REZO Mag Nº6

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Automne 2011 - Nº6

L’ aventure d’ soi

être

3,50€

Automne 2011

· nº6

le sens est ailleurs

le sens est ailleurs


RENCONTRES INTERNATIONALES PARIS/BERLIN/ MADRID NEW CINEMA & CONTEMPORARY ART NOV. 18 26, 2011 PARIS/ CENTRE POMPIDOU GAÎTÉ LYRIQUE

www.art-action.org


sommaire automne 2011 • nº6

4

Collaborateurs

5

Edito

6

L’œil de Rézo Susana Bernal

8

Reportage Révolution des femmes : La femme indienne, “Woman is godness”

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6

14

Entre les lignes Visa pour l’image Géopolitique : - Chine, innover ou survivre - Le réseau Haqqani : acteur régional, ambitions mondiales

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Dossier L’aventure d’être soi - Germán Peraire, le douloureux chemin vers soi-même - Cristina Hoyos, une légende vivante - L’itinéraire d’un affranchi - Leonor Greyl, artisane de sa propre vie - Portfolio Sean Lee - Les dérives du développement personnel

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Humeur Le Chat

26

60

Quand la mode donne du sens Mode, village global et traditions locales

64

60

Petit manuel des dîners en ville Rézo vous aide à lancer des sujets de conversations dans vos dîners ! Culture : expos, musique…

74

Horoscope

64 rézo sur

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Automne 2011 • Rézo • 3


collaborateurs

emmanuel haddad

Editeur : nIF : Y-0611107-B Publication Co-fondateurs : Valérie Zoydo, Philippe Cusumano Rédactrice en chef Valerie Zoydo valerie.rezomag@gmail.com Tél. 661 12 09 27 Publicité et communication Philippe Cusumano philippe.rezomag@gmail.com Tél. 603 78 18 39 Production et communication Emmanuelle Pasquer emmanuelle.rezomag@gmail.com Tél. 650 41 32 03 Création graphique Juliana Peña (Peña Design) juliana.rezomag@gmail.com Tél. 639 29 14 93 Illustrations : Philippe Geluck Photo couverture : Alexander castro Impression : CEVAGRAF Dépôt légal : B-25.239-2010 Nous contacter info.rezomag@gmail.com Points principaux de distribution : • Barcelone : Consulat de France, Consulat de Belgique, Consulat Suisse, Maison du Québec, Institut français, librairie Jaimes, librairie Centro Europeo de Sarrià, librairie Laie CCCB, Tot el Born, Galerie Artevistas, Axel/Harrira, Le Comptoir Marseillais… • Madrid : Ambassade de France, Consulat de France, Ambassade de Belgique, Ambassade du Canada, Ambassade de Suisse, Ubifrance, Chambre de commerce franco-espagnole, La Maison de la France, Institut français, lycées et écoles françaises. • Dans les trains en classe affaires et 1ère classe : Paris-Madrid, Paris-Barcelone, Genève-Barcelone, MadridBarcelone Rézo n’est pas responsable des opinions, illustrations et articles de ses collaborateurs.

4 • Rézo • Automne 2011

Journaliste Journaliste spécialisé sur les questions sociales, il a fait ses premiers pas à Radio Orient avant de devenir le rédacteur en chef du magazine européen cafebabel.com.. Il est aujourd’hui freelance à Barcelone.

andrea gonzález

Photographe Photographe et caméraman, diplômée d’une licence en sciences humaines et d’un master en reportage TV de L’Université Pompeu Fabra de Barcelone. A étudié la photographie à l’IEFC.

germán peraire

Photographe Catalan, il n’a que 23 ans et pourtant il photographie la vie avec maturité. Sa démarche : capter l’intime, raconter la nature humaine et donner à voir des individualités uniques, authentiques, loin des stéréotypes. Il est exposé à la galerie Tagomago de Barcelone.

marie-lorraine raveton

Rédatrice Après un premier roman et un passage en librairie, elle s’est installée à Barcelone où elle écrit en freelance pour des sites et magazines. http://malibrairie.net/

albert bonsfils

Photographe Né à Barcelone, il vit actuellement à Paris. Gagnant de la bourse Clic 2011 de photojournalisme, il a reçu récemment la mention d’honneur pour son reportage “Les travailleurs dorment dans des lits oxydés”. www.albertbonsfills.com

fernando casado

Chroniqueur Fondateur et directeur du Centre d’Alliances pour le Développement et directeur du Laboratoire académique de la Base de la Pyramide en Espagne. Il est aussi journaliste et auteur de livres sur la durabilité et le développement.

véronique andrée

Astropsychologue et professeur d’ Astrologie Elle reçoit en consultations individuelles en français, anglais et espagnol, et s’occupe de l’horoscope de Rézo. verobarna@gmail.com + 34 610 616 220

aurélien le genissel

Journaliste Licencié en journalisme, philosophie et histoire, travaille actuellement comme journaliste freelance avec plusieurs revues culturelles en France et en Espagne.

carlos rivadulla oliva Chroniqueur Inventeur et avocat spécialisé en propriété industrielle et intellectuelle. Fondateur de l’entreprise Ecofrego. Conseille des inventeurs et entrepreneurs et enseigne le droit de la propriété intellectuelle dans plusieurs universités de Barcelone.

cyrille georges

Chroniqueur De formation marketing et management, fraîchement trentenaire et en quête d’évasion, il a tout quitté, Paris et le Canada, pour Barcelone et l’écriture.

aymeric janier

Chroniqueur Diplômé de l’Institut Pratique de Journalisme de Paris (IPJ), dont il est sorti major en 2006, il est spécialiste des questions internationales, en particulier moyen-orientales. Il travaille comme journaliste au Monde.fr.

sean lee

Photographe Singapourien, ce photographe de 27 ans a étudié la littérature. Il a reçu le prix spécial du jury de photo d’Angkor. Il est publié dans divers magazines : The Guardian, OjodePez, TimeOut Singapore. Il est exposé à la galerie Tagomago de Barcelone.

alexander castro gutierrez Photographe Dix ans dans les arts du Cirque, au Venezuela, il développe un vrai amour pour les arts, et entreprend des études de photographie. Actuellement installé à Barcelone, son travail est publié et exposé régulièrement. www.castroalexander.com

céline villegas

Chroniqueuse et Photographe Diplômée de sciences politiques, elle travaille dans la communication au Quai d’Orsay et s’adonne à sa passion pendant ses temps libres : la photographie.


edito

Pour la première fois depuis plusieurs décennies, le solde migratoire de l’Espagne est devenu négatif cette année, avec 130 850 résidents en moins. Les jeunes Espagnols diplômés tentent leur chance, entres autres, en France, au Royaume-Uni ou en Allemagne. Il ne s’agit pas forcément d’une véritable “fuite des cerveaux”, puisque la plupart restent en Europe. Seul problème, au sein de l’UE, on ne raisonne pas collectivement. Mais alors, finalement, qu’est-ce que l’Europe ? Comment la vivre dans notre quotidien en tant que citoyen, ou hors du prisme exclusif de l’euro ? Et encore, les médias nous martèlent à longueur de journée que notre monnaie est menacée. Nous n’avons pas de réseau européen pour la téléphonie mobile. Quant à la fiscalité, n’y pensons même pas. Et pourtant, pour s’extirper de cette crise, il faut à tout prix sauver l’Europe, poursuivre sa construction, consolider ses bases et changer la vision que nous pouvons en avoir. On ne dit pas assez qu’elle est riche, qu’elle dispose de moyens considérables. C’est même la première puissance économique mondiale, avec un PIB supérieur à celui des Etats-Unis et quatre fois plus élevé que celui de la Chine. Mais en réalité, le problème de l’Europe, c’est qu’elle n’existe pas. Tant qu’elle ne sera pas politique, elle ne pourra pas peser sur l’échiquier mondial. La force de la Chine ou de l’Inde, c’est d’être des Etats-continents. Notre problème ? Nous forvalérie zoydo mons un continent de 27 Etats qui n’arrivent jamais Rédactrice en chef à s’entendre. Essayons enfin de raisonner d’une seule et même voix ! Soyons corporate entre Européens ! Nous devons être solidaires. Car, somme toute, l’UE existe bel et bien. Nous avons des intérêts et des objectifs communs. Et un ennemi à abattre : les dérives des marchés financiers. Elle est loin, la solution de la “démondialisation”. Mieux vaut opter pour une sorte de protectionnisme européen, par le biais duquel nous nous inspirerions, ensemble, du modèle asiatique : la confiance. Il n’y a qu’elle qui puisse attirer les investisseurs et faire en sorte de pouvoir exporter. En clamant à l’envi que nous sommes en faillite, nous nous tirons une balle dans le pied. Sachons nous montrer forts, cessons d’avoir peur de la Chine et des autres. Soyons fiers de ce que nous sommes et arrêtons de nous autoproclamer plus vieux musée du monde ! Le mouvement des “indignés” est à l’image de cette Europe : il n’a pas d’unité et se veut apolitique. Il n’a pas d’ennemi commun. Qu’il s’agisse des “indignés” d’Espagne, d’Italie, de Grèce ou encore de France, leurs messages s’étiolent. Les uns protestent contre le chômage de masse, les autres contre l’absence de démocratie réelle ou encore le pouvoir de l’oligarchie. Mais tant que nos représentants seront pieds et poings liés avec des marchés financiers qui les manœuvrent tels de pauvres pantins, la démocratie n’existera pas. La véritable gangrène, ce sont les spéculateurs malintentionnés, qui, comme dans une guerre aveugle aux relents terroristes, sont difficiles à combattre : l’argent n’a pas d’odeur, pas plus qu’il n’a de visage. Alors, avant de prôner l’austérité pour réduire le problème des dettes souveraines –ce qui nous ferait sombrer davantage et provoquerait une catastrophe au niveau social– ne nous trompons pas d’ennemi. Et arrêtons de nous flageller. A quand les Etats-Unis d’Europe ? Ensemble, l’avenir n’est pas si sombre.

Automne 2011 • Rézo • 5


L’ŒIL DE RéZo

La Tour de Babel de

Bernal

SuSana

Nueve - Technique mixte sur toile - 150 x 150 cm

Ses influences “L’ expressionnisme abstrait et le Neo-Dada new-yorkais m’ont toujours intéressée. Je sens un intérêt particulier pour “L les oeuvres de Robert Rauschenberg : précurseur du Pop art, il réalise une fusion entre le principe de la reproduction objective et mécanique de l’oeuvre avec la gestuelle violente de ses coups de pinceau. Et tout cela est ordonné dans des compositions étudiées qui se mélangent avec le hasard de l’expérimentation”. S.B.

Sa vision de la société contemporaine à travers sa peinture : “Nous vivons dans une société soumise à un changement continu, de plus en plus rapide et complexe. Et il se produit la même chose dans le monde de l’art. Ces derniers sont comme une tour de Babel à laquelle j’essaie de participer en filtrant la réalité à travers mon propre regard, en reconstruisant le passé à travers le présent”. S.B.

Galerie Artevistas Passatge del Crèdit 4 08002 Barcelona Tél/Fax. 935 13 04 65 info@artevistas.com

6 • Rézo • Automne 2011

“Je ne fais ni de l’art pour l’art, ni de l’art contre l’art. Je suis pour l’art, mais pour l’art qui n’a rien à voir avec l’art. L’art a tout à voir avec la vie.” Robert Rauschenberg



Révolution des femmes

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RepoRtage : la femme indienne

“Woman is godness”

Panneau publicitaire dans les rues de Bombay

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Affiches dans les rues de Madurai, seconde ville de l’Etat du Tamil Nadu

Derrière l’objectif de Céline Villegas, la réalité a souvent de l’humour, de la poésie et un zeste de mélancolie. A travers son reportage en Inde du Sud, la photographe franco-chilienne invite les lecteurs de Rézo à se pencher sur le statut des femmes de la région et leur rapport avec les hommes. Un appel au dialogue des cultures et à l’ouverture.

L

L’Inde est un monde à part, gigantesque, coloré, surpeuplé, bruyant. Les clichés sont nombreux sur ce pays, mais on peut choisir d’éviter la misère ou le chaos pour ne voir qu’une actrice essentielle de cette société : la femme indienne. Allégorie d’une Inde traditionnelle qui s’ouvre aujourd’hui au monde en cherchant un équilibre entre son passé et son entrée dans la modernité à l’occidentale, la femme indienne se situe au cœur des changements et des paradoxes de cette société. Elle cristallise dans une certaine mesure, les bouleversements socioéconomiques que connaît l’Inde : l’ouverture à l’international de ce géant de 1,2 milliard d’habitants en pleine urbanisation est en train de bouleverser les traditions. Les défis en matière de politique, d’environnement, de fondamentalisme religieux ou d’identité ont souvent été relevés grâce aux mouvements des femmes. Une femme indienne combative, courageuse, moteur de progrès, et pourtant encore victime des paradoxes de cette société.

Entre soumission et pouvoir Ainsi, en se promenant dans les rues de Bombay, l’absence des femmes dans la cité reste frappante. La ville grouille et

fourmille d’hommes affairés, d’automobiles et de rickshaws qui s’entremêlent dans un chaos généralisé. Si la situation de la femme indienne a connu ces dernières années certaines évolutions significatives (loi sur les quotas de participation aux élections locales votée en 1992 et loi contre les violences faites aux femmes votée en 2006), le chemin du changement des mentalités reste long. Les chiffres de la violence faite aux femmes notamment symbolisée par les “dowry deaths” ou la politique de sélection des garçons à la naissance sont révélateurs d’une société indienne encore conservatrice et puritaine qui place la femme dans une situation de faiblesse et la rend presque invisible. Les Indiens peuvent toutefois se féliciter de voir ces phénomènes -souvent dénoncés par les organisations internationales- reculer peu à peu. Paradoxalement, la femme a réussi à obtenir un vrai rôle au sein du pouvoir et ne cesse d’investir l’espace public, de l’accession au pouvoir d’Indira Gandhi en 1966 jusqu’à l’élection en 2007 de la présidente Pratibha Patil en passant par la Cour suprême, les banques d’affaires, l’art ou le journalisme. Un juste équilibre reste donc à trouver entre ces deux situations extrêmes : une femme à la fois esclave de l’homme et au sommet du pouvoir.

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Révolution des femmes

n

RepoRtage : la femme indienne

la mèRe, divine et vénéRée Cette contradiction se révèle d’autant plus étonnante que, dans ce pays dominé par la religion hindoue, l’homme considère la femme comme une déesse. “Woman is godness”, entend-on souvent de la bouche des hommes indiens. Cette idée est très présente dans la société indienne et dans la perception collective de la femme. Dans son ouvrage La Civilisation des différences, Alain Daniélou explique que c’est “en tant que mère que la femme (...) est divine et vénérée”. La spiritualité indienne protectrice dans les limites de l’orthodoxie, magnifie la femme reproductrice et gardienne du foyer symbole de prospérité. Mais cette idée s’entrechoque au quotidien avec la réalité des violences qu’elle subit. Ce contraste est évoqué à Beaubourg à travers l’œuvre phare du peintre indien Atul Dodiya (voir encadré). Il a représenté sur un rideau de fer à moitié relevé d’un magasin indien, la déesse hindoue de la richesse, Mahalakshmi. Mais lorsque le store est ouvert, on aperçoit une autre facette de la société indienne : une

En se promenant dans les rues de Bombay, l’absence des femmes dans la cité reste frappante.”

Le chaos permanent des rues de Bombay

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Scène de vie, Rameswaram, ville sainte située à l’extrême sud de l’Inde, elle fait face au Sri Lanka

illustration d’un suicide collectif, par pendaison, de jeunes femmes dont les familles n’avaient pas pu payer la dot. La déesse souriante au premier plan semble indifférente à ce qui se passe derrière le rideau. Bien entendu, le statut de la femme et ses rapports avec les hommes diffèrent très nettement selon les catégories socio-économiques. Il n’en demeure pas moins qu’ils sont révélateurs de l’évolution de la société indienne dans cette période de transition entre conservatisme et libertarisme.

Entre extrême pudeur et occidentalisation du couple Le parfum de pudeur qui embaume depuis des siècles les rues des villes indiennes est toujours là mais s’estompe peu à peu. Il peut arriver aux voyageuses occidentales de se faire gentiment rappeler à l’ordre par les femmes lorsqu’une épaule se dénude ou qu’un genou se dévoile sous la chaleur écrasante du Tamil Nadu (Etat du sud de l’Inde). Pour se protéger du regard de l’homme, la femme indienne reste pudique dans ses habits traditionnels mais se montre très coquette. Le sari qui voile les jambes et les épaules mais dénude les flancs de l’abdomen, reste l’habit de la femme indienne par excellence même si quelques femmes commencent à oser l’habit occidental dans les quartiers huppés des grandes villes. Lorsque l’on se promène en Inde, la scène la plus intime que l’on puisse surprendre s’incarne dans un couple qui regarde le spectacle de l’horizon offert par la mer, bras dessus, bras dessous. Mais les choses bougent sous l’influence

Tournage d’un film à Hampi, village de l’État du Karnataka

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Révolution des femmes

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RepoRtage : la femme indienne

de la culture occidentale et à l’image du cinéma bollywoodien qui représente depuis peu le baiser à l’écran. Le développement des mariages d’amour et des relations sexuelles pré-nuptiales, la facilitation des demandes de divorce pour les femmes, sont autant de phénomènes qui redonnent peu à peu du sens à la Constitution indienne adoptée en 1949 qui assure l’égalité hommes-femmes. Par ailleurs, même s’il n’existe pas de statistiques officielles, le taux de divorce aurait explosé en milieu urbain depuis une dizaine d’années, Delhi étant aujourd’hui considérée comme la capitale du divorce en Inde. Avec la réappropriation de leur corps, on pourrait même se laisser imaginer que les femmes renouent avec les enseignements du Kâmasûtra (signifiant en sanskrit les aphorismes du désir) écrits entre le IVème et le VIIème siècle, disparus peu à peu de la culture traditionnelle indienne. A l’époque, la femme jouissait d’une relative liberté. Même le remariage des veuves, interdit plus tard dans l’histoire de l’Inde, était décrit comme tolérable. Destiné à l’origine à l’aristocratie indienne, l’ouvrage abordait entre autres des conseils pour la séduction et la manière de tromper son époux. Aujourd’hui, à la fois protégée et accablée par les traditions, la femme indienne cernée par les paradoxes, cherche toujours sa place dans cette Inde multiple et complexe, mais la voie est déjà largement ouverte. CéLINE VILLEGAS

Trois couples d’amoureux en temps de mousson, Chowpatty beach, Bombay

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RSF et Beaubourg rendent hommage à la femme indienne les yeux du monde sont actuellement rivés sur les grands bouleversements de société que connaît l’asie et notamment la société indienne. Que ce soit à travers l’exposition “paris-dehli-Bombay” organisée au centre pompidou -qui s’est achevée le 19 septembre- ou la publication par l’association Reporters sans frontières d’un album de 100 photos intitulé Les femmes qui changent l’Inde -que l’on peut visionner au petit palais du 21 octobre au 8 janvier 2012- l’inde est partout tant elle fascine, captive et passionne. parmi les six grands photographes de l’agence magnum choisis par Rsf pour rendre hommage à la femme qui change l’inde, l’incontournable photographe martine franck a choisi de raconter avec son objectif l’histoire d’un groupe de femmes démunies qui, dans les années 70, ont regroupé leurs économies pour créer une société de microfinance. cette institution (seWa BanK) qui s’est beaucoup développée depuis, soutient aujourd’hui de nombreux programmes solidaires. de son côté, le photographe alex Webb a choisi de photographier les femmes qui ont affronté leur destin en choisissant leur métier : chauffeur de taxi, pompiste ou chef cuisinier. ces exemples de luttes individuelles et collectives se multiplient et viennent peu à peu changer l’imaginaire collectif de la femme soumise et opprimée et d’une inde conservatrice et traditionnaliste. le travail de dédramatisation du rapport à la sexualité des artistes thukral & tagra qui ont exposé à Beaubourg des scènes érotiques issues de la culture indienne, est révélateur d’une volonté de la société civile de bousculer les consciences. cv


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entRe les lignes

n

visa pouR l’image

tragédies

humaines A l’heure où la plupart des médias traditionnels ont perdu leur rôle de diffuseurs d’images de photojournalistes, le festival international Visa pour l’image qui a eu lieu en septembre dernier continue de défendre le travail de ces derniers et d’accomplir un travail d’analyse et de hiérarchisation de l’information. En quête de sens et de mise en perspective, Rézo soutient cette vitrine du photojournalisme, considérée comme la meilleure et salue aussi l’initiative de l’équipe de Photographic Social Visión (PSV) qui organise une exposition de photojournalisme en février prochain au CCCB de Barcelone avec les oeuvres de certains des Photographes de Visa pour l’image. Reportage.

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© Martina Bacigalupo / Agence VU

A

Ouganda, Commune de Gulu, Village d’Along, mai 2010 “Je transporte le bois pour le feu jusqu’à la maison, mais on dirait que le bois sur ma tête est quelque chose comme des ailes qui me font voler dans le ciel.”

ller à Perpignan (Catalogne française) au mois de septembre, c’est presque devenu un pèlerinage thérapeutique. Du moins pour tous ceux qui refusent de vivre dans un cocon confortable et éloigné des problèmes du monde. Pour la 24ème fois depuis 1989, la capitale pittoresque du Roussillon accueille Visa pour l’image, un festival qui est devenu au fil des années la référence mondiale du photojournalisme et de la photographie engagée.

“Le centre du monde” La combinaison mystérieuse entre la ville et le festival est une part non-négligeable de ce succès. Il faut dire

que Perpignan, jadis capitale de la Catalogne française pendant sept siècles -dont Salvador Dali, assis sur le banc de la station ferroviaire, dit qu’elle était le centre du monde- se convertit pendant quelques jours en vitrine des tragédies humaines de l’année écoulée. Berceau historique des cultures catalane, romaine et méditerranéenne, Muse du fauvisme avec ses ciels clairs et concis, Perpignan représente par beaucoup d’aspects cet autre Sud, plus proche de l’autre côté des Pyrénées que le Languedoc ou la Côte d’Azur. Faut-il y voir un lien avec cette autre réalité que l’on préfère trop souvent esquiver, affichée pendant une semaine dans cette ville agitée par la Tramontane ?

© Martina Bacigalupo / Agence VU

Martina Bacigalupo, une jeune photographe italienne de l’agence Vu, vainqueur du Prix Canon de la Femme Photojournaliste 2010, présente Je m’appelle Filda Adoch, un travail dépouillé, intimiste et d’une sensibilité profonde sur le quotidien de Filda, une quinquagénaire du district de Gulu, en Ouganda.” Ouganda, Commune de Gulu, Village d’Along, janvier 2011 “Mon frère Odong est assis devant la maison la nuit, sous un ciel plein d’étoiles. Les étoiles sont importantes : elles nous donnent l’heure. Par exemple, on peut suivre “Latwok”, qui est une très grosse étoile”, qui se déplace à travers le ciel du soir au matin. Les étoiles nous ont aussi souvent aidé quand nous fuyions devant les rebelles : elles nous donnaient de la lumière. Et puis lorsqu’un enfant pleurait, et risquait d’être entendu par les rebelles, nous lui disions que les étoiles lui tomberaient dessus ; et il regardait vers le ciel, avait peur et arrêtait de pleurer.”

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n

Visa pour l’image

© Yuri Kozyrev / NOOR for Time Magazine

Entre les lignes

Victimes d’avoir vu et montré

dros et Tim Hetherington, tués par un tir de mortier en Libye qui a aussi blessé les photographes Guy Martin et Michael Christopher Brown. Lucas Dolega, mort durant les premiers soubresauts du soulèvement populaire tunisien, le 14 janvier dernier. La liste des photographes déchus est longue, preuve que tous ont en tête le précepte de Robert Capa quand ils sont sur le terrain : “Si une photographie n’est pas bonne, c’est que tu n’es pas suffisamment près.” Cette année, les lieux emblématiques de la ville ont été occupés par des photographes de la qualité de Rodrigo Abad, Martina Bacigalupo, Jocelyn Bain Hogg, Jonas Bendiksen, Valerio Bispuri, Chien-Chi Chang, Barbara Davidson, Peter Dench, Bertrand

© Yuri Kozyrev / NOOR for Time Magazine

Comme chaque année, l’ouverture du festival a pris un accent tragique, avec le décompte des journalistes morts pendant l’exercice de leur métier. Comme le rappelle Jean-François Leroy, le directeur du festival, Visa pour l’image est parfois décrit comme une réunion de famille pour les photojournalistes, les correspondants de guerre, les agences et les magazines qui continuent de témoigner de ces évènements. Si on a pu pleurer lors d’une édition précédente la mort du photographe et réalisateur français Christian Poveda, assassiné par les maras du Salvador après avoir réalisé le documentaire La Vida Loca, cette année, la famille a encore perdu des membres précieux. Parmi eux, Chris Hon-

Les chemins de la révolution de Yuri Kozyrev, le photographe vétéran de NOOR publié dans le Time magazine, est en plein dans l’air du temps. Son objectif s’est posé sur le soulèvement historique des peuples d’Egypte, du Yémen et de Libye contre le règne de l’arbitraire.”

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© Yuri Kozyrev / NOOR for Time Magazine

Tous se sont suffisamment rapprochés du visage cruel et stupide de la violence, depuis des contrées comme la Côte d’Ivoire, la Tunisie, l’Egypte, la Libye, le Soudan, le Bahrein, l’Irak, l’Afghanistan, le Guatemala, le Mexique, ou encore le Japon et la catastrophe humanitaire et nucléaire de Fukushima.” Gaudillère, Cédric Gerbehaye, Yuri Kozyrev, Catalina martinChico, Fernando Moleres, Lu Nan, Ed Ou, Issouf Sanogo, et bien d’autres encore. Tous se sont suffisamment rapprochés du visage cruel et stupide de la violence, depuis des contrées comme la Côte d’Ivoire, la Tunisie, l’Egypte, la Libye, le Soudan, le Bahrein, l’Irak, l’Afghanistan, le Guatemala, le Mexique, ou encore le Japon et la catastrophe humanitaire et nucléaire de Fukushima.

Signatures immanquables… Comment faire le tri parmi tous ces photographes et sur tant de sujets et de zones géographiques ? Les chemins de la révolution de Yuri Kozyrev, le photographe vétéran de NOOR publié dans le Time magazine, est en plein dans l’air du temps. Son objectif s’est posé sur le soulèvement historique des peuples d’Egypte, du Yémen et de Libye contre le règne de l’arbitraire. João Silva était déjà une icône. Son travail aux côtés de trois autres photographes de guerre pendant les dernières heures du régime d’apartheid en Afrique du Sud a débouché sur le documentaire The Bang Bang Club de Steven Silver en 2010. A Perpignan, on découvre son reportage en Afghanistan. Le photographe du

New-York Times y a perdu ses deux jambes, après avoir marché sur une mine anti-personnel. Le travail de l’Espagnol Fernando Moleres, L’incarcération des jeunes en Afrique, est un autre choc visuel. On y découvre la vie de jeunes abandonnés par leurs parents qui se retrouvent dans des prisons surpeuplées, partageant leur cellule avec des adultes, entre manque d’hygiène, agressions sexuelles et maladies infectieuses.

… et jeunes talents Non, attendez, Perpignan n’est pas qu’un hommage aux vétérans. Leurs travaux partagent les cimaises du Visa pour l’image avec ceux de jeunes et talentueux preneurs d’images. C’est le cas de Martina Bacigalupo (voir encadré). Cette jeune photographe italienne de l’agence Vu, vainqueur du Prix Canon de la Femme Photojournaliste 2010, présentait Je m’appelle Filda Adoch, un travail dépouillé, intimiste et d’une sensibilité profonde sur le quotidien de Filda, une quinquagénaire du district de Gulu, en Ouganda. L’armée a tué son premier mari, les rebelles le second. Elle a aussi perdu un de ses fils, et a subit l’amputation d’une jambe. “Ce qui m’a le plus impressionné, commente Martina, c’est que si Filda regroupe tous les ingrédients pour être considérée comme une victime, elle ne se sent ni n’agit comme telle. Si je devais la décrire, je dirais que c’est une guerrière.” Les rues de Perpignan regorgent autant de tyrans et de criminels que de guerriers pour la paix, de héros, ainsi que la persévérance et le courage de ceux qui se confrontent aux injustices et s’engagent à les combattre. Fernando Casado, traduction par Emmanuel Haddad

Martina Macigalupo et Yuri Kozirev à l’honneur au CCCB à Barcelone Bonne nouvelle pour ceux qui n’ont pas eu l’occasion de se rendre à Perpignan. Grâce au travail de Silvia Omedes et de l’équipe de Photographic Social Visión (PSV) -une plateforme de soutien aux photojournalisme- les œuvres de certains photojournalistes de Visa pour l’image vont sortir pour la première fois des rues labyrinthiques de Perpignan pour se loger dans l’antre diaphane du Centre de Culture Contemporaine de Barcelone (CCCB), à partir de février jusqu’à mai 2012. F.C

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Entre les lignes

n

Ces inventions qui ont changé le monde

Chine,

innover ou survivre ?

Carlos Rivadulla Oliva, avocat espagnol, spécialisé en propriété intellectuelle et inventeur de l’Ecofrego, explique à chaque numéro comment l’innovation change la face du monde. Cette fois, il s’interroge sur la capacité réelle de la Chine à créer les conditions optimales pour devenir le laboratoire du monde.

J

Wai Di Min Gong 2 (copia original 2m x 1,20m). Albert Bonsfills

e me souviens encore du titre d’un livre d’Alain Peyrefitte, Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera (1973), qui traînait chez ma mère et que je feuilletais par curiosité. C’est Napoléon qui aurait prononcé cette phrase, de quoi montrer tant le côté visionnaire du Corse que le fait que la Chine ait toujours été une nation prometteuse. Enfin, si vous jetez un œil à vos cours d’histoire économique, vous verrez que la Chine était déjà une puissance économique au XIXème siècle. Ce n’est pas une économie émergente, plutôt ré-émergente. Mais les conflits internes, les guerres mondiales et le

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régime communiste (celui de Mao, pas le régime actuel) ont eu pour effet de laisser le dragon endormi. Aujourd’hui, il semble qu’après 30 ans d’ouverture et d’une économie de marché singulière impulsée par les Quatre Modernisations de Den Xiao Ping à partir de 1976, le géant vive un nouvel et fructueux éveil. Mais loin des discours de comptoir qui répètent à l’envi la bonne santé économique de la Chine, disons-le tout net : le pays aux 1,3397 milliard d’habitants doit faire face à de nombreux défis à moyen et long terme. Des enjeux qui vont conditionner tant sa croissance économique que sa stabilité sociale interne.


La deuxième économie du monde Le PIB chinois a atteint les 5,8 milliards de dollars en février 2011, plus que les 5,4 milliards du Japon, faisant de la Chine la deuxième économie mondiale. Une victoire sociologique et morale de premier ordre sur son concurrent régional, même si l’Empire du milieu est encore loin des 14,6 milliards de dollars américains. Pour le dire avec des chiffres, l’économie chinoise ne représente qu’un peu plus du tiers de ce que produit l’économie des Etats-Unis. D’un autre côté, alors que le revenu par habitant des Américains est de 47 284 dollars US par an, celui des

Chinois n’est que de 7 559 dollars US, soit un sixième. Et tandis que les citoyens et travailleurs américains jouissent en général de vacances, du droit de vote, de la liberté d’expression et d’une information non censurée sur Internet, les Chinois voient la majorité de ces droits niés. La croissance spectaculaire du PIB chinois durant les deux dernières décennies repose sur un système productif basé sur une main d’œuvre à bas prix et la fabrication de produits peu innovants, mais très compétitifs sur les marchés internationaux. Le Made in China a fait un tabac en Occident, mais il continue de représenter

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Entre les lignes

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Ces inventions qui ont changé le monde

aux yeux des citoyens un produit peu cher et de piètre qualité. Qui se procurerait aujourd’hui un médicament ou un produit cosmétique chinois ? Sans oublier que tout l’effort productif fourni s’est opéré au prix du sacrifice collectif de sa population, tant de la main d’œuvre qualifiée que non-qualifiée, éperonnée par un trait de caractère chinois fondamental liée à l’héritage confusionniste : le sentiment de devoir et de sacrifice en vue du bien commun.

L’économie chinoise ? Comme une vieille Seat 600

en 2010, selon l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle. Pas mal, même si à côté des 44 855 sollicitudes américaines, ou des 32 156 en provenance du Japon… Ainsi, chaque année, des brevets chinois sont “exportés” pour être commercialisés dans d’autres pays. L’exportation chinoise représente pour la Chine un bénéfice majeur (rien à voir avec les chemises à un euro) ; l’innovation des produits étant valorisée, leur prix de vente s’en fait ressentir. Le nouveau modèle de production chinois ne reste donc pas au niveau rhétorique, il s’agit bien d’un pari ferme et irrévocable. Outre les demandes de PCT, il suffit de jeter un œil aux milliers de jeunes Chinois envoyés chaque année aux Etats-Unis et en Europe pour étudier l’ingénierie, l’administration d’entreprise ou le droit des affaires. Ce sont les professionnels de l’économie chinoise d’innovation du futur. Jusqu’ici tout va bien. Reste que le régime communiste reste ferme sur sa posture de contrôle de l’activité économique, sociale et professionnelle de ses citoyens. Ce qui pose deux problèmes : l’un au niveau professionnel, le second au niveau social.

Mais les choses commencent à bouger. Ces dernières années, j’ai pu observer que beaucoup d’entreprises n’ouvrent plus qu’une demi-journée le samedi (et payent le double de salaire aux employés apparemment volontaires qui travaillent ce jour-ci) et que toutes les entreprises ferment désormais le dimanche. Une évolution impensable dix ans plus tôt. Les travailleurs chinois commencent à réclamer leurs droits, et les différences sociales entre les cadres et leurs dirigeants ne cessent de s’agrandir dans un cadre général peu égalitaire, et surtout de plus en plus opaque. La Chine de la génération des “petits budd- Le nouveau casse-tête chinois has” (génération de la politique de l’enfant unique, dé- Niveau professionnel, on se demande comment les butée en 1979) commence à se montrer plus exigeante scientifiques qualifiés pour accompagner cette écoet moins sacrifiée que celle de ses parents. Le moteur nomie de l’innovation peuvent apporter les changede production de la Chine a tout de celui d’une vieille ments nécessaires avec les restrictions politiques et sociales qu’ils subissent en Chine. Seat 600 : complètement rouillé La recherche et le développement et au maximum de ses capacités se fondent en grande partie sur depuis trop longtemps. Un moteur l’échange d’informations, le débat qui peut se fissurer à tout moment, La recherche et le et la critique. Les scientifiques ne sauf si on lui administre des répapeuvent naviguer que dans une rations structurelles et substan- développement se fondent totale liberté de penser et de crititielles. Ni la Chine ni ses citoyens quer pour améliorer la réalité. Dene peuvent continuer à vivre plus en grande partie sur à Léonard de Vinci. En relongtemps en vendant des chel’échange d’informations, le mandez gardant l’Europe et les Etats-Unis, mises à un euro. on se dit que la démocratie est le Alors quelle est la solution ? Ce qui débat et la critique.” meilleur allié pour l’innovation. Et est sûr, c’est que le gouvernement peut-être le seul. Les scientifiques chinois la connaît. Innover, innover et innover. En 2008, le président Hu Jintao a montré chinois ont besoin de Google et d’autres réseaux pour la voix à travers une déclaration prémonitoire et déter- accéder de manière simple et rapide aux innombrables minante : “La Chine doit cesser d’être l’industrie du informations de qualité, mais Google est censuré. Et l’économie, pour être réellement compétitive, a besoin monde pour devenir le laboratoire du monde.” de juges qualifiés et indépendants pour créer une La course aux brevets internationaux atmosphère de sécurité juridique. Mais ceux-ci sont Autrement dit, elle doit arrêter de vendre des chemises contrôlés par le régime. Et le citoyen chinois éduqué va à un euro et se mettre à produire des médicaments et demander de plus en plus de droits et de libertés pour des cartes SIM. Mais comment innover tout en main- pouvoir s’épanouir et profiter de ses succès sociaux tenant la croissance chinoise, et plus important, pour et professionnels, car il est bien connu que l’homme que le revenu par habitant et en dernière instance la ne vit pas que de pain. Mais des sites comme Wikipequalité de vie des citoyens chinois s’améliorent ? En dia, YouTube ou Facebook sont censurés ou sérieuseinvestissant tant dans le capital humain que dans les ment restreints, et toute une série d’activités sociales moyens de production des secteurs les plus promet- et culturelles se développent sous le regard scrutateur teurs. Un pari sur le moyen et le long terme, qui néces- des autorités. Nul ne doute que l’enjeu est de taille : peut-on innosite patience et détermination. Pour saisir l’effort actuel d’innovation réalisé par la ver dans de telles conditions, et les citoyens chinois Chine, on peut se pencher sur les demandes de bre- auront-ils envie de le faire ? A l’inverse, que se passevets internationaux réalisées dans le cadre du Patent ra-t-il si les autorités se décident à ouvrir les vannes : Cooperation Treaty (PCT), le mécanisme international un “printemps chinois”, un “Tiananmen 2.0” ? La Chine pour convertir un brevet national en un brevet protégé joue son va-tout économique sur l’innovation, mais le et valide dans d’autres pays. Le nombre de sollicitudes régime communiste ne sait pas encore s’il veut vivre les chinoises auprès du PCT a triplé au cours des cinq conséquences sociales d’un tel bond en avant. dernières années, passant de 3 942 en 2006 à 12 337 Carlos Rivadulla Oliva, traduction par Emmanuel Haddad

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Entre les lignes

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Géopolitique / TERRORISME

© juliana peña

Le réseau Haqqani :

acteur régional, ambitions mondiales Protecteur d’Al-Qaïda, ce mouvement taliban autonome est considéré comme l’un des plus actifs en Afghanistan et dans les zones tribales pakistanaises. Mais son projet va plus loin : promouvoir le djihad à l’échelle mondiale. Avec, en ligne de mire, un ennemi : les Etats-Unis. 22 • Rézo • Automne 2011


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es tréfonds obscurs du djihadisme post-11-Septembre, de lance de l’ISI, est ardemment soutenu dans son devenu l’épouvantail des services de renseignement combat. Ce soutien américain, surprenant de prime internationaux, émerge invariablement le même nom : abord, s’inscrit dans le cadre des intérêts bien comcelui d’Al-Qaïda. Comme si, encore aujourd’hui, la pris de la guerre froide : lutter pied à pied contre le nébuleuse islamiste portée sur les fonts baptismaux communisme, fût-ce au prix d’alliances parfois contre par feu Oussama Ben Laden en août 1988 incarnait nature. A ce moment-là, personne ne s’étonne ni ne l’alpha et l’oméga du terrorisme planétaire. Si la me- s’alarme du fait que le “héros de guerre“ Jalaluddin nace qu’elle représente est toujours réelle, elle n’est Haqqani soit reçu à la Maison Blanche par le présicependant pas isolée. En Afghanistan, les Américains dent Ronald Reagan et que son administration, aux nourrissent ainsi depuis plusieurs années de sérieuses côtés d’autres pays partenaires comme la Chine ou craintes vis-à-vis d’un autre acteur aux contours certes l’Arabie saoudite, arrose les insurgés de généreux tout aussi flous, mais dont le pouvoir de nuisance subsides (près de douze milliards de dollars d’aide pourrait à terme se révéler supérieur. Son nom ? Le directe au total). A la même époque, pourtant, grâce à l’appui de son réseau Haqqani. Cette vaste faction talibane autonome, dont l’origina- réseau, naît l’embryon de la future Al-Qaïda. Bien des lité réside dans sa structure hiérarchique et familiale, années plus tard, quand l’organisation aura acquis naît vers le milieu des années 1970, bien avant l’acte une indiscutable “notoriété”, nombre de ses combatde naissance officiel d’Al-Qaïda. Jalaluddin Haqqani tants les plus chevronnés reconnaîtront d’ailleurs être en est à la fois l’inspirateur, le guide et la figure tuté- passés par le camp d’entraînement de Zhawar Kili laire. Implanté dans les provinces de Khost, Paktia et (province de Khost), supervisé par le clan Haqqani. Paktika –une zone du Sud-Est afghan baptisée Loya Cette proximité entre les deux mouvements se renPaktia–, le réseau opère plus largement de part et force encore au cours de la décennie suivante. Si AlQaïda est le glaive, le clan Haqqani d’autre de la ligne Durand, est le bouclier. Plus qu’un refuge, frontière poreuse avec le Pale réseau offre à Oussama Ben kistan établie en 1893 et le Si, dès l’orée des années Laden, expulsé du Soudan en mai long de laquelle s’étalent les 1996 sous la pression américaine, zones tribales du Waziristan. 1990, l’ambition du réseau une base tactique pour mieux lanProfitant très tôt de cette assise cer la grande offensive qu’il mûrit géographique singulière, mais dépasse le simple cadre contre l’Occident. aussi de multiples solidarités Fait relativement méconnu, le régionales qu’il cultivera au gré afghan, cela ne l’empêche “patriarche” Haqqani est le predes circonstances, Jalaluddin pas de soigner son influence mier des deux hommes à s’être Haqqani se fait un nom au défait le chantre du djihad globalisé. but des années 1970. Ses presur le front intérieur.” En témoignent les propos de son miers appels à la guerre sainte bras droit, Nezamuddin Haqqani, sont lancés en 1973 contre le tenus en janvier 1991, au moment régime de Mohammed Daoud Khan, accusé d’être l’instigateur d’une république au- où les Etats-Unis lancent en Irak l’opération “Tempête toritaire qui ne laisse aucune place à l’opposition, en du désert” : “L’une comme l’autre, la Russie et l’Améparticulier islamiste. Les soutiens se multiplient jusque rique sont des forces infidèles et notre combat contre dans le golfe Persique, laissant déjà entrevoir la future elles se poursuit. Elles sont toutes deux opposées aux musulmans et unies dans leur quête contre eux. Elles portée du réseau au-delà des frontières afghanes. Même les redoutables services de renseignement mili- n’ont, jusqu’ici, jamais rien fait pour le bien de l’islam taires pakistanais de l’ISI succombent bientôt à ses si- et n’en feront jamais rien”. Avec la désagrégation de rènes, convaincus qu’il peut être un allié utile pour faire l’URSS, à la fin de cette même année, les Etats-Unis pièce aux ambitions de l’Inde dans le pays. Islamabad deviennent ipso facto l’ennemi unique. craint en effet qu’en parvenant à asseoir son autorité à Si, dès l’orée des années 1990, l’ambition du réseau Kaboul, au détriment de la sienne, son ennemi régional dépasse le simple cadre afghan, cela ne l’empêche ne fasse peser sur elle une double menace –sur son pas de soigner son influence sur le front intérieur. C’est flanc Ouest, comme sur son flanc Est. Or, cette pers- à lui que les talibans doivent ainsi la prise de Kaboul, en 1996, après celles de Kandahar (Sud) en 1994 et pective “d’encerclement” lui est insupportable. de Harat (Ouest), en 1995. Jalaluddin Haqqani hérite Jalaluddin Haqqani, un homme d’in- alors, pour services rendus, du ministère des fronfluence tières, poste largement honorifique qu’il occupera Au cours des années 1980, le réseau s’internationa- jusqu’à la chute du régime, à l’automne 2001. lise. A la faveur de la guerre que l’URSS a déclenchée fin décembre 1979 en Afghanistan pour installer Extension du domaine de la lutte au pouvoir Babrak Karmal, homme de confiance de Les attentats sanglants du 11 septembre 2001 Moscou, des liens privilégiés sont tissés avec des contre le World Trade Center, aux Etats-Unis, ne volontaires de tous horizons : Afghans et Pakistanais, changent guère la donne. Le clan Haqqani maintient bien sûr, mais aussi Saoudiens, Cachemiris et même sa confiance à Al-Qaïda, quitte à se heurter à une Indonésiens. Loin d’être ostracisé par les Etats-Unis, partie de la Quetta Shura (conseil suprême des taliJalaluddin Haqqani, devenu entre-temps l’un des fers bans afghans) favorable à une prise de distance avec

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ENTRE LES LIGNES

GÉOPOLITIQUE / TERRORISME

Wardak

AFGHANISTAN

Paktiyâ GARDEZ

Ghazni

Khôst Miranshah

Zâbol

Paktîkâ

(base arrière du réseau Haqqani dans le Waziristan du Nord)

PAKISTAN

LA SPHÈRE D’INFLUENCE DU RÉSEAU HAQQANI

Wardak

AFGHANISTAN

Paktiyâ GARDEZ

Ghazni

Berceau historique du réseau Haqqani

Khôst Miranshah

Zâbol

Paktîkâ

(base arrière du réseau Haqqani dans le Waziristan du Nord)

PAKISTAN

Zones tribales administrées au niveau fédéral

l’organisation d’Oussama Ben Laden. A partir de 2004, la traque intense menée depuis les airs par les drones américains ne fait qu’accentuer le sentiment de “souffrance partagée” d’Al-Qaïda et de son protecteur. Leur affinité idéologique en devient si étroite que le passage de témoin de Jalaluddin Haqqani à son fils Sirajuddin

Sirajuddin Haqqani, au nom du père Agé d’une trentaine d’années, Sirajuddin Haqqani, issu d’une école coranique fondée par son père dans les années 1980, est le véritable chef du réseau (son frère Badruddin en assure le commandement militaire). Depuis qu’il a pris les rênes du mouvement, il s’est efforcé d’étendre sa sphère d’influence à d’autres provinces de l’Est afghan (Ghazni, Logar, Wardak). Parallèlement, il a noué des contacts avec d’autres groupes terroristes étrangers comme l’Union du djihad islamique (IJU), d’origine ouzbèke. Sa tête est mise à prix cinq millions de dollars par les EtatsUnis, tant il est considéré comme dangereux. D’après les services de renseignement afghan et américain, le clan Haqqani serait à l’origine de la tentative d’attentat visant le président afghan Hamid Karzaï en avril 2008 et responsable de l’attentat suicide contre l’ambassade indienne à Kaboul, le 7 juillet de la même année (58 morts).

–personnage considéré par Washington comme encore plus radical et cruel que son géniteur– ne provoque pas le moindre remous à la surface des eaux djihadistes locales. Aujourd’hui, le réseau, fort d’un noyau dur de plusieurs centaines de fidèles auxquels s’ajouteraient de 10 000 à 15 000 combattants aux degrés de loyauté et d’affiliation variables, s’efforce d’apparaître comme un acteur régional, soucieux de préserver son hégémonie dans son bastion historique. Pour se financer, il pratiquerait notamment l’extorsion et l’enlèvement contre rançon. Mais, en filigrane, son objectif ultime est inchangé : promouvoir la diffusion du djihad à l’échelle mondiale. Une posture matoise qui représente une double menace : pour le Pakistan, d’une part, poussé, au nom de son alliance avec les Américains, à combattre un (ex-) allié qu’il a lui-même nourri de ses conseils et alimenté financièrement ; pour les Etats-Unis, d’autre part, inquiets d’un échec potentiel de leur stratégie de stabilisation de l’Afghanistan et, surtout, de voir se mettre en marche une nouvelle armée fanatisée aussi, voire plus, dangereuse qu’Al-Qaïda. AYMERIC JANIER

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L’ aventure d’être soi

© sean lee

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L’ aventure

© valérie zoydo 26 • Rézo • Automne 2011


© germán peraire

d’être

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soi

’accepte la grande aventure d’être moi”, écrit Simone de Beauvoir dans Cahiers de Jeunesse 1926-1930, où la philosophe pose la question du devenir soi. Cet ouvrage, paru en 2008, est un texte établi, édité et présenté par Sylvie Le Bon de Beauvoir, une de ses anciennes élèves, devenue sa fille adoptive et son héritière. Un recueil de textes qui fait écho au fameux “Connais-toi toi-même” de Socrate, toujours d’actualité puisque la crise offre une opportunité de se poser les bonnes questions, de se réinventer, de chercher notre sens. Et de retrouver du sens. En effet, la révolution personnelle et la révolution globale se ressemblent. “Je vais me changer moi-même en changeant le monde”, affirme le philosophe Vincent Cespedes. Finalement, l’aventure d’être soi est un acte éminemment politique et citoyen, rappelle-t-il. Une vocation -quels que soient les domaines concernés : arts, architecture, philosophie, médecine, développement durable, humanitaire ou autres- se révèle forcément utile à la société. Que serait la pensée philosophique si Simone de Beauvoir n’avait pas accepté la grande aventure d’être soi ? Quid des nouvelles technologies sans Steve Jobs ? Le flamenco sans Cristina Hoyos ? La liste est longue. Ce dossier est en quelques sortes un hommage à ceux qui ont osé cet itinéraire, ceux qui ont eu le courage de se hasarder sur les chemins sinueux et risqués de l’intériorité et du monde, ces Castor et autres Frida Khalo. Nous avons voulu vous offrir la vérité de cette quête à travers le travail d’artistes-photographes et des témoignages de légendes personnelles. Et nous avons abouti au constat que la révolution intime n’est ni plus ni moins une métaphore de la vie. Et de la mort. Du savoir mourir et renaître. Tout commence par un acte d’amour : s’inventer c’est avant tout “se mélanger aux autres, avoir tous les âges et tous les sexes, et savoir ensuite se définir par rapport à l’autre”, comme le rappelle Vincent Cespedes. Puis arrive la gestation, l’attente, le tâtonnement sans savoir ce qui nous attend. Et l’accouchement de soi, douloureux, comme le reconnaît le photographe Germán Peraire (p.29 à 33). Simone de Beauvoir, d’ailleurs ne se cache pas d’avoir beaucoup pleuré. Puis la (re)naissance comme l’illustre Sean Lee, et enfin l’éducation tout au long de la vie à l’instar de Cristina Hoyos, Alex Capdevila et Leonor Greyl qui ont accepté tout ce qu’implique l’aventure, avec son cortège d’improvisation et de créativité. Et enfin, ce dossier est aussi un éloge à la liberté et à l’esprit critique. C’est pour cela que nous avons insisté sur l’importance de ne pas confondre l’aventure d’être soi et les pièges tendus par les dérives du développement personnel aux allures parfois sectaires (enquête p.50 à 56). Alors, soyez rebelles, vous-même, et surtout différents. Valérie Zoydo

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L’ aventure d’être soi

Deviens

qui tu es

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uel étrange paradoxe qu’incarnent parfois le marketing et la publicité. Ils ont fait de la réalisation individuelle un argument de vente tels que le “Just do it” de Nike ou le “Be yourself” d’Adidas. Et pourtant, l’objectif n’est autre que de provoquer des comportements moutonniers en chaussant tout le monde en baskets. La réalisation personnelle c’est autre chose. C’est une subversion, une rébellion, une métamorphose constante, une ode à la vie, une envie de la faire sortir de ses gonds en s’interrogeant : qui suis-je ? Que dois-je faire de ma vie ? Comment lui donner un sens ? Comment exploiter au mieux mes talents ? Comment être un “être-au-monde” ? “Tu dois devenir l’homme que tu es. Fais ce que toi seul peux faire. Deviens sans cesse celui que tu es, sois le maître et le sculpteur de toi-même”, disait Nietzsche. Car il n’y a pas plus altruiste, plus engagé, plus sensé et plus utile pour la société que de faire dans la vie ce Tu dois devenir pourquoi on est fait. “Le libre épanouissement de l’homme que tu es. chacun est la condition de l’épanouissement de Fais ce que toi seul tous”, prône Marx dans son manifeste “afin que peux faire. Deviens chaque enfant qui porte sans cesse celui que tu en lui le génie de Mozart puisse devenir Mozart”. es, sois le maître et le Mais Simone de Beauvoir sculpteur de toi-même.” reste la figure de proue de cette révolution du deveFriedrich Nietzsche nir soi. Pas seulement en tant que femme, mais en tant qu’individu. “Beauvoir a réalisé une révolution anthropologique où le social est métamorphosé à partir de l’intime”, a déclaré l’essayiste Caroline Fourest à l’occasion d’une rencontre organisée par le journal Le Monde autour de l’illustre philosophe en mars dernier.

Le “JE” est un jeu Alors, la liberté d’être soi, s’inventer en tant qu’individu, travailler sa subjectivité créatrice devrait être un droit et un devoir, s’apprendre dans les écoles, dans les facultés, chez les conseillers d’orientation, et même tout au long de la vie. Explorer l’éblouissement (et la fureur) de cette découverte, accepter son irréductible singularité

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C’est tout moi-même que je joue.” Simone de Beauvoir passe donc inévitablement par un accouchement de sa propre personne, la fameuse maïeutique de Socrate. Mais comment ? Même s’il incombe à chacun de trouver sa propre formule, la philosophie est sans doute un des meilleurs moyens d’y parvenir. Pas celle des salons mondains, non, la philosophie appliquée, celle de la rue, tant revendiquée par Vincent Cespedes, philosophe et auteur de Magique étude du bonheur. A l’image de sa pensée, subversive, il est souvent là où on ne l’attend pas : il vient de sortir Le jeu du Phénix, véritable objet d’art, qui invite à la connaissance de soi. “Je veux résoudre la crise de sens. L’idée de ce jeu est d’offrir un support pour réfléchir et instaurer un dialogue intérieur et avec les autres”, explique-t-il. Il s’agit d’un jeu de tarot dont les règles sont héritées de sa grand-mère hongroise. Il n’est pas à confondre avec le classique tarot de Marseille, ni un jeu divinatoire : nulle mystique de “la bonne carte” ni d’interprétation “gouroutante”. Il est juste question de jouer avec le hasard.

Rêver à ciel ouvert “Chaque réponse crée un système philosophique à soi seul où les cartes sont les concepts-clés. Elles se posent sur un plateau de neuf dimensions constituant une grille de lecture systémique d’un pan de réalité, et une philosophie en soi.”, explique Vincent Cespedes qui insiste sur la nécessité de prise en main de la construction de sens par les cartes. Pas d’application I-phone donc, le sens doit passer par les sens. “C’est une manière d’offrir un kaléidoscope des émotions, de se décomplexer par rapport à celles-ci, et de rêver éveillé, car le “JE” est un jeu”, poursuit l’écrivain. Il ne cache pas d’ailleurs, avoir été inspiré par les Cahiers de Jeunesse de Simone de Beauvoir, elle qui a su écrire sa vie comme on compose une partition de musique : “C’est tout moi-même que je joue”, écrivait-elle. Mais accepter l’aventure d’être soi demande d’y mettre du sien, dans le jeu du Phénix, comme dans la vie : “C’est un jeu assez Punk car il est basé sur le Do it yourself”, s’amuse le philosophe. A l’image des jeux pour enfants qui apprennent à grandir et devenir des êtres sociaux, le jeu philosophique joue donc un rôle pédagogique. Car devenir sans cesse celui que l’on est, c’est accepter de jouer avec le hasard, le provoquer, improviser avec la réalité, exercer son esprit critique, accepter sa fragilité, savoir perdre et gagner. Valérie Zoydo


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L’ aventure d’être soi - photographie

Germán Peraire

Le douloureux chemin vers soi-même

Ses photos sont animales, cinématographiques, charnelles, intimes, parfois impudiques. Germán Peraire, catalan, n’a que 23 ans et pourtant il photographie la vie avec une étonnante maturité. Sa démarche : capter l’intime, raconter la nature humaine, et donner à voir des individualités uniques, authentiques, loin des stéréotypes. En somme, des êtres qui assument leur nature avec la douleur que cela implique parfois. Photos © Germán Peraire

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L’ aventure d’être soi - Germán Peraire

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ien ne coûte plus à l’homme que de suivre le chemin qui le mène à lui-même”. Cette phrase, tirée du roman Demian de l’écrivain allemand Hermann Hesse, paru en 1919, constitue un élément clef pour comprendre la vision du jeune photographe catalan Germán Peraire dans sa série intitulée Night Diary exposée à la galerie Tagomago de Barcelone. Il a choisi de photographier des quidams ou des amis proches, la nuit, dans le quartier gothique pour capter leurs désirs, leurs peurs, leurs secrets, dans une quête tourmentée d’être euxmêmes. Des homosexuels, des amoureux, jusqu’aux artistes en passant par des anti-système, tous les profils intéressent le photographe pourvu qu’ils soient authentiques, déambulant sur le fil de l’acceptation de soi, avec toute l’imperfection qui en découle et le tiraillement que la liberté engendre. “Le désespoir est quelque chose de très naturel. On nous éduque pour faire semblant d’être des individus complets. Il faut en réalité accepter sa situation imparfaite d’être humain, entrer dans une démarche de sincérité et prendre, dès lors, les rênes de sa vie”, déclare Germán. L’ouvrage de Hesse qui l’a inspiré raconte l’histoire d’Emil Sinclair, un jeune garçon élevé dans une famille bourgeoise. Il est poussé par un camarade de classe, Max Demian, à se révolter pour se trouver. Commence alors un voyage initiatique, sur les chemins de la construction de soi et des questions auxquelles celle-ci invite. “N’importe quelle personne qui veut faire quelque chose de sa vie est exposée à une sensation de panique. Etre maître de sa vie est une prise de risques”, confirme German.

Cela fait partie du chemin, pour se trouver, il faut parfois toucher le fond”.

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Assumer notre nature Et justement, il fait partie de ceux qui cherchent à être euxmêmes sans chercher à occulter les souffrances et autres sacrifices. “Je suis né avec la mission de raconter ce que je vois, mais avant tout de respecter ma nature”. Alors Germán observe, prospecte, immortalise les passions humaines et les identités des autres comme pour les ériger en exemple, comme s’il nous les offrait avec leur vérité et leur authenticité pour nous inciter, nous autres spectateurs, à en faire de même : assumer notre essence, notre nature, nos rêves, nos angoisses, voire notre propre folie. “J’investigue et me projète dans ce que je vois chez les autres et donne à voir des caractères universels. Car il réside une universalité dans le particulier. Il ne s’agit pas seulement de photographier des individus dans leur intimité mais de réaliser des métaphores autour de questions plus transcendentales: qui suis-je ? Que fais-je de ma vie ?” Et pourquoi avoir choisi la nuit pour illustrer la quête de soi ? Car Germán reconnaît avoir lui aussi vécu dans le monde de la nuit, avec sa déshinibition, ses névroses et le risque de se perdre. “Cela fait parti du chemin, pour se trouver, il faut parfois

toucher le fond”. Pour autant, Germán ne fait pas l’apologie de la noirceur. Il cherche juste à expliquer la réalité avec franchise, d’une forme crue, à l’image de photographes comme Michael Ackerman ou Stéphane C. . “Nous ne sommes pas dans une démarche d’embellir les choses comme c’est le cas avec les visages souriants de Facebook ou des albums de famille qui occultent les conflits intérieurs. Une partie de la réalité ne correspond pas à cette nécessité de faire semblant, de créer une fausse image”. Et au final, le constat n’est pas si noir, car ne pas se mentir à soi-même s’avère souvent couronné d’un apaisement et d’une réussite personelle, comme l’écrit Hesse dans Demian : “Ce qui me faisait du bien, c’était la lente découverte de moi-même, la confiance croissante en mes propres rêves et pressentiments, et la révélation progressive de la puissance que je portais en moi.” Valérie Zoydo

www.germanperaire.com.es www.facebook.com/german.peraire

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L’ aventure d’être soi - Germán Peraire

Ce qui me faisait du bien, c’était la lente découverte de moi-même, la confiance croissante en mes propres rêves et pressentiments, et la révélation progressive de la puissance que je portais en moi.” Hermann Hesse

Germán Peraire, un artiste de la galerie Tagomago La Galeria Tagomago est le projet de Valérie de Marotte et de Vicenç Boned, jeunes collectionneurs. Ouverte en mai 2009 dans le quartier de Gràcia à Barcelone, elle est exclusivement dédiée à la photographie contemporaine.Un espace parisien sur rendez-vous exclusivement verra le jour cet automne dans le 9ème arrondissement. En une vingtaine d’expositions réalisées à ce jour, la galerie a voulu montrer un goût très volontairement éclectique. Photographes confirmés comme jeunes auteurs, photographie artistique, documentaire, de mode ou de publicité, noir et blanc et couleur, argentique et numérique, petits et grands formats, tout a sa place dans cet espace. Au delà du travail expositif à la galerie, l’objectif

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est également de diffuser le travail des auteurs. A cet effet, la galerie a déjà participé aux premières éditions de MadridFoto (2009 - 2010 - 2011) et PhotoOff Paris (2010 - 2011) et prépare Milano Image Art 2011. Les échanges avec d’autres galeries constituent aussi un excellent vecteur pour les artistes, d’où les collaborations avec des galeries de Lisbonne (Portugal), Paris, New York et Gijón (Espagne). Enfin, la participation aux festivals de photographies représentant de bonnes opportunités de visibilité, les artistes de la galerie ont participé à Emergent Lleida 2010 et 2011, PhotoEspaña 2010, Angkor PhotoFestival 2010, Photo Vernissage 2011 à SaintPétersbourg et Bursa Photo Fest 2011 en Turquie.


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Cristina Hoyos

La danse, une intime évidence Elle s’est fait connaître grâce à son rôle dans Noces de Sang, le film de Carlos Saura, basé sur l’oeuvre de Federico Garcia Lorca. Cristina Hoyos, qui a contribué à démocratiser et internationaliser le flamenco, marque le temps des bilans d’une vie artistique à travers son spectacle qui a lieu du 29 novembre au 3 décembre au Palais des Congrès à Paris. Elle y reprend une des oeuvres du grand poète, Poema del cante jondo en el café de Chinitas. Rézo l’a rencontrée à Séville pour comprendre comment elle a su créer sa propre légende. Portrait.

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ur scène dans sa longue robe pourpre, elle paraît grande. Et puissante. Dans la vie réelle, elle est pourtant petite et si mince qu’elle donne l’illusion d’être fragile. Mais elle irradie de la même lumière, de ce sourire particulier qui ne la quitte jamais et qui laisse entrevoir la petite fille qu’elle a été, contente d’être là, avec vous. Elégante, elle a le port de tête et le charisme d’un professeur de danse classique. Courtoise, accessible et pourtant insaisissable, elle maîtrise l’exercice médiatique avec doigté.

© alexander castro

Faire de la vie un théâtre Certaines ont du rêver de lui ressembler, mais Cristina Hoyos ne ressemble à personne. Avec son nez fin, sa peau diaphane, légèrement colorée d’un nuage de poudre, ses yeux bridés en demi-lune, entourés de khôl ; elle a le regard d’une diseuse de bonne aventure, envoûtant. Les rôles qu’on lui a attribués et sa personnalité semblent s’être façonnés mutuellement dans un va et vient constant entre les textes de Federico Garcia Lorca (interdits sous le régime de Franco), la scène et la vie : la fiancée des Noces de sang, Cardela la gitane cherchant à combattre le fantôme d’un amant dans Amour sorcier, Yerma, la femme stérile, Adèle, la cadette de La maison de Bernarda Alba qui s’insurge contre la rigueur des moeurs espagnoles. Sans oublier le rôle de la bohémienne et cigarière Carmen d’après la nouvelle de Prosper Mérimée, l’un des plus exigeants du répertoire par la richesse du personnage. “J’ai quitté l’école à 12 ans, j’ai tout appris dans les théâtres”, confirme Cristina Hoyos. Différente des femmes andalouses croisées dans les rues de Séville aux lèvres charnues et aux courbes méditerranéennes, elle incarne pourtant le flamenco. Car elle semble venir d’ailleurs. Peut-être aussi parce qu’elle porte en elle la lourde tâche de transmettre les secrets d’une culture dont les premières influences sont parties de l’Inde, en passant par l’Egypte, les pays de l’Est, pour venir prendre racine et forme en Andalousie, puis s’entremêler aux notes orientales des chants soufis. Cette femme qui n’a pû avoir d’enfants, est en réalité à la tête d’un véritable matriarcat dans le monde du flamenco. Au point de créer un musée en 2006, El museo del baile flamenco dans le centre historique de Séville, où elle y a investi tout son patrimoine et même hypothéqué ses biens. Le flamenco doit à cette mère adoptive de l’avoir exporté dans le monde entier, avec le souci d’accompagner son évolution mais de toujours respecter son essence et son histoire. Et surtout, d’avoir créé un pont entre une culture populaire gitane -contrastée par la profondeur du cante Jondo (chant) et la légèreté des cafés dansants et autres tablaos (cabarets)et la culture élitiste des scènes de théâtre les plus renommées.

Certaines ont du rêver de lui ressembler, mais Cristina Hoyos ne ressemble à personne.”

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L’ aventure d’être soi - Légendes personnelles

Elle ne cherche pas à être la meilleure, elle veut juste être elle-même.”

Noces de sang, un fim de Carlos Saura, inspiré de l’oeuvre de Federico García Lorca

Ouvrir les portes les unes après les autres Ainsi, penchée au dessus du berceau du flamenco, l’Andalousie, Cristina Hoyos veille et règne sur cet héritage inscrit en 2010 par l’UNESCO sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Doyenne de la maison, elle divulgue les connaissances de ce joyau anthropologique qui se transmet de génération en génération, au sein des familles et autres dynasties gitanes à travers une culture orale. Elle projette même de lancer un musée itinérant à travers le monde pour expliquer au public les origines et les codes du flamenco. Parmi eux, le cante jondo. Il est considéré par certains anthropologues comme l’un des chants les plus primitifs, à travers, par exemple, les seguiryas qui exorcisent la douleur, comme celles de la Paquera de Jerez, de Camaron de la Isla ou les solea qui pleurent l’abandon. Ou encore, les tarantos et le son du martinete qui rapellent le son des mines. Mais le flamenco que transmet Cristina, c’est aussi “la cancion protesta” des ouvriers maltraités ( la chanson de protestation des années 50 et 60), les airs de guitare de Paco de Lucia, le son rayé de vieux disques de flamenco des cafés dansants lus par des phonographes, les robes qui célèbrent la féminité, les batas de cola longues de deux mètres, les claquements de doigts qu’elle câle à ses pas, les arabesques de ses bras, les peignes, les fleurs rouges échappées d’un chignon lors d’un zapateado colérique et revenchard, ou encore le regard charbonneux et la fougue des danseurs gitans du quartier de Triana. Et telle une reine, elle affronte les critiques, les jalousies, car elle sait secrètement, sans prétention aucune, qu’elle n’a pas volé sa couronne, après avoir frappé aux

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portes, les avoir ouvertes, les unes après les autres, tout au long de sa vie. Avec comme seules règles, l’éducation, le travail, la sobriété : ni drogues, ni alcool. Et le premier à l’avoir fait entrer dans cette grande famille en 1968, c’est Antonio Gades- l’un des plus grands danseurs du siècle- au côté duquel elle a formé un duo artistique pendant de nombreuses années. “Quand je suis arrivée à Madrid, je rêvais de rencontrer Gades”, confie celle qui ne doute jamais, et qui semble avoir tout écrit à l’avance. Aujourd’hui, elle ne rechigne pas, du haut de ses 65 ans, à laisser la place à ses héritières

Cristina Hoyos en duo avec Antonio Gades


Legende

artistiques, sans pour autant déclarer une fille spirituelle dans le flamenco. “Elle est arrivée lentement et à compás ; elle partira lentement et à compás”, confie le grand danseur Juan Antonio Jiménez, son mari depuis 30 ans. Mais on ne referme pas le livre d’une légende aussi facilement.

Le meilleur compliment qu’on puisse lui faire c’est de lui dire qu’elle est unique.”

Être soi-même D’ailleurs, rien ne prédisposait cette ex-petite fille maigre, un zeste ingrate, à devenir ce qu’elle est aujourd’hui. Née sous le franquisme, dans une famille pauvre de payos (ndlr: non-gitans) comment la petite “Tina” est devenue Cristina Hoyos ? En faisant ce que seules les personnes comme elle savent faire : écouter ses envies, danser et poursuivre son objectif. Depuis toujours, cette trajectoire lui apparaît comme une intime évidence. “Si j’étais née en Russie, j’aurais été danseuse de danse classique”, raconte Cristina. Loin d’une fatalité qui aurait pu la condamner à travailler à l’usine comme sa soeur, elle faisait secrètement des pointes devant son miroir, la radio allumée toute la journée. Jusqu’à ce que ses parents découvrent son talent caché et se saignent pour lui payer ses premiers cours dans l’académie d’Adelita Domingo. A 12 ans, elle est déjà une danseuse professionnelle. Mais pour se faire repérer par une pointure

comme Antonio Gades, aller jusqu’à danser sous les yeux du monde entier aux J.O de Barcelone en 1992, proposer des décors de Picasso et confier à Christian Lacroix la création des costumes d’un de ses spectacles, il faut incontestablement avoir un secret. “Elle ne cherche pas à être la meilleure, elle veut juste être ellemême”, répond du tac au tac, Juan Antonio Jiménez. Et il ajoute : “Le meilleur compliment qu’on puisse lui faire c’est de lui dire qu’elle est unique”. Il est indéniable que Cristina Hoyos fait de sa singularité sa marque de fabrique : “Je n’ai jamais essayé de ressembler à quiconque, j’ai dansé comme je l’ai senti”, et de poursuivre : “C’est dur d’être soi-même, mais depuis petite, j’essaie d’être moi, avec mes défauts, mon accent andalou, mes origines modestes, mes pieds déformés et endoloris, et mes valeurs de gauche.”

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Considérons comme perdu chaque jour où nous n’avons pas dansé au moins une fois. Et considérons comme fausse chaque vérité qui ne fut pas accompagnée d’un rire.” Friedrich Nietzsche

La projection d’un objectif Cristina Hoyos a en effet toujours été libre de ses choix et de ses idées. Danser avec Gades qui était communiste, sous le franquisme, était en soi un geste de rébellion. “Nous allions danser en Yougoslavie, en Russie, en Hongrie en cachette. Il ne fallait absolument pas que nos passeports soient tamponnés !” s’amuse-t-elle à raconter. Des convictions qui ont probablement conduit à ce que Cristina n’ait jamais eu beaucoup de soutien des institutions publiques dans ce qu’elle a entrepris. Mais peu importe, le secret des gens qui réussissent et qui parviennent à être eux-mêmes, réside surtout

Le saviez-vous ?

Le ballet Cristina Hoyos a été la première compagnie de flamenco à se produire à l’Opéra de Paris en 1990. Elle a présenté Yerma à l’exposition universelle de Séville en 1992. Musée Cristina Hoyos C/Manuel Rojas Marcos 3 41004 Sevilla

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dans la projection d’un objectif, et dans la conviction intime que celui-ci sera atteint. “ Petite, je disais à mon père que je n’étais pas aussi jolie que les autres danseuses de flamenco. Et lui me répondait : “Ne t’en fais pas, je vois que tu vas faire quelque chose ; tu n’auras pas de problème. Les plus grandes danseuses ne sont pas belles”. Son père est mort quand elle avait 20 ans, mais la foi qu’il avait en elle ne l’a jamais abandonnée : “Sur scène je me sens connectée à lui.” L’entretien touche à sa fin. Cristina, accompagnée de son mari, s’approche amicalement pour dire au revoir. De son foulard posé sur ses épaules frêles s’échappe quelques notes d’Amarige Mariage de Givenchy, le parfum qui symbolise l’union, comme un clin d’oeil à une légende démarrée avec des Noces de sang, poursuivie par un duo avec Gades et un mariage avec un danseur. Mais le grand véritable amour de Cristina Hoyos reste le flamenco avec qui elle a scellé son destin pour toujours. Et même si celui-ci ne l’avait pas fait arriver au firmament, elle aurait quand même réussi sa vie. Parce qu’elle a sû devenir elle et le rester. C’est un peu cela, inventer sa légende : écrire sa propre histoire en s’offrant le luxe de remporter le premier rôle. Valérie Zoydo Photos © Courtoisie du Museo del Baile Flamenco Cristina Hoyos de Sevilla et Alexander Castro



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© valérie zoydo

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Itinéraire

affranchi

d’un

A trois heures de Berlin, dans la quatrième ville de Pologne, Wroclaw, le catalan Alex Capdevila vit dans une maison flottante qu’il a construite. A l’heure du changement climatique, il a traversé l’Europe pour proposer un nouveau type d’habitat. Et les premiers clients sont au rendez-vous. Rézo est allé à sa rencontre. Reportage. l existe plusieurs types de personnes, les sédentaires et les nomades, les résignés et les libertaires, les conventionnels et les affranchis. Alex Capdevila fait partie de ces itinérants, ces doux rêveurs, ces Robinson Crusoë, qui osent tout explorer, mourir et renaître, jusqu’au boutistes quel qu’en soit le prix. Ancien designer graphique à Barcelone et ex-directeur artistique dans une agence de publicité, ce Catalan a tout quitté pour construire une maison flottante en Pologne, sur un fleuve, l’Oder, qui traverse Wroclaw, considérée comme la Venise polonaise. Cet aventurier d’être soi déambule avec ses convictions, ses croyances, sa philanthropie, vogue entre sa légèreté d’enfant et sa gravité d’adulte. Eternel amateur de femmes, existentialiste, en colère contre les dogmes étatiques, religieux et familiaux, il a soigneusement pris le temps de ses 44 ans pour tout désapprendre, et © blanca colorada

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réapprendre à être lui. Penser par lui-même. Paradoxal, énigmatique, cet homme fin, aux allures de directeur d’une maison de couture, toujours tiré à quatre épingles, mais laissant tout de même quatre jours à sa barbe grisonnante, en veut aux institutions, aux impôts, aux banques. En avance sur son temps, un zeste inquiet, ce père d’une petite fille laisse transparaître une certaine solitude, celle des gens lucides. L’intelligence et la conscience provoquent parfois quelques écorchures qui ne l’ont jamais pourtant privé de son optimisme et de sa foi en sa bonne étoile. Il n’est ni un exemple, ni à blâmer, il est juste lui, et c’est bien suffisant comme exploit.

Une maison mobile Sur le bord du fleuve, cachée derrière les haies, sa maison pourrait être une cabane au fond du jardin, à la différence qu’elle flotte et qu’elle peut l’amener partout. Démontable et remontable à loisir, elle est mobile, comme lui. “Je peux vivre où je veux”, se complait-il à rappeler. Avec ses airs de Belmondo dans Itinéraire d’un enfant gâté, il se déplace en barque pour aller faire ses courses, pour acheter entre autres des légumes chez un producteur des environs. Lui qui, il y a peu de


temps travaillait encore dans les atmosphères ouatées des bureaux barcelonais, n’hésite pas à se retrousser les manches et réhausser l’ourlet de son pantalon pour retirer l’eau de sa barque lorsque la météo polonaise se montre peu clémente, comme c’est souvent le cas. Seul dans cette maison cubique, minimaliste, aux lignes parfaites, il vit comme dans le ventre d’une mère, au milieu de l’eau. Il s’apprête justement à installer un système d’eau chaude, pour pouvoir accueillir sa petite fille Florita. Car il s’est fait un point d’honneur à ce que la maison soit autosuffisante : l’électricité vient d’un système mixte de plaques solaires et de moulin à vent. Quant à l’eau de la maison, elle est puisée dans la rivière grâce à un système de filtres. Elle étonne d’ailleurs au début par sa légère coloration verdâtre. Mais lorsqu’on le lui fait remarquer, Alex s’offusque : “C’est le signe qu’il y a de la vie dans la rivière ! Il y a toute une biodiversité ! Elle est bien mieux que l’eau de Barcelone, asceptisée et pleine de clore.” Cette maison, Alex y a travaillé comme la première page d’un roman. Il l’a dessinée, y a cristallisé ses espoirs et

L’habitat du futur

Quand ils évoquent leurs souvenirs, le polonais, grand gaillard de deux mètres ne manque pas de s’émouvoir en se rappelant la solitude de son ami dans cette épopée, car l’aventure d’être soi est aussi souvent éprouvante. Et risquée. En attendant de pouvoir s’installer dans sa maison, Alex a vécu dans une caravane. Un jour, alors qu’il assemblait avec son associé les premières pièces sur l’eau, l’hiver les a pris de cours : le fleuve s’est gelé en trois jours. Remorqués par un transporteur fluvial, ils se sont vus contraints de rompre la glace pour rejoindre un emplacement plus sûr, à l’abri des courants et du gel. Depuis, Alex n’en a plus jamais bougé. Aujourd’hui sa maison est prête, flamboyante, et les visites vont bon train. Car le bouche à oreille a fait le reste du travail. La presse polonaise commence à s’intéresser à ce Catalan hors du commun. Un photographe de mode veut y faire son studio. Une jeune femme, qui travaille en indépendante et qui vend son appartement projette de vivre, elle aussi sur une rivière, au sein d’une

Il a pris le temps de ses 44 ans pour tout désapprendre, et réapprendre à être lui.”

© blanca colorada

© blanca colorada

l’utilise comme un laboratoire pour, il l’espère, n’être que le premier tome d’une longue saga. Il l’a bâtie avec son ami polonais Wojciech Bartosiewicz qui l’a accueilli lorsqu’il est arrivé. Un an d’investigations a été nécessaire pour mettre au point leur brevet : 550kg/m², une structure métallique fortement isolée pour lutter contre les températures extrêmes et faire des économies d’énergie. Le tout sans un gramme de béton.

communauté de voisins qu’Alex et Wojciech sont en train de créer. Un Français souhaite quant à lui, 62,5m² de plein pied en guise de résidence secondaire. Deux hôtels prévoient de lui commander de petites maisons flottantes, comme chambres bungalows. Un autre lui demande une maison pour pouvoir la déplacer d’hiver en été, de la montagne à la mer. Ou encore, un particulier imagine une maison flottante sur la mer, dans le nord de la Pologne, en guise de bar pour Wind surfers. En attendant, Alex se déplace dans quelques semaines à Varsovie pour donner une conférence sur les énergies renouvelables. Car sans peut-être le savoir, ce touche-à-tout participe à construire l’habitat du futur : autosuffisant, mobile, démontable à l’image d’un meuble Ikea et adaptable aux zones inondables et à des zones urbaines peu exploitées, comme les rives des fleuves ou les rivières. Et surtout l’habitat social, avec des prix à 1000 € /m². En tout cas, Alex Capdevila croit dur comme fer à l’avenir de son projet, et c’est bien là le secret des bâtisseurs de légende : y croire, y croire encore, ne jamais fléchir et toujours être soi. Et le mariage Alex, c’est pour quand ? “Pas avant mes 99 ans, mais vous êtes invités, bien sûr”. Valérie Zoydo

Pour aller plus loin :

http://isolasystem.pl/

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Leonor Greyl

artisane de sa propre vie Son mari, Jean-Marie Greyl, a déjà commencé à écrire ses mémoires. Car l’histoire de Léonor Greyl est romanesque. Orpheline, cette immigrée espagnole n’est partie de rien. Aujourd’hui le tout Paris défile dans ses salons, s’arrache ses produits de soins capillaires vendus dans le monde entier et les magazines féminins en raffolent. Comment estelle arrivée à bâtir cet empire ? Rencontre au siège à Paris, au 15 rue Tronchet.

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l’institut Leonor Greyl du quartier chic de la Madeleine, on vous parle de poudre de carotte, d’ortie blanche, de cèleri, de ginseng, de levure et même de marron d’Inde. Dans des bocaux transparents alignés comme dans la boutique d’un apothicaire, les poudres attendent qu’on les sélectionne pour un soin personnalisé du cuir chevelu. Les esthéticiennes formées par la maison appliquent les vertus des plantes aux cheveux. Telles des herboristes, elles préparent elles-mêmes les formules des soins, après avoir réalisé un diagnostic. Car chaque chevelure est un monde, cristallise parfois un mal être et certains clients arrivent désespérés avec leurs cheveux mous ou dévitalisés. Et c’est bien cela le secret de Leonor Greyl : avoir misé tout au long de sa carrière sur l’écoute de ses clientes et les produits naturels à un moment où on ne jurait que par les produits synthétiques. Exit les paraben, silicone, tests sur les animaux, coaltar et autres sodium laureth sulfat. Pimpante, maquillée, toute de blanc vêtue, elle choisit la cuisine de l’institut, au beau milieu de ses employés qui déjeunent sur le pouce, pour papoter. “Ils

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Elle connaît dès lors une pauvreté extrême au point d’utiliser des boîtes de sardines pour se chausser, manger de la sciure à l’huile d’olive ou attendre la tombée de la nuit pour ramasser le charbon tombé des trains.” sont comme mes enfants”, dit-elle avec son accent légèrement espagnol. Le 4 janvier 2012, elle fêtera ses 80 ans. Pionnère de l’écolochic, elle est l’une des premières à avoir introduit des vitamines dans les formules de shampoings. C’est aussi elle la première à avoir signé la première huile qui lave et soigne les cheveux, l’huile de germe de blé, son produit phare. Et cela fait plus de 40 ans que ça marche. Au point d’avoir imposé sa marque dans 20 pays, avec comme principal allié son mari, Jean-Marie Greyl, ingénieur métallurgiste qui s’est reconverti en gallénique et l’a aidé à lancer ses soins capillaires. Sans oublier leur fille, Caroline qui poursuit la légende en développant la marque à l’international, et son mari Tom, lui aussi amoureux des plantes et créateur de nouveaux produits. En attendant, les stars, les journalistes et même certaines personnalités politiques défilent dans ses salons. A titre d’exemples, Andy Lecompte, le coiffeur de Madonna se plaît à recommander les produits de Leonor dans les magazines féminins de renom. Bon nombre de VIP du tapis rouge à Cannes se font coiffer avec ses produits. Et pourtant, avant d’en arriver là, l’histoire de Leonor Greyl ressemble parfois à celle de la Petite fille aux allumettes...

Un parcours d’autodidacte Née dans un village minier des Asturies en Espagne, cadette d’une famille de sept enfants, fille d’un trésorier républicain, elle a souffert des affres de la guerre civile en 1936. Ses premiers souvenirs tournent autour de son père torturé jusqu’à la mort, la fuite, l’assistance publique, et les retrouvailles de la maison familiale réquisitionnée et occupée. Elle connaît dès lors une pauvreté extrême au point d’utiliser des boîtes de sardines pour se chausser, manger de la sciure à l’huile d’olive ou attendre la tombée de la nuit pour ramasser le charbon tombé des trains, le long de la voie ferrée. “Il fallait se débrouiller par soi-même. Je me suis élevée toute seule”, reconnaît Leonor. Puis elle quitte sa mère à 14 ans pour aller travailler à Barcelone, dans une usine. Mais elle est exploitée et décide à 18 ans de rejoindre ses quatres soeurs envoyées en France pendant la guerre. Elle travaille alors dans la restauration. Un jour, elle se retrouve par hasard à donner un coup de main à l’institut Clarins, 29 rue Tronchet, car son beaufrère, Jacques Courtin en est le fondateur depuis 1954. Ce jour-là, elle parvient à rassurer une cliente et finit par être embauchée malgré son manque de formation. Jacques Courtin quant à lui, aurait du être médecin.

La guerre de 39-45 a interrompu ses études mais il s’adonne alors à sa passion pour les plantes, persuadé que les soins esthétiques peuvent être utilisés comme thérapie. “Pendant la guerre, il mettait à profit ses connaissances d’herboriste pour soigner les gamins. Il ramassait des plantes, en faisait des décoctions et des cataplasmes”, raconte Jean-Marie Greyl. C’est ainsi que son idée -allier des méthodes de soins manuelles à l’utilisation de plantes dans la conception des produitsva inspirer Leonor encore jusqu’à aujourd’hui. Lorsque l’institut capillaire de Clarins ferme en 1966, elle détient déjà une clientèle fidélisée, et un savoir-faire. Elle saisit l’opportunité pour créer son affaire avec son mari. Nous sommes alors en 1968.

Provoquer son destin Si Leonor reconnait volontiers qu’elle doit beaucoup à son beau-frère, elle a eu l’intelligence d’observer, d’apprendre et de provoquer son destin. Le tout avec beaucoup de sincérité. Son secret ? L’honnêteté, le travail et la foi. “Je suis très croyante”, revendique-t-elle. Et force est de constater que cette femme sans diplômes a su respecter les ingrédients essentiels d’une réussite, l’éthique, le respect du client et la persévérance. Jusqu’à décrocher le Prix d’Excellence Marie Claire en 1999 décerné au titre de la Marque, le Prix des consommatrices du Printemps la même année et l’Oscar de Cosmétique News décerné par les professionnels du métier. “J’ai connu les produits de Leonor Greyl par le bouche à oreille”, raconte Joan, directeur du salon Macavi à Barcelone, le premier à avoir introduit ses produits en Espagne, et de poursuivre : “Ils m’ont donné des résultats que jamais la chimie ne m’avait donné jusqu’alors”. La formule est simple : utiliser le savoir-faire des anciens. “Nous avons mis 7 ans à mettre au point le bain à la propolis pour qu’il soit vraiment efficace”, raconte Jean-Marie Greyl qui avec sa femme, agissent encore comme de vrais artisans. Et de poursuivre : “La propolis est un fongicide et un bactéricide, il assainit le cuir chevelu. Dans l’Egypte des pharaons, elle servait à l’embaumement car elle aide à conserver”. Il cite également cette méthode inca qui consiste à traiter les brûlures et regénérer les tissus avec une plante appelée le mimosa ténuiflora. A la fin de l’interview, Leonor s’approche, l’air inquiet : “Vous avez les cheveux un peu mous, vous devriez essayer le bain volumateur aux algues”. Valérie Zoydo

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L’ aventure d’être soi - PORTFOLIO Sean Lee

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La révolution intime selon

Sean

LeE Sean Lee est un jeune photographe de 27 ans, basé à Singapour. Critique à l’égard du peu de communication et de connaissance de soi au sein des familles asiatiques, il a utilisé la photographie dans cette série de photos intitulée Homework pour pousser les membres de sa propre famille dans leurs retranchements. Grâce au processus de création photographique qu’il utilise comme outil de révolution personnelle, Sean est parvenu à ce que la vie familiale devienne plus authentique, émotionnelle et davantage ouverte aux démonstrations physiques. Interview. Photos © Sean Lee

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L’ aventure d’être soi - PORTFOLIO Sean Lee

Rézo : Pensez-vous que la société actuelle nous empêche d’être nous-mêmes ? Sean Lee : Ce que je sens en général est que dans les sociétés modernes, la définition du succès peut être très étroite. Il est toujours mesuré selon des critères matérialistes. Et cela se produit de la même manière dans le “monde de l’art”. On en est arrivé au point où les gens pensent qu’ils ne valent que ce qu’ils possèdent. De la sorte, on peut toujours être tenté de sacrifier ce qu’on aime vraiment pour quelque chose de plus substantiel au niveau matériel et financier. Pour ma part, je dois admettre qu’il m’est parfois difficile de me débarrasser de cette perception. Mais au bout du compte, ce qui importe est de garder la magie de la création. Etre capable de créer quelque chose. Une photographie, une peinture, une sculpture ou une histoire : ce sont des choses extraordinaires. L’imagination est notre bien le plus précieux. J’ai mes rêves et mes ambitions en tant que photographe. J’ai parfois l’impression qu’ils sont trop ambitieux pour voir le jour. Mais au final, j’essaie toujours de garder à l’esprit que le moindre acte de création est un privilège, et que pour ça, je dois être reconnaissant. La photographie a-t-elle été une révolution intime pour vous ? Cette dernière est-elle un procédé nécessaire ? S. L. : Pour ma part, la photographie est avant tout un outil introspectif. Je veux la mettre à profit pour réaliser une quête intérieure plutôt que de l’utiliser pour documenter ce qui m’est extérieur et étranger. Je souhaite créer des histoires dans lesquelles je puisse m’engager et me retrouver. La meilleure sensation que je puisse avoir est celle d’être transformé par mon travail. J’ai besoin d’être profondément concerné par ce que je fais.

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Tout travail qui en vaut la peine devrait être perçu comme une naissance”

© sean leE

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L’ aventure d’être soi - PORTFOLIO Sean Lee

Dans vos photos, on retrouve l’allégorie de la naissance. Avez-vous eu l’impression de naître une seconde fois à travers ce travail ? S. L. : Tout travail qui en vaut la peine devrait être perçu comme une naissance. C’est du moins ce que je pense. Vous traversez un certain nombre de difficultés et une sorte de dépression prénatale avant de finalement donner naissance à quelque chose de précieux. La naissance est en réalité une excellente allégorie de l’acte de création. On se retrouve enceinte d’une idée, ensuite on travaille dur pour la concevoir, pour la rendre réelle, la faire exister. Vous vous sentez accompli aujourd’hui ? Et votre famille, les avez-vous aidés à mieux se connaître eux aussi ? S. L. : Ma famille et moi nous sommes rapprochés et nous avons partagé des moments merveilleux au cours de ce travail. Certains se retrouvent dans les photos, d’autres non. La première fois que ma famille est venue pour mon exposition, c’était à Singapour. Ce fût très spécial pour moi, car j’ai vu qu’ils étaient vraiment fiers de moi. Ont-ils eux aussi connu une révolution intime ? S. L. : Oui, ils se sont rapprochés, et ils se sont montrés plus impliqués dans mon travail, plus compréhensifs et encourageants. Ils pensent toujours que je suis un peu bizarre mais, je crois, dans le bon sens. Pensez-vous que si tout le monde s’adonnait à une activité créatrice, les choses tourneraient un peu mieux ? S. L. : C’est difficile à dire. Chaque personne est unique, et les situations personnelles sont trop différentes pour se prononcer. Mais oui, avoir des photographies dans nos vies est un privilège, alors utilisons-le pour de bon. Utilisons-le d’une manière qui soit remplie de sens pour chacun de nous. Propos recueillis par Valérie Zoydo, traduction par Emmanuel Haddad

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Ce qui importe est de garder la magie de la création. Etre capable de créer quelque chose. Une photographie, une peinture, une sculpture ou une histoire : ce sont des choses extraordinaires. L’imagination est notre bien le plus précieux.” Sean Lee, le storytelling visuel Avant de devenir photographe, Sean Lee, 27 ans, étudiait la littérature. Il est ensuite entré dans l’armée pendant deux ans, une expérience dont il garde un très mauvais souvenir. Son talent précoce de photographe s’est confirmé en 2007, quand il a reçu le prix spécial du jury du festival de photo d’Angkor. Même si Sean Lee est autodidacte, il considère son détour par la littérature comme déterminant dans son travail d’aujourd’hui : “Elle a influencé mon travail à plusieurs niveaux. L’art du storytelling est très lié à la photographie. Si le langage diffère, l’essence est à peu près la même entre l’écriture et la photographie. Toutefois, faire de la photo, c’est se confronter directement à son sujet et à sa réalité immédiate. Il vous faut être totalement présent. C’est cet aspect qui m’a particulièrement attiré”, explique-t-il. Depuis, on retrouve son style intimiste, minutieux et souvent rempli d’humour dans les pages des plus grands magazines : The Guardian (Grande-Bretagne), OjodePez (Espagne), Time Out Singapour, etc. Son travail est fréquemment exposé dans des expositions collectives -à Singapour, Arles (France)- et en solo, de la galerie parisienne Le Petit Endroit à la galerie TagoMago de Barcelone, en 2011.

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L’ aventure d’être soi - développement personnel

Les dérives du L’ expression “développement personnel” est devenue une mode au point d’être détournée à des fins qui se trouvent parfois bien loin de la connaissance de soi. Il s’agit donc de ne pas confondre le développement personnel qui correspond réellement à l’acheminement d’une révolution intime impulsée par un individu de son libre arbitre et celui dont l’intitulé est utilisé -à tort- par des groupes de manipulation psychologique, telles que certaines méthodes de thérapies alternatives ou de ventes pyramidales aux dérives sectaires. Apprendre à mieux se connaître et se réaliser dans la vie nécessite une grande indépendance, une liberté absolue et un esprit critique. Or, certains procédés qui se réclament du développement personnel occultent d’une façon sournoise et insidieuse cette liberté. Pire, ils emprisonnent, manipulent et éloignent l’individu de son essence : en le formatant et le conditionnant, ils l’empêchent d’être lui. Rézo a voulu mettre en lumière ces procédés qui évitent “l’aventure d’être soi”. Enquête.

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dévelop Bien-être à tout prix :

attention, vous êtes manipulés

Et si derrière la mode du coaching et des produits diététiques miraculeux, il y avait (parfois) des groupes de manipulation psychologique ? Et si les dérives sectaires étaient devenues monnaie courante ? Enquête sur des pratiques douteuses, voire dangereuses, qui ne menacent pas que les imbéciles et les gens trop crédules.


pement

personnel

Pseudo-thérapeutes vs médecine conventionnelle Seule ombre au tableau, selon le rapport de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) de 2010, “il s’agit là d’une véritable industrie et d’un marché porteur pour tous les charlatans qui ont très bien compris tout l’intérêt pour eux d’investir ce champ.” Les “pseudo-thérapeutes”, comme l’explique Samir Khalfaoui à Rézo dans son bureau de la Miviludes, montrent que l’on a “de moins en moins affaire à de grands mouvements sectaires, même s’ils restent nuisibles, et de plus en plus à des individus isolés mais qui disposent de rabatteurs, même s’ils viennent souvent des mêmes écoles. Et c’est dans l’intimité

du cabinet du pseudo-thérapeute que s’opère l’emprise mentale.” Depuis un décret de 2010 en France, le titre de psychothérapeute a été réglementé pour prévenir le risque d’emprise psychologique de la part de psychothérapeutes issus de formations non reconnues par les pouvoirs publics. Reste que la Miviludes estime à 400 le nombre de méthodes pseudo-thérapeutiques qui naviguent dans cette zone non-déclarée de la médecine douce. “Mais attention, on ne peut pas comparer la kinésiologie –méthode qui consiste à identifier toutes les névroses à partir d’un simple ‘test musculaire’ qui va permettre de sentir les réactions du corps à l’énoncé d’un certain nombre de questions posées par un ‘facilitateur’– avec la méthode Hamer qui prétend soigner le cancer par la psychologie et préconise l’arrêt des traitements”, souligne Samir Khalfaoui. “Dans ce cas, il y a vraiment une mise en danger directe, en plus de l’emprise mentale.” Rassurez-vous, il ne s’agit pas de condamner tous les professeurs de yoga ou les maîtres d’acupuncture qui proposent de soulager un malade par une pratique complémentaire à son traitement conventionnel. “Les méthodes les plus dangereuses sont les exclusives, celles qui préconisent l’arrêt des traitements et qui dénigrent la médecine conventionnelle”, précise Samir Khalfaoui. Pourtant, on ne s’improvise pas docteur. Même l’acupuncture nécessite un diplôme de médecin. Derrière ses lunettes, le Conseiller s’émeut : “Quand je reçois le courrier d’un particulier qui décrit comment sa fille a arrêté le traitement pour soigner son cancer, comment elle a été mise sur la voie de la méthode Hamer, et comment elle a quitté sa famille de façon atroce…”, soupire-t-il en évoquant le cas dramatique de cette nouvelle médecine germa-

© juliana peña

T

out a commencé par une évolution de la notion même de santé. Dans le bulletin de l’Ordre des médecins d’avril 2008, le rapport “Dérives thérapeutiques, du phénomène de mode aux sectes” le souligne : “Selon la définition de l’OMS, la santé n’est plus seulement l’absence de maladie, elle renvoie à ‘un état de total bien-être physique, social et mental de la personne’”, précise le Dr Daniel Grunwald, en charge de ce dossier depuis 1995. Et pour parvenir à cet état de nirvana intérieur, vous pouvez faire votre marché : de la kinésiologie au “rebirthing” en passant par le coaching ou la méthode Hammer, les thérapies alternatives qui vous promettent bien-être intérieur ou guérison d’une maladie grave sont aussi foisonnantes que populaires : “A la Direction Générale de la Santé, on estime qu’entre 30% et 50% de la population font régulièrement appel à ces méthodes”, précise l’Ordre des médecins.

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L’ aventure d’être soi - développement personnel

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Peu importe que ce soit une entreprise de compléments alimentaires, des fondamentalistes chrétiens ou des gens qui croient aux martiens, au final, la personne développe une même dépendance et une perte de l’esprit critique.”

nique, qui a déjà conduit plusieurs de ses adeptes à une mort douloureuse, les convaincant d’abandonner jusqu’aux soins palliatifs, alors qu’ils souffrent de cancer.

La crise, une aubaine pour les groupes de manipulation Mais les charlatans ne surfent pas que sur la détresse des personnes atteintes de maladies graves. “Les gens qui se laissent séduire sont juste plus vulnérables, précise Laura Merino Gómez, psychologue membre de l’AIS (Attention et Investigation des Socioaddictions). Samir Khalfaoui parle d’un “terrain favorable” : “Né des crises que nous rencontrons dans la vie courante – divorce mal vécu, perte d’emploi, maladie grave- et qui font qu’une personne va chercher des réponses et parfois, tomber dans les mains d’un groupe qui va exercer une emprise psychologique sur elle.” Laura Merino insiste sur la provenance des victimes de ces groupes : “J’aimerais qu’une fois pour toutes, on prenne conscience que les gens qui rentrent dans ces groupes ne le font pas par stupidité. Sur les 150 patients reçus l’an dernier à AIS, plus de la moitié avaient derrière eux des études supérieures.” En gros, ça peut arriver à tout le monde. Et la détresse née de la crise économique est un terrain plus que favorable. “En Espagne, l’AIS a détecté que dans la crise économique actuelle, un profil très concret prolifère : les groupes à teinte commerciale, qui promettent des profits rapides mélangés à des arguments sur le développement personnel” (voir notre reportage page...), écrivait le quotidien espagnol ABC dès novembre 2008. Ces groupes ont un tel pouvoir en Espagne qu’ils sont presque intouchables. Il suffit de débarquer à l’aéroport de Barcelone pour voir Lionel Messi, l’idole du FC Barcelone, en train de déguster un produit Herbalife, également sponsor du FC Valence. Mais en février 2009, le Comité de coordination de toxicovigilance s’est penché sur 60 cas d’atteinte hépatique d’individus qui avaient consommé des produits Herbalife, concluant à “la responsabilité de ces produits” dans leurs troubles de santé, et recommandant plus de transparence. Herbalife apparaît aussi dans le rapport d’une commission d’enquête parlementaire sur les sectes et l’argent effectué en 1999. La société 4Life (voir le reportage), marche sur les pas d’Herbalife, et trois professionnels de santé viennent d’être mis en cause en Espagne pour avoir vendu des produits Herbalife interdits à la vente. Ce qui ne l’empêche pas d’agrandir son réseau jour après jour.

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Bible ou Powerpoint, même combat Pour éviter les amalgames, l’AIS parle de groupes de manipulation psychologique plutôt que sectes pour qualifier ces entités. Prudente, la Miviludes se réfère désormais à des “dérives sectaires”, car “il n’y a pas de définition de la secte, ni dans le code pénal, ni dans le code de la santé publique”, rappelle Samir. Reste que les méthodes sont similaires : “La manipulation, le travail sur les individus pour les rendre dépendants au groupe. Peu importe que ce soit une entreprise de compléments alimentaires, des fondamentalistes chrétiens ou des gens qui croient aux martiens, au final, la personne développe une même dépendance et une perte de l’esprit critique”, résume Laura Merino Gómez. Selon la psychologue de l’AIS, qui assure depuis 1977 un service de prévention et d’assistance contre les troubles nés des relations sectaires et autres procédés de manipulation psychologique, “la captation et le maintien, qu’ils soient faits avec une bible ou avec une présentation Powerpoint, se retrouvent dans tous les groupes”. Ce nouveau profil de groupes de manipulation est répandu, populaire et souvent puissant. Mais les procédés de pression psychologique sont souvent difficiles à révéler au grand jour. N’avez-vous jamais rencontré une personne qui voulait vous parler d’un procédé révolutionnaire pour mincir ? N’avez-vous jamais simplement vu des produits en pharmacie qui vous promettaient non seulement le bien-être mais aussi une protection immunitaire aux allergies, voire aux maladies graves ? “Il ne s’agit pas d’être paranoïaque, mais plutôt de rester vigilant”, précise Samir Khalfaoui, qui souligne que parfois, d’heureusement rares professionnels de santé vont eux-mêmes, pensant bien faire et soulager leurs patients, laisser pénétrer des traitements pseudo-thérapeutiques dans l’hôpital. Ils ne savent pas forcément que derrière un régime alimentaire ou une méthode se cache parfois le discours d’un groupe de manipulation qui délégitimise la médecine conventionnelle, basé sur un système de vente pyramidale qui pousse ses membres à chercher en permanence de nouveaux pigeons, pour ne pas rester en bas de la pyramide. Et que soucieux du “bien-être physique, social et mental” de leur entourage, ils les mettent sous l’emprise d’un réseau escroc qui va leur soutirer jusqu’au dernier centime… Pour peu qu’ils soient assez vulnérables pour avaler un discours de développement personnel qui vous promet richesse et bien-être. A l’heure où 38,2% des Européens souffrent de problèmes ou de maladies neurologiques selon le Collège européen de neuropsy-


chopharmacologie (ECNP), où le cancer tue une personne sur quatre en Europe selon le rapport de 2006 du European Cancer Patient Coalition (ECPC) et où les pertes d’emploi et de logement liées à la crise ne cessent d’augmenter, des personnes vulnérables aux charlatans du développement personnel courent les rues. N’attendons pas le retour de la croissance pour se défendre.

Pour en savoir plus sur les groupes de manipulation psychologique et les socioaddictions : Le site d’AIS : www.ais-info.org Le rapport 2010 de la Miviludes : www.miviludes.gouv.fr/Le-rapport-2010

Emmanuel Haddad

Rézo s’infiltre dans un

système pyramidal

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e vais te présenter une femme extraordinaire qui travaille sur un projet social. Nous avons des choses à faire ensemble et avons besoin de gens comme toi. Tu vas a-do-rer, tu verras”. Depuis cette première approche, le téléphone a sonné régulièrement. Leslie*, que j’ai connue deux mois auparavant, s’est soudain prise d’une affection touchante -mais imméritée- à mon égard. Un laps de temps bien trop court pour justifier l’enthousiasme de cette jeune femme à vouloir me changer la vie. Je finis par accepter un rendez-vous pour assouvir ma curiosité, voire ma suspicion, (les meilleurs sujets d’enquête se trouvent souvent près de chez soi) à condition qu’il ait lieu en journée, dans un lieu public. Et mon intuition n’a pas failli : “Leslie, où est passée la personne que tu devais me présenter ?” “Elle arrive mais avant, je vais te présenter notre projet : le développement personnel doit passer par le bien-être, la santé, mais aussi par l’indépendance financière... 4Life propose un produit révolutionnaire qui utilise le colostrum de la vache pour se prémunir contre les maladies, le cancer et autres rhumatismes...”

© andrea gonzález barón

Si un jour une connaissance vous propose d’expérimenter une révolution personnelle ou un travail sur vousmême, méfiez-vous. Cette personne connaît vos centres d’intérêts et a priori ce qui vous touche : vous êtes la proie idéale. Ne lui en voulez pas, elle vient de se faire alpaguer par un système de vente pyramidale qui a tout des techniques de recrutement sectaires. Mais à vous, on ne vous la fait pas ! Rézo s’est immiscé dans l’envers du décor de 4Life. Un soi-disant produit miracle qui guérit de tous les maux de santé et... de porte-monnaie. Récit à la première personne.

Leslie, comme beaucoup d’autres, s’est laissée séduire par un discours sur des produits miracles qui, lui a-t-on dit, guérissent entre autres de la maladie qui a emporté un de ses proches. Quant à moi, je fais mine d’avaler que les vaches vont m’offrir une éternelle jeunesse, et par le plus grand des miracles, immuniser aussi mon compte en banque sans le moindre effort (serait-ce possible un jour ?). Car tout le “génie” du système 4Life repose sur le fait de faire travailler les autres -et accessoirement- ses amis et sa famille. Et ce, “pour grandir ensemble”. Autre fait étonnant, 4Life aurait le même chiffre d’affaires que Microsoft. Tiens donc ! Son inventeur américain est d’ailleurs un homme si bon et généreux qu’il compte bien, d’après elle, sauver l’Afrique en lui vendant son produit miracle.

Des réunions dans des sous-sols d’hôtels Bref, je constate que, période de crise oblige, le bon vieux “système Madoff” se démocratise avec un complément alimentaire de pacotille. Je démonte ses arguments un à un malgré ses croquis, ses

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L’ aventure d’être soi - développement personnel

tableaux, ses coupures de magazines, ses courbes ascendantes, et ses chiffres d’affaires exponentiels. Ereintée, elle laisse sa coach, enfin arrivée, faire le boulot. Car Leslie est encore en formation chez 4Life. C’est Rosa*, sa tutrice (ou gourou), qui la forme. Cette directrice d’une boutique bio est donc cette personne incroyable que je devais rencontrer. Toute de dentelle et d’organza vêtue, argumentant un discours mécanique, soigneusement appris par cœur, elle semble tout aussi victime que sa nouvelle protégée. “Je sens chez toi une énergie propice à être des nôtres me dit-elle. Tu seras bonne”. Mais à la question, “Et toi, Leslie, combien as-tu gagné pour l’instant ?” Rosa répond à sa place : “Laisse lui le temps de faire ses marques, elle ne fait que débuter”. Au secours. Une quinzaine de coups de téléphones, sms et autres mails plus tard, je me rends cette fois à une réunion générale de 4Life, invitée par Rosa. Elle a lieu dans un sous-sol de l’hôtel Méridien à Barcelone, comme tous les samedis à 18 heures. Escortée par Emmanuel Haddad, journaliste de Rézo qui travaillera sur l’enquête, (voir article pages 55-56), je me glisse dans cette agora parmi les convives médusés devant l’animation Power point, présentée par la vendeuse “Diamant International Or” en Espagne (ndlr: nom du sixième étage de la pyramide de 4Life : on commence associé, puis leader, diamant, diamant présidentiel, diamant international, diamant international or et enfin dimant international platine). 90% de l’audience est composée d’immigrés. Pour comprendre la scène, il faut s’imaginer un mix entre une assemblée d’évangélistes américains, une réunion de Weight watchers et une réunion d’alcooliques anonymes. Tous sont venus écouter leur sauveur. Mais cette fois, le sauveur est blonde, brushée, la cinquantaine. Vêtue d’un tailleur, Maria Del Carmen tient un micro comme une rock star. A sa gauche trône, triomphante, une affiche du fameux produit alimentaire supposé prévenir du cancer. Pourtant, pas un sloggan sur l’efficacité sanitaire de celui-ci, mais plutôt : “4Life, le passeport de l’indépendance financière”. “Vous avez des espoirs ? Vous voulez recommencer à rêver ?”, scande cette dernière. “Ouiiiiiiiiii”, répond à l’unisson le public. “Vous voulez être heureux, en bonne santé, et à l’aise financièrement ?” Même réponse moutonnière. “Avec 4Life, dites au revoir à l’esclavage et devenez un professionnel du XXIème siècle !” Maria del Carmen nous propose d’être non seulement multimillionnaire financièrement, mais aussi en emploi et en amis. Et rassure : “Jamais vous ne serez seuls, laissez-vous aider”. Elle nous prend comme exemple Elvis Presley (non, non, vous ne rêvez pas) pour expliquer le modèle économique de 4Life, qui repose sur le gain de revenus résiduels et non pas linéaires. Bref, en somme, en vendant les produits 4Life, on percevra comme Elvis des Royalties, à condition bien sûr de savoir se constituer un réseau de vendeurs. Autre fait étonnant, au lieu de parler aux gens en dollars ou en euros, on parle en points comme... Weight Watchers, qui occulte le décompte en calories pour faire oublier aux gens qu’ils sont à la diète ! Et à la fin de sa démonstration, elle conclut : “Si vous ne comprenez rien, c’est normal, ça fait toujours ça la première fois. Ce n’est que peu à peu que votre cerveau s’ouvrira pour intégrer les possibilités infinies de l’industrie révolutionnaire de la vente multi-niveaux”.

Un ton apocalyptique et millénariste En deux ans et demi, c’est la troisième fois qu’on m’invite à ce genre de réunion. Et curieusement, c’est plus ou moins toujours le même discours. On tire du chapeau l’exemple d’une grand-mère rajeunie, d’une sœur guérie du cancer ou la promesse d’une énergie hors du commun. Sans oublier la liberté retrouvée et le compte en banque, qui lui aussi va connaître une révolution personnelle, à condition de recruter tout son entourage dans le business. A chaque fois on

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nous explique que pour avoir le droit de participer, nous devons monter une franchise. Mais pour 4Life, le ton est décidément excessif, apocalyptique, anxiogène. Millénariste. Incohérent. Sectaire. Il y est même question “d’ordre nouveau”. Y adhérer coûte la modique somme de 475 euros. Après la démonstration de la VRP, un homme à l’accent allemand prend le micro. Il est grand, très grand. Apparemment son rôle est celui d’apeurer les foules, avec des chiffres plus que douteux, en guise de dernière incitation à adhérer à 4Life. “95% des retraités en Espagne vivent sous le seuil de pauvreté”. Et, menaçant, il annonce: “En 2018, la classe moyenne va disparaître, c’est à vous de choisir

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Je sens chez toi une énergie propice à être des nôtres me dit-elle. Tu seras bonne.” si vous voulez faire partie des pauvres ou des riches”. Puis, quand la réunion touche enfin à sa fin, impossible de sortir. Place désormais au processus d’isolement des futurs recrutés : on nous réunit dans des groupes de 6 à 8 personnes. Curieusement dans le groupe, se trouvent deux médecins et une thérapeute de médecine alternative. L’un se dit emballé par le produit et il ne le connaît pourtant que depuis une semaine. La thérapeute nous raconte qu’elle ne jure que par les produits 4life et qu’elle ne prescrit plus que ces derniers à ses patients. Mais une demi-heure plus tard, à la question piège que je lui tends : “Tout le génie du système 4Life, repose sur son modèle économique, peu importe l’efficacité du produit finalement, non ?” La thérapeute, enthousiaste, répond, sans réfléchir : “C’est tout à fait ça !” “Mais vous ne venez pas de me dire que le produit était révolutionnaire ?” Heureusement, à notre gauche, sur le petit présentoir de la gamme 4life, un livret, à la couverture bleue de mauvaise qualité, nous rassure sur l’efficacité médicale du produit : “Attesté par la Fédération russe”. Valérie Zoydo * Leslie et Rosa sont des pseudonymes.


4Life :

du miracle à l’emprise psychologique… à vie

© andrea gonzález barón

Derrière un produit miracle et la promesse d’un job facile et rentable en temps de crise, l’entreprise de compléments alimentaires 4Life, présente dans 40 pays, est une “arnaque sanitaire” qui détruit des familles et laisse ses membres ruinés… Reportage à Barcelone, où l’Association des affectés de 4Life (A.A.4Life) joue au David contre Goliath.

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tologue Albert P. -d’un hôpital public de Barcelone- ont été pris la e 24 septembre 2010, elle s’est rendue à sa première réunion. Le 29, main dans le sac en train de le proposer à la vente à leurs patients. elle signait le contrat, et en un mois, elle s’est convertie en une perL’enquête du quotidien catalan redonne espoir aux familles des vicsonne complètement différente. Elle n’avait plus les même gestes, times. Le Collège des médecins de Barcelone (Col·legi Oficial de ne riait plus avec le même naturel… En mars, elle quittait la maison.” Metges de Barcelona) a en effet réagi par une mise en garde : “Je Devant un verre d’eau gazeuse auquel il n’a pas touché sur une rappelle que les médecins ne peuvent agir comme agents commerterrasse de Barcelone, Jorge M. revient avec amertume sur la muciaux ni dans la vente directe de produits liés à la santé, ni pendant tation de sa femme depuis qu’elle côtoie le réseau de 4Life, une une consultation, ni de forme indirecte”, a déclaré son vice-présisociété de vente multi-niveaux née aux Etats-Unis en 1998 et prédent Jaume Padrós. sente dans 40 pays. Voilà un an que cette infirmière s’est laissé Certains distributeurs de 4Life sont des professionnels de la santé happer par ce que le cofondateur de l’Association des affectés de et distribuent ses produits dans le secret 4Life (Asociación de afectados por 4life) conside leurs cabinets. Mais pour Laura Merino dère comme une “secte pyramidale”, qui sévit Gómez, psychologue de l’AIS (Atención e depuis 2007 en Espagne. La femme avec qui il Investigación de Socioadicciones : Attena fondé A.A.4Life a retrouvé sa sœur pendue le tion et Investigation sur les Socio-Addic10 janvier dernier, après avoir essayé de mettre Certains distributeurs de tions), “ce qui est préoccupant, c’est que un terme à son activité au sein du réseau de la majorité des vendeurs recrutés n’ont auvendeurs. Depuis, ils font tout pour informer sur 4Life sont des professionnels cune formation en médecine. Si une venles dessous peu reluisants d’une entreprise qui de la santé et distribuent ses deuse de fruits et légumes (par exemple) compterait 5 000 distributeurs en Espagne. vous dit que tel produit va vous soigner du produits dans le secret de Sida, c’est grave ! Et le pire, c’est que 4Life Un produit interdit à la vente va totalement se déresponsabiliser en cas Le 23 septembre, El Periódico publiait une en- leurs cabinets.” de problème”, explique la psychologue, quête sur un des produits phares de 4Life, le dont plusieurs patients sont issus des réTransfer Factor Recall. Alors qu’il aurait dû être seaux de vente multi-niveaux. retiré de la vente depuis le 13 juillet 2011 selon ordre express du En 2005, l’Agence espagnole de sécurité alimentaire a classé les ministère de la Santé, l’infirmière Raquel F. -d’une clinique de Valproduits conçus à partir du colostrum bovin comme des aliments, lès Occidental- le chirurgien thoracique Emili C. -qui exerce dans précisant qu’il serait peu approprié de les ranger dans la catégola clinique du district barcelonais Sarrià-Sant Gervasi- et le trauma-

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L’ aventure d’être soi - développement personnel

Le Transfert Factor Plus y est par exemple suggéré pour soigner le cancer, le sida, l’hépatite, la dengue et autres maladies graves, tandis que d’autres produits de 4Life à base de facteurs de transfert seront suggérés pour les maladies cardio-vasculaires, le diabète, le cancer de l’utérus, l’ischémie cérébrale.” rie des compléments alimentaires ou des produits diététiques. “En gros, cela signifie que les produits 4Life peuvent se manger, c’est de la nourriture, mais rien d’autre ! Tout en sachant cela, ses membres continuent de présenter leurs produits aux nouveaux arrivants comme des produits “miracles”, dotés de vertus naturelles inégalables, plus sains que les médicaments issus de la médecine conventionnelle. 4Life tient un double discours dangereux”, estime Laura Merino.

Endoctrinement et irresponsabilité Un double discours qui complique la tâche aux lanceurs d’alerte comme l’Association des affectés de 4Life. Les distributeurs reçoivent de faux vadémécums “faits maisons”, dont Rézo a pu se procurer une copie. Le Transfert Factor Plus y est par exemple suggéré pour soigner le cancer, le sida, l’hépatite, la dengue et autres maladies graves, tandis que d’autres produits de 4Life à base de facteurs de transfert seront suggérés pour les maladies cardiovasculaires, le diabète, le cancer de l’utérus, l’ischémie cérébrale et bien d’autres. Autant dire que vu de l’intérieur, avec 4Life, vous pouvez dire au revoir à votre médecin. Mais en public, l’entreprise se protège : les adhérents signent un contrat –dont ils ne lisent les conditions qu’une fois signé et payé, témoigne Jorge M.- qui stipule : “Je suis d’accord pour indemniser la société de toute réclamation, dommage ou coût, comprenant des coûts d’avocats, qui dérivent de mes actions, omissions ou conduites, ou de celle de mes employés, agents ou représentants en violation de ce contrat.” Si un distributeur zélé se faisait prendre à vendre un produit 4Life à une personne atteinte d’une maladie grave en lui promettant la guérison, il supporterait les conséquences d’une dégradation de son état de santé... Seul.

De la captation à la rétention : une manipulation psychologique avérée Par ses méthodes de captation, d’endoctrinement et de rétention, l’entreprise 4Life a tout d’un groupe de manipulation psychologique, si l’on s’en tient aux 15 indicateurs élaborés par l’AIS. Si 75% des indicateurs s’appliquent, il y a danger. La société créée par David et Bianca Lisonbee remplie presque toutes les conditions. Dès le premier contact, “ils vont plus loin qu’un démarchage classique : ils vont faire en sorte de connaître les points faibles d’une personne pour pouvoir ensuite établir une pression émotionnelle”, précise la psychologue de l’AIS. Que ce soit vos parents, votre époux ou votre travail, le leader qui vous coache au sein de 4Life veut connaître votre talon d’Achille. Reste ensuite à vous aider à vous en débarrasser : “Si vous n’êtes pas avec eux, c’est que vous n’avez pas confiance en eux, donc ils sont incités à prendre de la distance avec ceux qui ne croient pas en leur réussite”, précise Jorge M., témoin de ce processus avec sa propre femme.

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Les membres sont ensuite invités à faire une relecture express de leur passé selon de nouveaux critères d’analyse. Pour cela, ils achètent pléthore de livres et de DVD fournis par l’entreprise colombienne International Network Team, qui collabore avec 4Life. “Ils te disent de faire une affiche avec des photos de tes rêves chez toi, et de t’y projeter en permanence. Ma femme en avait accrochée une sur le miroir de la salle de bain et une autre pendait dans l’armoire. Ce sont des rêves très matérialistes : avoir une maison plus grande, une nouvelle voiture, des vacances de luxe. Au final, ils perdent leurs propres rêves, ceux qu’ils partageaient avec leur entourage proche…” déplore Jorge M. Cette insistance sur les rêves et les émotions suffit-elle à expliquer que jusqu’à un traumatologue de renom comme Albert P. ou des infirmières comme la femme de Jorge finissent par gober la propagande de 4Life ? Ce serait négliger le pouvoir d’un des éléments clés du sytème : l’effet de groupe, meilleur arme pour effacer toute velléité d’esprit critique (voire notre reportage sur une réunion de 4Life à l’hôtel Méridien, p.53-54). Le doute cartésien n’est pas le bienvenue dans l’univers merveilleux promis par l’entreprise. “Au final, ils repoussent toujours les explications au lendemain. Prime l’excitation du moment qui incite à adhérer sans penser, analyse Laure Merino. Et celui qui ose critiquer passera soit pour un idiot, soit pour un traître. Donc au bout d’un certain temps passé dans l’entreprise, ils ne font que reproduire le discours qu’ils ont entendu au cours des innombrables réunions et conférences imposées aux membres de 4Life”, s’exaspère la psychologue d’AIS.

4Life : un système de vente pyramidale Dans le discours attractif de l’entreprise, la carotte de la bonne santé va de pair avec la promesse du succès financier. Mais de ce côté aussi, le rêve finit par se changer en un monceau de dettes. “Tu paies 475€ d’inscription lors de la signature du contrat, et tu dois consommer pour 120€ par mois minimum de produits 4Life, s’amuse presque Jorge. Ensuite, tu es censé toucher des commissions sur chaque nouvel entrant. Mais j’ai reçu des témoignages de nombreux “diamants présidentiels” (le quatrième niveau de la pyramide), qui devraient toucher des dizaines de milliers d’euros après avoir atteint ce niveau-là : leurs revenus ne dépassent pas les 400 ou 500 euros par mois”, révèle le cofondateur de l’Association d’affectés de 4Life. Avec ce qu’ils consomment en déplacement, en livres et DVD de formation et en produits 4Life, même les rares à monter si haut sont perdants. Une réalité bien loin des salaires infinis promis par les documents que l’entreprise distribue à ses membres, où défilent des promesses de vacances au soleil et d’hôtels de luxe. “Au final, 99% des gens perdent de l’argent et 1% s’enrichissent. C’est la logique de la vente pyramidale”, résume-t-il écœuré. Un système puni par la loi. En France, si la vente multiniveaux n’est pas interdite, l’article 13 de la loi du 1er février 1995, qui vient modifier l’article L. 122-6 du Code de la consommation, stipule qu’est interdit “le fait de proposer à une personne de collecter des adhésions ou de s’inscrire sur une liste en lui faisant espérer des gains financiers résultant d’une progression géométrique du nombre des personnes recrutées ou inscrites.” Autrement dit la vente pyramidale. La loi espagnole l’interdit également à travers l’article 22 de la loi 7/1996. Emmanuel Haddad

Celui qui ose critiquer passera soit pour un idiot, soit pour un traître.”


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Quand la mode donne du sens


Mode, village global et traditions locales

Il existe une communauté en Hollande, dans le village de Staphorst, où les femmes s’habillent comme il y a 200 ans. C’est de leurs vêtements traditionnels que s’est inspiré le styliste Ricardo Ramos de Leon, basé à Berlin, pour sa collection intitulée Reconstructing Klederdracht. Le maître-mot de son travail : le dialogue interculturel.

V

ivons-nous dans un village global, comme l’annonçait le philosophe et sociologue Marshall Mac Luhan en 1967 ? Oui, mais il semble que désormais le local et le global interagissent, que ce soit en économie, en agriculture ou même dans la mode. Pour preuve, ce slogan de la marque Natura : Pense globalement, agis localement ou encore le titre du film de Colline Serreau Solutions locales pour désordre global sorti en 2010 qui traite des dégâts de l’agriculture intensive. En effet, à l’heure de la mondialisation et de l’Internet, le monde s’est incontestablement unifié : Mac Luhan prévoyait d’ailleurs que l’information véhiculée par les médias de masse allaient regrouper l’ensemble des microsociétés en une seule. Selon lui, n’allait s’imposer qu’une seule culture, comme si le monde n’était qu’un village, une même communauté “où l’on vivrait dans un même temps, au même rythme et donc dans un même espace”. Etrange prédiction de la planète Facebook ou de la planète finance dont le coeur bat au rythme des places boursières mondiales. Cependant, le philosophe avait également prévu les conséquences de ce fameux village globlal : le renforcement du tribalisme et des identités.

la réflexion autour du métissage à l’heure de la globalisation Les identités, les traditions locales et les ethnies. C’est justement le cheval de bataille du styliste hispano-colombien Ricardo Ramos de Leon, installé à Berlin. Ce passionné des particularismes culturels semble être un ovni au beau milieu de l’univers de la mode, un des plus globalisés et influencés par l’uniformisation de la culture. Il utilise en effet le stylisme et le textile comme un laboratoire de réflexion

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Quand la mode donne du sens

Tel un anthropologue, Ricardo Ramos de Leon s’intéresse aux particularismes culturels et à ce qui maintient vivantes les traditions vestimentaires.”

autour du métissage en alliant le local et le global. Ses collections mélangent en effet différentes techniques artisanales, et réinterprétent les vêtements traditionnels de diverses cultures. En somme, son objectif représente la fusion du contemporain et de la tradition. Pour cette édition, il nous offre une série de photos de sa collection intitulée Reconstructing Klederdracht (ndlr : en néerlandais Klederdacht signifie le costume), où il s’est inspiré des vêtements traditionnels de la communauté de Staphorst en Hollande, de la couture traditionnelle germanique et où il utilise également des tissus de métier à tisser vertical traditionnel des communautés indigènes muiscas du haut plateau cundiboyacense en Colombie. “Le génie de ce lieu en Hollande consiste en ce qu’une grande majorité de ses femmes portent encore le vêtement traditionnel dans leur quotidien depuis presque 200 ans. C’est un phénomène assez inhabituel dans un continent où la mode change à chaque saison”, explique le styliste.

Redécouvrir d’autres manière de vivre Car une chose est sûre, Ricardo ne cède pas au diktat des tendances décidées par les chantres du marketing. Non, il s’intéresse plutôt à cette mode, “projection fidèle d’un moment historique et de l’essence d’une société, de la quotidienneté et la propre interprétation de chaque individu qui projette son individualité sans se démarquer de son appartenance à un groupe. Tel un anthropologue, Ricardo Ramos de Leon s’intéresse aux particularismes culturels et à ce qui maintient vivantes les traditions vestimentaires. “Mon admiration et mon respect pour les communautés qui restent attachées aux traditions vestimentaires m’accompagnent depuis l’Inde, avec ses saris et ses tribus ancestrales, jusqu’aux communautés indigènes amérindiennes comme le kuna ou le wayuú, en passant par le nord de l’Afrique avec son legs arabe et sa tradition berbère. Je ne peux naturellement pas oublier l’Europe, d’où ce travail sur la Hollande”. En somme, Ricardo Ramos invite à travers son travail à redécouvrir certaines traditions oubliées du grand public, sans préjugés sociaux religieux ou autres. Et le styliste de conclure : “Je veux donner une opportunité de connaître d’autres formes de manifestation de mode, d’autres manières de vivre et de percevoir la relation entre les êtres humains et leur existence, de réveiller ainsi un intérêt et une curiosité chez des gens de tous horizons, sans la peur de l’inconnu au niveau culturel.” Valérie Zoydo

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Reconstructing Klederdracht F/W 2011-12

Photos : Andreia Martins Mannequin : Marta Malanovska @ IconModels-Bcn Automne 2011 • Rézo • 63


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CULTURE

Tout le monde en parle cet automne...

Rencontres Internationales Paris/Berlin/Madrid Un festival nomade Le festival du nouveau cinéma et d’art contemporain revient à Paris du 18 au 26 novembre. Un bon moyen de découvrir les perles d’Alexandre Sokourov, l’énigmatique Finisterrae de Sergio Caballero ou de se laisser guider par la carte blanche à Pedro Costa ou Mark Lewis. Qui a dit qu’il n’y avait jamais rien à faire à Paris ? Interview.

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I

Il existe de nombreux festivals de cinéma en tous genres. Il existe aussi beaucoup de foires, biennales et rétrospectives d’art contemporain, mais moins d’événements qui allient avec succès et intelligence la diversité formelle du septième art et la surprenante imagination de la création actuelle. Et aucun ne le fait, comme les Rencontres Internationales Paris/Berlin/Madrid, dans trois des plus grandes villes européennes. Un festival nomade et multidisciplinaire qui accueille depuis 1997 tout ce que l’art vidéo, le cinéma et l’offre audiovisuelle et multimédia comptent de meilleur. Partant de l’indéniable constat que la barrière entre le cinéma et l’art s’efface depuis plusieurs années, avec des artistes (Jean-Luc Godard, Albert Serra, Steve McQueen et tant d’autres) qui jonglent entre le musée et la salle de projection, les Rencontres Internationales ont fait le pari d’ouvrir ces œuvres de création contemporaine à un public plus large. Que ce soit en navigant parmi les films de ce qu’ils appellent le “nouveau cinéma” ou en découvrant de jeunes talents avant leur éclosion médiatique (Apichatpong Weerasethakul ou Miranda July), Nathalie Hénon et Jean-François Rettig, les directeurs et fondateurs des Rencontres, explorent cette zone intermédiaire et passionnante où les artistes questionnent les innombrables problématiques liées à l’image. Un travail de sélection, diffusion, réflexion et hommage qui se traduit par un cycle de projections (150 élus sur près de 5000 propositions), une expo-


sition, des artistes reconnus, des cartes blanches et des débats ou des conférences. Une programmation complète qui arrive cette année à Paris du 18 au 26 novembre et qui pourra se voir, parmi d’autres lieux emblématiques, au Centre Pompidou ou à la Gaité Lyrique. L’occasion pour nous de parler cinéma, art et culture avec Hénon et Rettig, de faire le point sur les Rencontres et de découvrir un peu ce qui nous attend lors de cette édition. Rézo : Pouvez-vous nous expliquer comment sont nées les Re ncontres Internationales Paris/Berlin/Madrid ? Les Rencontres Internationales sont nées au départ d’une envie de créer Sergio CABALLERO : Finisterrae un espace où il serait possible de découvrir des créations visuelles venant de champs différents et de faire se rencontrer ris aussi bien par la culture visuelle contemporaine que différents publics. Il s’agissait alors de films d’artistes, de par l’histoire du cinéma. Ce qui les caractérise probablevidéos, de documentaires et de performances. Il y a qua- ment, c’est la liberté qu’ils ont d’explorer des formes, sans torze ans, ce genre de programmations pluridisciplinaires être obligés de faire des concessions liées à ce qui est était rare. Investir des salles de cinéma permettait alors attendu d’un genre. Cette liberté vient bien évidemment de s’adresser à un public non habitué. de leur questionnement d’artiste et de créateur, mais aussi de nouvelles manières de produire, plus légères, ce Rézo : Pourquoi ce rapprochement entre nouveau qui permet l’expérimentation et justement cette absence cinéma et art contemporain ? de compromis. Parce que ces deux domaines sont liés, se nourrissent de références communes. D’autre part, l’art contem- Rézo : Les Rencontres sont-elles une manière de porain est un domaine extensif, les artistes visuels supprimer cette ancienne frontière entre l’art (du travaillent de plus en plus avec l’image en mouvement, musée et/ou des galeries) et le cinéma, qui exisqu’il s’agisse de recherches formelles, des recherches tait il y a encore quelques années (nous pensons narratives ou d’approches documentaires. Le nouveau à des réalisateurs, comme Apichatpong Weecinéma bénéficie de possibilités de production et de réali- rasethakul, Steve MacQueen, ou même Godard, Straub et Huillet qui jonglent sation plus légères, par rapport avec succès entre ces deux aux équipes traditionnelles mondes) ? du cinéma, ce qui permet au Le cinéma et le musée ont cinéaste davantage de liberté. des rôles sociaux différents. Le Mais parler d’un croisement L’art contemporain est un musée doit être attentif au patrientre nouveau cinéma et art domaine extensif, les artistes moine, même si le patrimoine contemporain est avant tout contemporain est volatil, peu le recours à une dénominavisuels travaillent de plus définissable, le musée a ainsi un tion provisoire pour désigner rôle de conservation, pour préles mutations qui s’opèrent en plus avec l’image en server une production artistique dans le domaine de l’image mouvement, qu’il s’agisse qui se sédimente et dit son en mouvement, qui sont à la histoire à l’échelle de plusieurs fois techniques, artistiques et de recherches formelles, décennies, et, par opposition culturelles. au marché de l’art, il ne peut cédes recherches narratives ou Rézo : Pensez-vous qu’une der aux tendances du marché. partie du cinéma d’auteur Les cinémas, eux, sont souvent d’approches documentaires.” d’aujourd’hui peut être tenus par les distributeurs, et considérée comme apparpar un souci légitime de rentabitenant au monde de l’art contemporain ? (des réa- lité, ce qui ne leur laisse que peu de marge pour réserver lisateurs comme Albert Serra, Lisandro Alonso, des séances à des formes plus rares. Il s’agit donc avant Miranda July …) Quelle relation voyez-vous entre tout de donner au public la possibilité de découvrir ces ces deux expressions artistiques ? nouvelles formes, qu’il y ait accès. Le rôle d’une manifesOui, ce lien existe, dans le sens où de toute façon, les tation comme les Rencontres est aussi d’accompagner cinéastes et les artistes ne se préoccupent plus de ces les artistes et les cinéastes qui souhaitent expérimenter frontières, ils exercent dans une plus grande liberté, nour- d’autres manières de voir leurs réalisations, alors que

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CULTURE

Hans Op de Beeck : Sea of Tranquillity

la salle de projection demeure le lieu privilégié d’une expérience collective irremplaçable, une installation vidéo propose une autre expérience du temps et de l’espace, qui ne sont jamais un temps et un espace neutre, mais intime, social ou politique... Rézo : A l’ère de l’image omniprésente et infinie, pensez-vous que le public doive justement apprendre à mieux recevoir et interpréter ces images ? Oui, l’image est omniprésente, aussi bien au niveau de ce qui est reçu, demandé ou subi, qu’au niveau de la production même des images, avec le développement et la démocratisation des technologies. Mais effectivement, une image n’est jamais neutre, et à l’omniprésence d’un certain type d’image correspond une certaine structure de penser, un certain rapport aux autres et au monde. C’est pourquoi toute notre attention est requise face aux images qui nous entourent, pour interpréter leur valeur, ce qu’elles véhiculent. Mais le champ de la création ne peut avoir pour rôle une éducation aux images, ce serait le réduire à une forme sociale utilitaire que l’enseignement a pour tâche d’effectuer au moyen de la réflexion et de la discursivité. Le cinéma ou l’art contemporain, bien qu’ils s’articulent sur une démarche critique fondamentale, n’ont pas pour objet l’édification des publics. Il s’agit d’autre chose, de probablement plus subtil et puissant, ayant à voir avec des concepts comme la relation, le possible, la liberté. Rézo : En ce sens, le traitement des images qu’offre souvent l’art contemporain ou le cinéma expérimental semble radical par rapport aux codes prémâchés de la télévision ou du cinéma commercial. Les exemples de cette exigence herméneutique sont multiples : la longueur excessive

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(24 heures Psycho de Douglas Gordon), les sujets abscons (From Third Beach 1 de Mark Lewis ou les œuvres de Nam June Paik), des esthétiques abstraites. Quelle est l’importance, dans la société actuelle, de cette dense réflexion sur les images ? Cette réflexion est d’une importance fondamentale. Et elle souligne la place si particulière de l’artiste et du cinéaste dans nos sociétés contemporaines. Il est question ici de l’artiste comme témoin particulier de notre époque, mettant en œuvre des processus critiques au travers de moyens propres au cinéma ou à l’art contemporain. Mais il n’y a jamais d’artiste en général, et le meilleur moyen pour comprendre cette importance est de voir les œuvres, les percevoir et réfléchir avec elles. Et ce qui semble au premier abord d’une longueur extrême, se révèle être une réflexion étonnante sur la liberté des contraintes, l’obscurité du propos d’une vidéo peut être l’occasion d’éprouver notre capacité d’interprétation, une forme abstraite peut être l’occasion d’interroger ce qui structure nos représentations. Rézo : Pouvez-vous nous expliquer quelques points forts de cette édition 2011 à Paris ? Il y a beaucoup de choses. Par exemple la projection en avant première à Paris du film de Sergio Caballero, Finisterrae, un moyen métrage étonnant d’Hans op de Beeck, des films rares d’Alexandre Sokourov et Zbigniew Rybczynski, un focus sur la Nouvelle-Zélande, une séance spéciale consacrée à Ubermorgen, duo d’artistes parmi les plus importants dans le domaine des arts numériques, des cartes blanches à Pedro Costa et Mark Lewis… Chacun doit explorer la programmation et se donner la possibilité de découvrir et d’être surpris. Propos recueillis par Aurélien Le Genissel (Nathalie Hénon et Jean-François Rettig, directeurs des Rencontres ont conjointement répondu à notre interview).


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culture

L’ animation 3D à la française La french touch : cette expression consacrée peut-elle s’appliquer à l’animation 3d ? est-ce un style en particulier et lequel ? Retour sur l’avènement d’une nouvelle hégémonie. et désireux de ne pas se laisser enfer enfermer dans une vision simpliste. ou tout le contraire.

l’art de l’animation

I

l existe bel et bien une french touch en matière d’animation. en 1908, le premier dessin animé, Fantasmagorie, est réalisé par emile Courtet pour gaumont. en 2010, l’oscar du meilleur court-métrage d’animation est remporté par le collectif H5 (François alaux, Hervé de Crécy et Ludovic Houplain) pour Logorama, le thriller animé qui met en scène une course-poursuite entre deux policiers Bibendum et un Ronald McDonald en malfrat. entre-temps est né Rayman, le petit bonhomme bien connu des jeux vidéos ubisoft. et maintenant, on s’arrache cette french touch de l’animation 3d. numéro 3 mondial derrière le Japon et les etats-unis. Mais à quoi la reconnaît-on ? Peut-être simplement estelle une idée à la mode à laquelle il faut tordre le cou, comme le réclament plusieurs graphistes indépendants

L’ idem : les arts et les techniques l’école d’arts graphiques, l’idem, installée depuis 15 ans à Perpignan et reliée à raleigh, new York ou montreal, a pour objectif d’aider ses étudiants à épanouir leur réelle sensibilité artistique, tout en leur transmettant une solide capacité technique. au programme : les métiers du graphisme, de l’animation ou de l’audiovisuel. forte de son intégration professionnelle grâce à sa présence internationale, elle ouvre cette année sa première promotion à barcelone. www.lidembarcelona.com

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La différence entre une école française et une autre ? “L’ébauche en dessin-animé papier avant qu’il soit numérique”, explique Christine Rey, directrice de l’Idem, nouvelle école de graphisme et d’animation à Barcelone. L’art d’animer à la main avant de le faire à la palette graphique est la clé d’une animation vivante, originale, artistique et même moins coûteuse, car tout film a un budget et celui-ci est une contrainte à intégrer. Penser le mouvement tout en tenant compte du personnage et de ses caractéristiques physiques. C’est pour cela qu’il existe une différence entre les graphistes et les animateurs dans les écoles en France. Les uns créent les décors voire les personnages auxquels les autres donnent vie. Frédéric nagorny, enseignant à la prestigieuse école de l’image des gobelins avance l’idée d’une culture des beaux-arts inhérente à la France. La France est un pays qui depuis longtemps a promu, a vécu de la culture et des arts. et l’animation est avant tout une technique de dessin qui est née avant même le cinéma des frères Lumière.

le raYonnement culturel outre Logorama, cette année c’est Le Chat du Rabbin de Joann Sfar qui aura été remarqué avec plus de 400 000 entrées en cinq semaines. Le film, qu’il a adapté de sa propre bande dessinée, a reçu le Cristal du long métrage au festival d’annecy 2011. Car c’est aussi ça la force de la french touch : le savoir “faire reluire”. Véritable institution dans le monde de l’animation, ce festival international existe depuis 1960 et dispose de son propre Marché International du Film d’animation, le MIF . a l’instar de ce qui se passe chaque printemps à MIFa Cannes, annecy est le lieu de rencontre des producteurs, animateurs, dessinateurs et fans. “Ce lieu permet à la France de briller dans le monde et de faire rayonner son excellence en matière de création”, insiste Christine Rey. Surfant sur l’internationalisation de l’excellence française en matière d’animation, l’école s’installe d’ailleurs à Barcelone (voir encadré). Car la french touch, ça n’est jamais qu’une vision de la France qui s’exporte à l’étranger. CyRILLE GEORGES



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culture

Belle du Seigneur,

amour et damnation Belle du Seigneur va être adapté au cinéma par le réalisateur Brésilien Glenio Bonder, dont c’est le premier film. La mannequin Natalia Vodianova a été choisie pour interpréter la belle Ariane et Jonathan Rhys-Meyers pour Solal, le séducteur. Le tournage est en cours et le film devrait sortir en 2012.

Le saviez-vous ?

l’écriture du livre, commencée dans les années 1930, a été interrompue par la deuxième guerre mondiale. le roman paraît finalement en 1968 chez gallimard, après des années de retravail et de corrections. il connaît aussitôt un immense succès et est couronné du grand prix du roman de l’académie française.

A découvrir :

Paru en 1954, Le livre de ma mère est un roman autobiographique où albert cohen rend hommage à sa mère. dans une prose magnifique, il lui écrit une lettre d’amour dans laquelle il livre ses pensées les plus intimes. mais aussi ses remords de fils trop aimé qui ne réalisait pas alors “que toutes les mères sont mortelles”. sûrement l’un des plus beaux livres écrits par un fils sur sa mère.

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Titre mythique de la littérature, il est l’un des romans les plus insolites qui soient. Le lire est comme plonger dans un univers où sublime et laideur se côtoient. Trente ans après la mort d’Albert Cohen, Rézo vous propose de (re) découvrir son chef d’œuvre Belle du Seigneur.

L

yrique, génial, odieux, il est l’un des piliers de n’est affaire que de désir et révèle combien il la littérature du XXème siècle. Satire sociale, est superficiel. Factice, il se confond avec la Belle du Seigneur fascine et insupporte par séduction et n’est en somme qu’un jeu social. son réalisme et sa vision de la vie. Impitoyable, Dans un monde bien-pensant, antisémite l’auteur dresse un portrait au vitriol d’un couple et haineux, son personnage Solal apparaît qui sacrifie tout pour son amour. Et dissèque comme la pièce maîtresse du livre. Misoavec ironie les milieux diplomatiques et bour- gyne, juif méprisé, il est pourtant celui qui a geois. À son décès, en octobre 1981, Albert la conscience des choses. Avec la Seconde Cohen laissait dernière lui l’un des plus grands Guerre Mondiale en toile de fond, il se révolte contre un système où le fort devrait toujours romans sur la passion amoureuse. Blonde, une poitrine de marbre et des yeux écraser le faible. En quête de vérité, Solal passe au crible chaque compord’or, Ariane a la beauté d’une tement, chaque pensée et déesse grecque. Comme Tristan et Iseult ou Roméo et Juliette, L’ amour mour se confond cherche désespérément les vrais sentiments ; mais Ariane et Solal forment un couple lâche, n’agit que pour son emblématique. Pour ne pas écor- avec la séduction malheur. ner leur amour, ils acceptent tout, Ariane, elle, est l’archétype mensonges et folies. Mais le quo- et n’est en somme de la femme frivole, qui ne vit tidien et la promiscuité transforment qu’un jeu social.” que dans le paraître et l’illul’amant en mari. Alors, pour ne pas sion. Pathétique, inculte, elle que la passion s’étiole, Solal doit y instiller un poison, la jalousie, car la souffrance est enfermée dans un monde étriqué et dont la ravive. Mais, coupés du monde, ils se le seul dessein est d’être objet d’amour. Dérangeant, réaliste, Belle du Seigneur démonte un condamnent à un destin tragique. à un les mécanismes du sentiment amoureux. Quand l’amour n’est affaire Féroce et virulent, il est le livre des extrêmes Que de désir où s’alternent ombre et lumière, amour et mort. De sa plume acérée, Albert Cohen explore la Dans un style emphatique et indigeste, parfois relation amoureuse. Pour lui, comme tous les sans ponctuations, comme dans un souffle, rapports sociaux, elle n’est qu’hypocrisie et l’auteur écrit un conte tragique où le vrai amour bienséance. Sarcastique, il prouve que l’amour n’existe pas. Marie-Lorraine raveton

L’histoire

douce et ingénue, la belle ariane devient l’objet de convoitise de solal, le chef de son mari. lui, cynique et sombre, jure de la séduire et y parvient. Quittant son mari, lui sa femme, il perd son emploi aux nations unis et se voit retirer sa nationalité. apatrides, au ban de la société, ils n’ont plus que leur amour et se condamnent à la solitude. sans feu, coupés du monde, la passion se consume et laisse place à l’ennui. drapés dans leur malheur, ils s’enfoncent peu à peu et plongent dans l’abîme. mlr


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Amaltea

C/Diputació, 164 Tel. (+34) 93 454 86 13 08011 Barcelona (Metro) Urgell L1

Restaurant végétarien proposant une cuisine créative et raffinée, aux spécialités internationales. Ce lieu se base sur la même devise que le restaurant govinda : “Manger mieux pour se sentir mieux” ! une excellente adresse pour les amateurs de cuisine végétarienne.

Govinda

Plaza Vila de Madrid, 4 Tel. (+34) 93 318 77 29 08002 Barcelona (Metro) Catalunya L3-L1 www.amalteaygovinda.com

Ce restaurant indien végétarien propose une cuisine authentique à la présentation particulièrement soignée. Laissez-vous surprendre par ses spécialités, tout particulièrement par le Thali, dans un décor chaleureux où l’accueil est toujours très aimable.

Restaurant végétarien depuis 1998

Restaurants : la magie d’une

Paco alcalde C/Almirall Aixada, 12 Tel. (+34) 93 221 50 26 08003 Barcelone Ouvert tous les jours de 12h à 23h30 (Metro) Barceloneta L4 www.pacoalcalde-restaurante.com

Paco alcalde calde est un des plus anciens restaurants du quartier de la Barceloneta. Sa réputation s’est faite sur la qualité de ses spécialités en riz, poissons et fruits de mer. dans ns une ambiance locale vous pourrez profiter entre autres d’une paëlla à la marinière, une lotte à la Tarragonaise, des vermicelles à “la banda” et aïoli...

soirée a la Carte propose à tout gourmet de Rézo quelques excellentes adresses pour décou-

vrir ou redécouvrir la gastronomie ibérique mais aussi pour mettre à l’épreuve les papilles de ceux qui souhaiteraient se laisser séduire par de nouvelles saveurs venues du monde entier.

RestauRante olsen C/Del Prado 15 Tel. (+34) 91 429 36 59 28014 Madrid Lundi à jeudi et dimanche de 13h à 17h – 20h à 02h Vendredi et samedi de 13h à 17h – 20h à 2h30 www.olsenmadrid.com, info@olsenmadrid.com.

Planté dans un décor scandinave, le Restaurant olsen séduit immédiatement par ses lignes pures et modernes. L’architecte a pensé le lieu en fonction de la lumière ce qui donne un aspect particulier au design et une forte sensation de tranquilité. Ici, la cuisine du nord de l’europe dévoile toutes ses saveurs !

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l’horoscope de Véronique Andrée

Véronique Andrée, Astrologue et Professeur d’Astrologie à Barcelone : verobarna@gmail.com Tel : 0034 610 61 62 20

BALANCE (23/09 - 22/10) BELIER (21/03 - 20/04) Votre quête d’harmonie se prolonge, le Graal est difficile à atteindre mais pas impossible, soyez patients car Les artistes de ce signe seront au Saturne n’en a pas fini avec vous. Les vieux schémas ne sont plus de mise et votre bon sens vous guidera premier plan. Même si vous vous levez vers une nouvelle vie. Ne broyez donc pas du noir car un nouveau cycle s’approche. Et qu’en est-il de ces tôt, vous ne vous réveillerez que le soir, nouveaux projets qui vous trottent dans la tête ? Profitez donc de l’énergie de Mars pour vous lancer, il vous la tête remplie de projets créatifs : vous soutiendra. serez inventifs et énergiques. Mars dans votre cinquième maison réveille le Cupidon qui sommeille en vous, des rencontres intéSCORPION (23/10 - 22/11) ressantes sont en perspective. Vous êtes sûrs Vénus est dans votre signe, vous vous sentirez bien et beaux. Vous serez plus attirants que de coude vous, et cette fois-ci, le choix qui se présente tume et séduirez sans effort. L’argent rentre mais le travail ne sera pas de tout repos, l’envie d’en à vous est le bon. changer vous titillera. Maîtrisez votre agressivité car des disputes avec vos collègues de travail ou l’autorité ne vous faciliteront pas la tâche. Jupiter en opposition à votre signe peut vous induire en erreur de jugement, ne prenez aucune décision à la légère. TAUREAU (21/04 - 21/05) N’oubliez pas votre stylo, vous en aurez besoin : des signatures, des contrats, des accords écrits et de la paperasse sont à l’ordre du jour, vous voyez tout en grand et SAGITTAIRE (23/11 - 21/12) votre vie est en expansion. La famille vous créera des petits Une recrudescence de foi vous pousse vers un nouveau départ, vous voulez partir vers soucis et c’est avec ceux-ci que vous apprendrez à pardonner. de nouveaux paysages qui stimuleront votre soif d’apprendre rarement assouvie, et vous N’accumulez que les bons souvenirs et non les rancoeurs, vous pourriez avoir l’occasion de découvrir au cours d’un voyage ce que vous pressentiez serez plus riches et plus heureux. depuis longtemps. Si vous êtes malade la guérison approche, novembre vous est favorable, profitez-en ! GEMEAUX (22/05 - 21/06) Vous aimeriez vous reposer mais les astres en ont décidé autrement : CAPRICORNE (22/12 - 20/01) vous êtes hyperactifs et aurez tendance à vous perdre dans des disJupiter vous emplit d’amour et le vieux Saturne qui vous gouverne n’a plus qu’à cussions stériles, gardez vos énergies à des fins plus utiles car Saturne se taire pour le moment car votre sens de l’humour stimulé vous poussera à vous donne l’opportunité de structurer votre vie. Il semblerait que vous la dérision. Si vous pensiez investir, c’est le bon moment. Vous vous sentez ne vouliez plus papillonner et que votre raison vous pousse à planter des généreux et cela vous rendra heureux, les célibataires s’accommoderont de racines, laissez-vous faire ! leur sort et bien sûr cela ne laissera personne insensible ! CANCER (22/06 - 22/07) La famille encore… Vous l’aimez tant qu’elle ne vous laisse pas une minute de VERSEAU (21/01 - 19/02) répit. Mais cette fois-ci les problèmes semblent se résoudre aimablement, votre Ah mais quelle électricité ! Les machines ne répondent plus et les muraille s’effrite et la brèche ouvre la porte à l’amour, le nouveau peut enfin remplaétincelles sont fréquentes, espérons que vos nerfs n’en soient pas cer l’ancien, videz vos armoires et renouvelez votre garde robe. Le temps continue à affectés… Rien ne va plus mais ne faites pas vos jeux, Mars vous passer, ne le freinez pas et laissez-vous emporter par son cours. oblige à vous décider vite et sans discussions futiles, vous aurez tendance à trancher et des séparations sont dans l’air. Allons, ce n’est qu’un mauvais moment à passer, bientôt le calme après LION (23/07 - 22/08) la tempête. A la chasse ! Vous vous sentez forts et plein d’allant, vous vous battrez jusqu’au bout sans lâcher prise. Mars est dans votre signe et vous êtes bons amis. Mais il est plus fort que vous, donc ne prenez aucuns risque même si l’envie vous prend de tout envoyer balader. POISSON (20/02 - 20/03) Vous serez Roi ou Reine mais n’en abusez pas car Jupiter gonfle votre égo, restez justes et Les planètes sont avec vous, elles dansent une ronde vous obtiendrez gain de cause. aimable qui vous influence positivement, tout ce qui vient d’ailleurs vous comblera. Vous êtes optimistes et la chance vous sourit. Votre libido est à son maximum VIERGE (23/08 - 22/09) et vous rêvez de vous noyer dans l’autre. LaissezVous êtes d’une diplomatie exemplaire ces jours-ci, on vous écoutera avec plaisir car vos conseils vous choyer, car le bocal s’est agrandi et il y a de la seront judicieux et astucieux. Votre compagnie sera appréciée à sa juste valeur. Votre savoir ne vous place pour deux. Vous aimez sans condition, ne suffira plus et de nouvelles études vous attirent, la nature vous interpelle et la beauté vous intrigue, changez pas ! laissez-vous tenter par leur simplicité et n’hésitez pas à prendre soin d’elles.

Le Chat par philippe geluck / www.geluck.com

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