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Pinot et Cie: des Bourguignons omniprésents

Il y a deux grands cépages: le chasselas et le pinot noir. Ils donnent des vins d’intellectuels

Philippe Gex, Domaine de la Pierre Latine, Yvorne

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Pinot et Cie: des Bourguignons omniprésents

Pour ce quatrième volet de notre série consacrée aux cépages ayant trouvé un asile favorable dans le canton de Vaud, intéressons-nous à quelques-uns des membres de la plus aristocratique des familles de cépages. Originaire de Bourgogne, le pinot noir est aussi le plus important des cépages du vignoble helvétique (3875 hectares dont 480 en terres vaudoises). Ce rouge exigeant a donné naissance, par mutation naturelle et par croisement, à de nombreuses variétés dont nous vous présentons les plus communes dans ce dossier.

Ancien gouverneur de la Conférie du Guillon, Philippe Gex se considère comme un fanatique absolu du pinot noir. «Il y a deux grands cépages: le chasselas et le pinot noir. Ils donnent des vins d’intellectuels. J’aime les Bordeaux, mais pour trouver un grand vin rouge, il faut aller en Bourgogne. » C’est d’ailleurs ce qu’il a fait à sa sortie de Changins. «Une fois le diplôme en poche, je suis parti avec Michel Cruchon faire la tournée des caves pendant trois jours.» Lorsqu’il reprend le domaine familial, ce producteur du Chablais acquiert 15'000 mètres carrés de vignes dans lesquelles il plante du pinot noir. Une vingtaine d’années plus tard, le duo qu’il forme avec l’œnologue Bernard Cavé commercialise le Pinotissima Mythologie. «Le pinot noir n’est pas un cépage très prestigieux dans le canton de Vaud. On paie encore aujourd’hui, la faible qualité des rouges de la deuxième moitié du 20e siècle. La gamme Mythologie, lancée en 2004, avait pour but de montrer qu'avec de petits rendements (350 grammes au mètre carré), il était possible de faire de grands vins vendus à un vrai prix (40 francs la bouteille).» Réservés aux clients privés et à quelques hôtels prestigieux, les 1'500 flacons de ce rouge élevé un an et demi en barrique patientent quelques saisons en bouteille avant d’être mis sur le marché (2012 et 2015 sont vendus actuellement par le domaine). «Nous avons aussi fait le choix de ne mettre ce vin en bouteille que si la qualité du millésime est suffisante. Inutile donc de demander du 2014, 2016 ou 2019, car les conditions requises n’étaient pas réunies», poursuit le vigneron d’Yvorne. Malgré son amour pour ce cépage tout en élégance, Philippe Gex confie que le futur des vins vaudois de qualité repose aussi sur le merlot. «Ce cépage, qui est aussi vinifié dans la gamme Mythologie, a tout de suite trouvé sa place, alors que le désamour pour le pinot noir vaudois a tendance à se renforcer. Il y a le problème de l’image dont nous avons hérité, de la couleur trop peu soutenue du vin, de l’élégance du cépage face à des variétés plus expressives et plus facilement identifiables, ou encore des excès de maturité auxquels il faut désormais faire face.» Un constat pragmatique qui va pousser le domaine à réduire les surfaces dévolues à cette variété d’origine bourguignonne. «Nous avons deux hectares de pinot noir sur Yvorne, mais lorsqu’il faut replanter, je m’oriente en général vers d’autres variétés. A terme, nous imaginons plutôt ne conserver qu’un seul hectare de ce grand cépage.»

© Bertrand Rey

Ce lien que nous tissons entre vigne et cave permet de mettre sur le marché un pinot noir sur le fruit, aussi fin que possible

Olivier Robert, directeur de la Cave de Bonvillars

Le Vin des Croisés à la conquête du marché

Au début des années 1950, la Cave des Viticulteurs de Bonvillars lance deux marques qui demeurent aujourd’hui emblématiques: le chasselas l’Arquebuse et le Vin des Croisés. Ce dernier, un pinot noir pur élevé en cuve, affiche un prix fort raisonnable et un volume très envié. Bien entendu, cette cuvée n’est que la plus importante des déclinaisons du pinot noir de la coopérative du Nord vaudois. «Nous cultivons 28 hectares de pinot, explique Olivier Robert. Outre le

Pinots & Co: Ubiquitous Burgundy

Originating in Burgundy, the Pinot Noir is also the leading grape variety in the Swiss vineyards, covering 3,875 hectares of which 480 in the Vaud region. Through crossings and natural mutation, this demanding red grape has given rise to many varieties.

Philippe Gex, a former governor of the Conférie du Guillon, considers himself an absolute Pinot Noir fanatic. “There are two great varieties: Chasselas and Pinot Noir. They produce intellectual wines. I like Bordeaux wines, but if you’re looking for a great red, you need to go to Burgundy.” When he took over the family estate, this Chablais winemaker acquired 15,000 square metres of vineyards which he planted with Pinot Noir. Some 20 years later, partnered by his oenologist Bernard Cavé, he put Pinotissima Mythologie on the market. “The Mythologie line,

© Bertrand Rey

Le pinot noir, qui va passer de quatre à dix hectares, sera surtout planté à Champagne

Clémence et Maxime Sother, Domaine du Manoir, Valeyres-sous-Rances

Vin des Croisés, il donne naissance à une cuvée élevée sous bois, un blanc de noir et un œil-de-perdrix. Il entre aussi dans plusieurs assemblages dans lesquels il demeure toujours minoritaire.» Pour l’œnologue et directeur de la Cave de Bonvillars, le Vin des Croisés a non seulement toujours été le vaisseau amiral de l’entreprise, mais est aussi resté une valeur sûre du vignoble vaudois. «Avec ma collègue œnologue, Alexia Henny, nous avons pu goûter des anciens millésimes que nous avons gardés en quantité confidentielle dans nos archives. Même à l’époque où la coopérative était dans la tourmente, le vin tenait parfaitement son rang.» Aujourd’hui, le Vin des Croisés, qui arbore chaque année le label Terravin, fait l’objet des soins attentifs. «Il a énormément d’importance pour nous, confirme notre interlocuteur qui précise que le travail commence à la vigne. Les parcelles plantées de clones à petit grains sont vendangées de façon relativement précoce afin de préserver la fraîcheur et la pureté du fruit. Pour les parchets abritant des clones plus productifs, on va privilégier une récolte plus tardive et une vinification qui favorise la densité et la structure. Ce lien que nous tissons entre vigne et cave, où nous travaillons de la manière la plus douce possible afin d’éviter une extraction trop importante de tanins, permet de mettre sur le marché un vin sur le fruit, aussi fin que possible, qui possède une vraie typicité de pinot.» Ce vin est apprécié des privés, mais il est surtout très diffusé dans l’hôtellerie et la restauration. «Nous sommes très bien distribués dans la région des Trois-Lacs, dans le Jura et à Fribourg. L’évolution des dix dernières années est très positive. Nous allons d’ailleurs intensifier les actions commerciales destinées à faire connaître et reconnaître le Vin des Croisés.» Quand on demande à Olivier Robert s’il y a eu des volontés de modifier le nom – qui est peut-être moins à la mode en 2020 qu’en 1950 – de ce vin, le directeur n’hésite pas. «Au contraire, nous envisageons plutôt de renforcer la marque et de l’étoffer en créant des vins d’autres couleurs pas forcément à base de pinot noir».

Au Manoir, un terroir à pinot noir

En acquérant quarante hectares de vignes en deux ans, Clémence et Maxime Sother sont entrés, avec une certaine discrétion, dans le club très fermé des grands propriétaires viticoles du canton de Vaud. En 2019, avec le soutien du père du Maxime, «un passionné de vin qui a réussi dans les télécommunications et qui voulait acheter un domaine viticole», ils reprennent le Domaine du Manoir à Valeyres-sous-Rances. Celui-ci se compose d’une bâtisse historique, qui aurait été une abbaye avant d’appartenir à d’illustres propriétaires dont la comtesse Valérie de Gasparin, fondatrice de l’Ecole de La Source à Lausanne, et le conseiller d’Etat Alfred Oulevay, de cinquante hectares de terres agricoles et de 24 hectares de vignes. Réparties entre Bonvillars (8 hectares) et les Côtes de l’Orbe, ces parcelles accueillent surtout des cépages rouges. Si le gamay se révèle largement majoritaire, le pinot noir couvre

launched in 2004, aimed to demonstrate that even with small yields of 350 grammes per square metre it was possible to make great wines and sell them at a true price of 40 francs a bottle.” The 1,500 bottles of this red, aged in barrels and reserved for private clients and some prestigious hotels, rests several seasons in bottles before being put on the market. The estate is currently marketing its 2012 and 2015 vintages. “We have chosen to bottle the wine only when we consider the vintage quality satisfactory. So there is no point in requesting 2014, 2016 or 2019, because the required conditions were not met”.

The Vin des Croisés (Crusaders’ wine) out to conquer market share

At the beginning of the 1950s, the Cave des Viticulteurs in Bonvillars launched two brands which are still their flagship products today: the L’Arquebuse Chasselas and the Vin des Croisés. The ‘Crusaders’ wine, a pure Pinot Noir matured in vats, is produced in enviable quantities and sold at reasonable prices. It is not the most important Pinot Noir variant produced by the cooperative. Olivier Robert, the oenologist and director of the Cave de Bonvillars, explains: “We cultivate 28 hectares of Pinot. We use it to make not only the Vin des Croisés, but also a wine aged in wooden barrels, a Blanc de Noir, and an Oeil de Perdrix. It is also used in several blends, but only as a minority component”. The Vin des Croisés has always been the company’s flagship product as well as being a valuable and lasting asset of the Vaud viticultural landscape. It is tended with particular care and obtains the Terravin label every year. Although much appreciated

tout de même cinq hectares. «A l’heure actuelle, précise Clémence Sother qui suit actuellement les cours du brevet fédéral de sommellerie à Changins, ce raisin est vinifié par Obrist qui l’intègre dans des assemblages ou le valorise en Œil-de-Perdrix de Bonvillars.» La famille Sother caresse toutefois d’autres ambitions pour ses propriétés (la seconde étant le Château de Malessert acquis en 2020 après plusieurs années de bisbilles juridiques). «Malessert, l’un des plus beaux domaines de chasselas de Suisse, est parfaitement complémentaire avec le Domaine du Manoir. Non seulement parce que le premier est intégralement planté en blanc et le second exclusivement en rouge, mais aussi parce que le décalage de maturité entre La Côte et le Nord vaudois nous permet de faire les travaux de vigne en décalé, poursuit Maxime Sother, qui s’est formé à Marcelin, puis à Changins. Le Domaine du Manoir n’a pas la notoriété du Château de Malessert, mais nous pensons qu’il a le potentiel pour atteindre le même niveau qualitatif.» Modifier l’encépagement figure parmi les axes imaginés pour améliorer la notoriété des Côtes de l’Orbe. «Le gamay, qui couvre aujourd’hui 70% du domaine, va devoir faire de la place au merlot et au pinot. Ce dernier, qui va passer de quatre à dix hectares, sera surtout planté à Champagne», précise le couple qui espère bientôt servir ses cuvées arborant une identité visuelle toute neuve à Perroy. Le Château de Malessert devrait en effet être transformé en hôtel-restaurant haut de gamme et devrait aussi accueillir la cave dans laquelle seront vinifés les blancs locaux et les rouges du Domaine du Manoir.

Chardonnay, le blanc conquérant

Principal cépage blanc de Bourgogne, qui préfère l’aligoté pour ses vins d’apéritif, et de Champagne, où sont aussi autorisés l’arbanne, le petit meslier, le pinot gris et le pinot blanc, le chardonnay s’est particulièrement bien adapté hors de son berceau historique. Ce croisement naturel entre pinot noir et gouais blanc a colonisé plus de 200'000 hectares sur les cinq continents. Troisième blanc le plus planté en Suisse, après le chasselas et le riesling sylvaner, le chardonnay se plaît dans toutes les régions helvétiques. En terre vaudoise, sa superficie a doublé en 25 ans, passant de 22 hectares en 1994 à 44 hectares aujourd’hui.

Chez les Frères Dutruy, le chardonnay est l’un des marqueurs du changement de génération. «Mon père n’était pas très favorable à l’idée d’en planter près de Founex», explique Julien Dutruy. Pour cet œnologue, qui a fait une partie de sa formation en Bourgogne, c’est au contraire une variété qui permet de donner naissance à «des cuvées puissantes, gastronomiques et complexes ennoblies par un élevage sous bois». Pour ce lauréat du titre de Cave Suisse de l’Année en 2017, élaborer un bon chardonnay

© Bertrand Rey

Elaborer un bon chardonnay à La Côte implique de travailler à la vigne déjà sur le potentiel d’acidité du vin

Julien Dutruy, Les Frères Dutruy, Founex

© Philippe Dutoit © Philippe Dutoit

Ce chardonnay, vinifié à la bourguignonne, soit en faisant une fermentation alcoolique en barrique, a beaucoup de succès

Patrick Fonjallaz, Au Clos de la République, Epesses à La Côte «implique de travailler à la vigne déjà sur le potentiel d’acidité du vin. Nous avons opté pour un effeuillage limité – afin de protéger les raisins d’un ensoleillement direct qui détruit l’acidité – et de privilégier des dates de vendange relativement précoces. Ce cépage permet de faire des vins riches et capiteux ou des crus tournés vers la finesse et l’élégance, qui resteront cependant amples et généreux.» Notre interlocuteur ne fait pas mystère de sa préférence pour les vins appartenant à la seconde catégorie. Il confirme que «pour les crus élevés sous bois, une acidité conséquente mais maîtrisée permet de soutenir et de ral-

by private individuals, it is mostly distributed to hotels and restaurants.

“Over the last ten years, sales have advanced well. We’re now going to step up marketing activities aimed at heightening awareness and recognition of the wine.”

Pinot Noir at the Domaine du Manoir

By acquiring 40 hectares of vineyards over a period of two years, Clémence and Maxime Sother discreetly made their way into the very closed club of vineyard owners in the Vaud canton. In 2019, with the help of Maxime’s father – a great wine enthusiast with a successful career in telecommunications and interested in acquiring a wine estate – they took over the Domaine du Manoir, in Valeyressous-Rances. The estate comprises a historic building, originally an abbey, and has belonged to a number of illustrious personages including the countess Valérie de Gasparin, who founded Ecole de La Source in Lausanne, and the state councillor Alfred Oulevay. There are 50 hectares of agricultural land and 24 hectares of vineyards, extending from Bonvillars (eight hectares) to Côtes de l’Orbe, that are planted mainly to red varieties, with Gamay accounting for the vast majority and Pinot Noir, nevertheless, covering five hectares. In 2020, after several years of legal problems, the Sother family acquired Château de Malessert. Maxime Sother explains their vision for the future: “Malessert is one of the most beautiful Chasselas estates in Switzerland and it’s a perfect complement to Domaine du Manoir. That’s not

Comme tous les pinots, le pinot blanc est un cépage sensible aux maladies qui produit des grappes assez petites et compactes

Gianni Bernasconi, Chardonne

longer la finale». Certifié en agriculture biologique depuis 2015, le domaine vinifie sous bois ses «Grandes Réserves» – la gamme de prestige à laquelle appartient le chardonnay – avec des levures indigènes et sans intrants œnologiques à l’exception du soufre. «La fermentation alcoolique se fait en fût de chêne, la malolactique également», poursuit Julien Dutruy qui garde une dizaine de mois en barrique ce vin perché au sommet de la pyramide qualitative du domaine.

A Epesses, Patrick Fonjallaz a planté du chardonnay avec l’objectif de l’assembler au pinot noir qui fournit la base de l’effervescent du domaine. «Au final, l’alliance des deux cépages n’améliorait pas fondamentalement notre mousseux. Nous avons donc décidé de le commercialiser en vin tranquille», explique le propriétaire du Clos de la République qui précise que «ce vin, vinifié à la bourguignonne, soit en faisant une fermentation alcoolique en barrique, a beaucoup de succès. Comme toutes les spécialités blanches d’ailleurs!» Les 6'000 mètres carrés de chardonnay répartis sur trois communes donnent naissance à quelques 3'000 bouteilles. Elevé une année en fût de chêne, ce vin se caractérise par une faible acidité naturelle. «Si nos revendeurs restent relativement classiques et privilégient les chasselas d’appellation, la clientèle privée se tourne toujours plus vers les autres cépages. Par contre, elle continue de se méfier des vins construits sur une forte acidité, ce qui explique la grande demande pour cette variété à la vivacité limitée», conclut le producteur de Lavaux.

Pinot blanc: discret ou élégant?

En Allemagne, en Autriche et en Alsace, cette mutation naturelle du pinot noir joue un rôle plus important que celui de spécialité confidentielle qui lui est dévolu dans la plupart des vignobles du monde. En Suisse, il occupe 114 hectares dont 15 sont répartis dans les six régions du canton de Vaud. Lors de la Sélection des Vins Vaudois 2020, le Pinot Blanc de Chardonne 2019 est

Jubilé repoussé pour le Servagnin

2020 devait marquer un anniversaire très important pour la vingtaine de vignerons de La Côte qui produisent du Servagnin de Morges. En effet, en 1420, Marie, fille du duc de Bourgogne, se réfugia à SaintPrex pour échapper à une épidémie de peste. Elle offrit ensuite aux vignerons de la région des plants d’un clone de pinot noir. Après avoir été sauvé de l’anéantissement dans les années 1970, celui-ci est devenu un emblème pour le plus oriental des lieux de production de la grande AOC vaudoise. La pandémie de COVID ayant bouleversé l’année 2020, le riche programme de manifestations a été reporté et s’étalera vraisemblablement sur 2021 et 2022.

arrivé troisième de la catégorie Autres Cépages Blancs. Son maître d’œuvre est un œnologue originaire du Tessin qui a repris le domaine d’Alain Neyroud. «Lorsque je suis arrivé au domaine, il y a quinze ans, il y avait déjà du pinot blanc. La vigne était en location et nous l’avons perdue, car le terrain était constructible. Nous avons ensuite décidé de le replanter sur 3'000 mètres carrés. Ce qui en fait notre principale spécialité», déclare Gianni Bernasconi. Notre interlocuteur la vinifie en deux versions (élevage en cuve et en barrique). Toutes deux ont convaincu les jurés du Mondial des Pinots 2020 puisque le classique y a ob-

only because the Château is planted entirely to whites and the Manoir exclusively to reds, but also because La Côte and the north Vaud region have different ripening periods, which means we can stagger the vineyard work. Domaine du Manoir is not as well-known as Château de Malessert, but we believe it has the potential to achieve the same quality levels.”

Chardonnay, the conqueror

Chardonnay has adapted particularly well outside its historic birthplace. It is the principal white grape variety in Burgundy - where Aligoté is preferred for aperitif wines - and in Champagne - where the Arbanne, Petit Meslier, Pinot Gris and Pinot Blanc varietals are authorised. A natural cross between Pinot Noir and Gouais Blanc, Chardonnay covers 200,000 hectares across the five continents. The third most widely planted white in Switzerland, after Chasselas and Riesling-Silvaner, Chardonnay likes all the regions of Switzerland. In the Vaud region, its surface area has doubled in the last 25 years, increasing from 22 hectares in 1994 to 44 hectares today.

According to the oenologist Julien Dutruy (at Les Frères Dutruy in Founex, awarded Swiss Cellar 2017 title), who completed part of his training in Burgundy, it is a variety that gives “wines that are powerful, gastronomic and complex, enriched through ageing in wooden barrels.” He goes on to explain that producing a good Chardonnay in the La Côte region “means starting work on the wine’s

© Bertrand Rey

Le pinot blanc n’est pas un vin de cinéma, agréable à la vigne, facile à la cave

Benjamin Morel, Château de Valeyres, Valeyres-sous-Rances

tenu l’or et son pendant en fût de chêne, l’argent. «Comme tous les pinots, c’est un cépage sensible aux maladies qui produit des grappes assez petites et compactes. Nous faisons souvent les vendanges en deux tries, parfois avec quinze jours de différence, ce qui permet d’augmenter la complexité aromatique de ce vin qui reste tout de même assez neutre.»

Neutralité, discrétion et élégance sont des qualificatifs qui reviennent aussi régulièrement dans le discours de Benjamin Morel. Le vigneron des Côtes de l’Orbe explique que son père avait planté du pinot blanc dans les années 1980. «A l’époque, nous n’avions pas beaucoup de références et nous avions essayé différents types de vinification. Nous l’avons utilisé quelques années pour du passerillé, mais c’est un raisin assez fragile et nous avons plutôt opté pour une version sèche, le Baron Blanc. Fragile à la vigne et peu productif, il est en plus assez peu expressif si on le vinifie comme un chasselas. Il faut maîtriser les températures lors de la fermentation

acidity potential already in the vineyard. This variety can make rich, full-bodied wines or wines that are more refined and elegant, yet ample and generous.” Dutruy makes no mystery of his preference for wines from the latter category. The estate has been certified organic since 2015.

Patrick Fonjallaz planted Chardonnay in his vineyards, in Epesses, with the intention of blending it with Pinot Noir which provides the basis for the estate’s sparkling wines. “In the end, combining the two varieties didn’t fundamentally improve our sparkling wines. So, we decided to market it as a still wine.” Fonjallaz, who owns Clos de la République goes on to explain that, “this wine, vinified according to the Burgundian technique of barrel fermentation, is a great success. That’s true for all our white specialities!” The 6,000 square metres of Chardonnay, extending across three communities, produce some 3,000 bottles. After a year of oak-barrel maturation, the wine has a naturally low acidity.

Pinot Blanc: discreet or elegant?

In Germany, Austria and Alsace, this natural mutation of Pinot Noir plays a more important role than that of a confidential speciality, the role attributed to it in most of the world’s vineyards. In Switzerland it covers 114 hectares of which 15 are divided between six regions of the Vaud canton. At the Sélection des Vins Vaudois 2020, the Pinot Blanc de Chardonne 2019 came third in the Other White Varieties category. Its master craftsman, Gianni Bernasconi, is an

alcoolique et travailler avec des levures adaptées à son profil aromatique. C’est un cépage qui a sa place dans notre gamme de vins. Il se révèle, assez riche, relativement gras, idéal pour la gastronomie (sur des poissons par exemple).» Les 2'500 bouteilles du Château de Valeyres trouvent chaque année leur public, mais notre œnologue du Nord vaudois souligne que «le pinot blanc n’est pas un vin de cinéma, agréable à la vigne, facile à la cave. Réussir un beau pinot blanc constitue une vraie satisfaction professionnelle.»

Pinot gris, la douceur bien sentie

Autre mutation du pinot noir, ce cépage généreux qui donne naissance à des vins opulents et expressifs est répandu dans tous les pays viticoles qui entourent la Suisse. Sur le territoire de la Confédération, celui qu’on appelle aussi Grauburgunder et malvoisie occupe 235 hectares. Vaud, avec 38 hectares, lui accorde un rôle particulier puisqu’il occupe la troisième place des cépages blancs plantés dans le canton après le chasselas (2'265 ha) et le chardonnay (44 ha).

Au Domaine de Serreaux-Dessus, le pinot gris a été planté à la fin du siècle passé avec l’ambition de donner naissance à un vin doux. «Je ne voulais pas faire un liquoreux monocépage, explique Antoine Nicolas. L’idée était de mélanger deux tiers de pinot gris afin d’avoir des arômes miellés et épicés et un tiers de chardonnay afin d’apporter de la vivacité. Nous nous sommes ensuite aperçus que ces raisins donnaient un vin sec très plaisant, qui est venu rejoindre le chardonnay, arrivé lui sur la carte des spécialités en 1980.» Aujourd’hui, le vin doux n’est pas fait toutes les années. «Il faut que l’état sanitaire soit parfait, précise l’œnologue de Begnins, sinon on ne peut pas réussir un passerillage satisfaisant.» Le pinot gris sec a trouvé son audience, comme le précise notre interlocuteur qui avoue préférer lorsque le vin n’a pas de sucre résiduel, comme le 2020, mais reconnaît que les millésimes conservant une petite douceur sont très appréciés de sa clientèle.

Nous nous sommes aperçus que ces raisins de pinot gris donnaient un vin sec très plaisant

Antoine Nicolas, Domaine de Serreaux-Dessus, Begnins

oenologist, originally from Tessin, who had taken over Alain Neyroud’s estate. “When I arrived at the estate 15 years ago, they already had some Pinot Blanc. But it was planted in a rented vineyard which lay in a constructible zone, so we lost it. We decided to replant it over an area of 3,000 square metres.” We produce two versions (in vats and in barrels). Both won the approval of the Mondial des Pinots 2020 juries: the classic version won gold and the wooden-barrel version, silver.

The terms neutrality, discretion and elegance are often used by Benjamin Morel. This winemaker from Côtes de l’Orbe explains that his father had planted Pinot Blanc in the 1980s. “We used it for a few years to make raisin wine, but the grape is rather fragile so we opted for a dry version, Baron Blanc, which is fairly rich and ideal for use in cooking, especially fish.”

The 2,500 bottles produced each year at Château de Valeyres find ready buyers, but Bernasconi underlines the fact that the growing and making of this wine is no easy matter. So, producing a fine Pinot Blanc is extremely satisfying.

Pinot Gris, a well-chosen sweetness

Yet another Pinot Noir mutation, this generous grape variety produces opulent and expressive wines. It is widely planted in all the winegrowing countries bordering with Switzerland. Within the Confederation, also referred to as Grauburgunder or Malvoisie, it covers a surface area of 235 hectares. In the Vaud canton, with 38 hectares

Dans le Vully vaudois, le pinot gris Clair de Lune est la plus importante des spécialités blanches des Caves du Château Montmagny. «C’est la plus ronde de nos cuvées. Si elle affiche deux ou trois grammes de sucre résiduel, nous n’y voyons pas d’inconvénient tant qu’il y a une belle acidité», confirme Dylan Loup aux manettes de ce domaine familial de cinq hectares depuis trois ans. A son arrivée, le style des vins a quelque peu changé afin de gagner en vivacité. «Le pinot gris est vendangé en deux étapes. Une petite partie de nos 8'000 mètres carrés sont ramassés deux jours avant le début de la récolte proprement dite. Ces raisins sont entreposés dans des frigos à moins dix degrés. 48 heures plus tard, ils sont mélangés au reste de la vendange qui va faire douze heures de macération pelliculaire dans le pressoir avant que le tout soit pressé. Cette technique nous permet de gagner en structure et en complexité aromatique.» Le jeune œnologue du Vully ajoute qu’en général ce vin ne fait pas de fermentation malolactique, toujours dans le but de conserver de la fraîcheur et de l’allant, un support essentiel pour exprimer toutes les nuances d’une variété plantée par son grand-père il y a un bon quart de siècle. Si notre pinot gris affiche deux ou trois grammes de sucre résiduel, nous n’y voyons pas d’inconvénient tant qu’il y a une belle acidité

Dylan Loup (avec son grand-père André), Les Caves du Château Montmagny

planted, it enjoys particular attention since it is the third most widely planted white variety after Chasselas (2,265 ha) and Chardonnay (44 ha).

At Domaine de Serreaux-Dessus, Pinot Gris was planted at the end of the last century with a view to producing a sweet wine. Antoine Nicolas explains that it was not his intention to make a single varietal sweet wine. “The idea was to blend two-thirds of Pinot Gris, for the honey and spice aromas, with one third Chardonnay to add vivacity. We then noticed that these grapes gave a very pleasant dry wine.” The wine found ready buyers. Nicholas admits that personally he prefers the wine without residual sugar, like the 2020 vintage, but he recognises that the vintages that retain a slight sweetness are very much appreciated by his customers.

In the Vully region, the Clair de Lune Pinot Gris is the leading white speciality of Caves du Château de Montmagny. “It has more roundness than our other wines. We have no problem with two or three grammes of residual sugar, so long as the acidity level is good”, explains Dylan Loup, a young oenologist, who has been running the five-hectare family estate for the last three years. He points out that generally this wine does not go through malolactic fermentation in order to maintain a freshness and vigour that are indispensable for expressing the many nuances of this grape variety, planted by his grandfather well over a quarter of a century ago.

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