santé au travail et de la santé publique, du risque professionnel et du risque sanitaire pour les publics. Pour certains métiers (alimentation animale, éboueur·euse·s), l’e xposition aux agents biologiques est aggravée. Travailler sur un festival, en particulier dans le sud de la France, peut désormais exposer un travailleur ou une travailleuse à des risques de dengue dont le nombre de cas explosent en France hexagonale [5] mais aussi de Chikungunya et de Zika[6] . Le risque épidémique pour les publics augmente. On constate également un enjeu sanitaire autour de la bonne utilisation des climatisations ou des brumisateurs, qui peuvent être un facteur de risque important. En intérieur également, des questions peuvent se poser : - Les humidificateurs/climatiseurs peuvent amener des affections respiratoires professionnelles non infectieuses. - Le chauffage l’hiver amène également son lot de questions : comment travailler dans de bonnes conditions sans trop chauffer ?
NOUVELLES MOBILITÉS ET RISQUES ROUTIERS La conscience de la nécessité de changement face aux bouleversements climatiques a mis en avant les mobilités douces comme le vélo ou les trottinettes. Or, le risque routier est la première cause de mortalité dans le cadre du travail, et depuis dix ans, la part des nouvelles mobilités dans les accidents routiers professionnels n'a cessé de croître. [7] En outre, la voiture est souvent le moyen le plus simple et le plus rapide. Avec l’alternative vélo, se posent les problèmes du temps de trajet, du parking, de l’achat. La configuration des lieux culturels oblige souvent à la mobilité longue, par exemple entre le théâtre et l'atelier ou l'atelier et le stock (ce dernier étant souvent loin du théâtre). Les conditions de travail sont transformées par ces pratiques plus exigeantes sur le plan physique. C’e st bien sûr également le cas pour les tournées en vélo [8] . Ces risques liés à la condition physique nécessaire pour les mobilités douces ne sont pas aujourd’hui suivis lors des visites médicales professionnelles dans le secteur.
DES RISQUES PSYCHOSOCIAUX EXACERBÉS Les RPS sont particulièrement impactés. Il s’agit d’abord des risques liés aux injonctions contradictoires ou aux nouvelles pressions normatives en matière de durabilité, en particulier sur le fait de devoir concilier les objectifs de performance et ceux liés à la transition écologique. Cela crée une sorte de dissonance cognitive et de pression au travail. Cela pose la question du management, toujours problématique dans le secteur. Pris sous l’angle de la mise aux normes, l’é co-responsabilité conduit à une charge de travail supplémentaire et accroît la charge mentale des salariés. Elle nécessite par ailleurs une montée en compétence, dans un secteur déjà en tension, à la fois en matière de compétences transversales à mobiliser et en matière de planning de travail. Les impacts ou les risques d’annulations provoqués par les épisodes climatiques sont également impactantes, en particulier pour l'o rganisateur. Gérer ses obligations face aux salarié·e·s, aux prestataires, au
public, peut participer d’un épuisement professionnel ou à la perte de sens. Pour les intermittent·e·s, nous pouvons mentionner également l’anxiété liée au fait de faire ses heures avec les annulations. Comment faire face aux injonctions des partenaires institutionnels ? Il est demandé aux structures de créer autrement, mais avec des schémas institutionnels anciens. Par exemple, pour les costumes, il est plus long de chercher des costumes recyclés, plutôt que de créer de nouveaux costumes. Or, les budgets n’o nt pas augmenté. Dans les appels à projets désormais, il existe systématiquement des pré-requis en matière d’e nvironnement, mais sur quoi s’appuie la norme sectorielle ? Il n’e xiste aucune cartographie des impacts en matière de santé, sécurité et conditions de travail. Or, il est nécessaire de cartographier et de simuler les risques à venir. N’o ublions pas, pour conclure sur les risques psychosociaux, l’é co-anxiété. Il s’agit de l'inquiétude suscitée par la dégradation de l'e nvironnement. Elle alimente et renforce un questionnement sur le sens et la finalité du travail, tout en générant un stress nouveau identifié dans les précédentes phases du projet Objectif 1 3 . Le monde du travail porte sa part de responsabilités dans les désordres écologiques, tout en étant victime des dégradations environnementales. Le travail peut alors perdre de son sens sur sa finalité. L’utilité perçue du travail peut alimenter l’é co-anxiété, avec des conséquences sur la santé des travailleurs.euse.s. En outre, le changement climatique génère de l'anxiété, colère, culpabilité et impuissance. La notion d’é coanxiété invite à réfléchir sur l’é volution de la santé psychique de celles et de ceux qui travaillent, au regard du contexte de leur activité. En particulier, les femmes et les jeunes (- 40 ans) sont plus impacté·e·s par l'é coanxiété [9] . Pour le suivi médical de cette question, il est d’ailleurs nécessaire de former les médecins du travail sur ces questions nouvelles (et pas que les médecins).
DES RISQUES TECHNIQUES Pour finir, mentionnons les risques chimiques dans le cadre des décors. En effet, se pose le problème du respect du comportement au feu des décors et donc de l’utilisation de produits pour les ignifuger. Ce sont des produits cancérigènes. Des conséquences possibles sont actuellement non mesurées comme les vapeurs qui peuvent se produire lorsqu’un décor est soumis à des chaleurs importantes (en été). Citons également les risques d'incendie liés aux batteries (des vélos, des trottinettes…) en particulier, mais aussi les risques dans l'utilisation de matériaux de réemploi, ou de matériaux biosourcés (bois, papier). D’une manière générale, le réemploi pose la question du risque pris par rapport à l’achat en neuf et de normes de sécurité liées à l’é co-conception qui font bouger des lignes. Le ou la dirigeant·e de structure culturelle doit désormais prendre en compte ces bouleversements et les intégrer dans sa politique de prévention des risques professionnels. Sur quoi peut-il s’appuyer pour adresser ces risques nouveaux ou aggravés ?
LEVIERS ET FREINS À LA MISE EN ACTION DE LA PRÉVENTION DE CES RISQUES La démarche de prévention de tous les risques présents dans l’e ntreprise s’impose à tout employeur, quel que soit son domaine d’activité. Le spectacle vivant ne fait pas exception à la règle. D’ailleurs, en 2005, lorsqu'un député demande s'il est envisagé d'aménager un dispositif plus souple pour les petites entreprises du spectacle vivant, la réponse du ministre de l’Emploi, du travail et de la cohésion sociale d’alors, Jean-Louis Borloo est sans appel. Ces entreprises doivent comme les autres appliquer les textes car le dispositif mis en place “est conçu de façon suffisamment souple, afin que chaque entreprise, quelle que soit son activité, puisse adapter ce document à ses spécificités propres.”[1 0]
UN PROBLÈME DE RESSOURCES Néanmoins, il existe un certain nombre de freins identifiés. La problématique des ressources tout d’abord, à la fois en termes de personnes qu’e n moyens financiers. Les ressources humaines sont souvent extrêmement contraintes dans les structures de notre secteur. Les équipes de permanents sont réduites. En particulier, les questions de préventions des risques sont souvent confiées à la personne en charge de la Direcion Technique (DT) déjà très sollicitée. Nommer un·e Salarié·e Désigné·e Compétent·e (nous y reviendrons) est compliqué, faute de moyens, et simplement désigner le ou la DT comme tel·le ne lui permet pas de dégager plus de temps. De manière concomitante, les ressources économiques sont souvent limitées et ont tendance à se restreindre. On assiste en outre à une augmentation de tous les coûts (énergie, transport, sécurité...). Une prévention des risques au moins empirique existe, mais les possibilités de mettre en place une réflexion plus large et prospective, est, compte-tenu de ce contexte contraint, impossible. Le coût des formations, pas toujours prises en charge par l’Afdas, sur le Document Unique ou le Plan de Prévention, les possibilités de rémunérer un·e Intervenant·e en Prévention des Risques Professionnels (IPRP), tout cela est ainsi rendu extrêmement difficile. N’o ublions pas les coûts pour l'aménagement de postes de travail, pour la réorganisation du travail comme évoqué plus haut qui peuvent amener à devoir faire appel à plus de monde en raison d’amplitudes trop importantes, les surcoûts liés aux mobilités douces (temps de transport allongé). La contrainte temps n’e st pas non plus à oublier. Qui dit équipes restreintes dit également amplitudes importantes. Enfin, il manque encore des ressources documentaires. L’INRS ne propose toujours pas de page dédiée sur son site, OIRA (Online Interactive Risk Assessment, plateforme en ligne de gestion simplifiée des risques) n’e st pas déclinée non plus pour notre secteur. Il manque encore un vrai site ressources sur la question même si Prévention Spectacle à pour ambition de le devenir et développe son contenu. L’adaptation des ressources existantes aux spécificités de notre secteur est une clé essentielle à activer.
DES LEVIERS CERTAINS LE OU LA SALARIÉ· E DÉSIGNÉ· E COMPÉTENT· E Depuis 201 2, la structure employeuse doit désigner un ou plusieurs salarié·e·s compétent·e·s pour s'o ccuper
des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l'e ntreprise. Si elle n’e st pas en mesure de le faire, elle peut faire appel à un·e Intervenant·e en Prévention des Risques Professionnels (IPRP) soit travaillant pour le service de prévention et de santé au travail dont il dépend, soit dûment enregistré·e auprès de la Dreets [1 1 ] . Dans tous les cas, il s’agit de désigner le ou la pilote de la prévention des risques dans l’e ntreprise ou, tout au moins, le bras droit de l’e mployeur·euse sur les questions de Santé, sécurité et Conditions de travail, lui permettant ainsi de prendre en compte tous les risques professionnels dont sont aggravés et amenés par les bouleversements climatiques [1 2] .
LE DOCUMENT UNIQUE (DUERP) Depuis plus de 20 ans, le document unique est une obligation inscrite dans le code du travail pour toutes les entreprises, associations et fonctions publiques. Avec la Loi n° 2021 -1 01 8 du 2 août 2021 , il est même passé d’une application (dans la partie règlementaire) à un principe (dans la partie législative) [1 3] . Cependant, loin de n’ê tre qu’une obligation de plus, il doit être, et est conçu comme tel, le carnet de bord de la prévention des risques professionnels dans la structure. Outil regroupant l’e nsemble des risques auxquels sont exposés les travailleur·euse·s, leur évaluation ainsi que les mesures prises pour les amener à un niveau acceptable, il est mis à jour régulièrement, dès qu’une information supplémentaire intéressant l'é valuation d'un risque est portée à la connaissance de l'e mployeur·euse [1 4] . LE PLAN DE PRÉVENTION Encore plus ancien que le document unique, le plan de prévention est, depuis 1 992, une démarche obligatoire, écrite ou non selon les cas, qui permet de prendre les mesures pour limiter ou supprimer les risques liés à l'interférence entre les activités, les installations et matériels des différentes entreprises présentes sur un même lieu de travail pour une opération. C’e st le complément du document unique qui permet de prendre en compte les risques spécifiques qui ne peuvent s’y trouver[1 5] . LA FORMATION PROFESSIONNELLE L’Afdas peut être un appui permettant de développer les compétences nécessaires au sein des structures pour prendre en compte ces risques nouveaux ou aggravés. En effet, dans ces missions principales, l’Afdas affiche le fait d’accompagner les entreprises dans le développement de la formation et particulièrement les TPE – PME. En outre, l’Afdas met en avant l’accompagnement des entreprises dans l’analyse et la définition des besoins en compétences pour leurs projets d’adaptation à la transition écologique [1 6] . LE DIALOGUE SOCIAL Des organisations professionnelles ou des syndicats peuvent être sollicités pour faire avancer la prise en compte des risques professionnels liés aux changements climatiques. Évoquons en particulier le Reditec car les directeur·rice·s techniques sont souvent en première ligne et ce sont souvent ceux et celles à qui sont confiées les problématiques de prévention des risques professionnels N'o ublions pas les branches professionnelles, qui sont nommément citées dans le code du travail sur les problématiques de risques professionnelles. En effet, Les organismes et instances mis en place par la branche peuvent accompagner les entreprises dans l'é laboration et la mise à jour du document unique d'é valuation des risques professionnels, dans la définition du programme annuel de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail ainsi que dans la définition des actions de prévention et de protection au moyen de méthodes et référentiels adaptés aux risques considérés et d'o utils d'aide à la rédaction [1 7] . .
LES RENCONTRES PROFESSIONNELLES Depuis 201 8, le Festival Les Nuits de Fourvière et l'agence Auvergne-Rhône-Alpes Spectacle Vivant coorganisent une rencontre professionnelle sur la prévention des risques dans le spectacle vivant. Lors de ces rencontres, des tables rondes et des ateliers traitent des problématiques liées aux risques professionnels dans notre secteur d’activité. Ces rencontres font l’o bjet d’une publication disponible sur le site Prévention spectacle[1 8] . Les risques induits par les bouleversements climatiques n’y sont pour l’instant pas évoqués.
QUELLES PISTES D’ACTION ? LA QUESTION DU RALENTISSEMENT Premier point à interroger, les risques professionnels font l’o bjet d’un double effet ciseau lié à la suractivité du secteur culturel : la pression au travail est un facteur d’augmentation des risques professionnels et le manque de temps empêche le déploiement des outils de gestion et prévention de ces risques. L’amélioration des conditions de travail et la réduction des nouveaux risques dans le contexte de transition écologique induit donc une réflexion sur le ralentissement des rythmes de production et la question du ralentissement, ce qui permettrait de concilier également des enjeux d’atténuation d’impacts. A l’instar du travail mené par Julie Delmas-Orgelet dans le cadre du projet Objectif 1 3 sur la question de la sobriété numérique, il semble possible d’articuler de façon vertueuse l’amélioration des conditions de travail, la baisse des impacts environnementaux et le travail autour de l’é co-anxiété, par une approche plus globale de la transition écologique. Des chantiers s’o uvrent en ce sens dans le cadre des Comités régionaux des professions du spectacle (Coreps) sur ces questions de transitions écologiques ou autour des enjeux d’attractivité de notre secteur. Le constat croisé d’une perte de sens au travail et d’une dégradation de la qualité de vie au travail conduit à penser une profonde refondation. Compte tenu des implications en matière d’activité ou de rémunération, la question du ralentissement met en évidence la nécessité de renforcer le dialogue social à tous les niveaux afin de faire de la question de la qualité de vie et des conditions de travail un axe majeur des processus de transition écologique, sous peine d’e n aggraver les risques.
LES FINANCEMENTS L’accroissement des attentes et des cahiers des charges des financeurs amène l’e njeu des financements nécessaires à l’augmentation du temps de travail dédié ou des compétences liées. Tant sur les problématiques de risques professionnels ou d’é co-responsabilité, la tendance à la stagnation ou à la baisse des budgets fait reposer la charge de la mise aux normes et les risques nouveaux sur les structures du spectacle elles-mêmes. A minima, la question de l’accompagnement sectoriel se pose. De même, la possibilité pour les structures de bénéficier de financements transversaux sur ces sujets de santé au travail ou de risques professionnels est identifiée, notamment en matière de formation des salarié·e·s ou bénévoles. Le financement de chantiers collectifs autour des nouveaux risques professionnels apparaît comme un outil intéressant pour mobiliser autrement les équipes autour des enjeux de transition écologique.
LE RÔLE DE THALIE SANTÉ ET D’AUDIENS Thalie Santé est un service de prévention et de santé au travail en charge du suivi de la santé au travail des artistes et technicien·ne·s intermittent·e·s du spectacle sur l’e nsemble du territoire national. La participation de Thalie Santé au groupe de travail et son rôle pour le secteur en font un acteur déterminant pour de prochains chantiers.
Par ailleurs, Audiens, groupe de protection sociale spécialisé dans le secteur de la culture, de la communication et des médias, propose des actions de prévention santé en particulier sur les risques psychosociaux ainsi que sur les démarches de prévention [1 9] . Audiens peut être un acteur à solliciter spécifiquement pour les structures du spectacle pour améliorer la prévention des risques nouveaux liés et accélérer leur meilleure prise en charge.
LE DÉVELOPPEMENT D’OUTILS SPÉCIFIQUES Afin d’aider les structures à prendre à bras le corps les problématiques des risques professionnels et en particulier de ceux apparus ou aggravés par les bouleversements climatiques, il semble nécessaire d’améliorer les outils existants ou d’e n développer. Thalie Santé propose un outil très peu mis en avant : Odalie [20] ,pour aider les entreprises du milieu culturel à mener à bien l’é valuation des risques professionnels. Il serait nécessaire de le rendre vraiment accessible et sans doute de l’e nrichir de ce nouveau contexte. Les excellentes fiches sur les risques professionnels mis à disposition sur leur site concernant les artistes et les technicien·ne·s [21 ] mériteraient une mise à jour sur les points indiqués dans la première partie. Il serait également nécessaire que l’INRS tienne compte des spécificités des risques professionnels du spectacle vivant. Rappelons que l’INRS a pour mission de contribuer à la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles à travers l’identification des risques professionnels, l’analyse de leurs conséquences sur la santé des personnes et la conception et la promotion de solutions de prévention auprès de tous les acteurs de prévention. Or, aujourd’hui, il n’e xiste aucune page spécifique pour le spectacle vivant alors que les métiers de la culture représentent 2 à 3 % du nombre d’e mplois occupés [22] . Le logiciel OiRA qui a pour but d’aider les petites entreprises à faire leur évaluation des risques, réaliser leur document unique et construire leur plan d'action de prévention, contient un certain nombre de déclinaisons métier (39 à la date de rédaction de ce texte). Le spectacle vivant n’e n fait pas partie [23] . Un travail est à mener en direction de l’INRS pour que notre secteur d’activité soit pleinement pris en compte et traité. Il n’e xiste malheureusement aucun outil comme Odalie et OiRA pour la réalisation des plans de prévention. Le développement d’un tel outil est une piste intéressante et pourrait prendre des formes diverses (Outil de design, mooc, serious game), permettant d’articuler les enjeux de risques professionnels, de conditions de travail et de transition écologique. Plus largement, il semble nécessaire de développer un portail pour centraliser toutes les informations liées aux risques professionnels adaptés à notre secteur d’activité, par exemple dans le cadre des chantiers ouverts par Prévention spectacle. Enfin, Artcena - qui accompagne les professionnel·le·s à travers la publication de guides professionnels en ligne et un programme d'ateliers et de rendez-vous individuels sur les questions de réglementation, d'administration et de production - peut aussi jouer le rôle de centre de ressources, c’e st d’ailleurs déjà en partie le cas, en intégrant ces évolutions.
LE OU LA SALARIÉ·E DÉSIGNÉ·E COMPÉTENT·E La dernière piste de travail concerne le ou la Salarié·e Désigné·e Compétent·e. Chaque employeur doit en désigner un·e. Il est cependant nécessaire, pour qu’il existe effectivement un SDC dans chaque structure, de
ne pas l’e nvisager comme un·e réfèrent·e de plus. Plutôt que de nommer un·e SDC, un·e référent·e RSE et un·e référent·e VHSS, il serait judicieux de réfléchir à la possibilité de nommer un·e référent·e unique pour toutes ces questions et de travailler sur des montées en compétences transversales, voire la mutualisation d’é quipier·ère·s “volant·e·s” pouvant travailler avec plusieurs petites structures. Ces thématiques entrent pleinement dans les attributions d’un poste de Responsable QHSE[24] ou QSE ou SSE… Les acteur·rice·s du spectacle vivant devraient sans doute réfléchir à la nomination d’un tel poste (certes, dans le contexte contraint évoqué plus haut) afin d’é viter une réflexion en silo et de rendre son action vraiment efficiente.
EN CONCLUSION Le groupe de travail s’e st réuni à trois reprises pour identifier les risques, les outils et faire des préconisations. Un temps de travail aussi court ne permet pas d’approfondir les sujets mais a pu nous permettre de dresser l’inventaire des enjeux. Il en ressort trois constats :
Les crises environnementales renforcent les risques professionnels de façon très importante, notamment la hausse de températures, les nouvelles pratiques en mobilité ou les facteurs de risques psycho-sociaux liés au contexte de transition écologique. S’il y a une distinction forte à faire entre les lieux et les évènements, les activités extérieures étant beaucoup plus impactées que les activités en salles, c’e st bien l’e nsemble de la filière du spectacle vivant qui se trouve impactée par les crises environnementales. Anticiper les nouveaux risques, c’e st penser la robustesse et l’avenir de nos métiers. Les outils pour gérer ces risques professionnels existent déjà mais sont sous-utilisés dans notre secteur. Il y a un enjeu fort à croiser les questions de transition écologique avec les enjeux de risques professionnels. La réduction des risques peut donc s’avérer être un cobénéfice important d’une transition écologique bien menée. Les deux objectifs doivent pouvoir se renforcer réciproquement. Il est possible d’o res et déjà d’utiliser le Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels (DUERP) pour mieux identifier les anciens et les nouveaux risques, de réaliser des plans de prévention adaptés à l’é volution du contexte ou d’identifier un·e Salarié·e Désigné·e Compétent·e qui pourra bénéficier de formations et d’une montée en connaissances et en compétences sur ces sujets. Pour ne pas démultiplier les chantiers, dans un contexte de tension sur les ressources humaines du secteur, il y a un enjeu à renforcer l’intégration de la question des risques professionnels dans le cadre de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) et de la transition écologique du secteur. C’e st déjà le cas en théorie puisque la RSE induit une application des législations et réglementations existantes, mais on peut constater une réelle et nuisible segmentation, ainsi que le manque de connaissances et de compétences des référent·e·s Développement Durable en matière de gestion et prévention des risques. De même, il est indispensable d’e nvisager les démarches de transition écologique dans le cadre d’une amélioration de la qualité de vie et des conditions de travail, ce qui implique des approches moins centrées sur le respect d’indicateurs froids, et plus centrées sur les modèles de production de la filière ou le management durable au sein des structures. Sur ces liens évidents entre transition écologique et qualité de vie et conditions de travail, les chantiers et les réflexions ne font que commencer. Nous espérons que ce collectage pourra utilement servir d’appui à de prochains travaux.
SOURCES ET RÉFÉRENCES [1 ] https://www.inrs.fr/media.html?refINRS=VP%2038 [2] https://www.inrs.fr/risques/chaleur/ce-qu-il-faut-retenir.html [3] https://www.larvf.com/vendanges-six-personnes-sont-mortes-a-cause-de-la-chaleur-la-semaine-derniere,4839591 .asp [4] https://www.inrs.fr/risques/travail-horaires-atypiques/ce-qu-il-faut-retenir.html [5] https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2023-07-20/virus-de-la-dengue-en-france-metropolitaine-a-quoi-faut-il-sattendre-cette-annee-3781 f8a3-6aa8-4082-bda0-72fb0f724a3b [6] https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-a-transmissionvectorielle/chikungunya/articles/donnees-en-france-metropolitaine/chikungunya-dengue-et-zika-donnees-de-la-surveillancerenforcee-en-france-metropolitaine-en-2023#:~:text=Du%201 er%20mai%20au%208,6%20cas%20de%20zika [7] https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/a4_risqueroutier_2022_vf.pdf [8] http://galapiat-cirque.fr/c32-Tournee-a-Velo/ [9] https://www.lejournaldumedecin.com/actualite/eco-anxiete-et-resilience-climatique/article-opinion59743.html?cookie_check=1 694638021 [1 0] https://questions.assemblee-nationale.fr/q1 2/1 2-64630QE.htm [1 1 ] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043893856 [1 2] Voir, par exemple : https://carsat-hdf.fr/images/stories/DST/CarsatHdF-GuideSalarieDesigneCompetent_201 9.pdf [1 3] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI00004389391 9 [1 4] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072050/LEGISCTA00001 8488246/#LEGISCTA00001 853291 4 [1 5] https://www.inrs.fr/media.html?refINRS=ED%20941 [1 6] https://www.afdas.com/lafdas/nos-missions.html [1 7] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI00004389391 9 [1 8] https://www.prevention-spectacle.fr/actes-des-rencontres/ [1 9] https://www.audiens.org/solutions/sante-et-bien-etre-au-travail-actions-de-prevention-en-entreprise.html?univers=e---sante [20] https://accounts.app.movinmotion.com/login [21 ] https://thalie-sante.org/documentation [22] https://www.inrs.fr/metiers.html [23] https://www.inrs.fr/metiers/oira-outil-tpe.html [24] https://www.francecompetences.fr/recherche/rncp/34261 /
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