1 Crédit rural et politiques publiques dans le sertao brésilien Ricardo Abramovay*
Revue Tiers-Monde (no prelo) Résumé : La politique de renforcement de l ’agriculture familiale a représenté un tournant dans le rapport de l ’État brésilien à son milieu rural. 750.000 familles bénéficient d ’un crédit, alors que la moitié d ’entre elles n ’avait jamais eu accès à des financements, auparavant. L ’utilisation de l ’intermédiation bancaire représente cependant un goulot d ’étranglement qui menace l ’intégrité de la politique elle-même. D ’une part, les banques sont extrêmement sélectives et tendent à éviter les clients et les régions les plus pauvres. Les coûts de transaction du rapport entre les banques (qui, cependant, appartiennent à l ’État) et des populations pauvres se traduisent par des frais administratifs qui sont couverts par le Trésor public. De plus, ces banques se limitent souvent à distribuer du crédit et n ’ouvrent pas l ’accès à une large gamme de services bancaires aux populations pauvres en milieu rural. Les finances de proximité peuvent représenter un chemin pour valoriser les initiatives économiques des habitants des régions rurales, en particulier dans le sertão, la région semiaride du Nordeste. Mots-clés : Agriculture familiale ; microfinance ; développement rural. 1. Introduction L ’accès à des services bancaires peut avoir un rôle décisif dans la lutte contra la pauvreté, en milieu rural. La création, au Brésil, du Programme National de Renforcement de l ’Agriculture Familiale (PRONAF) représente un tournant dans la politique agricole et de développement rural. Des centaines de milliers de familles vivant fondamentalement de l ’agriculture ont pu avoir du crédit pour la première fois, à partir de 1995. Dans la récente campagne électorale brésilienne, la continuité du PRONAF a été revendiquée par les quatre principaux candidats et il est certain qu ’il sera renforcé dans le gouvernement Lula. L ’ampleur de cet appui ne peut éluder, cependant un problème central, de nature institutionnelle : le crédit du PRONAF s ’appuie fondamentalement sur des ressources publiques et l ’intermédiation de banques qui, malgré leur appartenance à l ’État, opèrent comme des établissements commerciaux. Loin de provoquer un élargissement de l ’accès des pauvres aux services financiers, le crédit du PRONAF a surtout entraîné une impressionnante élévation des charges bancaires, pris en charge par le Trésor, ce qui met en péril sa propre survie. Cet article expose la portée et les limites de la politique gouvernementale de crédit comme levier du procès de développement dans une région marquée très fortement par la pauvreté rurale, dans le Nordeste du Brésil. L ’idée centrale du travail c ’est que la politique volontariste de l ’État en matière de crédit n ’a pas stimulé la formation d ’organisations locales capables d ’élargir l ’accès des plus pauvres à une vaste gamme de services financiers, qui pourtant, leur sont extrêmement nécessaires. 2. Les trois préjugés des politiques de financement rural La construction d ’un système financier capable de stimuler la génération de revenus dans la région semi-aride du Nordeste brésilien (1) se heurte à trois obstacles intellectuels * 1
Professeur - Département d ’Économie et Programme Environnement de l ’Université de São Paulo abramov@usp.br Sous l ’angle climatique la région semi-aride (sertão) est définie par le bilan hydrique négatif, résultant de précipitations moyennes inférieures à 800 mm, par l ’ensoleillement moyen de 2.800 heures par an, par la température moyenne annuelle entre 23º e 27º, par l ’évaporation supérieure à 2.000 mm/an et par l ’humidité
2 importants. Le premier consiste à confondre microfinance et microcrédit et à sous-estimer le rôle de l ’épargne locale, ainsi que l ’importance de l ’accès à des services bancaires pour le succès des initiatives économiques. Le deuxième fait de la faiblesse de l ’agriculture la source pratiquement exclusive de la pauvreté rurale et préconise la croissance agricole comme la seule base de l ’émancipation sociale de cette région. Le troisième réside dans la pratique si commune de présélectionner, sur la base de critères objectifs (niveau de revenu, éducation, population vivant de l ’agriculture, structure foncière), les municipalités où sera concentrée l ’action publique ce qui leur garantit des ressources, indépendamment de la qualité des projets qu ’elles sont effectivement capables d ’élaborer. Ces trois préjugés sont profondément ancrés dans les institutions nationales et internationales qui luttent contre la pauvreté rurale. Si bien que le dessein même d ’une proposition innovatrice d ’organisation tournée vers le développement risque de prendre les sentiers battus par la politique publique : certaines municipalités sont choisies (sur la base de critères objectifs) et, parmi elles, un certain public (les « assentados », les nouvellement installés par la réforme agraire, par exemple) ; des ressources sont attribuées aux agents financiers qui doivent les faire arriver aux destinataires ; l ’assistance technique et même éducationnelle est mobilisée pour garantir la bonne utilisation des fonds. Les distorsions qui vont accompagner l ’arrivée de ces ressources ne permettront que très exceptionnellement d ’en faire une base sûre pour déclencher un processus de développement. Le transfert de fonds en faveur des régions pauvres – et ceci n ’est pas un trait exclusivement brésilien – donne lieu, très souvent, au renforcement des structures de domination et de clientélisme qui sont à la racine de la pauvreté elle-même. Quel doit être le modèle d ’organisation d ’un système financier tourné vers le combat à la pauvreté dans la région semi-aride du Nordeste brésilien ? La politique du gouvernement brésilien est fondée jusqu ’à présent sur le système bancaire de l ’État (1) pour le transfert de crédits aux populations vivant proches du seuil de pauvreté. Cette politique débouche sur une double frustration : les 900.000 contrats de crédits signés dans le cadre du Programme National de Renforcement de l ’Agriculture Familiale (PRONAF) sont très loin de toucher la majorité de la demande ; en outre, surtout dans le Nord-Est, le crédit n ’est pas accompagné de l ’accès à d ’autres services financiers. Pire : l ’attribution de crédit PRONAF se fait à des personnes qui ne font pas partie, très souvent, de la clientèle des banques et qui sont très éloignées du cercle social des décideurs du prêt. L ’asymétrie d ’information propre à toute opération de crédit n ’en est que renforcée. Le résultat pratique est que l ’estimation du risque bancaire augmente et par-là les frais de l ’opération. Le PRONAF a eu le mérite certain d ’élargir la base sociale de la politique de crédit agricole, même si, comme il a été souligné, la plupart des agriculteurs n ’y a pas encore accès : 56% de ses bénéficiaires ont eu, pendant les années 1990, un crédit bancaire pour la première fois grâce à ce Programme. Mais cet élargissement de la base sociale du crédit s ’est accompagné d ’une augmentation des coûts de gestion remettant en cause la rationalité même d ’un programme globalement très innovateur.
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relative de l ’air autour de 50%. C ’est un ensemble spécialement sujet à la sécheresse. 60% des terres de la région semi-aride se trouvent sous risque fort ou très fort de désertification. La végétation native y est réduite à 44% de ce qu ’elle était à l ’origine. La région semi-aride comprend 1.031 municipalités distribuées parmi tous les États du Nordeste, sauf le Maranhão. La population totale du sertão est de 18,7 millions de personnes (sur 47 millions du Nordeste et 170 millions du Brésil en 2000). Dans certains États comme le Ceará, le Rio Grande do Norte ou la Paraïba, plus de 50% de la population vit dans la région semi-aride (http://www.sudene.gov.br et http://www.projetodomhelder.org.br informations extraites, le 11/10/02). Surtout la Banque du Nord-Est et la Banque du Brésil. Ce sont des banques commerciales, qui possèdent des actionnaires privés, malgré leur appartenance majoritaire à l ’État et qui sont jugées d ’après les critères de la convention bancaire de Bâle (Suisse) établie depuis 1988. Il faut souligner aussi que la législation brésilienne donne pratiquement le monopole aux banques d ’État dans l ’intermédiation des crédits publics.
3 La construction d ’un système financier local appelé, à juste titre, finances de proximité (Servet et Vallat, 2001 :13) — ne saurait être réduite à un transfert de fonds publics à un coût éventuellement inférieur à celui que pratiquent les banques dans l ’opération du PRONAF. Le défi consiste plutôt à construire un ensemble d ’organisations locales capables de stimuler l ’épargne et la diversification des investissements des populations vivant en situation de pauvreté en milieu rural. Cet objectif peut paraître, à première vue, incompatible avec la pauvreté elle-même, comme s ’il était nécessaire, d ’abord, de produire de la richesse pour que l ’épargne puisse s ’en dégager. Ce travail se fonde sur l ’hypothèse qu ’il existe un potentiel d ’épargne considérable parmi les pauvres lié fondamentalement aux fluctuations de leur revenu pendant l ’année. L ’épargne des pauvres — qui s ’appuie en grande partie sur des transferts publics et privés de revenus — prend des formes précaires et limitées : l ’épargne en bétail, dans le sertao, expose les économies de la famille au risque de la sécheresse et à des rapports de marché très instables. L ’épargne en bétail exprime, souvent, le blocage de l ’accès de l ’agriculteur à des modalités plus sûres et plus liquides de dépôts de leurs ressources. Une partie importante du revenu monétaire des pauvres en milieu rural est, à présent, simplement stérilisé par un environnement institutionnel qui ne stimule pas l ’épargne et les investissements. Voilà pourquoi la construction d ’un système de finances de proximité est nécessaire dans le sertao brésilien. Sur la base des impasses actuelles dans la politique de crédit pour l ’agriculture familiale, le gouvernement brésilien lui-même stimule des organisations qui pourront conduire à la réduction des coûts de transaction dans l ’intermédiation financière. La constitution récente de fonds locaux de garantie, appuyés sur la contribution des mairies et de quelques organisations locales (Sanchez et Bianchini, 2002), a renforcé les garanties bancaires et permis, en effet, l ’augmentation du nombre de prêts : mais qu ’il existe des fonds de garantie ou non, la rémunération du risque bancaire est décidée centralement — dans des négociations menées par de hautes autorités économiques, par la Banque Centrale, le Trésor et le Ministère du Développement Agraire, dont dépend le PRONAF — et ne prend pas en compte les situations locales. L ’autre chemin pour la réduction de ces coûts réside dans la construction d ’organisations de finances de proximité qui se heurte à un obstacle de poids: seules les coopératives peuvent légalement fonctionner comme des organisations financières complètes (compte bancaire, épargne), mais elles ne sont autorisées que sur une base strictement professionnelle et sectorielle . Les coopératives territoriales sont formellement interdites au Brésil (1). En milieu rural cette restriction est atténuée par le fait que l ’exercice de la profession agricole se confond souvent avec l ’organisation du territoire. En plus, il n ’est pas rare que de microentrepreneurs urbains possèdent aussi un lopin de terre ce qui permet aux coopératives rurales de prendre une physionomie plutôt territoriale que sectorielle. Les difficultés d ’accès au crédit bancaire et l ’effort du gouvernement pour réduire les coûts de transaction de sa politique de financement de l ’agriculture familiale ont eu donc comme résultat un mouvement très récent de construction de coopératives de crédit rural. Y sont engagés, particulièrement, la Confédération Nationale des Travailleurs en Agriculture, CONTAG, l ’Agence de Développement Solidaire de la Centrale Unique des Travailleurs (ADS/CUT), de même que de nouvelles coopératives formées dans les années 1990 sous l ’influence des mouvements sociaux liés au travail des communautés de base de l ’Église Catholique, dont la plus importante est le système de crédit solidaire, CRESOL. Né en 1994, 1
Il y a une importante pression pour que la législation brésilienne change et la Banque Centrale elle même voit d ’un regard plutôt favorable la création de coopératives territoriales. Le Service Brésilien d ’Appui aux Micro et Petites Entreprises (SEBRAE), organisme para-public vient d ’élaborer une étude montrant que l ’accès aux financements est une des conditions principales pour renforcer les systèmes productifs locaux et que les banque commerciales ne sont pas à même d ’y répondre. Des coopératives territoriales pourraient donc avoir un rôle stratégique dans le renforcement de centaines de clusters de plus en plus importants au Brésil contemporain (SEBRAE, 2002).
4 sur la base d ’un fonds rotatif très modeste constitué par des donations internationales, le système CRESOL possède à présent 67 coopératives, 23.000 associés et est présent déjà dans 20% des municipalités de la région Sud du Brésil (Bittencourt et Abramovay, 2002). Dans l ’État de Bahia, les fonds rotatifs et les activités de l ’Église Catholique (Mouvement d ’ Organisation Communautaire) ont donné lieu aussi à un dense réseau d ’organisations dont font partie une dizaine de coopératives de crédit, dans le cadre de l ’ ASCOOB, l ’ Association des Coopératives d ’Appui à l ’Économie Familiale. Cet accent sur les initiatives familiales découle autant de la base sociale de ces organisations que de la difficulté des grands projets, fondés sur le travail salarié, à absorber l ’offre de travail locale. 3. Le rôle central de l ’entrepreneunariat du secteur informel La lutte contre la pauvreté dans le sertão du Nordeste passe, fondamentalement, par le renforcement de l ’entreprenariat individuel et collectif dans le secteur informel. Jusqu ’ici, la contribution du travail salarié à la génération de revenu dans la région semi-aride est extrêmement limitée. Une étude récente (IPEA/SUDENE, 2001) a localisé les 18 microrégions (1) les plus dynamiques de cette zone sur la base de trois critères : l ’évolution des versements bancaires pendant les années 1990, l ’augmentation de la production agricole et l ’évolution des revenus du travail salarié formel. Le travail salarié informel n ’a pas été pris en considération, par manque d ’information. Malgré cette lacune, il est frappant de constater que dans ces 18 micro-régions les plus dynamiques du sertao l ’emploi formel du secteur privé ne représente que 26.000 postes de travail, pour une population totale de deux millions de personnes. Même si l ’on prévoyait un horizon favorable pour la création de nouveaux emplois – ce qui ne semble guère probable dans un futur proche – il est très difficile de croire que l ’expansion du travail salarié dans le secteur privé, qui résulterait de la croissance de l ’agriculture irriguée et d ’une certaine industrialisation autour des textiles et de l ’industrie de chaussures, puisse absorber de façon productive une partie considérable de la population vivant aujourd ’hui en situation de pauvreté. Malgré le dynamisme de l ’innovation technologique dans les régions de « cerrados » du Nordeste (dont l ’exemple le plus important est la production de soja, de coton et de café irrigués dans l ’Ouest de l ’État de Bahia) le fait est que le travail autonome et familial sera déterminant dans la génération de revenu dans le sertão. Et il faut reconnaître que la valorisation des initiatives individuelles et familiales des populations pauvres se heurte à d ’immenses difficultés. Le renforcement de l ’entreprenariat résulte d ’une combinaison – dont la nature est très mal connue par les sciences sociales – entre un certain environnement social et un ensemble de politiques publiques. L ’entreprenariat tend à être plus fort là où le tissu économique et social est le plus dense : l ’existence de banques, la diversification économique, la présence d ’une gamme variée de services publics contribuent à renforcer les réseaux qui stimulent les initiatives. La sociologie économique contemporaine montre que « la capacité des communautés à mobiliser des ressources et des personnes et à organiser les activités économiques s ’appuie sur la coordination et l ’action collective entre les individus. Les organisations économiques sont formées par des individus qui travaillent de façon interdépendante pour produire des biens et des services, et les interdépendances exigent de la coordination pour assurer que les activités comme la mobilisation du capital et du travail, la division des tâches et la distribution des gains, soit mise en oeuvre de façon permanente » (Wanderley, 1999:31). Le cercle des rapports sociaux dans les petites municipalités brésiliennes, surtout pour les populations vivant en situation de pauvreté, inhibe la diversification économique et empêche que la valorisation de leurs produits et de leur culture – de plus en plus appréciés dans les grands centres urbains – se convertisse en facteur 1
Il s ’agit d ’un groupement de municipalités pourvu, d ’une certaine cohérence et unité géographique et classés par l ’Institut Brésilien de Géographie et Statistique, IBGE.
5 d ’émancipation sociale. Les marchés par lesquels pourraient transiter les produits des économies familiales des régions pauvres ne sont pas des mécanismes neutres et automatiques, mais plutôt des structures sociales dont la maîtrise suppose une certaine force sociale. Les interventions volontaristes de l ’État ou d ’ONG dans l ’organisation productive font très souvent abstraction des structures de domination qui caractérisent l ’organisation de ces marchés: les serviettes brodées que l ’on trouve dans les marchés des grandes villes du Nordeste ont des prix très bas en vertu de la dépendance personnalisée des artisanes par rapport à ceux ou celles qui leur fournissent le fil et qui leur assurent l ’achat de leur produit. Le lien de ces artisanes au marché passe par le renouvellement de la dette qui leur permet de continuer à recevoir la matière première dont dépend leur production et qui leur assure — dans des conditions évidemment très précaires — leurs débouchés. L ’appui technique, sous l ’angle productif, n ’est pas à même d ’émanciper les artisanes des rapports qui les obligent à vendre leurs produits aux acheteurs traditionnels. Les expériences de microfinance examinées par l ’OCDE (1998 :14-15) montrent que le succès d ’initiatives économiques dans des régions pauvres dépend de l ’alchimie – le terme exprime bien l ’incertitude dans la connaissance du phénomène – entre deux dimensions fondamentales : d ’une part, la mobilisation des forces vives du milieu local, capables de produire et de réaliser collectivement un projet de développement tourné vers l ’amélioration de la qualité de vie et l ’insertion sociale des plus pauvres ; d ’autre part, la disponibilité en ressources techniques et financières pour la conception et exécution des projets. Cela suppose notamment que le projet lui-même soit à même de mettre en place des instruments par le biais desquels il soit possible de: a) produire les conditions d ’émergence d ’idées innovatrices par la concertation d ’acteurs locaux, sur la base des talents des entrepreneurs déjà existants ; b) disposer de ressources, de contacts, pour mener à bien ces idées par une expertise technique consistante et c) avoir les financements adéquats. Bien qu ’élaborées sur la base des expériences de l ’OCDE, ces observations ont une porté universelle: l ’obstacle le plus grave pour l ’émergence des activités entrepreneuriales des régions les plus pauvres n ’est pas la disponibilité de fonds publics, mais la logique institutionnelle des politiques, qui attribue des ressources aux municipalités en vertu de leur pauvreté et de façon entièrement indépendante de la qualité des projets qu ’elles sont capables de concevoir et d ’exécuter. Que le transfert de ressources pour les municipalités et les populations les plus pauvres soit nécessaire n ’est pas remis en question. Mais ces transferts ne sont pas la condition suffisante pour l ’élaboration et l ’exécution de projets innovateurs : ils peuvent renforcer les structures de marché qui bloquent justement les initiatives les plus prometteuses. Le problème réside dans l ’automatisme de ces transferts, qui ne stimule pas l ’élaboration créative et contractuelle de projets sur la base desquels ces fonds pourraient être, en effet, valorisés et reproduits. Puisque les municipalités sont déjà pré-sélectionnées, les projets qui justifient l ’argent qu ’elles reçoivent de l ’État ne sont pas la synthèse de l ’organisation qui rassemble les acteurs locaux, les élus, les entreprises et les associations, mais un rituel bureaucratique qui évoque plutôt une « shopping list » qu ’un véritable plan de développement. (Abramovay, 2001 et IPARDES, 2001). La culture de la pré-sélection a des effets d ’autant plus paralysants que – surtout dans les petites municipalités – les experts dans l ’élaboration des projets sont, en général, des vulgarisateurs agricoles, ce qui renforce une optique strictement sectorielle des demandes et ne conduit pas au rassemblement de forces diverses vers l ’objectif commun de valoriser non pas un secteur, mais un territoire. Ainsi, un système de microfinance dans une région très pauvre ne se réduit pas à une courroie de transmission de la politique gouvernementale de crédit. Le défi est de faire de la microfinance un des moyens importants d ’exécution de contrats de développement entre l ’État et les régions. Le Brésil prépare, en ce moment, et pour la première fois dans son histoire, la Conférence Nationale du Développement Rural, à laquelle participent les forces sociales les plus représentatives de l ’intérieur du pays (1). L ’innovation la plus importante de 1
Voir www.cndrs.gov.br
6 cette Conférence est dans l ’idée du Contrat Territorial de Développement : il s ’agit exactement d ’inverser le rapport entre l ’État et les régions rurales – présidé, à présent, par une logique de guichet, qui isole les municipalités les unes des autres, qui stimule des demandes sectorielles et fragmentaires – dans le sens de contrats autour de projets de développement. C ’est là que des finances de proximité peuvent avoir un rôle décisif, que les banques commerciales (même celles appartenant à l ’État) ne pourront accomplir que très exceptionnellement. 4. L ’exclusion financière Le crédit formel ne correspond, au Brésil, qu ’à 28% de son Produit Intérieur Brut, contre 65% au Chili, 70% en Corée et, très souvent, plus de 100% dans les pays développés (SEBRAE, 2002). Cette évidente sous-utilisation de l ’intermédiation financière est en contraste avec un comportement bancaire qui peut être considéré austère sous l ’angle des principaux critères internationaux : en décembre 2001, le patrimoine de référence des banques brésiliennes était en dessus de l ’indice de Bâle (1). Malgré la fragilité bien connue de la situation macroéconomique brésilienne, le pays ne connaît guère de menace de crise systémique dans le secteur financier (SEBRAE, 2002). Cet équilibre n ’est cependant pas suffisant pour que les banques jouent de façon adéquate leur rôle d ’intermédiaires financiers auprès des entreprises et des familles. Les prêts bancaires sont extrêmement concentrés et leurs taux se situent parmi les plus élevés au monde : la marge bancaire moyenne a baissé depuis la fin de l ’hyperinflation, à partir de 1994, mais elle se maintient depuis quelques années autour de 40% par an (SEBRAE, 2002). Indication claire de la nature socialement concentrée du système financier brésilien, sa rentabilité vient beaucoup plus de la marge obtenue dans les opérations que de leur volume. Les conséquences macroéconomiques de cette situation sont désastreuses, car les profits bancaires poussent à la hausse les taux moyens d ’intérêt de l ’ensemble de l ’économie (2), ce qui constitue un des obstacles les plus importants à la reprise des activités, dont la croissance, pendant ces dernières années, est médiocre. Il n ’est pas surprenant de constater que les petites et moyennes entreprises sont les plus pénalisées par le manque d ’accès au crédit. Servet et Vallat (2001 :18) montrent qu ’en France 90% des très petites entreprises (celles qui emploient moins de 10 salariés) n ’ont pas accès au système bancaire. Au Brésil la distance entre les microentrepreneurs et le système bancaire est encore plus importante. En 1997 l ’Institut Brésilien de Géographie et Statistique (IBGE) a recensé 9,5 millions de micro-entreprises urbaines avec moins de cinq employés. À l ’intérieur de cet univers, 3,5 millions disaient vouloir augmenter leurs activités. Cependant 1,5 million ont réussi à faire des investissements (en général de montant très réduit) dans les douze mois qui ont précédé cette enquête. 960.000 microentrepreneurs ont investi comptant sur leurs propres recettes, sans l ’aide de personne. 465.000 établissements ont eu recours au crédit de personnes amies ou à d ’autres formes non spécifiées de financements. Le crédit bancaire n ’a été utilisé que par 75.000 microentrepreneurs, ce qui veut dire 0,75% de l ’univers total. Il est vrai que le crédit à la consommation est très largement répandu au Brésil : cependant les taux sont extrêmement élevés et l ’accès n ’est pas si facile pour les plus pauvres. De toutes façons la distance entre ceux qui ont déclaré vouloir élargir leurs 1
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En 1988, les banques internationales ont mis en place un indicateur de sécurité formé par la ratio entre les réserves en capital divisées par les actifs bancaires. Cet indicateur est à présent adopté par la plupart des pays pour classer les banques selon une échelle de risque. Chaque type d ’opération de crédit reçoit une note selon son risque et la banque est jugée d ’après la somme pondérée des différentes notes reçues. La performance positive des banques brésiliennes, à cet égard, n ’est pas très vertueuse: elle reflète la concentration des opérations sur des titres de la dette publique dont le risque est estimé comme très bas. Pendant les années 1990, les immenses dettes du secteur patronal agricole ont été “sécurisées ”, c ’est-àdire, qu ’elles n ’appartiennent plus aux portefeuilles des banques et ont été transférées au Trésor Public. En outre les opérations bancaires avec le secteur privé sont très concentrées et sélectives. Ce sont les raisons qui écartent une crise bancaire malgré l ’instabilité de l ’horizon macroéconomique brésilien. Les intérêts payés par les entreprises non financières au Brésil se montent à 9% de leurs chiffres d ’affaires, contre 1% chez les entreprises internationales (Matias, 2002 :33-34).
7 activités (3,5 millions de microentrepreneurs) et ceux qui ont obtenu des financements bancaires (75.000 parmi eux) est un indicateur clair de la distance entre le système financier et l ’univers des microentreprises urbaines. La microentreprise agricole se porte mieux. Les 900.000 contrats du Programme National de Renforcement de l ’Agriculture Familiale doivent correspondre à 750.000 agriculteurs (1), presque 20% de l ’univers total de l ’agriculture familiale brésilienne, formée par 4 millions d ’unités productives. Si l ’on prend en considération celles qui ont une taille économique tant soit peu significative (ce qui correspondrait à environ 2,5 millions d ’établissements) la proportion s ’élève à presque un tiers, ce qui n ’est pas négligeable, surtout si l ’on prend en compte qu ’au début des années 1990 le crédit bancaire pour l ’agriculture brésilienne avait été réduit à moins de 500.000 contrats dont seulement une faible minorité allait à l ’agriculture familiale. La croissance de l ’accès au crédit – qui n ’a pas de parallèle en milieu urbain – s ’explique, avant tout, par une très forte pression sociale venant surtout des syndicats des travailleurs ruraux organisés dans la puissante Confédération Nationale des Travailleurs en Agriculture (CONTAG) et aussi, depuis trois ans, dans le « Front Sud de l ’Agriculture Familiale ». Cette nouvelle organisation, issue des communautés de base de l ’Église Catholique conteste la présente structure syndicale unifiée et met en place une organisation professionnelle agricole tournée composée par les agriculteurs familiaux. Le Programme National de Renforcement de l ’Agriculture Familiale est le seul programme gouvernemental revendiqué explicitement comme une conquête par ces deux courants du mouvement syndical. Pour que les crédits – dont les taux intérêt sont très fortement subventionnés par le Trésor Public – soient effectivement destinés aux exploitants familiaux et pas aux classes moyennes des petites municipalités, un schéma très efficace de contrôle social a été mis en place : la banque ne concède le financement que si le syndicat local ou le bureau de la vulgarisation agricole atteste par écrit que le bénéficiaire remplit les règles de sélection du programme. Plus qu ’un instrument bureaucratique, cette attestation représente une participation réelle et inédite des organisations locales dans le rapport entre les banques et les exploitants familiaux. Malgré la stabilité beaucoup plus grande des agriculteurs par rapport aux microentrepreneurs urbains dans leurs rapports potentiels aux banques et malgré toute la pression des mouvements sociaux ruraux, des difficultés dans l ’attribution du crédit perdurent. Les financements tendent à se concentrer chez les agriculteurs du Sud du pays (intégrés à l ’agro-industrie du tabac, du poulet ou à d ’autres marchés plutôt dynamiques) et les prêts pour le Nord-Est sont minoritaires. En outre, que ce soit dans le Sud ou dans le Nordeste, les banques ne concèdent les prêts aux exploitants familiaux que sur la base d ’une généreuse rémunération venant du Trésor. Les ressources pour les prêts du PRONAF proviennent de fonds publics spécifiques ou directement du budget national. Le plus important de ces fonds (le Fonds d ’Appui au Travailleur, qui alimente l ’assurance -chomâge, la formation professionnelle des travailleurs urbains et qui est formé par une cotisation provenant des entreprises urbaines) refinance le PRONAF à travers les banques à un taux d ’intérêt garanti par l ’Etat. Les interêts payés par les agriculteurs sont très inférieurs à la rémunération obtenue par le Fonds d ’Appui au Travailleur. La différence sera couverte par le budget public. Dans la mesure où la base sociale du programme s ’élargit le montant de cette différence s ’accroît, aussi bien par l ’élévation de la quantité d ’agriculteurs bénéficiaires que par la concession de subventions additionnelles pour les couches les plus pauvres. En plus de cette subvention aux agriculteurs – sous forme de bonification d ’interêts et de ristourne sur le capital à rembourser 1
L ’information précise sur la quantité d ’agriculteurs bénéficiaires du crédit n ’existe pas. Les 150.000 agriculteurs qui ont reçu des crédits d ’investissement sont certainement inclus dans l ’univers des 750.000 qui ont eu le crédit de campagne. Raison pour laquelle les 900 mille contrats doivent correspondre à 750.000 agriculteurs.
8 – les banques reçoivent une rémunération variable pour couvrir les risques de l ’opération ainsi que les frais administratifs. Pour un prêt de campagne de R$ 1.300,001 la Banque du Brésil reçoit du Trésor, en moyenne, R$ 232,00 à titre de coût d ’intermédiation (tableau 1). Celui-ci n ’intègre pas la bonification des intérêts pour l ’agriculteur. Cette bonification varie en fonction de l ’encadrement social de celui qui reçoit le prêt : mais elle correspond à une somme de dépense égale ou supérieure à celle que le Trésor aura dépensée avec la banque. Pour un prêt de campagne de R$ 1.300,00 le Trésor aura déboursé au total, à la fin de douze mois R$ 544,36, dont 41% correspond à la rémunération bancaire. Le tableau 1 montre la complexité organisationnelle du prêt bancaire dans le cadre du PRONAF : dans cet exemple les ressources s ’originent du Fonds d ’Appui au Travailleur qui prête à un taux de 10% à l ’an. Comme il y a une bonification pour l ’agriculteur, le fonds ne peut libérer l ’argent à la banque que lorsqu ’il en reçoit l ’autorisation formelle du Trésor public qui doit garantir dans le budget les ressources pour cette bonification pour l ’agriculteur et pour les banques. Le public du PRONAF est divisé en quatre sous-catégories en fonction de son revenu. Pour chacune de ces catégories il y a une variation dans le montant des subventions, dans les sources de l ’argent et dans l ’agent financier formeullement autorisé à faire le prêt. Il ne s ’agit pas d ’approfondir la description de ces mécanismes, mais de montrer que le rapport des banques officielles aux pauvres tend à renchérir de façon impressionante les coûts des opérations de même que la complexité administrative de leur éxecution.
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Le real a subi une très forte dévaluation à la veille des élections d ’octobre 2002, lorsqu ’il a dépassé le seuil des R$ 4,00 pour un euro. Le salaire minimum (très important dans la définition du plafond reçu par les retraités de la sécurité sociale) est de R$ 211. Mais il ne faut pas oublier, pour tout exercice comparatif, que la monnaie est très fortement sous-évaluée.
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Tableau I Les coûts des subventions et de l ’intermédiation bancaire
Agent financier
Banque du Brésil
Source du Prêt
Fonds d ’Appui au Travailleur (FAT)
Rémunération payé par la Banque au FAT
Taux d ’Interêt de Long Délia (10% à l ’an)
Source pour la bonification du prêt
Trésor Public
Valeur du crédit dans cet exemple
R$ 1.300
Durée
12 mois
Interêt payé par l ’agriculteur
4%
Ristourne sur le capital à rembourser par R$ 200,00 l ’emprunteur Coûts
Base
Valeur
Marge bancaire (spread)
8,48% à l ’an
R$ 110,24
Taux de service (valeur mensuelle par contrat) R$13,01
156,12
Bonification des interêts
6%
R$ 78,00
Réduction du montant brut
R$ 200,00
R$ 200,00
Total des coûts pour le prêt de R$ 1.300,00 Part de la Banque du Brésil
R$ 544,34 41,87%
Les fonds de garantie1 exigés souvent par le système bancaire pour l ’attribution des financements ne stimulent guère la dimension la plus vertueuse des finances de proximité : la mobilisation de l ’épargne, des investissements et de la capacité de planification pour le combat contre la pauvreté. En plus, l ’existence des fonds de garantie – il convient d ’insister – ne change en rien la rémunération des banques lors de l ’attribution des crédits PRONAF : qu ’une municipalité garantisse un remboursement sans faille pendant plusieurs années, l ’agence bancaire recevra les mêmes taux de celle agissant dans un endroit où les impayés sont spécialement élevés.. La plus importante vertu d ’un système de finances de proximité 1
Au Nordeste il y a plus d ’un millier de fonds de garantie, formés à l ’initiative des mairies et sous l ’incitation de la Banque du Nordeste pour permettre l ’accès au PRONAF. Voir Sánchez et Bianchini, 2002.
10 est que la génération de revenu pour les populations pauvres soit un objectif stratégique face auquel les activités et les services de nature bancaire ne soient qu ’un moyen. C ’est dans ce sens que les finances de proximité doivent être évaluées aussi bien par leur santé économique que par leur capacité de créer des « réseaux qui construisent du capital social dans les régions où cela est vraiment nécessaire » (Servon, 1999:12).
4. Les finances « cachées » des pauvres Il n ’y a pas au Brésil une tradition d ’études sur la finance informelle, contrairement au cas des pays africains, asiatiques ou même de l ’Amérique Centrale. Tout se passe comme si, n ’ayant pas accès à des financements formels, les familles pauvres ne se servaient pas du crédit ni pratiquaient l ’épargne dans leur vie quotidienne. S ’il est vrai que le crédit bancaire n ’a touché que 75.000 microentreprises urbaines, en 1997, selon l ’étude de l ’IBGE, il est intéressant d ’observer que 1,7 millions de microentreprises ont déclaré avoir des dettes. Les achats à crédit, les financements des commerçants fournisseurs, les prêts informels auprès de voisins et d ’amis sont des pratiques largement répandues et très peu étudiées. Dans n ’importe quelle grande ville brésilienne, il y a une profusion d ’entreprises offrant de l ’argent sur la base de garanties précaires, avec un taux intérêt très élevé. Souvent ces entreprises appartiennent à des banques privées qui ne pourraient pas inclure des opérations très risquées (mais très profitables) sur leurs portefeuilles sous peine de baisse de leur notation bancaire. Dans les petites municipalités, la figure de l ’usurier est généralisée. Une étude récente (Brusky et Fortuna, 2002) illustre la version brésilienne des tontines africaines, repérée à Recife, capitale de l ’État du Pernambuco : un groupe de dix à douze personnes cotise régulièrement pour la formation d ’un fonds d ’épargne collectif distribué à tour de rôle. Celui qui a organisé le groupe a le privilège d ’être le premier à recevoir les ressources : le groupe fonctionne aussi bien comme un moyen d ’avoir du crédit que comme un moyen de stimuler l ’épargne. En milieu rural, la pratique traditionnelle et commune jusqu ’à présent de la vente sur pied des produits agricoles — venda na palha — constitue la forme la plus répandue de financement des agriculteurs pauvres dans le Nord-Est brésilien. Ce n ’est pas correct d ’affirmer que les pauvres produisent pour la subsistance et qu ’ils vendent leur excédent, comme l ’ont bien montré les travaux des chercheurs du Musée National de l ’Université Fédérale de Rio de Janeiro (Garcia, 1983) : au contraire, ils vendent plutôt – et par avance – ce qu ’ils n ’ont pas encore récolté, afin de financer la consommation familiale et de garantir systématiquement la soudure du cycle familial pendant l ’année (Abramovay, 1992/1998). Malgré la similitude formelle, ce ne sont pas des « contrats à terme », comme dans les bourses de commodities, car il s ’agit de marchés très incomplets, sous l ’angle microéconomique, marqués par la domination personnelle et par la fusion en une seule personne de celui qui finance l ’agriculteur, lui vend les denrées dont dépend sa subsistance pendant l ’année et lui achète ses produits à des prix qui ne sont pas formés dans un environnement vraiment concurrentiel. La venda na palha est donc une forme perverse de financement : elle est chère, renforce la dépendance personnalisée et clientéliste de l ’agriculteur auprès de celui qui finance sa reproduction sociale et restreint le cercle des rapports sociaux des plus pauvres. Les besoins de liquidités ne sont pas homogènes pendant l ’année, surtout lorsqu ’il s ’agit de familles dont la reproduction est en partie agricole. Il n ’est pas rare que le travail salarié des membres de la famille serve à payer des prêts destinés à la maintenance de l ’exploitation agricole : les prêts sont nécessaires à un certain moment (pour préparer la culture, ou pour financer la récolte, par exemple) et pour les payer la famille va dépendre de plusieurs
11 sources de revenus et pas seulement de la récolte. Très souvent, l ’argent envoyé par un fils qui est allé travailler dans une grande ville servira à compléter le financement de la production. Lorsque l ’unité de production se confond avec l ’unité de consommation – c ’est le cas des familles paysannes, mais aussi de celles qui vivent de l ’artisanat – les prêts ne peuvent pas être envisagés comme des opérations strictement productives et s ’intègrent dans l ’ensemble des besoins de reproduction de la famille. Les besoins en liquidités des pauvres sont donc satisfaits dans des conditions sociales qui bloquent l ’accès à la diversification des sources de revenu. 44% des municipalités du Nordeste ne possèdent aucune structure bancaire formelle, même si certaines opérations bancaires (paiements de compte et réception de la sécurité sociale, fondamentalement) peuvent être faits par des établissements commerciaux, agréés par les banques pour ces services. L ’achat récent, par une grande banque privée (1), de la concession des postes pour certains services bancaires permettra sûrement d ’atténuer l ’isolement financier des municipalités les plus pauvres. Mais ces agences ne pourront pas fonctionner comme de vrais établissements bancaires. Elles auront une structure très légère, propre à recevoir des paiements et de l ’épargne, à effectuer des virements aux retraités ruraux, mais seront incapables, par exemple, d ’attribuer des prêts. Il y a donc un risque non négligeable que l ’épargne locale soit dirigée vers des centres financiers prospères, au lieu de servir aux activités économiques locales (2). Quel peut être le rôle des finances locales dans la lutte des régions rurales contre la pauvreté ? Le transfert de revenus publics vers les familles et les municipalités du sertão du Nordeste — les retraites, qui touchent plus de 4 millions de familles, les différents programmes sociaux de combat contre le travail des enfants, les apports directs de fonds aux familles touchées par la sécheresse — correspond à des ressources supérieures à la somme de toutes les activités économiques productives de la région. Et à ces transferts, il faut ajouter les montants considérables que les jeunes émigrés envoient à leurs familles et qui n ’ont jamais été quantifiés. Les économistes brésiliens sont très partagés par rapport aux potentiels économiques de ces transferts. Gustavo Maia Gomes (2001), dans un important ouvrage récent oppose ce qu ’il appelle le goulot d ’étranglement des transferts de revenus vers les pauvres au dynamisme prometteur du « nouveau sertão », représenté par la fruticulture irriguée, l ’occupation des cerrados (les savanes) par le soja, le café et le coton (également irrigués) et l ’industrie des chaussures et du textile. Les transferts de fonds conduisent à ce qu ’il appelle « l ’économie sans production ». Il reconnaît qu ’un certain élan local peut venir de l ’arrivée d ’argent vers les retraités, les fonctionnaires ou les mairies des petites municipalités, mais ce n ’est qu ’une économie « dérivée », dont on ne saurait attendre des effets durables sur le procès de développement : « personne n ’a réussi à démontrer que de petites boulangeries, des pharmacies, des kiosques de marchés libres ou des maisons de vente de loterie peuvent devenir des secteurs de pointe pour le développement » (Maia Gomes, 2002 :266). Cependant, il y a d ’autres courants pour lesquels les transferts publics (3) n ’inspirent pas le même scepticisme. Tout d ’abord, il faut citer un phénomène récent dont la quantification ne sera possible qu ’après la divulgation des données du recensement de l ’IBGE de 2000 – qui est la migration de retour vers les petites municipalités du Nordeste, 1 2
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Il s ’agit de BRADESCO, le premier groupe bancaire brésilien privé. Contrairement aux banques, les coopératives de crédit ne peuvent appliquer leurs fonds que dans leurs municipalités et sont interdites de faire des opérations avec le marché financier. Les banques privées doivent verser 30% de leurs depôts à vue (sur compte bancaire) à la banque centrale, comme forme de contrôle de la liquidité de l ’économie, ce dont les coopératives de crédit sont libérées. Le résultat c ’est que les coopératives appliquent dans des prêts locaux une proportion bien supérieure à celle pratiquée par les banques qui tendent à transférer une partie de ces fonds soit vers la Banque Centrale, soit vers des marchés plus prospères. Qui ne sont pas une particularité des pays en développement : en France, « l ’Ile de France et l ’Alsace sont les deux seules régions dans lesquelles les salaires du secteur privé sont plus importants que les prestations sociales : partout ailleurs, le revenu des ménages régionaux comporte plus de prestations sociales que de salaires du secteur privé » (Davezies, 2001 : 180).
12 souvent motivée par un certain dynamisme dû aux transferts publics . Non seulement le rôle des retraités est important, car il s ’agit des seuls qui ont un revenu garanti, mais aussi certains travaux publics des mairies, comme la construction d ’écoles, de maisons et la présence d ’agents de santé finissent par avoir un effet multiplicateur dont les signes macroéconomiques sont invisibles, mais dont les impacts locaux ne sont pas négligeables. Le travail récent de Delgado et Cardoso (2000) montre qu ’une partie des revenus reçus par les retraités, même dans le Nordeste se dirige vers des investissements agricoles productifs. On ne peut pas dire, de façon généralisée, ce que pourrait être l ’usage de ces transferts financiers. Pour Maia Gomes (2001), par exemple, il faudrait multiplier par dix ou quinze, le patrimoine foncier des familles pauvres pour que des investissements productifs y soient rentables. Cette affirmation sous-estime l ’importance des systèmes de production agricole adaptées à la région semi-aride et qui, très souvent, présentent des résultats surprenants, comme le montrent plusieurs travaux de l ’EMBRAPA (1). Le niveau de productivité des systèmes d ’élevage ovins et caprins peut être multiplié par trois avec l ’adoption de pratiques simples d ’alimentation et de gestion du troupeau (Guimarães Filho, 2000:199). Dans les systèmes d ’élevage laitiers, la rotation de cultures de cycle court avec des légumineuses à haute valeur alimentaire, combinée avec les cactus permet de doubler la production laitière de vaches métisses zébu-holandaises et de réduire les coûts de production de R$ 0,25/0,30 à R$ 0,15 par litre. Des ONG, des agences publiques de recherche et des mouvements sociaux très variés se regroupent à présent autour de l ’Articulation de la Région SemiAride (Articulação Semi-Árido, ASA) pour développer massivement ces initiatives. L ’Association des Petits Agriculteurs de l ’État de Bahia a mis en place des systèmes qui réduisent considérablement le besoin en terres destiné à l ’élevage caprin, par la récupération de produits traditionnels et adaptés au climat de la région. Ce genre de travail a eu pour conséquence de changer l ’approche même des politiques publiques dirigées vers le sertão : aujourd ’hui il ne s ’agit plus de « combattre la sécheresse » - ce qui se faisait toujours par la formation de fronts de travail visant la construction de grands réservoirs dans les fermes patronales - mais de vivre avec la sécheresse - ce qui implique une approche d ’adaptation aux conditions locales, sur la base de la préservation des ressources naturelles, plutôt que sur la transformation radicale du paysage. La modernisation accélérée de certaines régions sur la base de l ’irrigation ou de l ’installation de certaines branches industrielles a sûrement un rôle important dans le processus de développement rural dans le Nordeste. Mais cette modernisation ne va toucher qu ’une fraction des populations rurales. Pour la grande masse de la population vivant dans les petites municipalités, l ’usage productif du revenu existant – et c ’est là qu ’un système de finances de proximité peut jouer tout son rôle – viendra d ’initiatives qui ne sont pas « spectaculaires » sous l ’angle technologique, mais qui peuvent représenter une voie importante pour la génération de revenus et de travail. C ’est dans la mutation des activités déjà existantes – et pas seulement dans leur substitution par des projets de grande envergure – que le processus de développement du semi-aride sera enclenché. Il y a des possibilités de croissance économique fondée sur des changements techniques qui peuvent accroître de façon considérable, à partir d ’investissements modestes, les revenus des familles. Le programme de construction d ’un million de citernes (PATAC, 2001) dans des exploitations agricoles familiales exprime bien ce chemin, où des ressources publiques sont destinées à la satisfaction de certains besoins de base, en même temps qu ’ils dynamisent l ’économie par la création d ’emplois. C ’est une initiative de l ’Articulação Semi-Árido (ASA), qui reçoit l ’appui du gouvernement, de fonds internationaux et qui commence déjà à permettre l ’accès à l ’eau pour la consommation humaine et animale pendant les périodes de sécheresse.
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Empresa Brasileira de Pesquisa Agropecuária (INRA brésilien).
13 Les transferts publics vers les populations et les régions les plus pauvres font partie du caractère fédéral de l ’État brésilien et constituent un compromis contre les inégalités régionales qui marquent le pays. Le développement de la finance de proximité dans le semiaride devrait permettre de mettre une partie de ces ressources au service de projets de développement. Néanmoins, le transfert de ressources à travers le crédit distribué par l ’intermédiaire des banques révèle cependant d ’importantes distorsions dans le nordeste Nordeste . 5. Les limites de l ’intermédiation bancaire L ’expansion du crédit à l ’agriculture familiale dans le Nordeste est bloquée par l ’intermédiation bancaire. Le PRONAF a défini très clairement quels devraient être les agriculteurs touchés par les financements agricoles dont les taux intérêt étaient fortement subventionnés, depuis le début du programme. Au début du programme, ce sont les familles les plus prospères, parmi les exploitants familiaux qui en ont surtout bénéficiées. À partir de 1997, grâce à une forte pression des mouvements sociaux, le public du PRONAF fait l ’objet d ’une sous-division, pour que les plus pauvres bénéficient également de cette ligne de crédit. Si au début, le revenu maximum admis pour que l ’agriculteur reçoive le financement était de R$ 27.000, à partir de 1997 une nouvelle catégorie est créée, dont le produit d ’exploitation maximum ne doit pas dépasser R$ 8.000 : dans ce cas, c ’est aux organisations locales (le syndicat de travailleurs ruraux et le bureau de la vulgarisation agricole) d ’attester que l ’agriculteur se trouve dans cette condition pour qu ’il puisse bénéficier d ’un prêt encore plus bonifié que les prêts antérieurs. À partir de 1999, deux autres catégories se forment à l ’intérieur de la politique publique : des agriculteurs dont le produit d ’exploitation ne dépasse pas R$ 1.500 et les « assentados », c ’est-à-dire, les agriculteurs nouvellement installés par la réforme agraire. Le PRONAF se compose donc de quatre catégories, dont chacune possède des conditions spéciales de bonification des intérêts dans les financements reçus : le « A », ce sont les « assentados », de la réforme agraire ; le « B », ce sont des familles très pauvres, du Nordeste dont le revenu est inférieur à R$ 1,5 mille (hormis ce qui est reçu de la sécurité sociale). Les agriculteurs dont les revenus vont jusqu ’à R$ 10.000 forment le public du PRONAF « C » et, enfin, le « D », ce sont des exploitants familiaux plutôt aisés, dont la limite de revenu est de R$ 30 mille (1). La première conséquence de l ’élargissement de la base sociale du programme est l ’augmentation des frais administratifs bancaires : la banque reçoit une rémunération pour l ’intermédiation financière qui varie en proportion directe de l ’asymétrie d ’information, c ’est-àdire, dans la pratique, de la pauvreté même du groupe social visé par la politique. Or, dans le cas des couches les plus démunies des agriculteurs (PRONAF « B » et « A »), le risque bancaire a été tout simplement supprimé et transféré entièrement au Trésor. Pour ce qui est du PRONAF « B », l ’agriculteur reçoit un financement de R$ 500,00, le taux intérêt est de zéro et, au moment du paiement, il déduira du total la somme de R$ 200,00. Transférer des revenus à des familles pauvres sous forme de crédit présente des problèmes très sérieux. -
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En principe les crédits du PRONAF « B » devraient être contrôlés et leur public sélectionné par la Commission de Développement Rural de la municipalité en question, formée par une majorité d ’exploitants familiaux, par des membres de la vulgarisation agricole et d ’autres personnes représentatives de la société locale. S ’il est vrai que ce conseil peut exercer une fonction réelle de contrôle afin d ’éviter que l ’argent soit détourné vers des personnes qui ne font pas partie du public, il n ’en reste pas moins que cette organisation ne peut pas remplir une vraie fonction bancaire de
Les valeurs initiales de R$ 8.000 et de R$ 27.000, respectivement pour le PRONAF « C » et « D »ont été corrigées en vertu de l ’inflation.
14 surveillance de la qualité des prêts et de pression pour les remboursements. Formée par une majorité d ’agriculteurs, la commission très difficilement va refuser des crédits à des familles qui en ont besoin, indépendamment de l ’historique de crédit de ces familles. En plus, la commission n ’est pas pénalisée en cas d ’application erronée du crédit. C ’est pourquoi la couverture par le Trésor inhibe l ’existence d ’une vraie intermédiation bancaire : par ailleurs, les montants du crédits sont si bas qu ’une vraie surveillance bancaire des opérations les rendrait impraticables : ce qui veut dire, qu ’il s ’agit plutôt d'un transfert de revenu que d ’un financement. -
Le crédit n ’est pas un moyen pour l ’élargissement de l ’accès à des services bancaires. La banque n ’est qu ’une instance d ’administration des ressources et ce crédit ne l ’implique pas plus dans la vie communautaire locale. Contrairement à ce que la Banque du Nordeste fait, quand il s ’agit de son programme de micro-crédit urbain (formation technique, accompagnement des résultats des opérations, structure pour la récupération des prêts), dans le cas du PRONAF « B » elle transfère simplement l ’argent aux agriculteurs et ne prend aucune responsabilité sur son utilisation ou sa dévolution.
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Cette forme de transfert de fonds sur la forme de crédits stimule un rapport bureaucratisé entre la vulgarisation agricole (formée par des services appartenant aux États) et les agriculteurs. La vulgarisation signe simplement un papier selon lequel le candidat au prêt est un agriculteur, mais elle ne prend aucun engagement sur les résultats du projet.
Le PRONAF « B » est un clair exemple des difficultés qui sont liées aux transferts de revenu pour les pauvres sous forme de crédit. Les coûts de transaction sont suffisamment élevés pour que le gouvernement brésilien lui-même pense à remplacer certaines formes de financement aux pauvres par des transferts directs. Conclusion Le gouvernement brésilien, sous la pression des mouvements sociaux ruraux, a mis en place un changement profond dans la politique agricole. Pour la première fois, dans l ’histoire du pays, l ’agriculture familiale reçoit une attention du pouvoir public matérialisée dans un programme innovateur avec un transfert de ressources aux agriculteurs non négligeable. La logique institutionnelle de cette politique de crédit est d ’autant plus problématique que les agriculteurs visés par la politique sont plus pauvres. L ’intermédiation bancaire aurait pu ouvrir l ’accès à des services dont les agriculteurs les plus pauvres étaient très éloignés. Il n ’en a rien été : en fait la banque est une organisation très sélective et qui n ’a pas la structure pour recevoir une clientèle incapable de lui offrir des garanties et des contreparties. Mais comme il s ’agit de banques d ’État et dans la mesure où ces banques possèdent le monopole de l ’intermédiation bancaire des ressources publiques, le résultat est une augmentation des coûts administratifs qui leur sont payés directement par le Trésor. Les difficultés des banques à financer des activités des microentrepreneurs – en milieu urbain ou rural – sont encore plus grandes dans les régions les plus pauvres. Dans ces cas, les banques tendent à se concentrer là où se situent les grands projets d ’irrigation ou les installations d ’usine dans quelques villes moyennes. Les familles pauvres n ’ont donc pas l ’accès à des services financiers de proximité pour recevoir l ’argent de parents qui habitent en ville, ou pour faire une petite épargne. Le crédit leur est très difficilement attribué, car malgré les conquêtes récentes, le Nordeste ne reçoit qu ’un tiers des financements. C ’est la raison pour laquelle les organisations de finances de proximité auront un rôle décisif dans la solution des impasses auxquelles se heurte le développement du PRONAF. Les organisations syndicales (la Confédération Nationale des Travailleurs en Agriculture,
15 CONTAG et la Centrale Unique des Travailleurs, CUT) commencent depuis 2001 un travail de formation de dirigeants pour l ’organisation de coopératives de crédit. Elles participent à la construction de fonds de garantie qui puissent accroître les prêts. Mais les six années de PRONAF leur ont montré très clairement quique , même appartenant à l ’État, les banques commerciales ne sont pas des organisations destinées à un rapport stable avec les pauvres. C ’est tout un potentiel d ’initiatives économiques locales qui reste dans l ’ombre par un environnement institutionnel qui résiste à faire de la valorisation du travail des populations rurales la base du développement de leurs territoires.
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