Mémoire de master en architecture - Reconquête des places publiques

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Reconquête des places publiques URBAN PUBLIC SPACES AND SOCIAL CONTESTATION Enjeux socio-urbains des projets de réaménagement des places Lénine (Champigny) et Bastille (Paris)

Drawing by Frédéric Malenfer

Roya Motallebi Février 2018

ROYA MOTALLEBI

THEORY OF ARCHITECTURE

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Reconquête des places publiques Enjeux socio-urbains des projets de réaménagement des places Lénine (Champigny) et Bastille (Paris)

Roya Motallebi

Mémoire de Master 2 en Architecture, encadré par Florian Guérin ENSAPVS , année 2017-2018

Figure de couverture - Croquis d’une assemblée de Nuit Debout, Frédéric Malenfer, 2016

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RECONQUÊTE DES PLACES PUBLIQUES Enjeux socio-urbains des projets de réaménagement des places Lénine (Champigny) et Bastille (Paris)

Mots clefs :

espace publicc, usage, appropriation, politique publique, discours, piétonnisation, Agora, débat. Résumé :

Notre époque semble marquée par l’envie de reconquérir les espaces publics, et particulièrement les places publiques. En effet, ces dernières ont, au cours de l’histoire perdu leurs caractéristiques de lieu animé, pourtant essentielles au dynamisme de nos cités et à la création de débat public. Afin d’être plus en adéquation avec les attentes des usagers modernes, les municipalités développent de plus en plus de projets en suivant des nouveaux schémas d’aménagement, reposant sur une participation citoyenne. À Travers l’étude des projets de réaménagements des place Lénine (Champigny) et Bastille (Paris), nous verrons dans ce mémoire en quoi les villes tentent de reconquérir les places à travers ces nouveaux procédés et quels enjeux « socio-urbains » sont impliqués dans ces projets de reconquête. Enfin, nous nous demanderons en quoi le fait de réactiver les places publiques en les piétonnisant, permet-il de réactiver le débat citoyen.

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Ă€ mes parents,

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« Nous devons défendre la liberté de l’espace public avec la même détermination que la liberté d’expression. » (R.ROGERS)

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REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier Florian Guérin qui a encadré mon travail tout au long du semestre.

Je remercie tous les spécialistes de l’aménagement qui ont bien

accepté de répondre à mes questions : les urbanistes, architectes, ingénieurs, intervenant dans les terrains qui m’intéressaient.

Je remercie aussi les commerçants, et toutes les personnes avec qui j’ai pu m’entretenir de manière plus ou moins longue lors de mes enquêtes de terrain. Je remercie enfin mes proches : famille et amis pour leur soutien indéfectible.

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TABLE DES MATIÈRES REMERCIEMENTS

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INTRODUCTION 10 I. LA PLACE PUBLIQUE : DE L’AGORA AU VIDE URBAIN

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1. Qu’est-ce qu’une place ? Une typologie urbaine entre forme et fonction

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a. Évolution historique b. Mise en oeuvre d’une politique du « tout-voiture » c. Place de la république : illustration de ce changement 2. Rapports sociaux et sphère publique : naissance et évolution de l’Agora

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a. La place comme lieu de réunion b. La place comme lieu de contestation social. c. Une renaissance de l’agora qui fascine et inquiète

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II. ENJEUX ET LIMITES DU PROCESSUS DE RECONQUÊTE

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1. Présentation de l’étude de terrain : Deux places encombrées par la voiture

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a. Méthodologie b. Présentation des terrains d’étude

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2. Piétonnisation : diminuer l’emprise de la voiture sur les villes a. Favoriser la marche pour redynamiser les villes b. Les limites de la piétonnisation

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3. Nouvelles fabriques de l’espace : La participation citoyenne au service d’un espace public apaisé a. Désignation de nouveaux acteurs : les collectifs b. La co-construction : une piste d’action favorisant la réappropriation des lieux 4. La difficile renaissance de l’agora : Idéal de partage confronté à une société fracturée et policée b. Usages : hiérarchisation et conflit d’intérêt c. Dispositifs de dissuasion et de contrôle en contradiction avec le concept de l’Agora

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CONCLUSION 107 BIBLIOGRAPHIE 111 ANNEXES 113 Annexe 1 : Questionnaire 114 Annexe 2 : Grille d’observation 121 Annexe 3 : Entretiens 124 TABLE DES FIGURES

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INTRODUCTION L’actualité politique récente a été marquée par l’apparition de nombreux mouvements d’occupation des espaces publics aux quatre coins du monde ( Les « Indignés » à Barcelone, « Occupy Wall Street » à New York, le « Printemps arabe » au Maghreb et au Moyen-Orient en 2011 ; « Nuit Debout » à Paris en 2016). S’ils sont nés dans des contextes différents, ces mouvements ont en commun le fait d’avoir lieu au sein des places publiques. Ces dernières se révèlent ainsi être les sièges d’une révolution en gestation, celle de la reconquête du « Droit à la ville » par le peuple, qui selon le philosophe et sociologue Lefebvre « se manifeste comme forme supérieure des droits : droit à la liberté, à l’individualisation dans la socialisation. » (1968, pp. 154-155). Réunissant et séduisant de nombreux citoyens rêvant de révolution, ces mouvements sont vus comme une menace pour les élites et les gouverneurs qui n’ont pas intérêt à voir l’ordre socio-politique actuel se renverser. Étant d’origine iranienne, je suis particulièrement attentive et sensible à l’actualité de ce pays, et aux différentes vagues de protestation qui ont pu s’y mener. Lors de mes nombreux voyages en Iran, j’ai du me soumettre aux règles inspirées de la Charia (loi islamique), qui régissent les espaces publics du pays et qui sont particulièrement contraignantes pour les femmes depuis la révolution islamique de 1979 1. Ces dernières sont par exemple obligées de porter le foulard et une milice veille à ce que les comportements observés dans l’espace public soient en accord avec les principes établis dans la loi islamique. Toutefois, j’ai pu constater 1 L’Iran est un état musulman chiite. Depuis 1979, le port du voile est obligatoire pour les femmes dans l’espace public. L’application de la loi islamique permet des sanctions qui sont contraires aux principes des droits de l’homme en occident comme la lapidation des femmes en cas d’adultères et d’autres sentences corporelles (coups de fouet lors de simples arrestations de jeunes ayant participé à des soirées «mixtes» ou ayant bu de l’alcool par exemple).

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que plusieurs formes de transgressions aux règles rythment le quotidien des iraniens. Des couples de jeunes flirtent dans les parcs, des femmes sortent leurs cheveux de leurs foulards, des antennes satellites fleurissent sur les toits des immeubles.

L’espace public s’avère ainsi être le reflet d’une société contrainte de respecter des règles et jouant chaque jour à les contourner. Même si le pays est sous l’emprise d’un régime dictatorial, les espaces publics iraniens ont le mérite d’être vivants et animés. En pleine ville, de nombreux parcs s’avèrent être de vrais lieux de dialogue et de vie citoyenne. Beaucoup d’iraniens s’y retrouvent en famille, en couple, entre amis, pour y rester souvent jusque très tard dans la nuit. Aujourd’hui encore, je n’ai personnellement jamais trouvé en France de parcs qui soient aussi animés que ceux que j’ai pu visiter en Iran. Il est ainsi surprenant de voir les espaces publics d’un régime autoritaire plus vivants que ceux de nos régimes démocratiques. Partant de ce constat, je me suis interrogée sur les raisons de l’activation de certains espaces publics plutôt que d’autres : est-ce leurs caractéristiques spatiales, leurs fonctions, leurs occupations ? En quoi ces espaces sont-ils aussi différents en Orient et en Occident ? La réappropriation des espaces publics par les usagers est un des enjeux urbains majeurs de notre époque. Motivées par l’envie d’agir sur les espaces publics afin de les rendre plus « pacifiés », de nombreuses villes occidentales semblent vouloir s’inscrire en rupture avec la politique du « tout-voiture ». L’actuelle maire de Paris, Anne Hidalgo, a même fait de la redéfinition de la place de la voiture une des priorités de ses actions politiques. Si la reconquête des espaces publics est un thème qui survient dans grands nombres de discours politiques, il n’est que très peut souvent traité de manière concrète et approfondie. Ce manque de clarté semble notamment dû à l’ambiguïté propre à la définition de l’espace public.

Ouverts à tous par définition, les espaces publics font cohabiter des personnes de toutes classes sociales confondues, permettant 11


des interactions entre usages hétérogènes et donc l’apparition de potentiels conflits (FLEURY, FROMENT-MEURICE, 2014, p.10.) 2. « L’espace public est un lieu propice au conflit. Les usagers eux-même sont conflictuels. L’espace public, ce lieu ouvert à tous, où tous se retrouvent, toutes classes sociales confondues. Mais si tous s’y retrouvent, ils transportent aussi leurs divergences de vue, d’intérêt, d’éthique. Par ailleurs l’espace public est un lieu d’interactions ni forcément involontaires, ni forcément conscientes. (...) Les passants qui se croisent sont livrés à des rencontres aussi aléatoires qu’assurées. » (CHAUMARD) 3

Ces conflits sont essentiels et contribuent à la qualité et à l’animation de nos espaces publics. En effet, la rue doit permettre à des attentes différentes, voire antagonistes de s’exprimer, afin de permettre l’instauration d’une tension nécessaire à la création du débat public.

Pourtant, les politiques d’aménagement semblent guidées par le souci de limiter la survenance de tout affrontement entre usagers. Mobilier anti-sdf, vidéo-surveillance, forces de l’ordre omniprésentes, sont des exemples de moyens déployés par les villes, qui empêchent certaines formes d’appropriation des espaces publics. Il y aurait donc une contradiction entre les idéaux de partage et de mixité prônés par les politiques publiques et la mise en place de dispositifs de dissuasion par ces mêmes acteurs (FLEURY Antoine, FROMENT-MEURICE Muriel, 2014, p.10.) 4. 2 FLEURY Antoine, FROMENT-MEURICE Muriel, (2014) Embellir et dissuader : les politiques d’espaces publics à Paris. 2014. 12 p. (En ligne) https://halshs.archivesouvertes.fr/halshs-01018868 3 Citation trouvée dans l’ouvrage « Vivre et Créer l’espace public » de BASSAND, Michel, COMPAGNON, Anne ; JOYE, Dominique ; STEIN, Véronique, p. 191. 4 FLEURY Antoine, FROMENT-MEURICE Muriel, (2014) op.cit.

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Par conséquent, nous pouvons nous interroger sur la réelle mise en œuvre de l’objectif de réappropriation de l’espace public affiché par les municipalités, et nous demander si les choix opérés ne se contentent pas de séduire une partie de la population, sans réellement vouloir rendre ces espaces appropriables pour tous les usagers. Quels enjeux « socio-urbains » sont impliqués dans ces projets de reconquête ? En quoi le fait de réactiver les places publiques permet-il de réactiver le débat citoyen ? Une première partie expliquera en quoi la conception des places

publiques au cours de l’histoire a donnée naissance à des lieux qui varient d’une extrême animation à des vides urbains. À travers l’étude du cas de la place de la République nous verrons comment cette dernière a perdu sa fonction d’Agora au fil du temps et comment cette fonction politique renaît en des moments particuliers.

Une deuxième partie interrogera le mot d’ordre de reconquête des espaces publics en s’appuyant sur l’observation du réaménagement en cours des places Lénine (Champigny-sur-Marne) et Bastille (Paris). Ces observations permettront d’étudier en quoi les villes tentent de reconquérir les places à travers de nouveaux procédés et quels sont les véritables enjeux socio-urbains de cette opération. Enfin, nous verrons en quoi ce projet de reconquête peut avoir du mal à se développer dans une société policée et fracturée.

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I LA PLACE PUBLIQUE : DE L’AGORA AU VIDE URBAIN Les places publiques font partie de l’ensemble des espaces publics régissant le dynamisme de nos cités. Il est important de comprendre la notion d’espace public, qui est récente et qui repose sur une définition complexe, avant d’étudier l’historique et l’évolution des places. Dans cette introduction de partie, nous tâcherons de définir ce qu’est l’espace public. Nous déroulerons par la suite les constats et les questionnements directement inspirés de la conceptualisation de cette notion. Ce premier travail nous permettra de mieux comprendre les enjeux concernés par les projets de reconquête des places publiques, tant au niveau urbain, que politique et social. Dans leur Dictionnaire de l’Urbanisme et de l’Aménagement, Choay et Merlin considèrent que « L’espace public est la partie du domaine public non bâti, affectée à des usages publics. L’espace public est donc formé par une propriété et par une affectation d’usage » (1996, p.320). Ainsi, d’un point de vue administratif, l’espace public est avant tout un espace matériel, libre de construction, et ouvert à tous (BASSAN, COMPAGNON, JOYE, STEIN, 2001, p.11.). Il ne peut être l’objet d’une appropriation exclusivement individuelle. Rues, places, parvis, boulevards, parcs, jardins, plages, font parti de l’ensemble de ces espaces, conçus à des fins d’utilisation par la collectivité et respectant les principes de l’accessibilité et de la

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gratuité (PAQUOT, 2009, p.3.) 1. Régissant le dynamisme des villes, ces vides urbains sont aussi conçus pour être des lieux de rencontres et d’interactions sociales.

L’espace public peut aussi être synonyme de sphère publique ou de débat public. Le premier à avoir développé cette notion plus abstraite de l’espace public est le philosophe Habermas (1978). En effet, ce dernier définit l’espace public comme un lieu de débat, où vont se confronter les idées d’un groupe de personnes. Cette confrontation va donner lieu à la formation d’une opinion publique.

Ainsi, l’espace public peut être qualifié matériellement et

métaphoriquement. Dans les deux cas, il s’apparente aux idées « du partage, de la liaison, de la relation, de l’échange, de la circulation. » (PAQUOT, 2009, p.3.) 2. Ce mémoire s’attachera à étudier la conciliation parfois délicate entre ces deux approches de l’espace public. Nous verrons ainsi quels liens s’effectuent entre matérialité physique et organisation des rapports sociaux dans cette matérialité. L’espace public appartenant à toutes et tous, rien ne m’empêche d’en profiter et de l’occuper pour mon usage personnel : que ce soit pour manger tranquillement sur un banc ou jouer au foot avec des amis. Toutefois, pour profiter des qualités de cet espace je dois être attentive à mon environnement et respecter les usages des personnes qui m’entourent. Si pendant ma partie de foot une famille se met près de moi pour pique-niquer rien ne m’y oblige, mais je peux jouer un peu plus loin pour ne pas la déranger. Je peux également vouloir continuer mon activité en risquant ainsi d’entrer en conflit avec ces individus.

1 PAQUOT, Thierry, (2009) 12 p. « Introduction », dans L’espace public. p. 3-9. (En ligne) https://www.cairn.info/l-espace-public--9782707154897-page-3. htm 2 Ibid.

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Dans quelle mesure l’occupation que je fais de l’espace peut être gênante pour les gens qui m’entourent ?

Pour le bien de tous, la liberté des uns devrait pouvoir s’arrêter là où la tranquillité des autres est menacée. La difficulté de la gérance des espaces publics réside en la nécessaire responsabilisation de chacun. L’espace public doit pouvoir profiter à tous les usagers. Or, dans une société reposant sur toujours plus d’individualisme, il semble difficile d’imposer aux gens une politique de partage de l’espace. L’occupation des places publiques, plus qu’un mouvement de quartier, est ouverte à tout citoyen en accord avec l’idée portée par le rassemblement. En réunissant des usagers venant de tous horizons et de toutes classes sociales, ces mouvements ont permis de faire vivre les places comme lieu de débat, de confrontation des idées et donc comme Agora. Nous pouvons nous interroger sur les caractéristiques spatiales des lieux au cœur de ces mouvements d’occupation.

Si la place de la République n’avait pas été réaménagée en 2011 afin d’être plus accessible aux piétons, elle n’aurait pas nécessairement constitué le lieu d’accueil du mouvement Nuit Debout (2016). Le fait de piétonniser les places publiques semblerait ainsi encourager l’émergence de mouvements sociaux. Pour de nombreux élus, l’occupation prolongée des places publiques par un groupe d’individus est perçue comme une menace à la tranquillité et la sécurité de tous. Or c’est une priorité à défendre pour une partie de la population qui demande un contrôle social plus virulent : plus de vigiles, plus d’éclairage, plus de surveillance (GASNIER, 2006, p.1.). Comment les municipalités peuvent-elles concevoir des espaces publics vivants et animés, tout en assurant la sécurité des citoyens ? Dans de nombreux projets d’aménagement, les politiques 16


publiques affirment leur volonté de réactiver la fonction collective des places. Par conséquent, il est étonnant de voir les oppositions et les craintes exprimées par les pouvoirs publics lors d’événements comme Nuit Debout. En effet, les manifestations citoyennes ont fait revivre la place de la République en tant qu’Agora, qui est la forme et la fonction essentielle d’une place. Différentes contradictions peuvent être ainsi relevées dans les discours des politiques publiques, nous faisant douter de la réelle mise en œuvre de l’objectif de réappropriation des places publiques, affiché par les municipalités.

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I.1 QU’EST-CE QU’UNE PLACE ? UNE TYPOLOGIE URBAINE ENTRE FORME ET FONCTION

Si certaines places sont des vides sans vie, où circulent presque exclusivement des voitures, d’autres constituent de véritables agoras contemporaines, très animées. Les vides urbains que constituent les rues, les places, les friches, appellent à l’activité humaine. Les gens s’y retrouvent, s’y croisent, et décident même parfois d’y rester. C’est ce qui fait la beauté d’une place.

Les places sont des éléments importants dans le paysage urbain et leurs évolutions accompagnent celles de nos sociétés. Elles jouent également un rôle majeur dans les fonctionnements économiques et sociales des villes. Nous verrons dans cette partie qu’il n’est pas toujours évident de savoir ce qui détermine le caractère d’une place. L’histoire montre en effet que les places désignent des lieux de par leurs aspects à la fois formel et fonctionnel. Si elles ont la caractéristique spatiale d’être des vides urbains entourés de construction, elles doivent aussi pouvoir accueillir des activités précises rythmant le quotidien des villes. Cependant, l’ambiguïté de la définition fait que le nom de « place » est attribué à des ronds-point, ou de simple carrefour, comme l’Étoile à Paris, dont le rôle de place se résume à sa configuration formelle (BERTRANT, LISTOWSKI, 1984, p.1.).

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I.1.a Évolution historique

Au commencement de l’histoire des places est l’Agora, centre politique, économique et religieux de la cité grecque. Animée au quotidien par divers rassemblements citoyens, l’Agora permet d’introduire le discours dans la cité, constituant ainsi une composante majeure de la politique démocratique (figure 2). Au Moyen Âge, la place est le reflet d’une ville mercantile. Lieu d’accueil du marché, elle est aussi inévitable en ce qu’elle est cernée par les bâtiments les plus importants de la ville comme (église, mairie). L’Agora et la place marchande médiévale ont en commun le fait d’être des « salles communes », des lieux accueillant un spectacle quotidien. Cependant, ces dernières se développent selon des priorités différentes. Ainsi, « La ville typique de l’Antiquité avec ses strates dirigeantes, son capitalisme et les intérêts de sa démocratie est surtout orientée vers des buts politiques et militaires », tandis que la ville typique médiévale, elle, s’organise davantage autour d’une « orientation économique » (WEBER, 2000, p.190.).

La Renaissance constitue une étape majeure dans cette évolution, avec l’idée de perspective, qui marque un changement total de la perception de l’espace et de la place de l’humain. Les places connaissent un embellissement particulier et deviennent peu à peu des « salles à l’air libre » à contempler pour leur beauté (BERTRAND, LISTOWSKI, 1984, p.6.). Ces recherches esthétiques se renforcent dans la ville baroque, où le décor est considéré comme une priorité devant l’aspect fonctionnel de la place. Un tournant s’opère alors dans l’histoire des places : le décor, la forme spatiale priment sur l’utilisation de l’espace. La Piazza della Signoria de style Renaissance détient sa configuration en « L » du Moyen-âge. Toujours très animée, elle peut être considérée comme le modèle réussie d’une place publique qui constitue un véritable foyer dans la 20


cité (figure 1). Suite au déroulement de cet historique mouvementé, nous constatons qu’il n’est pas toujours évident de déterminer ce qui suffit à constituer une place : un lieu, une fonction, un vide, une forme… ? (BERTRAND, LISTOWSKI, 1984, p.6.) ?

Figure 1 - Croquis de La piazza della Signoria (place de la Seigneurie en français), BERTRAND, Michel-Jean, LISTOWSKI, Hiéronim, 1984, p.4.

Figure 2 - Croquis de l’Agora d’Assos. BERTRAND, Michel-Jean, LISTOWSKI, Hiéronim, 1984, p.4.

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I.1.b Mise en œuvre d’une politique du « tout-voiture » Sous l’ère industrielle, la ville se construit principalement autour de l’automobile et de la production afin d’être plus fonctionnelle. Elle se détache alors peu à peu de ses places. Pour des urbanistes comme Géo B. Ford, la place doit avant tout assurer une bonne gestion des flux et accueillir des véhicules en stationnement. 1 Avec les principes de zonage et de séparation des modes de circulation établis dans la Charte d’Athènes, les places se vident progressivement

de leurs fonctions publiques (LE CORBUSIER, 1942). Ces dernières se déplacent dans des bâtiments conçus spécifiquement pour les accueillir. Les places se retrouvent alors réduites à des lieux de circulation et de stationnement. La place Pompidou à Paris témoigne de ce changement. En effet, avant d’accueillir le centre culturel conçu par les architectes Piano et Rogers, cette dernière était un grand parking. Dans cette fougue fonctionnaliste, l’automobile est l’avenir. La question de l’appropriation des espaces publics est pensée davantage autour de la voiture que des citoyens eux-mêmes. La place s’efface alors sous l’emprise de l’automobile, devenant impraticable et vidée de sa fonction essentielle de lieu au cœur de la vie publique. Petit à petit, elle se contente d’être un vrai « vide entouré de construction » (BERTRANT, LISTOWSKI, 1984, p.6.). Depuis cette période fonctionnaliste, les villes résultent d’une planification urbaine précise, faite par des spécialistes de l’aménagement. Complètement pensées et aménagées en amont, elles ne comportent souvent aucun espace susceptible d’accueillir des aménagements informels, et donc toute forme d’appropriation. Les villes ont du mal à se défaire de ce cadre planificateur. Pourtant, cette approche vieille d’un siècle environ n’a pas toujours fait ces preuves, comme le démontre la difficile urbanisation des pays du 1 FORD, Géo.B, (1920) L’urbanisme en pratique, Paris, éd. E. Leroux

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sud depuis 50 ans 2. Il est difficile de prévoir à l’avance comment les gens vont s’approprier les espaces de leur ville. La ville précède le plan et le plan doit s’adapter aux usages des gens. En ce sens, il semblerait plus intéressant de concevoir les villes de manière participative en mélangeant tout type d’acteurs et en n’ayant pas peur de laisser dans le plan des espaces flous, sans fonctions déterminées en amont. Cela permettrait d’avoir des espaces publics aux destinations non figées et de ce fait plus appropriables par la population. Aujourd’hui, l’urbanisme fonctionnaliste a montré ses limites et dans un contexte de réchauffement climatique, les villes affirment le désir de s’en défaire en redonnant plus de place aux piétons.

À Paris, la stratégie « Paris Piéton » est un exemple d’initiative visant à enlever la voiture du centre-ville. À travers l’émergence de multiples opérations qui ont pour objectif de faire revivre les espaces publics comme des lieux accueillant des activités du quotidien (Parking day, Rue qui respire etc.), il semble que notre société est marquée par un désir de renouer avec l’idéal de la ville antique et de l’Agora. Il est toutefois à noter que ce déroulé historique n’est pas aussi simpliste dans les faits, et qu’il existe des intrications entre les différentes périodes.

2 CLERC, Valérie, CRICRI Laure, JOSSE Guillaume, (2017) Urbanisation autonome : pour une autre action urbaine sur les quartiers précaires, (En ligne) http://www.metropolitiques.eu/Urbanisation-autonome-pour-uneautre-ation-urbaine-sur-les-quartiers-precaires.html

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I.1.c Place de la république : illustration de ce changement À la croisée des 3ème, 10ème et 11ème arrondissement de Paris, la place de la République est aujourd’hui l’une des places les plus animées de la capitale. Toutefois, elle a pendant longtemps vécu sous l’emprise des voitures, se contentant de remplir une fonction de carrefour giratoire. Dans cette partie, nous réviserons les grandes étapes marquant son histoire, de sa forme initiale à son réaménagement en 2011, afin de voir en quoi les qualités spatiales d’une place influent sur le bon fonctionnement de nos villes et de notre société.

Autrefois nommée place du Château d’Eau (en raison de sa proximité avec un réservoir d’eau) la place se situe au niveau de l’ancien bastion de la Porte du Temple de l’enceinte Charles V, au croisement du Boulevard du Temple et du Boulevard Saint-Martin (2008, DVD, APUR, p.7) 1. Elle est issue de l’élargissement des boulevards historiques de la rive droite. Au XVII ème siècle, des amuseurs publics ont l’autorisation de s’installer sur le Boulevard du Temple, appelé aussi « Boulevard du crime ». De nombreux théâtres y voient alors le jour et contribuent à animer la place, lui donnant un aspect festif. En 1811, l’implantation d’une fontaine en son centre alimentant en eau les quartiers du Temple et du Marais marque un élément majeur dans l’histoire de la place. De forme triangulaire à l’origine, la place détient son actuelle forme rectangulaire depuis les travaux d’Haussmann, sous le second empire. À ce moment, la placette du château d’eau, au caractère pittoresque et spontané se 1 DIAGNOSTIC - Concertation, projet d’aménagement de la place de la République, diagnostic, pistes de réflexion pour le programme du concours, réalisé conjointement par la DVD (Direction de la Voirie et des Déplacements, Mairie de Paris), l’APUR (Atelier Parisien d’Urbanisme), et, en collaboration avec la RATP, mars à septembre 2008, 70 p.

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Figure 3 - Carte postale ancienne « La Fontaine du Château-d’Eau et le Boulevard Saint-Martin vers 1840 » ( ND Phot - N° 11)

retrouve au cœur d’un important programme de restructuration de l’Est parisien. Les percées des boulevards Magenta, Voltaire et de l’Avenue de la République ont permis un élargissement de la place à 280 mètre sur 120, la positionnant parmi les plus grandes places parisiennes et européennes. Ces travaux ont cependant causé la perte d’une partie des théâtres situés sur le boulevard du temple, qui jouaient un rôle important dans l’animation de la place. En 1889, cette dernière change de dénomination lors de l’implantation d’un monument réalisé par les artistes Léopold et Charles Morice, qui symbolise les valeurs de la République. Tout en haut du monument figure Marianne, allégorie de la République et de la liberté, coiffée d’un bonnet phrygien et brandissant un rameau d’olivier de la main droite. Cette statue de bronze de 9,5 mètre de haut repose sur un piédestal en pierre orné d’un lion et de douze hauts reliefs traitant différents grands événements de la République (2008, DVD, APUR, p.12). 25


Avec l’augmentation de la circulation automobile qui accompagna le début du 20ème siècle, la place s’est effacée et s’est transformée progressivement en carrefour giratoire. Elle est aussi devenu un nœud important dans le réseau des transport en commun tant au niveau des bus que du métropolitain qui fit son apparition en 1900. Les circulations douces que constituent les flux piétons ont, quant à elles, été déplacées en périphérie de la place. Pour de nombreux urbanistes du début du XXème siècle, la place de la République a plus la fonction d’un nœud de circulation que d’un lieu de vie citoyenne. Dans son traité d’urbanisme, Joyant la qualifie de « carrefour allongé largement ouvert » 2. Face à ce constat, est né le désir de reconquérir la place au profit des piétons, en lui redonnant le caractère animé qu’elle connaissait du temps des théâtres du « boulevard du crime ». Le réaménagement de la place devint alors un enjeu politique, défendu notamment par le maire socialiste Delanoë lors de sa campagne de 2008. 3 L’objectif était de faire de ce lieu « une grande place populaire du XXIème siècle, appropriable par les piétons et dotée de grands espaces » (DELANOË, 2010). En 2010, le Conseil de Paris adopta une délibération confiant le développement du projet à l’agence TVK (Pierre-Alain Trévelo et Antoine Viger-Kohler). Inaugurée en 2013, la place est alors radicalement transformée et devient la plus grande place piétonne de Paris. Si les deuxtiers de la place était autrefois occupés par les automobilistes, aujourd’hui ce n’est qu’un tiers de l’espace qui leur est consacré, le reste étant principalement dédié aux piétons et cyclistes (figure 4). Les aménageurs ont fait le choix d’ouvrir totalement la place, à la manière d’une « scène ouverte aux multiples usages urbains » (TVK). À l’exception des bus et taxis, aucun véhicule ne peut circuler sur la partie nord de la place. L’ancien giratoire a été supprimé pour 2 JOYANT, Edmond, (1928) Traité d’urbanisme, Paris, pp. 48-49, cité dans TEXIER-RIDEAU, Géraldine, (2009) République, histoire d’une place. 3 GILLETTE Aline, (2013) A Paris, la place de la République s’ouvre aux piétons (En ligne) https://www.lemoniteur.fr/article/a-paris-la-place-de-la-republique-souvre-aux-pietons-21512557

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accueillir un grand parvis de deux hectares de surface minéral, libérant le lieu de la contrainte des flux automobiles (TVK). Le parvis s’étend sur deux terrasses constituées de marches, permettant de se reposer et de s’asseoir. Un miroir d’eau de 270 m² permet de rafraîchir les promeneurs lors de journées ensoleillées et fait office de clin d’œil historique en rappelant l’ancienne dénomination de la place. D’autres installations contribuent aussi à animer la place comme du mobilier amovible et des petits kiosques proposant des jeux pour les enfants. À l’ouest de la grande esplanade, un petit café de 170m² préfabriqué et complètement vitré constitue le seul espace privé et commercial de la place. Cette dernière est ainsi ponctuée de divers aménagements spatiaux, permettant des usages diversifiés. L’agence TVK semble d’ailleurs particulièrement sensible à la question des usages, qui se font dans l’espace public. Elle a en effet ouvert un blog suivant les usages au quotidien qui se créent sur la place.

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Figure 4 - SchĂŠma montrant la redistribution voiture / piĂŠton du projet, TVK

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Figure 5 - Vue aérienne de la place de la République avant son réaménagement, TVK

Figure 6 - Vue aérienne de la place de la République après la livraison du projet, TVK

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PRINCIPE DE PUBLICITÉ ÉTAT

OPINION PUBLIQUE

USAGE PUBLIC DE LA RAISON

SOCIÉTÉ CIVILE

PRINCIPE DE PUBLICITÉ Figure 7 - Schéma illustrant le concept d’espace public selon le point de vu Habermassien

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I.2 RAPPORTS SOCIAUX ET SPHÈRE PUBLIQUE : NAISSANCE ET ÉVOLUTION DE L’AGORA

En dehors de leurs aspects formels, consistant à être des vides entourés de construction, les places doivent pouvoir être des lieux d’échange et de débat dans la ville. Dans cette partie, nous traiterons de l’espace immatériel que désigne les places publiques.

Le premier à avoir développé la notion d’espace public au sens métaphorique est le philosophe Habermas. En effet, ce dernier définit l’espace public comme un lieu de débat au sein des villes et des sociétés accueillant la formation d’une opinion publique, qui est une « opinion vraie, régénérée par la discussion critique dans la sphère publique » (HABERMAS, 1978, p. 61). Dans sa thèse, Habermas montre comment s’est développée une sphère publique bourgeoise, nécessaire au bon fonctionnement démocratique de toute société. Cette sphère est née suite à la naissance de l’État moderne et l’apparition de la classe bourgeoise au cours du 18ème siècle. Livrant et partageant ses réflexions au monde, en s’appuyant sur un « usage public de la raison », cette nouvelle classe constituée avait la capacité d’avoir un regard critique sur l’État. Les lieux privés se prêtant plus à la discussion, l’opinion va naître au sein des salons, des cafés et des médias. Cette sphère de discussion constitue un pilier fondamental au bon fonctionnement de toute société démocratique. Nous verrons dans cette partie en quoi la place de la République avant et après son aménagement par l’agence TVK est le lieu d’accueil d’une sphère publique.

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I.2.a La place comme lieu de réunion Entourée de monuments majeurs de la ville, la place a toujours été importante pour les citoyens. Souvent d’une surface assez conséquente, elle permet le rassemblement d’un certain nombre de personnes. L’histoire des villes nous a montré que les places ont, au cours du temps, perdu leur fonction de lieu d’interactions au quotidien. Cependant, elles n’ont cessé d’accueillir des événements particuliers qui la font renaître comme Agora. Marché, foire, brocante, fête de la musique, mouvements sociaux, sont autant d’événements qui vont ponctuellement faire revivre des places qui sont majoritairement réduites à une fonction de parking.

Avant même d’avoir connu sa profonde métamorphose menée par l’agence TVK en 2010, la place de la République était déjà piétonne plusieurs jours par an lors d’événements nationaux ou de mouvements sociaux. En raison de sa charge symbolique, la place accueille depuis bien longtemps de grands rassemblements et est connue pour être un lieu politique. Ainsi, le 4 septembre 1958, le général de Gaulle et le ministre de la culture André Malraux y présentaient le projet de constitution de la V République. Lors de sa réélection face à Jean-Marie Le Pen en 2002, l’ancien président Jacques Chirac choisi la place pour y faire un discours. La place est connue pour être un point de passage lors de diverses manifestations sociales qui ont pour habitude d’aller de Bastille à République.

En 2015, la France est sous le choc de la vague d’attentats dont elle a été victime. Au lendemain de l’attaque contre le journal satyrique Charlie Hebdo qui eu lieu le 7 janvier, un mémorial s’est formé sur la place de la République. Fleurs, bougies, messages et dessins ornaient alors le socle de la statue de Marianne, conférant à la place une ambiance de deuil. 32


Figure 8 - La place de la République, lors du grand rassemblement organisé en hommage aux victimes des attentats le 11 Janvier 2015, Stéphane Mahé/Reuters, 2015, source : http://www.nouvelobs.com

Le 11 janvier de cette même année, la place est le point de départ d’une grande marche républicaine établie en mémoire des victimes. Avec près de 2 millions de participants à Paris, il s’agit de l’une des plus grandes mobilisations nationales dans l’histoire du pays (figure 8). La place est alors un lieu phare de recueillement d’une population en deuil. Les messages arborant la statue ont été effacés en été 2016, mais la place reste pour beaucoup témoin de ces souvenirs douloureux. Depuis le 10 janvier 2016, une plaque siège au pied d’un chêne planté pour l’occasion, dans un coin de la place. La place, devenue mausolée, change d’image et continue son histoire. Elle ne peut se contenter d’occuper une fonction commémorative. Rythmée par des revendications temporaires, la place de la République porte toujours un fort héritage symbolique issu de son histoire. Il paraît alors indéniable que l’histoire et la charge symbolique d’une place ont un impact sur la perception des usagers et influent sur son caractère plus ou moins appropriable.

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I.2.b La place comme lieu de contestation sociale Dans son livre Paris, capitale de la modernité, le géographe David Harvey dénonce la violence des travaux d’Haussmann, qu’il qualifie de « destruction créatrice » (2003, p. 484). Il montre dans son ouvrage que si la politique du Second Empire a ouvert la porte à la modernité, elle a également, de par ses conséquences sociales, réuni les conditions nécessaires à l’éclatement de la révolution de 1871 (figure 9) : « C’est la lente transformation capitaliste de la géographie historique de la ville qui a produit les matériaux bruts de la Commune . » (HARVEY, 2003, p. 484.)

En effet, si ces travaux ont apporté beaucoup pour la ville de Paris, comme une meilleure hygiène et une meilleure organisation des réseaux, ils ont aussi causé une ségrégation socio-spatiale sans précédent. L’haussmannisation illustre le principe selon lequel la maîtrise de l’espace urbain permet le contrôle de la reproduction sociale. N’ayant plus les moyens de payer un loyer soumis à une hausse spéculative, de nombreux parisiens ont dû quitter leur domicile pour s’exiler en périphérie de la ville, voire même de trouver refuge dans des bidonvilles. En éjectant les populations les plus pauvres du centre, cette réorganisation spatiale « protégeait la bourgeoisie des dangers réels ou imaginaires des classes dangereuses » (HARVEY, 2003, p. 237.). Le réaménagement a contribué à l’embellissement de la ville tout en marginalisant et en poussant à la porte les personnes ne pouvant plus se permettre d’y habiter. Une double opposition sociale apparaît alors entre le centre et la banlieue d’une part, et l’est et l’ouest de la ville d’autre part. Encore valable aujourd’hui, cette division spatiale s’illustre par l’occupation de classes aisées 34


Paris on fire, during the Commune of Paris, May 1871, France, Paris, Bibliotheque de la ville. NUMA

Saint-Denis, museum of history and art - picture I. Andréani Figure 9 : «Vue© de l’incendie de Paris». Gravure photographiée et retouchée, NUMA fils, 1871, source : Saint-Denis, musée d’art et d’histoire S - cliché I. Andréani

plutôt dans le centre et l’ouest de la ville et des classes les plus pauvres dans l’Est et en périphérie. En mettant en lien l’histoire et la dynamique des révolutions avec les transformations urbaines, l’analyse faite par Harvey permet une nouvelle compréhension de la ville contemporaine.

Si, en 1971, l’insurrection de Paris se déroule essentiellement dans les rues, aujourd’hui les contestations et les révoltes citoyennes semblent davantage s’exprimer au sein des places publiques comme en témoigne l’occupation de la place de la République à Paris par le mouvement « Nuit Debout ».

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En mars 2016, des protestations éclatent un peu partout en France face au projet de la « loi travail » qui, dans les grandes lignes, assouplit de nombreuses règles du Code du travail pour donner plus de liberté aux entreprises. Le 31 mars, plusieurs manifestants décident de ne pas rentrer chez eux suite au défilé dans la rue afin d’occuper la place de la République. Dans la lignée du mouvement des Indignés va naître alors « Nuit Debout ». Le mouvement s’organise autour du mot d’ordre de la « convergence des luttes ». Les « Nuit Deboutistes » rêvent d’une société nouvelle et veulent expérimenter une démocratie directe et participative. Le mouvement se propage majoritairement en France, dans de grandes villes. À Paris, la place de la République est alors le théâtre d’une nouvelle scène politique et médiatique. La place va ainsi voir se développer un campement de résistance pacifique constitué de plusieurs pôles : une infirmerie, une cantine, un espace de projection, des stands associatifs... Les pavés en béton sont enlevés pour laisser place à de petits carrés de verdure. S’opère alors un cycle continu entre l’évacuation des lieux, menée par les CRS au petit matin, et la réinstallation du campement peu après. Il est intéressant de constater la diversité des usages fait au sein de la place à ce moment. Chacun est libre de contribuer au mouvement, de proposer ses idées lors des assemblées générales qui ont lieu tous les jours. Beaucoup de gens sont sceptiques et doutent de l’efficacité du mouvement, lui reprochant son manque de sérieux et son côté désorganisé. En effet, le mouvement n’a pas de leader, s’organise de manière horizontale et défend plusieurs causes à la fois, si bien que certaines personnes ne comprennent pas son véritable enjeu. Il est intéressant de voir comment le mouvement s’est organisé spatialement en se divisant en deux « Nuit Debout » : une qui danse, une qui pense 1. Même si dans l’ensemble rien n’est figé et qu’il y a des échanges des deux côtés, une séparation des usages dans l’espace 1 LORRIAUX Aude, (2016) Il y a deux Nuit Debout sur la place de la République (En ligne) http://www.slate.fr/story/117145/nuit-debout-qui-danse-nuit-debout-qui-pense

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de la place peut s’observer. Si l’Est de la place accueille les débats, les assemblés où les gens refont le monde, l’Ouest s’avère plus être un terrain d’amusement (figure 10). Le mouvement est critiqué par certains médias pour être essentiellement composé de « bobos ». Pourtant, des personnes de tous milieux sociaux y participent : des étudiants, des personnes à la rue, des sans-papiers, des travailleurs, des familles... Cependant, les occupants ne se mélangent pas toujours. Un membre de la commission communication de « Nuit Debout » reconnaît qu’il n’est pas évident de parvenir à mélanger ces populations : « Oui, c’est sûr qu’il y a une telle diversité de milieux

sociaux sur la place qu’il n’y a pas un mélange total. Pour les précaires, c’est difficile de se lancer dans ces luttes. C’est un vrai défi pour nous d’arriver à faire le lien entre ces deux populations. » 2 (Raphaël, membre de la commission communication de « Nuit Debout », 2016)

Toutefois, en accueillant des usages parfois antagonistes, la place dispose des conditions nécessaires pour réintroduire un débat citoyen dans l’espace public. Pour Pierre-Alain Trévelo, « même si elle prend de la place, « Nuit Debout » n’annihile pas les autres usages de la place », a-t-il confié au Huffington Post 3. « Cette énergie, cette vie qui s’exprime sont aussi une source de beauté. Cette place est là pour que les gens s’en servent et il est logique qu’ils se la réapproprient jusqu’au bout », ajoute-t-il.

2 Propos recueillis d’après l’article cité précédemment. 3 CLAVEL Geoffroy, (2016) Comment l’architecte de la nouvelle place de la République juge-t-il Nuit debout? (En ligne) http://www.huffingtonpost. fr/2016/04/13/regard-architecte-nouvelle-place-republique-nuit-debout_n_9678484.html

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Figure 10 - Plan représentant l’organisation du mouvement sur la place de la République.

Vincent Manilève. Aude Lorriaux, 2016. source : http://www.slate.fr/story/117145/ nuit-debout-qui-danse-nuit-debout-qui-pense

Figure 11 - Photo prise lors d’un rassemblement dans le cadre du mouvement Nuit Debout 2016 , source : http://www.slate.fr/story/117145/nuit-debout-qui-dansenuit-debout-qui-pense

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Le 15 mai 2011, des milliers de personnes se rassemblent à Madrid sur la place de la Puerta del Sol ainsi que dans les places de toutes les villes d’Espagne, pour manifester leur mécontentement face au pouvoir en place. À cette occasion, un grand campement s’improvise sur la Puerta del Sol et restera jusqu’au mois de juin. Cette installation de fortune recevra en 2012 le Prix Spécial du Jury lors du Prix européen de l’espace public urbain, créé par le Centre de Culture Contemporaine de Barcelone (CCCB) 1.

Depuis cet élan initial du 15 mai, des dizaines de places publiques dans le monde ont été occupées, par des citoyens voulant réinventer la démocratie, en s’écartant des logiques libérales du système capitaliste. Ce mouvement se propage au quatre coins du monde, sous le nom des « indignés ». Que ce soit à Madrid, à New-York, à Paris ou à Istanbul, plusieurs citoyens sortent dans les rues et vont occuper les places publiques de leurs villes, afin d’exprimer leur mécontentement. Même si les motifs de contestation varient d’un état à l’autre, ces personnes ont en commun le fait de vouloir reprendre le contrôle de la démocratie en se réappropriant l’espace public. L’occupation des places, plus qu’un mouvement de quartier, est ouvert à tout citoyen en accord avec l’idée portée par le rassemblement. Les personnes faisant partie des mouvements viennent parfois de loin et sont présentes par conviction. L’espace numérique contribue à diversifier le public présent au sein des événements. Ces mouvements d’occupation viennent créer une sphère publique, critique de la société qui va accueillir du débat. C’est un lieu de contestation pacifique. Les participants discutent de sujets et rêvent d’un monde meilleur. Petit à petit, les campements improvisés se transforment en petits villages autogérés. À travers les phénomènes d’occupation, les usagers contrôlent pour un temps plus ou moins long une partie de l’urbanisation de leur ville. 1 Dossier de presse de l’exposition La ville tournée vers l’espace public. Prix européen de l’espace public urbain 2012, Centre de Cultura Contemporània de Barcelona (CCCB), Lyon, 2013, p.12.

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Figure 12. La place de la Puerta del Sol, REUTERS, 2015, source : http://www.

telegraph.co.uk/news/picturegalleries/worldnews/8525938/Thousands-of-protestersoccupy-Puerta-del-Sol-square-in-Madrid.html

Ces mouvements révèlent le fait que de plus en plus de personnes de tous horizons se retrouvent dans une convergence des luttes afin de réfléchir ensemble à l’avenir de demain. Si la place publique appartient à tous, est-il légitime qu’une poignée de personnes l’occupe de manière prolongée et l’utilise comme bon leur semble ? Se pose ici la question de la « privatisation » de l’espace public et des limites à respecter par les usagers.

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I.2.c Une renaissance de l’agora qui fascine et inquiète

La maire de Paris semble grandement attachée à l’idée d’apporter du débat dans sa ville, comme le montre son initiative de « nuit des débats », lancée en 2015. Elle affirmait à ce sujet que « Le débat démocratique a une place dans l’identité de Paris. C’est pourquoi j’ai souhaité que nous organisions un événement d’envergure, fédérateur, qui incarne notre attachement à la confrontation des idées. » (HIDALGO, 2016) 1. Si les pouvoirs publics affirment leur intention de réanimer les places et de réactiver leur fonction de lieu d’échange et de dialogue, il peut être surprenant d’entendre la maire de Paris déclarer en avril 2016, à propos des mouvements d’occupation de la place de la République, que « les lieux publics ne peuvent pas être privatisés » 2. Pourtant, la place est assez grande pour permettre un partage de l’espace et son occupation par un groupe d’individus n’avait nullement l’intention de gêner les commerces ou les voies de circulation. De plus, les dispositifs mis en place par les occupants reposaient essentiellement en des structures légères et facilement démontables. Il est également étonnant de voir la mairie s’indigner de cette occupation, quand elle même n’hésite pas à privatiser l’espace public lors de grandes opérations. Ainsi, la mise en place d’une « fan zone » sur le Champs de Mars confiée au groupe Lagardère sport pour 150 000 euros, peut davantage traduire une privatisation de l’espace public que le mouvement « Nuit Debout » 1 N.M. (2016) Permettre aux Parisiens de se retrouver autour de leurs valeurs. Le parisien (En ligne) http://www.leparisien.fr/espace-premium/paris-75/permettre-

aux-parisiens-de-se-retrouver-autour-de-leurs-valeurs-paris-anne-hidalgo-lance-la-nuitdes-debats-ce-samedi-02-04-2016-5679675.php 2 France Info émission du 1er Avril 2016 (En ligne) https://www.francetvinfo.fr/ societe/nuit-debout/ces-politiques-de-gauche-et-de-droite-qui-veulent-en-finir-avecnuit-debout_1400225.html

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dont le caractère commercial se limite à la présence de stand de nourriture 3.

De nombreuses personnes ne comprennent donc pas l’accusation de la maire de Paris sur la privatisation de l’espace par « Nuit Debout », et un magistrat de la cour administrative d’appel de Marseille va même la remettre en cause en déclarant que : « Il n’y a point de privatisation en l’absence d’utilisation individuelle, au même titre qu’une plage ou qu’une voie n’est pas privatisée parce qu’elle fait l’objet d’une utilisation collective. Il s’agit au contraire d’une utilisation conforme. Les places publiques sont historiquement des points de rassemblement et constituent le lieu d’exercice par excellence de la liberté d’expression, corollaire et soubassement de toute démocratie. Le cas échéant, à quoi serviraient de tels lieux ? Seulement de support temporaire au passage d’individus se déplaçant, circulant, ou à des fins marchandes. » (DELIANCOURT, 2016) 4

Un peu plus tard, lors d’une interview avec le journal Le Monde sur le sens du mouvement place de la République, la maire de Paris nuance son propos précédent. Elle trouve alors en « Nuit Debout » « un écho » avec ce qu’elle « essaie de faire dans le cadre de son mandat pour que la démocratie représentative s’inspire des citoyens » 5. Ces nouvelles paroles révèlent la difficile prise de position de la maire sur ce sujet qui doit redouter d’être accusée de laxisme d’un 3 LE MONDE, AFP (2016) Euro 2016 : Paris aura bien sa fan-zone sur le Champde-Mars. Le monde (En ligne) http://www.lemonde.fr/football/article/2016/03/30/ euro-2016-paris-vote-sa-fan-zone-sur-le-champ-de-mars_4892615_1616938.html#MCRwGvgb5f5qQ0G4.99 4 Extrait de Agora(phobie)..., AJDA 2016 p1033 (En ligne) https://nuitdebout.fr/ blog/2016/05/30/privatiser-lespace-public/

5 JÉRÔME Béatrice, (2016) L’avertissement d’Anne Hidalgo à la Nuit debout. Le monde (En ligne) http://www.lemonde.fr/politique/article/2016/04/11/l-avertissement-d-anne-hidalgo-a-la-nuit-debout_4900203_823448.html#EPcMkVjqdxtXR7Cx.99

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côté ou d’autoritarisme de l’autre. S’il se voulait pacifique à la base, le mouvement a aussi été un terrain d’affrontement avec les forces de l’ordre. Certains actes de violence (casse de vitrine, feu, lancement d’explosif) commis par une minorité de personnes sont le prétexte pour le gouvernement de sanctionner le mouvement et de l’évacuer de force.

« Nuit Debout » s’est alors peu à peu essoufflé avec l’arrivée de l’été et n’a pas refait surface depuis. La place accueille aujourd’hui un grand skate park, qui rend difficile la réapparition du mouvement. « Si la mairie a mis un skate park à République, c’est essentiellement pour empêcher « Nuit Debout » de revenir » (CHOBLET, 2018) 6. En effet, les va-et-vient des planches à roulettes rendent la place bruyante et empêchent l’installation prolongée de groupes de parole. Même si le mouvement « Nuit Debout » s’est essoufflé, il règne toujours un souffle contestataire sur la place, inspirant des gens de tous âges et de tous horizons.

Nous avons ainsi vu dans cette partie en quoi la place avait, au cours de l’histoire, perdu sa fonction de lieu d’échanges dans la ville. À travers les divers mouvements d’occupation ayant lieu ces dernières années, nous avons pu revoir ces espaces s’animer en des moments particuliers.

6 Entretien réalisé avec Jean-Christophe Choblet, le 6 janvier 2018 (annexe 3)

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II ENJEUX ET LIMITES DU PROCESSUS DE RECONQUÊTE Afin d’être plus en adéquation avec les attentes des usagers modernes, les municipalités développent de plus en plus de projets en suivant des nouveaux schémas d’aménagement. Désignés sous les termes de « place making » ou encore d’urbanisme tactique 1, ces modes opératoires innovants reposent sur l’idée d’encourager les citoyens à intervenir matériellement dans la conception et la création des espaces publics. Ils permettent de réaliser des projets à moindre coût, plus à l’écoute des usagers et donc plus appropriables par la population. Les deux places choisies pour mener cette étude s’inscrivent toutes deux dans cette nouvelle manière de concevoir.

Dans cette partie nous interrogerons le mot d’ordre de reconquête des espaces publics en nous appuyant sur l’observation du réaménagement en cours des places Lénine (Champigny-surMarne) et Bastille (Paris).

1 Ces termes seront définis plus précisément dans la suite du mémoire.

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I.1 PRÉSENTATION DE L’ÉTUDE DE TERRAIN : DEUX PLACES ENCOMBRÉES PAR LA VOITURE

Ce mémoire porte sur l’analyse de deux places en cours de réaménagement, qui sont aujourd’hui essentiellement dédiées à l’automobile et qui ont vocation à devenir piétonnes : la place de la Bastille à Paris et la place Lénine à Champigny-sur-Marne. Cette partie exposera dans un premier temps la méthodologie utilisée au cours de cette analyse de terrain et les différentes techniques d’enquête utilisées. Dans un second temps, nous effectuerons une brève présentation des deux terrains d’analyse permettant de les situer et de mieux comprendre les enjeux de leur piétonnisation.

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I.1.a Méthodologie Au cœur de l’actualité urbaine de Paris, le projet du réaménagement des sept places (Bastille, Fêtes, Gambetta, Italie, Madeleine, Nation et Panthéon) marque une grande rupture par rapport aux projets urbains habituels. En effet, les places publiques y sont conçues comme des lieux d’expérimentations urbaines, permettant de tester différents usages avant de proposer un projet d’aménagement plus concret. Parmi les sept places, j’ai choisi d’étudier la place de la Bastille en raison son histoire et de sa charge symbolique. Par ailleurs, j’ai choisi la place Lénine du fait de sa position centrale dans la ville de Champigny-sur-Marne et pour des raisons pratiques. En effet, la place est située non loin de mon lieu de résidence, ce qui m’a permis de m’y rendre plusieurs fois sur une longue période et de constater les changements qui s’y opèrent. De plus, il m’a paru intéressant de comparer une politique d’aménagement menée en banlieue parisienne avec celle de la ville de Paris. Les phases dans lesquelles se situaient ces deux projet m’ont permis d’étudier directement les impacts de l’expérimentation de ces espaces sur les villes. Au moment de l’enquête, les places avaient déjà été les lieux d’atelier de co-conception où les habitants ont conçu, avec des spécialistes de l’aménagement, du mobilier et autres dispositifs légers d’occupation éphémère.

L’étude de terrain de ce mémoire a été principalement menée sur le réaménagement de la place Lénine à Champigny-sur-Marne. La place de la Bastille ayant été finement analysée l’année dernière par le collectif Bastille, je n’ai pas jugé nécessaire d’établir un travail poussé d’enquête sur ce terrain. Je m’y suis tout de même rendu plusieurs fois à des temporalités différentes afin d’établir mes propres observations concernant l’occupation, l’ambiance et les 47


usages de la place. Lors de ces observations, je suis allée trois fois sur la portion piétonne de la place près du port de l’arsenal qui a été le terrain d’expérimentations spatiales par le collectif Bastille.

En ce qui concerne l’étude de la place Lénine, j’ai choisi de me concentrer sur la partie Est de la place qui est l’objet d’une reconquête spatiale provisoire. Ce devoir questionnant la notion d’usages des places, j’ai voulu donner la parole aux usagers afin de me renseigner sur leurs pratiques et leurs représentations de l’espace. J’ai ainsi élaboré un questionnaire sociologique que j’ai soumis à 25 personnes interceptées sur la place Lénine 1. Le questionnaire a été l’occasion d’aller à la rencontre des usagers de la place en leur posant des questions précises sur leurs habitudes, leurs perceptions et leurs appréciations des lieux. Chaque questionnaire durait en moyenne entre 5 et 15 minutes. Cette méthode d’enquête a été le moyen d’avoir accès à des entretiens informels. En effet, après répondu aux questions souvent fermées du formulaire, les personnes interrogées se livraient de manière plus ouverte en exprimant leur avis sur le projet.

Dans la limite du possible, j’ai essayé d’avoir un échantillon varié, en interrogeant de manière aléatoire des personnes d’âge, de sexe et de milieux différents 2. La place étant principalement un lieu de passage pour la plupart des usagers, il fut difficile de convaincre les gens de s’arrêter pour répondre au questionnaire, et tout particulièrement les jeunes de moins de 20 ans. Le fait que l’enquête se soit majoritairement déroulée en hiver, et donc sous une basse température, a également été une contrainte pour aborder les usagers. Lors de mes observations directes sur les deux terrains, j’ai appliqué la méthode d’imprégnation flottante en m’appuyant sur le travail de Pétonnet 3. Cette méthode « consiste à rester en toute 1 Questionnaire en annexe n°1 2 Échantillonnage présenté en annexe n°1 3 PETONNET, Colette (1982), « L’observation flottante. L’exemple d’un cimetière

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circonstance vacant et disponible, à ne pas mobiliser l’attention sur un objet précis, mais à la laisser “flotter” afin que les informations la pénètrent sans filtre, sans a priori, jusqu’à ce que des points de repères, des convergences apparaissent et que l’on parvienne alors à découvrir des règles sous-jacentes. » (PETONNET, 1982, pp.97-47.). L’application de cette méthode m’a permis de m’imprégner du lieu et d’observer les différents usages qui s’y font.

Je me suis également appuyée sur les travaux de Whyte 4 pour évaluer les usages de ces espaces et le rôle que joue le design urbain dans l’appropriation des lieux par les usagers. Afin d’étudier les mises en œuvre et la conception de ces projets par les municipalités, je me suis, d’une part, rendu à des réunions publiques concernant les deux places et, d’autre part, entretenu individuellement avec les aménageurs des villes et les collectifs impliqués dans ces projets 5. Je suis ainsi allée à la rencontre de Mme Pellegrini, ingénieure à la direction des Infrastructures, des Transports et de l’Espace Public de la ville de Champigny, qui s’occupe du dossier de la place Lénine avec son directeur de service Didier Ménage. Je me suis entretenue par téléphone avec le paysagiste de l’agence « Paule Green ». Je suis également allée à la rencontre du collectif « Champigny en Transition », en participant à l’un des événements organisés par l’association. J’ai aussi rencontré Jean-Christophe Choblet, directeur de la mission « PAVEX » à la mairie de Paris afin d’étudier les jeux d’acteurs établis dans le projet des sept places. J’ai pu aussi réaliser plusieurs entretiens informels en allant à la rencontre des commerçants du centre-ville de Champigny : la vendeuse du magasin Nicolas donnant sur la place, le boulanger près du pont à l’entrée de ville, le vendeur du kiosque à crêpe et le gérant du foodtruck préparant des empanadas (figure 13).

parisien ». L’Homme, XXII (4), oct-déc, pp. 37-47 4 WHYTE William H., The Social Life of Small Urban Spaces. Washington D.C., The Conservation Foundation, 1980. 125p. 5 Voir en annexe 1 grille d’entretien

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4 2 3 1

Figure 13 - Vue aérienne de la place Lénine, avec encadrée en rouge la portion de la place étudiée.

50 mètres 50

1 : Boulangerie 2 : Kiosque à crêpe 3 : Magasin Nicolas 4 : Food Truck


Figure 14 - Vue aérienne de la place de la Bastille, avec encadrée en rouge la portion de la place étudiée.

50 mètres 51


II.2 Présentation des terrains d’étude

Avec l’arrivée du grand Paris express, la ville de Champigny-surMarne est au cœur d’une stratégie urbaine nouvelle. Un grand plan de réaménagement du centre est prévu afin d’embellir la ville qui sera mieux connectée à la capitale et aux agglomérations voisines. L’un des axes majeurs de ce plan est le réaménagement de la place Lénine qui, selon le maire adjoint Christian Fautré (PCF), « constitue un zoom de notre stratégie globale sur le centre ville ». Ce dernier insiste sur le fait que la place doit être redynamisée : « Il faut y relancer le commerce, libérer la place de la voiture, pacifier les rues, et construire du logement » (2017) 1.

Située dans une pente douce menant vers la Marne, la place est traversée par le ruisseau des Landes, qui est canalisé aujourd’hui endessous 2. Elle a la particularité d’être située au niveau du lit majeur de la Marne 3. Lors de la grande crue de 1910, des clichés révèlent une place complètement inondée (figure 17). Avec le développement de la voiture en ville, la place s’est progressivement transformée en un vaste parking, coupé en deux par la départementale, qui amène un flux incessant de voitures dans le centre-ville. Bordée de nombreux commerces ainsi que par la médiathèque, elle reste un élément incontournable dans le quotidien des campinois. La place s’anime particulièrement lors de la traditionnelle foire au troc et aux cochons qui a lieu le premier week-end du mois de novembre chaque année. À cette occasion, la place change de visage et est 1 Propos cités dans C.DUBOIS, (2017) A Champigny-sur-Marne, la place Lénine prépare sa mue. (En ligne) https://94.citoyens.com/2017/a-champigny-marne-placelenine-prepare-mue,13-12-2017.html

2 BLANCHARD, Chloé, (2017) L’histoire de la nouvelle place Lénine, Ou comment les habitants peuvent s’approprier leur ville. « Champigny en Transition » 12p.(En ligne) https://champignyentransition.files.wordpress.com/2017/04/place-lecc81ninechap-i.pdf

3 Le lit majeur d’un cours d’eau désigne la partie qui n’est inondée qu’en cas de crue.

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occupée par de nombreux stands associatifs, des manèges et une brocante (figure 18). Elle s’anime aussi de manière hebdomadaire, à l’occasion du marché qui s’y déroule trois fois par semaine. À travers mon enquête de terrain, j’ai d’ailleurs réalisé que la majorité des passants l’appelaient « place du marché ». Certains ne connaissaient même pas sa véritable appellation. « Les gens l’appellent place du marché. Place Lénine ça ne leurs parle pas. » 4 me confie le vendeur du kiosque à crêpe. À l’origine, la partie Est de la place était désignée sous le nom de « place des fêtes » et la partie Ouest, par celui de «place du marché». L’actuelle dénomination « place Lénine » suscite plusieurs controverses. Les membres du Front National de Champigny lance en Novembre 2017 une pétition pour changer la dénomination de la place qui, selon eux, n’a pas à porter le nom « de l’un des pires dictateurs de l’Histoire » 5.

La place Lénine est le cœur originel de Champigny. En effet, une fois les bords de Marne rendus constructibles, les premières habitations initialement situées le long de la départementale, se sont concentrées vers la place. Actuellement, c’est plutôt le phénomène inverse qui s’observe. Les commerçants évitent la place et préfèrent se développer le long de la route départementale, qui apporte un flux de passants plus important. Avec la prochaine arrivée de la ligne 15 du métro sur ce même axe, la place risque d’être un peu plus délaissée. La mairie anticipe ce risque et mise tout sur une grande stratégie urbaine afin de redynamiser son centre historique.

4 Entretien informel réalisé le 21/11/2017 avec le commerçant du kiosque à crêpe ( « commerçant 2 » présenté en Annexe 4 ) 5 DUBOIS, C., (2017) Le FN lance une pétition contre la place Lénine à Champigny (En ligne) https://94.citoyens.com/2017/fn-lance-petition-contre-place-lenine-achampigny,28-11-2017.html

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Figure 15 - Ancienne carte de Champigny, la place Lénine est alors appelée « place des fête à l’est » et « place du marché », à l’ouest. source : agence Paule

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Carte des environs de Paris, 1906

avant 1842 Carte des environs de Paris, 1906

avant 1842

1842

Figure 16 - Évolution du plan de la ville au cours du temps. La place est dominÊ par un axe EstOuest. source : agence Paule Green

1842 55


E AU TROC X COCHONS

Figure 17 - La place, inondĂŠe lors de la crue de 1910, source : agence Paule Green

1954

Figure 18 - La place, lors de la traditionnelle foire au Troc et au cochon source : Mairie de Champigny.

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Le projet de réaménagement de la place a été prévu en deux temps : un projet définitif en 2020 et une première étape d’expérimentation en cours ayant débuté en février 2017. La municipalité attend la fin des travaux du Grand Paris Express pour engager la réalisation d’opérations plus conséquentes sur la place, afin de ne pas trop perturber la circulation. Plusieurs travaux ont toutefois été réalisés, comme une réorganisation du stationnement et un changement des passages piétons. En janvier 2017, la mairie lance un appel dans le magazine de la ville proposant aux habitants de participer à la préfiguration de la partie Est de la place. Aménageurs et habitants seraient ainsi amenés à réfléchir ensemble à des solutions permettant la réactivation de la place. Un premier atelier de conception est planifié le 11 Mars 2017, suivit d’un atelier de modélisation et de peinture au sol le 25 Mars. Enfin du 26 au 29 avril, un chantier de co-construction est organisé permettant la réalisation de plusieurs aménagements, comme du mobilier en bois et des marquages au sol. Cette phase éphémère durera au moins deux ans. « Elle n’est ni originale, ni belle et n’a pas vraiment de charme. Elle est plutôt banale. »

« Moi je la trouve sympathique, mais déroutante quand même. »

( perceptions de la place par ses usagers. propos recueillies lors de l’enquête de terrain, 2018 ) 57


La place de la Bastille fait partie du plan de réaménagement des sept grandes places parisiennes (Bastille, Fêtes, Gambetta, Italie, Madeleine, Nation et Panthéon) engagé par la maire de Paris, Anne Hidalgo, en 2015. Cette opération s’inscrit dans la logique des actions de la maire qui a pour priorité de repenser un nouveau partage des modes de déplacement, plus respectueux de l’environnement, en redéfinissant notamment la place de la voiture dans la capitale. Il s’agit dans ce projet de « donner plus de place à celles et ceux qui ont envie de vivre dans une ville plus pacifiée, avec moins de voitures et moins de stress » (HIDALGO, 2015) 1.

Située au croisement des 4ème, 11ème et 12ème arrondissements de Paris, la place de la Bastille constitue l’une des places les plus importantes de la capitale, de part son histoire et sa charge symbolique. Lieu d’accueil de l’opéra Bastille, elle est aussi reconnue pour son dynamisme culturel. Le Nord de la place concentre de nombreux commerces, essentiellement des bars, cafés, restaurants et boîtes de nuits, qui contribuent à lui donner un aspect festif.

De 1369, jusqu’en 1789, la place hébergeait la forteresse de la Bastille 2. La destruction intégrale de ce monument le 14 Juillet 1789 marque « la prise de la Bastille », journée décisive dans l’histoire de la Révolution française. Peu de traces témoignent aujourd’hui du passé de la forteresse, à l’exception d’un dallage spécifique au sol marquant l’ancien emplacement de l’édifice. Ce manque de lisibilité historique peut déconcerter certaines personnes étrangères à la capitale. « Des touriste s’attendent parfois à voir des ruines de l’ancienne forteresse au niveau de la place. » (CHOBLET, 2017) 3. 1 Hidalgo, (2015) Concertation sur le grand projet de réaménagement de sept grandes places parisiennes (En ligne)

https://www.paris.fr/services-et-infos-pratiques/urbanisme-et-architecture/projets-urbains-et-architecturaux/reinventons-nos-places-2540

2 Département d’Histoire de l’Architecture et d’Archéologie de Paris, (DHAAP), Place de la bastille (4e, 11e et 12e arr.) Historique (En ligne) https://www.api-site. paris.fr/mairies/public/assets/Etude%20historique%20de%20la%20place%20de%20 la%20Bastille.pdf

3 Propos recueilli lors du séminaire internationale sur la Marche, le 29/11/2017 ayant lieu à la Maison des Acteurs du Paris durable.

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En 1848, la place accueille la colonne de Juillet des architectes Alavoine et Duc. Cette dernière est ornée du nom des victimes des journées révolutionnaires de juillet 1830 et porte à son sommet la sculpture de Dumont représentant le Génie de la Liberté. Élément central de la place (Figure 19), la colonne joue un rôle de « correcteur d’espace » (BERTRANT, LISTOWSKI, 1984, p.20.) en recentrant les éléments hétérogènes autour d’elle. Si elle constitue un repère visuel important, la colonne du 14 Juillet est peu mise en valeur et est inaccessible aux piétons. Depuis plus d’un an, elle est ornée de panneaux publicitaire qui vulgarise le monument en lui faisant perdre sa monumentalité 4. L’avocat de l’association « Résistance à l’Agression Publicitaire » (RAP) a d’ailleurs récemment déclaré, dans le cadre d’un recours pour profanation de sépulture contre cet affichage publicitaire, que « la Colonne de Juillet au même titre que la « tombe du Soldat inconnu » est un lieu sacré, en ce qu’elle accueille les morts de la Nation. L’affichage publicitaire a pour effet de le transformer en un haut lieu de la vénalité. La marchandisation de cet espace viole le respect dû aux morts. » (GALLON, 2017) 5.

La colonne est placée au point le plus haut du terrain qui est légèrement en relief. En effet, un dénivelé de deux mètre s’observe entre la colonne et le début du boulevard Richard Lenoir (voir figure 21 coupe BB’) offrant ainsi des points de vue différents à tout endroit du site. Aujourd’hui, la place constitue un grand nœud de circulation où l’usage de la voiture domine sur les circulations douces. Elle n’est pas aménagée pour les cyclistes et reste difficilement praticable pour les piétons. En effet, ces derniers doivent se contenter de circuler sur les trottoirs situés aux extrémités de la place qui sont souvent saturés. 4 J.D (2017) Paris : Pub de la Bastille, une plainte pour profanation de sépulture. Le Parisien (En ligne) http://www.leparisien.fr/paris-75/paris-pub-de-la-bastille-une-plainte-pour-profanation-de-sepulture-27-11-2017-7418526.php 5 Selon l’article 225-17 du Code pénal « la violation ou la profanation, par quelque moyen que ce soit, de tombeaux, de sépultures, d’urnes cinéraires ou de monuments édifiés à la mémoire des morts est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende ».

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Dès le XIXème siècle, la place est traversée par le percement du canal Saint-Martin. Elle ne possède actuellement aucune connexion directe avec ce canal, ni avec le bassin de l’Arsenal. Le projet de réaménagement prévoit de pallier à ce manque, en ouvrant la place au bassin de l’arsenal et en élargissant les quais. L’enveloppe consacrée au réaménagement de la place de la Bastille a été augmentée en raison de l’importance de la place dans la capitale et des contraintes techniques auxquelles le projet doit faire face.

Figure 19 - La colonne de Bastille, élément central de la place, BERTRAND, LISTOWSKI, 1984, p.21

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rythmerythme chaotique chaotique de l’histoire de l’histoire politique politique du XIXedu siècle XIXe–siècle qui fait – qui trèsfait souvent très souvent de la Bastille de la Bastille le cadrelede cadre ses actes de ses actes fondateurs fondateurs – chaque – chaque régime régime tente de tente lui donner, de lui donner, en son en honneur, son honneur, une forme une régulière. forme régulière. Mais laMais placelaéchappe place échappe toujourstoujours aux projets aux projets d’ensemble d’ensemble et se constitue et se constitue au gré de aul’évolution gré de l’évolution de la ville, de la deville, ses besoins de ses besoins économiques économiques et de et de ses ambitions ses ambitions monumentales. monumentales. Si d’un Si point d’unde point vue de urbain, vue urbain, sa forme sa n’évolue forme n’évolue plus depuis plus depuis la fin du la XIXe fin dusiècle, XIXe son siècle, aspect son aspect continue continue de de changerchanger au gré des au gré reconstructions des reconstructions des bâtiments des bâtiments qui la bordent. qui la bordent. Malgré Malgré ses évolutions, ses évolutions, la placelade place la Bastille de la Bastille a toujours a toujours été un lieu été un quelieu les que Parisiens les Parisiens s’approprient s’approprient naturellement naturellement – aussi –bien aussi pour bien manifester pour manifester leurs joies leurs que joies que leurs revendications. leurs revendications.

1652

1652

1854

1854

1697

1697

1889

1889

1652 1652 2010 Fig. 49 - Evolution Fig. 49 - Evolution du tissus du urbain tissusautour urbaindeautour la place dede la la place Bastille de laentre Bastille 1652 entre et 2010. 1652 et 2010.

2010

Figure 20 - Evolution du tissu urbain autour de la place de la Bastille entre 1652 et 2010, DHAAP - DACDHAAP - Mairie de Paris -DHAAP DAC - Mairie - DAC de - Mairie Paris de Paris

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25

25


Figure 21 - Liaison de la place avec le port et le canal. diagnostic paysager, Collectif Bastille, 2016

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Figure 22 - Liaison de la place avec le port et le canal. diagnostic paysager, Collectif Bastille, 2016

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II.2 PIÉTONNISATION : DIMINUER L’EMPRISE DE LA VOITURE SUR LES VILLES

Dès le milieu des années 70, plusieurs aménageurs mettent en garde les pouvoirs publics sur la multiplication des réseaux routiers qui participent à l’aseptisation des villes et des espaces publics. Prenant progressivement conscience des risques environnementaux et réalisant les bienfaits de la marche au quotidien, les municipalités s’engagent de plus en plus dans des stratégies de piétonnisation. Les configurations des rues sont alors modifiées afin de devenir plus adaptées aux piétons. Nous aborderons dans cette partie les différents enjeux et limites des processus de piétonnisation dans lesquels les places Lénine et Bastille sont engagées.

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II.2.a Favoriser la marche pour redynamiser les villes À Paris, plus de la moitié de l’espace public est consacré à l’usage de l’automobile. Or, les déplacements en voiture concernent seulement 13% des déplacements intra-muros tandis que les déplacements à pieds s’élèvent à 52% 1. Face à ce grand paradoxe, la ville de Paris s’engage dans un grand plan piéton afin de restituer l’espace public aux mobilités douces. Cette volonté est d’ailleurs partagée par la majorité des parisiens qui d’après un sondage de l’IFOP (2016), sont 67% à souhaiter la diminution du nombre de voitures circulant dans leurs villes 2. Lors de mon enquête de terrain, je me suis aperçue que les campinois étaient aussi majoritairement favorables à la piétonnisation de leurs espaces publics. En effet, sur les 25 personnes interrogées, seulement 4 ont répondu que la fermeture de la place Lénine aux voitures étaient une mauvaise initiative. Une politique de revalorisation des circulations douces se développe durant la mandature de Delanoë à Paris (2001 – 2014). En effet, le maire augmente l’instauration de « zone 30 » 3 et améliore plusieurs voies de tramway. Le réaménagement de la place de la République est un autre exemple de projet confirmant la volonté du maire de revaloriser la marche dans l’espace public. Dans le prolongement de toutes ces actions, Hidalgo, l’actuelle 1 EELV, (2017) Bientôt un « Plan Piéton » pour mieux circuler à Paris ! (En ligne) https://idf.eelv.fr/plan-pieton-pour-paris-2017/ 2 SONDAGE IFOP-JDD mené en avril 2016 consulté sur SONDAGE. Les Parisiens clivés sur le bilan d’Anne Hidalgo (En ligne) http://www.lejdd.fr/JDD-Paris/SONDAGE-Les-Parisiens-clives-sur-le-bilan-d-Anne-Hidalgo-779475

3 Article R.110-21 du code de la route : « zone 30 : section ou ensemble de sections de voies constituant une zone affectée à la circulation de tous les usagers. Dans cette zone, la vitesse des véhicules est limitée à 30km/h. Toutes les chaussées sont à double sens pour les cyclistes, sauf dispositions différentes prises par l’autorité investie du pouvoir de police. Les entrées et sorties de cette zone sont annoncées par une signalisation et l’ensemble de la zone est aménagé de façon cohérente avec la limitation de vitesse applicable. »

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peuvent : ‑ flâner et regarder les vitrines, ‑ s’arrêter à tout moment sans difficulté, ‑ enchaîner les visites chez plusieurs commerçants, ‑ se déplacer presque gratuitement.

maire de Paris, a multiplié les opérations visant à faire de Paris une ville « verte » qui respire : plan pour la qualité de l’air, plan vélo, vitesse limitée à 30km/heure, zones à trafic limité, schéma touristique, piétonnisation des berges de Seine, réaménagement de sept places parisiennes, végétalisation de l’espace public 4…

Des dépenses supérieures

modes de déplacem viendront plus nomb

Le saviez

L’espace de statio déplacement : 2 ‑ Voiture : 10 m le parking dégagemen ‑ Bus : 30 m2 sur vo pendant de brefs arrêts ‑ Vélo : 0,7 à 1 m soit 10 vélos pou une voiture ‑ et un piéton ne stationne pas !

Le saviez-vous ? nt plus fréquemment chez Piétons et cyclistes se rende Par semaine, ils dépensent les commerçants de quartier. les automobilistes même presque deux fois plus que moyennes sont inférieures. si, par visite, leurs dépenses

Dépenses par semaine selon les modes de déplacement Source : enquête FUB, 2003

Figure 23 - Dépenses par semaine selon les modes des déplacements, enquête du FUB, février 2011, source : publication ADEME n°7206

4 EELV, (2017) Bientôt un « Plan Piéton » pour mieux circuler à Paris ! (En ligne) https://idf.eelv.fr/plan-pieton-pour-paris-2017/

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Moins de voitu

Sur un espace donn de cyclistes ou d’ d’automobilistes.

Débits maximum d modes de déplacem (en personnes par h


Les stratégies de piétonnisation permettent, en outre, de stimuler l’activité commerciale des villes. En effet, les piétons et les cyclistes sont des clients intéressants pour les commerces. Contrairement aux automobilistes, ces derniers peuvent plus facilement flâner, regarder les vitrines et enchaîner les achats facilement. Lors des processus de piétonnisation, les rues se ferment aux voitures et des aménagements comme le développement des terrasses de cafés, rendent la promenade plus aisée et agréable entre les boutiques. En favorisant la promenade commerciale, ces opérations renforcent le lèche-vitrine et incitent les citoyens à la consommation (FLEURY, FROMENT-MEURICE, 2014, p.4.) 5.

Une étude de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) datant de 2003, révèle qu’avec une dépense en moyenne de 40,4 euros dans la semaine, les piétons sont de meilleurs clients que les automobilistes, dont la moyenne des dépenses est de 21,7 euros (figure 23). Lors de mon questionnaire, les deux-tiers des personnes interrogées étaient venues sur la place à pied, avec pour principaux motifs d’aller dans les commerces de proximité (figures 24 et 25). Ces observations confirment le fait que les piétons sont de bons clients pour les commerces du centre-ville. Toutefois, avant de s’enthousiasmer des bénéfices que peuvent leur apporter la piétonnisation des rues qui les bordent, les commerçants s’inquiètent avant tout de leurs chiffres d’affaires immédiats. « La ville a une temporalité en année tandis que les commerçants ont une temporalité en semaine. Aussi, ces derniers sont souvent opposés aux projets de piétonnisation au départ. » (PELLEGRINI, 2017)

5 FLEURY Antoine, FROMENT-MEURICE Muriel, (2014) op.cit.

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5

17

pied ààpied envoiture voiture en en transports en en transports en commun commun en vélo en vélo

3

Figure 24 - Schéma de répartition des modes de déplacements des usagers de la place Lénine (Champigny). Résultat en effectif sur échantillon de 25 personnes. Document personnel, 2018.

18

commerces

16 14 12 10

marché

8 6 4 2 travail

promenade

manège

Colonne AF

services

boîte à partage

médiathèque

0

retrouver des connaissances

commerces médiathèque Figure 25 - Diagramme indiquant les différentes activités des usagers de la place travail promenade retrouver connaissance Lénine (Champigny). Résultat en réponses apportées sur échantillon de 25 personnes. Document personnel, 2018.

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70


II.2.2 Les limites de la piétonnisation Les projets de piétonnisation ne sont toutefois pas toujours bien accueillis par grand nombre de citoyens qui les voient plus comme une contrainte qu’une amélioration de leur vie quotidienne.

En mars 2017, la mairie de Paris décide de pérenniser la piétonnisation de la voie sur berge rive droite, initiée par l’opération Paris Plage. Loin de faire l’unanimité auprès de la population, cette décision sucite de nombreuses critiques, tout particulièrement auprès des élus de droite et des maires de banlieue. Pour les opposants au projet, cette opération provoque des ralentissements monstrueux de la circulation qui nuisent à la qualité de l’air. De plus, la fermeture des voies aux voitures devrait logiquement s’accompagner d’une amélioration de la qualité des transports en commun, ce qui n’est pas le cas. Valérie Pécresse, présidente de la région, est rejointe par plus de 150 maires d’Île-de-France dans son combat contre la piétonnisation des voies sur berges de la rive droite. Les maires de petite et grande couronne regrettent de voir dans ce projet une indifférence vis-à-vis des habitants de banlieue. Le maire de la ville de Draveil (91) se dit dépassé par l’abondance des témoignages d’habitants, dénonçant une circulation saturée et un trajet jusqu’à Paris quasiment impossible 1.

À Champigny, plusieurs habitants s’opposent également au projet de piétonnisation, qui selon eux, complique le simple fait de se garer dans le centre-ville. Malgré le développement du projet transitoire et la présence de mobilier dans un coin de la place Lénine, cette dernière reste essentiellement vide. Mme Pellegrini m’a elle-même confiée que, pour le moment le projet n’est pas du 1 G.S, (2017), Piétonisation des voies sur berges : fin de la période d’expérimentation. Europe 1 (En ligne) http://www.europe1.fr/politique/pietonisation-des-voies-su r-berges-fin-de-la-periode-dexperimentation-3174893

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tout abouti et que la réactivation de la place est plutôt ratée.

Deux pétitions dont une ayant regroupé plus de 200 signatures sur le site change.org, ont été lancées par plusieurs commerçants et habitants afin de demander à la mairie de réautoriser le stationnement sur la partie Est de la place 2. La vendeuse du magasin Nicolas m’informe que beaucoup de ses clients se plaignent de ne pas trouver de places pour se garer, ce qui les fait parfois même renoncer à venir dans les commerces 3. Pourtant, la place Lénine a la capacité d’accueillir 200 voitures en stationnement et seulement 18 places de parking ont été supprimées en tout 4. En effet, la mairie a réorganisé le stationnement en ajoutant des emplacements à l’ouest de la place et sur les côtés de la partie Est. Lorsque je lui parle de l’étude prouvant que les piétons sont de meilleurs clients que les automobilistes, la commerçante me répond qu’en ce qui la concerne ce n’est pas vraiment le cas. Une grande partie de sa clientèle se déplace pour des grandes commandes et vient donc systématiquement en voiture. Elle reconnaît cependant que le fait d’avoir une place exclusivement occupée par des voitures n’est pas bénéfique pour les commerces. Lors de mon entretien avec Madame Pellegrini, je lui demande si la mairie projette de remettre du stationnement sur la partie Est de la place, avant l’arrivée de travaux de réaménagement plus conséquents. Cette dernière me répondit qu’il en était hors de question, car il est très dur d’instaurer de nouvelles habitudes chez les citoyens : « Même si la place est vide, il faut que les gens s’habituent à ne pas se garer dessus, afin de la considérer comme piétonne. Si on réautorise le stationnement cela va semer la confusion plus qu’autre chose. » (PELLEGRINI, 2017)

2 PARNY, Laure, (2017) Champigny : deux pétitions contre la suppression du stationnement place Lénine (En ligne) http://www.leparisien.fr/champigny-sur-marne-94500/champigny-deux-petitions-contre-la-suppression-du-stationnement-place-lenine-11-10-2017-7323921.php

3 Entretien réalisé avec la commerçante du magasin Nicolas, située sur place Lénine, le 12/01/2018 ( « commerçante 1» présenté en annexe 4) 4 Informations recueillies lors de l’entretien réalisé avec Nathalie Pellegrini

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L’opération de fermeture aux voitures de la place Lénine ne se révèle pour le moment profitable ni pour les commerçants, ni pour les habitants. Par conséquent, nous pouvons nous questionner sur son intérêt véritable.

« Si on veut faire une place piétonne et enlever le parking allons-y franchement. Mettons un terrain de pétanque, de la pelouse, des bancs. Mais quatre pauvres bouts de bois dans un coin, ça n’est pas très utile et ne vaut pas le coup d’enlever des stationnements. » 5 (ANONYME, 2017)

Pour le moment, le projet sert surtout à instaurer de nouvelles habitudes chez les citoyens. Ainsi, le fait de piétonniser une place publique ne suffit pas à la réactiver. La piétonnisation constitue une première étape dans le processus de reconquête des places mais dois s’accompagner d’une étude préalable sur les usages et les attentes des citoyens pour pouvoir être fonctionnelle.

5 Propos tenu par un habitant interrogé lors de l’enquête de terrain sur la place Lénine (Champigny), le 21/11/17

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I.3 NOUVELLES FABRIQUES DE L’ESPACE : LA PARTICIPATION CITOYENNE AU SERVICE D’UN ESPACE PUBLIC APAISÉ

Face à l’homogénéisation des politiques urbaines fonctionnalistes, plusieurs voix militent dès les années 60 et 70 pour un urbanisme alternatif plus à l’écoute des citoyens. Des organisations prônant une approche plus sensible de la ville voient alors le jour. Parmi elles, figure l’organisation « Project for Public Spaces » (PPS) fondée en 1975 par l’urbaniste Fred Kent, élève de William Whyte.

Un nouveau mode d’aménagement appelé « place making », qui se traduit en français comme « fabrique de l’espace », est alors développé. L’approche consiste en partie à rejoindre une communauté et à procéder à de fines observations afin d’identifier ses besoins. L’objectif est d’investir les citoyens dans l’aménagement des espaces publics de leur conception juqu’à leur gestion (DOUAY, PRÉVOT, 2016). Fondé par le collectif Rebar en 2005 à San Francisco, l’urbanisme tactique est un concept qui fut théorisé par l’urbaniste Mike Lydon. L’idée principale est d’intervenir sur le court terme, sur de petites opérations, avec un budget très restreint. L’urbanisme tactique s’inscrit en rupture avec les politiques urbaines conventionnelles. Il a l’avantage de mobiliser un budget réduit et permet une construction plus douce de la ville et plus à l’écoute des usagers.

De nombreuses interventions citoyennes se multiplient depuis plusieurs décennies dans les espaces publics du monde entier (guérilla gardening, park(ing) day, pop up city...). Ces initiatives reflètent le regain d’intérêt des habitants pour l’aménagement de leurs villes et encouragent les municipalités à 74


rompre avec les modèles de planification traditionnels. De nouvelles méthodes d’aménagement sont alors mises en place permettant la conception d’espaces plus appropriables par la population.

En explicitant la notion de tactique, De Certeau nous démontre en quoi il est important de respecter le caractère imprévisible de nos villes en intervenant sur du temps court et de manière ponctuelle : « Les tactiques sont des procédures qui valent par la pertinence qu’elles donnent au temps – aux circonstances que l’instant précis d’une intervention transforme en situation favorable, à la rapidité de mouvements qui changent l’organisation de l’espace, aux relations entre moments successifs d’un “coup”, aux croisements possibles de durées et de rythmes hétérogènes. » (DE CERTEAU, 1990, p 61).

Dans cette partie, nous verrons en quoi le projet de réaménagement des sept places parisiennes ainsi que le réaménagement de la place Lénine reposent sur ces nouveaux modes d’aménagement de la ville.

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I.3.a Désignation de nouveaux acteurs : les collectifs Au cours de mon étude, j’ai réalisé à quel point les collectifs constituaient des acteurs majeurs dans l’aménagement urbain. Faisant souvent le lien entre les élus, les techniciens des mairies et les habitants, ces derniers sont des éléments moteurs incontournables à qui les municipalités font de plus en plus appel.

La forme de « collectif » semble de plus en plus séduire les personnes voulant se regrouper autour d’un intérêt commun. Contrairement à l’association, le collectif n’est pas déclaré en préfecture et s’organise de manière plus informelle. Sa création ne nécessite aucune démarche administrative. Il suffit de réunir au moins deux personnes qui ont la volonté d’œuvrer ensemble dans un but précis. Chloé Blanchard, membre de « Champigny en Transition », m’explique à ce sujet : « L’avantage par rapport à l’association, c’est que tu n’es pas obligé d’avoir l’accord de tout le monde pour mener ton projet. Chacun est libre de faire ce qu’il veut et de rejoindre le projet qui lui plaît. Le fonctionnement est plus libre qu’en association. » (Chloé, membre de « Champigny en Transition », 2018)

À Champigny, le projet de réaménagement de la place Lénine a été prévu en deux temps : un projet définitif en 2020 et une première étape d’expérimentation en cours, qui a débuté en février 2017. Afin d’initier ce premier projet transitoire, la ville organisa des ateliers de conception, invitant les citoyens à proposer leurs idées pour aménager la place. Ces ateliers furent encadrés par une équipe de sérigraphistes et deux agences de paysagistes, une spécialisée dans l’aménagement (Paule Green) et l’autre, dans la co-conception et le travail avec le public (Bloc Paysage). Le projet est actuellement 76


entre les mains de l’agence « Troisième paysage » qui étudie encore actuellement le terrain afin de proposer prochainement une esquisse du projet définitif. VILLE DE CHAMPIGNY-SUR-MARNE Direction des infrastructures, des transports et de l’espace public. Didier Ménage (directeur du service) Nathalie Pellegrini (ingénieur en charge du dossier)

AGENCE PAULE GREEN paysagiste en charge du projet transitoire Thomas Droz LES DÉMONS sérigraphes Elie, Shuana et Simon,

BLOC PAYSAGE paysagistes spécialisés dans la co-conception Louise, Vincent. maitrise d’oeuvre 1

(février et mars 2017)

COLLECTIF « CHAMPIGNY EN TRANSITION » Groupe « boîte à bartage » Chloé, Alexandre, Mathilde

Groupe « incroyable comestible » Groupe « place lénine »

AGENCE TROISIÈME PAYSAGE paysagistes en charge du projet permanent. (en cours d’étude) maitrise d’oeuvre 2

citoyens HABITANTS USAGERS

Liaison forte

Acteurs pivots et actifs dans le projet, à toutes les phases.

Figure 26 - Schémas des acteurs intervenant dans le projet de réaménagement de la place Lénine. Document personnel, 2018.

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Le collectif « Champigny en Transition » s’est investi de manière spontanée dans le réaménagement de la place Lénine en participant aux ateliers ouverts au public, organisés par la ville. Le collectif est né en 2015, par le regroupement de plusieurs associations oeuvrant dans des démarches éthiques et écoresponsables, (l’AMAP « Les Paniers des Bordes », l’épicerie autogéré « Coopali », et « Alternarche le kiosque »).

L’un de ses objectifs est de faire connaître le mouvement « Villes et Territoires en Transition » à Champigny. Fondé en Angleterre en 2006, dans la petite ville de Totnes, le mouvement veut promouvoir une société résiliente et solidaire en encourageant les initiatives citoyennes allant dans ce sens. « Champigny en Transition » rassemble un groupe de personnes, motivées par la volonté d’améliorer leur ville au quotidien. Les membres du collectif les plus investis participent régulièrement aux conseils de quartier et aux réunions publiques de leurs ville. Ils n’hésitent pas non plus à œuvrer de manière bénévole dans des projets visant à développer une ville éthique et solidaire. « Nous nous inscrivons en complémentarité des acteurs politiques. Le principe de nos actions citoyennes est de ne pas attendre que le changement vienne d’en haut, cela ne veut pas dire que nous rejetons les élus. » (Mikhal, membre de « Champigny en Transition », 2017) 1

Le collectif se compose en différents groupes de projets qui s’organisent chacun de manière autonome. Les groupes « boîte à partage », « incroyable comestible » et « place Lénine » réunissent les membres du collectif qui se sont investis dans le projet de préfiguration de la place du centre-ville de Champigny. Ces derniers s’occupent de gérer les différents aménagements comme les bacs de plantation et la boîte à partage qui siègent sur la place. 1 DUBOIS, C., (2017) « Champigny en Transition »: quand les initiatives citoyennes se fédèrent (En ligne) https://94.citoyens.com/2016/champigny-en-transition-quand-les-initiatives-citoyennes-se-federent,09-10-2016.html

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Ce sont eux qui ont pris l’initiative de rajouter une protection en plastique dans le fond de la boîte afin de la protéger de la pluie. Ils veillent également à encourager les appropriations de ces dispositifs par les campinois et organisent un « apéro transition », sur la place tous le deuxième vendredi de chaque mois. Afin d’en savoir plus sur les motivations et les actions du collectif, je me suis rendu à leur rencontre lors d’un de ces « apéro transition », le vendredi 8 décembre 2017. En raison du froid, l’événement n’a pas été l’objet d’une grande mobilisation et ne réunissait que cinq participants, dont Chloé, Mathilde, et Alexandre, membres du groupe « boîte à partage ». Selon ces derniers, depuis octobre, la météo n’encourage pas les gens à venir, mais en été, les événements ont plus de succès , et peuvent réunir une quarantaine de personnes. Ce type d’animation ne peut que pouvoir activer la fonction de sphère publique de la place Lénine. Aussi, il sera intéressant de voir comment évolue ce type de mobilisation au cours du temps.

Dans le projet des sept places, la mairie de Paris a fait le choix politique de ne pas engager de concours et donc de ne pas avoir des projets signés par un architecte particulier. À la place, quatre collectifs, composés de personnes aux multiples compétences (paysagistes, architectes, designer...) ont été désignés par la mairie, afin de développer la conception des projets. Ce choix a permis d’engager des spécialistes pour un moindre coup, tout en favorisant une participation citoyenne en encourageant les habitants à prendre part à des workshops, des chantiers participatifs et à d’autres ateliers organisés par les collectifs. Deux maîtrises d’œuvre sont impliquées dans les projets. Les collectifs constituent la première, et se concentrent sur la phase transitoire du projet. La deuxième est assurée par un bureau d’étude qui va développer le projet permanent. Dans le cas de la place de la Bastille, la première maîtrise d’oeuvre est assurée par le collectif Bastille, collectif pluridisciplinaire regroupant architectes, paysagistes, constructeurs, scénographes... (figure 27). Ces derniers s’occupent surtout de l’aspect participatif du projet. 79


Le bureau d’études engagé en deuxième maîtrise d’oeuvre est l’agence d’architectes « Althabegoīty et Bayl ».

Lors de mon enquête de terrain, j’ai constaté que les habitants ignorent souvent l’existence des projets de réaménagement prévus dans leur ville. Parmi les 25 personnes interrogées sur la place Lénine, seulement 5 d’entre elles étaient au courant du projet de réaménagement du centre-ville et 3 m’ont affirmé avoir participé aux ateliers participatifs engagés par la ville. Or, les projets de piétonnisation engagent de grands changements dans le quotidien des habitants, et il est important de bien les en informer. Il est regrettable de voir à quel point les projets ne sont pas bien communiqués aux populations. Lors de ma rencontre avec le collectif « Champigny en Transition », Alexandre me demanda si j’étais au courant de la date du prochain conseil de quartier car il avait du mal à trouver l’information et regrettait que la ville soit aussi négligente dans sa communication : « Une fois, la date indiquée dans le journal de la ville n’était pas la bonne. » (Alexandre, membre de « Champigny en Transition », 2018)

Ce problème de médiation ne favorise pas le mélange et la confrontation des idées que peut engendrer un brassage plus conséquent des participants. Pour le moment, les personnes les plus impliquées dans ces projets restent des résidents, des retraités et des membres d’association. Il n’est pas évident d’intéresser des usagers qui n’habitent pas les espaces concernés par les projets de transformation.

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co-traitants Julien Beller architecte mandataire

sous-traitants

Atelier cap paysage urbanisme paysagiste

Groupe Alto ingénieurie architecture

Harappa approche socioethno-urbaine de l’habitat

ABCD agence d’ingénierie culturelle historique

Michaël Silly sociologue

BMF ingénieur conseil économie du bâtiment

Halage association d’insertion

Frédéric Keiff architecte/plasticien

Surface Totale graphisme

Liliana Motta artiste

Figure 27 - Schéma représentant l’organisation du collectif Bastille, Document personnel, 2018.

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Figure 28 - Photo du chantier de co-construction de la partie Est de la place Lénine, Avril 2017, D.Rullier, source : http://www.champigny94.fr

Figure 29 - Installation de la boîte à partage, Avril 2017, D.Rullier, source : http://www.champigny94.fr

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I.3.b La co-construction : une piste d’action favorisant la réappropriation des lieux Les années 2000 voient plusieurs changements s’opérer au sein des modes de production urbains, notamment en ce qui concerne la conception des espaces publics. L’une des grandes innovations opérée à ce sujet est la systématisation de la concertation avec les habitants et les associations locales lors des conseils de quartiers 1. Allant plus loin dans le dialogue avec les habitants, les municipalités proposent de plus en plus de projets impliquant une participation citoyenne.

Dans le cas des projets des places Lénine (Champigny) et Bastille (Paris), des ateliers de conception sont organisés afin de recueillir les idées des habitants. Ces derniers sont ensuite conviés à participer à des chantiers permettant la réalisation d’un premier projet éphémère. Dans les deux terrains observés, le mobilier provisoire mis en place a été construit lors de chantiers participatifs mêlant habitants et spécialistes de l’aménagement. « C’est tout bénef’ pour la mairie. Un archi encadre un peu et donne des conseils techniques. Mais ce sont les habitants qui développent les idées. » (Chloé, membre de « Champigny en Transition », 2017)

L’entretien du mobilier est à la charge des citoyens. La mairie demande aux habitants d’être responsable et de s’occuper de ces installations. Elle laissera les aménagements si ces derniers sont correctement entretenus et les retirera le cas échéant. Au cours 1 FLEURY, Antoine, WUEST, Louise, (2016) Vers de nouveaux modes de production des espaces publics à Paris ? (En ligne) http://www.metropolitiques.eu/Versde-nouveaux-modes-de.html

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du chantier participatif ayant eu lieu du 26 au 29 Avril 2017, les habitants de Champigny ont orné le sol de la place de différents motifs colorés et construit du mobilier en bois comme des bancs, des bacs de plantation, un kiosque et une boîte à partage. Le paysagiste Thomas Droz, chargé d’encadrer les ateliers me confie que cela a été une « chouette expérience » et que « les gens avaient tous eu une très bonne énergie ». L’un des objectifs ressortis des premiers travaux de conception était de redonner une unité visuelle à la place en favoriser sa réappropriation. Pour cela, les services techniques de la ville ont réorganisés les marquages des stationnements et des motifs colorés marquant des cheminements tapissent le sol bitumé de la place.

Parmi les nouveaux aménagements installés sur la partie Est de la place Lénine, la boîte à partage fait presque l’unanimité auprès

Figure 30 - Nouveaux aménagements de la place lénine, photo personnelle, Décembre 2017

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des personnes interrogées. C’est le dispositif le plus utilisé et le plus apprécié de la place. Sur les 25 personnes interrogées, quatre d’entre elles n’ont pas voulu répondre à la question sur l’évaluation des différents aménagements présents sur la place. Ces dernières estimaient ne pas les connaître assez pour les évaluer correctement. Les graphiques ci-dessous présentent la répartition des avis de 21 personnes (figure 31).

1

6

pas satisfaisant moyen bien

14

5

8

Marquage au sol

pas satisfaisant moyen bien

6

3

pas satisfaisant moyen bien

12

Bacs de plantation

Bancs 8

4

5

3

12

Kiosque

18

Boîte à partage pas satisfaisant moyen bien

pas satisfaisant moyen ( note < à 3 sur 6 ) pas satisfaisant bien moyen pas satisfaisant bien ( note = à 3 sur 6 ) moyen bien ( note > à 3 sur 6 )

Figure 31 - Schémas de répartition des avis concernant les nouveaux dispositifs aménagés sur la place Lénine (Champigny). Résultat en effectif sur échantillon de 21 personnes. Document personnel, 2018.

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pas satisfaisant moyen bien


Né en 2011, dans les rues de Berlin, le concept de boîte à partage, appelée aussi « givebox », s’est propagé partout dans le monde : au Canada, en Espagne et jusqu’en France. L’idée consiste à installer une armoire dans l’espace public, dans laquelle toute personne peut déposer des affaires et prendre ce qui lui plaît. L’objectif est de lutter contre le gaspillage en favorisant le partage et l’échange entre les habitants d’une même ville. Aux côtés de Cécile Nzouango, présidente de Maboko Oko (Tous unis), association humanitaire dédiée à la Centrafrique, et Stcyr Mongombe, Chloé Blanchard est à l’origine de l’installation de la « givebox » sur la place Lénine. Avant d’installer la boîte à dons à Champigny, les membres du collectif « Champigny en Transition » ont veillé à sensibiliser les habitants du quartier à la démarche en les rencontrant sur la place à l’occasion du marché. Il est important de bien réfléchir avant de se lancer dans ce genre d’initiative et de prévenir les habitants en amont. En effet, l’idée peut parfois être mal accueillie. Non loin de Champigny, à Joinville, une boite à dons installée par une habitante fut brûlée 2. La boîte à partage crée des interactions entre des personnes très différentes. « Un soir j’ai vu un sans abris s’habiller complètement en utilisant les vêtement de la boîte. » (Chloé, membre de « Champigny en Transition », 2018)

Lors de mes observations j’ai été surprise de voir à quel point les objets déposés dans la boîte n’y restaient jamais longtemps et qu’à l’inverse, elle pouvait rapidement se remplir (figure 32). « Je mets souvent des objets dans la boîte à partage, quand je viens voir Chloé à Champigny. La dernière fois, j’ai mis un petit bibelot en forme de chat. Mon copain m’a dit que personne ne le prendrait. Mais en deux jour il est parti. » m’expliqua Mathilde, une amie de Chloé, habitant à Gentilly mais faisant partie du collectif « Champigny en Transition ». 2 DELPORTE, Fanny, (2017) Joinville : la « boîte à dons » est partie en fumée. Le parisien (En ligne) http://www.leparisien.fr/joinville-le-pont-94340/joinvillela-boite-a-dons-est-partie-en-fumee-08-08-2017-7181982.php

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Figure 32 - Cycle d’échange. Photos de la boîte à partage, prises avec 1h d’intervalle.photo personnelle, Décembre 2017 Décembre 2017

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Si la boîte à dons semble séduire grand nombre de campinois, certaines personnes sont plus critiques à son égard. Ma voisine Marie-Noël me confie qu’elle trouve l’initiative « géniale » mais regrette son aspect « bricolé » et le fait que la boîte soit ouverte sur la rue et non sur la place. La vendeuse du magasin Nicolas apprécie également l’initiative mais ne voit pas où est le partage. De sa boutique, elle constate que les gens se servent beaucoup sans donner en retour. Elle regrette également le manque d’entretien de la boîte et le fait que l’initiative ne soit pas un minimum encadrée.

« Les vêtement tombent par terre et sont remis dans la boîte ensuite. une fois j’ai vu le gérant du manège essuyer son kiosque avec un pull de la boîte. » ( Commerçante 1 )

Figure 33 - Boîte à partage presque vide. photo personnelle, Décembre 2017

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Figure 34 - Intéractions autour de la boîte à partage. photo personnelle, Décembre 2017

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À Paris, le collectif Bastille a mis en place un système de modules en bois qui peuvent être facilement déplaçables. Une rampe du même matériau complète ces aménagements et est utilisée par des amateurs de skate et de bmx. Ce mobilier a été construit par le collectif avec l’aide d’une cinquantaine de volontaires des « Compagnons Bâtisseurs » ainsi que des citoyens bénévoles voulant participer au projet.

Lors de mes observations sur place, j’ai surtout vu des personnes les utiliser pour s’asseoir, manger ou poser des affaires. En consultant le site web et la page facebook du collectif, j’ai pu voir que les modules étaient bien plus utilisés que lors de mes observations. En effet, le lancement du projet et les photos du collectif datent de l’été dernier et il n’est pas surprenant de constater que les usages observés à cette période sont différents de ceux que j’ai pu voir lors de mon étude de terrain réalisée cet hiver. Il est intéressant de voir les gens déplacer les modules, les regrouper, et les utiliser pour des fonctions différentes (figures 35, 36). Toutefois, l’aménagement n’est pas très abouti dans son ensemble, et peut paraître un peu léger. Lors de mes observations, j’ai constaté que les modules en bois étaient bien moins utilisés comme assises que les grandes marches de la Bastille qui ont le mérite d’offrir un beau point de vue sur la place (figure 39, 40).

L’objectif du projet est de tester les usages afin de conclure sur une intervention plus à l’écoute des habitants. Pourtant, que se soit à Paris ou à Champigny, ces projets sont grandement critiqués par bon nombre de personnes qui regrette leurs aspects « bricolés ». En effet, les aménagements issus de la phase de préfiguration des places manquent d’aboutissement et ne présentent pas toujours de réel intérêt pour les usagers de ces espaces. Aussi, nous pouvons nous questionner sur l’intérêt réel de ces projets et nous demander si ces procédés, qui donnent la parole aux citoyens à un temps donné, sans les investir davantage dans la concrétisation du projet permanent, ne sont pas superficiels. 90


Figure 35 - Modules utilisés pour des activitées sportives, Collectif Bastille, Juin 2017

Figure 36 - Modules utilisés pour des usages différents, Collectif Bastille, Juin 2017

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Figure 37 - Mobilier déserté. photo personnelle, Novembre 2017

Figure 38 - Place occupée par des skaters. photo personnelle, Novembre 2017

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Figure 39 - Mobilier utilisé pour s’asseoir. photo personnelle, Janvier

Figure 40 - Les marches de l’opéra rencontrent plus de succès que les modules en bois. photo personnelle, Janvier 2018

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I.4 LA DIFFICILE RENAISSANCE DE L’AGORA : IDÉAL DE PARTAGE CONFRONTÉ À UNE SOCIÉTÉ FRACTURÉE ET POLICÉE

Le projet de reconquête est mis en place au moment où notre

monde s’inscrit dans une ère d’« hypermodernité » qui, dans le prolongement des concepts de modernité et de postmodernité, fait émerger une société « encore plus moderne, c’est-à-dire plus individualisée, plus rationalisée, plus différenciée, et plus capitaliste aussi » (ASCHER, 2000, p. 11.). Cette hypermodernité se caractérise notamment par le développement des technologies améliorant des moyens de transport et de stockage des biens, des personnes, et des informations. Le préfixe « hyper » permet d’insister sur la notion d’exagération qualifiant cette nouvelle ère. Notre société s’organisant autour d’un individualisme et d’un consumérisme poussés à leurs extrêmes, la reconquête des espaces publics est un procédé pouvant être difficile à mettre en place. Nous verrons dans cette partie en quoi certaines caractéristiques du monde moderne rendent difficile la renaissance de nos places publiques comme Agora.

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I.4.a Usages : hiérarchisation et conflit d’intérêt

À la question « Pensez-vous que la place doit-être ouverte à tous ? » 1 toutes les personnes interrogées ont répondu oui. Pourtant à la question suivante, « Y a-t-il des usages à exclure pour le bien de tous ? », toutes n’étaient plus aussi certaines de cette affirmation (8 sur 25 personnes), révélant que certains usages devaient être encadrés, voire exclus de l’espace public. Comme usages indésirables, les personnes évoquaient le squat de jeunes se livrant au deal (activité très présente à Champigny, notamment dans la rue de l’église près de la place). La vendeuse du magasin Nicolas, me confia que selon elle, le mobilier « permet des usages qui ne sont pas forcément acceptables, et qui ne donnent pas envie de s’arrêter sur la place. » Lorsque je lui demandai de m’en dire plus sur ces usages, cette dernière me répondit qu’elle regrettait que la place attire beaucoup de personnes marginales, comme des « alcooliques qui restent squatter longtemps sur les bancs » ou des personnes sansabris qui viennent se vêtirent devant la boîte à partage.

En dehors des populations « marginales » qui sont parfois présentes sur la place, des riverains se plaignent des nuisances occasionnées par le kiosque à crêpes, qui met le volume de sa musique souvent trop fort (figure 42 ). Le Vendredi 12 Janvier 2018 au soir, j’ai observé une scène de conflit entre les gérants du foodtruck «King’ créol» et deux passantes d’un certain âge. Lors de leur traversée, ces dernières débranchèrent la camionnette en criant que le câble pend dangereusement au milieu de la place et que cela constitue un danger pour les piétons (figure 41). Les conseils de quartiers investis dans le projet de réaménagement

1 Question figurant dans le questionnaire présenté en annexe 1

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de la Bastille reprochent aux architectes d’être déconnectés de la réalité et de ne pas prendre en compte les potentielles nuisances qui peuvent accompagner le projet de piétonnisation de la place. Ces derniers redoutent particulièrement les pique-niques, la venue des rats, les nuisances sonores... 2 Pourtant, le fait d’habiter dans la capitale et dans un quartier comme celui de Bastille implique nécessairement de se préparer à une agitation urbaine particulière, et d’accepter des nuisances sonores. « Si tu ne veux pas de bruit, pourquoi habiter à Paris ! » (CHOBLET, 2018) Les architectes ne se disent pas surpris des réticences exprimées par les riverains. S’ils les prennent parfois en compte, cela ne peut être toujours le cas, car cela empêcherait le développement d’un projet ouvert à tous, et non destiné exclusivement à satisfaire les attentes des riverains. Que ce soit à Champigny ou à Bastille, les riverains habitants près des places sont souvent critiques à l’instauration de mobilier et d’activités attirant du monde sur l’espace public. En effet, ces derniers redoutent que leur tranquillité soit menacées par la réactivation de ces espaces.

À travers ces conflits d’intérêt, nous constatons qu’une distinction doit être établie entre habitant, usager et citoyen. Les habitants sont ceux qui ont tendance à s’approprier le plus l’espace urbain, tandis que les usagers se définissent chaque fois différemment, en fonction de leurs utilisations de l’espace et de la variété des prestations qui leurs sont offertes (commerces, services, transports). Enfin, les citoyens sont plus investis dans la gestion de ces lieux et plus globalement dans la dynamique urbaine de leurs villes (BASSANS, COMPAGNON, JOYE, STEIN, 2001, p. 17). Bien que différents, ces acteurs sont interdépendants et participent grandement à la production de l’espace urbain. Donnant lieu à divers types d’appropriations, la cohabitation de l’ensemble de ces acteurs peut s’avérer vectrice de conflits (GASNIER, 2013, p.3). Ces 2 Plaintes des habitants relevées lors de la réunion publique sur le projet de Bastille, le 18/12/2017, à la mairie du 11ème arrondissement.

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derniers constituent une dynamique sociale essentielle à la qualité et à l’animation des espaces publics permettant l’instauration d’une tension nécessaire à la création du débat public.

À Paris et à Champigny, les aménageurs engagés dans les projets de réaménagement des places (CHOBLET, PELLEGRINI) m’ont affirmé qu’aucun de ces aménagements n’a été prévu dans les projets de réaménagement des places. L’objectif est d’ouvrir ces espaces à tout le monde. « Je suis pour que l’espace public soit un grand Playground. » (CHOBLET, 2018) Si l’une des priorités de la politique menée dans ces projets est de « favoriser de nouveaux usages », nous pouvons nous interroger sur ces usages en question. Les projets semblent renvoyer « à une ville toujours plus ludique et tournée vers la consommation » ,(FLEURY, WUEST, 2016) en mettant l’accent sur des activités spécifiques, liées souvent à des dimensions commerciales. En effet, les projet s’accompagnent presque systématiquement de la mise en place de nouveaux commerces, kiosques et cafés, comme en témoigne le développement des foodtrucks aussi bien à Paris et à Champigny. En favorisant la mise en place de ces activités commerciales, les politiques publiques semblent ainsi privilégier certains usagers, tout en excluant davantage les personnes qui n’ont pas les moyens d’accéder à ces types de services.

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Figure 41 : Conflit d’usage. Le food-truck « King Creole’s food » laisse sont câble de branchement électrique pendre au milieu de la place, rendant la traversée piétonne compliquée, photo personelle, le Vendredi 12 Janvier 2018.

Figure 42 : Le kiosque à crêpe, objet de plaintes de certains riverains, Agence Paule Green, 2017. source : http://www.paulegreen.fr

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I.4.b Dispositifs de dissuasion et de contrôle en contradiction avec le concept de l’Agora Comme le constate Muriel Froment-Meurice et Antoine Fleury dans leurs travaux 1, l’espace public peut s’apparenter à un théâtre où des activités jugées « légitimes » telles que consommer, s’amuser et se cultiver seraient favorisées, tandis que des usages jugés « indésirables » comme habiter et travailler seraient encadrés. En effet, plusieurs dispositifs mis en place par la ville dicteraient une certaine façon de se comporter au sein de ces espaces publics. Si le réaménagement des espaces publics se traduit comme une amélioration de l’espace pour certains, il peut aussi impliquer une dégradation des conditions de vie et de travail pour d’autres (sdfs, artistes de rue...). Les villes réfléchissent à deux fois avant de décider de poser du mobilier urbain susceptible d’accueillir des types d’appropriations peu désirés.

Selon la définition d’Agamben peut être qualifié de dispositif tout objet ayant « la capacité de capturer, d’orienter, de déterminer, d’intercepter, de modeler, de contrôler et d’assurer les gestes, les conduites, les opinions et les discours des êtres vivants. » (2009, p29) Dans cette sous-partie, nous verrons que les pouvoirs publics mettent en place différentes techniques (mobilier anti-sdf, vidéosurveillance) afin d’empêcher certaines formes d’appropriation des espaces publics. Inondant notre vie quotidienne et influant sur nos comportements, ces dispositifs empêchent toute dialectique au sein des espaces publics, et reflètent le versant unidimensionnel de notre société. En plus d’installer des dispositifs de contrôle pour assurer la sécurité des habitants, des dispositifs mettent clairement à l’écart 1 FLEURY Antoine, FROMENT-MEURICE Muriel, (2014) Embellir et dissuader : les politiques d’espaces publics à Paris. 2014. 12 p.

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une partie de la population, particulièrement les sans domicile fixe. Alors qu’en réaménageant 7 grandes places, la mairie de Paris initie un projet visant à améliorer l’appropriation des citoyens sur les espaces publics, il est étonnant de voir se multiplier dans la capitale des dispositifs empêchant certaines formes d’appropriations. L’APUR elle-même signale dans un de ses documents que la « présence d’assises est susceptible d’engendrer des conflits d’usage, que l’on peut limiter en jouant sur leurs formes et sur le matériau dont elles sont composées. » (APUR, 2015, p.26) 2. En décembre dernier, une campagne lancée par la Fondation Abbé Pierre dénonçait la prolifération des dispositifs anti-sdf au sein des espaces publics. Des pics ou des bacs à fleurs ornent les pieds d’immeubles, montrant clairement à certains usagers qu’ils ne peuvent s’approprier l’espace comme ils le veulent. Les bancs sont souvent remplacés par des chaises, empêchant la position allongée. « On a vraiment une palette d’innovations qui fait froid dans le dos » s’indigne Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre 3. Les participants placardent alors des affiches sur les bancs ou autres mobiliers concernés avec le slogan : « Au lieu d’empêcher les SDF de dormir ici, offrons-leur un logement décent ailleurs. ». La campagne invite aussi toute personne croisant ces dispositifs à les prendre en photo pour les poster ensuite sur les réseaux sociaux, avec le hashtag « Soyons humains » (figure 43). L’objectif est de dénoncer l’hypocrisie des pouvoirs publics et leurs incapacité à agir face au problème des sans-logis : « Je rappelle que le nombre de sansdomicile fixe a augmenté de 50% en dix ans. Face à cet échec collectif, notre réponse, c’est de déplacer, d’invisibiliser ou de criminaliser » affirme le responsable de l’association. 2 APUR, (2015) Boîte à outil, document diffusé lors du séminaire sur la présentation du projet des 7 places, à l’école des ingénieurs de la ville de Paris, le 19/11/2015 (En ligne) https://www.apur.org/sites/default/files/documents/BAO_ seminaire_places_29mai2015.pdf

3 MARGUIER, Edouard, (2017) Dispositifs anti-SDF à Paris : «Depuis deux ans, c’est comme les champignons. Un peu de pluie et ça pousse partout» (En ligne) https://www.francetvinfo.fr/societe/sdf/dispositifs-anti-sdf-a-paris-depuis-deux-anscest-comme-les-champignons-un-peu-de-pluie-et-ca-pousse-partout_2535589.html

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Figure 43 : ÂŤ Des pics pour faire fuir #soyonshumains Âť, Paris, Laure Maisonneuve, 2017, source : demotivateur.fr

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Au cours de mon étude de terrain j’ai constaté à quel point les enjeux sécuritaires étaient différents à Paris et à Champigny, la capitale étant dotée d’une forte présence policière. Sur mes cinq visites effectuées place Lénine, je n’ai aperçu qu’une seule fois le passage d’un camion de CRS, tandis qu’à la place de la Bastille, la police était présente lors de mes trois visites. Suite à ce constat, je me suis intéressée aux différents moyens mis en place par les municipalités visant à garantir la sécurité des citoyens. Depuis 2 ans, la ville de Champigny dispose de 4 caméras de surveillance concentrées dans son centre-ville, afin d’assurer la sécurité de ses 76 000 habitants. Ce chiffre est bien moins élevé

que celui de sa commune voisine, St Maur, qui, pour un nombre d’habitants équivoque, dépense beaucoup plus dans ce domaine avec un total de 112 caméras de surveillance 4 (figure 44). Beaucoup de campinois habitant le centre, sont favorables à l’installation de ces dispositifs qui, pour eux, est un bon moyen de lutter contre les nuisances sonores et les trafics de drogues présents en bas de chez eux. Toutefois, l’adjoint au maire chargé de la prévention et du droit à la tranquillité publique, Philippe Sudre (PCF) émet quelques réserves sur le développement de ces outils : « Pour l’instant, nous nous limitons à ces quatre caméras, ça reste une réponse très ponctuelle, qui rassure les habitants mais ne règle pas tout. On préfère se battre pour que la police nationale ait les moyens de bien travailler que mettre des caméras partout. » (SUDRE, 2016) 5.

La carte de la figure 44 montre en partie que les villes les plus réfractaires à ces procédés sont gouvernées par des politiques de gauche (Champigny, maire communiste, 4 caméras pour 76000 habitants ; Créteil maire socialiste, 12 caméras pour 80000 habitants) tandis que les villes de tradition de droite comme 4 PARNY, Laure, (2016) Propos recueilli dans l’article du Parisien. Champigny installe ses premières caméras en centre-ville. Le Parisien (En ligne) http://www.

leparisien.fr/champigny-sur-marne-94500/champigny-installe-ses-premieres-cameras-encentre-ville-30-06-2016-5929289.php

5 Propos recueillis dans l’article du Parisien cité ci-dessus.

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Figure 44: Répartition des dispositifs de surveillance dans le département du Val de Marne (94), LP/Infographie, 2017, source : leparisien.fr

Figure 45 : Répartition par arrondissement des caméras de surveillance, Paris, LP/Infographie, 2015, source : leparisien.fr

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Saint-Maur, mettent bien plus l’accent dessus. Ainsi, en fonction de leurs bords politiques, les élus accueillent de manières différentes la venue de ces dispositifs. Si, pour beaucoup d’élus de droite il s’agit d’une grande avancée en terme de protection, certains élus de gauche qualifient ces projets de liberticides.

La ville de Paris possède 1300 caméras. D’après la carte présentée en figure 45, nous observons, que les endroits les plus surveillés sont les quartiers du centre. Ainsi, le déploiement de moyen de surveillance ne dépend pas de la concentration d’habitants, mais plutôt du rayonnement des quartiers et de leur fréquentation. En matière de vidéo-surveillance, la France se situe toutefois toujours bien loin derrière la Grande-Bretagne. En effet, la capitale britannique ne compte pas moins de 75 000 caméras de surveillance. 6 Ce chiffre est supérieur à l’ensemble des caméras installées sur le territoire français qui sont au nombre de 60 000 7. Quelle attitude devons nous adopter face à la prolifération de ces nouveaux dispositifs qui inondent notre vie quotidienne ?

Un rapport de 2006 de la CNIl met en garde contre les dérives de ces dispositifs. En effet selon l’ancien président de la commission, « l’innovation technologique est à la fois porteuse de progrès et de dangers. Les individus sont tentés par le confort qu’elle procure, mais ils sont peu conscients des risques qu’elle comporte. Ils ne se préoccupent guère de la surveillance de leurs déplacements, de l’analyse de leurs comportements, de leurs relations, de leurs goûts » 8 (TÜRK, 2006) 6 Hasse, Benoit, Bientôt, Paris sera surveillé par 1 309 caméras. Le Parisien (En ligne) http://www.leparisien.fr/paris-75/paris-75005/la-capitale-va-renforcer-son-dispositif-de-videoprotection-07-09-2015-5070553.php

7 France 2, (2018) Sécurité : les caméras de surveillance sont-elles efficaces ? (En ligne) https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/ar-

mee-et-securite/securite-les-cameras-de-surveillance-sont-elles-efficaces_2546989.html

8 L’OBS, (2007) La Cnil lance une alerte à la « société de surveillance » (En ligne)

https://www.nouvelobs.com/societe/20070709.OBS5625/la-cnil-lance-une-alerte-a-lasociete-de-surveillance.html

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L’un des plus grands dangers est peut-être qu’avec le développement des technologies, ces procédés sont souvent très discrets et de moins en moins visibles. Nous oublions parfois même leurs existences, et le fait que nos donnés soient de plus en plus traitées à notre insu, permettant de suivre nos traces à tout moment.

Par le développement des nouvelles technologies, des dispositifs biométriques aboutis, (reconnaissance faciale, vocale, empreinte digitale) nous accompagnent dans la réalisation de tâches bénignes de notre quotidien (déverrouillage de téléphone avec empreinte digitale). Or ces techniques étaient à la base inventées dans le but d’identifier des criminels récidivistes. Ainsi, pour Agamben, la multiplication de ces dispositifs contribuerait à transformer « les espaces publics de nos cités en intérieurs d’immenses prisons. » (2006) 9. Elle traduirait également le fait que nous sommes tous des terroristes potentiels aux yeux du gouvernement et donc des sujets à maîtriser et contrôler : « Aux yeux de l’autorité (et peut-être a-t-elle raison), rien ne ressemble autant à un terroriste qu’un homme ordinaire » (Agamben, 2006)

Fonctionnant dans le désir d’empêcher toute opposition, toute dialectique, ces nouveaux dispositifs désubjectivisent l’individu et tendent à en faire un corps social manipulable et docile. En prétextant faire le bien afin de nous protéger, nos gouvernements nous privent pourtant de ce qui fait notre nature : des sujets pensants et agissants.

Ainsi, ces dispositifs de contrôle sont tellement intégrés dans notre société que nous les avons parfois inconsciemment acceptés malgré nous. En ce sens, nous pouvons dire que nous sommes prisonniers d’une société qui nous contrôle et nous condamne à 9 AGAMBEN, Giorgio, (2006) Théorie des dispositifs, Po&sie 2006/1 (N° 115), p. 25-33. (En ligne) https://www.cairn.info/revue-poesie-2006-1-page-25.htm

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l’accepter, même à l’apprécier. Pour Marcuse, le monde offre les caractéristiques de la démocratie tout en étant totalitaire. Dans son ouvrage le philosophe nous montre comment, l’air de rien, notre société empêche toutes formes d’oppositions et de forces contraires. Notre société contemporaine serait pour lui « une uniformisation économico-technique non terroriste qui fonctionne en manipulant les besoins au nom d’un faux intérêt général » (1968, p.29.). Au fond, ces projets nous donnent l’impression d’être libres d’occuper l’espace comme bon nous semble, mais la mise en place de ces dispositifs nous contraint subtilement à adopter certains codes. Les projets de réaménagement nous offrent une belle vision de la ville de demain. Toutefois, ces projets semblent difficiles à mettre en œuvre dans une société ainsi policée.

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CONCLUSION L’intérêt premier de ce mémoire fut de questionner le mot d’ordre de reconquête des espaces publics. Les campagnes de communication des grands projets d’aménagement s’illustrent souvent d’images reflétant une société apaisée, où il fait bon vivre. Si les villes nous parlent de « réappropriation », de liberté d’usage au sein des espaces publics, il est surprenant de les voir mettre en place des dispositifs qui nous dictent subtilement une certaine façon de nous comporter. Nous avons constaté que ces dispositifs de contrôle étaient tellement intégrés dans notre société que nous les avons parfois inconsciemment acceptés. En ce sens, nous pouvons dire que nous somme prisonnier d’une société qui nous contrôle et nous condamne à l’accepter, même à l’apprécier. La jolie vitrine que constitue le projet de reconquête des places s’avère ainsi contrastée par la politique de dissuasion et de contrôle appliquée en parallèle par les pouvoirs publics. Plutôt que de favoriser la réappropriation des espaces publics par l’ensemble de la population, les villes rendent surtout ces espaces attractifs pour seulement une partie des usagers. Il semblerait donc que la plupart des grands projets de réaménagement des espaces publics priorisent la valeur esthétique et la représentation de ces espaces avant la question de l’appropriation concrète et durable de l’usager. Notre société moderne s’organisant autour d’un individualisme et d’un consumérisme poussés à leurs extrêmes, la reconquête des espaces publics semble difficile a mettre en place. Mais paradoxalement, les contraintes de notre époque, peuvent nous pousser à agir et nous investir afin de sortir du monde sécuritaire et unidimensionnel qui nous contient. Ainsi l’émergence de nouveaux enjeux, de nouvelles façons de « faire » intéressantes émergent. Plusieurs personnes se rassemblent et tentent d’apporter 107


des solutions pour apaiser le monde qui les entoure. Les villes manifestent leurs envies de « laisser faire » et sortent des politiques urbaines fonctionnalistes qui consistaient à tout prévoir à l’avance. « Si tout commence avec des places, rien n’y finit. » (LORDON, 2016) 1

Cette phrase de Frédéric Lordon, illustre l’importance des places dans nos villes, et leurs rôles comme lieu d’accueil d’une sphère publique. Si à travers l’histoire, la place publique a beaucoup évoluée, elle reste dans la plupart des esprits des habitants, synonyme de cœur de la cité. Aussi, les places ne finiront pas de surprendre et d’accompagner l’évolution de l’humanité. Malgré les dispositifs mis en place par les politiques publiques, les places seront toujours les premiers espaces de regroupements, de débat public. Le projet de leurs reconquêtes est une bonne initiative qui doit s’accompagner d’une participation publique. À nous de nous investir dans la vie de nos cités pour refaire vivre nos places. Cependant, nous avons constaté à travers notre étude que la plupart des gens ne se sentent pas directement concernés par le devenir des espaces publics et les projets d’aménagement de leurs villes.

« Le plus grand problème, c’est que les gens sont passifs et n’agissent pas assez. Les gens pensent qu’être citoyen se résume à aller voter, que la ville doit tout pour eux, mais qu’eux n’ont rien à faire pour elle. Pourtant, si chacun mettait un peu de bonne volonté pour changer les choses, le monde se porterait bien mieux. » 2 (Chloé, 2017) Même si les aménageurs réfléchissent à des solutions intéressantes elles ne peuvent démontrer leurs intérêt que si les citoyens se préoccupent de ce qui les entourent, et font vivre ces projets. Nous pouvons ainsi conclure que la dynamique des places 1 Extrait de discours, lors de l’assemblée générale du mouvement Nuit Debout, le Samedi 9 Avril 2016, place de la République, Paris 2 Entretien avec Chloé Blanchard, membre du collectif « Champigny en Transition » (le 8/12/2017)

108


repose sur la participation citoyenne et l’investissement de chacun dans l’objectif de défendre notre « Droit à la ville ».

Ce mémoire a été pour moi l’occasion de mieux connaître la ville dans laquelle je réside depuis de nombreuses années et de rencontrer les différents acteurs intervenant dans l’aménagement des espaces publics. En interrogeant les personnes passant sur la place, je suis tombée sur beaucoup de gens résidant dans ma rue, que je croise régulièrement, sans ne jamais vraiment les connaître. Je me suis ainsi rendu compte à quel point nos villes manquent d’espace de rencontre et qu’il est essentiel de redynamiser nos espaces publics, afin de recréer des lieux de débats dans nos cités. Dans le projet de réaménagement de la place de la République, les architectes TVK ont pris soin de prendre en compte les usages opérés sur la place, en la laissant libre à une appropriation totale. Cette considération permet d’y observer aujourd’hui toutes formes d’appropriations que ce soit des jeunes qui skatent, des sans-abris qui dorment sur les bancs ou des familles venant se promener. La piétonnisation de la place de la République a ainsi favorisée la réactivation du lieu en tant que sphère publique. Les premiers projets de préfiguration des places observées dans cette étude, n’ont pas encore réussi à faire leurs preuves et à parvenir à ce résultat. Toutefois, ces derniers permettent de tester des usages et l’investissement des citoyens dans la gestion de leur ville. Il sera intéressant de voir comment va s’établir la liaison avec le projet suivant cette phase expérimentale, afin de voir comment cette dernière peut engendrer des réflexions intéressantes en termes d’aménagements plus conséquents.

109


110


BIBLIOGRAPHIE AGAMBEN, Giorgio, (2009) Qu’est-ce qu’un dispositif ? Paris. Payot & Rivages. 50 p.

ASCHER, François, (2000) Ces événements nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs : essai sur la société contemporaine. Ed. de l’Aube. La Tour-d’Aigues. 300 p.

BASSAND, Michel, COMPAGNON, Anne ; JOYE, Dominique ; STEIN, Véronique

(2001) Vivre et créer l’espace public. Lausannes. Presses polytechniques et

universitaires romandes. 223 p.

BERTRAND, Michel-Jean, LISTOWSKI, Hiéronim, (1984) Les places dans la ville : lectures d’un espace public. Paris. Dunod. 92 p.

CHOAY, François, MERLIN, Pierre, (1996). Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement. Paris. Presses Universitaires de France. 863 p.

DE CERTEAU, Michel, (1990) L’invention du quotidien, 1 : Arts de faire, Paris. Gallimard. 416 p.

HABERMAS, Jürgen, (1978) L’espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise. Paris. Payot. 328 p.

HARVEY, David, (2003) Paris, capitale de la modernité. Paris. Les Prairies Ordinaires. 529 p.

LEFEBVRE, Henri, (1968) Le droit à la ville. Paris. Éditions Anthropos. 164 p.

MARCUSE, Herbert, (1964) L’homme unidimensionnel : essai sur l’idéologie de la société industrielle avancée. Paris. Minuit. 281 p. WEBER, Max, (2000) La ville. Paris. Aubier. 218 p.

111


112


ANNEXES

113


ANNEXE 1 : QUESTIONNAIRE

échantillonage du questionnaire

12

13

4

campinois non campinois

21

9

8

6

6

9

6 3

6 7

homme femme

2

2

3

en couple célibataire divorcé marié

6

2

3

3

5

6 7

Informations socio-démographiques des 25 personnes interrogées 114

10-20 ans 21-30 31-40 41-50 51-60 + de 60

travail à temps complet temps partiel étudiant-élève retraité sans emploi

<1000 € 1000 € – 2000 € 2000 € - 3000 € 3000 € – 5000 €


Perception et usage des places publiques : étude du réaménagement de la place Lénine de Champigny-sur-Marne

lieu :

date :

heure :

météo :

________________________________________________________________________________ Ce formulaire est un support d'une enquête sociale établie pour un mémoire d'architecture étudiant les nouvelles méthodes de conception des places publiques. Il permet de questionner les usages des places afin de mieux les comprendre et les appréhender. Merci de prendre quelques minutes afin d'y répondre.

Cette étude s'engage à préserver l'anonymat des personnes interrogées, aussi toutes les informations recueillies seront traitées en toute confidentialité.

________________________________________________________________________________ Au moment de remplir le questionnaire vous êtes : O seul(e) O accompagné(e) (précisez par combien de personnes) : __________________________ A. Activités, usages de la place Qu'est-ce qui vous amène sur cette place ? (plusieurs réponses possibles) a. Je suis de passage, j'emprunte cette place pour c. Je vais sur cette place par ce me rendre ailleurs.

qu'elle me plaît.

b. Je viens sur cette place pour pour des raisons d. Je ne sais pas pratiques.

(aller

dans

les

commerces

équipements qui la bordent )

et e. Autre (précisez) : _________ ____________________________

Si a : Quel itinéraire vous fait passer sur cette place ? O départ : ______________________________________________________________________ O arrivée : ______________________________________________________________________ Comment vous rendez-vous sur la place ? (plusieurs réponses possibles) O à pied

O en métro/rer

O en taxi/uber

O en vélo

O en moto/scooter

O autre (précisez) :

O en bus

O en voiture

____________________

115


Si b : Pour quelles raisons pratiques venez-vous sur la place ? O faire des achats dans les commerces aux alentours

O travailler O garer ma voiture

O faire le marché

O utiliser la boîte à partage

O retrouver des connaissances

O faire des activités en lien avec

O me reposer un moment

les équipements aux alentours

O boire un verre ou prendre un repas

O aller au manège

O me promener

O autre (préciser) : ____________________

En ce moment, combien de temps prévoyez-vous de rester ici, sur la place ? O moins de 5 mn

O entre 15 et 30 mn O entre 1 et 2 heures

O entre 5 et 15 mn O entre 30 et 60 mn O entre 2 et 4 heures

O plus de 4 heures O je ne sais pas

A quelle fréquence venez-vous ici ? O Plus de deux fois par jour

O 1 à 2 fois tous les quinze jours

O Une à deux fois par jour

O 1 à 2 fois par mois

O 5 à 7 fois par semaine

O à de rares occasions

O 3 à 4 fois par semaine

O je n’y étais jamais venu avant

O 1 à 2 fois par semaine

O je ne sais pas

Si vous vous êtes déjà rendu(e) sur la place, à quel(s) moment(s) de la semaine venez-vous le plus souvent ? (plusieurs réponses possibles) O Lundi

O Mercredi

O Vendredi

O Dimanche

O Mardi

O Jeudi

O Samedi

O Je ne sais pas

Si vous vous êtes déjà rendu(e) sur la place, à quel(s) moment(s) de la journée venez-vous le plus le plus souvent ? (plusieurs réponses possibles) O Le matin (entre 5h et 12h)

O Le soir (entre 18h et 0h)

O Le midi (entre 12h et 14h)

O La nuit (entre 0h et 5h)

O L'après-midi (entre 14h et 18h)

O Je ne sais pas

116


B/ Ambiance de la place L'ambiance de cette place vous semble ...

0----1----2----3----4----5----6

(0 = très désagréable ; 6 = très agréable) En quoi ?

____________________________

L'ambiance sonore de la place est ...

0----1----2----3----4----5----6

(0 = très calme ; 6 = très bruyante) La nuit, l'éclairage de la place est ...

0----1----2----3----4----5----6

(0 = très sombre ; 6 = très éclairée) L'entretien de la place est ...

0----1----2----3----4----5----6

(0 = aucun entretien ; 6 = très propre) Vous sentez-vous en sécurité ?

0----1----2----3----4----5----6

(0 = pas du tout ; 6 = je me sens très en sécurité) En quoi ?

____________________________

C/Perception et usage de la place Si vous deviez qualifier cette place en deux mots que choisiriez-vous ? ________________________________________________________________________________ Appréciez-vous cette place ? O Oui (précisez pour quelle(s) raison(s) : __________________________________________ O Non Que pensez-vous des aménagements récents faits sur la place, au niveau de la partie Est (banc, marquage au sol, boîte à partage, bac de plantation, kiosque) ? O Je trouve que c'est une très bonne initiative.

O Je trouve que c'est une mauvaise

O Je trouve que c'est une bonne initiative mais

initiative.

que c'est perfectible.

O Je ne sais pas.

O Je suis indifférent.

117


Justifiez en quelques mots votre réponse précédente (en quoi c'est une bonne ou mauvaise initiative) : ________________________________________________________________________________ ________________________________________________________________________________ Utilisez-vous ces installations ?

Si vous deviez noter chacun de

(0 = jamais ; 6 = très souvent)

ces aménagements : (0 = pire note ; 6 = meilleure note)

boîte à

0---1---2---3---4---5---6

0---1---2---3---4---5---6

0---1---2---3---4---5---6

0---1---2---3---4---5---6

0---1---2---3---4---5---6

0---1---2---3---4---5---6

kiosque

0---1---2---3---4---5---6

0---1---2---3---4---5---6

bancs

0---1---2---3---4---5---6

0---1---2---3---4---5---6

partage bacs de plantation marquages au sol

Y a t-il des éléments à conserver sur la place ? O Oui (précisez lesquels) : _______________________________________________________ O Non Y a t-il des éléments au contraire qui devraient disparaître ou changer ? O Oui (précisez lesquels) : _______________________________________________________ O Non Pensez-vous que la place doit être ouverte à tous ? O Oui

O Non

O Je ne sais pas

Y a-t-il des usages à exclure pour le bien de tous ? (Si oui précisez lesquels) O Oui (précisez lesquels) : _______________________________________________________ O Non O Je ne sais pas

118


D/Politique publique Êtes-vous au courant du projet de réaménagement du centre-ville de Champignysur-Marne ? O Oui

O Non

Si oui, par quel(s) moyen(s) ? O bouche à oreille

O presse (précisez) : ______________________

O panneau d'information

O internet (précisez) : _____________________

O site de la ville de Champigny

O réseaux sociaux (précisez) : _____________

O magazine de Champigny-sur-Marne O autre (précisez) : ________________________ O conseil, réunion de quartier Avez-vous participé au projet d'aménagement de la place ouvert aux habitants (chantier participatif, atelier de co-conception) ? O Oui (précisez quel(s) atelier(s)) : _____________________________________________ O Non

Que pensez-vous de l'initiative de

0----1----2----3----4----5----6

faire participer les citoyens dans Justifiez en quelques mots : l'aménagement des espaces _________________________________________ publics de leur ville ?

_________________________________________

(0 = mauvaise initiative ; 6 = très bonne initiative)

Pensez-vous

que

changer

_________________________________________ 0----1----2----3----4----5----6

l'aménagement de la place Lénine Justifiez en quelques mots : afin de la rendre plus praticable _________________________________________ pour les piétons est une bonne _________________________________________ chose ? _________________________________________ (0 = pas du tout ; 6 = absolument)

119


Avez-vous des remarques à faire sur le projet (ce que vous appréciez, ce que vous redoutez ...) ? ________________________________________________________________________________ ________________________________________________________________________________

E/Informations sociodémographiques : Vous êtes : O Un homme

O Une femme

O Neutre

Votre tranche d’âge ? O 10/20

O 20/30

O 30/40

O 40/50

O50/60

O + 60

Lieu de résidence (ville, arrondissement/quartier) : ________________________________________________________________________________ Depuis combien de temps ? ________________________________________________________________________________ Quelle est votre activité professionnelle ? O Travail à temps complet

O Retraité(e)

O Travail à temps Partiel

O Femme/homme au Foyer

O Étudiant(e), élève, stagiaire non rémunéré(e) O Sans emploi O Autre (précisez) : _______________ Situation familiale (en couple, marié(e), célibataire, divorcé(e), enfant(s)) : ________________________________________________________________________________ Quel est le revenu global de votre foyer : O Inférieur à 1000€/mois

O Entre 3000 et 5000€/mois

O Entre 1000 et 2000€/mois

O Entre 5000 et 10 000€/mois

O Entre 2000 et 3000€/mois

O Plus de 10 000€/mois

Vous sentez-vous à l'aise financièrement ? O Oui

O Non

120


ANNEXE 2 : Grille d'observation GRILLE D’OBSERVATION

Nom de l'enquêteur :

Grille n°

Terrain étudié : entrée par :

Horaire :

sortie par :

Date :

Température/Climat : O Pluvieux

O Ensoleillé

O Mitigé

Contexte (vacances, etc) :

------------------------------------------------------------------1) Aux environs de la place : Commerces

Équipements (gares etc) Services

Nombre Noms

Densité (forte, moyenne, faible) Remarques : ________________________________________________________________________________ 2) Circulations, flux : (à un endroit précis, pendant 10 mn) Piétons

Cyclistes

Voitures

Bus

Autres

Nombre

3) Types d'usagers (cible = piétons) : Fréquentation : O Faibles

O Moyennes

O Fortes

Nombre d'individus : Sexe : Femmes

Hommes

Indéterminés

Nombre

Ages estimés :

121


0-10ans

11-20ans

21-30ans

31-45ans

46-60ans

+ de 60 ans

Nombre

Origines sociales estimées : Défavorisées

Moyennes

Favorisées

Nombre Habillements :

________________________________________________________________________________ Accompagnés : Couple

Famille

Collègues

Amis

Seuls

Autre : ______

Nombre

Sont venus accompagnés

Ont rejoint un groupe

Nombre

Encombrement : Sac à main

Sac à dos

Caddy

Valise

Poussettes

Nombre

Attitude : Stressés

Détendus

Entre les deux

Nombre 4) Activités des usagers : Position : En mouvement

En arrêt

(juste de passage)

(se pose sur la place) assis

Nombre

Types d'activités :

122

debout

Autre : _____


Se reposer

Se promener

Faire des achats

Garer voiture Aller dans équipements autour

Nombre

Boire un verre ou

Utiliser la boîte à Retrouver des

prendre un repas

partage

Faire le marché Autre :

connaissances

______________

Nombre

Interactions observées entre les usagers :

________________________________________________________________________________ ________________________________________________________________________________ 5) Ambiance de la place : ●

Ambiance générale :

Pesante 0---1---2---3---4---5 Détendue Morose

0---1---2---3---4---5 Animée/festive

Remarques : ________________________________________________________________________________

● Son : Types de sons :

calme

0---1---2---3---4---5 très bruyante

O Musique

O Usagers

O Circulation

O Autres : ____________

Remarques : ________________________________________________________________________________

● Odeurs :

désagréable O Faibles

0---1---2---3---4---5

agréable

O Moyennes

O Fortes

Remarques : ________________________________________________________________________________

Lumières :

sombre

0---1---2---3---4---5

O Faibles

lumineux

O Moyennes

O Fortes

Remarques : ________________________________________________________________________________

Propreté :

très sale

0---1---2---3---4---5

très propre

Remarques : ________________________________________________________________________________

Sécurité :

pas en sécurité

0---1---2---3---4---5

en sécurité

Remarques : ________________________________________________________________________________

123


ANNEXE 3 : ENTRETIENS Rôle

Type d’entretien Date

Nathalie Pellegrini

Durée

Ingénieur à la Direction des Infrastructures, des Transports et de l’Espace Public, mairie de Champigny-surMarne Jean-Christophe Urbaniste, Directeur de la mission Choblet PAVEX à la mairie de Paris (préfiguration, aménagement, valorisation et expérimentation de l’espace public) Thomas Droz Paysagiste, agence Paule Green.

semi-directif

26/11/2017 1h

semi-directif

06/01/2018 1h

semi-directif (téléphonique)

08/01/2018 1h

informel

08/12/2017 1h30

Mathilde

informel

08/12/2017 1h30

informel

08/12/2017 1h30

informel

12/01/2018 20 mn

vendeur du kiosque à informel crêpe

21/11/2017 20 mn

Chloé

Alexandre Commerçante 1 Commerçant 2

membre du collectif Champigny en Transition membre du collectif

Champigny en Transition membre du collectif Champigny en Transition vendeuse du magasin Nicolas

124


Exemple de grille d’entretien utilisée : Questions posées à Nathalie Pellegrini, direction des infrastructures, des transports et de l’espace public. Mairie de Champigny sur Marne

Quelle est votre stratégie d’aménagement en ce qui concerne les espaces publics ? Que pensez-vous du « place making » ? Est-ce une bonne façon d’aménager l’espace public ? Comment avez-vous consulté les habitants ?

L’ensemble des dispositifs à un aspect « bricolage », parfois critiqué. Plusieurs personnes se demandent l’intérêt d’enlever du stationnement pour des dispositifs léger et pas forcément très utilisés. Quand pensez-vous ? Pourquoi ne pas avoir fait des travaux éphémères plus consistants ? Quels sont les retours sur les usages actuels des aménagements réalisés ? Y a t-il d’autres ateliers de prévu prochainement ?

Que pensez-vous de la pratique de ces nouveaux espaces ? Y a-t-il un décalage entre les usages qui se font et les usages souhaités lors des ateliers ? Y a-t-il des usages qui posent problèmes sur la place ? Si oui, lesquels ?

Souvent les habitants redoutent une occupation non désirable du mobilier urbain, avez-vous pris en compte cette crainte au moment de la conception des installations sur la place ? 125


126


127


TABLE DES FIGURES Figure de couverture Croquis d’une assemblée de Nuit Debout, Frédéric Malenfer, 2016 Figure 1 - Croquis de La piazza della Signoria (place de la Seigneurie en français), BERTRAND, LISTOWSKI, 1984, p.4. p.23 Figure 2 - Croquis de l’Agora d’Assos, BERTRAND, LISTOWSKI, 1984, p.4.

p.23

Figure 3 - Carte postale ancienne « La Fontaine du Château-d’Eau et le Boulevard Saint-Martin vers 1840 » source : https://www.cparama.com

p.25

Figure 4 - Schéma montrant la redistribution voiture / piéton du projet, TVK source : dossier de presse de TVK de juin 2013 p.28 Figure 5 - Vue aérienne de la place de la République avant son réaménagement, TVK source : http://www.tvk.fr p.29 Figure 6 - Vue aérienne de la place de la République après la livraison du projet, TVK source : ibid p.29 Figure 7 - Schéma illustrant le concept d’espace public selon le point de vu Habermassien p.30 Figure 8 - La place de la République, lors du grand rassemblement organisé en hommage aux victimes des attentats le 11 Janvier 2015, Stéphane Mahé/ Reuters, 2015 p.32 Figure 9 - « Vue de l’incendie de Paris ». Gravure photographiée et retouchée, NUMA fils, 1871, source : Saint-Denis, musée d’art et d’histoire - cliché I. Andréani p.35 Figure 10 - Plan représentant l’organisation du mouvement sur la place de la République, Vincent Manilève. Aude Lorriaux, 2016. source : http://www.slate.fr p.38 Figure 11 - Photo prise lors d’un rassemblement dans le cadre du mouvement Nuit Debout , Vincent Manilève. Aude Lorriaux, 2016 source : ibid p.38 Figure 12 - La place de la Puerta del Sol, REUTERS, 2015, source : http://www.telegraph.co.uk

p.40

Figure 13 - Vue aérienne de la place Lénine, 2017 source : https://www.geoportail.gouv.fr

p.50

128


Figure 14 - Vue aérienne de la place de la Bastille source : https://www.geoportail.gouv.fr

p.51

Figure 15 - Ancienne carte de Champigny, la place Lénine est alors appelée « place des fête à l’est » et « place du marché », à l’ouest. source : agence Paule Green p.54 Figure 16 - Évolution du plan de la ville au cours du temps. La place est dominé par un axe Est-Ouest. p.55 source : agence Paul Green Figure 17 - La place, inondée lors de la crue de 1910, source : agence Paule Green

p.56

Figure 18 - La place, lors de la traditionnelle foire au Troc et au cochon p.56 source : Mairie de Champigny. Figure 19 - La colonne de Bastille, élément central de la place, p.60 BERTRAND, LISTOWSKI, 1984, p.21 Figure 20 - Évolution du tissu urbain autour de la place de la Bastille entre 1652 et 2010, DHAAP - DAC p.61 source : mairie de Paris Figure 21 - Liaison de la place avec le port et le canal. Collectif Bastille, 2016 source : Collectif Bastille Figure 22 - Liaison de la place avec le port et le canal. Collectif Bastille, 2016 source : ibid Figure 23 - Dépenses par semaine selon les modes des déplacements, enquête du FUB, février 2011 source : publication ADEME n°7206

p.62

p.63

p.67

Figure 24 - Schéma de répartition des modes de déplacements des usagers de la place Lénine (Champigny). Résultat en effectif sur échantillon de 25 personnes. p.69 source : document personnel Figure 25 - Diagramme indiquant les différentes activités des usagers de la place Lénine (Champigny). Résultat en réponses apportées sur échantillon de 25 personnes. p.69 source : ibid Figure 26 - Schémas des acteurs intervenants dans le projet de réaménagement de la place Lénine. p.77 source : ibid Figure 27 - Schéma représentant l’organisation du collectif Bastille, source : ibid

129

p.81


Figure 28 - Photo du chantier de co-construction de la partie Est de la place Lénine, Avril 2017, D.Rullier source : http://www.champigny94.fr

p.82

Figure 29 - Installation de la boîte à partage, Avril 2017, D.Rullier source : ibid

p.82

Figure 30 - Nouveaux aménagements de la place Lénine, Décembre 2017 source : document personnel

p.84

Figure 31 - Schémas de répartition des avis concernant les nouveaux dispositifs aménagés sur la place Lénine (Champigny). source : ibid

p.85

Figure 32 - Cycle d’échange. Photos de la boîte à partage, prises avec 1h d’intervalle. Décembre 2017 source : ibid

p.87

Figure 33 - Boîte à partage presque vide. Décembre 2017 source : ibid

p.88

Figure 34 - Interactions autour de la boîte à partage. Décembre 2017 source : ibid

p.89

Figure 35 - Modules utilisés pour des activitées sportives, Juin 2017 source : Collectif Bastille

p.91

Figure 36 - Modules utilisés pour des usages différents, Juin 2017 source : Collectif Bastille

p.91

Figure 37 - Mobilier déserté. Novembre 2017 source : document personnel

p.92

Figure 38 - Place occupée par des skaters. Novembre 2017 source : ibid

p.92

Figure 39 - Mobilier utilisé pour s’asseoir. Janvier 2018 source : ibid

p.93

Figure 40 - Les marches de l’opéra rencontrent plus de succès que les modules en bois. Janvier 2018 source : ibid

p.93

Figure 41 : Conflit d’usages. Janvier 2018 source : ibid

p.98

Figure 42 : Le kiosque à crêpe, objet de plaintes de certains riverains, Agence Paule Green, 2017. source : http://www.paulegreen.fr

p.98

Figure 43 : « Des pics pour faire fuir #soyonshumains », Paris, Laure Maisonneuve, 2017 source : demotivateur.fr

p.101

130


Figure 44: Répartition des dispositifs de surveillance dans le département du Val de Marne (94) source : leparisien.fr Figure 45 : Répartition par arrondissement des caméras de surveillance, Paris, source : ibid

131

p.103 p.103



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