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sommaire oc t obre 2 0 1 4

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é di torial

04 • « Qui suis-je pour juger ? », Nathalie Sarthou-Lajus et François Euvé

in t e rnat ional 07 • Proche-Orient, les rendez-vous manqués de la démocratie, Gilles Paris

L’espoir soulevé en 2011 par les Printemps arabes a fait long feu. Le Proche-Orient est redevenu un bastion de conservatismes et de fondamentalismes, des plus classiques aux plus barbares. Il faut rappeler l’histoire récente pour comprendre ces va-et-vient. La situation risque d’être d’autant plus durable que les puissances mondiales rechignent à s’engager.

19 • Où va Madagascar ?, Sylvain Urfer

La situation politique malgache semble stabilisée. Mais rien n’est réglé pour autant. Il importe de connaître l’histoire de l’île, ses divisions ethniques et ses mutations culturelles. Une reprise des valeurs traditionnelles peut aider la transition actuelle. Les Églises ont leur rôle à jouer, à condition qu’elles évitent de s’impliquer, comme elles l’ont fait autrefois, dans les querelles politiques.

s o c ié t é

29 • Quelle place pour les personnes homosexuelles dans nos communautés chrétiennes ?, Claude Besson

L’accueil des personnes homosexuelles est-il vraiment effectif aujourd’hui dans nos communautés chrétiennes ? Si des avancées ont vu le jour ces dernières années, la clandestinité que s’imposent les personnes homosexuelles par peur d’être mal jugées est réelle et douloureuse pour ellesmêmes et leurs familles.

41 • L’économie française en trompe-l’œil, Étienne Perrot

Le 6 août dernier, le Conseil constitutionnel a bloqué la mesure sociale du Pacte de responsabilité. Ce Pacte avait été annoncé par le Président de la république lors des vœux à la nation le 31 décembre dernier en vue de l’allègement des coûts du travail. Il fut voulu par le gouvernement pour remettre l’économie française en ordre de marche. Produira-t-il les effets sociaux escomptés ?

E s sai

53 • Deux pensées du social : Hannah Arendt et Simone Weil, Paul Valadier

La politique occupe une grande place dans la réflexion philosophique, ainsi que dans les préoccupations des citoyens. Mais on risque d’oublier que nombre de philosophes, dont Simone Weil et Hannah Arendt, ont aussi insisté avec force sur la question sociale comme telle, ou qu’ils se sont également beaucoup penchés sur les liens qui unissent les hommes par-delà ou en-deçà du politique. 2

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Re ligion e t spiri t uali t é 63 • Homosexualité et morale chrétienne aujourd’hui, Laurent Lemoine

« Qui suis-je pour juger une personne homosexuelle ? » Le pape François affirmait ainsi avec force l’égale dignité des personnes, quelle que soit leur orientation sexuelle. En réalité, qui connaît, au juste, la logique et le contenu de la morale catholique relative aux personnes homosexuelles ?

Ar t s e t li t t é r at u re 75 • Le Greco, la peinture de l’impossible, Patrick Royannais

Le 7 avril 1614, s’éteignait à Tolède le Greco. Le 400e anniversaire de la mort du peintre, méconnu durant trois siècles, est l’occasion de redécouvrir l’œuvre du « Grec de Tolède ».

Figure lib re 87 • Frédéric Boyer : Petite

C hroniqu e 97 • François Cassingena-Trévedy : Du bonheur

les carnets culturels

99 • Carnets aléatoires

• Le Paradis, d’Alain Cavalier, etc.

Franck Damour • Le temps d’une série : le cas de Medium

115 • Revue des livres

101 • Expositions

Laurent Wolf • Vingt mille ans de formes simples au Centre Pompidou Metz

107 • Cinéma

Charlotte Garson, Raphaël Nieuwjaer, Arnaud Hée, Jérôme Momcilovic • Mommy, de Xavier Dolan • 3 cœurs, de Benoît Jacquot • Léviathan, d’Andreï Zviaguintsev • White bird in a blizzard, de Gregg Araki

Notes de Lecture : Nathalie Sarthou-Lajus et Patrick Goujon • Une rentrée « catholique » ? Chloé Salvan • Solde de tout Dieu Agnès Mannooretonil • Pour regarder la Russie sans nos lunettes d’occidentaux Recensions : Les 42 livres de ce mois.

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édito r i a l

« Qui suis-je pour juger ? » Nathalie Sarthou-Lajus et François Euvé

« S

i une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? » Ces paroles du pape, de retour des JMJ de Rio, en réponse à une journaliste qui le questionnait sur l’existence d’un lobby gay au sein du Vatican, ont marqué les esprits. Le pape François discernait ce qui importait : la fraternité à l’égard des personnes homosexuelles. Un air frais évangélique circulait de nouveau en écho à la parole de Jésus dans le « Sermon sur la montagne » : « Ne jugez pas afin de n’être pas jugés » (Mt 7,1). C’est aussi un avertissement adressé aux scribes et aux pharisiens de nos églises : méfions-nous, non pas de la morale, mais d’un certain moralisme qui s’empresse de juger et de condamner une personne à partir de son comportement sexuel. De fait, dans le cadre des débats sur le « mariage pour tous », des propos homophobes ont pu ressurgir au sein même des communautés chrétiennes.

Nous vivons une période de mutations profondes dans notre vision de l’humain. L’évolution des mœurs ainsi que le développement des sciences humaines, des techniques et des connaissances sur l’évolution du vivant, entraînent un vacillement des représentations familières. Ce qui apparaissait comme des fondements immuables se trouve ébranlé. Le surgissement de toute nouveauté prétendument « moderne » n’est pas nécessairement bon et appelle un discernement de ce qui est véritablement porteur de vie et de fécondité. L’homosexualité est difficile à aborder parce qu’elle touche aux profondeurs de l’humain et qu’elle a des effets socio-politiques. Nous avons souhaité nous laisser provoquer par l’interrogation du pape et, au-delà des « pré-jugés », ré-ouvrir la réflexion sur l’homosexualité. Deux articles de ce numéro y contribuent, l’un selon une approche pastorale (« Quelle place pour les personnes homosexuelles dans nos communautés chrétiennes ? » par Claude Besson) et l’autre dans le

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champ de la théologie morale (« Homosexualité et morale chrétienne aujourd’hui », par Laurent Lemoine), chantier laissé quelque peu en jachère depuis la publication des travaux pionniers de Xavier Thévenot. Comment peut-on être homosexuel et chrétien ? Existe-t-il une manière chrétienne de vivre son homosexualité et l’homosexualité de ses proches ? Ce que vivent effectivement des personnes et des couples homosexuels mérite d’être entendu. À vrai dire, ces questions excèdent le domaine stricto sensu de l’homosexualité. Elles interrogent la manière dont le christianisme entre en dialogue avec son temps, en tenant compte de l’évolution des mœurs et de l’apport des sciences humaines concernant la construction des identités sexuelles1. Il faut bien reconnaître un écart entre la discrétion évangélique, non seulement sur l’homosexualité qui existait aussi à l’époque, mais sur la sexualité et sur les relations amoureuses en général, et les prescriptions précises, souvent dures, du Catéchisme de l’Église Catholique. Cet écart laisse place à de nombreuses interprétations. L’interpellation du pape François distingue le comportement singulier de certaines revendications sociales. Elle n’oppose pas le fait d’assumer son homosexualité à celui de rechercher le Seigneur. Elle a ainsi le mérite de déplacer l’approche morale de la vie sexuelle et affective dans le sens d’une attention aux personnes, d’une confiance en leur foi au Christ, et permet d’espérer un assouplissement de « la discipline ecclésiale ». L’objectif n’est pas le jugement des personnes ni la condamnation de ce qu’elles vivent, mais l’annonce d’une Bonne Nouvelle, celle de l’amour miséricordieux du Christ auquel chacun peut prendre part. Ce qui nous rassemble en tant que chrétiens, c’est la reconnaissance de l’appartenance de chacun à une même filiation divine. Chaque personne est égale en dignité, quels que soient son sexe et son orientation sexuelle. Dès lors, comment se limiter à recenser les quelques passages bibliques, au demeurant rares et pas aussi clairs qu’on voudrait bien le dire, qui « condamnent » l’homosexualité, sans les placer sous l’éclairage de cette Bonne Nouvelle ? Comment se contenter d’une pastorale de l’accueil qui scinde de façon quasi insoutenable la personne homosexuelle en distinguant le respect de son identité et la réprobation d’un comportement sexuel jugé « désordonné » car contraire à la loi de la différence des sexes ? 1. Lire l’article de Bruno Saintôt, « Quand le genre trouble les catholiques », Études, juillet-août 2014.

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Comme si le désir sexuel dont l’origine est complexe, énigmatique, ne faisait pas partie de l’identité d’une personne ? Comme si on pouvait commander à une personne de ne pas pratiquer une sexualité dès lors que celle-ci satisfait les exigences morales minimales du consentement et de la non-nuisance à autrui ? La parole biblique, « mâle et femelle il les créa » (Gn 1,27), valorise la différence des sexes. C’est dans la relation à l’autre sexe insaisissable que nous pouvons faire l’expérience de l’altérité et d’une fécondité de la vie donnée. Mais l’exégèse biblique2 comme les sciences humaines nous ont appris que l’appréhension de cette différence s’inscrit elle-même dans une histoire culturelle et qu’elle ne peut se réduire à la seule différence anatomique. La reconnaissance de l’altérité est le fruit d’un long et difficile apprentissage qui vaut pour tous les couples et toutes les relations vivantes. Être de même sexe n’empêche pas de reconnaître l’altérité et d’éprouver sa propre différence. Être de sexes différents ne rend pas cette reconnaissance plus facile, comme peuvent en témoigner les nombreuses formes de violence conjugale. Si le modèle social dominant de la fécondité d’une vie et d’une relation de couple est marqué par la naissance d’un enfant, ce n’est pourtant pas la seule fécondité susceptible de nourrir une personne et de lui permettre de se construire. Certaines relations « ouvrent sur un autre type de fécondité, une fécondité sociale », ce qui « n’est pas moins important aux yeux de l’Église3 ». Nathalie Sarthou-Lajus et François Euvé

2. André Wénin, « Homme et femme en Genèse. Des différences fondatrices ? », Études, juillet-août 2014. 3. Conférence des évêques de France, Conseil Famille et société, « Élargir le mariage aux personnes du même sexe ? Ouvrons le débat ! », septembre 2012.

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