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à Rimini et dans son territoire
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Les forteresses et les châteaux des Malatesta
I - 47900 Rimini, piazza Malatesta 28 tél. +39 0541 716371 - fax +39 0541 783808
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Provincia di Rimini Assessorato alla Cultura Assessorato al Turismo
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edizione francese
Riviera di Rimini Travel Notes
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Rimini Château de Sigismond Verucchio Forteresse malatestienne Torriana Forteresse malatestienne Montebello Forteresse des Guidi di Bagno Santarcangelo di Romagna Forteresse malatestienne Coriano Coriano Antiquarium del Castello du Château Mondaino Forteresse malatestienne Montefiore Conca Forteresse malatestienne
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Gradara Forteresse San Leo Forteresse de la Renaissance Pennabilli Ruines
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Pier Giorgio Pasini Les forteresses et les châteaux des Malatesta à Rimini et dans son territoire
en collaboration avec
Coordination: Valerio Lessi Conception graphique: Relè - Leonardo Sonnoli Photographies extraites des Archives photographiques de la Province de Rimini Nous remercions les photographes: L. Bottaro, P. Cuccurese, P. Delucca, S. Di Bartolo, L. Fabbrini, R. Gallini, L. Liuzzi, G. Mazzanti, T. Mosconi, Paritani, V. Raggi, E. Salvatori, R. Sanchini, F. Taccola, R. Urbinati Traduction: Béatrice Provençal Link-up, Rimini Révision et mise à jour de: Marino Campana, Caterina Polcari Mise en page et équipements: Litoincisa87, Rimini Licia Romani Première édition 2003 Réimpression 2008
Sommaire
Introduction >
5 8
Le territoire de Rimini Les défenses de l’Etat des Malatesta
Itinéraire 1 >
12
Le Château de Rimini
Itinéraire 2 >
16
Le berceau des Malatesta: Pennabilli et Verucchio
Itinéraire 3 >
19
La vallée du Marecchia
Itinéraire 4 >
26
La vallée du Conca
Itinéraire 5 >
34
Des résidences de vacances: Montefiore et Gradara
Bibliographie >
40
Pour en savoir plus
www >
Avant de partir visitez www.riviera.rimini.it
Introduction > Le territoire de Rimini
En haut, le rocher de Pietracuta vu du lit du Marecchia. En bas, vue panoramique de la vallée du Marecchia avec la forteresse et le petit pays de Montebello. 5
Le territoire de Rimini n’est pas entièrement plat. Derrière la ville s’élèvent en effet la colline de Covignano, et, plus loin, la silhouette du mont Titano. Outre à être un symbole caractéristique (“la vision bleutée de Saint-Marin” du célèbre poète Giovanni Pascoli), le mont Titano est une présence concrète et massive, une sorte de garde avancée des Apennins, chaîne dont les sommets animent et découpent l’horizon au sud et effleurent la mer avec le promontoire de Gabicce à l’est. De nombreux cours d’eau à caractère torrentiel, qui s’étirent dans leurs larges lits graveleux, donnent à ce territoire riche en reliefs un rythme varié. Deux d’entre eux sont importants: le Marecchia, qui prend sa source en Toscane, à l’Alpe della Luna, près de celle du Tibre; et le Conca, qui naît dans le Montefeltro, sur les pentes du mont Carpegna. Les vallées et les cônes de ces deux fleuves, que le mont Titano sépare et écarte l’un de l’autre, forment le territoire de Rimini qui, d’un côté, s’estompe doucement dans la vallée du Pô, et de l’autre, s’enfonce entre l’Adriatique et les Apennins, au contact des Marches et du Montefeltro. Ceux qui s’engagent dans la plaine, le long de la via Emilia ou de la via Romea, ne rencontrent certainement pas de signes de frontières naturelles; et ceux qui remontent la douce vallée du Conca ou celle tumultueuse du Marecchia, se rendront difficilement compte du passage dans le Montefeltro. Le Montefeltro a toutefois un caractère précis bien à lui et une histoire spécifique, dus à la morphologie d’un terrain essentiellement composé de collines et de petites montagnes ainsi qu’à son appartenance (du moins à partir du VIe-VIIe siècle) à un diocèse particulier, celui du Montefeltro justement, dont la juridiction, à l’époque médiévale, s’étendait jusqu’aux vallées du Savio et du Foglia, occupant une position stratégique pour les liaisons entre la plaine du Pô et les parties centrale et méridionale de la péninsule. Dès le Haut Moyen Age, cette zone a été le siège de puissants intérêts particularistes qui en ont toujours empêché la véritable unification politique et administrative; ainsi, les différentes communautés de l’intérieur ont longtemps conservé des formes d’autonomie, aidées en cela par l’absence d’un grand centre capable de les soumettre et de les organiser. Significatif est d’ailleurs le fait que le diocèse du Montefeltro n’ait pas eu de siège épiscopal stable jusqu’au XVII e siècle (San Leo, Saint-Marin, Talamello, Montetassi, Valle Sant’Anastasio et Pennabilli furent des résidences temporaires de l’évêque et parfois de sa chancellerie et de son tribunal). L’une de ces communautés est toutefois parvenue à conserver son autonomie jusqu’à nos jours, grâce à toute une série de circonstances favorables: il s’agit de la République de Saint-Marin, qui appartient au diocèse du Montefeltro et qui, au cours de sa longue histoire,
En haut, la forteresse malatestienne du Sasso à Verucchio. En bas, des bijoux villanoviens du Musée archéologique de Verucchio. 6
s’est plus appuyée à Urbin et aux Marches qu’à Rimini et à la Romagne. La vallée du Marecchia en particulier, grâce à la route qui franchit aisément le col de Viamaggio pour gagner la Toscane et, de là, la Mer Tyrrhénienne, a joué un rôle de grande importance dès l’antiquité. Elle était déjà fréquentée à l’époque préhistorique, ceci étant notamment confirmé par l’établissement villanovien de Verucchio, qui, au VIIIe siècle, constituait une étape importante de la “route de l’ambre”. Renforcée par les Romains, plus tard, les Goths, les Lombards et les Byzantins se la disputèrent âprement pour son importance stratégique: une situation qui, non par hasard, s’est dramatiquement reproduite lors de la dernière guerre mondiale avec la “ligne gothique”. Ce sont justement les luttes entre les Lombards et les Byzantins, puis entre les empereurs francs et allemands et le pape, qui ont favorisé la formation, dans la haute et la moyenne vallée, d’autonomies seigneuriales, souvent opposées et en lutte continuelle pour la possession et la domination du territoire. Un territoire qui n’a trouvé son unité que lorsque l’Eglise, nominalement propriétaire, est parvenue à exercer d’une manière directe sa “haute souveraineté”, c’est-à-dire depuis 1631, année de la dévolution, ou mieux, de la restitution, du duché d’Urbin. Quant à l’ancienne route qui parcourt la vallée, elle resta interrompue et inefficace bien plus pour l’âpreté des luttes et des intérêts opposés des différents seigneurs que pour les aspérités des lieux: elle ne fut rouverte qu’en 1924, avec le tracé qu’elle présente actuellement. La richesse en tours, en forteresses et en châteaux qui caractérise aujourd’hui encore les vallées du Marecchia et du Conca est justement due aux luttes du Haut et du Bas Moyen Age, qui obligèrent à fortifier tous les villages et tous les points stratégiques, tant au fond de la vallée (moulins, gués, ponts) que sur les hauteurs. Au VIIIe siècle, cette zone était déjà définie comme “la région ou la province des châteaux”. Construites en pierres du pays, les fortifications se greffent sur le terrain escarpé telles des gemmations spontanées, mais sans aucun mimétisme: elles affichent bien au contraire leur caractère d’artifice menaçant et vantent souvent une force qu’elles sont loin d’avoir. Elles animent un paysage très varié et parfois extrêmement pittoresque, pour son aspect sauvage, pour l’alternance de ses crêtes - qui servent de coulisses à de profondes calanques et à de doux versants riches en végétation et en bois - et surtout pour la présence de rochers calcaires isolés, souvent de très grande dimension, affleurant de bancs d’argile écailleux: c’est le cas du mont Titano, mais aussi du Sasso Simone et du Simoncello, ou, plus près encore, du splendide rocher de San Leo, pour ne citer que les principaux.
Introduction > Les défenses de l’Etat des Malatesta
Dès l’époque romaine, Rimini a exercé son influence sur une vaste portion de territoire, tant dans la partie plate vers la Romagne que dans les zones de colline vers les Marches. Au Moyen Age, le Rimini des “communes” dut combattre les différentes propriétés de l’église locale, de l’église romaine et de l’église de Ravenne ainsi que les nombreuses concessions faites par l’archevêque de Ravenne, le pape et l’empereur aux monastères et à de riches particuliers. A partir du XIIe siècle, la suprématie qu’elle exerçait sur les zones de colline fut menacée par les Malatesta qui, de Pennabilli et de Verucchio, pouvaient contrôler la moyenne vallée du Marecchia, dominée dans sa partie haute par les familles des Carpegna et des Montefeltro. Après toute une série de luttes et d’accords, les Malatesta obtinrent la seigneurie de Rimini à partir du XIVe siècle, seigneurie qu’ils gouvernèrent avec la charge de vicaires du Saint-Siège de 1355 à la fin du XVe siècle. Pendant presque deux siècles, l’histoire de Rimini s’identifie ainsi avec celle des Malatesta, ceux-ci parvenant à étendre leur domination dans les Marches jusqu’à Ascoli Piceno, en Toscane jusqu’à Borgo San Sepolcro et en Romagne jusqu’à Cesena, sans ne jamais réussir à se débarrasser de leurs voisins les plus puissants et les plus astucieux, les Montefeltro, dont la seigneurie, comme la leur, était probablement née de la prise de possessions dans les domaines comtaux des Carpegna, feudataires d’ancienne origine impériale qui dominaient le mont de Carpegna et une grande partie de la région. La lutte entre les Malatesta et les Montefeltro se fit particulièrement âpre dans les décennies centrales du XVe siècle, lorsqu’à la tête des deux familles rivales se trouvèrent Sigismondo et Federico, et surtout lorsque ce dernier parvint à faire acquérir à son gendre, Alessandro Sforza, la ville de Pesaro et son territoire (1445), qui avait jusqu’alors appartenu aux Malatesta (à Galeazzo Malatesta, cousin peu habile de Sigismondo). Cette acquisition, outre à offrir au territoire d’Urbin un libre débouché sur la mer, divisait le domaine de Sigismondo en deux parties, sa domination s’étendant alors dans les Marches jusqu’à Fano, Senigallia et Fossombrone. Les vallées du Marecchia et du Conca offrent de nombreux exemples de l’architecture militaire entre le XIIe et le XVe siècle: des bourgs plus ou moins fortifiés s’alternent avec de véritables forteresses capables de contenir de petites garnisons et avec des tours de guet isolées, ou de simples enceintes, destinées à la surveillance du territoire et à la transmission de signaux. Malheureusement, la plupart de ces constructions sont aujourd’hui le résultat de nombreuses modifications ou réduites en ruines difficilement lisibles. Il faut rappeler que, bien que nombreuses, elles ne constituent que la partie sub8
sistante, très limitée, d’un système qui avait atteint son maximum d’efficacité et de grandeur dans la septième décennie du XVe siècle, lorsque le territoire était minutieusement fortifié; en effet, l’insécurité de l’Etat, pour la présence d’ennemis extérieurs et intérieurs, rendait nécessaire la fortification de tout lieu présentant quelque importance stratégique, et non plus uniquement celle des frontières, ces dernières étant par ailleurs toujours incertaines et soumises à de fréquentes modifications inattendues, parfois considérables. Les Malatesta ont toujours transformé leurs fortifications pour les rendre plus sûres et pour les adapter aux nouvelles méthodes de combat et de siège. La période qui enregistre le plus grand nombre de transformations est certainement celle de la seigneurie de Sigismondo, celle-ci coïncidant également avec la période d’utilisation la plus fréquente et la plus massive d’une arme nouvelle et terrible: l’artillerie. Sigismondo, devenu seigneur de Rimini alors qu’il n’avait que quinze ans (1432), commença très tôt à faire restaurer et modifier les fortifications du territoire: “Dès son adolescence, il a perfectionné ce qu’une entière génération aurait difficilement pu faire”, écrivait avec admiration Marco Battagli dans sa “Chronique contemporaine”. Ses interventions avaient pour but de donner aux constructions militaires une réelle fonctionnalité, et non de les rendre “belles”; nous pourrions dire qu’il essaya de leur donner non pas une beauté abstraite, mais la beauté qui dérive du fait que chaque partie était adaptée à son usage militaire. Esprit pratique, particulièrement doué pour l’art de la guerre, inventeur de nouveaux engins explosifs (selon Roberto Valturio), Sigismondo a certainement eu un rôle important dans la conception et dans la modernisation des structures défensives de son Etat. Mais il demanda aussi des conseils, et, en 1438, obtint la supervision de Filippo Brunelleschi pour toutes les constructions qui étaient alors en cours sur son territoire, tant en Romagne que dans les Marches. En mars 1454, Leon Battista Alberti visita lui aussi les fortifications malatestiennes, accompagné par Matteo de’ Pasti: cette date se réfère certainement à Senigallia (une ville “refondée” par Sigismondo qui était alors en construction), mais il accomplit aussi probablement un vaste “examen” des terres malatestiennes. Toutes les fortifications restaurées ou refaites par Sigismondo présentent des murs en talus très inclinés, une articulation particulière des murs extérieurs, développés irrégulièrement, et enfin, des tours-bastions non pas intéressantes pour leur hauteur, mais pour leur plan polygonal, prélude des bastions ronds qui constitueront, d’un point de vue conceptuel, l’innovation la plus éclatante et la plus 9
moderne du dernier quart du siècle. L’on peut remarquer d’autres innovations partielles telles que l’habile utilisation de terre-pleins à l’intérieur des enceintes défensives, voire dans les parties internes des constructions, ou encore, la rationalisation des parcours, qui permettait une certaine facilité de manoeuvre et offrait de successives rocades en cas d’invasion. Ces innovations ne contredisent généralement pas la tradition en ce qui concerne l’aspect extérieur général des fortifications: hautes, massives, carrées, dotées de tours, de créneaux et de corbeaux (un peu comme tous les châteaux de la plaine du Pô) qui leur donnent un aspect pittoresque, elles ont une majesté typiquement médiévale et une capacité de suggestion extraordinaire, cette dernière dérivant en partie de la beauté et de l’aspérité des lieux dans lesquels elles se dressent. Des lieux choisis avec extrêmement d’attention, de façon à composer une série ininterrompue de remparts qui se côtoient et qui font la garde l’un à côté de l’autre, l’un sur l’autre, en un constant et multiple contact visuel; elles semblent constituer de formidables ceintures défensives expressément tournées contre le Montefeltro et Saint-Marin. Mais, même si presque tous ces lieux avaient déjà été fortifiés précédemment, Sigismondo est le véritable auteur de la rationalisation de chacune de ces oeuvres ainsi que de la réalisation d’un plan défensif organique proprement dit, plan en vertu duquel, certaines anciennes forteresses furent négligées ou réduites alors que d’autres furent reconstruites ou agrandies, puis reliées entre elles de façon à former un système. C’est en ce sens que l’on peut dire que l’organisation défensive de l’Etat fut refondée par Sigismondo; il ne manqua d’ailleurs pas de le faire remarquer dans les nombreuses épigraphes gravées dans les différentes forteresses, s’y vantant d’avoir construit celles-ci a fundamentis, même lorsqu’il ne les avait que modernisées.
En haut, Mondaino, la forteresse malatestienne, siège actuel de la Mairie. En bas, médaille portant le portrait de Sigismondo Pandolfo Malatesta (1450 env.). 11
Itinéraire 1 > Le Château de Rimini
Rimini Castel Sismondo piazza Malatesta tél. 0541 351611 (Fondazione Cassa di Risparmio) fax 0541 28660 www.fondcarim.it segreteria@fondcarim.it
En haut, Rimini, le Château de Sigismond (1437-1446). En bas, médaille malatestienne représentant la vue du Château de Sigismond (1450 env.). 12
Le chef-d’oeuvre de l’architecture militaire malatestienne est représenté par le château de Rimini, fait construire par Sigismondo à partir de 1437 et achevé, sur la base des épigraphes qui le décorent, en 1446. Ces épigraphes, au contenu solennel et aux formes anciennes, nous apprennent que le seigneur avait voulu donner à l’édifice, qu’il déclarait évidemment avoir construit a fondamentis, son propre nom: Castel Sismondo. La construction engloba de nombreuses parties de maisons malatestiennes construites au XIIIe siècle, ainsi que les fortifications que le prédécesseur de Sigismondo (son frère Galeotto Roberto, dit “le bienheureux”) avait fait édifier. Pour Sigismondo, ce château était beaucoup plus qu’une demeure, qu’un “palais”: il devait être la représentation visuelle de son pouvoir, selon un concept encore tout à fait traditionnel; pour cela, il le fit réaliser dans des formes traditionnelles, c’est-à-dire plus expressivement pittoresques que rationnellement harmoniques; c’est ce que démontraient la perspective changeante des tours, la compacité des courtines crénelées, l’utilisation répétée d’arcs aigus et d’éléments en pierre et en céramique ainsi que le faste des dorures et des enduits colorés de vert et de rouge (les couleurs héraldiques malatestiennes) documentés par les écrivains contemporains; et encore, les tracés tortueux des parcours intérieurs, l’irrationalité avec laquelle étaient disposées certaines salles et, peut-être, l’insuffisance de grandes salles de représentation. Pour avoir une idée de la forme originale du château, il faut aujourd’hui se rapporter aux médailles moulées par Matteo de’ Pasti pour la célébration de sa construction et à un détail de la fresque peinte par Piero della Francesca à l’intérieur du Temple des Malatesta, qui en reproduisent exactement le projet; ou encore, à une page du De Re Militari , de Roberto Valturio, consacrée à la description et à l’exaltation de cette oeuvre et de Sigismondo. Son noyau intérieur se caractérisait par cinq tours qui entouraient un grand donjon (le palatium ); le vaste fossé qui délimitait son circuit extérieur s’étendait sur l’actuelle piazza Malatesta, jusqu’à la partie postérieure du théâtre du XIXe siècle. Il surprend encore, notamment pour sa masse imposante, pour l’aspect puissant et la conformation irrégulière de sa construction, conçue comme une série d’enceintes fortifiées autour d’un noyau d’habitation. Certaines de ces irrégularités peuvent s’expliquer par la nécessité ou l’avantage d’exploiter des structures préexistantes, mais ce n’est pas le cas pour toutes: par exemple, la disposition des tours ne peut être que partiellement justifiée par cette raison et devra plutôt être interprétée comme une tentative - précoce et donc un peu
En haut, coffre malatestien (1450 env.) provenant de Montegridolfo, conservé à Rimini, dans le Musée de la Ville. En bas, Rimini, l’intérieur du Château de Sigismond lors d’une exposition sur les Malatesta. 15
incertaine - de création d’un système défensif, doté de postes de tir et d’observation devant se côtoyer et se soutenir réciproquement; une nécessité qui se faisait ressentir depuis l’introduction de l’artillerie. Un inventaire, rédigé immédiatement après la mort de Sigismondo, nous fournit une idée de l’ameublement de la partie du grand édifice destinée aux appartements: tables, bancs et coffres, lits et armoires, tapisseries et draps furent recensés et énumérés par le notaire qui, le 13 octobre 1468, traversa et inventoria soigneusement toutes les salles, petites et grandes, dont les noms pittoresques dérivaient en partie de caractéristiques décorations murales (chambre des guirlandes, du genévrier, de la mort, du crucifix). Les coffres et les armoires contenaient des livres et des écritures, des bijoux et des vêtements de coupe compliquée et parfois d’étoffes précieuses, des couvertures et du linge. Dans les magasins étaient conservés des armes, des drapeaux, des tentes-abris et des étendards, des harnais de cheval et des colliers de chien, des instruments pour la chasse traditionnelle (arcs et flèches) et pour la guerre moderne (espringales et bombardes). Malheureusement, tout a été perdu. Le seul meuble malatestien authentique subsistant est un petit coffre en bois de cyprès richement travaillé remontant environ à la moitié du siècle et portant, parmi d’autres décorations, les armoiries de Sigismondo; cette pièce, qui provient du château de Montegridolfo, est conservée auprès du Musée de la Ville. A la chute des Malatesta, à la fin du XVe siècle, Castel Sismondo perdit son caractère de résidence princière et fut uniquement affecté à des buts militaires; au fil du temps, ses structures durent naturellement être adaptées à des nécessités de défense, surtout contre les armes à feu, armes qui, en l’espace de quelques décennies, avaient fait d’énormes progrès. Au XVIIe siècle, après une restauration radicale et l’adjonction de créneaux, il prit, en l’honneur du pape régnant (Urbain VIII), le nom de Castel Urbano. Il fut ensuite utilisé comme caserne et comme magasin, puis enfin comme prison. Sa future affectation prévoit l’aménagement d’un centre culturel. Depuis plusieurs années, il est le siège d’un chantier de restauration qui a permis de mettre au jour plusieurs constructions préexistantes; particulièrement importante est la découverte de ruines de murailles romaines comprenant une porte qui est englobée dans les fondations du château: il s’agit probablement d’une porte “montagnarde” de la fin de l’époque romaine, qui, au Moyen Age, fut remplacée dans le même point mais à un niveau supérieur, par la porte dite “del gattolo”; celle-ci appartint à l’évêché jusqu’à la fin du XIIIe siècle, c’est-àdire jusqu’au moment où elle tomba entre les mains des Malatesta
Itinéraire 2 > Le berceau des Malatesta: Pennabilli et Verucchio
Verucchio Forteresse malatestienne via Rocca, 42 tél. 0541 670222 fax 0541 673266 www.prolocoverucchio.it iat.verucchio@iper.net
Page ci-contre, Verucchio, la forteresse malatestienne du Sasso. 16
dont les maisons se dressaient tout près. Les documents historiques attestent que les Malatesta possédèrent des propriétés dans le territoire de Rimini, et notamment dans les vallées du Marecchia et du Conca, des collines de Rimini au promontoire de Gabicce, à partir du XIIe siècle. Mais leur histoire reste toutefois incertaine jusqu’au moment auquel ils deviendront des citoyens de Rimini, un siècle plus tard. A Rimini, dès 1220, Malatesta dalla Penna s’affirme comme le chef de la famille; à sa mort, vers 1247, son fils, Malatesta da Verucchio, lui succède. Penna (Pennabilli) et Verucchio revendiquent toutes les deux l’honneur d’avoir donné naissance aux Malatesta. Au cours des siècles derniers, les historiens locaux, allant jusqu’à se baser sur de faux documents, ont versé des flots d’encre pour mettre fin à cette question, dont l’importance est toutefois loin d’être fondamentale. Verucchio ne représenta probablement qu’une étape dans l’approche de la ville de cette famille dont la puissance et la richesse ne cessaient de croître. Quoi qu’il en soit, la moyenne vallée du Marecchia doit être considérée comme son “berceau”, à moins que l’on ne doive remonter ultérieurement la vallée jusqu’en Toscane (où une trace plus ancienne semble avoir été découverte, bien que cette considération soit encore incertaine, comme l’a récemment suggéré Currado Curradi). Pennabilli et Verucchio présentent une conformation similaire: elles s’étendent sur des cols traversés par une route et dominent le Marecchia par deux forteresses chacune. Des forteresses de Pennabilli, il ne subsiste que des ruines presque informes, comprenant des traces de puits, qui couronnent le “Roccione” et la “Rupe” (ainsi s’appellent les deux rochers autour desquels se blotissaient deux centres habités, Penna et Billi, unifiés au XIVe siècle). Sur le “Roccione”, les vestiges d’un bastion polygonal témoignent d’une construction malatestienne du XVe siècle; les restes de la fortification de la “Rupe” servent d’appui à un monastère d’augustines construit au début du XVIe siècle avec les pierres de la forteresse détruite. Le petit centre conserve des restes de muraille et deux portes restructurées portant les armoiries des familles des Malatesta et des Montefeltro: témoignage du passage de la domination des Malatesta à celle des Montefeltro, celui-ci ayant définitivement eu lieu en 1462, l’année précédant la défaite de Sigismondo Malatesta contre les milices papales commandées par Federico da Montefeltro. Verucchio, dans un certain sens, a eu plus de chance; ici aussi, l’une des forteresses (dite “del Passerello”), pratiquement détruite, abrite un couvent de soeurs; mais l’autre, dite “del Sasso”, solide et bien visible, domine encore le pays et le territoire; bien qu’ayant été
soumise à de nombreuses interventions de restructuration et d’adaptation, c’est l’une des plus intéressantes de toute la vallée, avec celles de Montebello, San Leo et Santarcangelo. Sigismondo la fortifia en 1449, comme l’indiquent deux belles inscriptions, lui ajoutant une grande escarpe et réorganisant les constructions autour du massif donjon central. Des fouilles ont mis au jour d’importants souterrains ainsi que d’imposantes structures probablement du XII e siècle, ces constructions étant de toute façon bien antérieures à l’intervention de Sigismondo. Plus ancienne est également la belle tour carrée en pierre, partiellement pleine, au parement extraordinairement soigné. Tout récemment (1975), un ancien sentier très raide, protégé par le donjon, a été inopinément reconstruit sur le flanc du rocher: il constituait alors une liaison d’urgence avec le territoire. Les salles de cette forteresse ont été maintes fois restructurées et transformées pour satisfaire les nécessités d’adaptation des petites cours de Zenobio de’ Medici, de Ippolita Comnena, de Leonello et de Alberto Pio da Carpi, possesseurs du fief de Verucchio de 1518 à 1580, ainsi que celles d’un petit théâtre construit en ses murs au XVIIIe siècle. Comme Pennabilli, Verucchio fut perdue par Sigismondo en 1462, après un siège épuisant. La forteresse “del Sasso”, bien armée et défendue par des troupes fidèles et très attachées à leur seigneur, ne voulait pas se rendre à Federico da Montefeltro, qui fut obligé de recourir à l’un des stratagèmes dont il était expert: une lettre portant la fausse signature de Malatesta Novello et annonçant l’arrivée de renforts; en fait, les renforts arrivèrent, mais le châtelain s’aperçut trop tard qu’ils se composaient de soldats de Federico da Montefeltro opportunément camouflés. Verucchio est située dans une position qui permet de dominer parfaitement le fleuve et toute la plaine jusqu’à Rimini, de surveiller une bonne partie du territoire de Saint-Marin et de communiquer directement avec la forteresse de Scorticata (l’actuelle Torriana), qui se dresse en face d’elle, et avec celles de la plaine de Rimini: cette position, des plus stratégique pour le contrôle du territoire, explique le soin avec lequel Sigismondo en modifia et en renforça les défenses, défenses qui constituent aujourd’hui de pacifiques et splendides balcons sur l’un des plus pittoresques et ravissants paysages du monde, “mélange de vallées, de montagnes, de terres, de villas et de mer”, comme l’écrivait en 1705 l’archiâtre de Clément XI, Mgr. Gian Maria Lancisi.
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Itinéraire 3 > La vallée du Marecchia
San Leo Forteresse de la Renaissance via Btg. Cacciatori tél. 0541 926967-916306 musei.san-leo@provincia.ps.it • ouverture: toute l’année
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Le territoire compris entre Pennabilli et Verucchio est très intéressant pour les témoignages d’histoire et d’art qu’il conserve. Au pied de Pennabilli, entre la route moderne et le Marecchia, se dresse l’église paroissiale San Pietro in Messa, construction romane en pierre du XIIe siècle présentant une splendide façade et un intérieur à trois nefs. En 1200, Giovanni Malatesta donna plusieurs terrains à cette église. De l’autre côté du fleuve se trouve le charmant petit village de Petrella Guidi; pratiquement inhabité, il a conservé une structure médiévale presque intacte; il est dominé par une forteresse en ruine comprenant une grande tour construite par les Tiberti entre le XIIe et le XIIIe siècle. Les murs de la tour présentent encore en de nombreux points un enduit original resplendissant, qui prouve que les anciennes fortifications étaient crépies et peintes de façon à être également bien visibles grâce à leurs couleurs, celles-ci reflétant généralement les couleurs héraldiques de la famille qui les possédait. La porte de l’enceinte est surmontée d’un écusson des Malatesta (de Galeotto) flanqué d’un écusson des Oliva, qui gardèrent la forteresse sous la protection des Malatesta jusqu’au début du XVe siècle, ainsi que d’un écusson de l’Eglise (les clés croisées). Une fois sortie de Petrella, la petite route nous conduit de l’autre côté du mont, à Sant’Agata Feltria, dans la vallée du Savio; ce petit centre abrite une belle forteresse malatestienne construite sur un rocher (le “Sasso del lupo”), modifiée par Federico da Montefeltro, auquel l’on doit l’adjonction d’un bastion conçu par Francesco di Giorgio Martini, et surélevée par les Fregoso, qui en furent les derniers feudataires. Descendant de Pennabilli en suivant la vallée du Marecchia, l’on peut voir sur la droite, après Novafeltria, le mont de Maioletto, couronné par les vestiges d’une forteresse malatestienne - dont il ne reste qu’une courtine et deux bastions polygonaux en talus - détruite en 1639 par la foudre qui frappa le magasin des poudres à feu. Maiolo, le bourg fortifié placé sous sa protection qui se dressait sur le versant du mont et que se disputèrent tour à tour les Faggiolani, l’évêque du Montefeltro, l’Eglise, les Malatesta et les Montefeltro, a été complètement détruit par un éboulement le 29 mai 1700: la déchirure provoquée par l’éboulement est encore très visible sur le versant du mont. Un peu plus loin, la route devient plate et suit le large lit du fleuve, offrant une vue magnifique sur San Leo, construite sur un rocher
Torriana Forteresse malatestienne via Castello, 15 tél. 0541 675232 fax 0541 639905 ristoranteduetorri@libero.it • ouverture: possibilité de visiter la structure et la zone panoramique environnante Montebello Forteresse des Guidi di Bagno Château de Montebello tél/fax 0541 675180 • ouverture: toute l’année
En haut, la forteresse de San Leo. En bas, la tour cylindrique et la petite église de la Madonna di Saiano. 21
calcaire aux flancs escarpés; la petite localité est dominée par une forteresse pratiquement imprenable, modifiée par Francesco di Giorgio Martini pour Federico da Montefeltro. San Leo, l’ancienne Mons Feretri, est en un certain sens la capitale “historique” du Montefeltro - auquel elle a d’ailleurs donné son nom - et peut-être même le lieu d’origine de la famille des Montefeltro, qui la disputèrent aux Malatesta au cours des XIVe et XVe siècles. S’agissant d’un lieu de grande importance stratégique pour la domination de l’arrièrepays, elle fut au centre de longs combats entre Lombards et Byzantins. Il faut rappeler que c’est à San Leo que se conclut la lutte de Bérenger II contre l’empereur Othon Ier, qui, le 26 décembre 963, après un interminable siège, réussit à conquérir la ville et à capturer son ennemi. Plus que la forteresse, ce sont l’église paroissiale et la cathédrale, splendides exemples d’architecture romane, qui portent les marques du plus pur Moyen Age. Sur la route qui côtoie le fleuve Marecchia (la via Marecchiese), deux rochers pittoresques surveillent la zone de Rimini et la partie romagnole: celui de Pietracuta et celui de Saiano. Ce dernier, qui s’élance de la grève du fleuve, est couronné par une ancienne église dédiée à la Vierge, flanquée d’un presbytère en forme de trèfle (contenant des fresques de la Renaissance, malheureusement lacunaires) qui rappelle les “cellules tréflées” byzantines, et par une grande tour au splendide parement de moellons arénacés, dont la forme cylindrique rappelle les campaniles ravennates. Les tours cylindriques ne sont pas rares dans le Montefeltro et, bien qu’elles s’inspirent d’un type de tour romain et byzantin, elles ne semblent pas être antérieures au XIIIe siècle. Il en existe dans les communes de Pennabilli (Maciano), de Casteldelci (Torre di Monte), de Badia Tedalda (Cicognaia), de Montegrimano (Ca’ Manente), de Sestino (Monte Romano) et de Borgopace (Torre di San Martino). Un autre barrage fortifié se dresse un peu plus loin, comme pour marquer par une vraie “limite” la frontière entre le Montefeltro et la Romagne: il est constitué par les collines de Verucchio et de Scorticata (aujourd’hui Torriana), situées sur les berges opposées de la vallée; ces fortifications étaient équipées pour empêcher tout passage et pour transmettre à Rimini des informations (par des feux et des fumées) sur l’immense territoire qu’elles parvenaient à surveiller, tant vers la mer que vers les collines de la Romagne et des Marches et vers Saint-Marin. La tour de Scorticata, qui dépendait de la forteresse sous-jacente, réussissait à communiquer, par l’intermédiaire de la forteresse voisine de Montebello, jusqu’à San Giovanni in Galilea, impliquant pour ce faire toute une chaîne de forteresses et de châ-
En haut, l’entrée au château de Torriana. En bas, un chemin de ronde sur les glacis du château de Montebello. 22
teaux entre la vallée de l’Uso, la vallée du Rubicon et Rimini. Il nous faut traverser le Marecchia à Ponte Verucchio pour monter à Torriana et à Montebello, ce dernier ravissant petit village offrant une intéressante forteresse; cette construction (des marquis de Bagno), restructurée à maintes reprises, mérite d’être visitée pour ses structures et pour la vue magnifique que ses glacis offrent sur les vallées du Marecchia et de l’Uso. Nous pourrons ensuite descendre la vallée en restant sur la rive gauche du fleuve, traversant un paysage qui s’adoucit rapidement. Nous passerons devant Poggioberni à gauche, avec son palais Marcosanti qui domine la route d’une petite hauteur: ancienne ferme fortifiée des Malatesta, il conserve encore une partie de la structure du XIVe siècle. La partie centrale du corps principal, restructuré au XVIIe siècle, offre une belle plongée, des portails ogivaux en pierre et en terre cuite ainsi qu’une grande cour. Un peu plus bas et désormais complètement dans la plaine, nous apercevons la magnifique tour des Battagli (une importante famille médiévale de Rimini), construite au XIIIe siècle et couronnée de créneaux gibelins. La tour défendait une ferme fortifiée (dite “tomba”), c’est-à-dire un enclos muré - regroupant les habitations des paysans, les étables, les greniers pour les récoltes et les abris pour les outils - placé naturellement au centre d’un vaste domaine. A quelques kilomètres se dresse Santarcangelo, construite sur une colline entre le Marecchia et l’Uso; son architecture modeste et ses ruelles pittoresques qui gravissent le col débouchant sur de petites places silencieuses font d’elle l’un des petits centres les mieux conservés et les plus charmants de la zone. Les remparts du XVe siècle, qui entourent encore la plus grande partie de l’ancien noyau, ont été restaurés et partiellement refaits en 1447 par Sigismondo, qui y fit alors apposer des épigraphes en marbre. C’est à lui que l’on doit également la construction de la forteresse, édifiée à une extrémité du col, à côté d’une grande tour voulue par Carlo Malatesta en 1386. Selon les écrivains de l’époque, cette tour, de par sa hauteur, était considérée comme l’une des merveilles italiennes. Mais un demisiècle plus tard, bien que suscitant encore l’émerveillement pour sa majesté et sa beauté, Sigismondo dû la faire abaisser, car les assauts se faisaient désormais plus avec des bombardes en bronze qu’avec des catapultes en bois: il fit de la partie inférieure le donjon angulaire d’une nouvelle forteresse (en partie construite avec le matériel obtenu de la démolition) de forme quadrangulaire aux tours polygonales, capable d’abriter une bonne garnison: cette précaution dérivait de l’instabilité et de l’intolérance des habitants de Santarcangelo à l’égard de la seigneurie des Malatesta et de la nécessité de surveiller
Santarcangelo di Romagna Forteresse malatestienne via Rocca Malatestiana, 4 tél/fax 0541 620832 tél. 081 5751828 www.sigismondomalatesta.it sig.ma@flashnet.it • ouverture: en été sur réservation
Page ci-contre, la forteresse malatestienne de Santarcangelo. 24
constamment les cours inférieurs du Marecchia et de l’Uso ainsi que la via Emilia à proximité de Rimini. Bien que cette forteresse ait elle aussi perdu son couronnement de corbeaux et de créneaux, elle est ornée de belles inscriptions aux anciens caractères épigraphiques latins, selon une mode humaniste qui commençait alors à s’affirmer. De la cour, par un pittoresque cailloutage coiffant une citerne médiévale encore fonctionnante, l’on peut accéder au donjon constituant la base de la grande tour de Carlo Malatesta construite au XIVe siècle; ses énormes murs cachent une partie des anciens escaliers en colimaçon qui offraient des accès indépendants aux différents étages (il en reste quatre). C’est dans une salle de cette tour que mourut, à l’aube du 10 octobre 1432, à vingt et un ans à peine, Galeotto Roberto Malatesta, dit le bienheureux, neveu et successeur de Carlo et frère de Sigismondo et de Malatesta Novello. Certains écrivains fantaisistes du XIXe siècle y ont situé l’histoire qui aboutit au “crime d’honneur” de Gianciotto, c’està-dire au meurtre de Paolo il bello et de Francesca da Rimini. Le paysage qui s’offre à nos yeux de la terrasse du donjon, sur lequel se dressait il n’y a pas longtemps encore un petit cyprès aussi pittoresque que nuisible pour la cohésion de la maçonnerie, est magnifique: la vallée du Marecchia s’étire dans toute son ampleur, d’un côté jusqu’aux collines et à Saint-Marin et de l’autre jusqu’à Cesena et à la mer. Tout près du fleuve, l’observateur attentif pourra apercevoir la Pieve, une basilique byzantine à nef unique construite au VIe siècle à côté du petit centre romain: c’est l’église paroissiale la plus ancienne et la mieux conservée de toute la Romagne.
Itinéraire 4 > La vallée du Conca
Coriano Antiquarium del Castello tél. 0541 657113-659811 fax 0541 657469 biblioteca@comune.coriano.it • ouverture: toute l’année
En haut, deux vues du château de Coriano. En bas, à gauche, la tour municipale de Montecolombo; à droite, l’église de la Paix de Trarivi. 26
Partant de Rimini, il convient de rejoindre directement les premières collines de la vallée du Conca, en traversant obliquement le territoire de Rimini jusqu’à Morciano di Romagna. Il suffit pour cela de suivre la route de Coriano qui serpente doucement entre des collines savamment cultivées, semblables à des jardins. Les champs, les vignobles et les oliveraies tapissent les doux coteaux parsemés de fermes, de petites églises, de saules et de peupliers plantés sur les rives de torrents qui gravent profondément le terrain. Coriano conserve les ruines d’un château aux murs en talus et aux courtines à corbeaux, ainsi qu’une porte portant les traces très visibles de l’ancien pont-levis, couronnée par l’écusson en pierre des Sassatelli d’Imola (feudataires de Coriano de 1528 à 1580). L’on accède à l’intérieur de l’enceinte fortifiée de forme polygonale par la porte d’une tour archaïque, haute et droite, de construction antérieure, qui conserve quelques créneaux. La plus grande partie du château a été restaurée tout récemment; son intérieur abrite un Antiquarium qui conserve des pièces, des objets et des fragments de céramique, retrouvés lors des travaux de restructuration. Dès la sortie de Coriano, une route secondaire s’enfonce sur la gauche dans la petite vallée de la rivière du Mordano, pour gagner le pont Scaricalasino et réapparaître en pente raide jusqu’au hameau de Castelleale: il s’agissait de la ferme fortifiée de l’évêque Leale Malatesta, qui y mourut en 1400. L’enceinte extérieure du petit village recèle des murs et des arcs du XIVe siècle, d’anciennes fenêtres aux jambages de pierre et les restes d’une muraille et d’une tour à porte en ogive; la partie donnant sur la montagne offre encore les vestiges d’une porte charretière, flanquée d’une plus petite porte piétonnière, toutes deux présentant d’élégantes formes ogivales. L’évêque Leale laissa à la cathédrale de Rimini un bel ostensoir, par la suite transformé en reliquaire (“de l’épine sacrée”), sur le pied duquel il est représenté en prière devant saint Georges, patron de la cavalerie. La colline opposée abrite une unité analogue à celle de Castelleale: Agello; de construction probablement antérieure, elle est encerclée de murs en ruine dissimulés sous la végétation et dont la seule entrée est dominée par une grande tour s’étant en partie récemment écroulée. La route rejoint ensuite San Clemente, autre siège d’anciennes fortifications, puis descend vers la vallée du Conca qu’elle atteint à Morciano: parcourant la descente tortueuse, l’on peut apercevoir, sur
En haut, vue de Gemmano et, en bas, de Morciano. 29
l’autre versant de la vallée, Saludecio, Montefiore et Gemmano, autant de petits pays fortifiés qui couronnent des hauteurs à la végétation luxuriante. De Morciano, nous remontons la vallée pour rejoindre Montescudo et Montecolombo, deux petits pays intéressants sur la gauche du fleuve, qui (avec Gemmano) ont été en partie détruits lors de la dernière guerre. Montescudo se distingue pour les grands murs de sa forteresse, dont les vastes plongées très inclinées rendaient tout assaut pratiquement impossible. Le bastion méridional porte encore la plaque en marbre d’une inscription latine au texte solennel, dont la disposition et le caractère des lettres présentent l’habituel soin formel. Sigismondo y affirme avoir construit la grande forteresse a fundamentis en 1460, comme “bouclier” pour la ville de Rimini. Montescudo, qui dominait toute la moyenne vallée du Conca ainsi que celle du torrent Marano et se dressait en face des fortifications ennemies de Saint-Marin, constituait effectivement l’élément clé de tout le système défensif malatestien et un véritable bouclier pour la protection de la ville de Rimini; elle était reliée à celle-ci par une route d’une vingtaine de kilomètres qui suivait l’arête de la montagne sans offrir de structures défensives particulières. Le 31 mars 1954, lors de la restauration de l’enceinte orientale de Montescudo, vingt-deux médailles au type de Sigismondo furent mises au jour. Ce sont des exemplaires des célèbres et splendides monnaies fondues par Matteo de’ Pasti vers la moitié du XVe siècle. Plusieurs exemplaires de ces monnaies ont également été découverts dans les murs d’autres constructions malatestiennes. Le seigneur de Rimini les faisait en fait cacher dans les murs pour que la mémoire de son nom et de son visage survécût à la destruction de ses architectures, comme la mémoire et l’effigie des empereurs romains avaient survécu, grâce aux monnaies, à la destruction des édifices alors les plus grandioses. Une “préoccupation” de ce genre ne pouvait certainement pas être comprise par les gens du commun qui finirent par considérer ces dépôts comme de véritables trésors: ainsi, plusieurs légendes de trésors cachés dans les murs des forteresses malatestiennes se répandirent alors que Sigismondo était encore vivant, et, à Montefiore, on en raconte encore. Le versant opposé de la vallée est essentiellement dominé par Gemmano, dont les fortifications ont été détruites, et par Montefiore (dont on parlera plus loin), facilement accessible depuis Morciano. A Morciano naît également la route qui permet de gagner Saludecio, et qui, après avoir suivi l’arête de la colline où se dressent Mondaino et Montegridolfo, descend dans la vallée du Foglia (presque entière-
Mondaino Forteresse malatestienne piazza Maggiore, 1 tél. 0541 981674 fax 0541 982060 www.mondaino.com cedmondaino@mondaino.com • ouverture: toute l’année
En haut, la place du XIXe siècle de Mondaino devant la forteresse malatestienne. En bas, une fresque du XVe siècle dans l’église San Rocco de Montegridolfo. 30
ment incluse dans le territoire des Marches). Nous nous trouvons de nouveau dans une localité de frontière d’une grande valeur stratégique et donc soigneusement fortifiée. A Saludecio, qui a toujours gravité autour de Rimini et des Malatesta tout en ayant eu ses propres petits seigneurs (les Ondidei, tués par une famille rivale en 1344, sous l’influence probable des Malatesta), il ne reste que quelques ruines de l’ancienne forteresse; elles sont englobées dans le Palais communal du XIXe siècle, dont l’aile extérieure est décorée par un écusson malatestien du XIVe siècle. A Mondaino, qui après la défaite malatestienne gravita longuement vers Fano, les murailles, la porte nord et la forteresse (siège actuel de la mairie) au grand embasement en talus, forment un noyau très pittoresque, agrémenté par l’adjonction d’une splendide place semi-circulaire à arcades du XIXe siècle. Une raide et longue galerie souterraine, qui reliait vraisemblablement la forteresse au fleuve, a été récemment découverte: elle constituait probablement une voie de fuite ou un passage secret pour l’envoi de messagers. La littérature relative aux fortifications évoque souvent l’existence de passages secrets mais celui-ci est le seul, jusqu’à présent, à être documenté par une découverte. Dans la première moitié du XIVe siècle, Saludecio et Mondaino, comme les autres petits pays de la zone, furent le théâtre de luttes intérieures de la famille malatestienne, entre les cousins Ferrantino Novello, Galeotto et Malatesta Guastafamiglia; le premier, fils de Ferrantino et neveu de Malatestino dall’occhio, les seconds, fils de Pandolfo Ier (frère de Malatestino). Ces luttes aboutirent à la défaite de Ferrantino, qui s’était allié aux Montefeltro et avait constitué une sorte de seigneurie personnelle sur les collines romagnoles à proximité d’Urbin. Ces luttes eurent pour victime tout le petit village de Montegridolfo; détruit en 1337 par Ferrantino, il fut reconstruit cinq ans plus tard par Galeotto et Malatesta selon un plan urbanistique très précis, encore presque intact: l’aménagement du terre-plein du relief, délimité par de hauts murs en talus, est caractérisé par des constructions modestes, alignées avec soin entre trois rues parallèles; l’accès au pays est consenti par une seule porte-tour à pontlevis, qui a été modifiée. Sur l’autre côté du village se dressait une petite forteresse dont il ne reste que quelques vestiges englobés dans un édifice (transformé de nos jours en hôtel): il s’agissait peutêtre de la forteresse donnée en 1503 par Cesare Borgia, dit le Valentin, à son “bourreau” adoré, don Micheletto. Tout le village a été récemment restauré avec énormément de soin. A la sortie de cet ancien village se dresse la petite église San
Rocco, conservant des fresques du XVe et du XVIe siècle qui représentent une Vierge à l’Enfant et les saints Sébastien et Roch, ainsi qu’un retable du XVIIe siècle qui en reproduit le sujet (de Guido Cagnacci). La vallée du Conca conserve d’autres précieuses fresques du dernier quart du XV e siècle: une Vierge à l’Enfant sur le trône entourée d’anges musiciens à Mondaino (actuellement auprès de la mairie mais provenant du couvent des Clarisses); une décoration fragmentaire représentant le Jugement dernier et le Paradis dans la petite église de l’hôpital Santa Maria della Misericordia à Montefiore. Redescendant les collines jusqu’à Morciano, nous pouvons nous diriger vers la mer en prenant la route qui côtoie le lit du Conca. Nous rencontrons bien vite une autre “terre” malatestienne importante, San Giovanni in Marignano, d’origine bénédictine, dont les murs et la tour d’accès datent des XIVe-XVe siècles. A l’époque du Haut Moyen Age, toute la zone plate comprise entre le Conca, le Ventena et le Tavollo, de Morciano à la mer, était marécageuse; elle fut bonifiée par les Bénédictins qui y construisirent de nombreuses abbayes, s’installant sur de vastes propriétés qui appartenaient déjà en partie à l’Eglise de Ravenne. La route aboutit à Cattolica (dont l’ancienne église SaintApollinaire était des Bénédictins de Classe), située à quelques kilomètres du grand château de Gradara, sur le territoire de Pesaro.
En haut, à gauche, Porta Marina et campanile de Saludecio; à droite, détail d’une fresque du XVe siècle de l’église de l’Hôpital de Montefiore. En bas, à gauche, vue aérienne de Montegridolfo; à droite, l’église de l’Ecole à San Giovanni in Marignano. 33
Itinéraire 5 > Des résidences de vacances: Montefiore et Gradara
Montefiore Conca Forteresse malatestienne via Roma, 2 tél. 0541 980035 fax 0541 980206 www.comune.montefioreconca.rn.it utribmontefiore@email.it • ouverture: Pâques - octobre
En haut, margelle de puits du XIVe siècle dans la cour de la forteresse de Montefiore. En bas, “Bataille de chevaliers”, fresque de Jacopo Avanzi (1370 env.) dans la forteresse de Montefiore. 34
Dans la deuxième moitié du XIVe siècle, une fois consolidée leur seigneurie et obtenue la charge officielle de “vicaires”, les Malatesta modifièrent certaines forteresses pour les adapter à l’accueil de leur cour qui, par sa richesse et son raffinement, rivalisait désormais avec les grandes cours de l’Italie centrale. Ainsi, Montefiore et Gradara, cette dernière en particulier, ne furent pas seulement des forteresses pratiquement imprenables mais aussi de somptueuses résidences temporaires (nous dirions aujourd’hui “de vacances”), surtout pendant les périodes les plus propices à la chasse. Certains édifices auraient même été construits comme de véritables “lieux de délices” puis transformés par la suite en forteresses: c’est le cas de la villa “delle Caminate”, à trois milles de Fano, fait construire par Galeotto en 1365 et décorée par Pace da Faenza, malheureusement entièrement détruite. Montefiore est très visible, de Rimini et de toute sa plaine. Dominant la moyenne vallée du Conca et celle du Ventena, ce château fait partie de la chaîne la plus sûre et la plus cohérente de tout le système défensif malatestien; pour en comprendre l’importance stratégique, il suffit d’en considérer la position par rapport aux forteresses ennemies de Tavoleto et de Sassofeltrio. C’est peut-être le plus caractéristique de tous les châteaux malatestiens, pour sa forme prismatique et pour le contraste que présente la roche, lisse, compacte et cristalline, d’un aspect presque surréel; il ne faut pas s’étonner s’il resta dans les yeux, et peut-être dans les carnets de voyage, de Giovanni Bellini, qui le reproduisit sur le fond d’au moins deux de ses tableaux. Vu de près, il déçoit pourtant un peu, à cause des nombreuses interventions effectuées sur la structure après la guerre avec une rare insensibilité, celles-ci ayant dénaturé et effacé de nombreux éléments originaux capables de fournir des indices utiles pour sa compréhension et pour une plus sûre reconstruction (idéale, bien entendu). Dès le XIIIe siècle, l’édifice présentait une masse imposante et un aménagement fonctionnel, avec une tour flanquée d’un palais résidentiel, légèrement en retrait; ils étaient tous deux protégés par une enceinte - qui comprenait également une cour centrale dotée de citerne - modelée sur le sommet de la colline. Du siècle successif date la réalisation d’importants agrandissements et des murs qui entourent tout le village, formant une grande enceinte défensive qui inclut également la forteresse. Les restaurations et les modifications dues à
Gradara Forteresse piazza Alberta Porta Natale tél. 0541 964181-964115 fax 0541 823035 www.gradara.org info@gradara.org • ouverture: toute l’année
En haut, vue de Montefiore et de son église paroissiale depuis la forteresse. En bas, le château de Gradara. 36
Sigismondo furent précédées par celles de Malatesta Ungaro, qui préférait cet édifice aux autres et le fit orner d’un magnifique écusson en pierre, dont il existe encore le “cimier”, et de tableaux en partie subsistants. La grande “chambre de l’Empereur” (flanquée d’une “salle du trône” et d’une “salle du Pape”) conserve quelques “portraits” d’anciens héros et deux scènes incomplètes de bataille, peintes à fresque par Jacopo Avanzi vers 1370. Il s’agit des seuls restes de décorations picturales appartenant à des édifices malatestiens privés. Les documents historiques témoignent de fresques et de peintures ayant décoré de nombreux autres châteaux malatestiens: à Pesaro, à Montelevecchie, à San Costanzo di Fano, à Brescia, à Rimini et à Gradara, mais il n’en reste aucune trace. Nous ne pouvons laisser Montefiore sans avoir admiré les constructions formant un demicercle au pied de la forteresse et l’église paroissiale avec son beau portail gothique et un Crucifix de Rimini du XIVe siècle. Sur la porte du pays, qui au Moyen Age était dotée de pont-levis, est murée une plaque en pierre portant les armoiries du pape Pie II Piccolomini et du cardinal légat Niccolò Forteguerri: oeuvre d’un certain Giacomo, lapicide ferrarais, elle remplaça en 1464 (après la défaite de Sigismondo Malatesta) un écusson malatestien. Gradara est un autre grand château qui unissait à la fonction défensive celle de résidence somptueuse. Il s’agissait - tout comme pour Montefiore - d’un bien allodial des Malatesta, c’est-à-dire d’une vraie propriété, dérivant d’un achat et non pas d’une concession pontificale. Comme structure de défense, il faut la considérer “en rapport direct” avec Rimini et “en système” avec les forteresses de Gabicce, Casteldimezzo et Fiorenzuola, sur les collines du littoral, et avec celle de Tavullia, à l’intérieur. En 1364, Malatesta Guastafamiglia assignait par testament Montefiore et Gradara respectivement à Malatesta Ungaro et à Pandolfo, ses fils. Pandolfo est un ami de Pétrarque et le père du Malatesta des sonnets qui, en 1429, mourut justement dans la forteresse de Gradara. De lui, on connaît son intérêt pour la peinture ainsi que pour la poésie (il envoya un peintre chez Pétrarque pour qu’il en fit secrètement le portrait); de Malatesta, on sait qu’il recruta des artistes à Florence (dont le jeune Lorenzo Ghiberti) pour décorer sa résidence de Pesaro. La plupart des décorations à fresque (représentant des héros de l’antiquité et d’anciennes batailles) du château de Gradara et de son palais de Pesaro, mentionnées dans les documents historiques, étaient probablement dues à Pandolfo; elles n’étaient peut-être même pas très différentes des décorations fait peindre à Montefiore par Ungaro. La forteresse de Gradara abrite encore des fresques du XV e
siècle, représentant des héros et des batailles, mais celles-ci ont été commissionnées par les Sforza, qui occupèrent le château à partir de 1463. Dès l’entrée dans le pays, l’on peut apercevoir sur l’ancienne porte les armoiries d’Alessandro Sforza (avec celles de Guidobaldo II Della Rovere et de Vittoria Farnese), alors que sur la porte de la véritable forteresse triomphe une belle inscription de Giovanni Sforza, attestant une importante restauration de 1494. Le château devait certainement en avoir eu besoin, bien que Sigismondo Malatesta eut déjà réparé les dommages causés par le siège éprouvant de Francesco Sforza qui, en 1446, avait inutilement tenté de le lui soustraire pour le donner à son frère Alessandro, devenu depuis peu seigneur de Pesaro (1445) avec la connivence, ou plutôt la complicité, de Federico da Montefeltro. Dans l’ensemble, le pays - entièrement cerclé de murs crénelés et sa forteresse sont en bon état de conservation et présentent de nombreuses parties originales, malgré les successives restaurations (importantes, bien que nécessaires, celles effectuées dans les années 20 du XXe siècle). L’on accède à la forteresse par un pont-levis, après avoir franchi toute une série de protections; la cour intérieure, quadrangulaire, est ornée sur trois côtés d’un porche et d’une loggia (du début du XIVe siècle et de la fin du XVe siècle), portant les armoiries de Pandolfo Malatesta et de Giovanni Sforza. Dans un coin, le donjon, autrefois isolé, s’élève nu et puissant et s’affirme comme la partie la plus ancienne de tout l’ensemble. Le corps d’un guerrier, armé de pied en cap, fut retrouvé debout sous son plancher vers la moitié du XVIIIe siècle, dans une salle contenant aujourd’hui une pittoresque salle de torture: il avait peut-être était condamné, trois cents ans plus tôt, à mourir suffoqué sous un tas de terre. Le donjon fut certainement utilisé comme prison et comme tribunal: sur l’inscription à l’extérieur de la lucarne de la salle basse figure l’expression “antidote contre la malhonnêteté”. La cour permet d’accéder directement à la chapelle, celle-ci conservant un beau retable en majolique blanche et bleue d’Andrea della Robbia représentant la Vierge à l’Enfant et quatre saints (sur la prédelle, l’Annonciation entre saint François qui reçoit les stigmates et sainte Marie d’Egypte qui reçoit la communion d’un ange), et, par un escalier du XVIe siècle, à l’étage supérieur; l’on peut y visiter des salles dotées d’un mobilier ancien plutôt éclectique et de décorations de style médiéval complètement fausses et souvent de mauvais goût, remontant aux premières décennies du XXe siècle. La “chambre de Francesca”, elle aussi complètement fausse, a été dotée dans les années 20 de tous les éléments (lit et pupitre, rideaux et trappe, pas38
sage secret, balcon, etc.) pour “situer” la tragédie des “deux amants” et la rendre vraisemblable, tragédie qui, si toutefois ella a eu lieu, a eu lieu ailleurs. C’est évidemment l’expression d’un goût décadent, caractéristique du romantisme finissant, plus enclin au roman-feuilleton qu’au respect pour les témoignages historiques. Mais la structure de la forteresse est heureusement fondamentalement authentique, comme authentiques et fascinantes sont certaines de ses décorations à fresque de l’époque de la Renaissance: celles du petit salon de Lucrezia Borgia (qui fut pendant quelques années la femme de Giovanni Sforza), de la salle des putti et de la galerie, qui conserve également quelques fragments sculpturaux. Tout le charme de la construction réside cependant dans sa complexité, dans la stratification de ses parties, dans la grandeur de sa structure et dans son rapport avec le village fortifié et le paysage environnant. Gradara, “étendue sur la crête de la colline avec une sorte de mollesse armée et vigilante, comme un fauve au repos mais prêt à se lancer” (Luigi Michelini Tocci), regarde vers l’est et vers le nord, vers la mer et vers la Romagne, celle-ci s’ouvrant à la plaine immédiatement après le promontoire de Gabicce, avec le Cattolica fondé en 1273 entre le Ventena et le Tavollo comme pour remplacer l’antique, ou mieux, la mythique “ville submergée de Conca” et pour créer une limite visible au territoire de Rimini. Terre des Malatesta et des Marches, Gradara respire le vent de la mer et les dernières brumes de la vallée du Pô, dans lesquelles résonnent les voix et les musiques et déteignent les couleurs et les manières des grandes cours du nord, des familles des ducs d’Este, des Gonzague et des Visconti. Plus que tout autre château malatestien, Gradara est encore empreint d’une atmosphère de chevalerie courtoise et cruelle, mêlée au souvenir des dernières prouesses du seigneur impulsif et courageux qu’était Sigismondo avant son déclin.
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Bibliographie > Pour en savoir plus
Autori vari Sigismondo Pandolfo Malatesta e il suo tempo Mostra storica (Rimini), Neri Pozza editore, Vicenza 1970
Autori vari Maricla, otto lezioni per conoscere il fiume Marecchia e la sua valle Maggioli ed., Rimini 1989
Autori Vari Rocche e Castelli di Romagna, III, Alfa ed., Bologna 1972
Autori vari Storia illustrata di Rimini, I-III, Nuova Editoriale Aiep, Milano 1990
G. Franceschini I Malatesta Dall’Oglio, Milano 1973
Autori vari Rocche e bombarde fra Marche e Romagna nel XV secolo a c. di M. Mauro, Ravenna 1995
F.V. Lombardi Le torri del Montefeltro e della Massa Trabaria Bruno Ghigi ed., Rimini 1981 Autori vari Natura e cultura nella valle del Conca Biblioteca comunale di Cattolica e Cassa di Risparmio di Rimini, Rimini 1982 P. G. Pasini I Malatesti e l’arte Silvana ed., Milano 1983 A. Vasina Comuni e signorie in Emilia e in Romagna UTET, Torino 1986 Autori vari Rocche fortilizi castelli in Emilia Romagna Marche Silvana ed., Milano 1988 40
C. Curradi Alle origini dei Malatesti in “Romagna arte e storia”, 48, 1996 P. G. Pasini Arte in Valconca, I-II, Silvana ed., Milano 1996-1997 G. Rimondini, D. Palloni, Il castello e la rocca di Mondaino Rimini 1998 Medioevo romantico, paesi e castelli tra Romagna e Marche nei disegni di Romolo Liverani Rimini 1999 Volando sul Marecchia fotografie di L. Liuzzi e V. Raggi, Ramberti ed., Rimini 2000