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Ruthene magazine N°17
Les modes de production agricole sont aujourd’hui au cœur des préoccupations car ils ont un impact sur notre environnement mais aussi, à travers ce que nous mangeons, sur notre santé. Dans ce dossier, nous avons souhaité mettre en lumière des femmes et des hommes animés par des convictions profondes qui les ont poussés à choisir des méthodes de production douces, respectueuses de la biodiversité et des saisons, tendant vers l’autosuffisance pour préserver les ressources naturelles et favorisant une économie locale et vertueuse. Nous vous donnons aussi quelques repères pour mieux comprendre les labels alimentaires afin que de simples consommateurs, vous deveniez consom-acteurs.
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Quelle est la genèse de l’Apaba ? L’association est née en 1990 avec pour objectif de faire connaître l’agriculture biologique, de représenter et défendre les producteurs bio et de se regrouper pour avoir du poids face aux grandes filières. Aujourd’hui, l’Apaba regroupe près de 300 adhérents, essentiellement des producteurs certifiés, et son conseil d’administration est également composé de consommateurs et d’organismes techniques, de transformateurs et d’intervenants économiques. Nos efforts se portent sur l’augmentation des surfaces cultivées en agriculture biologique et la reterritorialisation de l’économie aveyronnaise. Nous nous engageons à défendre une approche exigeante de la bio avec pour fil directeur l’éthique d’un développement durable, respectueux des hommes et de l’environnement.
Concrètement, quelles sont les missions de l’association ? L’Apaba est composée d’une équipe de sept salariés dont quatre animateurs en charge des productions végétales et animale. Nos missions sont nombreuses : favoriser la transition agricole vers l’agriculture biologique en accueillant les porteurs de projets, en les accompagnant dans leurs démarches et en leur proposant un suivi tout au long de leur processus d’installation ou de conversion, conforter les fermes certifiées en proposant des formations, en réalisant des diagnostics, en mettant en relation les producteurs pour favoriser la mutualisation des moyens et les achats groupés, structurer les filières, faire évoluer le cahier des charges de l’AB et enfin, sensibiliser le grand public, la restauration collective, les distributeurs et les élus à l’intérêt de consommer des produits bio.
Apaba, Carrefour de l’agriculture- 12000 Rodez Tél / fax : 05 65 68 11 52 www.aveyron-bio.fr
Les chiffres le prouvent, de plus en plus d’agriculteurs se tournent vers le bio ou une agriculture raisonnée… C’est quoi l’agriculture raisonnée ? Un peu moins de ça, un peu plus de ci… on n’a aucune idée des quantités de produits utilisées. Aujourd’hui, l’agriculture biologique est la seule dont le cahier des charges interdit toute utilisation de produits chimiques de synthèse (désherbant, pesticides, engrais, produits phytosanitaires), OGM et antibiotiques. Nous sommes contrôlés très régulièrement pour assurer transparence et traçabilité de nos produits. La bio raisonne de la terre à l’assiette. Nous considérons le sol comme un milieu vivant et il faut respecter ses cycles naturels, comme ceux des animaux.
Le bio, c'est du bon sens !
Au Bosc, sur la commune de Cadix dans le Tarn, Pascal Recoules a repris l'exploita- tion familiale en 2011 et incarne la cinquième génération d'agriculteurs sur ces terres. « Au départ, ça ne m'intéressait pas de reprendre car c'était une petite exploitation d'une vingtaine d'hectares, je me disais que ce serait compliqué d'en vivre. Et puis j'ai fini par me lancer. » Sur cette petite ferme où ses parents élevaient des brebis et des vaches pour leur propre consommation, Pascal Recoules décide de lancer un élevage de cochons bio en plein air. Il part d'un constat : le porc est l'animal le plus consommé en Europe et on ne le voit jamais dehors. « À l'origine, cet animal pouvait tout à fait dormir dehors. Malheureusement, les races rustiques locales ne se sont pas adaptées au nouveau mode d'élevage industriel et ont presque toutes disparu », déplore celui qui a égale- ment choisi cette filière pour revaloriser les bois. « Nous avons beaucoup de châtai- gniers autour de la ferme et tous les fruits se perdaient. Là, les cochons les mangent, leur viande n'en est que meilleure et en plus, ils entretiennent la forêt ! » Pascal Recoules a débuté comme naisseur en cochons bio mais très vite, il a voulu maîtriser toute la chaîne. « Mon épouse Muriel m'a rejoint sur l'exploitation. Nous avons transformé au lycée agricole de Laroque pendant quatre ans avant d'installer notre propre laboratoire. » Aujourd'hui, le Gaec compte 11 mères, 2 pères et as- surent entre 120 et 130 naissances par an. Les cochons sont nourris avec du méteil (mélanges de céréales et de légumineuses) que Pascal Recoules produit lui-même et grandissent sans antibiotiques. Une viande tendre au goût incomparable que le couple vend sous forme de rôtis, côtes, pâté et autres charcuteries directement à la ferme, dans des magasins bio, au réseau des Loco-Motivés et sur le marché de Rodez le samedi matin.
La Terre des cochons : www.laterredescochons.fr
SAYPE -
SAYPE - Redonner un sens et des couleurs à Decazeville
De ses 30 années d’existence, Saype en a donné 16, au moins, à redonner des couleurs à la vie. Via les murs d’abord, en graffiti, à redonner vie à des endroits abandonnés, pelés, des friches, des ruines d’usine, des squats, des murs de cités, des murs tout court, d’ailleurs. Et puis, il a eu de plus en plus envie de prendre la clé des champs, ou plus précisément, de quitter les murs et de redonner des couleurs, aussi, à une nature que nous avons oublié. Le street art, l’art de la rue comme on dit, est aussi devenu par les bombes de couleur le land art, l’art de la terre. Retrouver notre nature au-delà des murs, notre environnement tout autant que notre humanité, c’est l’essence du travail de Saype. Du moins faire passer ce message par l’oeil, par la perspective. Le faire par des villes comme Decazeville, comme Liverpool juste avant, des cités ouvrières, industrielles, frappées par les crises et qui se doivent de rebondir, de repousser leurs murs. Decazeville s’y emploie d’une manière décalée, avec le festival Mur Murs qui se charge de redonner des couleurs aux murs, mais aussi à sa vieille histoire de ville minière aux puits fermés aujourd’hui. Des mois durant, une horde bien intentionnée de graffeurs venus de partout, et pas des moindres, s’est chargée de refaire rougir les joues de la capitale minière aveyronnaise aux mines fermées, depuis plus d’un demi siècle pour les entrailles de la terre, depuis 2001 pour les mines à ciel ouvert. Que faire ensuite de ces trous, de ces terrils, de ces bâtiments et ces usines désaffectées, de ces immeubles et HLM qu’un inéluctable abandon laissaient à l’abandon ? De l’art d’abord, et les artistes dits de street art s’y sont mis. Le festival Mur Murs a permis de mettre des couleurs dans une ville de gueules noires, de lui donner un nouveau visage, gai, vivant. Et dans le lot, Saype par goût est allé lui déjeuner sur l’herbe. A la Découverte, une ancienne mine à ciel ouvert, la dernière en activité d’un glorieux passé d’abondance prolétaire désormais révolu. Saype a pris ses bombes de peinture, biodégradable précisons-le, et arrosé de couleur la nouvelle herbe de la Découverte pour en ressortir la peinture d’un gamin qui dessine à la craie. Un message pour un nouvel avenir de Decazeville peut-être, si l’on en croit le titre de l’oeuvre : « Une histoire de résilience », la résilience étant cette « capacité de surmonter une altération de son environnement ». Une résistance, une volonté de ne pas mourir. Du moins sans y mettre des couleurs, des visages, des mains serrées dans d’autres mains. Féru de philosophie, Saype ne nomme pas ses œuvres sans y inclure un message, une vérité quelque part issue d’un livre universel que tout le monde aurait lu, devrait avoir lu pour passer de la mine au pré. Comme cette série basée sur des clichés de métro baptisée « Tous les matins du monde sont sans retour ». Il reste peut-être un grand soir...