PASSÉ IMPARFAIT I
SAJEDE SHARIFI
Ma sœur ne sait pas Quand je suis nÊe, Il pleuvait des bombes du ciel comme des pyramides un deux trois . . . tirez
Ma mère était belle. Elle chantait bien pour les ouvriers. La nuit où je suis née Elle s’est mise en noir et elle cacha le rouge du communisme
Quand je suis née, les cheveux de ma mère coulaient dans la rivière. Il passaient la terre : « nous somme enchantés, nous, la mère nature, nous somme la terre mère. »
Ma mère venait du soleil Ma tante nous a dit une fois : « Comme toutes les mères de notre planète terre » Ma sœur a confirmé. Grande mère était la fille d’un seigneur Elle a hérité de beaucoup de terres. Ma mère me chantait des berceuses de guerre L’alarme rouge Vingt secondes On s’enfuit au sous-sol.
Le jour où J’avais cinq ans, Saddam Hussein est parti. L’histoire des nuits: « des mères, des femmes, des martyres »
J’ai dessiné une ville J’ai effacé plus tard, la moitié des lignes. Quelques moineaux sont tombés des fils électriques.
On a appelé ma mère de l’école maternelle : « Votre fille est malade. Elle a perdu son ombre. » Ma mère respirait chaud dans mes yeux. - « Ma chérie ie ieh h he he he Ça va ? » - « Mon ombre est partie Avec des moineaux. »
Ma mère recommence à se colorer quand j’ai dix ans. La ville perfectionne ses lignes perdues. Ma mère perd du poids pour avoir les bonnes lignes. Je vois la lune montant du cerisier et le jardin ayant les larmes de la lumière.
Notre voisine perd son prophète. Elle reste longtemps à l’ouest de la cour. Sa gorge s’est éteinte. Elle n’est plus sûre de rien. L’autre voisin salue de la fenêtre. Elle cache son regard vers le nord-est.
Grande mère nous dit: « une bonne femme regarde nulle part quand un homme musclé montre son respect, si elle veut un jour le marier. » - « Notre voisine est donc amoureuse. » Ma sœur rit doucement. - « Notre voisine se mariera un jour avec cet homme. » Ma sœur le répète, suivant son ombre.
Je suis un cheval qui porte le voile. Le vent psychopathe n’a pas droit à mes cheveux. de passer, les baiser, et partager comme les voisines disent: « Pour me protéger »
Ma sœur insiste que c’est elle le cheval Elle a un morceau de nuage blanc sur son front mais je suis moitié mer moitié cheval. J’ai deux soleils humides qui brûlent tous les jours dans mes yeux.
Notre voisine a une chatte mĂŠchante qui est cachĂŠe au centre de son ventre. Elle fait voler des moineaux car ce sont la seule raison des cerises handicapĂŠes.
Ma mère a acheté un poisson mort pour diner. Dans la glace de son regard une sirène est cachée une sirène qui danse qui danse qui danse danse comme ma mère chante la sirène s’accroche aux vagues de glace. Le dîner est prêt la sirène se libère.
Notre maison est avalée par la mer de la sirène. Ma sœur pleure pour ses cheveux mouillés La sirène souffle dans les rideaux comme elle fait l’amour avec H2O.
Le ciel s’approche de notre maison. Il cherchait la mer. Il l’a retrouvé. « Les bleus jumeaux » se mélangent fortement. Les vagues sauvages étouffent ma poupée qui se noie, glacée sur la table de dinner.
Les tulipes dans le vase sont très rouges, tellement elles ont chaud. Elles transpirent des vapeurs. Avec ma sœur on prend des vapeurs. On les met dans son sac d’école. La fenêtre de sa classe manque d’écritures. et puis un dessin: une flèche dans un cœur
Notre enseignante nous donne une leçon: « Il faut couvrir le corps à partir de neuf ans. Il faut congeler la chaleur féminine, » Lorsqu’on devient femme, « avec le futur mari ». Je mets ma chaleur dans une boite froide. Je couvre tout mon corps avec la couleur noire.
Ma sœur et moi, nous reprenons les vapeurs. Les miennes deviennent des brouillards. Les signes des questions glissent de leur bras. Celle de ma sœur pleuvent de ses yeux. Chaque larme, un miroir qui triple ma sœur.
J’ai quinze ans quand un homme pousse de mon front. Ses pieds comme des racines à cent ans coupent mon cerveau. Je suis malade. Les pieds d’un homme vivent dans ma tête. Ma mère le nomme « l’ange d’échéance ». Il domine mon front comme un Napoléon. Je suis malade. J’ai mal à la tête. J’ai mal à la tête. La terre est un berceau. La mère ciel a perdu sa main J’ai mal à la tête. Tous les nuages tournent autour de ma tête car l’homme est toujours là.
Je vote pour un voile de couleur, Ma mère pour le vent qui peut passer dans ses cheveux noirs. Grande mère boycotte l’élection. Elle part du pays sans vote, sans voile.
Je suis très faible en mathématiques. A) Une femme + une femme = Un homme B) Une femme + un enfant = Une femme et demi C) Une femme enceinte + un enfant= 3/4 homme X) Homme B/C=X/A ? ? Je ne sais pas.
La directrice de notre lycée est sortie du tableau de Frida Kahlo. Elle a une moustache qui grimace et des serpents attachés à ses épaules. Elle nous signale si elle nous voit sans voile, elle coupera les cheveux de la lune.
La pauvre lune est très triste. Elle cache sa face dans les nuages. Elle a quitté le ciel des fenêtres de notre lycée
J’ai donc vingt ans: la fac, les garçons, les manteaux collants, la liberté. Je suis une jeune étudiante. Je traverse la ville tous les jours du nord jusqu’à la rue Révolution. C’est mon coin, l’Université de Téhéran.
J’invite les étoiles au syndicat étudiant. Les jours « A bas... » sort de la bouche de la fausse liberté. Mai 68 glisse du soleil sur les cheveux d’un cimetière.
Les arbres du dortoir sont condamnés à être brulés deux jours entiers. Les cendres des camarades sont perdues dans le feu. Un deux trois illimités cercueils
Les uniformes verts envahissent la terre. Leurs armes, sur nos livres est-ce le signe d’une guerre ? D’être étudiant est déjà un crime. D’être étudiante, active, pédicurée, en voile de couleur, ce n’est que la honte à ta famille, à ton pays.
Je donne un baiser au mistral qui souffle pendant trois jours : « Adieu politique » Je suis maintenant une rose mélancolique. Je me tiens debout dans le vase carré. Les pissenlits passent sans aucun message. Kant, Descartes, Hegel… Soufflent dans ma tête. Je n’en parle plus. J’ai déjà payé cher.
La fin des études, ce qui me reste : deux histoires d’amours, quelques étoiles, souvenirs des jours que je passais la porte des pensées. Mes mains sont vides. Les camarades morts, on les appèle martyrs.
La presse a la fièvre. Je travaille dur comme une ouvrière. Mes collègues journalistes : féministes, réformistes, communistes, humanistes, sont tous mes amis. Cela ne dure pas longtemps, l’épidémie arrive. Les journaux, fermés. Ses hommes, enfermés. Je me tiens debout respire respire respire
Un long hiver tombe, sur toute la ville. Je n’ai pas vingt cinq ans Mais je dors longtemps dans le pays de l’oubli. Je caresse mes rêves. Réveillée ou rêvée Je ne sais pas comment un petit prince tomba de ma fenêtre.
« Salut étrangère. Tu as le temps pour un thé ? » un sommeil d’hiver part après un baiser. Mes lèvres fleurissent, mes bras chantant, berceuse du printemps.
J’ai un oiseau sur mon bras. Je le libère de sa cage. Il part sans courage. Mon petit prince lui donne un rêve : « D’être sans maison, un aventurier »
Mon petit prince vole après l’oiseau. Il s’éloigne et disparait dans le bleu loin de désert. Le bleu de la mosquée d’Ispahan garde son odeur dans tous ses coins.
Ma mère me met un rouge à lèvre. Elle brosse mes cheveux . Elle caresse mon cœur, me donnant deux ailes de boite antique « qui étaient confidents des secrets des femmes de ta famille. Ce sont à toi. Trouve ton amour. aime. sois aimée. sache notre secret : Un pays de paix »
Je vole doucement. Le bleu du ciel change vers le vert quand petit prince par surprise m’embrasse. Je figure la vue sur notre maison : ma mère avait des larmes. ma sœur fixait son regard à ce soudain départ. Mon père bougeait la main: - « Au revoir ma fille. Quoi qu’il t’arrive on est là pour toi » - « là ? » - « ici ici ii i en bas. »
Ahhhh voler voler voyage au ciel comme une morte calme ou le rêve d’une courte sieste. J’ai toujours deux ailes, l’héritage de ma mère et ma grand-mère, des femmes du soleil.
Imprimé à Arles Novembre 2012