Mémoire de fin d'année : La participation citoyenne et l'urbanisme au Japon.

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Etude de la participation citoyenne au sein du processus décisionnel de planification urbaine au Japon: L’exemple de Shimokitazawa, Tokyo. Promoteur: Geoffrey GRULOIS Université Libre de Bruxelles

Mémoire de fin d’études présenté en vue de l’obtention du diplôme de Master en Architecture par Romain DEBOULLE (août 2017) Année académique 2016­2017


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Remerciements La réalisation de ce mémoire n’aurait pas été possible sans la précieuse aide de Geoffrey Grulois, mon promoteur. Je tiens à remercier mes parents qui m’ont offert la chance de pousser ma recherche jusqu’au bout en me permettant de me rendre au Japon cette année, ainsi que l’année dernière. J’adresse ma plus grande gratitude à Tomomi Sekihashi, Gaku Taniguchi, Yumi Sato, Masahiro Kashiwa et particulièrement Kenji Shimodaira ainsi que Masami Kobayashi pour m’avoir transmis allègrement leur passion pour Shimokitazawa. Finalement, je remercie chaleureusement Louise, Antoine et Irene pour les heures de relecture passées sur cet écrit. 2


Tables des matières Introduction

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Partie 1 : Approche théorique Chapitre 1 : Décentralisation du pouvoir ou les outils de transformation de la ville 1.1.1 Edo: un régime autoritaire fractionné 1.1.2 Meiji: naissance d’une vision globale pour Tokyo 1.1.3 Taisho (1912­1926): la nation vers un but commun 1.1.4 Kanto, 1923: Développement d’une ville polycentrique et rôle des compagnies ferroviaires 1.1.5 L’Après­guerre 1.1.6 1968: Shin toshi keikaku 1.1.7 1980­1990: L’avènement des machizukuri… 1.1.8 21e siècle: Tokyo victime de son statut de capitale Chapitre 2 : Globalisation 1.2.1 Globalisation et participation 1.2.2 Globalisation et placelessness

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Partie 2 : Cas d’étude : Shimokitazawa Enjeux et Méthode Chapitre 1: Mise en contexte 2.1.1 Situation générale 2.1.2 Histoire de Shimokitazawa 2.1.2.1 Prémices 2.1.2.2 L’avènement d’une communauté 2.1.2.2.1 De l’agriculture à la culture 2.1.2.2.2 D’une niche de poètes à un lieu d’amusement 2.1.2.3 Contre­culture et protestation 2.1.2.4 L’annonce officielle Chapitre 2 : Identité spatiale 2.2.1 Zonage 2.2.2 Typologie des rues 2.2.3 Fréquentation et convivialité 2.2.4 Ambiances 2.2.5 Une structure qui pose problème Chapitre 3 : Enterrement de ligne Odakyu et New District Plan 2.3.1 Odakyu Line 2.3.2 New City Planning Road 2.3.2.1 Le projet de route et de plaza 2.3.2.2 District Planning 2.3.2.3 Promesses et réalité

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2.3.2.4 Gentrification et homogénéisation Chapitre 4 : La voix des citoyens 2.4.1 Du conflit… (2003­2011) 2.4.1.1 Formation de l’opposition 2.4.1.2 Elaboration de contre­projets 2.4.1.3 Prise de décision 2.4.1.4 Une nouvelle vague 2.4.2 ...à la collaboration! (2011­...) 2.4.2.1 Changement de direction 2.4.2.2 En marche vers un consensus

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Conclusion

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Bibliographie

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Annexes 1. Tomomi Sekihashi ­ 8 Juillet 2017 2. Gaku Taniguchi ­ 8 Juillet 2017 3. Yumi Sato ­ 8 Juillet 2017 4. Masahiro Kashiwa ­ 8 Juillet 2017 5. Kenji Shimodaira ­ 14 Juillet 2017 6. Masami Kobayashi ­ 15 Juillet 2017

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Introduction Le mémoire suivant a pour but d’analyser l’influence des citoyens sur le processus décisionnel relatif à la planification et la gestion de leur environnement urbain dans la ville de Tokyo. Cette question relève d’un phénomène contemporain et global: l’apparition de modèles locaux qui tentent d’intégrer les citoyens au centre du processus décisionnel. En d’autres termes, qui produit la ville?

Les villes sont produites de différentes manières selon les lieux et les époques. On

peut cependant opposer deux grands modèles : la ville planifiée et la ville spontannée (Lavedan, 1974).

Le premier modèle fut traité par une série d’architectes théoriciens de renom qui tentèrent de répondre de manière autoritaire à la question de la production urbanistique. Le Corbusier, par exemple, produit une série de modèle urbanistique comme La ville fonctionnelle à travers La charte d’Athènes dans le cadre des C.I.A.M.. Du fait de sa radicalité et de son manque d’authenticité, « d’inclusivité » et de diversité d’usages, les théories de ce type se soldèrent quasi systématiquement par l’échec de leur application réelle à l’échelle d’une ville. Cet urbanisme communautaire totalitariste fut la panacée de grandes figures telles que Frank Lloyd Wright, Owen ou encore Proudhon ( Swyngedouw & Kaïka, 2003). Le second modèle est la forme primaire de développement d’une cité qui, suite au regroupement d’une série d’individus autour d’un pôle, émerge naturellement. Certaines villes semblent produire une effervescence sociale de manière centralisée, tandis que d’autres s’organisent de façon polycentrique. Ce phénomène spontanné s’apparente aux villes médiévales dans lesquelles il existe une familiarité entre les corps et lieux ; à l’opposé de la culture visuelle et scénique de l’antiquité (Déotte, 2008). Cette familiarité est définie par Marcel Hénaff, philosophe et anthropologue français, par le terme d’habitabilité . Tokyo est une mégalopole qui contient des quartiers qui correspondent à cette habitabilité et où, malgré son gigantisme, il est agréable de marcher et de se rencontrer (Hénaff, 2008, p.60). Plutôt polycentrique, la capitale nippone disperse ses habitants en communautés regroupées autour de stations de train. Ce chaos apparent répond en réalité à une autre logique organisationnelle

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(Clammer, 1997, p.28). Ces gares fonctionnent comme une église au milieu du village, autour desquelles s’organise généralement une activité commerciale importante. Elles sont plus que de simples dessertes mais bien des points de repère et des lieux de vie à part entière où l’on trouve des activités qui ne sont pas exclusivement des services liés à la mobilité (Aveline, 2016). De par ce polycentrisme, les communautés s’organisent dans des quartiers caractérisés par des identités propres souvent liées à un certain type de consommation (Akihabara et sa culture du manga et de l’électronique, Asakusa et l’artisanat, Ginza et le luxe, etc.) (Clammer, 1997, p.33). Cependant, le Japon, comme tout autre pays, fait face à la mondialisation et la globalisation. Bernard Pecqueur, professeur spécialiste en géographie économique, définit le premier terme comme la tendance de la population à converger vers un comportement unique propre à un modèle économique unitaire. Le second se rapporte à une connexion des marchés entre eux. Selon lui, la globalisation n’implique pas une homogénéisation mais bien une assertion des diversités locales ; ces diversités sont essentielles à la création des villes et doivent faire partie des stratégies politiques urbaines. (Pecqueur, 2007, p.206). Ce postulat est partagé par d’autres académiciens et défini par le terme de “glocalisation”. L’urbanisme “glocal” est depuis trente ans, une réponse à la tyrannie de la planification moderniste castratrice concernant les codes esthétiques, culturels et politico­économiques ( Swyngedouw & Kaïka, 2003). Il est vrai qu’il existe encore des quartiers tokyoïtes où une ambiance digne du début de l’ère Showa (1926­1989) semble encore régner (Yanesen, Koenji, etc.). Ils sont spatialement caractérisés par des bâtis à échelle humaine, une densité d’occupation importante, ainsi qu’une grande diversité spatiale et programmatique. A côté de cette ancienne typologie spontannée, des projets planifiés de grande envergure proposant un large panel d’activités (commerciales, résidentielles, culturelles, sportives) sont apparus. Ces projets d’urbanisme sont menés par l’Etat et par de grands acteurs économiques comme les opérateurs ferroviaires. Le processus est très populaire au sein du gouvernement japonais dans le but de rester économiquement compétitif à l’échelle globale. Ces remembrements impliquent de redévelopper le tissu urbain existant quitte à compromettre les héritages présents. Ils impliquent également dans certains cas la gestion d’une nouvelle urbanisation rapide. Il en résulte une gouvernance à l’échelle métropolitaine 7


qui va parfois à l’encontre des désirs des citoyens et de leurs communautés ; le phénomène ne cesse de s’accentuer selon Carolina Hein et Philippe Pelletier, tous deux enseignants­chercheurs spécialistes du Japon (Hein & Pelletier , 2006, p.177). Dans le cadre de ce travail de fin d’études, l’intérêt sera porté sur le sujet des grands projets de redéveloppement urbain, aussi appelé urban renewal . Ils sont planifiés dans des quartiers à forte cohésion sociale, et apparus après la bulle spéculative de 1990. Cette bulle fut suivie d’une politique de réforme économique permettant la construction de grands édifices et de projets d’infrastructures changeant fondamentalement la structure socio­spatiale de certaines zones de Tokyo. En outre, elle fut caractérisée par la volonté de continuer des projets infrastructurels vieux de plus de soixante ans. (Sorensen, 2003, p.235; Tsukamoto, Fujimura, & Shiner, 2008). La première partie de cette étude tentera d’établir une approche théorique exposant toutes les implications de telles modifications urbanistiques. Dans le premier chapitre, nous ferons un retour historique sur la planification urbaine nippone. Il se concentrera sur la décentralisation croissante du pouvoir planificateur et comment celui­ci a localement construit la ville. En parallèle à cette décentralisation, ce chapitre approfondira le thème des communautés et associations de citoyens. Le second chapitre étudiera la transformation, voire la perte d’identité japonaise d’un point de vue tant sociologique que spatial face à une globalisation croissante. La seconde partie est un cas d’étude présentant le quartier de Shimokitazawa, sélectionné parce qu’il illustre le zeitgeist contemporain qui régit la planification au Japon comme nous l’aurons vu dans le chapitre sur la décentralisation des pouvoirs planificateurs. En effet, Shimokitazawa remet en question la légitimité théorique de la décentralisation du pouvoir des instances d’aménagements du territoire pour cause d’application de nouvelles règles d’urbanisme et d’implantation d’un projet de route décidés de manière unilatérale (Kobayashi, 2015a) . La participation de Tanabe Hiroshi, professeur émérite de l’Université de Tokyo, au recueil d’Augustin Berque La Maîtrise de la Ville , évoque les différentes questions qui naissent de l’opposition entre la théorie et la pratique: Quel est le rapport entre les acteurs de la ville et “le maître de la ville” à Tokyo (Tanabe, 1994, p.574)?

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Pour répondre à cette question, j’ai effectué un voyage à Tokyo en Juillet 2017 dans le but de rencontrer différents acteurs de Shimokitazawa qui revendiquent leur “droit à la ville” (ibid. p.574).

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Partie 1 : Approche théorique Chapitre 1 : Décentralisation du pouvoir ou les outils de transformation de la ville Tout d’abord, ce chapitre abordera la formation de la ville de Tokyo en commençant par l’époque Edo (1603­1868) dans le but de mieux comprendre la situation urbanistique contemporaine de la mégalopole nippone.. Par la suite, une étude historique sur la décentralisation du pouvoir planificateur japonais est essentielle pour saisir la complexité de la gestion du pays et plus particulièrement de sa capitale. Elle fut dessinée en partie par un système planificateur centralisé, à l’origine de projets de développement infrastructurels à long terme et de projets urbanistiques à grande échelle. En parallèle à cela, nous verrons qu’une cohésion sociale forte parmis les quartiers de la capitale permit de combler les lacunes d’un “État développeur” en termes de bien­être et services sociaux. Cet état de fait soulève deux questions majeures: Quelles sont les conséquences d’une centralisation du pouvoir concernant la planification? Quelle est l’influence des autorités sur les sociétés civiles? (Sorensen, 2005a). En outre, y a­t­il une résistance de la parts des communautés locales de la ville de Tokyo en réponse à une homogénéisation croissante de celle­ci causée par des décisions politiques unilatérales? 1.1.1 Edo: un régime autoritaire fractionné A l’époque Edo (1603­1868), le pays était fermé à tout échange international et la gouvernance un système féodal centralisé. A Tokyo, anciennement appelée Edo, la famille Tokugawa fabriqua une ville militaire complexe desservie par des routes radiales et en spirale, avec au centre le palais.

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Deux tiers des terres étaient des terres militaires réparties entre shogun1, daimyo2 et samurai3. Ces terrains, appelés buke chi, se trouvaient dans la large zone des “hautes terres” nommées Yamanote . Elles étaient mises à la disposition des hauts fonctionnaires de l’Etat et gérées par l’autorité centrale ( bukufu ) ou un dirigeant local ( daimyo) . Shogun, daimyo et samurai y résidaient donc sans en être propriétaires. Le reste des terres était réparti entre la zone des temples (bouddhistes, shintoïstes) appelée jusha chi et gérée par le magistrat des temples ( jusha bugyo ). Les “roturiers”, pleins propriétaires grâce à un acte notarié appelé koken4, vivaient dans les basses terres appelées shita machi et sous la gestion du magistrat de la ville, le machi budyo. Ils jouissaient de leur propriété car il n’étaient pas fonctionnaires de l’Etat contrairement au samurai , etc (Sorensen, 2002, p.18). (Doc.1)

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Générals dirigeants entre 1185 et 1868. Il était désigné par l’empereur pour l’aspect cérémonial uniquement (Encyclopaedia Britannica, s.d). 2 Gouverneurs féodaux les plus puissants durant Edo (i bid. , s.d.). 3 Caste de guerriers au service de l’Empereur. (i bid. , s.d.) 4 Il est important de noter que déjà à cette époque, le système de la propriété japonaise est complexe: un propriétaire de terrain peut louer sa parcelle sur laquelle un bâtiment sera construit. Ce même bâtiment peut lui même être mis en location. Cette complexité du niveau de propriété et un droit à la propriété fort aura une influence sur les projets à grande échelle de l’Etat (Hein, 2010).

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Doc. 1: Carte montrant la structure en spirale autour du palais du shogun , les larges terres des notables et la structures en grilles des “roturiers” de Ginza. Source: Mori Fusai, Subaraya Mo, Bunken Edo oezu . 1858 in Hein, C. (2008). Machi: Neighborhood and Small Town—The Foundation for Urban Transformation in Japan. J ournal of Urban History , 35 (1), 80.

En définitive, chaque quartier de Tokyo ou machi désignait une certaine utilisation ( samurai, geisha , négociants, commerçants, artisans, etc.). Toutefois, ce terme signifie aussi “petite ville” ou localité. Edo était alors gérée par une série de dirigeants possédant un certain degré d’autorité locale et pas par un gouvernement central (Hein, 2010). En dehors des limites historiques d’Edo, il n’y avait que très peu de planification et on y trouvait surtout des villages quasiment autogérés, qu’on peut aussi appeler machi , bien que sous la juridiction d’un daimyo local. Il y avait aussi des terres agricoles qui plus tard se firent assimiler par la ville pour devenir des zones résidentielles, commerciales ou industrielles (Echanove, 2014). A l'époque féodale, les communautés urbaines étaient responsables de leur quartier ( cho) . Elles devaient s’occuper de la maintenance des routes, de la gestion des déchets ou encore de l’organisation de festivals. Cette autonomie de gestion n’était pas un acte politique mais révèle plutôt un manque d’intérêt pour la gestion des services locaux. Cependant, le fait d’être laissé pour compte permit de créer un capital social important. Il existait alors déjà une 12


pléthore d’associations citoyennes ( chonaikai ) non­officielles dans la société japonaise forcée de s’organiser par elle­même pour répondre aux besoins les plus primaires. Les assemblées qui géraient ces tâches étaient composées des chefs de famille, sans regard sur le statut d’occupation des terres (Sorensen, 2006, p.110). 1.1.2 Meiji: naissance d’une vision globale pour Tokyo

En 1854, le pays s’ouvrit aux échanges commerciaux avec les Américains. En 1868,

la fin du s hoguna sonna l’avènement de l’ère Meiji . Comme l’explique Carolina Hein dans son ouvrage Shaping Tokyo: Land Development and Planning Practice in the Early Modern Japanese Metropolis, ce changement de régime impliqua la restauration de l'empereur qui eut pour conséquence de grandes transformations politiques, sociales et économiques. Le gouvernement devint démocratique et se dota de ministres ainsi que d’un parlement. Malgré tout, l’ancienne classe militaire occupa la plupart des postes politiques car elle ne pouvait être évincée si facilement du régime. Les grands domaines qui se trouvaient autour du Palais Impérial furent vidés de leurs occupants avec pour conséquence une chute de la population de Tokyo, ainsi qu’une mise à disposition d’importants lots de terre en plein centre de la capitale. Ces terrains nouvellement disponibles étaient avant tout vus comme des biens commercialisables et taxables, source de revenus principale du gouvernement dont beaucoup de membres étaient de grands propriétaires fonciers. La vente de ces larges terrains au 19 e siècle empêcha par la suite les expropriations ou la planification à grande échelle ce qui façonne encore aujourd’hui la ville; le cas de Shimokitazawa illustrera ce fait. C’est pourquoi, la plupart des grands projets urbanistiques privés contemporains sont dirigés par les héritiers des importants propriétaires fonciers passés. Les terres conservées par l’Etat permirent au Japon de mettre en place des dispositifs urbains, c’est­à­dire des tracés routiers et services publics, rendant Tokyo concurrentiel avec les pays leaders à cette période, tant sur le plan politique qu’économique. Cela impliquait la construction d’édifices accueillant les bâtiments officiels de l’Etat ainsi que des équipements militaires, postaux et d’infrastructures routières. Pour y parvenir, les japonais s’inspirèrent des villes des Pays­Bas, de la France ou encore de l'Angleterre. Par exemple de 1871 à 1873,

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la mission Iwakura ( Iwakura shisetsudan ) avait pour but d’étudier l’architecture européenne et principalement Haussmannienne, admirée pour ses larges boulevards, ses blocs parfaitement délimités, ses grandes parcelles et surtout l’unité qui s’en dégage. Quelques tentatives aboutirent dans le quartier de Ginza juste après le Grand feu de Ginza en 1872 (Doc.2). Cet ensemble de bâtiments en brique, censé prévenir des feux, est le premier bâtiment moderne urbain au Japon (Bureau Of Urban Development, 2015). Dans l’ensemble, les tentatives d’imposer une unité architecturale aux rues furent abandonnées. En plus de l’aspect stylistique, les matériaux tels que la brique furent critiqués pour leur faible résistance aux catastrophes naturelles, un fait qui sera avéré lors du tremblement de terre de Kanto en 1923.

Doc.2: Une avenue a Ginza présentant une unité architectural et des dispositifs inspirés de l’Europe. Source: The City Planning Institute of Japan, Centenary of Modern City Planning and Its Perspective. (Tokyo: The City Planning Institute of Japan, 1988). in Hein, C. (2008). Machi: Neighborhood and Small Town—The Foundation for Urban Transformation in Japan. Journal of Urban History , 35 (1), 84.

De plus les architectes japonais se

considéraient capables de produire une

architecture de qualité sans prendre en compte les codes occidentaux de l’architecture. Finalement, les lois qui régissent les constructions furent plutôt adoptées pour des questions de sécurité liées aux nombreux tremblements de terre, et aux incendies plus fréquents à l'époque. D’ailleurs, les prémices de lois adoptées pour des raisons techniques sont toujours

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au centre de l’attention politique et régissent le modus operandi des constructeurs japonais au 21 e siècle. Les urbanistes approchèrent aussi la question de la transformation urbanistique d’un point de vue technique plus qu’esthétique, par la planification de grandes infrastructures (routes, etc) sans modifier les parcelles adjacentes ou imposer des régulations sur les bâtiments les bordant. Suite aux décisions de politiciens, hommes d’affaires et urbanistes, certaines zones changèrent de manière fulgurante alors que d’autres restèrent intouchées. Ces zones “originelles”, composées d’habitations traditionnelles à haute densité et présentant une mixité socio­typologique importante, devinrent voisines de zones composées d’'institutions aux styles européens éclectiques, d’usines, de commerces et contribuèrent à renforcer la structure en patchwork de la ville. Il n’y eut donc que quelques ensembles monumentaux construits dans le but de dégager une image moderne de Tokyo alors que la plupart des quartier habités présentaient toujours une forme plus traditionnelle (constructions en bois, rues étroites, etc.). En 1888, le Décret pour l’Aménagement Urbain de Tokyo qui est à l’origine de la législation pour l’aménagement urbain, fut établi (Bureau Of Urban Development, 2015). A cette occasion, les grands projets de boulevards unitaires furent abandonnés et en 1889, le Premier Plan pour l’Amélioration Urbaine de Tokyo ( Tokyo shiku kaisei kyu keikaku ) fut déposé. Celui­ci se concentra sur les routes et les parcs comme le parc de Hibiya ou Ueno et fut pensé pour la première fois sur l’ensemble de la ville. (Doc.3). Tokyo était alors le corps du pouvoir central, bien qu’il ne fut pas aisé de trouver un terrain d’entente administrative et politique avant 1945. La capitale devint malgré tout la première ville du Japon à obtenir par le Décret de 1888 une législation urbaine découpant la ville en quinze municipalités ( ku ) désignées d’office et gérées par des préfets nommés (Hein & Pelletier, 2006).

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Doc.3: Plan de 1889 ayant une vision globale pour Tokyo. Source: Hiromichi Ishizuka and Yorifusa Ishida, Tokyo: Urban Growth and Planning (Tokyo:Tokyo Metropolitan University, Center for Urban Studies, 1988). in Hein, C. (2010). "Shaping Tokyo: Land development and planning practice in the early modern Japanese metropolis." Journal of Urban History 36, no. 4, 456.

Comme l’énonce André Sorensen, il est intéressant de constater que durant la période Meiji le gouvernement japonais réagissait de manière répressive face aux protestations et rassemblements de masse. De plus, certains ouvrages et journaux étaient bannis par la Régulation pour la Paix de 1887 (Sorensen, 2001b, p.388). En parallèle, l’apparition du gouvernement national à la fin du 19 e siècle mit fin à la gestion traditionnelle des machi . Dès lors, ce sont les gouvernements locaux qui durent officiellement endosser les tâches des anciennes associations telles que la collecte de taxes, la relève des ordures etc. Dans les faits, le gouvernement central donnait des instructions aux localités et celles­ci devaient être mises en oeuvre de manière autonome. Ces gouvernements locaux possédaient peu de moyens financiers, ni nécessairement l’envie de gérer des services de ce type qui étaient déjà autogérés dans le quartier par ses habitants. (Sorensen, 2006). Dans le même temps, les gouvernements locaux réprimandèrent les mouvements citoyens émergents, à tendance

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protestataire, tout en soutenant les associations de quartier, du type chonaikai , car ils comprirent l’utilité de les avoir à leur côté. 1.1.3 Taisho (1912­1926): la nation vers un but commun Jusqu’en 1919 la planification se faisait de manière indépendante selon les villes ou les municipalités. Ainsi, Kobe et Osaka par exemple ont une histoire totalement différente en matière de législation urbanistique que celle de Tokyo. A partir de cette date, la question de l’aménagement urbain a été mise sous tutelle nationale et centralisée au sein du Ministère de l’Intérieur ( Naimusho ), un organe très hostile aux gouvernances locales (Evans, 2002, p.445; Hein & Pelletier, 2006). Ce transfert de responsabilité fut légiféré par la Loi sur la Planification Urbaine ( City Planning Law ou toshi keikaku ho ) et la Loi sur les Constructions Urbaines ( Urban Building Law ou shigaichi kenchiku biitsu ho ). Etymologiquement, le mot toshi qui signifie “ville”, est un nom composé de deux kanjis signifiant capitale ( miyako ) et place de marché ( ichi ). Ce terme est basé sur le principe des villes européennes souvent fruit d’un lieu de marché, contrairement aux villes japonaises. En plus d’inventer le mot toshi , les japonais durent inventer un mot pour planification ( keikaku ) dans le contexte de “planification urbaine verticale5 à grande échelle”, traduit toshi keikaku . Il désigne la construction de nouvelles banlieues, d’autoroutes ou encore d’îles artificielles. Le terme toshi keikaku semble opposé à celui de machizukuri6; littéralement community building . Ce mot ambigu, apparu durant les années 1950, désigne aujourd’hui un groupe citoyen participant à l’aménagement urbain de son quartier. Pourtant, Carolina Hein (2008) l’utilise dès le courant des années 1920 alors qu’aucun groupe citoyen de ce type n’était concevable à cette époque. Il aurait peut­être été préférable de parler de chonaikai qui sont des associations de quartier “auto­gouvernées” existant dans chaque quartier depuis Edo. Encore aujourd’hui, ces chonaikai peuvent être consultés avant la construction de projets controversés ou pour prévoir des mouvements d’opposition de la part des citoyens; ils s’occupent du ramassage des déchets mais aussi de l’organisation de festivals ( matsuri ), etc. De nos jours, ce type d’association est directement en lien avec son gouvernement local.

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Verticale dans le anglais de t op­down , c’est­à­dire planifié par l’Etat. Le sens de m achizukuri ayant évolué au cours du temps, il sera expliqué plus longuement par la suite.

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Que l’on parle de machizukuri ou de chonaikai , l’intérêt porte ici sur la spécificité des japonais à organiser des groupes citoyens par quartiers permettant de gérer la ville à une échelle humaine. Ce constat entre en résonance avec les inspirations des urbanistes japonais de l’époque venant d’idées de l’étranger et principalement de systèmes urbains permettant de planifier à grande échelle tout en maintenant de petites unités. Ces unités étaient inévitables au vu de la rapidité de la modernisation, de la tailles des zones à traiter, des oppositions locales et des manques de ressources financières des autorités. Le diagramme N°5 d’Ebenezer Howard (Doc. 4) fut retenu pour ses idées de ville croissante, de frontières ouvertes et de lignes de communications rapides. En place de créer une ville pour 55 000 habitants, le diagramme fur transposé pour une grande ville, où les fonctions commerciales sont décentralisées et non les fonctions résidentielles. La mise en application de ce schéma resta e n attente jusqu’au séisme de 1923 (Hein, 2008, p.82­84).

Doc. 4: Diagramme n°5 de Ebenezer Howard. Source: Howard, E. (1902), G arden Cities of Tomorrow, L ondon i n Hein, C. (2008). Machi: Neighborhood and Small Town—The Foundation for Urban Transformation in Japan. J ournal of Urban History , 35 (1), 84

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Le Ministère de l’Intérieur détenait donc quasiment l’ensemble du pouvoir décisionnel que ce soit à l’égard des gouvernances locales, de la police, de la planification urbaine, de la santé publique ou encore de l'ingénierie civile. La gestion à l’échelle nationale et locale fut indissociable de ce Ministère jusqu’à l’après­guerre. La loi de 1919 permettait une planification et des ordonnances sur l’utilisation des sols et les constructions à une échelle plus large que celle des municipalités, caractérisées par un découpage très morcelé. Cette caractéristique donna légitima une gestion centralisée. Dès lors, tous les plans durent recevoir l’aval du Ministère de l’Intérieur qui décidait dans quelle mesure la localité était éligible pour recevoir des subsides du gouvernement central. Les autorités locales ne disposèrent pas du droit de changer l’affectation des sols selon ses besoins ou typologies urbaines particulières (Sorensen, 2006, p.102). Une telle gouvernance ne plut pas aux citoyens qui virent leur bien­être passer au second plan. L'État favorisa le développement industriel, l’exportation, la colonisation et la militarisation dans le but d’être compétitif avec les forces occidentales, au dépend des individualités. Pour contenir d’éventuels soulèvements, il était essentiel de créer un sentiment nationaliste au sein du peuple japonais et c’est pourquoi les autorités s’attelèrent à atteindre une stabilité sociale par deux moyens. Tout d’abord, le Ministère de l’Intérieur mit en place un système de contrôle des administrations locales. Il mit ses propres cadres supérieurs aux postes importants des autorités préfecturales et locales. Ensuite, le Ministère du Bureau des Affaires Locales voulu endiguer les sources de conflit avec les habitants de la ville en organisant un politique sociale. Il tenta ensuite d’améliorer le bien­être social en offrant des logements et un environnement urbain agréable tout en organisant les c ommunautés locales par des associations “auto­gouvernées”, autrement dit des chonaikai (Sorensen, 2001b, p.394). Le rôle de ces associations est plus ou moins de remplir les mêmes fonctions qu’à l’époque féodale, bien que la plupart d’entre elles aient été créées en 1898, soit 30 ans après la fin de l’époque féodale. Il y eut une explosion du nombre d’associations après le séisme de Kanto en 1923 étant donné que la structure gouvernementale en place était quasi devenue inexistante. Ainsi,en 1897 elles étaient 39 contre 452 à l’aube du séisme de Kanto. La plupart d’entre elles furent créées de manière spontanée afin de combler les lacunes de autorités locales de la période avant­guerre, bien qu’il existe deux théories quant à leur essor. Dore soutient que ce type d’organisation datant d’Edo avait disparu au moment la période 19


agitée de Meiji durant laquelle les gouvernements locaux endossèrent leur rôle. Il ajoute que les chonaikai sont un produit du gouvernement qui voyait de nombreux avantages à une collaboration avec de petits groupes locaux au sujet de la santé publique (Dore, 1968, p.187). D’autres historiens comme Smith soutiennent le caractère émergent des chonaikai , issu d’une volonté des associations de marchands d’entretenir la tradition des associations de quartiers de l’ère Edo; ces quartiers pouvant être traduit cho . L’idée du village rural est celle de la coopération et de l’entraide. Ces dernières sont vues comme les remèdes à la fragmentation sociale causée par la modernisation et l’urbanisation (Smith, 1978, p.66). Au début du 20 e , chaque chef de famille était automatiquement inscrit dans une association, alors que les locataires n’y avaient pas droit. Au fur et à mesure, ces groupes s’établirent et englobèrent différents regroupements locaux plus petits et disparates tels que les associations sanitaires, de jeunes, de marchands ( shotenkai ), de parents­professeurs ou encore de réserves et vétérans militaires. Les gérants de ces associations faisaient majoritairement partie de la classe moyenne bourgeoise. Ils étaient des propriétaires fonciers ou des commerçants; de ce fait, une bonne gestion du quartier leur était des plus avantageuses. D’ailleurs, cette situation paraît toujours d’actualité à Shimokitazawa. Bien qu’il arrivait que certaines associations protestent contre certaines décisions de planification urbaine, celles­ci s’affilièrent graduellement au gouvernement. En effet, l’Etat prit soin de coopter ces associations dans le but de prévenir un soulèvement social suite à l’urbanisation et au développement urbain. Durant les années 1930, chaque association devint une extension du gouvernement central dans les communauté locales et en quelque sorte dans chaque foyer. La fin de la guerre russo­japonaise en 1905 engendra une volonté de l’Etat à produire un sentiment nationaliste en faveur de la croissance économique, surtout dans les zones rurales. Toutes ces associations permirent de créer une base dans la gestion des villages les plus éloignés du centre de Tokyo. Durant les années 1940, à la veille de la guerre du Pacifique, l'Etat offrit aux responsables des associations un poste dans la structure de l’Etat permettant d’opérer un contrôle sur les groupes et les communautés. Les chonaikai fraîchement légalement liés se virent attribuer de nouvelles tâches allant de la protection civile à la gestion des rations alimentaires en passant par la promotion des associations pour l’épargne. De plus, elles devinrent une extension du gouvernement pour épier le moindre comportement suspect en cette veille de guerre. A l’origine, le but du gouvernement était d’aider ces associations car elles leur étaient bénéfique pour éviter la pauvreté et gérer divers services. Cependant, par 20


leur affiliation aux autorités et leur disposition d’un espace de rassemblement au sein des bureaux du gouvernement local, elles devinrent malgré elles un outil de contrôle social sur la population de leur arrondissement ( ku ) et perdirent leur nature autonome et bienfaisante. Ce contrôle social s’apparente au système de connections hiérarchiques verticales utilisé lors de l’époque Tokugawa permettant un contrôle dans chaque foyer. De plus, toute organisation civile indépendante était rapidement repérée afin d’être supprimée ou affiliée au gouvernement (Hastings, 1995; Sorensen, 2001b; Sorensen, 2006). 1.1.4 Kanto, 1923: Développement d’une ville polycentrique et rôle des compagnies ferroviaires Avant même le désastre causé par le séisme de Kanto, le gouvernement Tokyoïte peinait à gérer l’expansion de la ville vers les banlieues. Suite au séisme qui détruisit 60% des bâtiments existants, la capitale assista à un exode urbain important (Sorensen, 2001b, p.12). La zone suburbaine vit sa population tripler entre 1913 et 1924 et le poids démographique finit par excéder celui du centre (Aveline, 2010). Alors que les zones périphériques de la ville nécessitaient l’attention du gouvernement qui avait perdu la plupart des plans futurs de la ville dans les incendies des institutions, il se concentra essentiellement sur le Projet pour la Reconstruction de la Capitale Impériale7 (Sorensen, 2001b, p.12). Fukuoka Akimoto explique que le but de ce projet était de reconstruire la capitale en tant que centre politique, économique et culturel (Akimoto, 2012). Au lieu de porter toute l’attention sur la revitalisation de la population par la construction de logements, de commerces ou d’écoles, le gouvernement central approcha le problème d’un point de vue technique. En effet, il imposa des standards pour la reconstruction des bâtiments, tandis que la reconstruction à proprement parler de ceux­ci devaient être menée par des actions locales. Pour parvenir à leurs fins, les autorités centrales développèrent un nouveau système de routes et de parcs à l’aide de l’outil majeur de cette période: la réajustement du parcellaire (kukaku seiri) ( ibid. , 2012). En place d’exproprier les propriétaires, un processus long et compliqué, les terrains étaient simplement réajustés le long des nouvelles artères et laissés intacts là où ils n’étaient pas adjacents à une nouvelle route. Dès lors, il était permis de construire plus haut pour compenser la perte de

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Projet proposant d’entièrement reconstruire la zone entre le Palais Impérial et la baie. Le but étant de supprimer les rues médiévales et d’implanter un système de grandes avenues agrémentés de ponts et de parcs.

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surface au sol. Ce système fut utilisé car durant cette période de crise post­désastre, il était difficile de prévoir des plans de reconstruction à grande échelle nécessitant le rachat de terrains privés. De plus, la population désirait pouvoir retrouver un toit rapidement. Cet outil de planification a donc comme but ultime la reconstruction d’infrastructures et non de bâtiments, comme le montre l’exemple de l’intersection entre la Show Dori et la Yasukuni Dori en 1927 (Hein, 2010). (Doc.5)

Doc.5: Réajustement des terrains ayant comme résultante des parcelles aux formes étriquées. Source: Yorifusa, I. (1987). Nihon kindai toshikeikaku no hyakunen. The last 100 years of Japanese urban planning.Tokyo: Jichitai Kenkyusha, 165. in Hein, C. (2010). "Shaping Tokyo: Land development and planning practice in the early modern Japanese metropolis." J ournal of U rban History 36, no. 4, 456.

La reconstruction de la ville suivant le Projet pour la Reconstruction de la Capitale Impériale allait être achevée sept ans après le séisme. en d’autres termes, les nouvelles infrastructures et institutions mirent sept ans à être achevées. Sans attendre l’aval du 22


gouvernement officiel, les opérateurs ferroviaires privés enclenchèrent spontanément le développement des sous­centres comme Shibuya, Shinjuku et Ikebukuro, situés hors de la Yamanote, chasse gardée de l’Etat. Les premières lignes de métro privées partirent du centre­est de Tokyo de manière radiale. La ligne Yamanote caractérisée par son circuit en boucle permit d’établir des zones de développement aux intersections avec les lignes radiales. A l’intérieur de cette boucle, le réseau de routes automobiles fut racheté par les autorités publiques poussant les investisseurs privés à étendre leurs services hors de la zone formée par la Yamanote (Doc.6). Le fait que de grands groupes capitalistes et des opérateurs ferroviaires investissent les banlieues démontre une proximité de ceux­ci avec l’Etat, prolongeant la tradition des z aibatsu8 .

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Les zaibatsu sont de grands d’entrerprises, appartenant généralement à une famille, actifs dans la pluparts de secteurs de l’économie (banque, assurance, textiles, minages, etc). Au 20e siècle, certaines participèrent à la production d’armes pour le pays. Leur importance les rend indissociable de L’Etat. Bien que les américains tentèrent de supprimer leur rôle essentiel dans la société après la seconde guerre mondiale, ils n’y parvinrent pas. Elles prirent simplement une autre forme appelée k eiretsu (Encyclopaedia Britannica, s.d.)

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Doc. 6: Le réseau ferroviaire du centre de Tokyo en 1930. Source: André Sorensen (2001a) Subcentres and Satellite Cities: Tokyo's 20th Century Experience of Planned Polycentrism, International Planning Studies, 6(1), 13.

Ces compagnies ferroviaires diversifièrent leurs services (restaurants, divertissements, etc) aux intersections des stations, offrant plus qu’un simple transfert utilitaire d’une ligne à l’autre. En plus de développer un système de transport, les compagnies privées construirent des cités satellites, dont l’un des exemples les plus probants est celui de Den’en Toshi . En 1918, Shibusawa Eiichi en fit son activité principale par sa société Denentoshi Kabushiki Gaisha (Société anonyme des cités­jardins). En 1923, il construisit un modèle de 150 hectares. L’expérience fut réitérée en 1953 par Goto Keita sur 3188 hectares, lui donnant le statut du plus grand projet urbain privé à Tokyo. Dans tous les cas, les considérations étaient pragmatiques et dénuées d’hygiénisme ou d’utopie. Ces cités relevaient plus des cités dortoirs que de cités autonomes. De plus, pour attirer des résidents, il vendirent des terrains à bas prix pour les universités et les écoles (Aveline, 2010; Sorensen, 2001a). Il faut cependant notifier 24


le fait que ce type de cité­jardin reste une exception. La plupart des développements urbains autour des gares ferroviaires ne furent pas dessinés par des urbanistes ni inspirés par les cités­jardins. Le développement de la périphérie était déjà avancé lorsque l’Etat s’y attarda à nouveau en 1930. Comme dit précédemment, les urbanistes japonais étaient eux aussi fortement inspirés par les modèles européens pris comme référence par les sociétés privées. Dans un contexte de pré­guerre, le gouvernement n’implanta pas de cité­jardin au­delà de la ceinture verte, inspirée par Ebenezer Howard, mais bien des zones industrielles et des cités militaires. La décision de décentraliser les industries, datant 1936, avait pour but de protéger la ville des bombardements alliés. Ce projet fut appuyé par la Loi pour la Défense Aérienne (1937) et le Plan de Ceinture Verte (1939) (Hein & Pelletier, 2006; Hein 2008). (Doc.7)

Doc. 7: Plan structurel pour la région de Kanto en 1940. Source: Tokyo Metropolitan Government, 1989 in André Sorensen (2001a) Subcentres and Satellite Cities: Tokyo's 20th Century Experience of Planned P olycentrism, International Planning Studies, 6(1), 13.

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1.1.5 L’Après­guerre Pendant l’occupation (1945­1952), plusieurs évènements notoires eurent lieux. D’abord en 1943, la préfecture ( fu ) et la ville ( shi ) de Tokyo se confondirent pour devenir la préfecture métropolitaine de Tokyo­to . En d’autres termes, c’est la naissance de l’entité territoriale de la grande agglomération tokyoïte sous la tutelle du Tokyo Metropolitan Government . Les municipalités de Tokyo prirent alors le statut de “ville”, gérées chacune par un maire respectif, et l’ensemble de Tokyo fut mis sous l’autorité d’un gouverneur qui sera désigné jusqu’en 1947. Le nombre de municipalités spéciales de Tokyo passa de 35 à 23. Les autorités de municipalités étant désormais sous la juridiction du gouvernement métropolitain et du gouvernement central9, duquel dépend le Ministère de l’Intérieur. Dès lors, elles devinrent les entités urbaines qui possèdèrent le moins de libertés, en comparaison à celles situées en dehors de Tokyo­to (Hein & Pelletier, 2006). En parallèle, en 1947, les pouvoirs planificateurs se décentralisèrent pour la première fois grâce à la Loi de l’Autonomie Locale ( chiho jichi ho ). Le Ministère de l’Intérieur alors aux mains d’un bon nombre de responsabilités fut dissout et relègua ses obligations au Ministère de la Construction10 ( Kensetsu sho ). Kent Calder, spécialiste du Japon, souligne que par cette passation, une partie du pouvoir et de l’expérience du Ministère de l’Intérieur se perdit (Calder, 1988). Cette réforme de décentralisation politique eut aussi lieu à une échelle plus locale (Evans, 2003). La même année,

eurent lieu les premières élections pour choisir un

gouverneur ainsi que les maires des différentes localités. Cependant, ces élections ne signifient pas qu’ils diposèrent d’un plus grand champ d’actions sur les terrains situés sous leur juridiction. Les localités étaient toujours dépendantes du gouvernement central qui fournit main d’oeuvre et ressources financières (Hein & Pelletier, 2006). En outre, le gouvernement central garda le droit d’adopter des lois et de fixer les taxes. Les localités étaient autorisées à renforcer des lois existantes mais ne pouvaient en aucun cas en légiférer de nouvelles, spécifiques à leurs besoins (Steiner, 1965). De plus, il n’était pas rare que des agents du gouvernement central se retrouvent à de hauts postes aux sein du Tokyo Metropolitan Government ou des municipalités ( ku ) (Samuels, 1983).

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Le gouvernement central et national sont le même gouvernement. En 2001, une réforme toucha une grand nombre de ministère. Le Ministère de la construction devint le Ministère du Territoire, des Infrastructures, des Transports et du Tourisme (Carpenter, 2008, p.5). 10

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Dans la même veine, les « administrations d’agences déléguées » ( agency­delegated administration ou kinan inin jimu) donnaient des responsabilités aux localités concernant, entre autre, la planification. Dans les faits, c’est le gouvernement central qui disposait d’un droit incontestable sur les décisions finales. Le gouverneur de la préfecture métropolitaine de Tokyo­to et les maires des 23 arrondissements ( ku ) devinrent de cette manière des agents forcés du gouvernement central (Sorensen, 2006, p.102). Pratiquement, l’après­guerre fut marquée par une période d’effervescence économique jusqu’à la fin des années soixantes. Cela aura pour conséquence une urbanisation effrénée, favorisée par les opérateurs ferroviaires, et peu contrôlée par les autorités publiques (Evans, 2002; Sorensen, 2005a). Les décisions urbanistiques ont toujours été dans le sens du développement économique et non dans le but d’améliorer la qualité de vie en milieu urbain (port, aéroport, route, logement bon marché pour ouvrier, etc.) (Morimura, 1994; Sorensen, 2002). Cette priorité à l’ economic space sur le life space se traduis it par le “ War Damage Restoration Plan ” ( sensai fukkô toshi keikaku ) basé sur les théories d’urbanisme moderne sus­citées dont l’essentiel résidait dans l’implantation d’un réseau de routes à l’échelle métropolitaine. Par manque de fonds, le réseau ne put être entièrement réalisé; le Tokyo Metropolitan Government tente encore aujourd’hui de finir certaines parties planifiées 60 ans plus tôt comme la route 54 de Shimokitazawa (Friedmann, 1983; Echanove, 2014). Le redéveloppement se concentrant principalement autour des axes routiers et des intersections des transports publics, de grandes zones résidentielles à la structure traditionnelle restèrent intactes. La loi de 1919 régulant la hauteur des bâtiments, et la fragmentation exagérée du parcellaire entre petits propriétaires fonciers permit de protéger ces quartiers de grands projets urbains et de conserver la petite échelle, les magasins familiaux et les routes étroites (Onishi, 1994; Bestor, 1989). C’est principalement le cas des zones ouest de Tokyo, épargnées par les bombardements (M. Kobayashi, Annexe 6). Outre ces zones épargnées, d’autres furent largements bombardées et l’Etat ne participa quasiment pas à la reconstruction des logements et commerces de ses habitants qui durent compter sur eux­mêmes (Sorensen, 2002, p.149). La population put se reconstruire un toit grâce à ses connaissances en construction traditionnelle et aux liens communautaires ancrés depuis des générations. Alors qu’en parallèle une ville moderne apparaissait, la plupart des zones résidentielles

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ressemblaient plutôt à des bidonvilles faits de logements temporaires qui continuèrent de proliférer jusque dans les années 1960 et après (Hein, 2003, p.26). Le graphique ci­dessus montre la faible participation à la construction de logements par le gouvernement. Cette question est toujours actuellement reléguée au secteur privé ainsi que l’électricité ou bien sur les transports ferroviaires (Honjo, 1984, p.28). Ceci n’est pas une question de moyens mais bien une politique axée sur le développement des infrastructures économiques plutôt que sur les services aux habitants., Tokyo continua à s’étendre sous l’action des opérateurs ferroviaires privés et tout espace disponible fut convoité par des promoteurs pour y établir des constructions.

Doc.7: Ce graphique montre la prédominance de constructions individuelles ou des indépendants et produites par des compagnies privées. Source: Graphiques produit grâce aux données du Bureau des Affaires Générales, Tokyo Metropolitan Government in Echanove, M. (2014), User­generated Tokyo , publiée en japonais in I. Ishida, S. Yoshimi, & M. Featherstone (Eds.), Digital Humanities, Volume 3: Media Practice in Urbanism . University of Tokyo Press.

A cela, il faut ajouter que le zonage était peu contraignant. Il existait des zones commerciales­résidentielles mixes, des zones quasi­industrielles et des zones industrielles. Le résultat est que presque tout type de programme pouvait se côtoyer dans une urbanité où il n’existait pas de standard sur les logements et de contrôle sur la division des parcelles (Sorensen, 2001a). Certaines autorités locales désiraient contrôler la division du parcellaire afin de rendre la fréquentation des quartiers plus agréable mais étant donné que les lois 28


étaient exclusivement dictées par le gouvernement central, elles ne possédaient aucun poids légal. Ainsi, elles perdaient bien souvent les procès qui leur étaient intentés lorsqu’elles tentaient de freiner le développement de structures dans certains quartiers (Jain, 1991). Les localités étaient extrêment dépendantes des subventions de l’Etat central axé sur le développement économique et leur imposait des tâches et lois particulières qui ne leur laissaient aucun marge de manoeuvre. A la fin des année 1960, la situation devenait insoutenable à Tokyo car la pollution et les industries étaient trop abondantes ( Bureau of Urban Development, 2015, p.2). Ces dernières se situaient près des commerces et des habitations qui ne jouissaient pas d’infrastructures urbaines basiques comme des égouts, des trottoirs et des parcs. S’ensuivirent de grandes protestations et une montée de la gauche, soutenue par les localités. Le fameux Liberal Democratic Party (LDP), parti de droite alors au pouvoir du gouvernement central, sentit la pression monter et passa en 1968 un loi donnant un nouvel espoir de contrôle aux autorités locales sur leur développement et l’amélioration de leur environnement urbain (Sorensen, 2005a). Pendant les années 1960, les conditions de vie se dégradant au fur et à mesure que la ville se densifiait, des groupes de citoyens s’unir dans le but d’améliorer et de restructurer leurs quartiers sous la bannière du terme machizukuri (Watanabe, 2006, p.129). Le mot machizukuri est apparu pour la première fois dans le courant des années 1950. Tout d’abord, il est intéressant de s’intéresser à son étymologie. En effet, il diffère du terme machi keikaku qui signifie “planification de la ville” et n’est pas novateur. Alors que zukuri est issu du verbe tsukuru qui peut être traduit par “construire”. De cette manière, machizukuri sous­entend “construire la ville de manière communautaire”, en anglais community building (Evans, 2002, p.447). C’est Shiro Masuda, historien social, qui l’utilisa pour l’une des premières fois avec le slogan “nouveau machizukuri ” qui se référait à la construction d’une communauté locale. Dans ce sens, il se rapporte à la construction d’une communauté à l’image de celles de l’Europe médiévale du nord (Masuda, 1952). A ce moment­là, il ne se réfère pas directement à la planification urbaine mais plutôt à des revendications environnementales et à la qualité de vie dans les quartiers. Ces premiers mouvements citoyens créés sur base de problèmes spécifiques du quartier et n'opèrant pas directement dans l’organisation du quartier portent le nom de shimini undo (Evans, 2002, p.447). Un glissement vers la planification et la défense de projets de redéveloppement s’opèrera durant la décennie suivante (Watanabe, 2000; Watanabe, 2006, p.131). Les cas les plus avant­gardistes sont ceux de Maruyama et Mano à 29


Kobe. Le conseil de machizukuri se singularise des groupes citoyens existants dans les quartiers tels que les chonaikai qui étaient directement liés au gouvernement et principalement composés d’hommes (Sorensen & Funck, 2007). Le conseil de machizukuri de Murayama se forma en 1963 et protesta contre l’impact du trafic routier et la qualité de l’espace public (Watanabe, 2007). Leurs stratégies de mobilisation étaient semblables à celle du syndicat des travailleurs et le groupe fut dissout dans le courant des années 1970. En 1965, ce sont les citoyens de la localité de Mano qui s’unirent à l’origine pour prévenir l’impact de la pollution sur la santé des enfants. Alors que l’union prenait une forme d’activisme et de conflit avec les autorités, leur relation s’adoucit et passa à la collaboration. Les habitants formèrent un comité composé de 27 personnes dont les membres faisaient partie de l’association des marchands, du quartier, de l’industrie mais étaient aussi des académiciens et des membres officiels du gouvernement (Sorensen, 2002, p.272). Le cas de Mano est largement pionnier car il trouve sa genèse avant la loi de 1968 qui donna plus de pouvoir aux autorités locales. D’ailleurs, ce machizukuri qui est toujours actif aujourd’hui vit ses responsabilités grandir. En 1978, il s’officialisa en tant que conseil et travailla directement avec les autorités (Haley, 2009, p.8­10). 1.1.6 1968: Shin toshi keikaku En guise de rappel, l’après­guerre était ce que le politologue Richard Samuel (1983) appella “le paradis conservateur”. Il existait une entente indiscutable entre le gouvernement central, le LDP au pouvoir et les grands entrepreneurs. Tous trois travaillèrent de concert dans le but de créer un développement économique rapide à travers l’industrie. Cette machine politique puissante fut relativement restructurée lors de l’occupation américaine qui poussa à la réforme pour la mise en place d’élections directes au niveau préfectural, local et la dissolution du Ministère de l’intérieur. Certaines réformes progressives furent inversées à la fin de l’occupation pour un retour au contrôle de taxes et l’octroi de subsides (qui ne sont pas à la hauteur des coûts des tâches commanditées par le gouvernement central) ou le placement d’anciens membres du gouvernement central dans les instances locales (Schebat, 2006). A cela s’ajoute la faible régulation de zonage, de divisions du parcellaires et de normes qui étaient encore régulées par la loi de 1919. D’un côté, les élus locaux avaient une telle “dette” envers le gouvernement centrale qu’ils ne pouvaient pas agir en faveur de leur électorat et de 30


l’autre côté, les habitants suffoquaient à cause de la pollution et du manque d’espace. Toutes ces raisons poussèrent les autorités locales progressistes à réagir (Sorensen, 2006). La Nouvelle Loi sur le Planification Urbaine ( shin toshi keikaku ho ) de 1968 comporte plusieurs composantes dont certaines prévalent toujours aujourd’hui. La première porte sur le contrôle de l’usage des sols en zone urbanisée en distinguant les “zones de promotion de l’urbanisation” ( shigaika kuiki ) et les “zones d’urbanisation contrôlée” ( shigaika kosei kuiki) . A cela s’ajoute la nécessité d’un permis de bâtir afin qu’un minimum d’infrastructure sur le site soit prévu par le demandeur. La seconde est la désignation de “zones de planification urbaines fonctionnelles” qui permettent de réunir plusieurs municipalités sur une même unité de planification afin de construire des routes, etc. C’est donc le gouverneur de la préfecture qui est en charge du projet. La troisième, et la plus importante, est la délégation des pouvoirs aux autorités locales. Le pouvoir passe alors des mains du Ministère de la Construction à celles des gouverneurs des préfectures si le plan concerne plusieurs municipalités et dans le cas contraire il appartient aux municipalités ( ku ) (Srinivas, s.d.). Cette loi donna lieu à la création de huit zones particulières pour la construction. L’introduction d’une zone 100% résidentielle fut la plus remarquable. C’est la première fois qu’une loi aussi arbitraire était imposée. Ce zonage impliqua la limitation de la hauteur des bâtiments à 10 mètres. Dans les autres zones, cette limitation n’existait pas. Sous la pression de mouvements citoyens et avec le soutien des autorités progressistes de l’époque, la “Loi sur les Normes de Construction” fut écrite en 1972. Cependant, dans le courant des années 1970, les systèmes constructifs s’améliorèrent et les lois s’assouplirent. Cela engendra un mécontentement de la part des citoyens qui clamèrent notamment leur droit à l'ensoleillement par un groupe appelé organization of sunshine rights group (Ishizuki & Ishida, 1988, p.30). En 1976, le Ministère de la Construction légiféra sur le minimum d'ensoleillement à fournir durant le solstice d’hiver. Ces événements marquent un changement dans le rapport de force entre les revendications citoyennes et la politique de développement. Malheureusement, la pression des grands développeurs privés était telle dans les années 1980 que le gouvernement central relâcha les normes à nouveau (Sorensen, 2005a, p.524­525).

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Des autorités progressistes comme celle d’Ichio Asukata, maire de Yokohama (1963­1978), et Ryokichi Minobe, gouverneur de Tokyo (1967­1979), promurent tous deux des politiques de participation citoyenne dans le but de retrouver une confiance envers les politiques, de réduire les dettes municipales et de retrouver un attachement des citadins envers les espaces publics (Dimmer, 2010). Ces changements semblent très positifs mais il ne faut pas oublier que le gouvernement central exerçait toujours un pouvoir sur les plus petites instances par leur dépendance financière, le système de fonctions déléguées et les lois nationales incontestables. La situation est même plus compliquée à Tokyo car les politiques y sont plus conservateurs que ceux de la région de Kansai (Kobe, Osaka). De plus, les municipalités doivent directement remettre leur collecte de taxes au Tokyo Metropolitan Government qui les redistribue équitablement entre les 23 ku11 (ward) . Ce n’est pas le cas des municipalités hors de Tokyo qui jouissent de facto d’une plus grande liberté décisionnelle puisque leurs taxes leur reviennent directement (Sorensen, 2006; Watanabe, 2006; M. Kobayashi, communication personnelle, 15 Juillet 2017). Les années 1970 s’avèrent être une période pleine de paradoxes. D’un côté, des décisions sont prises dans le but d’améliorer et de conserver des quartiers traditionnels en bois à Toyonaka, près d'Osaka et de l’autre côté, les autorités centrales poussent progressivement la promotion d’un Central Business District fait de gratte­ciels (Watanabe, 2006; Echanove, 2014). Tokyo s’est alors vue dotée d’une infrastructure de transport gérant des flux de plus en plus complexes. Pour être capable de gérer une telle expansion, le système de transport dû se stratifier, ce qui implique une division fonctionnelle croissante de la ville. En plus de ce phénomène inévitable d’expansion, le réseau ferroviaire déjà complexe “s’autonomisa”. En effet, à partir de 1973, un processus d’ incorporation et d’ implosion spatiale apparut par le biais de sociétés privées qui créèrent des lieux proposant de nombreux services au croisement des différents modes et flux de déplacements. Ces charnières, largement implantées aujourd’hui, dépassent la conception d’organisme spatial des métabolistes des années 1960 pour devenir à la fois une enveloppe sémiotique, émettrice de signaux, et un corps appartenant à une société privée (Grulois, s.d., p.182). 11

Les municipalités (ou arrondissements) de Tokyo ont un statut spécial qui leur confère un statut de “ville” au sens légal du terme.

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Cela prouve que dès cette période, des modèles urbanistiques foncièrement opposés coexistaient, l’un tentant de subsister et l’autre de se développer. Et bien que la décentralisation et la participation citoyenne semblait en marche, elle ne fut qu’une façade dans la plupart des cas. Le gouvernement garda un droit de veto sur tout plan municipal ou préfectural. De plus, l’introduction d’audiences publiques, de séances explicatives et de présentation des plans provisoires aux habitants qui avaient ensuite le droit d’émettre des avis écrits furent un outil de consultation citoyenne permettant de réfuter les réclamations du peuple critiquant le fait de ne pas être au courant des nouveaux plans. Par ailleurs, les citoyens qui se voyaient offrir la possibilité de participer à la confection des plans ne disposaient pas des outils et connaissances nécessaires pour déposer un projet valide auprès des autorités (Ishida, 2006). 1.1.7 1980­1990: L’avènement des machizukuri… La révision de la Nouvelle Loi sur la Planification Urbaine ( shin toshi keikaku ho ) en 1980 alla un peu plus loin dans la décentralisation du pouvoir. Elle permit aux municipalités de concevoir des plans de district ( District Planning System ou Chiku Keikaku Seido ). Alors que les lois de 1968 et l’amendement de 1970 ne donnaient que des directives concernant la structure urbaine, la révision de 1980 s’attarda sur une qualité de vie minimum à atteindre à travers certains types d’équipements et d’infrastructures (Ishida, 2006). Ce changement est de grande importance lorsqu’on sait que certains quartiers comme Shimokitazawa disposaient encore, au début des années 1980, d’égouts à ciel ouvert et des routes de terre (Echanove, 2014). Le passage à un système de districts12 permit de rendre la question de la consultation citoyenne plus abordable. Les plans se faisant au niveau municipal, les propriétaires fonciers eurent dès lors un poids plus important au sein des discussions avec les autorités locales (Ishida, 2006). En 1981 à Kobe, une première injonction fut faite pour engager officiellement les machizukuri dans le processus décisionnel à travers 3 outils. Tout d’abord, l’élaboration d’un conseil du machizukuri ( kyogikai ) pour représenter les habitants au niveau local. Ensuite, la provision de services professionnels payés de la part 12

Zone de taille moins importante qu’une municipalité.

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des autorités locales au conseil du machizukuri dans le but de fournir une aide pour l’élaboration des plans. Finalement, l’obligation de collecter toute suggestion ( teian ) du conseil machizukuri afin de développer un accord ( kyotei ) concernant ce qui sera peut­être implanté. Ce système novateur et très développé n’existe pas du tout au niveau national, ni à l’époque ni de nos jours. La municipalité de Setagaya suivi en 1982 avec l’élaboration d’une ordonnance ( Setagaya Machizukuri Ordinance ) mettant en place un conseil basé sur le modèle des chonaikai et composé de citoyens élus ou auto­désignés. Ce conseil passe en revue tous les projets de développement privé. Cette ordonnance ne semble pourtant pas avoir changé fondamentalement le processus décisionnel car les candidats constructeurs ne sont pas obligés de suivre leurs recommandations. Le problème est que cette ordonnance ne concerne que la révision des projets privés. De plus, l’application des recommandations ne dépend que du bon vouloir des autorités locales qui, encore aujourd’hui, ne semblent pas soutenir ces actions comme le confirmera le cas d’étude de Shimokitazawa (Sorensen, 2002; Watanabe, 2006). Tous ces glissements de pouvoirs et ces directives émanants de gouvernements locaux progressistes ne furent pas toujours acceptés par le gouvernement central qui jugea que certaines de leurs décisions dépassaient leur degré d’autorité locale (Ishida, 2006). Notamment, certaines autorités locales rédigèrent des “manuels de développement” ( kaihatsu shido yoko ) qui avaient pour but de renforcer les lois nationales. Ces manuels relevèrent plus d’un conseil administratif ( gyosei shido ) que d’un argument d’autorité. Le soucis résidait dans le fait que les développeurs étaient obligés d’installer un minimum d’infrastructure uniquement dans le cas où le projet dépassait 1000 m 2 de surface. Ce principe poussa à les constructions se développant petit à petit afin de contourner cette règle. En conséquence, des municipalités mirent la pression sur les constructeurs par ces manuels et en les menaçant de ne pas leur fournir certains services comme l’accès à l’eau. En réponse à ces querelles, le gouvernement Nakasone13 mit tout en place pour en finir avec ces manuels, démontrant une volonté d’omnipotence toujours présente de la part du gouvernement central (Sorensen, 2006). Allant à l’encontre de la trajectoire prise par les autorités municipales, le gouvernement Nakasone promut une politique de dérégulation, de privatisation et de 13

Yasuhiro Nakasone: Premier Ministre japonais de 1982 à 1987.

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retranchement fiscal, opérant un changement de paradigme dans la politique urbaine. Le but ultime de cette dérégulation était de rendre Tokyo économiquement compétitive en tant que World City. L’une des premières mesures de ce gouvernement mené par les membres du Liberal Democratic Party fut de changer toutes les zones exclusivement résidentielles de type 1 en zones exclusivement résidentielles de type 2, ce deuxième type de zone permettant de construire des bâtiments de grande hauteur contrairement au premier type. En 1983, le Ministère de la Construction poussa les municipalités à relâcher leurs règles afin de transformer des zones résidentielles en zones commerciales et ainsi de suite. Heureusement, la plupart des localités résistèrent pour ne pas transformer les zones résidentielles de type 1, mais la dérégulation eut malgré tout un impact important sur le redéveloppement du centre de Tokyo. La règle qui eut le plus de retombée est celle qui octroie un bonus aux bâtiments libérant de l’espace public au sol. Ces bâtiments purent alors dépasser largement les limites de hauteurs prescrites (Sorensen, 2005a). Alors que le Japon avait connu presque 30 ans de miracle économique, le mouvement de dérégulation prit fin à l’aube de l'explosion de la bulle spéculative à cause de la pression publique qui ne supportait plus l’inflation des prix des terrains. La résultante fut la promulgation de la Basic Land Law en 1989 déclarant: ‘‘First, public welfare should be given priority over private profit in the ownership and use of land. Second, land should be used in a proper and orderly fashion. Third, land should not be an object of speculation. Fourth, landowners should return a part of their profits to the public through imposition’’ (Oizumi, 1994, p.210). Les années 1990, tristement appelées Lost Decade ( Ushinawareta Junen ), furent une période de stagnation économique. Le gouvernement tenta de relancer l’économie en octroyant de subventions conséquentes aux banques et en investissant massivement dans l’industrie de la construction (Sorensen, 2005a). La même année que l’édiction de la Basic Land Law , l’Etat investit 630 milliards de yens pour des travaux d’infrastructures. En 1995, ces dépenses atteignirent 80% de l’investissement public. Le gouvernement inscrit dans une politique néo­libérale continua d’agir en tant qu'Etat bâtisseur ( doken kokka ) avec pour quête éternelle, la stabilisation économique au dépit du bien­être public (Hein & Pelletier, 2006, p.168). Bien que la dérégulation et le pouvoir du gouvernement central continuassent d’opérer, la Loi sur la Planification Urbaine ( shin toshi keikaku ) subit un amendement en 35


1992 qui institutionnalisa officiellement la consultati on publique pour l’élaboration de master plan à l’échelle municipale (Sorensen, 2006; Watanabe, 2006). Malgré tout, des citoyens ne furent pas satisfaits de la collaboration avec les municipalités et décidèrent de produire des master plans shimin­ban , c’est­à­dire entièrement élaborés par leurs soins. Le premier cas est celui des habitants de Komae (1994), municipalité indépendante au sud de Setagaya ku . Ils établirent un rapport nommé « La communauté où les habitants jouent en Harmonie » ( sumi hito no kyomei suru machi ). Après deux ans de travail, le groupe composé de 20 à 40 membres proposa un dossier conséquent, plus intelligible pour la population que ceux issus de la municipalité. Malheureusement, il eut un faible impact sur les plans futurs (Watanabe, 2006). Quoi qu’il en soit, l’ amendement de 1992 est principalement notoire pour le processus qui a amené à son élaboration. A l’aide d’urbanistes, d’avocats, d’académiciens et autres spécialistes, l’Opposition14, composée du parti socialiste ( shakai­to ) et du parti social démocrate ( shakai minshu rengo ), proposa un amendement offrant plus de pouvoir aux municipalités et exigeant surtout leur aval pour l’implantation d’un projet issu de juridictions supérieures. Le Tokyo Metropolitan Government agit en faveur de cette demande mais le Ministère de la Construction eut une attitude rétrograde, attestant que seul le gouvernement national avait le droit de prendre une telle décision. C ela démontre l’éternelle difficulté des autorités locales à jouir d’un certain degré de liberté et d’autorité. Elles ne disposent pas des outils législatifs nécessaires pour faire pleinement appliquer certaines de leurs volontés (Ishida, 2006). Une dernière loi essentielle apparut à la veille du 21 e siècle. Elle offrit la possibilité d’obtenir un statut aux petites organisations indépendantes. Yoshinori Yamaoka, Directeur général du Japan NPO15 Center , indique qu’avant la “Loi pour la promotion d’activités sans but lucratif spécifiées” ( NPO Law ) écrite en 1998, il était difficile d’obtenir un statut légal pour les organisations volontaires car la législation était trop rigide. Une organisation sans but lucratif diffère d’une agence administrative qui est subventionnée par les taxes et est supposée proposer un service social équitable pour tous. Elle diffère aussi d’une compagnie privée dont les intérêts sont financiers.

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Partis politiques autres que le L iberal Democratic Party Non­Profit Organization

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Il existe 12 catégories éligibles pour obtenir le statut de NPO dont celle qui suscite notre intérêt ici est la catégorie de “développement communautaire”. Cette loi permet d’entrevoir une avancée vers une réelle société civile japonaise, régie depuis l’ère Meiji par le gouvernement et le sociétés privées. Dès lors, à partir de 1998, on distingue trois types de machizukuri : coopté au gouvernement, sous forme de NPO ou indépendant (Yamaoka, s.d.). 1.1.8 21 e siècle: Tokyo victime de son statut de capitale Sept années après le dernier amendement de 1992, deux nouvelles révisions de la City Planning law firent leur apparition en 1999 et 2000 (Sorensen, 2002). Cette réforme est l’une des plus importantes depuis 1968. Elle porte sur la structure administrative et fit passer les autorités municipales “d’administration déléguée de l’agence” (agency­delegated administration ou kikan inin jimu) à un statut d’autonomie locale (jichi jimu). Théoriquement avant cet amendement, les préfectures avaient besoin de l’approbation du gouvernement central et les municipalités de celle des préfectures pour pouvoir prendre quelque décision que ce soit. Dans le texte officiel, les agences inférieures entretenaient un rapport de “participation” avec leurs homologues supérieurs. Suite à la réforme, ce rapport est redéfini pour devenir une “coopération” ( taito kyoryoku ) (Schmidt, 2009). Dans la réalité, ce passage à un rapport d’égalité n’est pas total. Par exemple dans les cas de projet de planification jugés d’importance nationale ( kuni no rigai ), le gouvernement central possède un droit de veto sur les décisions et les éventuels changements à effectuer. De plus, cette décentralisation signifie que le gouvernement central ne se porte plus responsable de la question environnementale et des équipements à fournir pour un confort de vie minimum à atteindre dans les quartiers. Dès lors, les localités doivent supporter des coûts qui dépassent leurs revenus. Ce système les rend encore plus dépendantes financièrement vis­à­vis du gouvernement central. La situation est pire concernant les municipalités de Tokyo qui jouissent d’un statut particulier les mettant à la merci du Tokyo Metropolitan Government; si celles­ci vont à l’encontre des volontés du Tokyo Metropolitan Government, elles peuvent craindre de ne pas recevoir assez de subsides. Au sujet de la planification, l’amendement de 2000 établit un “système de suggestions” ( mochide seido ) qui permet aux habitants du quartier, aux “particuliers intéressés” et aux gouvernements locaux de déposer leurs idées ou remarques concernant des projets urbains directement aux autorités dirigeantes. Cela marque un avancement, bien que 37


petit, vers une prise d’autonomie des citoyens et des gouvernements locaux. Néanmoins, il n’y à ce jour pas de mécanisme formel pour que ces initiatives soient directement intégrées aux plans. L’idéal serait que les localités puissent établir et légiférer leurs propres injonctions, ce qui est une tâche longue et difficile. Elles possèdent tout de même un certain pouvoir légal de décision mais toute injonction émanant des localités se doit de rester dans le cadre légal, établi par le gouvernement central (Ishida, 2006). En 2002, le gouvernement du premier ministre Koizumi Junichiro (2001­2006) institua un “Acte de Régénération Urbaine Spéciale” ( toshi saisei ho ). Ce dernier marque un pas en arrière car il promeut la dérégulation des prises de décisions unilatérales issues du pouvoir central au nom du redressement économique (Sorensen, 2006). En effet, un bureau désigné expressément pour la gestion de la régénération urbaine fut créé au sein du Cabinet National. Celui­ci a le pouvoir de désigner des zones où des dérégulations sur les hauteurs de bâtiments et des bonus peuvent être octroyés concernant le rapport entre la surface totale du projet et la surface au sol. Ils s’appliquent dans le cas où des espaces publics sont créés par les développeurs privés. Bien entendu, ce type de décisions profite directement aux grands investisseurs désirant construire des projets de redéveloppement à grande échelle avec comme argument principal que Tokyo s’en passer si elle désire rester compétitive avec des villes telles que Singapour, Shanghai ou Hong­Kong (Sorensen, 2005a). Le gouverneur de Tokyo, Ishihara Shintaro (1999­2012) a aussi agi au profit de cette dérégulation qui tente de compenser les pertes de la bulle économique des années 1980. Pour ce faire, il réduisit le budget alloué à la construction d’équipements publics (logements publics, etc.) et le nombre d’employés dans les gouvernements locaux (Hein & Pelletier, 2006). La réduction d’employés fait écho à la réduction sans égal de municipalités à travers le Japon, dont le chiffre passe d’environ 70.000 durant Edo à 1.719 en 2013. Le but de cette centralisation est l’efficacité administrative et la réduction du déficit budgétaire national (67 trillions de yens en 1990 contre 170 trillions en 2000). Selon Atsushi Miyawaki, professeur en droit public à l’Université d’Hokkaidō qui a travaillé entre 2007 et 2009 comme fonctionnaire chargé de la décentralisation, cette centralisation territoriale a atteint ses limites. De plus, les zones de juridiction des villes s'agrandissant, elles ne parviennent plus à dispenser des services publics efficaces (Durand, 2015). D’ailleurs, selon Alain Schebath, le secteur commercial et le gouvernement central promeuvent une politique d’aide minimum et invitent les localités à faire de même (Schebath, 2006). En parallèle à cette pression, ces localités disposent de plus 38


en plus de pouvoirs, donc de responsabilités, et d’une population vieillissante qui est très coûteuse. Malheureusement, cette décentralisation politique est bien souvent un outil utilisé en tant de crise afin de récolter des voies surtout auprès des électeurs en dehors de Tokyo (Hein & Pelletier, 2006).

A Tokyo, malgré l’élection et la réélection de Ishihara Shintaro qui montre une

montée de la droite radicale, les mouvements citoyens et les associations populaires indépendantes gagnent du terrain ( ibid. 2006; Ishida, 2006). Cette pléthore d’informations dépeint un tableau mitigé quant aux motivations, aux moyens et aux résultats actuels de la décentralisation du pouvoir de planification et de l’implication des citoyens. La situation semble aller de l’avant mais il est certain que les autorités locales doivent encore disposer d’un plus grand pouvoir décisionnel (Ishida, 2006). Ensuite, une réorganisation financière est nécessaire pour faire intervenir la population dans sa gestion afin qu’elle puisse décider dans quels services publics doit être injecté l’argent (Schebath, 2006). Finalement, il faut rendre les citoyens plus informés (Sorensen, 2006; Watanabe, 2006).

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1.

Chapitre 2 : Globalisation

1.2.1 Globalisation et participation Tokyo est une ville qui ne cesse d’assister à une accélération de ses flux de capitaux, de personnes et d’informations qui l’inscrivent de facto dans le mécanisme de la globalisation (Muminović, Radović, & Almazan, 2013). Tout d’abord, la multiplication des sources d’informations et des moyens de communication qui sont les fondements d’un nouveau modèle sociétal appelé “société de l’information”. Cette “société de l’information” appelle à un changement de paradigme dans le partage des savoirs qui remettent en cause la hiérarchie établie, plus qu’importante dans un pays comme le Japon (Echanove, 2014). Ce phénomène date de l’avènement des téléphones mobiles et de l’internet dans le courant des années 1990 qui permettent d'espérer un processus naturel de décentralisation et de déstratification du système (Grulois, s.d.). Ces nouveaux moyens de communication permettent en outre de connecter deux villages éloignés. Il est prouvé statistiquement que les localités travaillent plus entre­elles qu’avec Tokyo (Ryu, 2000). Il est possible d’aller plus loin car le partage d’informations a aussi permis de partager des problèmes locaux à une échelle globale comme le cas de Shimokitazawa. Dans ce cas­ci, la propagation d’informations est le résultat d’une frustration de la part des habitants du quartier qui ne se sentent pas écoutés par les autorités. Bien que la situation à Shimokitazawa soit unique, elle trouve écho dans des projets de redéveloppement ailleurs dans le monde. Dès lors, des acteurs externes du monde entier ont investi la question et ont tenté d’apporter des solutions dans le cadre d’un combat plus global: la participation et “l’inclusion”. Comme le démontre le chapitre précédent sur la décentralisation, les gouvernements japonais et plus particulièrement ceux des municipalités ont maintenant l’obligation d’inscrire les audiences et commentaires publics dans les projets urbanistiques. En réalité, les avis ne sont pris qu’à titre consultatif et n’influencent aucunement les décisions mais cela permet néanmoins de légitimer leurs décisions. Ce principe est défini par Vodoz, Thévoz et Pfister Giauque (2006) par le terme de “ participulation ” (Echanove, 2014). Le sixième objectif du Bureau of Urban Development du Tokyo Metropolitan Government est le suivant: “ Obtain and coordinate the participation of a variety of entities, including residents, municipalities, 40


corporations, and nonprofit organizations ”, il est clair que cet objectif est bien secondaire comparé au premier: “ Maintain and develop urban dynamism that is internationally competitive ” (B ureau of Urban Development , 2016). 1.2.2 Globalisation et placelessness La société contemporaine peut être caractérisée par une tendance particulière qui est le “désenchantement du monde”. Weber attribue ces transformations aux changements de mentalité de chaque individu vers la rationalité. Notre société post­industrielle a tendance à perdre les croyances et les valeurs traditionnelles, et opte pour un comportement et une mentalité tournés vers des objectifs d’efficacité. Cette rationalisation et intellectualisation fait perdre les valeurs et le sens de la société (Weber, 1948). Ce phénomène dépasse les politiques internes de décentralisation du pouvoir décisionnel de planification au Japon. Il se traduit entre autre par les flux de capitaux à l’échelle mondiale et ont des conséquences directes sur la structure et l’architecture d’une ville globale comme Tokyo, et plus profondément sur l'identité culturelle de celle­ci (Muminović et al., 2013). L’ensemble de ces flux a pour corollaire l'homogénéisation et en contre­coup, un nouveau besoin d’identité ancrée localement ( sense of place ) dans la continuité d’un héritage historique, social et culturel (Massey, D., 1991). Cela converge vers le prisme de “l’ urban placelessness ” et de l’aliénation que vivent notre société et nos villes (Soja, 2000). Dans le texte “ On Innovative Practices Which Contribute to Preservation of the Place Identity: The Example of Yanesen ”, Muminović, Radović, etAlmazan (2013) définissent le terme placelessness comme étant la tendance des paysages à se ressembler sous la pression des médias de masses, des sociétés privés et des autorités centrales guidés par un système économique particulier (Relph, 1986). Il est aussi compris comme une conséquence d’un mode de vie contemporain n’ayant pas de racines dans un lieu précis et qui donc perd deson sens (Arefi, 1999). Dernièrement, il s’apparente à la standardisation de l’espace urbain engagé dans le consumérisme (Jacobs & Appleyard, 1987). Dans la lignée de ce paradigme, le sentiment d’appartenance à un groupe et un endroit est mis en difficulté à cause d’un monde interconnecté et en changement perpétuel 41


( Robinson, Picard & Long, 2004). Ce principe est une forme d’américanisation comprise par Bosman comme l'aménagement urbain dirigé par des sociétés globales et composites et une manifestation du néolibéralisme. Ces lieux américanisés se définissent par une tension entre l’identité culturelle particulière du lieu et les identités produites par le nouvel aménagement selon des mécanismes physiques, sociaux, financiers et temporels (Bosman, 2007). John Clammer dans “ Contemporary urban Japan, a sociology of consumption ” avance que consommer procure dans une certaine limite, un substitut au sentiment d’appartenance: un sense of place . Les consommateurs forment une sorte de “communauté imaginaire”, un sentiment d’identité émerge de manière naturelle nécessitant moins d’efforts que de participer à des événements trop peu fréquent comme les matsuri . Il reprend Sahlins (1976) qui défend que les biens de consommation ont un rôle de totem. Cela induit un mode de vie qui est de plus en plus défini par les choses plus que par des convictions (Clammer, 1997). Au Japon, la création et la maintien de la culture urbaine a des racines profondes basées sur un mode de vie commercial (Nakamura, 1993). De nos jours, on y trouve de grands centres commerciaux et des banlieues homogénéisées avec peu de parcs et de facilités publiques en dehors de celles créées par le privé. On pourrait même avancer l’idée du Japon comme un un pays où culture et capitalisme se mêlent, ne trouve­t­on pas les meilleures galeries d’art dans des mall qui appartiennent à des grandes compagnies privées (Clammer, 1997) ? Cependant, il semblerait qu’aujourd’hui il y ait “un certain désenchantement à l’égard des gratte­ciels du style de ceux de manhattan” (Shinozuka, 1994, p.458). Ce désenchantement serait la conséquence des années 1980 et de la “décennie perdue” qui suivit. Cette période de désillusion fit réaliser à un certain nombre de concitoyens nippons que le travail et l’argent dans un but de pure consommation ne rend pas heureux (Yumi Sato, communication personnelle, 8 Juillet 2017). Kenji Shimodaira, habitant de Shimokitazawa et président de l’association “ Save the Shimokitazawa ”, avance: “ At that time people were thinking that they didn't need a community because there was money but now, economy is not so good and people can't live alone. ” (K enji Shimodaira, Annexe 5) . En d’autres termes, les habitants de Tokyo se retrouvent déboussolés et à la recherche d’une identité communautaire dans un contexte où les villes tendent à s’homogénéiser et à devenir des noeuds faisant parties d’un réseau de villes (Van Es & Reijnders, 2016) perdant peu à peu leur sens et leur identité. Comme dans le cas de Shimokitazawa, cette perte 42


d’identité est accentuée par d’importants changements physiques (Muminović et al., 2013) , comme des projets de redéveloppements. Bosman a établi une liste de critères faisant émerger des relations communautaires dont l’un d’eux est “le regroupement de personnes lors d’une menace de changement” (Bosman, 2007, p.312), phénomène démontré à Shimokitazawa à travers la menace de la construction d’une route traversant le quartier. Cependant, selon la “théorie de l’assemblage”, un transformation spatiale opérant une changement d’identité d’un lieu n’implique pas nécessairement sa perte. Cette théorie définit l’identité d’un lieu en sortant de sa conception statique pour mettre l’accent sur son caractère complexe et changeant. L’identité est donc, selon les définitions de Dovey (2010) et Delanda (2002), un principe qui se définit progressivement par l’assemblage de parties en perpétuel changement (Muminović et al., 2013). La cas d’étude présentera comment un quartier définit par une typologie spatiale ancienne voit les rapports sociaux de sa communauté évoluer face à des changements qui, à priori, semblent stériliser le terreau social.

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Partie 2 : Cas d’étude : Shimokitazawa Enjeux et Méthode Shimokitazawa est un quartier particulier de Tokyo qui semble avoir évolué hors du temps et des grands changements urbains. En outre, il représente aujourd’hui l’un des derniers bastions de contre­culture au sein de la capitale nippone. Ce quartier eut la chance d’éviter les bombardements d’après­guerre et de conserver sa structure faite de rues labyrinthiques. Malheureusement, un projet de redéveloppement dont les plans datent de 1946, menace ce lieu à l’atmosphère si particulière. En plus de ce projet, l’une des deux voies ferroviaires traversant le quartier en son centre a été enterrée, laissant un site vacant en surface de 2,2 kilomètres de long. C’est pourquoi un nouveau projet, qui est le fruit d’un travail plus ou moins collaboratif entre une association indépendante de quartier, le gouvernement local et la compagnie ferroviaire Odakyu, réhabilitera prochainement le terrain. C’est l’association citoyenne “Greenline Shimokitazawa” qui s’attèle à cette tâche depuis plusieurs années dans le but d’offrir un espace vert au coeur du quartier. Sa forme finale reste toujours inconnue mais il est certain qu’elle changera la structure et la dynamique du quartier, que ce soit de manière positive ou négative. Shimokitazawa se caractérise par des liens communautaires établis, à l’image de cités rêvées par certains urbanistes modernes, et des racines culturelles profondes (Kobayashi, 2015a). Lorsque je voulus m’informer au sujet de Shimokitazawa, j’ai été rapidement confronté à deux soucis. Tout d’abord, la grande majorité des recherches académiques, journaux, sites gouvernementaux et plans sont rédigés en japonais, une langue que je ne maîtrise pas et dont la traduction à l’aide d’outils informatiques est approximative. Ensuite, la littérature anglophone concernant Shimokitazawa n’est pas abondante. En effet, elle se limite à quelques articles académiques et un ouvrage écrit par Masami Kobayashi et Yurika Takashi, DNA of Shimokitazawa . Ce dernier fut édité par “Greenline Shimokitazawa”, une association dont font partie les deux auteurs cités ci­dessus, tous deux architectes­urbanistes. Cependant, les événements décrits dans DNA of Shimokitazawa s’arrêtent en février 2015. J’ai tenu à investiguer sur ce qui s’était passé après cette date­là. 44


Pour cette raison, je suis parti dix jours à Tokyo en juillet 2017 à la rencontre de divers acteurs. Certains sont nés à Shimokitazawa, d’autres s’y sont installés plus tard; certains sont de simples habitants, d’autres sont proches du gouvernement ou encore urbanistes. Toutes leurs histoires, leurs avis et leurs connaissances m’ont offert l’opportunité de clarifier la situation et de saisir les enjeux passés et futurs de ce microcosme à quelques encablures de Shibuya. Leurs témoignages, collectés en anglais, ne sont pas traduits dans le cas d’étude suivant dans le but de rester le plus fidèle possible à leurs propos. De plus, ils sont directement intégrés au corps de texte dans le but de faire dialoguer les différents interlocuteurs à travers mon analyse. Dernièrement, je souhaiterais ajouter que j’attache un intérêt particulier concernant le sujet car j’ai eu la chance d’habiter à Shimokitazawa durant un an, en 2016, période pendant laquelle j’étudiai à l’Université de Keio à Tokyo dans le cadre d’un échange universitaire. Cette année m’a permis de vivre pleinement ce lieu unique, noyé au milieu du tissu urbain tokyoïte, dont l’atmosphère est plus proche de celle d’un village que d’une mégalopole de 30 millions d’habitants.

Doc. 8: La S outh Exit Street marquée par l’abondance d’échoppes et son piétonnier. Source: donnée personnelle.

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Chapitre 1: Mise en contexte 2.1.1 Situation générale Shimokitazawa fait partie de la municipalité de Setagaya à Tokyo. En réalité, Kitazawa 2 chome est le nom officiel de Shimokitazawa, communément appelé de cette manière à cause de la station de train du même nom, desservie par les lignes Odakyu et Keio Inokashira. On y trouve des bâtiments résidentiels et semi­résidentiels de faible hauteur qui semblent bien loin des centres modernes de Shinjuku et Shibuya. Les deux lignes de trains présentes permettent d’atteindre ces stations en moins de dix minutes, situées respectivement à seulement 3 et 4 km. Cet emplacement lui confère une importance particulière aux yeux du gouvernement qui y projette une vision éloignée de son image actuelle mêlant lieu de rencontre, de flânerie ou de bohèmes. La station de Shimokitazawa, qui voit passer l’équivalent de 130 000 passagers par jour, sert à une population d’environ 20 000 personnes, résidents de Kitazawa 2 chome et ses environs ( Kitazawa 1­3 chome , Daizawa 2­5 chome et Daita 5­6 chome ). Les deux lignes divisent la zone en quatre. La partie nord est principalement consacrée aux magasins de mode et à la musique, l’est au monde du théâtre, le sud au restaurants et aux bars, et l’ouest aux logements (Masami Kobayashi, Annexe 6).

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Doc. 9: Carte générale de la métropole de Tokyo. Source: production personnelle sur base de données du Tokyo Metropolitan Government.

2.1.2 Histoire de Shimokitazawa 2.1.2.1 Prémices Les premières traces officielles de Shimokitazawa datent de 1649 et l’identifient comme village agricole (Doc.9). La rivière Kitazawa, recouverte seulement en 1971, coupait le village en deux du Nord au Sud (Hattori, 2012). 2.1.2.2 L’avènement d’une communauté 2.1.2.2.1 De l’agriculture à la culture Avant l’arrivée de la première ligne de train de la compagnie ferroviaire Odakyu en 1927 permettant de se rendre à Shinjuku (Doc.10), l’activité de Shimokitazawa resta essentiellement agricole. En 1933, après cette première connection, la ligne Inokashira fut inaugurée (Doc.10) et permit d’atteindre rapidement Shibuya. Seulement dix ans plus tôt, le séisme de Kanto avait frappé l’est du pays, déclanchant un exode vers les zones encore peu 47


urbanisées situées à l’ouest de Tokyo16. La population passa de 13, 054 en 1920 à 73, 310 en 1930 dans la zone de Setagaya­Mura, qui était la municipalité dont faisait partie Shimokitazawa17. Cette explosion démographique fut plus rapide que la construction des routes et amorça la transformation du quartier de zone agricole à zone résidentielle. C’est de là que le quartier tire sa structure organique dont les principaux tracés des routes datent de l’époque à laquelle le village était agricole (i bid. , 2012). Les années 1930 marquèrent la genèse de la scène culturelle de Shimokitazawa. Durant cette décennie, des poètes, des écrivains et des peintres s’installèrent dans cette zone en pleine émergence. En 1939, “L’Association des marchands de Tokyo Kitzawa” fut créée. Ce fut la troisième association de ce type à Tokyo. Un sentiment de communauté se créa à travers cette association qui offrait même une éducation gratuite aux commerçants sympathisants (Takahashi, 2015).

Doc.9: Shimokitazawa avant l’arrivée des transports Doc.10: Shimokitazawa en 1929 et la ligne Odakyu (bleu). ferroviaires (1888) L’urbanisation y est encore modérée. Source: Kobayashi, s.d. Source: K obayashi, s.d.

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voir aussi S orensen, 2001b, p.12 voir aussi Aveline, 2010

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Doc.11: Shimokitazawa 1939. Les deux lignes sont Doc.12: Shimokitazawa en 1955. Tous les terrains sont construites et presque l’ensemble de la zone est urbanisée. finalement construits. Source: Kobayashi, s.d. Source: K obayashi, s.d.

2.1.2.2.2 D’une niche de poètes à un lieu d’amusement Shimokitazawa eut la chance de ne pas être bombardée lors de la Seconde Guerre Mondiale et put conserver sa structure originale (Doc.13.) Épargnée, Kitazawa 2 chome devint un lieu où l’on venait faire ses courses au marché noir pendant les temps difficiles de l’après­guerre. Ce marché historique se réduit drastiquement depuis 1980 mais existe toujours et se trouve aujourd’hui face à la station, côté nord. Malheureusement, il sera détruit aux environs de la fin de l’été 2017 (Doc.14a­14b).

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Doc.14a : Les vestiges du marché noir devenu le Front Station Market ( Ekimae Shokuhin Ichiba), Juillet 2016 . En avant plan le restaurant de yakitori 下北てっちゃん (Shimokita Techan). Source: Donnée personnelle.

Doc.14b: Le restaurant de yakitori 下北てっちゃん (Shimokita Techan) en avant plan sur le Doc.12a est aujourd’hui fermé et relocalisé dans la partie sud de Shimokitazawa dans un bâtiment conçu par Kengo Kuma. Source: Donnée personnelle.

Shimokitazawa se développa autour de sa station et resta majoritairement pédestre. Ce fut rendu possible car contrairement à l’Europe ou aux Etats­Unis, peu de citoyens possédaient une voiture avant le début des années 1960 (Hattori, 2012). Fin des années 1950, des live houses de jazz (Doc.15a­15b) et un red­district apparurent, mais le rock et les jeunes vinrent rapidement occuper les lieux fin des années 1960. En effet, suite aux altercations à Shinjuku en 1968 entre la jeunesse révoltée et les autorités, les jeunes se rendirent dans les quartiers de Koenji et Asagaya, puis petit à petit à Shimokitazawa. L'événement le plus marquant qui affirma la transformation du quartier en lieu de musique, et de culture en général, fut le festival “ Shimokitazawa Ongakusai ” qui rassembla 4000 personnes. Cette effervescence jeune et créatrice causa des tensions entre habitants et musiciens à cette époque. Malgré tout, la musique finira par s’intégrer comme un élément fondateur du quartier de Shimokitazawa. Malgré cette ambiance bohème qui ne cessa de grandir, le quartier n’échappa pas aux changements de consommation inhérents à la prospérité économique qui suivit la période difficile d’après­guerre. En 1972, un premier supermarché “Peacock” fit son apparition parmi les petites échoppes indépendantes. Durant cette même décennie, un premier building en structure béton à 4 étages fut construit, bien que ceux à deux étages restèrent majoritaires. Petit à petit, les habitations pour étudiants en pension complète firent place aux appartements bons m archés destinés aux jeunes (Takahashi, 2015). 50


Doc.15a: Jazz Cafe Masako en 1953 Source: Shimokitazawa Keizai Shimbun, s.d.

Doc.15b: Jazz Cafe Masako en 2009 dé initivement) Source: Shimokitazawa Keizai Shimbun s.d.

(fermé

2.1.2.3 Contre­culture et protestation En parallèle à la culture musicale,le théâtre se développa. Le théâtre “The Suzunari” ouvert par Kazuo Honda en 1981 est l’une des figures de proue de l’affirmation de ce mouvement. Malheureusement, ce lieu mythique sera l’un des premiers à être détruit si le projet de la Route 54 arrive à terme (Takahashi, 2015). En 1982, ce fut le théâtre “ Honda Gekijo ” (本多劇場) qui ouvrit ses portes (Hattori, 2012). Le bâtiment à appartements “ Shimokitazawa hai taun A­tō ( 下北沢ハイタウンA棟) adjencent au théâtre ‘Honda Gekijo” fut construit la même année. Il est manifeste de cette décennie car sa taille dépasse tout ce qui existait précédemment dans le quartier. Son exécution fut probablement rendu possible grâce aux politiques de régulation opérées par le gouvernement durant la croissance économique de 1980, tel que le gouvernement de Nakasone entre 1982 et 1987 (Sorensen, 2005a). (Doc.16)

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Doc.16: Un complexe d’appartements (12 étages) adjacent au théâtre “Honda Gekijo” Source: Kajyu Investment, s.d. http://www.kajyu­investment.jp/item/history/602/

Par la suite, ce furent les magasins de seconde main qui émergèrent. Dans les années 1970, des magazines de mode comme “Popeye” popularisèrent le mouvement en diffusant des photos du Front Station Market où se vendaient des fripes importées des Etats­Unis. Il y eu un point culminant dans les 1990 car beaucoup de musiques étrangères y étaient disponibles, et celles­ci allaient de pair avec certains styles vestimentaires. Le yen étant fort à cette époque, des jeunes se rendaient à l’étranger pour ramener des vêtements et des antiquités à Shimokitazawa. En raison de cette médiatisation, Shimokitazawa fut proclamé en lieu de ralliement de la nouvelle génération alternative. Aujourd’hui, les magasins de seconde main, aux styles si particuliers, sont remplacés par des magasins de prêt­à­porter pour femme, bien loin de l’aspect chaotique du passé. (Doc.17)

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Doc.17: Le “ Toyo Hyakatten Shimokita Garage Department ” est un mini­complexe qui offre des espaces pour boutiques indépendantes. Le projet a été mis en place par le fils du propriétaire du premier supermarché “Peacock” qui souhaitait conserver l’esprit de Shimokitazawa. Source: Donnée personnelle

Durant la bulle économique de 1980, la plupart des stations ferroviaires de Tokyo firent peau neuve. A shimokitazawa, un système de “voies doubles multiples” ( multiple double tracks) nécessitant de doubler les voies en surface de la ligne Odakyu ne fut pas reçu, provoquant la joie des habitants. (Doc.18­19)

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Doc.18 (Haut): Schéma présentant le système de Double Tracks en comparaison avec le système de Multiple Double Tracks . Source: Odakyu Electric Railway Company. Doc.19 (Gauche): Multiple Double Tracks sur la ligne Odakyu entre Kyodo et Chitose­Funabashi. La largeur du site ferroviaire est doublée dans chaque direction. Source: Odakyu Electric Railway Company.

Cela eut pour effet de retarder la construction de la ligne. C’est à cette période que le quartier gagna réellement en popularité pour son aspect unique issu du début de l’ère Showa (1926­1989) (Takahashi, 2015). L’un des fers de lance du combat contre l’implantation des “voies doubles multiples” à Shimokitazawa fut Kenji Shimodaira, orthodontiste de formation et actuel président de l’association “ Save the Shimokitazawa ”. J’ai eu la chance de l’interviewer dans le bar Never Never Land (Doc.20), ouvert en 1972 et dont il est le second propriétaire. Il m’y a expliqué comment il a commencé à défendre son quartier: “ My name is Kenji Shimodaira, I am 55 years old. I came from Nagano prefecture which used to be a

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winter olympic prefecture. When I was 18 years old I came in Tokyo as a student of dental college. I started living in Shimokitazawa 38 years ago. At that time many people knew that Shimokitazawa was a music neighborhood. I wanted to go there and play with them, it was my desire! But when I moved here, I was a poor student, I didn't have that much money. Sometimes I was coming to this bar, Never Never Land. When I was a high school student I was very good at Japanese che ss Shogi (将棋). So I used to come to this bar around 18­19 years old, in May 1980. When I came here, the customers were playing Shogi, but I was coming for rock music! (laughing). I was drinking beer, looking at the shogi and they asked me to play with them. But I was already a really strong player! Then, of course I was winning! They told me to come every night to play and they would treat me. That's how I started coming to this bar. I am the second owner, the founder is Mr. Matsuzaki. In my twenties, the Odakyu line and the government said that the Odakyu Line would go upstairs but there were many good bars that could not avoid destruction. Many musicians and myself took opposition for the Odakyu line to go upstairs, there were many bars on the land. They stopped it and 10 years later they started to it make underground (...). I fought for the Odakyu line not to be upstairs with a very small group, we won. But I came back and I had to fight again [, against the Road 54]. I made the group “Save the Shimokitazawa” (...). In fact, 40 years ago nobody knew about the situation. My friend Mishita Kinoshita is a member of Setagaya ward and he told me that very bad thing would happen. So we made a paper and spread it all over Shimokitazawa. But as usual, the government is very strong in Japan, there are always rules. We needed to think how to win. I asked many many musicians and many many people who have power in the media like very famous actors, commentators, designers, writers. All of them love Shimokitazawa, they spend their night here. They said: Yes! We will have to save Shimokitazawa! ” (Annexe 5 ) .

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Doc.20: Le bar Never Never Land , ouvert en 1972 par Mr. Yamazaki, que Kenji Shimodaira sauva de la fermeture en 2006 par amour pour ce lieu et ce qu’il représente pour Shimokitazawa (Hattori, Kim, & Machimura, 2015) Source: Donnée personnelle.

2.1.2.4 L’annonce officielle A l’aube du 21 e siècle, quelques bâtiments vinrent rompre avec l’harmonie qui règnait entre les bâtisses de faible hauteur du quartier. Le Ryowa Palace Shimokitazawa Station (菱 和パレス下北沢駅前) (Doc.21) et le Techno Plaza Shimokitazawa (テクノプラザ下北沢) (Doc.22), construits entre 2001 et 2002, sont tous deux pourvus de 10 étages. Cette hauteur est permise légalement grâce au recul de la façade par rapport à la route. Ce système, typiquement japonais, définit la hauteur d’un bâtiment selon la zone programmatique dans laquelle il se trouve, la largeur de la route et une diagonale tracée par rapport à celle­ci, et finalement l'ensoleillement18; la loi concernant l’ensoleillement datant de revendications citoyennes des années 1970 (Ishizuki & Ishida, 1988). Ces bâtiments marquèrent une rupture par leur gabarit mais aussi car ce sont des appartements de standing . Aujourd’hui, ils contrastent encore avec les izakaya19 en construction traditionnelle présents dans la même rue, pouvant accueillir moins de dix clients. 18

Les règles urbanistiques relatives à la hauteur des buildings sont détaillées et illustrées à la section “ 2.3.2.2 District Planning ”. 19 Restaurant traditionnel japonais.

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Doc.21 (en haut): Le Ryowa Palace Shimokitazawa Station offrant des appartements de standing similaire à Aoyama. Source: Livable, s.d. Doc.22 (à gauche): Un building offrant des commerces au rez­de­chaussée et des appartements aux étages supérieurs. Source: donnée personnelle.

Ces nouvelles constructions passèrent inaperçues à côté de l’annonce de janvier 2003 qui fit l’effet d’un électrochoc parmis les résidents: les autorités de la municipalité de Setagaya approuvèrent officiellement l’enterrement de la ligne ferroviaire Odakyu et remirent sur la table les discussions à propos de la construction de la route 54 ( City road ) et de la route 10 ( Ward road ). L’enterrement de la ligne n’est pas considéré comme un problème en soit mais ce qui pose question, c’est le gigantesque espace vide dégagé en surface. Par contre, la route 5420, la place en face de la station et le relâchement des hauteurs des bâtiments portent directement atteinte au coeur du quartier. Les décisions qui suivirent cette annonce furent prises à la hâte et sans la considération des avis des résidents et des experts (Kobayashi, 2015). En avril 2004, les autorités de Setagaya présentèrent l’esquisse du Plan de District ( The town development plan of Shimokitazawa station area). En janvier 2005, Setagaya ward présenta publiquement le plan conceptuel du Plan de District ( Schematic plan of the District Plan of Shimokitazawa

20

La Route 10 est moins sujette à débat comparée à la Route 54.

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station area ). En mai 2006, ce fut l’annonce des plans préliminaires du même plan ( District Plan draft ). Au vu de l’importance du projet qui déterminera l’identité future du quartier, il y eut à tort peu de réunions clarifiant la complexité du projet auprès des habitants concernés. Finalement, le 18 Octobre 2006, malgré une forte opposition, des milliers de signatures récoltées à travers des pétitions et des plans proposés au gouvernement par les citoyens, le projet du District Plan fut accepté par les autorités de Setagaya sans considération des avis contraires au projet. Le jour même, le permis de construire des “ Road 54 ” et “ Road 10 ” fut attribué aux autorités locales par le T okyo Metropolitan Government.

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2.

Chapitre 2 : Identité spatiale

Afin de comprendre les enjeux du projets de redéveloppement en cours, il est avant tout nécessaire de comprendre la structure même du quartier ainsi que les types de commerces qui définissent l’essence de Shimokitazawa aujourd’hui. 2.2.1 Zonage En guise de rappel, il existe différents types de zones d'utilisation des sols ayant une influence sur les programmes et la hauteur des bâtiments. En 1983, le Ministère de la Construction poussa les municipalités à relâcher ses règles afin de transformer des zones résidentielles en zones commerciales. (Sorensen, 2005a). La carte (Doc.23) suivante montre les zones programmatiques de Shimokitazawa, qui était à l'origine un quartier entièrement résidentiel: ● La zone communément appelée Shimokitazawa (officiellement Kitazawa 2 chome) est entièrement sujette au redéveloppement et possède différent zonages21 dont l’utilisation est dictée à l’origine par la City Planning Act de 1968, révisé en 1999 et 2000 (Sorensen, 2002). ○ La Category 1 exclusive low­rise residential zone accepte des logements de faible hauteur pouvant être pourvus d’une petite échoppe ou d’un bureau. On peut aussi y trouver des écoles. ○ La Category 1 mid/high rise oriented residential zone accepte des logements de hauteur moyenne à haute, ainsi que des hôpitaux et des universités. On peut y ouvrir certains types de magasins ayant une superficie jusqu’à 500 m2 . ○ La Category 1 residential zone vise à protéger les habitations. On peut y trouver des commerces, des bureaux et des hôtels a llant jusqu’à 3000 m 2 . ○ La Neighborhood commercial zone est dévouée aux commerces de proximité desservant le quartier. Les logements, les commerces et les petites manufactures y sont acceptés.

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City Planning Division, City and Regional Development Bureau, & Ministry of Land, Infrastructure and Transport, 2003.

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○ La Commercial zone accepte tous types de commerces (banques, cinémas, restaurants, centres commerciaux…) mais on peut aussi y trouver des logements et des petites manufactures.

Doc.23: Plan de zonage de Shimokitazawa. Source: City of Setagaya, s.d.

2.2.2 Typologie des rues La zone commerciale de la “sortie nord” de la station est caractérisée par une structure en grille qui s’est développée comme zone résidentielle durant l’ère Meiji (1868­1912) . Les rues possèdent quasiment toutes une largeur identique de 5 mètres et les bâtiments font en moyenne 4 à 5 étages. La zone commerciale de la “sortie sud” possède une pente qui lui confère une structure en échelle. En effet, la rue commerçante principale (majoritairement piétonne) et la Chazawa street (principalement automobile) forment une structure en échelle car elles sont reliées perpendiculairement par des petites allées. Les bâtiments y font quatre à cinq étages.

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Les zones résidentielles au nord et au sud ouest sont traversées par des rues de quatre mètres de large maximum. On y trouve très peu de trafic et de la verdure disposée par les résidents. La plupart des h abitations ne font que deux étages et sont en structure bois.

Doc.24: Utilisation détaillée des sols et typologie des routes de Shimokitazawa. Source: Kobayashi, s.d.

2.2.3 Fréquentation et convivialité Les cartes suivantes recensent l’activité par heure de toutes les rues commerçantes du quartier (Doc.25). On constate que celles qui présentent les flux les plus importants sont exclusivement piétonnes ou peu motorisées. Ces dernières voient en moyenne 200 personnes par heure pratiquer des activités dites “conviviales” (Dionisio De Jesus, M­R., 2013.) Si l’on compare le tracé de la Route 54 et de la place du Doc.23, avec les zones où les activités sont les plus importantes du Doc.25, on s’aperçoit que ceux­ci concordent. Dès, lors, quelles seraient les conséquences d’un tel projet en plein coeur du quartier?

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Doc.25: Activités des rues de Shimokitazawa. Source: Dionisio De Jesus, 2013.

2.2.4 Ambiances Cette section vise à rendre l’ambiance hétéroclite manifeste de Shimokitazawa à travers une série de photos. Celles­ci mettent en exergue le caractère étriqué des rues et l’ambiance traditionnelle qui y règne. Cette atmosphère subsiste grâce aux shops indépendants de petite superficie, en d’autres termes, les magasins, les bars ou encore les restaurants dont l’aspect reflète la personnalité du propriétaire, pour paraphraser Yurika Takahashi (2015), co­auteure du livre D NA of Shimokitazawa.

Doc.26: Le dernier bar du Front Station Market qui compte les Doc.27: Le dernier magasin du Front Station Market qui n’ouvre plus que quelques après­midi par semaine. jours avant sa fermeture définitive. Source: donnée personnelle. Source: donnée personnelle.

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Doc.28: Une rue étroite au nord de la station caractérisée par les Doc.29: La “ L­shaped street ” au nord de la station. Le recul du bâti offre un espace de convivialité à l’ombre du soleil. produits et pancartes en bord de route. Source: donnée personnelle. Source: donnée personnelle.

A Shimokitazawa, il subsiste encore d’anciens commerces. Cependant, le quartier est en mutation et voit de nouveaux types de commerces apparaître depuis un peu plus d’une dizaine d’années. Effectivement, on trouve de plus en plus de lieux mêlant culture et petite restauration, principalement des cafés. L’une des raisons de ce changement, selon Kenji Shimodaira, est la saturation du nombre de restaurants et de bars, combinée à une jeunesse à la recherche de lieux offrant autre chose que des boissons alcoolisées: “ In Japan, maybe 15% people don't drink alcohol but they still want to go somewhere. They want coffee and talk but also music even though they don't drink alcohol. Actually, many cafés in Shimokita are alive and about the new bars that are opening, 60% will close after 6 months because there are too many bars in Shimokitazawa already. Cafés are not making big money but they are still alive. ”. Il m’expliqua que ce n’est pas l’unique raison: “Also because in Shimokitazawa there is no big company around. If you go to Shimbashi or Shinjuku, it's full of big companies. After work they go eat or drink something around. It takes way more effort to decide to come to Shimokitazawa after work than just stay in the neighborhood where your work. You have to take the train, stop here, etc. It's tough for them. Anyway, there are too many bars for the amount of people coming for it.(...)Myself, the business is not good at Never Never Land but this atmosphere, live music, community is more important. I also produce rock artists and organize events but I'm making money as an orthodontist. It's a way to make culture alive” (Annexe 5) .

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Doc.30: Un petit magasin de proximité “à l’ancienne” au nord de Doc.31: Une échoppe traditionnelle offrant des biens de bricolages et autres. Sa devanture contribue à l’aspect chaotique la station. du quartier. Source: donnée personnelle. Source: donnée personnelle.

Parmi les lieux incorporant de la culture à leur commerce, on trouve des co­working cafés et plus singulièrement un café, nommé “ Darwin Room” (Doc.33). Il se définit comme un liberal arts lab visant à cultiver un esprit libre à travers la science et les arts (Takahashi, 2015). Par chance, le propriétaire est un ami de Shimodaira san , qui put m’expliquer comment il vit le jour: “M ister Shimizu is the founder and her daughter is holding the shop. So, Mister Shimizu loves sciences and Darwin. He told me that many people don't care about science nowadays. In the past, he ran a good company and retired. Because he made good money, he wanted to open this shop even though he wouldn't make good money with the shop of course” (Annexe 5) . Ce lieu reflète parfaitement la volonté des habitants attachés à Shimokitazawa de conserver la culture comme fondement. A une échelle plus large, il représente un changement de paradigme que vit la société japonaise maintenant. En plus d’être un lieu “conscient”, le “Darwin Room” est tenu par une femme. Malgré le fait que le Japon soit un pays à la pointe concernant de nombreux sujets, la gente féminine tarde à être considérée de manière égale aux hommes. Heureusement, les femmes trouvent de plus en plus leur place dans la société active et véhiculent de manière plus répandue une image entreprenante, cultivée et autonome; cette réalité est soutenue par Carolina Hein dans “ Cities, autonomy, and decentralization in Japan” (2006, p.177).

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Doc.32: Un café de nouvelle génération. Le recul et la netteté contrastent avec les boutiques plus anciennes Source: donnée personnelle.

Doc.33: Le fameux “Darwin Room” dédié aux sciences et aux arts. Source: donnée personnelle.

D’autres types de lieux aux allures plus soignées que les enseignes des années 1980 ouvrent aussi leurs portes. C’est le cas de Shimokitazawa Cage (Doc.34­35) , un bar­restaurant offrant un espace extérieur généreux, ce qui est très peu commun à Tokyo et au Japon en général; qui un espace privé et dans lequella consommation et les horaires y sont régulés. Loin de de la typologie traditionnelle des lieux sociaux japonais, Shimokitazawa Cage est malgré tout accueilli sans jugement, du moins selon l’avis des protagonistes que j’ai pu interviewer. Tomomi Sekihashi, éditrice de l’ouvrage DNA of Shimokitazawa et membre active depuis 5 ans de l’association “Greenline Shimokitazawa”, me dit sans hésitation: “I think it's kind of a continuity, a transformation” (Annexe 1) . Ses propos sont dans la même lignée que ceux de Yumi Sato, membre d’un groupe qui promeut la végétation dans le quartier. Elle appuya par ailleurs l’importance de la culture et de la petite échelle dans le quartier: “Yes! It's changed. I like Shimokitazawa because it's very cultural and chaotic. We want to enjoy this town and in a more cultural way. You know I went to Mission area in San Francisco, a place with many murals, very beautiful.... I think Shimokitazawa is very cultural and children are very important too. Here the streets are very narrow, so it's a good playground…” ( Annexe 3) . En d’autres termes, l’identité de Shimokitazawa est plurale mais se doit d’être conservée entre autres par son dédale de rues et de bâtiments à échelle humaine (Takahashi, 2015).

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Doc.34: L’espace “Shimokitazawa Cage” offrant un espace peu Doc.35: Les soirs d’été, “Shimokitazawa Cage” s’anime jusqu’à commun au Japon. l’heure de fermeture (23H00). Source: donnée personnelle. Source: donnée personnelle.

2.2.5 Une structure qui pose problème Shimokitazawa présente des particularités ressenties comme des problèmes aux yeux des autorités et d’une minorité de la population locale. Cela nécessite, selon eux, des interventions sur la structure du quartier. Tout d’abord, la ligne Odakyu sépare le quartier en deux. De surcroît, la fréquence du trafic ferroviaire est assez dense. Dès lors, il est nécessaire de traverser un passage à niveau qui ralentit et complique la circulation automobile et piétonne. (Doc.36)

Doc.36: Prospectus pour fêter l’enterrement de la ligne Odakyu sur le dernier passage à niveau de Shimokitazawa. Source: Greenline Shimokitazawa, s.d.

Ensuite, l’étroitesse des routes constitue un danger en cas de catastrophe naturelle, les services d’aide ne pouvant pas atteindre certaines zones trop denses où la propagation du feu 66


est des plus aisées. De plus, à cause du manque d’espace, les vélos sont souvent parqués illégalement22. Deux soucis qui seraient réglés grâce à l’élargissement des rues. Dernièrement, le quartier manque “d’ open space ”. Le terme sous­entend “espace dégagé” qui n’est pas nécessairement un espace public à proprement parler. Ce sont généralement des POPS ( Privately Owned Public Space ) étant donné que l’état local et central ne possède pas les moyens ni l’envie d’offrir ce type d’espace. Ils préfèrent inciter les investisseurs privés à en créer à travers des réductions de taxes ou des subsides. Christian Dimmer, docteur en urbanisme à l’Université de Tokyo, ajoute que le privé voit maintenant plus de plus­value à créer des espaces “publics” bien dessinés. Ce phénomène est en marche depuis les années 1990. Etonnamment, les autorités publiques ont suivi le privé et non l’inverse. Bien sûr, il y a eu des gouvernements locaux qui avaient un programme concernant les espaces publics bien en avance sur le gouvernement central, comme le cas de Yokohama (Christian Dimmer, communication personnelle, 30 Juillet 2017). L’ensemble de ces raisons évoquées ci­dessus forme la justification des autorités locales pour l’implantation de nouveau Plan de District et la construction de la route. Face à ces explications, divers groupements citoyens se sont formés afin de les contrecarrer le plus objectivement possible.

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Au Japon, la réglementation est stricte à cet égard; les vélos mal rangés sont retirés de la rue et récupérables moyennant une amende.

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Chapitre 3 : Enterrement de ligne Odakyu et New District Plan 2.3.1 Odakyu Line Dans les années 1960, la ligne Odakyu, qui appartient à une compagnie privée, fut rénovée selon un schéma qui permet d’éviter la congestion au croisement des routes automobiles et ferroviaires. Ce système, subsidié par les taxes de circulation, prit forme sous le nom de Continuous Grade Generation Project : le principe est d e ’ hausser la ligne ferroviaire au dessus de la route afin d’éviter les passages à niveau. En 1970, un grand nombre de résidents ainsi que l’assemblée générale de la municipalité de Setagaya s’opposèrent au projet. Malgré tout, il fut accepté en 1990 et forcé en 1994 par le Tokyo Metropolitan Government . Le réseau fut alors élevé entre les stations de Kitami et Setagaya­Daita (Doc.37). Les manifestations du groupe formé par Kenji Shimodaira et des habitants permirent de ne pas continuer le projet sur la section Setagaya­Daita ­ Higashi­Kitazawa. En dehors de cette section, 39 passages à niveau furent supprimés grâce à l’élévation des voies. Shintaro Ishihara, gouverneur de Tokyo entre 1999 et 2012, proposa comme solution d’enterrer la ligne de Setagaya­Daita à Higashi­Kitazawa (Doc.38). Ce projet particulier implique l’aménagement d’une bande de terre de 20 à 30 mètres de large sur 2.2 kilomètres.

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Doc.37: En rouge, la section concernée par la construction souterraine de la ligne. La dernière partie de la ligne à réaliser afin de supprimer tous les passages à niveau. Source: Odakyu Electric Railway Company.

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Doc 38: En rouge, la section concernée par la construction souterraine de la ligne. C’est la dernière section à réaliser afin de supprimer tous les passages à niveau. Source: Odakyu Electric Railway Company.

Alors que la décision était prise et que les travaux démarrèrent en 2004, aucun plan d’aménagement ne fut prévu pour la surface. Le principal souci que rencontrèrent les parties concernées pour planifier un projet commun fut que personne ne savait quelles portions du terrain libéré appartenaient au privé ou au public. La raison réside dans le fait que la construction de voies ferrées est financée par le privé et subsidié par le public. C’est pourquoi des discussions sont toujours en cours entre les associations citoyennes, la compagnie privée Odakyu et les autorités (Kobayashi, s.d.). Tomomi Sekihashi donna une explication quelque peu rudimentaire: “T he land is split by the area to be used by the railway company and the area to be used by the local government” (Annexe 1) . Masami Kobayashi, expert dans le sujet, précisa que la situation est plus complexe que ce que pensait Madame Sekihashi: “It would be a long story but the Odakyu Line insists that it's a private area. So only some part can be done for the public. This is the basics. But, in the very old times, someone said that to make the construction Odakyu had to pay taxes to use it, so it's public space. Finally, they negotiated for 50% is just a public space. It's kind of a tragedy. (...) Basically, Odakyu just 70


want to make money based on this. They propose the design guidelines. They will build a commercial area in the east side. They propose to do it together with the Setagaya public area. Because we don't know where is the public area and where is the Odakyu area, they are proposing building types or pavements.” . Il ajouta que l’implantation de commerces dans la partie Est est remise en question car Shinjuku, qui compte déjà un nombre incalculable de commerces, est trop proche. Au point que la zone ne soit pas économiquement viable (Masami Kobayashi, A nnexe 6) .

Doc 39: L’ancien tracé de la ligne Odakyu, aujourd’hui enterrée. Source: donnée personnelle.

2.3.2 New City Planning Road De l’ère Meiji à l’après­guerre du Pacifique, de grands projets concernant les infrastructures routières et les espaces verts de Tokyo furent dessinés par les urbanistes de l’Etat central23. L’une de ces routes est la Road 54, programmée en 1951. Elle représente un exemple typique d’infrastructure qui ne fut pas réalisé mais qui, 60 ans plus tard, refait surface, sans considération pour les évolutions de la ville. Cette route est l’un des axes 23

voir I shizuka & Ishida (1988); Sorensen (2001a).

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radiaux prévus au départ de Shibuya, jusqu’aux environs du parc Shoshigaya dans la municipalité de Setagaya. Cela représente une distance de 9 kilomètres. Pour parvenir à la construction d’un tel projet au sein d’un tissu urbain établi, le gouvernement possède deux moyens. Le premier est le réajustement de terrain, un procédé qui fut utilisé à Shinjuku et Shibuya. Le second, est le rachat des zones déjà construites. Au vu des coûts exorbitants, le projet de la route 54 fut avorté à l’époque (Kobayashi, n.d).

Doc.40: On distingue aisément la Route 54 représentée par la large route horizontale qui traverse l’ensemble du tissu urbain. D’autres routes perpendiculaires (7 et 26) à la Route 54 furent prévues dans le plan de 1951. Source: City of Setagaya.

Bien que la décision publique de poursuivre la construction des routes 54 et 10 ait été annoncée en 2003, les discussions pour remettre le New City Planning Road au goût du jour remontent à plusieurs décennies. Depuis 1984, le gouvernement local tenait des réunions nommées “ Meeting for the community building of Shimokitazawa ”. Malgré des oppositions, il donna son approbation pour la construction de la nouvelle route car il avait “besoin” de connecter Shimokitazawa à d’autres quartiers. C’est seulement lors de la décision officielle de 2003 que la majorité des habitants fut mise au courant de la situation. Pourtant, des membres d’associations bien connues du quartier assistèrent aux premières réunions: “T he authorities of Setagaya ward and some members of the Merchants’ Council. The thing is that they were only attended by small groups, the "bosses". Because of this we didn't know about it. (...) There were less than 10 people. The Merchants were trying to fight against the government but finally they were always on their side because the government was giving them money. (...) Anyway, in Japan, first the government decides, he makes the plans and 72


there is no change possible.” (Kenji Shimodaira, Annexe 5 ) . Masami Kobayashi me confirma que le gouvernement contrôle les associations des marchands24 de Shimokitazawa et les associations de quartier25 ( chonaikai ) de Setagaya à cause des subsides qu’il leurs octroie. Les chonaikai de Setagaya correspondent à ceux décrit par Hein (2008), Hastings (1995) et Sorensen (2001b, 2006): “ They decide festival, garbage, maintenance of the area, etc. It's a very traditional neighbor's association (...), a very old one, maybe not from the Edo period but before World War II. The government enhanced to organize the chonaikai. (...) They just act according to the government policy, they follow everything. (...)

its

gouvernance is very strong and it's very risky to watch each other or help each other. Now, chonaikai exist in each neighborhood but the bosses are very old guy and higher case very strong. So, young people don't want to belong to chonaikai.” (Masami Kobayashi, Annexe 6 ). Les Associations des Marchands et du quartier ne sont pas les seules à ne pas être réellement indépendantes. En effet, il est légitime de se poser la question si l’annonce de 2003 par le gouvernement local de Setagaya fut le fruit d’une instance supérieure telle que le Gouvernement métropolitain de Tokyo ou le Gouvernement National. Masami Kobayashi éclaira le sujet: “Tokyo Metropolitan Government mostly. When we met the national government people, they said that the local government can decide but the Tokyo Metropolitan Government is really pushing, still. There 23 wards in Tokyo which are actually not independent. The Tokyo Metropolitan Government is still choosing the teachers choice of elementary school or residential corporation, real­estate taxes. It directly goes to the Tokyo Metropolitan Government. After, they redistribute to the poorer wards, democratically. The mayors have to follow Tokyo Metropolitan Government.” Pourtant, l'amendement de 1999 est censé avoir muté les gouvernements locaux du statut “d’administration déléguée de l’agence” ( agency­delegated administration ou kikan inin jimu ) à un statut d’autonomie locale ( jichi jimu) (Schmidt, 2009). En réalité, les motivations du gouvernement étaient principalement de réduire les subsides à octroyer aux localités: “T he national government enhance the small administrations with more autonomy. In reality, it 24

Il existe 4 associations des marchands de Shimokitazawa représentant chacune une zone ( Shimokitazawa bangai shōtengai shinkō kumiai, Shimokitazawa minamiguchi shōtengai shinkō kumiai, Shimokita shōtengai shinkō kumiai, Shimokitazawa azumakai ). Elles forment la Fédération de Marchands de Shimokitazawa ( Shimokitazawa shōten rengō­kai) et sont toutes affiliées au gouvernement local. (City of Setagaya, s.d.) 25 La municipalité de Setagaya est divisée en 5 zones. Shimokitazawa fait partie de la zones “Kitazawa” qui possède à elle seule 6 associations de quartier.

73


means that they wanted to cut the budget of subsidies of local cities. Regarding the infrastructures, it has cost a lot. Because of this, the national and the TMG are still subsidizing the local city.” . En effet, les autorités locales des 23 municipalités spéciales de Tokyo doivent suivre les instructions du Tokyo Metropolitan Government . Cependant, elles ne possèdent pas assez de fonds pour répondre à leurs attentes. Par conséquent, elles reçoivent des subsides de la part du gouvernement métropolitain qui leur font perdre un peu plus de leur autonomie (Sorensen, 2005a). Cette situation force les localités à suivre sans objection les injonctions du gouvernement pour construire des infrastructures. De fait, soit elles s’endettent auprès d’organismes privés, soit elles sont subsidiées par le public. C’est pourquoi à Tokyo, le gouvernement métropolitain et central n’ont pas réellement la quote. Les votes pour le gouvernement national viennent de villes locales situées hors de la capitale: “Now, the very local cities are becoming poorer and poorer but recently the Abe government is giving a bunch of money to this localities. (...) Before, the protected the rice farmers. They kept the rice price very high so that the farmers voted for them. In the city area, the young people vote for other parties. So now, the LDP gives money to make very good streets in very local cities. They give subsidies, create jobs and it makes money for the local contractors. They do it in Okinawa, etc.”. Cette spirale est dangereuse pour l’économie du Japon car le pays accumule des dettes internes dans le seul but de conserver des électeurs (Masami Kobayashi, Annexe 6 ). 2.3.2.1 Le projet de route et de plaza

La section de la Route 54 qui s'étend sur Shimokitazawa dessine une artère de 400 mètres de long greffée d’un rond­point (Doc.41­42­43). “T he project by the TMG is divided in 3. First project, make a big road in Shimokitazawa. Second project, a road from Shibuya to Shimokitazawa. Third project, a road from Shimokitazawa to Kandara. The second and the third project failed. Only the first project is on the go. But everything is going slowly.” . (Kenji Shimodaira, Annexe 5) .

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Doc.42: La vision de la Route 54 de 26 m de large. Source: City of Setagaya.

Doc.41: Le New City planning Road est prévue en trois phases d’importance différent. Doc.43: La vision du rond­point devant la station. Source: City of Setagaya. Source: City of Setagaya.

Doc.45: Section de la Route 54. Source: City of Setagaya.

Doc.46: Section de la Route 10. Source: City of Setagaya.

C’est grâce aux actions de l’association indépendante “ Save the Shimokitazawa ”, créée par Kenji Shimodaira et Kenzo Kaneko, que le projet des sections 2 et 3 sont pour l’instant en cours de réévaluation: “ They are trying to discuss with the government. They brought the case to the court and they had been long discuss in the court and recently, last year or something, the first section plan is already on the move but the second and the third section are kind of suspended... maybe it's gone. So it's partly successful. (...) The first section is going to be build but we don't know when because it takes time. Really in the neighborhood 75


but it's not easy to get the places because people are doing the business there so…” (Tomomi Sekihashi, Annexe 1). A la vue des plans et des illustrations offerts par les autorités de Setagaya, on devine aisément que la vision n’est pas adaptée à un quartier comme Shimokitazawa, caractérisé par un tissu dense. L’Etat avança plusieurs justifications, remises en doute par les experts et habitants. Par exemple, la première réaction de Masahiro Kashiwa concernant la largeur de 26 mètres de la route fut de se dire “ Ridiculous ” (Annexe 4 ) ; Masahiro Kashiwa, propriétaire foncier de 57 ans, est un habitant natif de Shimokitazawa dont le grand­père tint une échoppe après la guerre dans le F ront Station Market . Dans l’article Development Pressure and the Citizen's Power for Preservation in Tokyo – in the case of Shimokitazawa , Masami Kobayashi avance plusieurs arguments compromettant la nécessité des plans. Tout d’abord, la route 54 était une nécessité lors du Continuous Grade Generation Project mais ne l’est plus, étant donné que la ligne se retrouve aujourd’hui enterrée. Ensuite, l’Etat maintient qu’elle est essentielle pour le réseau routier régional et pour la prévention des désastres. Pourtant, il paraît évident que le rapport entre les coûts et l’efficacité de la manœuvre à une époque où la production automobile est réduite semble maigre (Kobayashi, n.d). Les plans présentés par le gouvernement local ressemblent fortement aux illustrations que l’on trouve dans les fascicules exposant les intentions futures du Bureau of Urban Development , organe du T okyo Metropolitan Governmen t (Doc.47).

Doc.47: Présentation des “ designated road for improvement” d ans le fascicule U rban Development of Tokyo 2016 . Source: Bureau of Urban Development (2016)

L’une des intentions majeures du Bureau est la transformation des routes. En effet, le projet de modification des routes "designated road for improvement” est présenté comme tel par le Ministère: “Road improvement is key to alleviating chronic traffic congestion, Tokyo’s 76


greatest weakness, raising international competitiveness, and realizing a city that is comfortable, highly convenient, and has a low environmental impact. Road improvement is also essential to transforming Tokyo into a highly disaster­resistant city. Roads safeguard the functions of the capital when a major earthquake strikes in areas that include transport of emergency supplies and relief, and rapid restoration and recovery activities. Roads also form firebreak belts, creating a city where fire does not spread” (Bureau of Urban Development, 2016). Masami Kobayashi, urbaniste de formation, commenta le design proposé en l’accusant d’être rétrograde. Selon lui, il y aura à l’avenir de plus en plus de véhicules électriques et automatiques qui ne nécessitent sûrement pas “ that kind of heavy traffic design ” (Masami Kobayashi, Annexe 6). Malgré tout, “Roads are still the king of kings in Japanese politics” comme l’explique Takayoshi Igarashi, professeur en politique urbaine à l’université d’Hosei à Tokyo (Fackler, 2006). L’argument concernant la prévention contre les désastres naturels et l’évacuation fut contrecarré par les autorités responsables pour la prévention des incendies. Elles affirmèrent que le niveau de risque à Shimokitazawa n’est pas élevé. De plus, pour que la route fonctionne à cet effet il faudrait qu’elle soit complétée dans son ensemble et pas juste une section (Kobayashi, n.d). Ensuite, il serait possible d'offrir des prises d’eau locales aux résidents en place de tracer une large route. Enfin, cela permettraitde garder le quartier intact (Shimokitazawa Shopkeeper’s Council, s.d.) Malgré les contre­arguments avancés aux gouvernements, le projet fut approuvé. Pourtant, il semblerait qu’il tarde à être mis en oeuvre. On peut donc se demander quelles sont les raisons d’un tel délai. Avant tout, lorsque le gouvernement planifia ce projet de redéveloppement, il possédait déjà 15% des terrains de la “Section 1” constitués de parkings pour vélos et autres équipements publics. Aujourd’hui, le gouvernement continue d’acheter des parcelles mais le processus est très lent. A l’heure actuelle, les autorités possèdent seulement 30% des terrains de la “Section 1”. D’ailleurs, ils n’ont pu en acheter que 2,5% supplémentaire cette année (Kenji Shimodaira, Annexe 5 ) . Il est donc nécessaire que les propriétaires de parcelles acceptent de vendre leurs terrains pour pouvoir démarrer la construction. Selon Masahiro Kashiwa (Annexe 4 ) , les détenteurs de terrains sur le parcours de la nouvelle route seraient en quelques sortes favorables au redéveloppement: “On the area where was suppose to be the 77


road in the future, the owners could only build temporary building that could be destroyed at any moment. So, the owners of those lands have been suffering with that plan for a long time. The owners will actually feel relieved if the road is finally build. (...) They were in an in­between, they couldn't make a long time vision for the business. (...) The government do not force them to move out but at those land they can not rebuild over the current one. They have to move anyway. ...Kind of gently pushed out”. Tomomi Sekihashi confirma que les propriétaires sont “invités” à partir mais pas encore forcés (Tomomi Sekihashi, Annexe 1); l’expropriation au Japon n’étant pas un système répandu car trop long et complexe (Hein, 2010). Cependant, Kenji Shimodaira réfuta le fait que les propriétaires puissent être soulagés par le construction de la route: “The first project is alive but no need to hurry. One good thing concerning the lands on the path of the road is that they can't make big buildings. They still can get money from the actual rent but if they destroy the building, they don't really get money from the land afterward (...) getting this money involves taxes (...). And it's really hard to get another land in Shimokitazawa. Therefore it's a better idea to stay there. We are now 20 years later and there is still no road”. En d’autres termes, les titulaires de terrains ressentent une pression de la part gouvernement car ils ne sont pas libres de leurs actions sur leurs biens. Dans le meilleur des cas, ils ne sont autorisés qu’à construire des bâtiments temporaires peu rentables. De plus, la valeur foncière de leur terrain a diminué drastiquement à cause du projet de redéveloppement. En conséquence, sa vente ne pourrait pas leur permettre de vivre à long terme, ni de racheter un terrain similaire à Shimokitazawa. Bien que le processus de rachat des parcelles par l’Etat soit fastidieux, le quartier voit petit à petit disparaître des bâtiments. Ceux­ci sont remplacés par des espaces vides, barricadés et bitumés. (Doc.47­48­49)

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Doc.48: L’échoppe de confiserie japonaise T amaiya , l’un des plus ancien magasin de Shimokitazawa. En arrière plan, un espace v ide racheté par le gouvernement courant 2017. Source: donnée personnelle.

Doc.48: Une parcelle vite attenante à un building de modeste hauteur. Source: donnée personnelle.

Doc.49: Un ancien bâtiment qui faisait partie intégrante du marché couvert se tient seul, là où la place sera bâtie. Le terrain de Masahiro Kashiwa borde cet espace vide au Nord de la station. Source: donnée personnelle.

Bien que l’attente promette d’être relativement longue avant que le gouvernement ne puisse racheter toutes les parcelles manquantes pour la réalisation de la route, ils possèdent déjà les terrains nécessaires à la réalisation du rond­point jointe à la Front Station Plaza . Ce projet de

place est majoritairement conçu pour le déplacement automobile, et plus

particulièrement les bus et taxis. Certains locaux, comme Kuniyoshi Yoshida, ancien président de l’association des marchands de Shimokitazawa sud et propriétaire foncier, votent en faveur du projet car il est 79


vu comme un progrès vers plus de sécurité et de confort (Fackler, 2006). Toutefois, tout le monde ne partage pas le même avis. En effet, Tomomi Sekihashi estime qu’une grande place et un rond­point ne sont pas appropriés pour Shimokitazawa. “Somehow, the front plaza will kill the character of Shimokitazawa” , dit­elle (Tomomi Sekihashi, Annexe 1). Gaku Taniguchi, membre du groupe citoyen “ PR26 Strategy Meeting” , partage la même opinion. Selon lui, le plan proposé par les autorités de Setagaya ressemble à n’importe quelle autre place de station ferroviaire, sans aucune identité propre à Shimokitazawa. Il estime que l’identité du quartier réside dans la variété de personnes de cultures différentes s’y attardant, matérialisée par l’absence de centre. “With a new center how can we maintain the variety of Shimokitazawa?” (Gaku Taniguchi, Annexe 2). 2.3.2.2 District Planning Pour rappel, c’est grâce à la révision de la Nouvelle Loi sur la Planification Urbaine ( shin toshi keikaku ho ) en 1980 que les municipalités acquirent les pouvoirs nécessaires pour concevoir leurs plans de district ( Chiku Keikaku Seido ) (Ishida, 2006). Cette mesure permit aux villes et municipalités de Tokyo de planifier des zones de tailles moyennes. De cette manière, les autorités purent concevoir des plans qui correspondent à l’environnement du district. La Building Standards Law était trop générale et cette nouvelle loi sur les districts donna la possibilité de spécifier l’utilisation des bâtiments, la taille des parcellaires, les routes sans compter l’agencement et le dimensionnement des open space (Kobayashi, s.d.). Ensuite, suivant l’amendement de la Nouvelle Loi sur la planification Urbaine ( shin toshi keikaku ho ) en 2000, qui mit en place l’établissement d’un système de suggestion ( mochide seido ) par les habitants (Ishida, 2006), une planification développée par l’administration publique en lien avec les résidents aurait été souhaitable. Néanmoins, le gouvernement de la municipalité de Setagaya ne mit rien en oeuvre afin d’impliquer les habitants de Shimokitazawa. Le nouveau plan de district, déterminé en amont, a pour caractéristique principale de relâcher les limitations de hauteurs des bâtiments. Ces hauteurs sont, comparées aux gabarits existants, démesurées pour la zone de Shimokitazawa.

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P ublic Relation

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La Building Standard Law ordonne par le Diagonal Line Code une corrélation entre largeur de la rue et la hauteur des bâtiments (Doc.50­51). Toutefois, celle­ci est jugée trop restrictive aux yeux du gouvernement. L’assouplissement de la Diagonal Line Code aura pour conséquence d’empêcher des vues dégagées vers le ciel, un atout majeur de Shimokitazawa, par l’érection de constructions de grande taille ne respectant pas le droit au soleil. (Doc.52)

Doc.50: A gauche, la règle de la D iagonal Line Code dans les zones résidentielles de type 2. A droite,la règle de la D iagonal Line Code dans les zones commerciales. Source: Kobayashi, 2015b.

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Doc.51: A gauche, la règle de la D iagonal Line Code sans recul par rapport à la rue. A droite,la règle de la D iagonal Line Code sans recul par rapport à la rue. Source: Kobayashi, 2015b.

Le plan de district établit par Setagaya Ward prévoit des bâtiments d’une hauteur maximum de 16 mètres sur la partie Est et 22 mètres sur la partie Ouest conservant partiellement les caractéristiques du quartier. Cependant, il sera possible de construire le long de la route 54 et 10 des bâtis jusqu’à 45 mètres de hauteur sur une parcelle de 500 m 2 et 60 mètres de hauteur sur une parcelle de 2000 m2 . (Doc.53)

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Doc.52 (haut): Les hachures représente le gabarits de bâtiments dans les zones où la règle de la diagonale par rapport à la rue est court­circuitée; cela bloque les vues verticales. Source: Shimokitazawa Shopkeeper’s Council, 2007. Doc.53(gauche): ① Zone 22 mètres de hauteur max. ② Zone 16 mètres de hauteur max. Bande hachurée: Zone d e 31 à 60 mètres de hauteur max. Source: Kobayashi, s.d.

Il est donc indéniable que le nouveau district plan changera fondamentalement le paysage urbain de Shimokitazawa. Le centre de Shimokitazawa sera peuplé de bâtiments imposants, sans compter que les petites bâtisses situées à l’arrière de hautes constructions adjacentes aux larges avenues, subiront de nombreux inconvénients. Ils souffriront entre autres de vents puissants s’engouffrant entre les façades de leurs voisins monumentaux et ne profiteront plus d’un ensoleillement direct. (Doc.54)

Doc.54: Simulation de Shimokitazawa dans trente ans suivant le plan du gouvernement. Source: Kobayashi, s.d.

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De plus, le nouveau plan de District régule non seulement la hauteur des bâtiments mais aussi la largeur des rues et le recul des façades par rapport à la rue. La plupart des façades n’opèrent pas de recul à Shimokitazawa. Pour cette raison, les magasins utilisent la rue pour y poser leurs présentoires et leurs produits. Cette limite floue entre la rue et l’intérieur des magasins représente en quelque sorte la marque de fabrique de Shimokitazawa. Pourtant, la nouvelle règle du district plan impose pour toute nouvelle construction, un recul de 50 centimètres dans la majeure partie du quartier et 1 mètre pour les constructions bordant la place et de la Route 54. Dans le cas d’une construction dépassant 10 mètres, une “corniche” de 2 mètres de profondeur est requise (Kobayashi, s.d.). (Doc.55) En définitive, l’aspect des rues ainsi que l’organisation structurelle et communautaire du quartier sera considérablement chamboulée. (Doc.56)

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Doc.55 (gauche): plan retraits imposés selon les rues. Source, Kobayashi, s.d. Doc.56 (bas): La première image montre à quoi ressembleraient les futures rues principales. A droite, une image proposée par S ave the Shimokitazawa . L’association souhaiterait que les bonus de surface ne soient octroyés qu’aux constructions offrant un espace extérieur réellement utilisable. Source: Shimokitazawa Shopkeeper’s Council, 2007.

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Un autre mesure stipule qu’il est obligatoire d’opérer un recul dans le cas où les rues font moins de 4 mètres de large, ce qui est la cas de nombreuses rues à Shimokitazawa. Cependant, il arrive que les parcelles soient si petites que ce retrait pose problème. Malgré tout, il n’est plus autorisé de reconstruire sur son propre terrain sans ce retrait de minimum 50 centimètres, vu comme une mesure permettant de faire passer les véhicules des pompiers. Cela signifie que dans les rues résidentielles extrêmements étroites, appelées roji , il n’est plus autorisé de bâtir à nouveau. Cette règle engendre une détérioration forcée des bâtiments qui subsistent. Dès lors, ces zones non constructibles perdent leur valeur foncière. De cette manière, des investisseurs peuvent aisément racheter ces terrains qui ne se trouvent pas en bordure de route, appliquer un réajustement de terrain et finalement construire des ensembles de taille plus importante (Masami Kobayashi, Annexe 6). Ce processus transforma des quartiers comme Omotesando ou Roppongi car de grands investisseurs rachetèrent des terrains disparates afin de les assembler et construire des gratte­ciels (Doc.57). Pour le moment, il n’y a pas grands investisseurs intéressés par Shimokitazawa bien que cela représente une crainte pour les habitants (Tomomi Sekihashi, Annexe 1 ). Masahiro Kashiwa expliqua que chaque petite parcelle appartient à un propriétaire différent (Annexe 4 ); le seul acteur économique important dans le quartier est la compagnie ferroviaire Odakyu. Bien que le processus de transformation ne soit pas brutal, il n’est pas exclu, qu’un jour, Shimokitazawa ne possède plus aucune de ses caractéristiques actuelles.

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Doc.57: Illustrations présentant le cas d’un bloc ayant subi un des rachats successifs de parcelles et un réajustement de terrain. Ce qui permet de construire un seul et unique en place des maisons traditionnelles et des rues étroites tokyoïtes. Source: Kobayashi, M. (2015b)

Depuis la mise en application du nouveau District Plan en 2006, il n’y eut étonnamment pas plus de demande de permis de bâtir. Les nouveaux permis demandés concernent le plus souvent des constructions d’environ 20 mètres de hauteur et aucune demande pour les hauteurs maximales autorisées (31­45­60m) ne fut déposée. D’ailleurs, les bâtiments adjacents à la station ne dépassent pas pour l’instant 9,97 mètres. On pourrait donc supposer que les propriétaires indépendants ne souhaitent pas utiliser tout le potentiel du nouveau Plan de District (Takahashi & Nakai, 2012). C’est la cas de Masahiro Kashiwa qui possède une petite parcelle adjacente à la future place. Le bâtiment qu’il prévoit de construire disposera de 3 étages déjà réservés à la location par un restaurant, un magasin et un salon de coiffure. Un petit projet bien éloigné des 60 mètres autorisés à cet emplacement. De plus, il souhaite couvrir la façade de verdure en guise d’exemple aux autres propriétaires. (Masahiro Kashiwa, A nnexe 4) . Il est possible que certains propriétaires fonciers ne construisent pas plus haut de manière délibérée car ils sont attachés à l’aspect du quartier. “P eople want to be independant but also make new communities. And you know, money can't make communities. Look at Roppongi Hills, there are tall buildings with elevators, etc. It's hard to make a community there” , expliqua Kenji Shimodaira (Annexe 5) .

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Néanmoins, il est plausible que des bâtiments de grande envergure ne voient pas le jour pour des raisons pragmatiques tel que le rendement économique. En effet, depuis plusieurs années, les loyers de Shimokitazawa ne cessent d’augmenter. Bien que surprenant, les loyers des rues principales sont aussi élevés qu’à Aoyama, un quartier huppé de Tokyo. En conséquence, les boutiques indépendantes ne peuvent plus subsister et font place à des chaînes. Le coûts des loyers étant en lien avec la largeur des rues, les prix n’ont pas d’autre issue que d’augmenter avec la future construction de la route et de la place. Aujourd’hui, il est déjà difficile pour les propriétaires de remplir tous les étages de leurs biens à des fins commerciales, si bien qu’un un investisseur qui disposerait de moyens suffisants pour une construction de grande envergure aurait de fortes chances que celle­ci ne soit jamais comblée. Il est possible de remplir de bâtiments de 8­9 étages mais seulement dans le cas où ceux­ci sont destinés au logement; on trouve récemment quelques constructions mixtes logement­commerces dans la zone commerciale mais ce n’est pas la norme (Doc.58­59). Pour toutes ces raisons, le développement de tours est extrêmement lent à Shimokitazawa (Masami Kobayashi, Annexe 6).

Doc.58: Un bâtiment comprenant 3 étages commerciaux et 4 étages de logements, Shimokitazawa sud. Source: donnée personnelle.

Doc.59: Un bâtiment comprenant 2 étages commerciaux et 3 étages de logements, S himokitazawa sud. Source: donnée personnelle.

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2.3.2.3 Promesses et réalité Un document publié en 2003 par le City Planning Division, le City and Regional Development Bureau, et le Ministry of Land, Infrastructure and Transport explique clairement le processus décisionnel pour l’approbation de plans au Japon (Doc.60). En outre, il stipule: “For City Planning, the voluntary participation of local residents is essential. It is also important that the plan contents are properly understood by local residents prior to finalization and that they reflect the opinions of local residents. Therefore, in the process of formulating drafts of city plans, public hearings may be held when necessary. Also, residents are notified, the plans are made available for citizens to review, and concerned residents may submit in writing their opinions on such plans, prior to finalization. Furthermore, the plans shall be presented to the City Planning Council before they are approved.The City Planning Law also sets forth the procedure for approval of each City Plan which takes into consideration proposals of landowners, community planning NPOs, community organizations, developers with a certain degree of experience and expertise, etc.” (City Planning Division, City and Regional Development Bureau, & Ministry of Land, Infrastructure and Transport, 2003). Au vu de cette mention et du schéma présenté ci­dessous, il semblerait que l’intégration des avis citoyens à la confection des plans finaux soit une volonté exprimée clairement par le gouvernement, bien avant les pérégrinations rencontrées de 2003 à 2006 à Shimokitazawa.

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Doc.60: M odus operandi pour l’approbation des plans de ville au Japon. Source: City Planning Division, City and Regional Development Bureau, & Ministry of Land, Infrastructure and Transport, (2003).

En plus de la publication de 2003, le document “ A New City Planning Vision for Tokyo ”, produit par le Bureau of Urban Development du Tokyo Metropolitan Government , prévoit six objectifs concernant le développement urbain de Tokyo (Bureau of City Planning, 2016): 1. 2. 3. 4. 5. 6.

Maintain and develop urban dynamism that is internationally competitive Coexist with the global environment, which is critical to sustainable development Restore beautiful urban spaces surrounded by rich greenery and water Create, convey, and pass down our unique urban culture Create a city where residents can live comfortably, safely, and with peace of mind Obtain and coordinate the participation of a variety of entities, including residents, municipalities, corporations, and non­profit organizations

A ces cinq idéaux généraux pour la ville de Tokyo, le gouvernement de Setagaya présente ses visions pour la municipalité à proprement parler grâce au Setagaya City Basic Plan. Ce document, renouvelé tous les dix ans, déclare avoir comme objectif de promouvoir

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“une communauté créée par ses résidents” à travers “un développement communautaire coopératif” (City of Setagaya, 2005). Au vu des plans présentés par le gouvernement de Setagaya en 2003 et finalement imposés en 2006, il semblerait que ni la vision du gouvernement local, ni les visions 4 et 5 du Tokyo Metropolitan Government sans oublier celles des City Planning Division, City and Regional Development Bureau, et Ministry of Land, Infrastructure and Transport de 2003 n’aient réellement été mises en application27. Par contre, l’objectif en tête de classement du Gouvernement métropolitain de Tokyo (2003), tourné vers la croissance économique, a largement primé. Lorsque j’ai présenté les objectifs allant en faveur de la coopération citoyenne à Kenji Shimodaira et Masami Kobayashi, leurs réactions ont été sans appel. Ils rirent, mais pas seulement: “Between truth and what they want to do, there is a gap... Many people want to make money and the government wants to get taxes and need therefore to build, build, build. They need buildings to have good company, good business and in the end, good taxes. It's very good for the government. In the case of Shimokitazawa which is a small scale area, the taxes are bad, so they decided already to make bigger buildings. Especially that this place is strategic because between Shinjuku and Shibuya and has the Odakyu and the Keio Inokashira Lines. Because Shimokitazawa is already famous, they thought that Shimokitazawa is a good place for making good money. The thing is that Shimokitazawa is very famous because its bohemian style. They just want to steal the name.” , expliqua Kenji Shimodaira (Annexe 5 ). A cela, Masami Kobayashi ajouta: “This is a kind of plan made by the consultant but the reality is not so much. (...) Actually they are doing the hearing of the public comments, so it's regulated. If they want to do infrastructure projects they need to ask the people, hopefully. Then, many people write letters, the government make a report and that's it. (...) They are like "Ok, there are many opinions like this...but anyway we will do like that!" (...) Tell them it's good things, they are cheating us” (Annexe 6). Actuellement, cette situation est particulière à Tokyo car, comme expliqué précédemment, les municipalités tokyoïtes ne touchent pas directement les taxes prélevées sur son territoire. A l’inverse des villes situées en dehors de Tokyo qui, elles, les reçoivent directement et peuvent donc, depuis plusieurs années, conserver leur patrimoine afin d’attirer touristes et résidents de marque.

27

Les objectifs présentés en 2016 par le Bureau of Urban Development sont sensiblement similaires aux objectifs présentés en Octobre 2001 par le Bureau of City Planning ; les deux bureaux étant le même organisme ayant simplement changé de nom (Bureau of City Planning, 2001).

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Bien que Shimokitazawa soit populaire, Setagaya ne dispose pas immédiatement des revenus qu’engendre ce lieu manifestement actif, ce qui représente une contradiction (Masami Kobayashi, A nnexe 6) . 2.3.2.4 Gentrification et homogénéisation Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le nouveau Plan de District n’a pas pour but la gentrification de Shimokitazawa . “ The big road doesn't mean to enhance gentrification and raise of real­estate value. The ring and radial roads were planned a long time ago. It's not an action specific to this area. Concerning Roppongi or Aoyama... There are two ways to make a vibrant and livable city. One is the global homogenization like Singapore, Tokyo with Ginza, etc. Almost the same shops everywhere but the tourists are kind of fed up be seeing the same shopping malls. (...) So, the gentrification means at the beginning that a deteriorated area are revitalized by intellectual people, like Portland. Then, the investors come to interesting area and make big investment in chain stores” , expliqua Masami Kobayashi ( Annexe 6) . Plusieurs faits démontrent que Shimokitazawa n’est pas en prise à ce type de gentrification. Tout d’abord, les prix de la location y sont déjà élevés. Ensuite, la culture constitue un fondement essentiel du quartier, il ne sera donc pas régénéré par des intellectuels; au contraire, les intellectuels créatifs présents auront tendance à quitter le quartier à cause de la hausse des prix. C’est pourquoi on ne peut considérer ces décisions politiques comme une volonté de gentrification de Shimokitazawa mais plutôt une quête de profit propre à l’identité d’un “État développeur” (Sorensen, 2005b). Ensuite, Kobayashi san évoque le fait que de plus en plus de personnes ne sont plus intéressées par les lieux homogénéisés tel que Roppongi. Les gens sont à la recherche de lieux vivants et authentiques. Ces propos entrent en résonance avec ceux de Bernard Pecqueur. Il explique qu’il existe deux types de valorisation des ressources concernant les stratégies de développement des secteurs en mutation. D’une part, l’Etat peut opter pour la “valorisation générique”: c’est la volonté de rendre son secteur meilleur par rapport aux autres en essayant de capter les richesses qui lui sont extérieures. Il est lié au modèle de croissance classique et de concurrence. Les moyens mis en place sont les prospections 92


d’entreprises et l’aménagement d’infrastructures. L’Etat joue un rôle par des aides financières, des exonérations, un “lobbying politique” auprès de certaines entreprises pour qu’elles viennent s’y implanter. D’autre part, il peut opter pour la “valorisation de la construction”: c’est chercher à valoriser sa différence par rapport à un territoire concurrent, constituer une “rente de spécificité”. En d’autres termes, c’est tenter de fabriquer une dynamique sociale et culturelle particulière produisant de la richesse. Bernard Pecqueur développe ce raisonnement par rapport au secteur industriel français mais il est aisément transposable au secteur tertiaire représenté par Shimokitazawa. L’idée générale de la “valorisation de la construction” est le réinvestissement du local comme conséquence du global (Pecqueur, 2007, p.208). Il est vrai qu’au Japon, la nouveauté est appréciée par une grande part de la population qui se dirige volontier vers des espaces nets et neufs comme Roppongi Hills, Ark Hills, Omotesando Hills, Ebisu Garden ; des lieux façonnés par une politique de “valorisation générique” (i bid. , p.208). Cependant, la situation change, “people are fed up” pour reprendre les termes de Masami Kobayashi (Annexe 6). A Ebisu ou Naka­Meguro, de petits bars et magasins rouvrent leurs portes ces dernières années mais cela prend du temps. De plus, les touristes viennent au Japon pour visiter des lieux comme golden gai ou omoide yokocho à Shinjuku et non des centres commerciaux qu’ils trouvent partout ailleurs. Le gouvernement commence à réaliser qu’il faut conserver des lieux historiques et vivants comme comme ceux­ci. A l’échelle de Shimokitazawa, le nouveau maire de Setagaya, Nobuto Hosaka (élu en 2011 et réélu en 2015), a compris l'importance de cette valorisation ainsi que celle de la communauté locale. C’est pourquoi, Kenji Shimodaira, populaire au sein de Shimokitazawa et ami de Nobuto Hosaka, a soutenu sa candidature (Kenji Shimodaira, Annexe 5 ). A l’échelle métropolitaine de Tokyo, des changements de mentalités sont aussi en marche. Par exemple, le fameux Tsukiji Market, anciennement une station de train, aurait du simplement fermer ses portes mais la nouvelle maire de Tokyo, Yoriko Koike (élue en 2016), a compris la valeur identitaire et l’attraction touristique qu’il représente. Par chance, Yoriko Koike est amie avec Kenji Shimodaira et Masami Kobayashi. Ils tentent tous deux de la convaincre de conserver l’intégrité de Shimokitazawa. Malheureusement tout ne dépend pas des maires de Tokyo ni de Setagaya. “T he mayor is my friend but the council's member are from the LDP28, 28

Liberal Democratic Party

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conservatives guys” , indique Kobayashi san à propos du maire de Setagaya ( Annexe 6) . “In Shimokitazawa's case, the Tokyo Metropolitan Government told the Odakyu line not to contact the citizen's group. The Tokyo Metropolitan Government is the worst organization here and they restrict the Odakyu Line. The people still can not speak with them”, ajoute­t­il. La situation est donc complexe et les rapports entre les différents partis tumultueux. Malgré tout, elle va en s’améliorant depuis la décision officielle de 2006. Selon Masami Kobayashi, il y aurait même une chance de changer les plans de la place et de la route: “we're pushing the mayor : "why you can not control? You're a mayor!"”. En définitive, si les gouvernements réalisent finalement la valeur historique et sociale de Shimokitazawa, c’est grâce aux citoyens qui réagirent dès l’annonce des autorités de Setagaya en 2003. Ils montèrent des associations, protestèrent publiquement. Aujourd’hui, ils cherchent à entretenir un rapport plus collaboratif avec les autorités. Shimodaira san résuma le changement de paradigme que représente Shimokitazawa, “Connections and cultures is important! I think we can make a good example. We need good culture, arts, theaters. That makes people happy (...) I'm very happy to continue to fight so that the government realizes” (Annexe 5) . La section suivante présente les différents mouvements citoyens indépendants de Shimokitazawa qui se battent pour mettre en application le sixième objectif du Tokyo Metropolitan Government , à savoir: “ Obtain and coordinate the participation of a variety of entities, including residents, municipalities, corporations, and non­profit organizations ”.

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3.

Chapitre 4 : La voix des citoyens

2.4.1 Du conflit… (2003­2011) 2.4.1.1 Formation de l’opposition Dès l’annonce du projet de redéveloppement en 2003 des voix se levèrent parmi les citoyens. C’est “ Save the Shimokitazawa ”, créée par Kenji Shimodaira, qui fut la première association indépendante à entamer des protestations contre le redéveloppement de Shimokitazawa (Doc.61). A l’aide de bénévoles amoureux de leur quartier, elle propagea des pétitions, organisa des parades citoyennes ainsi que d’autre actions. Ce mouvement attira d’abord les médias locaux qui furent suivis par les médias internationaux (Takahashi, 2015). A cette époque­là, les rapports étaient uniquement conflictuels. Il y avait d’un côté la population et de l’autre, le gouvernement ainsi que l’association des marchands de Shimokitazawa contrôlée par celui­ci.

Doc.61: Manifestation organisée par “Save the Shimokitazawa”. Source: Kobayashi, s.d.

En 2004, c’est l’association de Masami Kobayashi qui fut la seconde à montrer son opposition. “The first action in the neighborhood was in 2003 with "Save the Shimokitazawa". They started to resist about the road issues. The other neighborhood groups asked me to help with what is happening here, because this district planning and new road construction is a very complicated situation. How it affect the future configuration of the city? Then I started to help with the models, 3D simulations of the wider streets and height they can build. This is how it started. Afterwards, the situation got more serious. The Setagaya Ward pushed the articles and us, the specialists, had to raise our hands” , 95


explique­t­il (Annexe 6). Contrairement à “ Save the Shimokitazawa ” qui était avant tout démonstrative, cette nouvelle association nommée “ Shimokitazawa Forum ” tenta de s’opposer autrement. En effet, “ Shimokitazawa Forum ” était un groupe volontaire composé de professionnels locaux (architectes, urbanistes, journalistes). Ils critiquèrent le projet du gouvernement et proposèrent des alternatives à celui­ci. Ils organisèrent des conférences destinées aux habitants locaux, des analyses comparatives du quartier et des workshops participatifs. (Kobayashi, s.d.) (Doc.62­63)

Doc.62: Le premier tract de “S himokitazawa Forum ” invitant les citoyens à se rendre à une conférence sur le redéveloppement, décembre 2004. Les 3 intervenants, dont Masami Kobayashi fait partie, étaient architectes ou urbanistes. Source: Shimokitazawa Forum.

Doc.63: La première newsletter de “S himokitazawa Forum ”, janvier 2005. Source: Shimokitazawa Forum.

En 2005, un nouveau conseil des marchands de Shimokitazawa voit le jour. Le Shimokitazawa Shopkeeper’s Council ( Shimokitazawa shōgyō­sha kyōgi­kai) composé de 500 commerçants s’unit de manière indépendante pour contester les plans. La plupart d’entre eux sont directement menacés par le tracé de la route. Bien entendu, tous les marchands de Shimokitazawa ont la possibilité de rejoindre ce conseil. Il diffère de la Fédération des Marchands de Shimokitazawa ( Shimokitazawa Merchants’ Association ­ Shimokitazawa 96


shōten rengōkai ) qui existe depuis des décennies et dont l’ensemble des présidents approuvèrent le projet de redéveloppement proposé par les autorités de Setagaya. Pour rappel, Masami Kobayashi expliqua que cette fédération était contrôlée par le gouvernement en raison de ses financements (A nnexe 6) . Par conséquent, en 2005, ces 4 associations ne soutinrent pas le mouvement d’opposition citoyen. “A t the beginning we weren't friends because they wanted to make Shimokitazawa like Aoyama ”, expliqua Kenji Shimodaira (Annexe 5 ) . Malgré tout, les associations fédérées de Shimokitazawa participent à des évènements en faveur de la communauté comme l’annuelle “Shimokitazawa Music Festival”. 2.4.1.2 Elaboration de contre­projets Un sondage effectué en décembre 2005 par “ Shimokitazawa Forum ” démontra que 60% des habitants étaient contre l’implantation d’une route de cette envergure et la dérégulation de la hauteur des bâtiments. En outre, 80% d’entre eux souhaitaient de plus amples discussions avec les autorités afin de trouver un terrain d’entente et particulièrement à travers l’élaboration de plans alternatifs.

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Doc.64: “Ne détruisez pas Shimokita. Non à la route planifiée il y a 60 ans! (S himokita no machi o kowasu na! 60­Nen mae no dōro keikaku ni NO). A rticle paru en Juillet 2005 dans le journal Yomimuri Weekly, l’un des cinq journaux majeurs au Japon. Source: Takahashi, 2005.

Le mois suivant, des étudiants de la Graduate School of Design d’Harvard (Doc.65), ainsi que des étudiants de l’université de Keio (Doc.66) et Meiji (Doc.67) proposèrent une série de plans uniques. Certains plans suggérèrent de détourner la Route 54 et à l’unanimité, des propositions pour le tracé de la ligne Odakyu de 2,2 kilomètres furent exposées. En plus des projets étudiants, Jaime Lerner, ancien maire de Curitiba29 et président de l’Union Internationale des Architectes ( UIA ), envoya de son propre chef un projet pour la réhabilitation du terrain vacant. (Doc.68) Cela montre que seulement trois ans après l’annonce, le problème très local de Shimokitazawa prit une dimension internationale (Kobayashi, s.d.).

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Ville située au Brésil reconnue comme modèle en matière de planification urbain participative (Piel, 1997).

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Doc.65: Proposition des étudiants de Harvard sous la direction du professeur Peter Rowe.: une nouvelle route 54 combinée avec la ligne Inokashira et une place permettant l’organisation d'événements. Source: Kobayashi, s.d.

Doc.66: Proposition des étudiants de Keio: Une promenade verte agrémentée d’une bibliothèque et d’un musée. Source: Kobayashi, M. s.d.

Doc.67: Proposition des étudiants de Meiji: réagencement de la place en souvenir du F ront Station Market. Source: Kobayashi, s.d.

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Doc.68: Proposition de Jaime Lerner: un bâtiment de 2.2km de long chapeauté d’une promenade verte à la place de l’ancienne ligne Odakyu. Source: Kobayashi, s.d.

L’ensemble de ces productions fut présenté aux citoyens dans le but de susciter leur intérêt. Par la suite, trois charette workshops furent organisés avec les résidents de Shimokitazawa entre février et mars 2006. A cette occasion, tout intéressé pouvait se rendre aux réunions et proposer des idées. Les experts présents sur place aidèrent à mettre en forme les désirs des habitants.

Doc.69: Workshop participatif avec les habitants le 18 février 2006. Source: Kobayashi, s.d.

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A la suite de ces workshops, deux plans furent proposés aux autorités de Setagaya. La première (Doc.70A) supprima la route tandis que la deuxième (Doc.70B) minimisa son impact (Kobayashi, 2015).

Doc.70: Les deux propositions élaborées avec les habitants. Source: Kobayashi, s.d.

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En Juin 2006, Matias Echanove, alors étudiant à l’Université de Tokyo, organisa le workshop “ Urban Typhoon ”. Ce workshop expérimental était composé de 130 participants du monde entier: architectes, urbanistes, photographes, étudiants, activistes politiques, et habitants locaux japonais ou étrangers travaillèrent ensemble le temps d’une semaine. On y rencontra des professeurs et étudiants de l'Université de Meiji, Keio, Tokyo, Waseda, Sydney, Harvard, Columbia, Cambridge, du MIT, et quiconque voulait y participer. Il fut organisé en lien avec “ Save the Shimokitazawa” et “ Shimokitazawa Forum” . Le but fut de créer un portrait multiculturel et multidisciplinaire de Shimokitazawa ainsi qu’une vision de son futur à travers différents médiums et thèmes (art, architecture, urban design , vidéo, nouveau média, et histoire orale). Ce workshop tenta de créer de manière autonome un modèle de cooperative community development , conformément au Setagaya City Basic Plan (2005) qui tardait à être mis en application (Urban Typhoon , 2006).

Doc.71: Présentation de projets lors du workshop “Urban Typhoon” Source: Urban Typhoon, 2006.

“ Shimokitazawa Forum ” releva cinq points essentiels rencontrés à travers les propositions citoyennes de cette semaine de travail intensive (Shimokitazawa Forum, s.d.): 1. Il faut revoir la route 54 et 10. 2. La place devant la station ne doit pas être un rond­point mais doit être entièrement pédestre.

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3. L’ancien site de la ligne Odakyu doit être un espace ouvert et destiné aux piétons. De plus, cet espace doit servir comme lieu de prévention des catastrophes naturelles. 4. Il faut créer un parking vélo près de la station. 5. Le paysage urbain devrait conserver l’échelle actuelle des bâtiments de Shimokitazawa. 2.4.1.3 Prise de décision Durant les 6 mois qui suivirent la soumission des deux plans participatifs (Doc.70), nombre d’experts, citoyens japonais et étrangers tentèrent de convaincre les autorités de changer les plans du projet de redéveloppement. En effet, 2006 fut une année intense en événements car l’ensemble du processus d’approbation de l’aménagement urbain concernant Shimokitazawa fut expéditif: ● Réunion du 23 mai 2006 Le gouvernement força l’organisation d’une réunion ayant pour but d’expliquer le District Plan dessiné par leurs consultants. Pendant la présentation, des citoyens exprimèrent leur mécontentement et furent sortis de la salle. ● Réunion du 26 Juillet 2006 A l’inverse de certains membres gouvernementaux et de la vaste majorité des experts, la plupart des membres du conseil municipal étaient pour l'approbation du District Plan . Finalement, 28 votes allèrent en faveur du projet contre 27. En plus des votes, les autorités avaient récoltés 443 commentaires qui ne furent pas comptés en tant que vote. ● Réunion du 18 Octobre 2006 Cette réunion est connue comme la pire que le conseil de Setagaya ait jamais tenue (Doc.72). Il y eut 429 commentaires sur 1058 qui votèrent en faveur le plan du gouvernement. Au vu du résultat, un membre du gouvernement conduisant les votes fut soupçonné d’actions illégales. Dès lors, la légitimité du plan fut remise en cause. Malgré les contestations des experts qui demandèrent d’arrêter la procédure, le District Plan fut approuvé par le conseil de Setagaya à 9 votes contre 5. Cette situation est exceptionnelle car les plans furent accepté malgré les discussions en cours et l’avis contraire des experts. 103


Doc.72: Réunion du 18 Octobre 2006. Source: Kobayashi, s.d.

● Réunion du 16 Novembre 2006

Le conseil de planification urbaine du Tokyo Metropolitan Government approuva les plans concernant l’usage des sols ainsi que les changements apportés au FAR ( floor area ratio ) dans la zone de Shimokitazawa alors que 100% des commentaires du public, soit 350 commentaires, allèrent à son encontre. Suite à ces épisodes, l’Institut d’Architecture Japonais30, composé d’un comité académique de planification urbaine, s’intéressa à l’affaire et envoya des pétitions aux autorités de Setagaya et du Tokyo Metropolitan Government. Encore une fois, aucune réponse officielle ne fut renvoyée. En définitive, aucun des plans originaux proposés par le gouvernement de Setagaya ne fut remis en cause ou retravaillé malgré les efforts d’experts, d’habitants, d’étudiants, du Japon et d’ailleurs. Les autorités maintinrent le fait que la procédure était totalement légale bien que des experts l’aient décriés. Heureusement, ce cas est exceptionnel mais cela démontre malgré tout des lacunes quant à la prise en considération de l’avis des citoyens et à leur participation active dans la politique publique. De plus, il y eut une sous appréciation flagrante de l’avis des experts par les responsables de l’aménagement urbain de la municipalité de Shimokitazawa (Kobayashi, 2015).

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A IJ – Architectural Institute of Japan

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2.4.1.4 Une nouvelle vague Suite au déroulement des opérations et à la remise en cause de sa légalité, le groupe citoyen “ Mamore Shimokita! ” se mit en place en octobre 2006. Il est spécialisé dans le conseil juridique, un atout important qui manquait parmi les associations indépendantes déjà créées. L’année qui suivit sa création, “ Mamore Shimokita! ” collabora avec le Shimokitazawa Shopkeeper’s Council et “ Save the Shimokitazawa ” pour organiser des évènements citoyens répondant au nom de “ Shimokitazawa VOICE ”. Entre autres, ils remirent en cause la légalité de la décision, demandèrent le gel du budget de construction aux autorités et encouragèrent les médias à diffuser l’information. Le but premier de cette union est encore aujourd’hui de faire connaître et comprendre le cas de Shimokitazawa au plus grand nombre possible. Les événements de “ Shimokitazawa VOICE ” sont généralement constitués de 2 parties. La première est constituée de talk events questionnant la pertinence du redéveloppement, et la seconde de l ive events , le tout réparti sur deux à trois jours. Le premier événement, organisé en août 2007 (Doc.73), invita durant les deux premier jours des sociologues, des dramaturges, des réalisateurs, des journalistes, divers représentants des associations citoyennes, etc. Au troisième et dernier jour de colloque, le talk event traita la question du redéveloppement de manière plus pratique: “Dessiner un futur visage à Shimokita? ­ Qu’est ce que qu’un ville attrayante? ­ Comment doit être la place devant la station?” ( Shimokita no mirai zuwokaku. Miryokuaru­gai to wa? ekimae hiroba no arikata wa? ) (Shimokitazawa VOICE, s.d.). A cette occasion, Masami Kobayashi, expressément invité, prit la parole afin d’insister sur la question du site de la ligne Odakyu, devenue l’inquiétude principale des membres de “ Shimokitazawa Forum ”. Suite à cela, différents spécialistes commencèrent à préparer une nouvelle association en vue de porter la réflexion exclusivement sur l’espace vacant laissé par la ligne Odakyu (Kobayashi, 2015).

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Doc.73: Affiche du premier évènement de “ Shimokitazawa VOICE ” en 2007. Source: Shimokitazawa VOICE, s.d.

En janvier 2008, c’est donc l’association “ Atochi­no­kai ”, fraîchement créée, qui prit le parti de se concentrer sur le site d’Odakyu. Ils utilisèrent plusieurs moyens dans le but d’aboutir à un plan, créé par les citoyens, qui soit exposable auprès des autorités locales. En premier lieu, les membres de l’association procurèrent toutes les informations nécessaires aux citoyens pour permettre une diffusion du savoir égale entre tous. En second lieu, ils organisèrent des évènements, des séminaires et des workshops. Finalement, il créèrent une plateforme de partage d’information entre les commerçants locaux et les membres du gouvernement. Des évènements furent organisés tous les mois jusqu’à ce que le plan le plus satisfaisant possible soit élaboré. Les autorités de Setagaya réagirent en écho à la création de “Atochi­no­kai”. En effet, elles mirent en place un “comité pour l’examen des commentaires publics”. afin de produire un plan public qui allait par la suite être transmis à la Odakyu Electric Railway Company . Bien que le format de rendu imposé par les autorités n’ait pas été satisfaisant, la mise en place de ce comité fut prise comme une marque d’amélioration concernant l’attitude du gouvernement.

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Courant 2008, un workshop en collaboration avec des étudiants issus de toute l’archipel nippone fut organisé par l’ “ Urban Design Support ” et la “ Japan Association Architects ” (JIA). A l’issue du workshop, ils proposèrent cinq plans. En parallèle, “ Atochi­No­Kai ” proposa deux plans basés sur les désirs des habitants, établis suivant le modèle des charrettes workshops de Masami Kobayashi (Doc.74). Au final, 128 applications (117 individuelles et 11 groupes) furent déposées auprès des autorités locales ( ibid. , 2015).

Doc.74: L’une des deux propositions de l’association “Atochi­no­kai” conçue avec les habitants de Shimokitazawa. L’ensemble du site est une promenade verte publique. Source: Greenline Shimokitazawa, s.d.

Le “comité pour l’examen des commentaires publics” choisit 20 applications et les exposa publiquement. Malheureusement, l’exposition fut trop courte pour avoir un réel impact sur les habitants du quartier. Par après, le gouvernement local présenta les plans des 3 stations (Higashi­Kitazawa, Shimokitazawa, Setagaya­Daita) dessinés par les consultants de la compagnie Odakyu et laissa 19 jours pour permettre des contestations et des améliorations publiques. Idéalement, il aurait été préférable que la conception de ces stations se base sur un concours architectural mais ce ne fut pas le cas. En mai 2010, le comité présenta le plan News n°5 (Doc.75) qui, malgré le fait qu’il n’y ait eu aucune réunion ou table ronde, sembla contenir des idées présentées précédemment 107


par les citoyens. Cependant, en Mars 2011, la plan dévoilé par les autorités de Setagaya lors de la News N°6 (Doc.76) présenta des régressions comparées au plan n°5. Le dernier projet intégra les commentaires d u gouvernement national et du Tokyo Metropolitan Government . La première différence principale fut la règle des “15%” conclue entre le Ministère de la Construction et le ministère du Transport. Ces 15% représentent la quantité d’espace public obligatoire sur l’ensemble site ( ibid. , 2015). Une portion largement insuffisante au vu du nombre d’espaces publics au Japon et particulièrement d’espaces verts appropriables. En effet, les résidents de Tokyo ne jouissent que de 5,2 m 2 de parc par personne, une surface bien inférieure à New York (29,1m 2 /pers.), Londres (26,9m 2 /pers.) ou Séoul (14,9m 2 /pers.). De plus, les parcs tokyoïtes sont forts contraignants en raison d’un nombre important de plantes, de pelouses interdites, de bancs fixes et des horaires de fermeture (Ota, 2002). Quoiqu’il en soit, cette règle des “15%” s’applique habituellement aux lignes ferroviaires en surface, et non enterrées. Dans le cas d’une ligne enterrée, il ne devrait donc pas y avoir de relation particulière entre le secteur privé et le secteur public; au moins la majorité du site devrait être public. En outre, la bande verte alors présente dans le projet du comité n°5 disparu dans le plan n°6. Ajouté à cela, le plan de zonage était abstrait et discontinu sur sa longueur. Et dernièrement, l’ensemble du projet ne se liait pas adéquatement aux rues adjacentes (Kobayashi, 2015).

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Doc.75: Plan n°5 de Setagaya Ward intégrant des éléments établis par les habitants.

Doc.76: Plan n°6 de Setagaya Ward, une vision rétrograde en comparaison avec le précédent. Source: Greenline Shimokitazawa (s.d.)

Alors que les membres du groupe “ Atochi­no­kai ” voulurent répondre aux plans décevants des autorités, un tremblement de terre important toucha l’est du Japon le 11 mars 2011 ( ibid. , 2015).

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2.4.2 ...à la collaboration! (2011­...) 2.4.2.1 Changement de direction La même année que le tremblement de terre, Nobuto Hosaka fut élu nouveau maire de Setagaya. Ce changement de gouvernance permit de rétablir le contact entre les autorités et les citoyens. A l’occasion du changement de maire, Atochi­no­kai fit aussi peau neuve et s’appela désormais Greenline Shimokitazawa . Ce changement de nom illustre une volonté d’orienter l’association vers une approche plus sociale et collaborative entre les différents partis concernés par le site de la ligne Odakyu ( ibid. , 2015). Cette modification d’attitude fut confirmée par Tomomi Sekihashi. Lorsque je lui ai demandé si la situation était toujours conflictuelle aujourd’hui: “ It is before the Greenline Shimokitazawa , when it was “Shimoitazawa Forum”. At that time their was a conflict but now we're doing very good works with the local government. (...) But please note that greenline Shimokitazawa is not a group to protest against the construction, it is more of a group that wants to cooperate with the local government or even with the companies” ( Annexe 1) . Dès le début de sa candidature, Hosaka examina le plan News N°6 et décréta qu’il n’y avait pas assez de mesures contre les désastres naturelles, de sorte qu’il ordonna la révision du plan. Le tremblement de terre arrivé un mois avant son élection joua en quelque sorte en faveur des habitants de Shimokitazawa. Par exemple, en novembre 2011, les autorités de Setagaya organisèrent un walking workshop qui permit à quelques locaux, choisis au hasard, d’arpenter le terrain de l’ancienne ligne Odakyu. Ainsi, ils purent se rendre compte de l’envergure du site qui mesure 30 mètres de large sur 2.2 km de long. En janvier 2012, Greenline Shimokitazawa organisa un charette workshop afin de dessiner les lignes directrices sur le site Odakyu. Ils conservèrent leurs intentions de créer une promenade verte sur laquelle des programmes publics viennent se greffer. On y trouve des espaces d’évacuation en prévention des désastres naturelles ainsi que des espaces culturels, de potagers, de forêts communautaires et accessoirement, un partie consacrée à d’éventuels commerces ou bureaux. (Doc.77)

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Doc.77: Le diagramme conceptuelle produit à l’issue des trois jours de charrette en 2012. Source: Greenline Shimokitazawa, s.d.

En Avril 2012, un symposium organisé par le gouvernement invita les représentants des 4 associations marchandes de Shimokitazawa et tout autre intéressé voulant y participer. Ce fut la première fois qu’un dialogue collaboratif eut lieu avec la fédération des marchands du quartier (Kobayashi, 2015). Kenji Shimodaira expliqua que cette rencontre fut le terreau d’une nouvelle collaboration: “T he Merchants didn't know what is Shimokita, how Shimokitazawa is very important for Japan but they realized that it is already a very good place. They finally loved the walking space of Shimokitazawa and not its destruction. So we made many concerts and events in front of station. The Merchants were our enemy but by seeing they changed their mind. We also had a big chess and backgammon tournament in front of the station last year, which was my idea. All Shimokitazawa was a game. We played, drank beers and everybody saw it was a good idea. Also, we were fighting against the government but with Mister Nobuto Hosaka, the new mayor of Setagaya, I changed my mind and realized a had to be friend with the Merchant's Association. Many friends fighting with me thought in totally changed, I was a traitor. The government as well thought I was totally against building something and I needed to say ok, to be friend with them. But people that 111


know me know that I am always long, I take my time. So I took me four years to win their confidence, they saw I organizing was many good things, many good events. These events were reported in the media and the government understood I was useful. And like Othello game, I continued changing, changing, changing the relation. (...) You know Othello game? The black is the Roppongi­Aoyama Style but with talks and fights we could win piece by piece and now everything is almost white.” En juillet 2012, un workshop international fut organisé, par l’ Architectural Institute of Japan . Chaque année, l’institut organise ce type de workshop et en 2012, il prit pour thème la zone de Setagaya. L’importance de la nature et la création d’une communauté autonome furent les éléments les plus communs à surgir parmis tous les projets étudiants. 2.4.2.2 En marche vers un consensus Dans la nuit du 22 mars 2013 au 23 mars 2013, la ligne odakyu disparu sous terre sur la section entre Higashi Kitazawa et Setagaya Daita. L’événement historique fut suivi par un grand nombre de personnes clamant le slogan « Goodbye railroad crossing ! Welcome Shimo­Chika ». Pendant ce temps là, les négociations pour le plan d’aménagement du site vacant continuèrent entre les membres du gouvernement local, du gouvernement national et la société ferroviaire Odakyu. Finalement, en Novembre 2013, le maire Hosaka annonça qu’un plan de zonage était approuvé par les trois partis (Doc.78). Un premier accord mémorable alors que la relation de conflit primait depuis des décennies. La même année, l’association “ Greenline Shimokitazawa ” devint une NPO (non­profit organisation) . Ce statut légal lui offre une force de frappe plus importante en lui permettant d’agir à un niveau institutionnel et politique en tant que société civile (Sorensen, 2006, p.123). A partir de la fin de l’année 2014, se tinrent des réunions appelées “Kitazawa Design Meeting” ayant pour but de faire travailler ensemble les associations des commerçants de Shimokitazawa ainsi que les citoyens. Le but fut d’améliorer l’aménagement du terrain. Lors du second “Kitazawa Design Meeting” en 2015, un Citizen’s Design Concept fut présenté.

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Ce fut un second événement historique car pour la première fois, un plan établi par les citoyens (s himin ban31) pouvait être présenté et accepté par les autorités. (Doc.79)

W atanabe, 2006.

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Le plan de concept présente une promenade verte surélevée, directement inspirée du projet de la High Line à New­York par Robert Hammond et Joshua David. Cependant, les plans sont toujours en cours d’évaluation étant donné que la compagnie Odakyu n’a pas encore fourni les siens. En conséquence, hors celui de zonage, il n’existe pas encore de projet final pour l’ensemble des 2,2 kilomètres disponibles. Aux yeux de Masami Kobayashi, les plans actuels ne sont pas satisfaisants malgré le fait qu’ils aient été conçu en accord avec la volonté des citoyens. “Actually, now Odakyu is telling us sometimes that they want to build a library or something. But still, our plan is to build full green and open space. The actual mayor insist that open space should be needed for the disasters” , dit­il (Annexe 6). En effet, l’analyse des plans permet de constater qu’une grande partie du terrain est cédé à Odakyu. La compagnie ferroviaire privée compte y construire des logements, des commerces et des bureaux, une vision éloignée de celle escomptée par Greenline Shimokitazawa (plan de 2012) et précédemment “Atochi­no­kai” (plan de 2008). Sur les plans produits au second “Kitazawa Design Meeting”, seule la partie Ouest est composée d’une réelle promenade verte; la partie Est, elle, appartient en majorité à Odakyu. Par conséquent, la largeur de la promenade y est réduite. (en rouge et gris sur la carte de zonage). De plus, le rond point et la route ne sont absolument pas remis en cause. A l’heure actuelle, les négociations sont toujours en cours avec Odakyu afin d’augmenter les open space le long de la promenade et minimiser l’impact des bâtiments (Masami Kobayashi, Annexe 6). Il est intéressant de constater qu’il y a une sorte de désinformation concernant le projet, même parmi les personnes censées être les plus au courant. A titre d’exemple, j’ai reçu deux réponses différentes à propos de la possibilité qu’Odakyu construise des bâtiments de grande taille. D’une part, Kenji Shimodaira me répondit: “Odakyu line that will build new buildings on the empty space said that they won't build big one, not anymore. Just two floors. They realize that in Shimokitazawa they can't make good money with high buildings. Maybe they'll choose another” (Annexe 5 ). D’autre part, Masami Kobayashi, architecte, me donna une réponse plus pratique: “ (...) physically they can not do it. It's to heavy on top of the railway. So just two or three storeys, maybe two. (...) They still want to build something commercial or housings. They say that as far as they can get a certain profit, not a big money. Two storeys is just nothing” .

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Il faut ajouter à cela qu’Odakyu ne fournit pour le moment que des consignes concernant les matériaux à utiliser mais quasiment aucune information sur la spatialité. C’est cette spatialité que Masami Kobayashi craint le plus: “Tokyu32 is quite conscious about commercial and good integration but Odakyu is not so good” (Masami Kobayashi, Annexe 6). En effet, certaines compagnies privées portent une grande attention aux POPS (privately owned public space) qu’elles créent. Bien qu’un espace réellement public et non détenu par un privé serait préférable, la situation au Japon fait que la plupart des espaces publics ne sont pas fabriqués par le gouvernement. Malgré tout, certaines sociétés privées produisent des espaces de grande qualité. En effet, il existe de même des POPS ayant pour but de tisser des liens communautaires. Ce fut le cas dès 1967 à Kyoto, le gouvernement légifèra le “Kyoto City Subsidy Guideline for Kids’ Squares” ( Kyoto­shi Chibikko Hiroba Josei Yoko ). Cette mesure invita les propriétaires fonciers à aménager des espaces dédiés aux enfants sur leurs terrains privés en échange d’avantages et d’assistance de la part du gouvernement (Baba, 2013). A côté de ces mesures avant­gardistes, les seules images disponibles d’un futur design des constructions sur la partie des terrains détenus par Odakyu ne semblent pas favoriser les liens sociaux, l’un des préceptes de Greenline Shimokitazawa . L’image fournie par Nikken Sekkei, en charge du master plan, montre des bâtiments surplombant une mince allée piétonne (Doc.80). Le projet fut sélectionné comme finaliste de la catégorie “meilleur projet de régénération urbaine” du MMIP (Le marché international des professionnels de l’immobilier) (Nikken Sekkei Ltd., 2016). Masami Kobayashi se rendit secrètement à la présentation de ce projet au MMIP. Il décrit ce projet qui ne présente aucune verdure comme une g reenline qui n’en est plus une (Masami Kobayashi, Annexe 6).

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Compagnie ferroviaire majeure au Japon proposant des divers services similaire à la Odakyu Electric Railway Company.

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Doc.80: Le projet sélectionné conçu par Nikken Sekkei pour Odakyu Electric Railway Company. Source: Nikken Sekkei Ltd., 2016.

Dans le passé, le rapport qu’entretenaient les autorités et les citoyens concentra toutes les énergies sur de multiples conflits d’intérêts en lieu et place de les utiliser à l’élaboration d’un plan consensuel. Ceux­ci ne seront probablement pas modifiés, à moins que le Tokyo Metropolitan Governement ne les remette en cause, une possibilité qui se dessine avec l’aide de Yoriko Koike, maire de Tokyo. Quant au projet de la greenline , les plans ne font pas encore l’unanimité mais les discussions sont toujours en cours. On peut espérer un accord dans un futur proche qui p uisse satisfaire les deux parties. Aujourd’hui, l’état de belligérance a mué en collaboration entre les différents partis. Cela offre la possibilité de focaliser l’attention sur la création d’une communauté unie et 119


porteuse de projet. C’est en tout cas ce que semble indiquer l’ensemble des mes interlocuteurs: “W hat is new is that in the past there was no communication between the different kind of people such as Merchants, the Government, local residents and the people who like Shimokitazawa and coming here. There was no communication but now we have it. What is important is to be united, linking those people.” (Gaku Taniguchi, Annexe 2); “(...) now communication with the government is direct, smooth and friendly.” (Tomomi Sekihashi, Annexe 1) ; “To make opposition is easy but alternatives are needed and this is difficult. It was hard to make understand that we don't need car, walking is better.” (Kenji Shimodaira, Annexe 5). Afin de trouver des alternatives, de nouveaux symposiums ont été organisés par “Shimokitazawa VOICE” . Le meeting organisé en août 2016 (Doc.81) avait pour thème “Shimokitazawa culture and life chronicle” ou encore “From redevelopment and reconciliation to collaboration” avec comme invité le maire de Setagaya, Nobuto Hosaka. Deux mois plus tard, un colloque fut organisé à propos de Portland, ville leadeuse en terme de politique urbaine novatrice (Shimokitazawa VOICE, s.d.). “Greenline Shimokitazawa” organise aussi des symposiums. Le dernier en date s’interrogeait par exemple sur l’espace public comme vecteur de création culturelle et de nouvelles valeurs (Greenline Shimokitazawa, s.d.). (Doc.82)

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Doc.81: Talk + Live event organisé en 2016 par “Shimokitazawa VOICE” Source: Shimokitazawa VOICE

Doc.82: Série de symposiums organisé par “Greenline Shimokitazawa” en 2017. Source: Greenline Shimokitazawa

Cette conscientisation et cette volonté de créer de nouvelles valeurs se sont matérialisées par l’apparition d’un nouvel organisme porté par les autorités de Setagaya mais entièrement géré par les habitants: “Kitazawa PR Strategy Meeting”. Divisé en cinq sous­groupes, les citoyens participent à des brainstormings pour se concentrer sur l’utilisation et la gestion des futures installations, et non leur conception spatiale, dans le but de renforcer l’attractivité de Shimokitazawa. Ils se retrouvent lors de “ Kitazawa PR Strategy Meeting ” ( Kitazawa PR senryaku kaigi ) dont le slogan est “ Si vous voulez transmettre le charme de votre quartier, vous êtes invités ” ( Mizukara machi no miryoku o tsutaetai kata, motomemasu ). Les cinq groupes se distribuent les tâches suivantes (City of Setagaya, s.d.): 1. Shimokita edition (Promotion du quartier par la création d’un site web) 2. Organisation d’événements 3. Amélioration de la verdure sur la place de la station 4. Création d’un environnement plus agréable et ergonomique (personnes âgées, poussettes, etc.)

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5. Shimokita Guide team (guides destinés aux étrangers)

Doc.82: Situé entre la sortie Nord, un espace bitumé par les autorités en vue de devenir le rond­point est réhabilité et agrémenté de plante entretenue par les habitants du quartier. Source: donnée personnelle.

Yumi Sato, habitante de Shimokitazawa et mère d’un enfant, fait partie de la section s’occupant la promotion de la verdure dans le quartier. Grâce à son parcours, elle y joue un rôle essentiel. En effet, Yumi Sato partit vivre à Portland avec son fils car elle était intéressée par cette ville atypique. D’un côté, son fils alla dans une école en pleine forêt et d’un autre, elle joignit une association sans but lucratif dans le but d’apprendre à recréer un sentiment d’appartenance au sein des villes à travers la diffusion de l’agriculture urbaine communautaire. C’est pour cette raison qu’en avril 2017, des experts de la permaculture furent invités à Shimokitazawa. Quelques mois plus tard, les premières cultures urbaines de Shimokitazawa virent le jour. Yumi Sato expliqua qu’elle aurait préféré cultiver à même le sol et non dans des bacs mais les futures travaux l’en empêchent. Quoiqu’il en soit, l’agriculture urbaine est un atout intéressant pour Setagaya car la municipalité possède de grands espaces verts le long de la rivière Tamagawa. A Portland, Sato san organisa aussi des événements de danse japonaise ( bon odori ). Ces actions locales entrent dans une dynamique globale comme elle me l’expliqua: “... we act local but we connect the projects all over the world. Like in Portland with the Bon Odori, people dance in a Japanese way etc. I also play Japanese drums.... Think global, act local ! 122


Like the edible plant project is a global idea, from Barkley, but now it has spread all over the world. We can cultivate the soil, feel the soil, we eat yummy food...it's a very good idea. (...) I think I want to connect the people all over the world, like me...like us ! So we can share ideas and empower each other. It's very important, we are not lonely, we can connect”. Son avis rejoint celui Kenji Shimodaira à propos du changement de mentalité en comparaison à celui des années 1980. Selon elle, les gens réalisent aujourd’hui que le travail et l’argent ne sont pas la clé d’une vie saine. C’est pourquoi de plus en plus de personnes se tournent vers des activités communautaires. “So people are changing and try to make their life better, funnier. (...) Many people have awakened”. (Yumi Sato, Annexe 3) . Grâce à ce type d'initiatives importées, les acteurs des diverses associations de Shimokitazawa paraissent accueillir la front station plaza/rotary avec moins d'appréhension qu’auparavant. Ils s’approprient l’espace de leur quartier en mutation à travers différents évènements ponctuels et divers projets à long terme qui viennent animer les lieux et consolider les liens communautaires. A ce propos, Kenji Shimodaira étaya la situation: “All these events show that we don't need the rotary, we need a space for dancing! But they say "we need a rotary for cars, it's useful" but I say "no, we love dancing, we need a space for dancing". That's my tactic (laughing). We need to come from another side, not from a front opposition, war… (...) Yes, coming from another side and then make friend. This year I am going to Monte­Carlo for backgammon championship. A very funny thing is the Israeli and Palestinian play every year together in a friendship event. People that live in Israel love backgammon, people that live in Palestine love backgammon. Results, they play together. We need to make peaceful events with games, like the Japanese chess. I love to drive a car but with the events we show that situation is good as it is. When you drive, you don't know how walking is good. You can be annoyed because of not being able to drive but when you walk you realize "ho, they are playing shogi33". Many people don't know that walking town is good. (...) In the future, the economy won't be that good maybe and they won't have any necessities to build a big road. In this case, we won't have to fight. Fighting request power and money. We are trying to make a paradise in Shimokitazawa” ( Annexe 5) . Parmi les événements, certains promeuvent les petits artisans, d’autres l’art culinaire du curry ou encore de la soupe miso.

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Jeu d’échecs japonais.

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Le 8 Juillet 2017, le Shimokitazawa Music Festival rassembla de nombreux concitoyens autour de la musique. En plus des concerts, il fut possible de venir découvrir le projet de plantes comestibles initiés par Yumi Sato. (Doc.83) En août, le festival d’été de Shimokitazawa propose de nombreuses activités comme l’apprentissage du shogi aux enfants, de la danse Bon Odori parrainées par les associations des marchands de Shimokitazawa en lien avec Save the Shimokitazawa (Doc.84). En juin 2017, Kenji Shimodaira organisa des concerts et une exposition photo en hommage au Front Station Market. “Anyway, we can not save the Market but there is promise with the Merchants. We will make a good community park on the rotary” , expliqua­t­il . Cela démontre que les rapports ont fortement changé par rapport à ceux entretenus dix ans plus tôt.

Doc.83 (Gauche): L’un des sites vacants attendant d’être transformé en route investi par les citoyens. Les premières plantes comestibles étaient déjà présentes. Source: Shimokitazawa Books. Doc.84 (bas): Les habitants de Shimokitazawa pratiquant le b on odori l ors d’une édition précédente de festival d’été de Shimokitazawa. Source: Shimokitazawa azuma­kai Azuma­dōri shōten machi (Shimokitazawa east Merchants’ Association) .

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Désormais, la création de liens sociaux dans le quartier de Shimokitazawa ne se limite plus à l’organisation d’événements traditionnels comme les matsuri34 par les chonaikai. Bien que ceux­ci gardent une importance certaine, le tissu social se crée désormais par des activités qu’on ne peut caractériser d’inhérentes au Japon ou à Shimokitazawa. Selon Greenline Shimokitazawa , la clé d’attractivité du quartier réside dorénavant dans son approche “glocale” que ce soit à l’échelle de la gestion ou de l’animation du quartier. L’ensemble des actions concrètes utilisant les espaces vacants vise à montrer qu’il est possible d’en faire un usage de qualité pour la communauté: “About the small plots sold for the road, we're now talking about the place to use them. We are bohemians, we can use every space” . Kenji Shimodaira entend continuer ce type d’événements même si c’est un rond­point qui est construit: “There is a funny thing, they want to make a rotary but the road won't be constructed early enough. So they won't be any car on this rotary! Therefore, we want to make a "temporary" use of the plaza. And maybe 15 years later they will construct a functional rotary. We will make a space for concerts, live acts and shiki. It's tents in Front of Shimbashi. They use it as a theater. I'd like to make a theater in front of Shimokitazawa station. If it works maybe they won't ever be a rotary. You know, we were fighting against the government but now we're talking. We have a good relationship with the authorities of the Setagaya Ward. The want to make a rotary...no, no, no...they HAVE to make rotary but there is still no road, we can discuss about temporary using. I want to make a good park full of humanity. I will do!” (Kenji Shimodaira, Annexe 5) . On peut donc espérer que ces actions pacifiques montreront la voie aux autorités afin de malgré tout, changer les plans. A ce propos, Masahiro Kashiwa explique qu’il fera aussi son possible pour créer un espace agréable, peu importe sa spatialité. Le thème du redéveloppement “ a town kind to the people ”, donné par le gouvernement local, est selon lui loin d’être respecté. “ So, we need to keep protesting or recommending to make it "kind to the people"” , disa­t­il. Il expliqua que grâce à sa position de propriétaire foncier, il possède plus de pouvoir décisionnel auprès des autorités et espère utiliser son influence pour intégrer des arbres sur la place de la station où il possède une parcelle (Masahiro Kashiwa, Annexe 4). En définitive, il est possible que le redéveloppement évolue si les autorités locales mais surtout métropolitaines et nationales décident d’écouter leurs électeurs. Cependant, la tâche ne sera pas aisée car les associations existantes manquent de jeunes dans leurs rangs 34

Festival traditionnel japonais, généralement religieux, présent dans chaque localité.

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pour continuer le combat. Certains d’entre eux ont peur de protester par crainte d’être vus comme “dangereux” au point de perdre leurs jobs ou de ne pas pouvoir en trouver par après (Tomomi Sekihashi, Annexe 1). Masami Kobayashi, vice­président de l’Université de Meiji, rencontre aussi des difficultés au sein de Greenline Shimokitazawa . Les jeunes ont tendance à venir de manière irrégulière, et de manière générale, il n’y a pas assez de personnes passionnées présentes à chaque réunion. C’est pourquoi il essaie d’impliquer ses étudiants dans le projets. (Masami Kobayashi, Annexe 6 ). En parallèle à ce manque d’implication, d’autres jeunes décident de quitter Tokyo pour vivre à la campagne, par exemple autour de Shonan ou Manazuru, situé sur la côte au sud de Yokohama. Ils y créent de nouvelles communautés, là où la vie est moins stressante et moins chère. En d’autres termes, il partent en quête de nouveaux idéaux que la ville ne peut plus leur offrir (Yumi Sato, Annexe 3). Nobuto Hosaka, maire de Setagaya, encourage même les gens à s’installer hors de la ville. En effet, il craint que sa municipalité, de plus en plus peuplée, cesse d’être un espace agréable à vivre et ne puisse plus répondre aux besoins de tous ses habitants, comme l’accès à l’école ou aux soins. A titre d’exemple, Hosaka fit face à des mouvements d’opposition, principalement de la part de personnes âgées, à l’encontre de la construction de cinq nouvelles écoles maternelles à cause du bruit des enfants et des rassemblements de mères en vélo dans les rues étroites du quartier. Au delà de ça, cet exode urbain est aussi soutenu par le gouvernement national qui a entamé une décentralisation de ses organes administratifs hors de la capital. C’est déjà le cas de l’Agence des affaires culturelles qui a été déplacé à Kyoto, ancienne capitale du Japon. De surcroît, le gouvernement national invite les compagnies privées à suivre la marche en déplaçant leurs activités en dehors de la mégalopole nippone (Reynolds & Nobuhiro, 2016).

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Conclusion L’étude historique de la fabrication de la ville de Tokyo démontre l’importance vitale des citoyens à son bon fonctionnement, malgré leur implication quasiment insignifiante dans le processus décisionnel de planification jusqu’à aujourd’hui. Depuis Edo, la participation citoyenne est au centre de la société japonaise mais uniquement en termes de gestion de la vie quotidienne. Cette prise en charge autonome de la part des citoyens, regroupés en chonaikai , a permis de constituer un sentiment communautaire important qui continue de persister aujourd’hui. Cependant, il ne faut pas oublier que durant l’ère Edo, cette auto­gestion était seulement le fruit d’un désintérêt des dirigeants envers son peuple. Par l’organisation d’un pouvoir central à la fin du 19 e siècle, le gouvernement tenta en première instance d’opérer un contrôle totalitaire sur l’organisation et la planification de la société japonaise tout en reléguant la question de la gestion des communautés aux autorités locales. Dès lors, les citoyens n’avaient théoriquement plus aucune responsabilité. Plus tard, la première loi concernant l'aménagement urbain en 1919 constitue une preuve que le gouvernement entendait continuer à régner en maître. Cette preuve est personnifiée par le Ministère de l’Intérieur qui possédait quasiment l’ensemble des pouvoirs et les utilisait dans le seul but de positionner le Japon en tant que leader économique mondial, en dépit des conditions de vie de la population. Dès que l’Etat compris qu’il n’avait pas la capacité de développer des plans d’ensemble comme en Europe, il se focalisa sur la production d'infrastructures, délaissant peu à peu des tâches vitales à des compagnies privées. Les conditions de vie devenant critiques dans la ville, les résidents exprimèrent leur mécontentement. En conséquence, le gouvernement central donna raisons à leurs revendications en institutionnalisant des organismes citoyens afin de gérer les tâches inhérentes au bon fonctionnement d’un quartier. Ce fait peut être interprété comme une première délégation de pouvoir de la part du gouvernement central, nouvellement mis en place. Ce court résumé suffit à schématiser l’attitude du gouvernement national japonais vis­à­vis de l'octroi d’indépendance aux organismes qui lui sont inférieurs, et de pouvoir aux habitants.

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Quelques moments historiques clés illustrent ces propos. Suite au séisme de Kanto en 1923, la population s’exila à l’ouest de Tokyo et créa d’elle même une nouvelle urbanité. Pendant ce temps­là, le gouvernement se concentra sur la reconstruction d’une ville impériale inspirée de l’Occident et laissa les compagnies privées “profiter” du nouveau marché immobilier que représentait cet exode. En outre, il purent développer un réseau ferroviaire. La période après­guerre subit le même sort, ce furent à nouveau les infrastructures et l’arrangement programmatique qui primèrent au dépit d’une régulation pour assurer un confort de vie minimum. Il fallut attendre de nouvelles protestations, et cette fois de la part d’instances gouvernementales, pour obtenir en 1968 un loi qui offrait au moins la possibilité, à un niveau des préfectures, d’avoir un contrôle sur le territoire. A contrario, cette mesure réduisit le pouvoir des autorités municipales. L’élan progressiste des années 1970 fut vite rattrapé par des mesures de dérégulation 10 ans plus tard. En 1992, lorsqu’une vraie mesure aurait permit de donner du pouvoir aux gouvernements municipaux en leur donnant l’occasion de donner leur aval dans le cas d’implantation de projet nationaux, le gouvernement central mit son droit de veto. En contrepartie, il offrit en 2000 le Système de suggestion ( mochide seido ) offrant aux citoyens la possibilité de donner leur avis sur les planifications à venir. Un acte qui permit de garder le pouvoir de planification aux mains des autorités tout en calmant les revendications du peuple. En conséquence, l’histoire révèle que les décisions du gouvernement central en faveur de la décentralisation, ou de dispositions ayant pour seule finalité le bien­être, sont toujours le fruit d’une crise. Celle­ci le poussant à céder une partie de son pouvoir dans le but de conserver ses électeurs. Par la suite, une nouvelle période de dérégulation est entreprise. C’est en quelque sorte, le mythe de Sisyphe appliqué au gouvernement japonais omnibulé par le développement économique du pays. De plus, cette décentralisation est orchestrée de façon à ce que tout organe gouvernemental reste dépendant financièrement de son supérieur. Cette réalité offre une réponse à la question posée en introduction sur le rapport qu’entretiennent les acteurs de la villes, autrement dit les citoyens, et “le maître de la ville” (Hiroshi, 1994). Il semblerait que dans les faits, le gouvernement national et le gouvernement métropolitain de Tokyo, les “auteurs” du scénario, privent les autorités locales des municipalités de leur rôle d’auteur, pourtant légitime. Pour ce faire, ils exercent des pressions

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politiques et financières. De surcroît, les autorités locales, censées être le plus à l’écoute de la population, octroient peu d’attention à ses citoyens, les acteurs de la ville. La cas d’étude de Shimokitazawa montre qu’un changement de paradigme est encore possible à Tokyo. Le travail d’associations telles que Save the Shimokitazawa, pour propager l’information, ou celui de Shimokitazawa Forum et Greenline Shimokitzawa, pour établir les fondations d’un consensus sur bases académiques et professionnelles, furent essentielles à l’établissement d’un rapport collaboratif. Cependant, le combat fut long et les plan de 2006 maintenus malgré tout. On ne peut donc pas qualifier le cas de Shimokitazawa de réussite en matière de planification urbaine participative, contrairement au cas de Himeji ou Karatsu, mené par Masami Kobayashi (Annexe 1). Dès lors, il est nécessaire ques les autorités et les urbanistes cessent de concevoir l’aménagement urbain comme un projet qui se doit d’être mené de bout en bout, sans quoi il serait un échec. Aujourd’hui, les politiques d’aménagements suivent leurs propres logiques sans reconnaissance du développement existant alors que la plupart des villes se sont formées de manière spontanée par l’assemblage de parties reflétant l’identité de ses citoyens. Cette mentalité conduit à des conflits et entretient les tensions entre les politiques et la population. Il faudrait que les acteurs de la ville puissent entrer dès sa genèse dans le processus créatif de développement et redéveloppement urbain. Pour ce faire, les habitants doivent avoir accès à l’information et à l’appui nécessaire pour la confection de propositions concrètes. En définitive, une politique locale qui soutient les particularités de chaque identité tout en aspirant à une inclusivité universelle qui s’inscrit dans notre réseau rhizomatique, et global contemporain, est nécessaire (Harvey, 1997). C’est ce réseau et l’échange d’informations à échelle globale qui font réaliser aux citoyens leurs rôles d’acteurs de la ville. La matérialisation de cet éveil par la mise en place d’actions locales, pour finalement opérer un changement profond auprès des autorités sur la façon de fabriquer la ville. Mais pour l’instant, comme le résume Masami Kobayashi ( Annexe 6) : “ We need to learn how to manage, we need to do experiment. We need some period to educate” . 129


Un vieil homme pratiquant chaque soir la chiromancie sur les passants du quartier. Espérons que l’avenir inscrit dans le tracé de leurs mains soient aussi bon que celui de Shimokitazawa. Source: donnée personnelle.

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Annexes

1. Tomomi Sekihashi ­ 8 Juillet 2017

R: Let's start by the beginning. Who are you ...? You're part of Greenline Shimokitazawa. Tell me about your role, what do you do in Greenline Shimokitazawa a nd since when ? T: My name is Tomomi Sekihashi and I am a member of the Greenline and I am very interested in increasing the volume of green... I mean the plants in this neighborhoods. So, that's my motivation for joining the greenline shimokitazawa and I've been a member for about 5 years or so. I am the main editor of the book (Shimokita no DNA) because I'm a professional editor. R: There are some events like this, music festivals in the neighborhood. Is there another kind of festival ? And by who is organize the festival today ? T: This one is organized by the Merchant's group and also by other that are supporting this. So this the event organized by the Shimokitazawa Merchant's Association. R: What are the Merchant's associations organizing usually ? Do they have an influence among the government ? For what do they fight ? t: Yeah, they do act together with the government, in the spirit of making the town better and attract many visitors here. R: To take this social ties together through festivals... I mean I've r ead in the book (shimokita no dna) for example that less and less young people maybe between 18­25 are kind of attached to the neighborhood, they come sometimes to Shimokitazawa but for the starbucks or just for... you know shops that are not the roots of Shimokitazawa. So in greenline or the merchant's association, is there a lot of young people ? In Europe, lots of young people fight and usually less of elderlies but here it looks like it's the opposite. T: The people in the protesting against the government mainly they are older group and young people...maybe they feel insecure about voicing because they might lose their job or they might not be able to f ind good job or something like that. R: Because it takes to much time or because they will be seen as fighting against the government and authorities ? T: That might seen dangerous so young people are afraid of being seen as a kind of dangerous people. R: Another think about the book, you've been created in 2003, right ? But they were discussion since 1984 about the District Plan, etc and how come nothing happened before 2003 ? Why everything started in 2003 ? T: I think it's in relation with the Odakyu Line going underground. And those construction are kind of the trigger of the long forgotten plan for building the road. R: There were already some organizations before ? Where there some citizen's association in Shimokitazawa or Setagaya Daita that were already trying to protect the neighborhood before greenline ? T: Ho yeah, do you know Shimokita VOICE ? R: Yes yes ! 141


T: They are the main counter action for the.... R: But Shimokita VOICE is more about organizing events, isn't ? With Kenji Shimodaira ? T: Kenji Shimodaira and K enzo Kaneko. They are the two leaders of those movements. R: And this movement is more about event, less about discussion with the government or they do also try to discuss with the government ? T: They are trying to discuss with the government. They brought the case to the court and they had been long discuss in the court and recently, last year or something, the first section plan is already on the move but the second and the third section are kind of suspended... maybe it's gone. So it's partly successful. R: For which road, because there is the road 10 and 54 and so what are they gonna build or not gonna build ? T: The first section is going to be build but we don't know when because it takes time. Really in the neighborhood but it's not easy to get the places because people are doing the business there s o... R: It means that everybody has to be expulse ? T: They have to be put out but it's not forced...yet... R: Do they have the power to make people leave ? T: If they decide to do so finally, they have the force but we don't think it will happen soon. It will take a lot of time and during that time the japanese population is going down and the people won't have the money to build the building... We're hoping the plan will go away. R: The people are selling the shops because apparently Shimokitazawa is in an economic recession and that's why the government wants to do a new "occidental" planning. It looks like Roppongi or Ginza with wide roads, etc. They are thematizing the neighborhood. T: If they build the wide road they can build taller building and its side. That's what they are aiming for but even now, you know, many buildings are empty. So we can not excpect many people to rent the new buildings. R: Those new buildings are gonna be build by corporation ? T: Our hope is that no big investors are gonna invest so that the town will not be destroyed. R: Ho, because they will think it's not interesting to invest here... T: ...But please not that greenline SHimokitazawa is not a group to protest against the construction, it is more of a group that wants to cooperate with the local gouvernement or even w ith the companies. R: At the beginning is what more a fight against the national and l ocal government because they weren't listening to you? T: It is before the greenline shimokitazawa, when it was shimokitazawa forum. At that time their was a conflict but now we're doing very good works with the local government. R: Because of the changement of the mayor ? T: Ho yes ! R: About the identity of Shimokitazawa, it's kind of changing... There are projects like Shimokitazawa Cage, what do you think of this kind of project ? Do they keep the spirit of Shimokitazawa or it’s a (good) transformation ? T: I think it's kind of a continuity, a transformation. R: Another question, about the greenline itself. So, is it sure now t hat it's will be build ? Is there a final plan to be build on the empty space agreed by the government because I could see lots of plan on the internet. T: What is gonna be build and where is already decided and part of it is already built. R: What kind of public space is planned ? T: It's mainly a pathway with some green on the side. 142


R: Hum, there are more private public space like Shimokitazawa Cage. "Public" but owned by private company. Is it the same for the greenline ? T: No it's totally public. R: I've seen some projects on the internet with kind of shops along the greenline... T: Ho that's built by the Odakyu Line Company. The land is split by the area to be used by the railway company and the area to be used by the local government. R: Ok... You were taking as a reference, the high line from New York which is a beautiful project but that has some f ailings. The creators said said it's a social failure because it became really gentrified. The neighborhood was quite popular and they wanted to build it for everyone but they said that because of the greenline, many investors arrived which transformed the neighborhood. Do you think it could happen to Shimokitazawa, what could you do to keep the mind of Shimokitazawa and the people that are living here ? T: I don't think the new building of the greenline will do that but it is already happening in Shimokitazawa because the rent is too expensive and the smaller shops can not afford that. R: Because they are not the owners ? T: Smaller shops are important for Shimo because of their characters but now there is only the larger chain stores that can afford the high rent... and this case is happening here. R: So we can't do so much about it..? T: We just hope that the owners will lower the rents, haha. R: Mmh maybe..! T: You know to keep the Shimokitazawa brand alive. R: Are they big owners like Odakyu, Mitsubishi and so on ? T: I don't think so they are small owners that build higher buildings. R: Because of the new law that passed recently ? T: Ho no, since Shimokita became popular since the 1980­90s or something. Before it was just a residential area, a local neighborhood but after that it became the popular place for the young people to come. R: There was just the Ichiban­Gai that was commercial at that time and then it expended, isn't? T: Yes, exactly. R: At the moment, you have a temporary plaza here and the government is planning a new plaza in front of the station. It's not so common in Japan but it looks that there are more and more of it. But, Shimokitazawa still have narrow roads, small shops where there is proximity. How do people feel about big plazas in Japan ? T: People who are gathering like here do not like the huge station plaza and there're many cars coming in and a rotary is not appropriate for Shimokitazawa. R: Somehow, the front plaza will kill... T: ...Kill the character of S himokitazawa. Ho There is the guy is proposing idea to make the front p laza better. (Moving to Gaku Taniguchi. Tomohiko translated his answers in Japanese for me.) 2. Gaku Taniguchi ­ 8 Juillet 2017 G: The current plan by the local government of the front plaza looks like any other plaza from o ther stations without any Shimokitazawa identity. R: So, what are you trying to do to make it looks like Shimokitazawa ?

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G: Many kind of people are gathering here with various kind culture. That variety is what Shimokitazawa stands for. He wants to make the make the plaza express that variety of Shimokitazawa. R: Through spatial transformation or more through events like today ? G: In Europe, cities have center but not in Shimokitazawa, that was the good thing about Shimokitazawa. R: And this what it's gonna change with the plaza... T: Lack of center was the essence of the variety of Shimokitazawa. With a new center how can we maintain the variety of Shimokitazawa ? R: I see. Are you part of Shimokitazawa VOICE ? G: I am part of group in collaboration with the local government. We are doing the Shimokitazawa PR Strategy Meeting. R: It's a new group ? T: It is. Since last September. R: What is the group doing exactly ? T: The group is divided in sub­groups of citizens. Some are in charge of the planting of greenery...how to make the town greener. Another group is proposing about the plaza, another one for publications and the other one universal design. They are all in collaboration with the local government. R: And they all have been created in September 2016 ? Because in the Book Shimokita DNA, the story stops in February 2015. So now, you have an influence on the new government ? T: Yes and now communication with the government is direct, smooth and friendly. G: What is new is that in t he past there was no communication between the different kind of people such as Merchants, the Government, local residents and the people who like Shimokitazawa and coming here. There was no communication but now we have it. What is important is to be united, linking those people. R: It's touching more and more citizens, not only specialists ? You are trying to touch the young people as well ? T: We are trying to... (laughing). And here there is another perfect person, back from the USA ! She had been in Portland with her son. R: Ho yes, you talk about in Shimokita DNA because of big community movements. She lived there because of this ? T: Yes, she's very interested in communities, she's a writer. (Moving to her) 3. Yumi Sato ­ 8 Juillet 2017 R: Hi, my name is Romain, I'm from Belgium and just arrived today in Tokyo. I was living in Shimokitazawa for a year in 2015 and student here and making a research about it. So, are you from Shimokitazawa ? Y: Ho no, I moved here about 3 years ago. R: You were living in Portland because apparently you're interested in communities, etc. Could you tell me more about ? Your goal is to implement your experience in Portland in Shimokitazawa ? Y: Ho yeah. I visited Portland 3 times because I'm interested in urban community building. So I want to Portland. He (her son) went to a kindergarten in Portland in the forest and I joined a project about community building named "City Repair". It is a non profit organization. I joined it and learned how to involve people and how to create a community 144


place in urban city. So, I've joined that and created events about Japanese culture. Do you now bon odori (bon dance) ? (Moving because of the noise of the music festival and approaching plants in trays.) Y: Do you this is an edible garden ? We cultivated the planter in order to eat them. R: Is it your idea ? Y: Yes yes yes, it is a very good idea to connect people in urban environment. I learned that from P ortland and the bay area of San Francisco and Berkley. It is a kind of movement to create community by planting, cultivating. R: Is it popular in Shimokitazawa now ? Y: No no no no no, it's brand new ! From April (2017). We invited permaculturist. Do you now permaculture ? R: Yes. Y: We made an event in March (2017) about how to make the community by planting a garden and we started that. We really wanted to cultivate a real soil but we couldn't... R: Could you ask the authorities to use a real soil ? Why did they put some bitumen and not building a nice looking place for everyone ? Could you change this or this place will be destroyed ? Y: I really want that but now, you know, there is the very big project of the station. I want to create a community space for the people so we work together with the Setagaya Ward. We talk about the importance of this project. They're also interested in that because Setagaya Ward has many many garden in Tamagawa area of Setagaya. So, it's a good concept for Setagaya...permaculture or agriculture. R: How come did the government became so collaborative about community, the ties that keep t he people together ? They know that with their current project it will totally change Shimokitazawa. Y: I think city is created by the people. For example this place is owned by mister Kashiwa that has many other lands. So the people living here are interested in public space as well as the government that is getting changed. People want to have connections between each other, that's what is changing. R: So now the social ties of the community is are increasing compare to past ? Y: Yes yes. R: How was it in the 80­90s ? Y: It's better now. In the 80s most of the people were interested in money. We worked so hard everyday, but you're not happy like this and people realized it..."Ho, I'm not happy!". So people are changing and try to make their life better, funnier. Me t oo, two years ago I was working for a company but I change my mind, I am not happy. I wanted to stay with him (her son) but I had to work in a company...why ? It's not happiness. Many people have awakened. R: How is it among the young people ? An article in the JapanTimes expressed that they are seeking for a job for life, security, etc. Y: Young people also are not happy and have other ideal than before and want to make their life better. But in cities it's very difficult because it's expensive, especially central Tokyo like Shimokitazawa. Now young people live in the countryside or co­housing. R: Somehow, they are forced to leave the city ? Do you know other neighborhood that are trying to reconstruct the lost of social ties ? Y: One example is the Shonan area, there are many many young family living there. There is the seaside, so it's a very chill place. They are trying to make their new life there. Another example is Manazuru. They create a new community and jobs there.

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R: Do you think that because the young people are moving out of Tokyo, the city will be "lost" or it has still it's chance to recreate communities in neighborhoods like during the Showa era which they've lost with the economic growth ? Are some neighborhoods in Tokyo trying to maintain their identity, etc ? How to keep this Japanese identity ? Y: すごい, You know a lot (laughing). I don't know how we can do that but I think it's very important to enjoy or life and our project here. We really want to change to world, so we act local but we connect the projects all over the world. Like in Portland with the Bon Odori, people dance in a Japanese way etc. I also play Japanese drum.... Think global, act local ! Like edible plant project i s a global idea, from Barkley, but now it has spread all over the world. We can cultivate the soil, feel the soil, we eat yummy food...it's a very good idea. R: As you said it's local and Setagaya Ward is participating but there was some decisions taken by the national government that looks maybe more closed to this kind of ideas because their concern is carried on national issues. So do you think that now that local government are involved in this kind of local project they could have influence on a national scale ? Y: I think so. The world is changing. For example in Portland there are many observers from the world to learn how to create a community and grow economic. We can share the idea all over the world. You know in Portland, they create the "intersection" together like creating shared library or benches in public space... community space. R: And you'll try to make it when they'll build the new plaza ? Trying to make it livable. Y: Yes yes, we create the p lanter, we clean up here... It's very interesting. R: Indeed, last year this little place was always closed. Y: Yes ! It's changed. I like Shimokitazawa because it's very cultural and chaotic. We want to enjoy this town and in a more cultural way. You know I went at mission area in San Francisco, a place with many murals, very beautiful.... I think Shimokitazawa is a very cultural and children's are very important too. Here the streets are very narrow, so it's a good play ground... R: A bit like the NDSM District in Amsterdam, do you know it ? Y: Ho no ! Mh, so it's happening in the world, very interesting. Same projects happens. R: I'm happy to see that the movement is going on in Shimokitazawa because where the story stops in Shimokita DNA was not so reassuring. Y: I think I want to connect the people all over the world, like me...like us ! So we can share the ideas and empower each other. It's very important, we are not lonely, we can connect. R: Exactly, Thank you very much! 4. Masahiro Kashiwa ­ 8 Juillet 2017 R: Hi, could you present yourself ? M: My name is Masahiro Kashiwa. My grandfather moved to this town after World War 2 and had a shop in the Front Station Market. I was born here and I'm now 57 years old. Now, there a re some big changes that I'm enjoying. R: You're happy about the changes that are occurring ? M: I'm trying to make it happy. What is different from other town's redevelopment is that there a re no big investors expect from the Odakyu Railway company. Each different people are involved together in the redevelopment of each part of the town. It is quite unexpected which is interesting. R: You mean that for the new project there are different investors that are coming in the neighborhood ? Who are those investors ?

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M: Investors are not coming from outside, it's people who have been doing business here. Usually, lands are readjusted to make a large area. Here, that kind of technique is not used. Each l ittle section are owned by different people that are joining there forces but independently. R: For example, you own this place ? M: Yes, I own this triangle like space. And this other building too. R: I see. When I was talking with Yumi, she said that she'd like to make this place greener. To make it possible and change it, does it depend on you or the government too ? M: Actually, I have to build a new building here for my living. The situation is just temporary before the building starts. R: I thought the front plaza was coming up to your plot. M: It's coming just in front of it. And from here to there (S howing the area ) R: At the moment, with your plot, you're also trying to connect the people and be involved the community ? M: This plot is quite small and I will rent each floor of the futur building to anyone who wants to do some business. But, I want to cover the building to cover the building with some green in order to show the model to other building. ­­­­­> chercher les slides d'une conférence montrant le avant­après du green sur les building R: Your building will be dedicated to business and shops or offices ? M: It will be restaurant, shops, hair salon. R: So, small independent shops... M:That's the difference between Shimokitazawa and Roppongi or Ginza. R: How it will be with the big road and what it implies ? M: Even if the road is build, I will try to make the scenery as best as I can. If you see the new theme of the redevelopment is "town kind to the people" but if you check the plans, it's not really the fact. So, we need to keep protesting or recommending to make it "kind to the people". R: It's still possible to change the plans or are they frozen ? And as an owner of the land, do you have more influence regards to the government ? M: Indeed, I have more influence. About the plan, the current plan has no trees but people like us think that there should be trees. Therefore, I'm trying to be a model to make the people appreciating it and think that it's a good idea to have some on the plaza. R: Are you the only one like this or are the other concerned too ? M: There people with similar mindset. So even if the road will be wider, we hope it will complemented with greenery. Not a place for the cars but mainly for the people. R: Mh, it will still be 26m wide... M: Ridiculous... R: It's still the actual plan ? M: Yes yes. R: And going in front on the plaza and so on..? M: There are already some small vacant places which are devoted for the road building. R: Apparently, the decision to build the road was taken really fast without listening to the protests... M:In Japan, once the plan is made, it's really hard to change it. Even though the plan was made a long long time ago... R: ...60 years ago ? M: Yes, 60 years ago. This plan was foreseen to be build even if it has not been in progress for 60 years. On the area where was suppose to be the road in the future, the owners could 147


only be temporary building that could be destroyed at any moment. So, the owners of those lands have been suffering with that plan for a long time. The owners will actually feel relieved if the road is finally build. R: Because there was some pressure from the local or the national authorities ? M: They were in an in­between, they couldn't make a long time vision for the business. R: The government can push them out ? They are owners so they're supposedly able to stay, isn't it ? What can the government do , push them out and give some money in exchange ? M: The government do not force them to move out but at those land they can not rebuild over the current one. They have to move anyway. R: It is not forced but... M: ...Kind of gently pushed out. R: After this, the government buys the land ? M: Yes. Even tough everyone thinks that the road is not appropriate for the contemporary times in the current economy. It's a plan made when the people would expand forever but it's not anymore. The actions against the plan is not united enough because people doesn't have the same concern: landowners on the path of the road want to be free of the current situation, people who are coming to Shimokitazawa love it for its small street, etc. Those different perspective don't make the action come as a big voice. R: Isn't it getting bigger nowadays? M: I don't think so... If everyone vision was the same it might could be forced to change in a better way but I don't think it is. R: What are all the different visions exactly ? M: For the big Road 54, it mainly the people who have the lands that have been suffering for a long time, they want to b e free. The other people think the road is not necessary. An about the station plaza, some think that it is nice to have a big rotary to be able to reach the station with their car, it is convenient but the other think it is not for the Shimokitazawa. R: Doumo arigatou gozaimasu. 5. Kenji Shimodaira ­ 14 Juillet 2017

R: Hi Shimodaira san. Let's start with a quick presentation, who are you, for how long have you been Shimokitazawa ? K: My name is Kenji Shimodaira, I am 55 years old. I came from Nagano prefecture which used to be a winter olympic prefecture. When I was 18 years old I came in Tokyo as a student of dental college. I started living in Shimokitazawa 38 years ago. At that time many people knew that Shimokitazawa was a music neighborhood. I wanted to go there and play with them, it was my desire! But when I moved here, I was a poor student, I didn't have that much money. Sometimes I was c oming to this bar, Never Never Land. When I was a high school student I was very good at Japanese chess Shogi (将棋). So I used to come to this bar around 18­19 years old, in May 1980. When I came here, the customers were playing shogi, but I was coming for rock music! (laughing). I was drinking beer, looking at the shogi and they asked me to play with them. But I was already I really strong player! Then, of course I was winning! They told me to come every night to play and they would treat me. That's how I started coming to this bar. I am the second owner, the founder is Mr. Matsuzaki. In my twenties, the Odakyu line and the government said that the Odakyu Line would go upstairs but there were many good bars that could not avoid destruction. Many musicians and myself took opposition for the Odakyu line to go upstairs, they were many bars on the land. They stopped it and 10 years later they started to make underground but they wanted to build a big road. This big road is worse because it's going in the center of Shimokitazawa and large of 148


26m. So, 10 years before, in the late 1980s, I fought for the Odakyu line not to be upstairs with a very small group, we won. But I came back and I had to fight again. I made the group of Save the Shimokitazawa with my friend. In fact, 40 years before nobody knew about the situation. My friend Mishita Kinoshita is a member of Setagaya ward and he told me that very bad thing would happened. So we made a paper and spread it all over Shimokitazawa. But as usual, the government is very strong in Japan, there are always rules. We needed to think how to win. I asked many many musicians and many many people who have power in the media like very famous actors, commentators, designers, writers. All of them love Shimokitazawa, they spend their night here. They said "Yes! We will have to save Shimokitazawa!". R: When did you start "Save the Shimokitazawa"? K: In 2003. R: You already knew about the plan in the eighties but more or less in Shimokitazawa, nobody knew. So, why did you start the public actions in 2003. I guess they were already some meeting with the government before 2003. K: The thing is that they were only attended by small groups, the "bosses". Because of this we didn't know about it. R: Who was participating to the meetings before 2003? K: The authorities of Setagaya ward and some members of the Merchant's Council. There was less than 10 people. The Merchants were trying to fight against the government but finally they were always o n their side because the government is giving them money. R: Ha, they give them subsidies! K: Yes, the government always help but if they say no, no money. R: And because of that, the merchant's council wasn't saying anything to anyone... But your friend, Kinoshita san told you about the situation and you reacted. K: Yes yes. R: The Merchant's council is a machizukuri? K: They wanted to but they have no power among the government. R: And Save the Shimokitazawa is not a machizukuri as well, isn't it ? K: No, we had to make an alternative with many specialists from a ll over the world like Kobayashi san or the Mayor of Curitiba in Brazil. He came to Shimokitazawa. Many universities came to Shimokitazawa to make workshops and showed to us and the government alternatives. But the government said "No!". R: Although you've shown so many alternatives why did he say no ? K: In Japan, first the government decides, he makes the plans and there is no change possible. R: I have some documents here showing the new goals of the government about urban planning and re­development in Tokyo. It's written that they want "beautiful urban space with greenery", "keep unique urban space" and "participation of the residents, etc.". K: (laughing) R: It's kind of hypocritical, isn't ? K: Between truth and what they want to do, there is a gap... Many people want to make many and the government wants go taxes therefore build build build. They need buildings to have good company, good business and in the end, good taxes. It's very good for the government. In the case of Shimokitazawa which is a small scale area, the taxes are bad so they decided already to make bigger buildings. Especially that this place is strategic because in between Shinjuku and Shibuya and as the Odakyu and the Keio Inokashira Lines. Because Shimokitazawa is already famous, they thought that Shimokitazawa is good place for making

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a good money. The thing is that Shimokitazawa is very famous because its bohemian style. They just want to steal the name. R: I feel that if Shimokitazawa's bohemian style disappeared, it won't be famous anymore... K: Yes, Shimokitazawa is very famous all over the world for this style but Japanese people don't like bohemian style. R: Mostly the young or the old people ? K: The young people I don't know (laughing) but I guess better than the old people. And Japanese people always like new things, always. Have you have been to Roppongi Hills, Ark Hills, Omotesando Hills, Ebisu Garden ? They like new cities. These places used to be good places but for japanese to make a good place was to construct big buildings and new one. Then now, Ebisu is a bit changing, they changed their mind and try to make it like Shimokitazawa. The same for Naka­Meguro with old style drinking places and shops, it's 長 い ( nagai ­ l ong). R: Kind of fake old... K: Mh, also when you go to Shinjuku golden gai and shombe yokocho/omode yokocho there is no need to reconstruct j ust repair. And many people that come from abroad don't go to Roppongi Hills, they will only like places like Shimokitazawa or g olden gai. They want to go to old Japanese style town. I'm very happy to continue to fight so that the government realizes. R: Someone told me in a previous interview that the situation in Shimokitazawa is different than the one in Roppongi Hills because all the lands are owned by independant people. For this reason they can't make large scale project and even though the height is now limited to 40m high more or less, nobody is building that high because people want to keep Shimokitazawa style. K: People want to be independant but also make new communities. And you know, money can't make communities. L ook at Roppongi Hills, there a tall buildings with elevators, etc. It's hard to make a community there. R: About communities, in Shimokitazawa there are some new groups for the greenery etc. They told me that in the 80­90s, communities weren't as strong as today. Do you think the same ? Because of the economic growth ? K: I think so. At that time people were thinking that they didn't need a community because there w as money but now economy is not so good and people can't live alone. For example in my bar Never Never Land, many people come alone and we have a community here. You know, Shimokitazawa is a "walking town" because people walk then sit in an open cafe and make conversation with someone. R: About cafe, just before coming here I was at "The Plaster's Cafe" and there is a similar cafe "The Open Source Cafe" a little bit in the North. Those places are so different from the original fashion shop, bars or live houses from Shimokitazawa. Do you think that this new type of business might be the new style for Shimokitazawa ? K: Yes yes. I have a friend that is the tenant of the "Kohaze Cafe", they are making live event there a nd it's very important. (drawing the map for Kohaze cafe) . ..I love drinking, I love alcohol, I love whisky and I love Sake, I love beers. Do you have some friends that are not drinking alcohol ? R: Mmh, no... (both laughing) K: In Japan, maybe 15% people don't drink alcohol but they still want to go somewhere. They want coffee and talk but also music even though they don't drink alcohol. Actually, many café in Shimokita are alive and the new bars that are opening, 60% will close after 6

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months because there are too many bars in Shimokitazawa already. Cafés are not making big money but they are still alive. R: Because the young people drink less ? K: Yes. Also because in Shimokitazawa there is no big company around. If you to Shimbashi or Shinjuku, it's full of big companies. After work they go eat or drink something. It is way more effort to decide to come to Shimokitazawa after work then just stay in the neighborhood where your work. You have to take the train, stop here, etc. It's tough for them. Anyway, there are too many bars for the amount of people coming for it. R: What would be good to open in Shimokitazawa? K: A place with a specialty not like yakitori that you can find anywhere in Japan. R: I've seen some new kind of shops like Book&Beer or Darwin S hop. K: Ho yes, the owner of Darwin shop is my friend, Mister Shimizu. R: What is the philosophy of this shop and why opening in Shimokitazawa? K: Mister Shimizu is the f ounder and her daughter is holding the shop. So, Mister Shimizu loves sciences and Darwin. He told me that many people don't care about Science nowadays. In the past he ran a good c ompany and retired. Because he made good money, he wanted to open t his shop even though he won't make good money with the shop of course. Myself, the business is not good at Never Never Land but this atmosphere, live music, community is more important. I also produce rock artists and organize events but I'm making money as an orthodontist. It's way to make culture alive. R: This last years so many old shops closed unfortunately... M: Yes, it's because the rents are getting higher and higher. Shimokitazawa is close to the center, the rents are as high as in Aoyama. But in Shimokitazawa people are quite poor, people think that Shimokitazawa is a cheap place with good culture but good culture need money. People need to understand that if they want to keep the culture alive here, they need to pay a little bit more. R: Actually when you walk in the streets, ones doesn't really realize that it's an expensive place. K: Another side of the redevelopment: people originally from Shimokitazawa are poor. The landowners and the government want to make it like Aoyama to have more money, with brands shops, etc. They want to make a neater place. R: Are there some investors? The landowners want the brands but do the brands want to come? K: No. Odakyu line that will build new buildings on the empty space said that they won't build big one, not anymore. Just two floors. They realize that in Shimokitazawa they can't make good money with high buildings. Maybe they'll choose another. shimokitazawa is similar to golden gai, and maybe in Shinjuku they want reconstruct this place as well. Golden Gai is a very famous place and Shimo too. The new mayor of Setagaya is my friend, we fought together for the elections and won. The government of Shimokitazawa starts to realize the importance of the place too. R: But they still will destroy the Front Station Market and build the road. It's TMG or local's choice ? K: The project by the TMG is divided in 3. First project, make a big road in Shimokitazawa. Second project, a road from Shibuya to Shimokitazawa. Third project, a road from Shimokitazawa to Kandara. The second and the third project failed. Only the first project is on the go. But everything is going slowly. R: Is there still a chance to stop the first project?

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K: The first project is alive but no need to hurry. One good thing concerning the lands on the path of the road is that they can't make big buildings. They still can get money from the actual rent but if they destroy the building, they don't really get money from the land afterward. And it's really hard to get another land in Shimokitazawa. Therefore it's a better idea to stay there. We are now 20 years later and there is still no road. R: Tomomi Sakehashi I've interviewed told me that owners that were on the possible road were so tired of the current situation because the government was putting pressure on them. Indeed, if the destroy a building they can't rebuild so some of them are just feel released to leave. K: I don't think so. After s elling, they might some money but no so good money. Especially that getting this money involves taxes. So they have to buy something else but there are no place. R: Actually, since I've left Japan last year, it changed quite a lot already. There are some vacant plots. K: A little bit, for the first project they only have 30% of the lands. And this year they could buy only 2,5%! R: If they want to build the roads they will to wait decades at this speed. K: Yes yes! And when they started the project, they already had 15% because there were bicycle parking, etc. So they just have bought 15% since the beginning. R: With luck it could take that long that they won't do it ! K: We wish! Sometimes it's good to take time. You know I am a backgammon player and sometimes the best tactics is to wait more, wait more. It's Shimokitazawa style : slowly... R: Not like Roppongi. The Front Station Plaza will be built although. K: Yes it will. Last month, in June, I organized an hommage party with concerts and we made a photograph gallery. Anyway, we can not save the Market but there is promise with the Merchants. We will make a good community park on the rotary. R: So they won't be a rotary? K: In a way. There is a funny thing, they want to make a rotary but the road won't be construct early enough. So they won't be any car on this rotary! Therefore, we want to make a "temporary" use of the plaza. And maybe 15 years later they will construct a rotary. We will make a space for concerts, live acts and shiki. It's tents in Front of Shimbashi. They use it as a theater. I'd like to make a theater in front of Shimokitazawa station. If it works maybe they won't ever be a rotary. You know, we were fighting against the government but now we're talking. We have a good relationship with the authorities of the Setagaya Ward. The want to make a rotary...no, no, no...they HAVE to make rotary but there is still no road, we can discuss about temporary using. I want to make a good park full of humanity. I will do! R: I am so happy to hear t his because I thought that the situation had no issue. K: Yeah.. I think in a year and an half, there will be the opening of the walking road in front of here. Not only bad things will happen. About the small plots sold for the road, we're now talking about the place to use them. We are bohemians, we can use every space! R: Even if it's different from the original Shimokitazawa, you can make something great. I had a question about the event "Shimokitazawa VOICE", Save the Shimokitazawa organized it with the Merchant's Council and Shimokitazawa Mamore? K: Yes we made many events together. But at the beginning we weren't friends because they wanted to make SHimokitazawa like Aoyama. By talking we could change the place and their minds. You know Othello game? The black is the Roppongi Aoyama Style but with talks and fights we could win piece by piece and now everything i s almost white. R: And now you're working together. 152


K: The Merchant didn't know what is Shimokita, how Shimokitazawa is very important for Japan but they realized that it is already a very good place. They finally loved the walking space of Shimokitazawa and not its destruction. So we made many concerts and events in front o f station. The Merchants were our enemy but by seeing they changed their mind. We also had a big chess and backgammon tournament in front of the station last year, which was my idea. All Shimokitazawa was a game. We played, drank beers and everybody saw it was a good idea. Also, we were fighting against the government but with Mister Nobuto Hosaka, the new mayor of Setagaya, I changed my mind and realized a had to be friend with the Merchant's Association. Many friends fighting with me thought in totally changed, I was a traitor. The government as well thought I was totally against building something and I needed to say ok, to be friend with them. But people that know me know that I am always long, I take my time. So I took me four years to win their confidence, they saw I was organizing many good things, many good events. These events were reported in the media and the government understood I was useful. And like Othello, I continued changing changing changing the relation. R: What kind of events did you do on the market ? K: Music and also bon odori. R: Ho yes the dance! K: Yes old style Japanese dance. And I made Shimokita Ondo. Ondo means the music for dancing. I have a very famous dancer friend and teached at the event. If you're here in August, we will have an event of bon odori. There are many foreigners coming in kimono! R: I wish I was there! K: yes! ...To make opposition is easy but alternatives are needed and this is difficult. It was hard to make understand that we don't need car, walking is better. R: There are also Curry and Miso events. Is it the same mindset? K: Yes yes, I help them. All these events show that we don't need the rotary, we need a space for dancing! But they say "we need a rotary for cars, it's useful" but I say "no, we love dancing, we need a space for dancing". That's my tactic (laughing). We need to come from another side, not from a front opposition, war... R:...Yes, it's not constructive. K: Yes, coming from another side and then make friend. This year I am going to Monte­Carlo for backgammon championship. A very funny thing is the Israeli and Palestinian pla every together in a friendship event. People that live in Israel love backgammon, People that live in Palestine love backgammon. Results, they play together. We need to make peaceful events with games, like the Japanese chess. I love to drive a car but with the events we show that situation is good as it is. When you drive, you don't know how walking is good. You can be annoyed because of not being able to drive but when you walk you realize "ho, they are playing s hogi ". Many people don't know that walking town is good. R: It's funny because traditionally the Japanese city is a walking town, maybe more then Europe. K: Yes but now they prefer to drive big cars... Now, I am happy the situation changed and I don't need to stop the plaza. In the future, the economy won't be that good maybe and they won't have any necessities to build a big road. In this case, we won't have to fight. Fighting request power and money. We are trying to make a paradise in Shimokitazawa. And in fact, even O dakyu line decided not to build tall buildings. R: The private decided before the public not to do such a thing. K: They realize it's not the place and they will do it in another city. R: Japanese government i s much into economic growth. 153


K: Actually, I need to ask the mayor of Tokyo Miss Koike to keep Shimokitazawa as Shimokitazawa. It's a good town for everyone as well as the tourists. R: Shimokitazawa is lucky to have you. You might not have the money, you have to people. I think it's more important than anything. K: Connections and cultures is important! I think we can make a good example. We need good culture, arts, theaters. That makes people happy.

6. Masami Kobayashi ­ 15 Juillet 2017

M: My name is Masami Kobayashi and I came to open this office in Setagaya in 1992, it means 25 years ago. It was the end of the bubble economy. So, I opened this office and started teaching university. The first action in the neighborhood was in 2003 with "Save the Shimokitazawa". They started to resist about the road issues. The other neighborhood groups asked me to help with what is happening here, because this district planning and new road construction is a very complicated situation. How it affect the future configuration of the city? Then I started to help with the models, 3D simulations of the wider streets and height they can build. This is how it started. Afterwards, the situation got more serious. The Setagaya Ward pushed the articles and us, the specialists had to raise our hands. R: Kenji Shimodaira told me yesterday that already in the 80s there was already meeting about the Odakyu Line to build it on the surface. He told me that h e fought against that with many friends and musicians. Back in the days, nobody knew there was some protests and after the authorities decided to build it underground and then the road... So, what was the situation a little before all the public actions took place ? M: I didn't know that part so well because I arrived just after. The old Merchant's Association bosses were talking that there were very severe discussions about to raise or not the railway. It had serious implications about the separations of the for and against. Finally, the Odakyu Line couldn't purchase the land and finally it was a double decker subway. R: To understand the hole situation and not focus only on Shimokitazawa. How Tokyo that seems not to be really planned, chaos­like, has anyway a strong top­down planning history and during this metropolisation how come that were some strong communities in parallel? M: During Edo, the Tokugawa family governed while being closed to any countries. It was the main period that we could cultivated the Japanese culture. The Tokugawa family made a very complicated city. It was a kind of military city with the spiral, radial roads and the castle in the middle. Then, the country opened and we started to make the streets and everything. Due the lack of budget it wasn't possible to make some everywhere. Also, there are many physical impacts as disaster and bombings. The eastern part is mostly burned down many times and they could build a grid­like city. One part is the lower land but the wester part is a hilly land, so that it's harder to make a grid like San Francisco did. Tokyo is a kind of mosaic, some part were not bomb and some did. Also there also many samurai residents that turned to be nowadays university campus or parks. The government wanted to push all the urban policies but the harder struggle of the urbanization is the very high protection of the private right. If one owner has a house, they can not build the street. Legally, this private right is really strong. This why the ring and radial roads are not completed yet. At the same time, the public people thinks that urban policy is down by the higher government. Because in the Edo period, agriculture farmer, engineers, craftsmen and merchants, they think that everything is governed by the samurai, or today the fonctionnaires. The resistance to the government is very very rare. In US or Europe maybe in the 60s, there was resistance with people like Janie Jacobs. There might be some but it's very rare, mostly citizens don't resist. Shimokitazawa is a special case. 154


R: Before the conflict in Shimokitazawa or Setagaya in general were there some machizukuri? Maybe the authorities were lacking in some part of the organization of the city and the citizens had to organize by themselves for taking care of the garbage, etc. So, was there s ome citizens' association for this kind of actions as well as trying to create a sense of community that was apparently missing during the economic growth in the 80s? M: Mh... Do you know chonaikai? It's the neighborhood associations, a very old one, maybe not from the Edo period but before World War II. The government enhanced to organize the chonaikai. R: Like institutionalized ? M: Yes and also its gouvernance is very strong and it's very risky to watch each other or help each other. Now, chonaikai exist in each neighborhood but the bosses are very old guy and higher case very strong. So, young people don't want to belong to chonaikai. R: What do they do? M: They decide festival, garbage, maintenance of the area, etc. It's a very traditional neighbor's association. They just act according to the government policy, they follow everything. R: Shimodaira san told me yesterday that even the Merchant's Association, that he was in conflict with, receives subsidies from the government making them dependent. M: Yes, the government really controls the Merchant's and the neighbor's association. R: About the subsidies, I could read that the Ministry of Construction manages the subsidies that are allocated to the local authorities for the urban planning. Even though the movement towards decentralization. Doesn't it keep a strong power of the national authorities on the local one? The urban planning amendment of 1999 shifted local governments from kikan inin jimu (agency­delegated administrations) to jichi jimu (local autonomy). This means that all decisions relating to urbanism spring from local authorities ? M: Institutionally, government started to enhance the local authorities to decide and they should have the budget... Actually, the national government enhance the small administrations with more autonomy. In reality, it means that they wanted to cut the budget of subsidies of local cities. Regarding the infrastructures, it has cost a lot. Because of this, the national and the TMG are still subsidizing the local city. R: And the Road 10 and 54 are more from a national or TMG decision? M: TMG mostly. When we met the national government people, they said that the local government can decide but the TMG is really pushing, still. There 23 wards in Tokyo which are actually not independent. The TMG is still choosing the teachers choice of elementary school or residential corporation, real­estate taxes. It directly goes to the TMG. After, they redistribute to the poorer wards, democratically. The mayors have to follow TMG. R: About taxes, The tendency throughout the 21st century seems t o have been going in favour of de­regularization. Like during Koizumi Junichiro’s governing times (2001­ 2006 prime minister), a development oriented towards economic recovery through de­regularization and major public works is encouraged. Is this a consequence of the 90s crisis of the public sector? Are local authorities hoping to collect taxes from these new areas following the decrease in financial transfers from the central government? Yet, according to André Sorensen these major public works (in constant increase since 1990) drive municipalities into debt, making them lose even more of their autonomy. What is the logic behind t hese works of “urban regeneration” (toshi kukan saisei) on a local scale? M: If local municipalities want to do infrastructural construction t here are two solutions: debt or subsidies from upper organizations... Now, the very local cities are becoming poorer and poorer but recently the Abe government is giving a bunch of money to this localities. 155


R: Why would he do this now? M: I don't know... To get the votes ? (laughing) It's the LDP. R: Dominant power for a very long time. M: Before, the protected the rice farmers. They kept the rice price very high so that the farmers voted for them. In the city area, the young people vote for other parties. So now, the LDP g ives money to make very good streets in very local cities. They give subsidies, create jobs and it makes money f or the local contractors. They do is in Okinawa, etc. R: I thought they were getting into debt so I didn't understand the logic behind it. M: It's not a good spiral because the country is accumulating debts. R: At the same time, Shimodaira san told me that know local governments, maybe not national, are slowly understanding that it might be good to keep some more original neighborhoods. It's what i s making the city lively and even making come to tourists. It's kind of changing a bit? M: It's different in local cities and within Tokyo. Now local cities are competing to enhance their originality to attract tourists or good residents. The best residents they have, the best taxes they have. But here, even though Shimokitazawa is very popular, the taxes will go the the TMG. It's kind of a contradiction in Tokyo. R: About redevelopment urban planning, I was wondering about gentrification. In Europe gentrification seems more a bottom­up movement. It's just richer people moving from a neighborhood to another. In Tokyo, it looks more top­downed and thematized. Government chooses a neighborhood to make them cleaner with big roads, etc and try to make investors come. Like Ginza, Roppongi, Aoyama, what is the goal of this homogenization and segmentation of the city. M: First, the big road doesn't mean to enhance gentrification and r aise of real­estate value. The ring and radial roads were planned a long time ago. It's not an action specific to this area. Concerning Roppong or Aoyama... There are two ways to make a vibrant and livable city. One is the global homogenization like Singapore, Tokyo with Ginza, etc. Almost the same shops everywhere but the tourists are kind of fed up be seeing the same shopping malls. So, places like Asakusa or Yanaka... The North part of Tokyo still has kind of Edo period feeling. Our group is studying and try to enhance the North area of Tokyo. They should be protected and at a smaller scale of tourism. Other areas are full of towers. So, the gentrification means at the beginning that a deteriorated area are revitalized by intellectual people come, like Portland. Then, the investors come to interesting area and make big investment in chain stores. Too much gentrification may be cause by the invasion of new investors with capitals. Then, the rent prize goes up, like in Manhattan prices are too high and people go to Brooklyn or something. We should b e careful and control too much gentrification. Now you can see the main street is full of chain stores and shopping mall because of the rent but the back alleys, the car can not pass. In Japan the urban structure is based on the road width, so the real estate value is very low in the back streets. Therefore, in the main streets, rent are so high that individual shops can not survive. The new district planning allows to 7 or 9 storeys buildings with some set­back. The p roblem is that apartment or condominium can be filled like this but not the shops. Plus, the rent is already high in this area so owners cannot fill them. They kind of noticed that which is the reason why development of towers is very slow. R: Indeed I was reading in the paper of Yurika Takahashi about the "before and after the new district planning", even though they can build about up to 30m, the maximum around the station 9.97m. M: The landowner can pay off but it's very hard to get the return on the construction.

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R: I have another general question about the citizens participation in the planning. The situation was complicated in Shimokitazawa but I could find some concluding example in Kobe, Kyoto or in Mano were apparently they worked quite well w ith the government in the 80s trough mochide seido , suggestion system from the citizens. But in Tokyo there is not so much example, maybe the one in Komae, South Setagaya. In 1994, they made a s himin ban ( citizen made) plan and proposed it to the ward. Unfortunately, as here, it hasn't really been taken in concern. Why this situation in Tokyo? M: Komae is actually just adjacent to Setagaya and Kawasaki. It's a little city. I don't know, It's like Tokyo but there a still keeping independence. Another movement appeared recently in Japan, the national government enhanced mostly agglomeration of several cities in one. So, one small government. The council members and town halls should be concentrated. R: Isn't it the opposite of d ecentralization? M: Mh... Local centralization! It causes many issues about the different culture in different areas. In almost ten years it was almost finish, many cities got together. The government gave money to build the new city hall and they rushed to build them because it's a limited time budget. Did you read Alex Karr's book? He always criticizes to much investment in big road or any infrastructures in the local cities by the government. (Taking books to show personal works) M: Ok, I will show you some cases I've done in local cities. Here is Karaze on the Kyushu Island. With my laboratory we do an international workshop that w e organize in really local cities every summer with my students to talk with to local people and make the city more original or keep the values. The specialists have to help the local poeple because they don't how to deal with the city planning. In this cities it's not a redevelopment pressure but we talk with people to see how the enhance the value for tourism and quality of life. (Parenthèse sur l'Histoire d'Edo) M: The reason why Tokyo has a mosaic structure is because the east was under strong planning control (military land) and took inspirations from the Dutch, the English or the French cities. Also, this part has been reconstructed many times due to bombs and disaster. The west hasn't been bombed (...) To prevent fire they did some greenbelt. The lack of budget is also a reason of the mosaic patchwork. (...) In the east the land use is mostly commercial and business with strong density. On the top of the hills, it's more residential. So, the topography really fits the land use (...) An interesting thing in Ginza 6 happened, the Merchant's Association resisted against the building of really high tower by the Mitsui Corporation because it wouldn't have fit the really scattered plots, way smaller than the one close to Chiyoda Castle. (...) The Tsukiji Market, which is an old train station, was to be closed but finally it will be moved close by. Miss Koike, the new mayor, understood the value of this place for tourism, etc. (...) Shimokitazawa is mostly residential and some part are semi residential­commercial area. (...) Residential area can build up to 10 meters like Suginami or Shimokitazawa. But along the wide street as you can see they can build higher. R: The government said that the big road is also for disaster prevention. M: Haha this is not true, more tower than dangerous. Another thing, if the street is less than 4m wide they have to set back, but if the land is too small they don't want to that. So to rebuild without set back on this kind of street is not allowed. In the roji area they cannot rebuild, so there is just deterioration or renovation. Unbuildable area means that the land price i s zero. So to build towers on the edge of a super block, investors purchase inner land. I did ten years ago a simulation of the future buildings and it was correct, interesting. (Showing Himeji personnal project)

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M: The original plan by the government was terrible. We didn't resist but we worked with local people and changed it. The area is strange because it's an overlay of new and old with the old castle as a landmark and the wide street in front like french boulevard, like Haussmann. So, in front of the station there is no pedestrian space. It was only made for bus an taxi. Plus, there is an underground shopping mall that is illegal because there no evacuation staircase. We m ade a sunken garden that became a vibrant space. We used the materials of the castle: stone, steel and wood. (...) We did public meeting with the citizens the stakeholders, president of taxi and bus company and the mayor. I was called in 2009 and there w as already three plans: one from the authorities, one from the Merchant's Associations and one from the neighbor's association. But it was kind of a mess. So we did an open workshop with many universities in Japan and specialists. Finally we wrote a letter to the mayor to choose the last proposition with a big open space which they accepted. But the government doesn't know how to design the space so we made a s eminar to show bad and good cases and a specialist workshop and finally citizens workshop. We selected 2­3 alternatives to show them, they discuss and finally choose one. The specialists lead how to do, we're consultant and propose alternatives to citizens. We are supported by the NPO groups, so citizen's groups. They get the money from the National Government and invited us. (...) You know, usually in this kind of process, it's not gangster, but the councils put a lot of pressure to do in a way or another. But we did everything very openly so there was no intervention from them. And the council members want to get the vote so there were very keen i n how the citizens were thinking...citizens power is very powerful. In the final construction period, I was the chairman of the design consultancy. Just the station is terrible, they didn't listen to us. In the gate like space we wanted to put benches etc but they don't want t o do it, but it's ok it's still better than before. Also, the underground shopping small with the evacuation we made. And here on the public space you see this "belt", it's because in Japan you can't use public space for commercial use but now it's c hanging a bit. So now, people can enjoy the place and gather but still in a Japanese way because it's kind of micro spaces. Then, the area management group, citizens group, asked to use systematically the place. It's still an experiment. R: To make a link to Shimokita... M: ...I have a bunch of successful stories but Shimokita is the only one lost. R: But you said that you made everything really public so that everybody sees what is going on and why in the case of Shimokitazawa it didn't work? M: After the case of Himeji, I published a book and was called to other cities like Ogazaki to do another cities consultancy. So, out of Tokyo I am very famous but here I resisted and now I have a little bit of bad reputation among the government. It's kind of a contradiction. Anyway, the local municipalities noticed that this kind of participation and consensus is very valuable. R: In Shimoktazawa, the government didn't look at what you did and how it was successful? They didn't really care? M: Now, the mayor is my friend but the council's member are from the LDP, conservatives guys. R: Hopefully there are successful one. M Yes, physically successful. R: Plus the fact that the only one I've read about occurred a long time ago and weren't that public.

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M: In the Shimokitaza's case, the TMG told the Odakyu line not to contact the citizen's group. The TMG is the worst organization here and they restrict the Odakyu Line. The people still can not speak with them. R: Although the fact that S himodaira san told me yesterday that they might not build to high buildings on the greenline. So they start to understand they should not do it. M: Yes but i fact, physically they can not do it. It's to heavy on top of the railway. So just two or three storeys, maybe two. R: A funny thing in the government goals. It's written that they want "beautiful urban space with greenery and water ", "keep unique urban space" and "participation of the residents, municipalities, NPO's, etc.". M: This is a kind of plan made by the consultant but the reality is not so much. R: Indeed because this is exactly what you were fighting for. M: (laughing). Tell them i t's good things, they are cheating us. R: Do you think that they publish this kind of things because they will be under the spotlights with the Olympics and they want to be seen as good. M: Actually they are doing the hearing of the public comments, so it's regulated. If they want to do infrastructure projects they need to ask the people, hopefully. Then, many people write letters, the government make a report and that's it. (laughing again) R: It's just consultation... M: They are like "Ok, there are many opinions like this...but anyway we will do like this!" R: And Shimokitazawa is a central core revitalization area? M: I think Shimokita is not so dense. (Showing map of redevelopment zone) M: it's here "designated road for improvement" (laughing) (Showing the schematic view of redevelopment in Tokyo) M: Ho yes, it's like this for Shimokitazawa. Such a really old urban design. There will be more electrical or automatic vehicle so we don't need that kind of heavy traffic design. At the moment, Odakyu is still not showing their plan to the public, so everyone is getting irritated. R: I've found this document about the Greenline (MMIP). It's a selected project, it will be this? M: Actually, I went secretly to this meeting with the Odakyu line people. R: Is this the kind of project you seek for the Greenline? M: Ho, this, greenline? (laughing) R: Indeed, it's not so green... I didn't know because i thought, when I was reading about greenline, that it was only public but in fact it's half public half Odakyu's land? So how it will be, a p art walkway and a part small building like shown as here? M: It would be a long story but the Odakyu Line insists that it's a private area. So only some part can be done for the public. The is the basics. But, in the bery old times, someone said that to make the construction Odakyu had to pay taxes to use it so it's public space. Finally, the negotiate for 50% is just a public space. It's kind of tragedy. (Showing images about Shimokitazawa) M: (...) Actually for the empty space over the Odakyu Line, the government is calling for the citizens planning. R: I was wondering which is the one that will be implemented because I've see so many plans by you and the students. Is there a revealed plan that is the most possible to be erected? M: The most important issue is the fact that Odakyu insist that it's their land, so they don't hear. If it's public it would like this (green). R: Ho otherwise, half­half and more corporated..? 159


M: Mh. Then the new mayor came and we started another symposium. So sometimes, Odakyu tries to listen to the mayor's voice. We made our proposal to make greener place (Harvard, Curitiba, Japanese universities' plan). And here is the terrible station by Odakyu. R: Finally there is still no real plan for the empty space. M: No, just the rotary, like in Himeji. R: You still have some discussions going on with Odakyu to think about this space or one day they'll just reveal something? M: Actually, now Odakyu is telling us sometimes that they want to build a library or something. But still, our plan is to build full green and open space. The actual mayor insist that open space should be needed for the disasters. R: Then he's also trying to convince Odakyu? M: Yes, negotiating... Some parts could be open. R: It's more the TMG that is telling the Odakyu not participate? M: Mh, yeah... Basically, Odakyu just want to make money based on this. They propose the design guidelines. They will build commercial area in the east side. They propose to do it together with the Setagaya public area. Because we don't know where is the public area and where is the Odakyu area. So, they are proposing building types or pavements. R: Somehow they finally try to collaborative? M: Mh, the design lines are okay but the space lines... They still want to build something commercial or housings. They say that as far as they can get a certain profit, not a big money. Two s toreys is just nothing. R: I saw on the Greenline website that you take some Privately Owned Public Space (POPS) as references. What do you think about it? It's a good thing but somehow it's mixes with commercial space so it's kind of in contradiction with the goals you're aiming for? M: I think it depends on the companies policies. Tokyu is quite conscious about commercial and good integration but Odakyu is not so good. We need to try and learn, we're just thinking theoretically on table. R: You have an idea when it will be constructed? M: They are really hesitant about the commercial buildings because the feasible studies don't say it's good to build something, especially in the eastern part. It's too close to Shinjuku which is already full of shops. It should be a different category. It will be in maybe 5 years. I think that a space like the HighLine should be very attractive in Tokyo with many greenery. R: About the HighLine, the designer Hammond said that the original idea was wonderful but he's really sad about the current situation of the gentrification. It's definitely better than a commercial area but aren't you afraid of it? M: The most happy people about the GreenLine would be the developers with condominium... R: We can't do anything about it..? About the seminaries what do they talk about now that the decisions are taken? M:The plaza is important. Otherwise the consultant will just make a traffic plaza. It's the concern of the people know, like Shimodaira, etc. Everything should be open now, the main problem of infrastructure planning in Japan is that everything is hidden. Without our strong voices they wouldn't think about it. We have to think about how to operate the public space. R: And also many small groups appeared to try to make the plaza a better place. M: Yes we need to learn how to manage, we need to do experiment. We need some period to educate. R: These groups are not about planning, more about community building. M: Yes yes mostly. The hardware is almost...not done, we're are still discussing but... 160


R: And so you do for the GreenLine? M: Yes, tomorrow we have the general meeting for the GreenLine. The problem is that the young people often leave so there is no really passionate people that are coming every time. We want to involve more students but I am too busy, I turned to be a vice­president so...

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