Spotzle.
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Istruntur? Iquassimusci ides dolliquis ut autaspidi ut ut
est, simodi arume ra quatece sequam ut quis sequiae nis
mi, te et evendam, quae. Sanderum fugiam, id eos quossit volupiciusam re con poratem acestis imendae ent,
andis incto blabora doluptas velesse quunti cullaborro corum nihicius ent as reribus dandis et, sum cuptur,
sequiat emposam faccusam, suntius, nonesen diciures
dendamus, sinveleseque volorrum dem que volum qui cum aut recab int latem sinum inum eicae.
monstre
LE PEUT SE BALLADER TRANQUILLE RÉCIT ET PHOTOS : FLORIAN PONZIO
L
a Highland Trail 550 (HT 550) est une course VTT en mode bikepacking de 900
kms avec 16 000 m de dénivelé se tenant en Ecosse. C’est une course en autonomie complète où il faut prévoir l’ensemble de son matériel pour subvenir à ses besoins tout au long de l’épreuve. Les endroits pour se ravitailler sont de simples commerces accessibles à tous. Certaines zones du parcours sont tellement sauvages que deux ravitaillements sont espacés d’une journée. Il est indispensable de faire ses recherches en amont grâce aux récits des autres coureurs (Google Maps ou toute autre application de navigation), afin d’adopter la meilleure stratégie et de ne pas se retrouver sans rien en pleine nature. Pour la navigation, nous avons tous le même fichier GPS. Il est impératif de le suivre même lorsque la trace traverse une rivière sans quoi la disqualification est immédiate.
Je suis tombé sous le charme de l’Ecosse et de ses paysages après un road trip de 10 jours, il y a quelques années. Ce voyage ayant un goût de trop peu, je me suis mis à chercher des parcours à vélo pour y retourner. C’est ainsi que j’ai entendu parler de la HT 550 et l’idée m’a tout de suite séduit ! Seul problème je n’avais jamais fait de bikepacking de ma vie… Le concept m’a immédiatement plu et je m’y suis donc mis petit à petit pour le plaisir sans penser à cette HT 550 qui me paraissait inatteignable. Après deux ans et quelques voyages à vélo mais sans aucune expérience de courses de bikepacking j’ai décidé de sauter le pas et de m’embarquer dans cette aventure.
JOUR 1 L’organisateur Alan appelle ceux qui allaient jouer les premiers rôles dans cette course dont Neil Beltchenko qui détient plusieurs records sur des épreuves de bikepacking aux USA. Après l’appel, il termine en disant : « et j’invite à rejoindre la ligne de départ tous ceux qui veulent leur donner du fil à retordre ! » Dans ma tête une petite voix s’écrit : « Moi !!! ». Instinctivement, j’étais déjà placé en deuxième ligne, bien décidé à rester avec les premiers le plus longtemps possible afin d’apprendre un maximum. Je voulais déjà savoir si j’étais capable de tenir leur rythme mais surtout la grande inconnue savoir quand ils s’arrêtaient et à quelle fréquence. Après seulement 10 kms, nous n’étions déjà plus que 6, c’était parti fort ! Malgré cela, l’ambiance était bon enfant et pendant les moments d’accalmie, tout le monde discutait et faisait connaissance au milieu des montagnes et lochs qui nous entouraient. J’en profitais déjà pour m’extasier devant ces paysages grandioses et sauvages qui m’accompagneront pendant toute la course ! La première montée du parcours approchant, tout le monde commençait un peu à se tendre. Pendant l’ascension, les jambes tournaient bien et
au sommet nous n’étions plus que 2. Toutes ces heures d’entrainement dans les Vosges sont en train de porter leur fruit. Maintenant reste à savoir si je tiendrais la cadence plusieurs jours ou si les autres ne sont pas simplement en train de gérer leur effort… tant pis ! Je ne sais pas dire non à quelqu’un qui me propose une partie de manivelles. La vitesse n’étant pas très élevée sur cette route en tobogan, je décidais d’imprimer mon rythme. Je me suis donc retrouvé à mener la course pendant plusieurs kilomètres en étant assez fier de moi mais aussi à me trouver très stupide sachant que j’allais sûrement le payer cher un peu plus tard. Par la suite, nous n’étions plus que 4 avec Neil Baltchenko (futur vainqueur), Chris Hope (second) et Richard Rothwell. J’attaquais la montée vers Ben Alder sur le bord du Loch Ericht avec une dizaine de secondes d’avance. Il s’agissait de la première section de « BOG » que j’avais recensé sur le parcours. Pour les non-initiés, il s’agit d’une tourbière gorgée d’eau recouverte par de la mousse ce qui s’apparente à rouler dans un champ de boue. La dépense d’énergie pour passer à vélo ce genre d’endroit est énorme ! On peut alterner entre une zone liquide à une plus collante avec une profondeur qui varie et tout ça à l’aveuglette… Après avoir été surpris une deuxième fois en passant par-dessus le vélo quand ma roue avant s’est enfoncée jusqu’au moyeu dans ce bourbier, je décidais de continuer en marchant. Je me suis très vite rendu compte que la marche allait être une partie difficile pour moi aussi bien mentalement
que physiquement. En effet, pousser un vélo chargé à fond en allant moins vite qu’un groupe de marcheurs nordiques du 3e âge, ça vous met un coup au moral. J’ai aussi réalisé qu’il ne s’agissait pas de mon point fort car les quelques secondes que j’avais grapillées sur mes compagnons ont très vite fondu. Il me fallait forcer le pas pour tenir leur cadence. Après 20 min de rando on retrouve enfin un chemin roulable. Pendant la montée nous nous arrêtons pour la première fois après 5h de vélo pour faire nos provisions en eau dans un ruisseau sur le bord du chemin. Par la suite la descente est extrêmement rapide et plaisante malgré les énormes « water bars » permettant de drainer l’eau. Un arrêt pour remettre une sacoche en place me fait perdre le contact avec les premiers et je me retrouve à chasser pour essayer de rentrer. Dans une descente, je ne peux éviter une barrière qui se baisse et tape l’arrière de mon casque. Je sais que je n’ai pas perdu connaissance mais ça m’a quand même pas mal secoué… Moment de panique : si ça se trouve j’ai un traumatisme crânien je vais être obligé d’arrêter alors que ça fait des mois que je prépare cette aventure !!! « Bon allez, calme-toi ! » Je retire mon casque et me rend compte qu’il est bien fissuré… ça ne me rassure pas trop mais bon, d’après mes fiches, il y a un café où je peux m’arrêter dans 15kms. Je me relève un peu groggy avec un gros mal de cou en me disant que je verrais bien comment ça évolue.
Dans une descente, je ne peux éviter une barrière qui se baisse et tape l’arrière de mon casque. Je sais que je n’ai pas perdu connaissance mais ça m’a quand même pas mal secoué…
Pendant ces 15kms j’ai connu mon premier coup dur… Dans ma tête, pleins de pensées pas très positives se bousculent. Il s’engage alors un combat interne entre ma raison et ma peur. « Est-ce que je fais bien de continuer ? Est-ce que je dois aller à l’hôpital pour être sûr ? Pas moyen, je suis au milieu de nulle part ça veut dire que j’arrête la course. Comment fais-je pour savoir si je n’ai pas un traumatisme crânien ? Je crois que si tu vomis ce n’est pas bon signe… Ca y est j’ai envie de vomir c’est sûr c’est ça ! STOP ! Raisonne-toi c’est juste que ça fait 6h que tu roules et que tu n’as mangé que des barres de céréales depuis ce matin. » J’arrive enfin au café pour acheter de quoi refaire le plein d’énergie et je retrouve mes compagnons de ce matin en train eux aussi d’acheter un snack. A ma surprise, même à l’arrêt, la course continue ! Ils sont tous en train de se dépêcher pour repartir le plus vite possible. Malgré tout, ils ont pris le temps de me demander ce qu’il m’était arrivé. Après leur avoir expliqué que j’avais perdu contre une barrière, ils ont tous été très attentionnés et m’ont dit ne pas trop forcer. Même si je ne pouvais accepter leur aide pour quoique ce soit _ car la moindre assistance est disqualificatrice _ on sent vraiment la camaraderie. Tout le monde veille sur tout le monde, c’est ce qui fait la beauté de ce genre d’évènement.
A cet instant, je sais que la course avec les premiers s’arrête là. Je décide de reprendre un maximum de force et de me poser 5 min pour me calmer et attaquer la montée vers le point culminant de la course. Au fur et à mesure de la montée, je sens que les jambes reviennent. La fin est très raide et technique mais j’arrive à ne pas poser le pied à terre. Une fois en haut j’admire le paysage à 360° composé d’étendues d’eau, de collines boisées et j’apprécie le ciel qui commence à se couvrir, même si c’est annonciateur de pluie, car cela ajoute un côté austère et hors du temps à ce moment. Je continue à un bon rythme jusqu’à FortAugustus, seul vrai point de ravitaillement de la journée, tout en étant attentif à mes douleurs d’après chute. J’ai le cou très tendu et je me sens un peu nauséeux. Arrivé au supermarché, je croise les trois premiers qui repartent et on se souhaite bonne chance pour la suite de l’aventure. J’ai la dalle ! Je suis prêt à acheter tout ce que je vois dans le supermarché : sodas, wraps, barres de céréales et carrot cake (gastronomie locale oblige !). J’en prends suffisamment pour être sûr de tenir jusqu’à demain car il y a peu de chance que je puisse me ravitailler avant (il est 16h et déjà 150 kms). Pendant que je mange mon festin, je décide d’appeler Sarah, ma compagne, pour avoir un regard extérieur sur ma situation.
Un coup d’œil sur la carte m’apprend qu’il s’agit du Loch Ness ! Je lui explique mes misères, elle me réconforte en me disant que je serais plus mal que ça si j’avais vraiment quelque chose mais que je ne devrais pas trop forcer. Me voilà un peu rassuré, je peux repartir après avoir mis mon k-way car la pluie vient de faire son apparition. Enfin l’Ecosse me montre son vrai visage après 20°C ce matin et un grand soleil. Une montée bien raide après m’être goinfré me fait regretter d’être trop couvert. Après un certain temps dans mes pensées, je me rends compte que je suis sur les hauteurs d’un immense loch. Un coup d’œil sur la carte m’apprend qu’il s’agit du Loch Ness ! Vu mon état de fatigue et la pluie qui tombe, le monstre peut se balader tranquille, je ne suis pas apte à le voir. Les kilomètres s’enchaînent bien pendant 3h jusqu’au Loch Stac où le chemin est juste un amas de grosse pierres lisses et mouillées… Je bataille pour rester sur le vélo mais dois me
résoudre à marcher. Je me fais alors rattraper par Javi qui lui est sur son vélo en single speed et rebondit tranquillement de cailloux en cailloux pendant que je glisse plus que je ne marche sur ce terrain. Je décide donc de dégonfler mes pneus pour gagner en adhérence, c’est mieux ! Je suis Javi et on arrive au bout du Loch où se dresse une maison abandonnée qui fait froid dans le dos. Il me dit que certains concurrents ont déjà dormi à l’intérieur les années précédentes, moi je n’ai pas envie de traîner. On continue notre chemin jusqu’à Cannich qui est le dernier endroit où j’ai la possibilité de dormir à l’abri cette nuit. Ça m’embête, il est seulement 20h30 et on a parcouru que 200 kms comme me le fait remarquer Javi. Cependant, j’ai le coup très tendu et je ne veux pas que cela empire et compromette le reste de l’aventure en dormant dehors dans le froid sur mon petit matelas. Je quitte donc la trace de quelques kilomètres
pour trouver le gîte mais les deux hôtels que j’avais notés sont complets… je me rabats donc sur le camping. Par chance, le propriétaire suit la Highland Trail et me propose une caravane. Je prends ! Je fonce sous la douche pour me détendre un peu et nettoyer mes affaires déjà dans un sale état… Dans la caravane, je me fais un repas lyophilisé que j’ai emmené, plus une petite tisane dénichée dans un tiroir pendant que mes affaires sèchent/ brulent au-dessus des plaques chauffantes (j’y ai laissé un bout de chaussette). Coup de fil pour avoir un soutien moral et ensuite dodo, il est 23h. Cette première journée a été difficile avec cette chute et même si je me suis rassuré au niveau du possible traumatisme crânien, j’ai très mal au cou ce qui pourrait être très gênant pour la suite. Je suis actuellement 7e avec 200 kms dont 3400m D+ en 11h.
JOUR 2 Réveil à 5h après une courte nuit mais sans problème pour m’endormir. Je tourne la tête à gauche à droite pour tester mon cou et plus de douleur… Miracle ! Mes jambes m’ont l’air relativement fraîches et après un rapide petit déjeuner, c’est parti ! Je regarde le classement et je suis redescendu à la 17e place… Apparemment je suis le seul à avoir dormi autant. Tant pis je me sens remotivé à bloc et je vais tout faire pour rattraper le temps. Les premiers coups de pédale confirment mes impressions, les jambes vont bien ! Il fait bien froid ce matin mais quel plaisir de rouler en Ecosse au milieu de ces paysages magnifiques. Je suis venu pour ça et cela me motive à appuyer encore plus fort pour voir ce qui se cache après le virage ou la montée suivante. Les routes sont agréables et j’arrive à Contin un peu après 8h pour prendre de quoi faire un 2e petit déjeuner. Juste avant d’arriver dans la ville j’ai une impression de déjà-vu… Une hallucination ? Je n’ai pourtant pas l’impression d’être fatigué à ce point-là. Une fois devant le magasin où je vais pouvoir faire le plein de victuailles,
je me rends compte que je suis en effet déjà venu ici ! Lors de notre road trip en Ecosse avec Sarah, nous avions dormi dans le camping en contrebas et mangé le plus mauvais repas de tout notre séjour ! Une soupe en conserve dégueu avec du pain tout mou… vraiment pas une très bonne expérience culinaire. Je me souris à moimême et me demande ce que j’aurais pensé il y a 3 ans si on m’avait dit que je repasserai ici à vélo pendant une course de 900 kms… sûrement : « J’ai hâte ! » Pendant la matinée, je rattrape plusieurs concurrents et je me retrouve avec Saemi Burkart et Reto Koller à discuter pendant que nous nous restaurons à Oykel Bridge. C’est le début de la redoutée boucle Nord de la HT 550, plus particulièrement l’ascension du Bealach Horn qui est mentionnée comme horrible dans chaque récit… Le début de la boucle se fait sur une magnifique petite route bordée par une rivière et quelques belles maisons qui sont louées pendant la saison de la pêche au saumon. Cette route mène à une montée extrêmement pentue qui permet de passer de l’autre côté de la vallée et donne un magnifique point de vue sur lochs et montagnes. Je reste sur cette route pendant environ 50 kms où je ne croise pas une seule voiture… C’est extrêmement plaisant et beau mais aussi déroutant, j’ai l’impression d’être dans un paysage post-apocalyptique où il n’y a plus âme qui vive en avançant sur une route sans fin qui m’emmène au bout du monde.
Une fois que la route bifurque sur un chemin, je sais que je m’engage sur le Bealach Horn et que les choses sérieuses commencent. Au bout de quelques minutes, il est déjà impossible de rouler tellement le terrain est impraticable et il me faut plus d’1h pour faire les 5 prochains kilomètres en mode « mud day ». Il n’y a aucun chemin et il faut suivre au mieux la ligne tracée sur le GPS pour ne pas se perdre. A chaque pas, je m’enfonce dans des tourbières et la boue est tellement collante qu’il est impossible de pousser le vélo. Je dois plusieurs fois jeter le vélo en contrebas de marche de 1m50 et lorsque j’atterris à coté, je m’enfonce dans la boue jusqu’au tibia !!! J’ai vraiment atteint le bout du monde et le côté austère des paysages que je trouvais si beau peu de temps avant me semblent désormais hostiles et je n’ai aucune envie de traîner dans le coin. Le ciel est menaçant, il n’y a que de la boue et de la roche à perte de vue et pour couronner le tout, je suis presque à court d’eau et la fringale pointe le bout de son nez. Et là, vers le sommet, une partie des nuages est touchée par le soleil. Je suis content de le voir et ça me remotive un peu.
J’entame enfin la descente en me disant que je dois me dépêcher si je veux arriver à Kylesku avant 21h pour manger quelque chose de consistant. La descente est très technique et avec la fringale je suis un peu moins lucide et chute sur les cailloux. Je me relève facilement avec seulement des éraflures et quelques bosses mais c’est un vrai avertissement : il faut que je mange plus et tant pis si je n’arrive pas à l’heure. Le point d’orgue de cette descente est le paysage ! Le soleil commence à descendre et je suis subjugué par les couleurs et la composition du paysage. Cela m’aide à relativiser et profiter de l’instant. Plus de 2h plus tard, je sors de la trace pour trouver un restaurant à Kylesku. La vue sur le loch et les montagnes depuis le restaurant est incroyable mais c’est la douche froide quand on m’annonce qu’il est 22h30 et que la cuisine est fermée… Je commande donc 4 paquets de fruits secs, deux de chips et deux coca. Je repère un autre concurrent déjà installé et vais me joindre à lui. Le moral est bas pour lui aussi mais le fait de discuter un peu me fait quand même du bien. Après presque 1h passée au chaud, il est temps de repartir pour trouver un endroit pour dormir.
Il fait froid et humide. Je décide de trouver un abri au sec sur les 20 prochains kilomètres de route qui mènent à Drumbeg. Je ferais le plein à l’épicerie locale qui ouvre demain matin à 7h. La progression est difficile avec une succession de montées et descentes très raides mais la vue est folle !!! Il est minuit et le soleil n’est pas encore couché à ces latitudes-là. Le spectacle est juste incroyable ! Les montagnes se colorent d’un rouge feu, la lune brille et je peux voir des étoiles. A la magie du moment s’ajoutent des cerfs partout sur les bords de la route. Je suis obligé de hurler dans les descentes pour être sûr qu’ils ne traversent pas devant moi. Je suis fatigué mais je n’arrive pas à lâcher des yeux le spectacle qui s’offre à moi et suis simplement heureux d’être là ! Je n’ai toujours pas réussi à trouver d’abri alors que je viens d’arriver à l’épicerie… Tant pis, je vais dormir dans mon bivy au bord de la route. Et là miracle ! Je vois un peu plus loin des toilettes publiques. J’entre dans mon 4 étoiles, me débarbouille, ferme la porte et au dodo. Il est 1h du matin passé et j’ai fait 246 kms avec 4500m de D+ en 19h aujourd’hui.
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JOUR 3 Réveil 6h, j’ai mal partout et surtout dans les genoux. J’ai eu froid toute la nuit alors que j’étais à l’intérieur… Je crois que mon duvet (7°C confort) n’est pas assez chaud pour les températures de l’Ecosse. Je change mes patins de freins qui m’ont causé des frayeurs hier et j’entretiens mon vélo qui a l’air de bien tenir. Je me badigeonne de Voltarène et je sors de mes toilettes direction le petit déjeuner. J’y retrouve mes amis suisses et un américain. Le single pour aller jusqu’à Lochinver est assez technique mais très sympa car nous passons à côté de très jolies plages. Une fois arrivé, je fais quelques emplettes supplémentaires pour tenir jusqu’à ce soir. J’appréhende un peu la partie à venir jusqu’à Ledmore Junction car je l’ai noté comme une portion de portée mais je n’ai aucune idée de ce sur quoi je vais tomber. Mes pieds me font très mal depuis hier après le Bealach Horn. Mes chaussures sont un poil trop petites mais je ne m’en étais pas rendu compte pendant mes entrainements où je marchais maximum 10-15min et non plusieurs heures… Malheureusement, je ne m’étais pas trompé et il me faut 3h20 pour faire les 17 kms jusqu’à Ledmore Junction. Malgré mes efforts pour rester un maximum sur le vélo, le chemin est beaucoup trop caillouteux et quasi invisible, même un mouton ne s’y retrouverait pas ! Ce fut un moment très éprouvant pour mes pieds mais surtout psychologiquement car je n’avais aucune idée de quand
exactement se finirait cette randonnée. J’en ai tellement marre que j’avance à une extrême lenteur et me fais rattraper par les concurrents de ce matin. Je me souviens que c’était beau mais j’avais l’esprit trop sombre pour en profiter… Une fois de retour sur un chemin plus roulant, je retrouve le moral et passe devant Oykel Bridge sans m’arrêter pour en terminer avec la boucle Nord de cette Highland Trail. Malgré la pluie qui commence à tomber, le chemin jusqu’à Ullapool se fait sans encombre. J’arrive dans une station-service trempé et frigorifié. Le ciel est noir et la météo annonce une nuit de forte précipitation. Il est un peu plus de 18h et je ne sais pas trop quoi faire. La partie de Fisherfield qui vient est la plus redoutée et sur 100 kms je n’ai noté aucun point de chute ou magasin. J’ai déjà eu froid cette nuit en dormant au sec alors maintenant que je suis trempé et qu’il y a de fortes chances que je dorme en pleine nature : qu’est-ce que ça va donner ? Je décide d’être raisonnable et la mort dans l’âme, je m’arrête pour la nuit dans une auberge de jeunesse. J’en profite pour manger au restaurant avec mon compagnon américain qui a lui aussi décidé de s’arrêter à l’auberge. Je lave mes vêtements de vélo et après une douche, me voilà couché vers 23h. Aujourd’hui seulement 100 kms en 11h avec 1700D+.
JOUR 4 Réveil à 5h30. Je mets du temps à empaqueter toutes mes affaires sur le vélo et me rends compte que je n’ai pas suffisamment à manger pour la journée. Je vais devoir attendre une grosse demi-heure l’ouverture de la stationservice à 7h. J’en profite pour regarder où j’en suis par rapport aux autres concurrents. Je suis 23e et j’ai perdu 10 places pendant la nuit. Il semble que je sois l’un des seuls à avoir eu peur de la météo et de Fisherfield. Je vais devoir mettre les bouchées doubles si je veux finir en un peu plus de 4 jours et me rapprocher du top 10 que j’avais en tête. Une fois le stock de provisions fait, j’entame les premiers kilomètres sur une belle route et à ce moment là, je ne sais pas que ma prochaine nuit sera dans 40h… Une fois la route quittée, la première montée est horrible et mes pieds ne vont pas mieux… La pente est tellement raide et le chemin tellement boueux qu’il m’est impossible de porter le vélo sans dégringoler. Je pousse le vélo tant bien que mal en décollant d’abord la roue avant de la boue et en freinant pendant que je marche pour ne pas glisser. Il me faudra 1h pour faire 3km… la journée commence bien !
J’arrive à un moment assez redouté de la course qui est la traversée d’une rivière dont le niveau d’eau varie selon les précipitations. Cette année ce sera mi-mollet et ce n’est pas pour me déplaire ! L’eau est très froide mais ça réveille !
Malheureusement, ce n’est que le début et je comprends maintenant pourquoi. Il s’agit de la partie la plus redoutée du parcours. Il me faudra 12h, en comptant les arrêts, pour faire 75 kms… Pendant cette journée, j’alterne un peu de vélo avec beaucoup de rando. Le paysage en vaut cependant la peine ! Il s’agit de l’endroit le plus sauvage du parcours et l’atmosphère qui s’en dégage est juste surnaturelle. Un mix entre Skyfall et un film de science-fiction où l’on s’attend à voir surgir des créatures étranges. A part un refuge en cas de coup dur, il n’y a aucune trace visible de l’homme. La froideur des montagnes en cette journée de grisaille ainsi que la difficulté à progresser au cœur de Fisherfield imposent le respect et renforcent la beauté de l’endroit. J’arrive à un moment assez redouté de la course qui est la traversée d’une rivière dont le niveau d’eau varie selon les précipitations. Dans un résumé de course, j’avais lu que l’eau montait jusqu’aux cuisses… Cette année ce sera mi-mollet et ce n’est pas pour me déplaire ! L’eau est très froide mais ça réveille ! Je rattrape les autres concurrents les uns après les autres et on se retrouve ensuite à plusieurs au Kinlochewe Hotel qui marque la fin de la section de Fisherfield. Il est environ 20h30. J’en profite pour faire un brin de toilette, manger un burger et commander une portion de frites à emporter en cas de coup dur.
L’ambiance avec les autres participants est bonne et on est tous heureux d’avoir fini la partie de Fisherfield. On s’accorde tous à dire que c’était très dur avec beaucoup de portées. Mes pieds me font d’ailleurs de plus en plus souffrir et chaque pas devient un calvaire. A présent, j’ai mal sur le vélo dès que mes pieds effleurent le bout de ma chaussure. Ma seule préoccupation est de glaner des informations pour savoir s’il reste beaucoup de parties où l’on doit porter le vélo. Les vétérans de la course me disent qu’il en reste en 3-4 que je mémorise mais que nous avons passé le plus dur. Ça me rassure un peu mais je redoute quand même ces moments. Je repars en me disant que je vais essayer de rouler toute la nuit pour voir si j’en suis capable et ainsi rattraper mon retard sur les autres concurrents. Ces derniers dorment très peu et c’est là que les différences se font. Je verrai bien si j’y arrive. J’entame la partie de nuit vers 22h et je suis très excité à l’idée de rouler toute la nuit. J’ai l’habitude de m’entraîner à la pile, le soir, depuis très longtemps et si certains peuvent trouver ça ennuyeux ou dangereux moi j’apprécie ! La nuit tout est différent et mystérieux. La route d’entraînement habituelle semble étrangère de nuit. J’aime me créer des histoires dans ma tête pour passer le temps et quand je roule la nuit,
j’ai souvent l’impression de devoir délivrer un message secret en me faufilant dans les ombres sans me faire remarquer. J’aperçois cependant sur le bord du chemin plusieurs participants qui sont en train de dormir et cela me motive ! J’arrive sur une portion de descente très technique et encore plus dure à négocier de nuit ce qui me procure pas mal de sueur froide mais je passe sans embuche. Le point positif, c’est qu’avec les montées d’adrénaline, je suis complètement réveillé ! Un peu plus tard, je rattrape Jenny Grahamis (devenu depuis la femme la plus rapide du monde à faire le tour du monde sans assistance). Il est 1h du matin et même si elle roule beaucoup moins vite, j’ai envie d’un peu de compagnie. Je me cale sur sa vitesse et on discute de tout et de rien : d’où l’on vient, ce qui nous a amené à faire du bikepacking et du reste des difficultés à venir. On se galère dans la nuit avec nos faibles lumières en essayant de passer les tourbières. Bizarrement le fait de partager les difficultés avec quelqu’un ne les rend pas plus faciles mais plus supportables. On peut tous les deux se plaindre d’Alan (l’organisateur et créateur du tracé) qui nous fait passer par des endroits impossibles nous rendant misérables. Mais bon, c’est ce pourquoi on a signé, on ne peut s’en prendre qu’à nous.
Le jour commence à se lever vers 5h et on retrouve une portion de route le long du Loch Long qui mène à Dornie. Une fois arrivés, Jenny décide de prendre du repos et on se sépare. Pour ma part, je continue et m’arrête sur les hauteurs de Dornie pour admirer le spectacle qui s’offre à moi : le lever du soleil sur le magnifique Eilean Donan Castle (voir photo page 3). Ce château, planté sur le loch Duich, sort tout droit d’un film médiéval et le ciel rose et bleu rend ce moment magique ! Mes émotions sont exacerbées par la fatigue et je reste planté là quelques minutes à contempler ce décor en oubliant complètement la course. Je vis pleinement ce moment et m’imprègne de la beauté du lieu ! J’entame la descente en hurlant de joie et chasse ainsi la fatigue. Je me sens bien et prêt à terminer cette course !
JOUR 5 J’aurais réussi à duper mon cerveau seulement pendant 1h. Je suis exténué et me roule dans mon duvet pendant 30min sous une cabane de jardin.
En plus de la fatigue, je suis en fringale et mange les dernières frites de la veille. J’ai besoin de refaire le plein d’énergie. J’ai noté un refuge de montagne dans une dizaine de kilomètres mais je ne suis pas sûr qu’il soit ouvert… sinon je devrais faire 60 kms.
Après une section de portée, je me retrouve dans le Glen Affric qui est l’un des plus beaux endroits qu’il m’ait été donné de voir et que j’avais adoré lors de notre road trip. J’arrive au refuge ouvert ! Ils ont simplement quelques crackers avec beurre de cacahuète et confiture ainsi qu’un petit paquet de céréales mais ça fera l’affaire. Je descends deux théières pour combattre la fatigue et repars un peu plus réveillé. J’ai vu pendant mon arrêt que le top 10 était encore jouable. Je suis actuellement 14e et décide de tout donner sur les 100 kms qui viennent avec une portion peu technique comprenant quelques montées (je verrais plus tard que j’ai fait un KOM de 30 kms sur cette portion). Je donne tout en pensant qu’il me restera seulement 30 kms une fois arrivé à Fort William et que je pourrais facilement finir avant la tombée de la nuit pour enfin me reposer. Et non !!! Je suis tellement concentré sur le fait d’aller le plus vite possible pour rattraper les autres qu’avec la fatigue, je me suis trompé dans mes calculs et il me reste en fait plus de 70 kms ! Je suis anéanti ! Je pensais en finir rapidement et facilement mais ces 40 kms supplémentaires me semblent insurmontables. Pour ajouter à cela, je dois passer les « Devil’s staircase » (marches du diable) qui s’annonçent comme une montée très difficile avec surement du portage. Je n’arrive pas à réfléchir de façon calme et décide donc d’appeler Johann. Lorsqu’il me confirme qu’il me reste 70 kms, je suis
au fond du trou et lui fait part de ma détresse. Je n’ai plus envie d’avancer… Il m’encourage, me dit qu’il faut juste que j’aille chercher un peu plus loin les dernières forces et que tout le monde m’encourage et me suit sur ma page. Ça me fait chaud au cœur et il arrive à me convaincre d’aller me ravitailler dans Fort-William et de faire une petite sieste. Une fois le ventre plein, je m’allonge sur un bout d’herbe en bord de chemin vers 18h et mets mon réveil 15 min plus tard. Je sombre instantanément. Mon téléphone se met à sonner, j’ai l’impression d’émerger d’une nuit de 10h. Je suis un peu perdu et quand je reprends mes esprits et ouvre les yeux, je me rends compte que des gens marchent à 10 cm de moi et des voitures passent à 50 cm… Je me suis endormi dans un parking ! Les gens me regardent bizarrement, je suis tout boueux et je dois avoir une tête de zombie ! J’ai bien fait d’écouter Johann, je me sens beaucoup mieux et j’ai l’esprit beaucoup plus clair, je sens que je peux le faire ! Quoi qu’il arrive, je finirai cette nuit ! J’attaque la West Highland Way au milieu des randonneurs et arrive après une grosse descente à Kinlochleven. Je suis au pied de la dernière difficulté que sont les Devil’s Staircase et j’appréhende. La première partie se fait sur un beau chemin très pentu que j’arrive à passer à vélo en me dépouillant. La suite est plus technique et avec la fatigue, j’ai beaucoup moins d’influx et de concentration. Je fais
beaucoup d’erreurs et me retrouve à pousser le vélo alors que mes pieds me donnent littéralement envie de pleurer à chaque pas. En haut, je profite quelques secondes des paysages mais je ne pense plus qu’à une chose : en finir. Dans la descente, la nuit commence à tomber et je suis tellement peu lucide qu’après une deuxième frayeur, je décide de descendre à pied pour ne pas m’éclater sur les rochers. Mes pieds me font extrêmement mal mais je serre les dents en pensant à la fin qui est proche (il me faudra par la suite 4 jours avant de pouvoir supporter des chaussures sans douleur).
J’allume ma frontale, et à Bridge of Orchy, je reconnais la route. Je souris, je crois bien que ça y est : j’ai réussi ! Je suis heureux mais en même temps un peu triste car il est 00h30 et je sais que personne ne m’attend sur cette ligne d’arrivée. Une victoire est encore plus belle quand elle se partage. Malgré tout, je relativise car je sais pourquoi je suis venu et j’ai vécu des moments magnifiques. Je ne suis plus qu’à 100 m de l’arrivée et là... J’entends des cris, des applaudissements, je vois des lumières qui s’agitent de partout ! Les autres participants sont là et m’attendent pour me féliciter et m’offrir une bière ! Je suis aux anges ! On se félicite mutuellement, on discute un peu de la course et on attend l’organisateur Alan qui n’est pas très loin derrière moi. Je suis étrangement beaucoup moins fatigué malgré mes 40h sans dormir et je profite de cette fête improvisée.
J’ai fini la Highland Trail 550 en 4 jours, 15 heures et 44 minutes. Je termine 13e de l’épreuve à 1h20 du top 10. Le lendemain, nous avons continué à accueillir les autres participants et nous avons refait la course dans le café de Tyndrum. Nous avons parlé de tout et de rien comme si le fait d’avoir souffert sur le même parcours faisait que l’on se connaissait depuis toujours. Une chose qui m’a vraiment surpris, c’est la quantité de félicitations que j’ai reçu via les réseaux sociaux. Moi qui pensais que cela n’intéressait que moi et quelques personnes… cela m’a vraiment fait chaud au cœur. Après avoir appelé mes proches et reçu toutes ces félicitations, je me suis rendu compte petit à petit de ce que j’avais réalisé ! C’est dur à décrire mais lorsque l’on accomplit quelque chose qui nous paraissait encore infaisable il y a quelques mois, on se sent très fier mais surtout, j’avais l’impression que tout était possible !
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