DAMBADARJAA, UN QUARTIER DES MÉTIERS ULAANBAATAR MONGOLIE
5ème Atelier International d’Architecture et d’Urbanisme franco mongol Ulaanbaatar, Mongolie. Soutenu par un partenariat entre l’École Nationale Supérieur d’Architecture de Paris La Villette, l’Apur (Atelier Parisien d’Urbanisme), l’Institut d’Urbanisme Mongol et la Municipalité d’Ulaanbaatar.
Enseignants Christiane Blancot, Olivier Boucheron et Camille Rouaud. Intervenants Gilles Clément, Maria Anita Palumbo
Deuxième année de Master ENSPLV Salomé Curriez et Matar Lo
Introduction
Chapitre I
Aperçu d’une ville multiple.
De la ville mobile à la ville fixée. Les quartier d’enclos et leurs devenirs. Aperçu de l’agriculture et de l’élevage mongol.
Chapitre II
Damba, un vrai lieu dans Ulaanbaatar.
Chapitre III
Habiter à Damba, l’enclos comme extension de l’habitat.
Ger, baising, khasaa. Yourte, maison en dur, enclos. Familles élargies, enclos partagés, enclos traversés.
Chapitre IV
L’abondance de l’eau.
De l’eau contenue, de l’eau stagnante, de l’eau ruisselante. Habiter un sol humide.
Chapitre V
Artisanat et agriculture, la singularité de Damba.
L’agriculture vivrière et l’élevage. L’art et l’artisanat.
Chapitre VI
Le devenir de Damba, un quartier des métiers.
Le temple bouddhiste DambadarjaaHiid, l’origine de Damba. La révolution démocratique : le développement de Damba. Un quartier qui s’aménage progressivement.
Bibliographie
Introduction
Ce projet s’inscrit dans le cadre du cinquième l’Atelier International d’Architecture et d’Urbanisme franco mongol, soutenu par un partenariat entre l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris La Villette, l’Apur (Atelier Parisien d’Urbanisme), l’Institut d’Urbanisme Mongol et la Municipalité d’Ulaanbaatar. La démarche de cet atelier, d’une durée de deux semaines, consiste en un travail de terrain fouillé et détaillé permettant de comprendre à la fois l’organisation spatiale des quartiers, leur histoire et les usages et pratiques des habitants. Les relevés habités ainsi que des entretiens effectués avec les habitants - grâce à l’aide précieuse de deux étudiantes traductrices mongoles, Amarzaya Dariijav et Orgilmaa Sukhbat et d’un étudiant à l’école d’architecture d’Ulaanbaatar, Dorjrinchin Bayarkhuu - sont la méthode pour appréhender le terrain. Cette année, «la nature dans la ville» était le fil rouge du travail de terrain. Il s’agissait de comprendre le rapport des mongols à la nature et la place de celle-ci dans la ville et d’appréhender les ressources du territoire.
La Mongolie est un vaste territoire de plus 1 000 000 de km2 que compte 2,8 millions d’habitants soit 5% de la population française. Plus de la moitié des mongols vivent aujourd’hui dans la capitale Ulaanbaatar. Ce pays a été tiraillé par l’influence de la culture chinoise dans un premier temps, puis soviétique au XXème siècle avant de retrouver son autonomie dans les années 1990. Ces influences ont profondément transformé la capitale, qui garde actuellement les traces de ces dominations. Aujourd’hui, les formes urbaines occidentales de la modernité transforment la ville par de grands projets d’aménagements qui tendent à détruire les quartiers d’enclos, tissu non planifié et singulier de la capitale. Dambadarjaa, le terrain que nous avons étudié, est un quartier d’enclos situé dans la vallée de la Selbe au nord d’Ulaanbaatar, où yourtes et maisons auto-construites cohabitent dans les limites de l’enclos, unité de vie domestique. L’appelation Dambadarjaa provient de la présence du temple bouddhiste DambadarjaaHiid , fondé en 1761. Si quelques constructions sont implantés proches du temple depuis sa création, le développement de Damba apparaît avec la révolution démocratique dans les années 1990.
Chapitre I Aperçu d’une ville multiple.
De la ville mobile à la ville fixée Originellement, le peuple Mongol est un peuple nomade qui se déplace aux rythmes de saisons, de l’élevage et de la terre. Ce nomadisme a induit une architecture mouvante : celle de la yourte, habitat circulaire qui se monte et se démonte en quelques heures. L’habitat traditionnel mongol, encore présent à Ulaanbaatar, est intimement lié au déplacement perpétuel du peuple mongol, dépendant de la transhumance du bétail. Le nomadisme possède des «moments sédentaires», pendant lesquels un campement se crée en cercle, organisé autour de la yourte du chef. L’origine d’Ulaanbaatar provient d’un «moment sédentaire». La future ville d’Ulaanbaatar s’est déplacée une vingtaine de fois au cours du XVIIIème siècle. Organisée en «grand cercle» autour d’un temple nomade en l’honneur de Zanabazar, elle s’est fixée en 1778 dans la vallée de la rivière Tuul, au pied de la montagne sacrée Bogd Khan Uul, à l’emplacement actuel de la capitale, sous le nom d’Ourga. La ville d’Ourga est organisée en «grand cercle», atour de temples et d’administrations. Si une partie de la ville devient progressivement sédentaire, la ville croît et décroît aux rythmes des saisons. Les marchés, situés en périphérie du «grand cercle», sont des noyaux d’accroches temporaires de population à la ville, qui arrive et repart au rythme du bétail. La ville d’Ourga est une ville fixé, mais son architecture reste celle d’une la vi(ll)e nomade. La yourte se fixe et l’enclos qui la ceinture est créé. Dans les années 1920, l’influence soviétique entraine une profonde modification de la ville. La ville est redessinée et planifiée selon le modèle soviétique. L’époque soviétique a figé Ulaanbaatar dans une forme héritée du mouvement moderne occidental. A partir des années 1940, une série de grands projets d’urbanisme sont proposés : ensembles de logements collectifs, équipements publics et administratifs. Certains sont réalisés, d’autres en partie, d’autres enfin sont abandonnés. On observe également la réalisation de lotissements par le gouvernement, destinés à accueillir des yourtes en enclos. Le quartier d’Amgalan par exemple, temoigne de cette planification de quartiers d’enclos. La ville moderne soviétique a repoussé en périphérie l’habitat traditionnel mongol et les pratiques associées. La révolution démocratique en 1991, marquée par une entrée dans l’économie de marché, provoque un retour à l’enclos et aux pratiques liées à la terre. Associées à une forte exode rurale, les migrations internes à la ville provoquent le rapidement développement de quartiers d’enclos en périphérie de la ville ou dans les espaces libres, en marge. Damba est un exemple de ces quartiers d’enclos qui se sont rapidement développés dans les années 1990.
1911 Ourga, « ville de feutre», est organisée en grand cercle autour des temples.
1974 Le centre d’Ulaanbaatar est dessiné et planifié selon le modèle soviétique. La ville s’étend, les quartier d’enclos se développent en périphérie.
1990 L’exode rurale et les migrations internes à la ville provoquent une forte croissance démographique, brouillant les limites de la ville.
Les quartiers d’enclos et leurs devenirs. Les quartiers d’enclos sont des quartiers généralement non planifiés qui se développent en périphérie d’Ulaanbaatar entre steppe et ville en dur. Au centre dense où se sont accumulés les immeubles de logements collectifs de l’époque socialiste et où se construisent aujourd’hui des tours de logements, s’opposent les quartiers d’enclos où la maison individuelle auto-construite et la yourte sont les types d’habitats. Ces quartiers s’insèrent dans les plis des montagnes, gravissent les collines et se disséminent progressivement dans la steppe alentour. Aujourd’hui, ces quartiers sont perçus par les autorités comme des quartiers à éradiquer, souvent justifié par la forte pollution des yourtes, dûe au chauffage au charbon en hiver, dans un pays où les températures atteignent -35 degrés. Ainsi, les quartiers d’enclos sont menacés par de grands projets d’aménagements, visant à reloger les habitants dans des logements collectifs, souvent à l’initiative de promoteurs privés. Ces projets constituent une forme de «tabula rasa» qui ignore les quartiers d’enclos et les pratiques qui lui sont associés. Un terrain étudié cette année, le 23e khoroo du district de Bayanzurkh est menacé par un master plan catastrophique qui rase l’ensemble de l’habitat individuel et détruisant les pratiques liées à la terre dans le quartier.
Au second plan, des tours de logements d’une opération immobilière récente.
Aperçu de l’élevage et de l’agriculture mongols. Le territoire mongol est principalement constitué de vastes steppes désertiques. Le pastoralisme, mode d’élevage extensif pratiqué par le peuple mongol, est la principale activité économique des habitants de la Mongolie depuis deux millénaires. Ce type d’élevage nomade et extensif est une adaptation à la fragilité et l’instabilité de l’environnement. Historiquement la production agricole est orientée vers un élevage extensif de bovin, ovin, caprin, de chevaux et de chameaux sur un territoire de plus de 1.5 millions de km², soit un peu moins de trois fois la taille du territoire français. Dans la représentation d’Ourga de 1912, on peut voir la présence de culture dans les enclos du quartier chinois à l’ouest de la ville. Les chinois seraient à l’origine des premières pratiques d’agriculture maraîchère et vivrière en Mongolie. A l’ère communiste, le secteur de l’élevage est soumis à la politique de la collectivisation. Chaque district, appelé Sum en mongol, correspondait à une unité d’exploitation collective. Les centres des sums étaient dotés d’une école, de services médicaux, de commerces et autres équipements. Ainsi ils servaient de centre administratif. L’élevage est collectivisé dans les années 1950. Dix ans après, toutes les familles sont intégrées dans des collectifs d’éleveurs. Les animaux étaient alors divisés suivant leurs sexes, tailles et âges et chaque famille s’occupait d’une catégorie d’animaux. Le travail des familles était déterminé par la fixation d’objectifs établis par l’état socialiste. En échange elles percevaient un salaire qui leur permettaient d’accéder à des soins médicaux, aux produits commerciaux et à une retraite. Jusqu’au début des années 1990, le gouvernement possédait plus de 96% du cheptel total. En 1991, la Mongolie entre dans une nouvelle ère avec la chute du régime socialiste et l’entrée dans une économie de marché. Les sums et le fermes d’état disparaissent. La pratique de l’élevage mongol subi une nouvelle transformation. Les familles gèrent individuellement la production et la vente des produits. Le retour à l‘habitat individuel est accompagné d’un renouvellement de la culture de la terre et du sol.
Gachuurt Au premier plan, l’ancienne laiterie d’état de Gachuurt
Chapitre II Damba, un vrai lieu dans Ulaanbaatar.
Le temple bouddhiste DambadarjaaHiid L’origine de Damba.
Le temple de DambarjaaHiid est fondé en 1761. Il est alors l’un des trois grands monastères bouddhistes de Ulaanbaatar, avec les temples d’Amarbaysgalan et d’Endenezuue. Il accueille 1 600 lamas jusqu’à la fin du XIXe siècle. Son emplacement à la pointe sud de la montagne est symbolique et stratégique. Le temple se trouve à la rencontre des vallées de la rivière Selbe et de la rivière Selh, aujourd’hui en partie asséchée, au pied de la pointe de la montagne est de Damba. À l’ouest, la montagne Undurulaan, visible depuis le temple, est sacrée. À l’automne, l’apparition du brouillard qui descend de la montagne donne lieu à une cérémonie religieuse. En 1931, la purge des lamas entraine l’abandon du monastère et la destruction d’une grande partie des édifices. Pendant cette période, le lieu reste utilisé par les habitants qui viennent se recueillir sur cette terre restée sacrée malgré le rejet de la religion bouddhiste du gouvernement en place. Dans les années 1940, un hôpital militaire japonnais est construit dans l’enceinte du temple. Cet édifice est par la suite devenu un hôpital pour tuberculeux, puis une maison de retraite dans les années 1980. Ce bâtiment est aujourd’hui un lieu d’enseignement réservé aux jeunes lamas. En 1991, la révolution démocratique permet le retour des lamas dans le temple et la reconstruction de celui-ci. L’état participe aux financements de la reconstruction. Parallèlement, il offre des terrains situés face au temple à huit familles d’artistes et d’artisans. Ces derniers participent à la reconstruction du temple.
Photographie du temple. Date inconnue.
Le temple de DambarjaaHiid est aujourd’hui une point de repère à l’échelle de la ville et du quartier. L’importance symbolique de ce lieu religieux et son emplacement en font une centralité, autour duquel se trouvent des commerces, un restaurant et un arrêt de bus. C’est également un lieu de passage, qu’il est possible de traverser d’est en ouest.
La révolution démocratique : le développement de Damba De la steppe à la ville De l’immeuble soviétique à l’habitat individuel.
L’exode rurale massif que connaît Ulaanbaatar dans la seconde moitié du XXème siècle provoque une forte croissance de la ville, d’est en ouest et dans les plis des massifs montagneux au nord. À ces mouvements s’ajoutent des migrations internes à Ulaanbataar. Les habitants des logements collectifs soviétiques se déplacent vers des quartiers périphériques, pour y vivre en yourtes ou dans des maisons individuelles. Ce phénomène participe à son étalement et brouille ainsi les limites de la ville. Au centre dense, hérité de l’époque socialiste, s’oppose l’immensité de la steppe. L’entre-deux est celui des quartiers d’enclos. La vallée de la Selbe est progressivement absorbée par la ville non planifiée. Damba marque la limite administrative de la ville. Plus au nord dans la vallée, le tissu urbain est plus lache et des quartiers de maisons d’été sont présents.
1985
2000
1990
2005
Évolution des espaces bâtis dans la vallée de la Selbe.
1995
2016
Avant les années 1990, la vallée de la Selbe et Damba sont des terres d’éleveurs où les habitats sont établis de manière éparses dans la vallée, autours desquels gravite le bétail. Le sud de Dambarjaa accueille de nouveaux habitants à partir de 1980 : logements collectifs, yourtes et maisons particulières cohabitent aux abords du temple. À la révolution démocratique, de nombreux habitants viennent s’installer dans la vallée de la Selbe. Dans un premier temps, la proche périphérie d’Ulaanbaatar est investie, puis, contrainte à la topographie, la ville s’étend vers le nord, dans l’étroite vallée de la Selbe. Depuis les années 2000, Damba est un quartier résidentiel attractif où les services se multiplient. Damba accueille également quelques maisons de villégiature et des maisons d’étés, occupées temporairement.
«En 1989, je suis arrivé avec une vache et un cheval. Aujourd’hui, nous n’avons plus le droit d’avoir d’animaux.» Batmurk «Lorsque nous sommes arrivés, la vue était dégagée jusqu’à la Selbe. Nos enfants allaient s’y baigner.» Mugii
2012
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Déplacement de quelques habitants de Damba.
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Quelques habitations sont établies autours du temple. Quelques éleveurs sont présents dans la partie nord de Damba.
1980
De nouveaux habitants s’installent dans la partie sud de Damba, face au temple. Des logements collectifs militaires (1986) et des logements collectifs d’employé d’une lainerie (1990) sont créés. À la suite de la révolution démocratique, huit familles d’artistes et des artisans viennent s’installer près du temple afin de participer à sa reconstruction, grâce au financement de l’état.
1990
De nombreux habitants s’installent à Damba dans les années 1990. Le développement de Damba semble être planifié, le tracé des enclos est régulier. Une première école est crée en 1997, au abord du khoroo.
1995 2000
Le quartier s’aménage progressivement, de nouvelles écoles sont créées, un hôpital et une caserne de pompier. Les digues de la Selbe sont créées en 2001, la route principale est bétonnée en 2004, et une canalisation permet l’écoulement partielle de l’eau depuis la montagne.
2005
Des habitants s’installent dans la partie nord de Damba, proche de la Selbe, jusqu’ici inhabitée.
2016
Quelques informations générales
Situation de Damba dans Ulaanbaatar et dans la vallée de la selbe. En jaune, le temple.
DISTRICT SUKHBATOR
1 800 FAMILLES
191 HECTARES
6 700 HABITANTS
KHOROO 17 DAMBARJAA
2100 1900 Selbe
Selh
1700 1500 1300 1100
Rue principale en terre battue
Lit de la Selbe Digues de 2000
Un quartier qui s’aménage progressivement. Damba semble avoir été loti. Les enclos, de tailles similaires, environ 500m2, sont alignés le long de rues en terre battue, perpendiculairement à la Selbe. Proche de la rive, ils sont aggroupés, ils changes de formes, de tailles, d’organisation. Une rue en terre battue, large d’environ 10 mètres, traverse le quartier du nord au sud, parrallèlement à la Selbe. Des commerces, des kiosques à eau et à charbon sont disposés le long de cette rue, la plus passante du quartier. Au pied de la montagne, un rue en asphalte est un axe majeur pour aller au nord d’Ulaanbataar. De l’autre côté de cette rue, des activités se sont développées récemment, des stations services, des commerces, le khoroo, des écoles... Le transport en commun en direction d’Ulaanbataar passe par cette rue, ponctuée d’arrêts de bus. Le quartier possède des services basiques. Il comporte trois écoles maternelles et une école primaire, regroupées autour du khoroo. Il comporte huits kiosques à eau, trois bâtiments de douches et bains publics, une caserne de pompier et un hôpital. Tous les habitants possèdent l’éléctricité mais la majorité des habitants ne possède ni eau courante, ni système d’évacuation des eaux usées. Seulement une partie de la zone sud de Damba, située face au temple, possède un réseau d’eau courante et d’évacuation des eaux usées. Mis en place en 2008, ce projet d’aménagement fait parti d’un «projet test» financé par la municipalité d’Ulaanbaatar sur trois différents sites à Ulaanbaatar, dont Damba. Depuis 2016, un projet de la Banque de Développement Asiatique vise à étendre le réseau d’eau courante et d’évacuation des eaux usées à l’ensemble de la zone sud de Damba en la raccordant au réseau d’Ulaanbaatar. À l’echelle du quartier, différents aménagements urbains ont été mis en place, en majorité liés à la présence de l’eau dans le quartier. En 2000, les digues en béton sont créées de part et d’autre de la Selbe afin de prévenir le risque d’inondation, pourtant faible selon nos interlocuteurs du khoroo. En 2011, une canalisation en béton est réalisée, permettant le drainage de l’eau vers la Selbe depuis les ravines du côteau ouest de la montagne. D’autres installations de contrôle de l’eau plus ponctuelles sont observables à Damba : drains enterrés, canalisations...
Axe majeur vers Ulaanbaatar
Temple
Kiosque à eau
Bains publics
Écoles
Aires de jeux
Activités Entreprises
Arrêt de bus
Commerces
Carte des services et activités à Damba
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200
Digues de 2000 Lit de la Selbe
Carte des circulations et centralitĂŠs Ă Damba
50
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200
Ecole primaire Axe majeur vers Ulaanbaatar
Chapitre III Habiter à Damba, l’enclos comme extension de l’habitat.
Ger, baising, khasaa. Yourte, maison en dur, enclos. L’habitat traditionnel mongol est la yourte, «ger» en mongol. Habitat de la vie nomade, la yourte se monte et se démonte en quelques heures. Circulaire, elle est organisée entre ciel et terre et entre nord et sud. L’entrée se fait au sud. De part et d’autre de l’entrée se trouve des rangements et des objets de cuisine. On trouve généralement un robinet sur la gauche, entonnoir par lequel on verse de l’eau. Au nord, face à l’entrée se trouvent les objets honorifiques. À l’ouest, un lit permet d’acceuillir les invités. Il peut être occupé quotidiennement par des membres de la famille. À l’est, se trouve le lit conjugal. Le foyer, généralement un poêle à charbon, est au centre. Il est interdit de circuler entre les mats du tonoo, espace par lequel circulent les esprits. La sédentarisation du peuple mongol a induit une nouvelle forme d’habitat en dur. Les maisons sont auto-construites. Majoritairement en bois et terre, elles sont de plus en plus construites en matériaux de maçonnerie comme la brique ou le parpaing. Les maisons sont généralement de petites tailles, rectangulaires avec le plus grand linéaire de façade orienté au sud. L’entrée se fait généralement au sud, dans la pièce principale servant de cuisine, séjour et pièce de réception pour les visiteurs. Le foyer se trouve généralement dans l’angle nord-est de la maison. Parfois la maison ne se compose que d’une seule pièce. 1 Dans la steppe, la yourte est un centre autour duquel les activités se développent, sans limite physique. En ville, la yourte se fixe et l’enclos qui la ceinture est créé, délimitant l’espace de vie domestique. Khasaa, en mongol, définit à la fois l’espace de l’enclos et la palissade qui le délimite. L’apparition de la khasaa résulte de l’établissement de villes et de la proximité entre les habitants, induisant un autre rapport à l’espace privé. À Ulaanbataar, les tailles moyennes des enclos est de 700m2. Jusqu’en 2016, la municipalité permettait à chacun de s’installer dans les espaces disponibles et de définir un enclos d’une taille maximum de 700m2. L’habitat mongol ne se résume pas à l’espace intérieur de la yourte ou de la maison en dur mais se prolonge sur l’extérieur, dans les limites de l’enclos. En raison de la petite taille de l’espace intérieur, les toilettes, débarras, rangements et stockages se trouvent dispersés dans l’enclos.
1 Cette description s’appuie sur les observations réalisée dans le quartier de Dambarjaa ainsi que sur l’article de Marois, Alexandra, D’un habitat mobile à un habitat fixe. 2009.
Récurrences et similitudes dans l’organisation de l’enclos. 1 L’entrée dans l’enclos. L’entrée dans l’enclos se fait sur la rue, le plus souvent au sud lorsque cela est possible. Elle se fait par un portail souvent métallique permettant l’accès de voitures dans l’enclos. Parfois, une petite porte est ajoutée.
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7 Le potager et les matériaux
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2 L’habitat en dur.
3 L’entrée et le débarra
Les maisons se trouvent généralement au nord de l’enclos, adossées à la palissade et orienté au sud. Les maisons sont souvent construites en structures bois et remplissage terre ou en briques de terre cuites. Les toitures sont principalement en tôles métalliques.
L’entrée dans la maison se fait généralement au sud et donne directement dans la pièce principale, faisant office de cuisine, séjour et salle de réception pour les invités. Parfois, une petite extention prend le rôle d’entrée, servant également de débarras ou garde manger.
4 La yourte : habitat circulaire démontable La yourte peut être l’habitat principal. Parfois elle n’est utilisée qu’en hiver, offrant une meilleure isolation que la maison. Elle est alors démontée en été. La yourte est déplacée dans l’enclos et n’a pas forcément une place fixe.
L’enclos sert également pour entreposer des matériaux qui servent à la construction et l’extention des habitats. Certains habitants cultivent également des légumes sur des petites parcelles de terre ou dans des serres.
5 Les toilettes Les toilettes se situent aux bordures de l’enclos, dans une petite cabane en bois. Il s’agit généralement d’un trou dans le sol au dessus d’une fosse. 6 Le stockage Une cabane en bois fait office de stockage de matériaux, garde manger, entrepôts de éléments de la yourte...
Scénari d’évolution des enclos au cours des années. Scénario 1
Scénario 2
Enclos de grande taille
Enclos de grande taille
Densification par division
Densification par
de l’enclos
groupement familial
Scénario 3
Scénario 4
Enclos de petite taille
Enclos de petite taille
La yourte comme habitat
De la yourte à la maison
principal
Enclos de Batmurk Batmunkh est retraité. Lorsqu’il a pris sa retraite, il a cédé sa maison à ses enfants et est venu s’installer à Damba, dans une yourte. Il vivait et travaillait à Gandam. C’est en 1989 qu’il arrive dans le khoroo avec une vache et un cheval. A cette époque, il y avait peu de maisons et plusieurs éleveurs, ainsi que des habitants avec quelques animaux. Aujourd’hui, la mairie interdit aux habitants de posséder des animaux, car il n’y a plus assez de place. La seconde maison est celle de son fils, partit il y a dix ans vivre au Etat Unis. Il a remplacé sa yourte par sa maison il y a 10 ans. Il souhaite rénover le toit de la maison de son fils avec les tôles et des éléments de la carcasse de la voiture. Batmunkh est membre de l’association Adra, qui lui a fourni des graines et des outils. Il cultive une grande variété de légumes : courgettes, choux, carottes, salades, pomme de terre… Batmunkh en donne à ses voisins ou à ses enfants. Aujourd’hui, il souhaite créer un stock pour conserver des légumes. Batmunkh possède un puit. Il pompe l’eau à 35m sous le sol. Il utilise cette eau pour l’entretien de son jardin, la cuisine, boire, car l’eau est potable… 1 Maison de Batmurk 2 Poêle et mur de masse 3 Entrée et débarra 4 Parcelle de terre cultivée (choux essentiellement) 5 Cabane de stockage 6 Poullailler, niche du chien. 7 Citernes 8 Potager (courges, pomme de terres, chaux, carottes, herbes) 9 Puits 10 Ancien puits 11 Maison de son fils, parti vivre aux Etat Unis 12 Matériaux entreposés
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« Je puise l’eau à 35m sous le sol. »
Enclos de Baddigarig
Baddigarig est arrivée à Damba avec sa famille il y a quatre ans, elle est aujourd’hui propriétaire du terrain. Elle vivait avant dans la province de Zavhan, à l’ouest d’Ulaanbaatar. Baddigarig a 71 ans et vit dans sa yourte avec sa petite fille de 25 ans, qui travaille à Ulaanbaatar. Sa fille et son mari vivent dans la yourte à côté. Baddigarig confectionne des chaussures et des chaussons en laine qu’elle vend à son entourage.
1 Yourte de Baddigarig et sa petite fille 2 Yourte de la fille de Baddigarig et son mari 3 Fils à linge 4 Entrée de la yourte, utilisée ici comme débarra. 5 Fosse 6 Toilettes 7 Cabane de stockage 8 Stockage alimentaire 9 Rigole creusée autour de la yourte pour contrôler l’eau 10 Antenne parabolique 11 Bois entreposé
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«Nous utilisons 30 litres d’eau pour deux jours, pour deux personnes.»
Enclos de Muugii Muugii et sa femme sont arrivé à Damba il y a 30 ans. Le couple semble nostalgique de cette époque. Ils nous explique qu’il y avait très peu d’habitants et que les terrains étaient occupés principalement par des éleveurs. C’est la proximité avec Ulaanbaatar et le cadre agrèable de Damba qui les a attiré. Quand leurs enfants étaient jeunes, Ils allaient se baigner dans la Selbe, qui était visible depuis l’enclos. Depuis quelques années, leurs enfants sont partis «vivre en ville», à Ulaanbataar. Ils y travaillent depuis quelques années. À l’emplacement de la yourte des enfants, le couple cultive des pommes de terre et d’autres légumes dans cette parcelle de forme circulaire. A l’entrée de l’enclos, une installation étrange nous interpelle. Muugii et sa femme chauffe des bouteilles d’eau dans des pneus. Grâce à la chaleur du soleil, ils obtiennent de l’eau tiède pour les plantes, car les plantes n’aime pas l’eau froide, nous expliquent-t-il. «Nous aimons la nature et la considérons comme un être à part entière. Nous voulons à terme arriver à une forme d’autonomie. Ainsi, produire par nous même nos besoin en nourriture et fabriquer des objets avec les pièces détachées récupérés au marché noir»
Enclos de Nergii et son frère Nergii est menuisier-charpentier. Jusqu’en 2006, il vivait dans le centre d’Ulaanbataar, mais son entreprise de menuiserie a du fermer et il a décider de venir s’installer ici avec son frère. A son arrivée, la zone est bien moins habitée ce qui lui permet de rester trois ans sans délimiter d’enclos. Sa yourte est simplement posée sur le sol. Lorsque nous arrivons devant l’enclos de Nergii, lui et son frère sont en train d’emplir leur enclos de gravats, devant le portail d’entrée, afin de garer leur voiture. De la même façon, leur yourte et les quelques cabanes situées dans l’enclos sont mises hors sol, surélevée par des gravats. Le terrain est trop humide, il faut se surélever. Dans le fond de l’enclos, un percement dans la clôture ouvre sur un immense terrain, inutilisée et très vert. En marchant quelques pas on se rend vite compte de l’état humide du sol. D’ailleurs, les deux frères nous explique que la petite maison, juste derrière leur enclos, a été abandonnée il y a quelques années car l’instabilité du terrain humide a fini par la cassée. Des poutres en bois sont déposées dans l’enclos. Elles lui permettront de construire une serre, l’année prochaine.
Familles élargies, enclos partagés, enclos traversés. Il est fréquent que plusieurs générations de la même famille partagent des enclos et parfois même l’habitat. Il n’est pas rare que plus de quatres personnes de la même famille vivent dans une yourte. Nous avons également observé certains enclos regroupant plusieurs familles. Il existe également des sortes de «droits de passage» dans des enclos afin de facilité l’accès à certains enclos. Un habitant peut traverser l’enclos de son voisin pour accéder au sien.
Le «droit de passage» dans les enclos voisins
Enfin, les anciens logements collectifs militaire et d’employés d’une lainerie, situé au sud du quartier, sont des exemples de logements partagés. Bien qu’aujourd’hui, la majorité des logements soient privatisés et les enclos délimités, certaines familles cohabitent dans des enclos et bâtiments communs.
Hypothèse 1990
2016
Évolution des logements collectifs, entre partage et privatisation des enclos.
Enclos de Songinorhairkhan Songinorhairkhan est arrivé à Damba en 1998 avec sa femme. Ils s’installent dans l’enclos avec un yourte. Songinorhairkhan est chauffeur de taxi. En 2007, il construit sa maison en briques et trois ans plus tard, il construit un deuxième maison, plus petite, pour la mère de sa femme. Leur fille vit dans une yourte, dans l’enclos. La même année, une autre famille s’installe dans l’enclos. Chaque famille a son entrée personnelle. Songinorhairkhan collecte plusieurs objets et matériaux, comme du bois, pour améliorer sa maison. La famille possède une serre sous laquelle ils cultivent des tomates et des concombres. Un peu plus loin, un carré de terre permet de cultiver des pommes de terre. Maison de Songinorhairkhan et sa femme Maison de la grand mère
Autre famille
Yourte de leur fille
Chapitre IV L’abondance de l’eau
De l’eau contenue, de l’eau stagnante, de l’eau ruisselante. L’eau n’abonde pas à Ulaanbaatar. Pourtant, en septembre 2016, l’eau stagne dans les rue de Damba. La fonte des neiges du printemps de la même année a laissé sa trace. La Selbe n’est que filets d’eau. Les digues ont été créées «en prévision», nous a expliqué une femme du Khoroo. Quelques aménagements ponctuels, réalisés par le khoroo, canalise l’écoulement de l’eau depuis la montagne pour la guider vers la Selbe. Quelques fois les habitants ont posé des briques au sol pour la traverser. Quelques fois, il faut l’enjamber ou la contourner. Parfois les pieds dans l’eau, il faut aller chercher quelques litres d’eau pour quelques jours dans l’un des kiosques à eau répartis dans le quartier. Lorsque nous rencontrons Baddigarig, âgée de 80 ans, elle sort de chez elle, traînant un bidon vide de 30 litres sur un chariot, direction le kiosque le plus proche, à environ 150 mètres.. À quelques mètres de son portail, il faut traverser une imposante flaque sur laquelle sont disposés quelque pierres et gravats pour faciliter, à priori, la traversée. Quelques mètres plus loin, l’eau est reprise par une canalisation en béton, qui traverse la rue principale du quartier. Le réseau d’eau courante et d’évacution des eaux usées est arrivé jusqu’au sud de Dambarjaa en 2008. Un projet de la Banque Asiatique de développement vise à étendre le réseau à l’ensemble de la zone sud du quartier d’ici à 2020. Selon Amgalan, architecte et professeur d’architecture à l’université d’Ulaanbaatar, les kiosques à eau situés dans cette zone ne vont pas devenir obsolètes. Les habitants continueront à utiliser les kiosques qui seront eux-même alimentés en eau par le réseau. Au nord de Dambarjaa, l’eau qui s’écoule de la montagne se déverse dans la vallée. Le sol est gorgé d’eau et les habitants luttent pour maintenir au sec leurs habitations. Certains ont quitté leurs enclos, laissés à l’abandon.
Carte de l’eau. De l’eau contenue, de l’eau stagnante, de l’eau ruisselante
Kiosques à eau
Bains publics
Sol humide
Projet d’extention du réseau d’eau d’ici à 2020 Réseau d’eau
Eau stagnante (septembre 2016)
50
100
200
3 . 3,5m
3 . 3,5m
Ancien kiosque à eau reconverti en commerce en 2005 puis laissé à l’abandon.
5 . 6m
5 . 5,5m Typologie des kiosques à eau
Dessin d’un habitant de Damba
1
1
2
2 3
3
4 Les traversées de l’eau, les traversées dans l’eau
4
Habiter en terrain humide Au nord de Dambarjaa, le sol est humide. L’eau en provenance de la montagne se déverse dans la vallée. Deux drains d’environ 1m50 sont installés pour permettre l’écoulement de l’eau sous la route principale. La taille de ces derniers laisse penser que le débit et la quantité de l’eau qui s’écoule depuis la ravine est importante. À la fin de l’été, le sol est gorgé d’eau et les habitants luttent pour garder au sec leurs habitats. En parcourant la zone, nous observons les désordres causés par l’humidité du sol et son instabilité. Les murs en maçonnerie sont fissurés, les toitures sont affaissées, l’enduit se craquèle... Les yourtes sont posées sur des amats de gravats, de briques ou de terre. Parfois, des enclos entiers sont recouverts de gravats. Des cheminements en briques ou en pierres sont aménagés depuis l’entrée de l’enclos jusqu’à l’habitat. Certains enclos sont vides. D’autres semblent laissés à l’abondon, les maisons sont fermées, l’herbe grasse et verte a poussé, les palissades sont tombées. Nous apprenons également que certaines maisons ne sont utilisées que l’été.
Enclos innocupé en septembre 2016.
Les drains
Enclos habités
Enclos innocupés
Enclos vides
Relevé «Habiter un sol humide» 10
20
50
Typologie des désordres
Enclos d’Amaraa et sa famille Amaraa est arrivé en 1996 avec sa femme, après avoir quitté leur appartement dans le centre d’Ulaanbaatar. Son père avait construit la maison un an avant leur arrivée. Pendant plus de dix ans, ils ont vécus ensemble dans la maison, qu’ils ont agrandi au fur et à mesure. L’année dernière, l’humidité du terrain les a obligé à quitter la maison. L’eau est remontée par le sol et s’est introduite dans la maison. La partie la plus ancienne de la maison est désormais invivable. La famille vie actuellement dans une yourte louée. Pendant l’été, le père d’Amaraa vit dans une partie de la maison. La famille avait entamé une extension de la maison il y a quelques années, mais ont dû abandonner le projet en raison de l’humidité du terrain.
Partie de la maison inhabitable car l’eau est remontée par le sol.
Yourte louée
«Nous avons dû louer une yourte car l’eau s’infilrait par le sol dans la maison.»
Chapitre V Artisanat et agriculture, la singularitĂŠ de Damba.
L’agriculture vivrière et l’élevage à Damba.
À Damba, l’agriculture est présente sous différents aspects. En se promenant dans les rues, il n’est pas rare de croiser vaches, moutons ou chevaux broutant l’herbe qui poussent aux abord des khasaas ou dans les canalisations qui drainent l’eau déversée par les montagnes. Le matin en descencendant du bus à l’arret se trouvant en face du khoroo, on peut voir certaines vaches qui s’incorporent dans la circulation de cet axe majeur. Dans le quartier nous avons repéré cinq fermes qui se trouvent majoritairement dans la zone nord. L’une d’entre elle est une exploitation relativement importante avec une dixaine de vaches et de l’agriculture sous serre. À l’échelle individuelle, l’enclos est l’espace de la culture vivrière et de plantations diverses : un argousier planté l’année de l’arrivée de Tuya et sa famille à Damba, une ligne de comos plantée le long de la palissade, des peupliers pour atténuer les risques d’innondations... La culture vivrière est une pratique récurrente dans les enclos de Damba, permettant de produire ses propres légumes pour tendre vers une autonomie alimentaire. Les habitants cultivent généralement des légumes pour eux même et leurs proches. Les potagers peuvent être à ciel ouvert ou sous serre pour résister aux hivers longs et rudes du pays. Batmurk nous explique que certaines années, sa récolte est trop abondante et qu’il distribue des légumes à ses voisins et à sa famille. Un programme d’aide à la production vivrière est mis en place par une agence de développement canadienne. ADRA est une agence de développement internationale implanter dans le quartier de Damba depuis 2005. Elle accompagnes les habitants qui souhaitent cultiver dans leur enclos en fournissant des outils et des graines. Batmunk est membre de la structure ADRA et prépare la réalisation d’une serre et d’un espace de stockage alimentaire. Nous avons pu constater une grande connaissance du monde végétale chez les habitants de part leur manière d’apprivoiser la nature dans l’enclos. De la semence jusqu’à l’entretien du potager rien n’est laisser aux hasard et l’attention portée aux plantes ne disparait à aucune étape.
Les vaches déambulent dans les rues de Damba, parfois elles vont tondre l’herbe de l’enclos voisin, avec l’accord du propriétaire.
Les chevaux comme moyen de dĂŠplacement.
L’art et l’artisanat.
Historiquement, la présence d’artisans à Damba provient de la existence du temple DambarjaHiid. En effet, à la fin des années 1980, l’état offre des terrains à des familles d’artistes et d’artisans pour participer à la reconstruction du temple. Erdenebileg, artiste peintre, nous raconte son arrivée à Damba, en 1989, pour la reconstruction du temple. L’état a offert ces terrains, face au temple à huits familles d’artisans. Erdenebileg et son père, sculpteur sur métal, ont réalisé les stuppas d’un bâtiment du temple. Les voisins d’Erdenebileg sont également sculpteurs et donnaient il y a quelques années, des cours particuliers de dessins dans leur atelier. Aujourd’hui, il ne reste que cinq artistes à Damba, chacun dans leurs maisons construites par eux même, grâce à une aide de l’état. Face au temple, à quelques mètres de la maison d’Erdenebileg, se trouve une entreprise de textile, qui produit des vêtements en laine et cachemire. Située dans deux anciens bâtiments de logements collectifs d’une ancienne usine d’état de lainerie, cette entreprise a été créée il y a quelques années par une ancienne employé de la lainerie. Un peu plus au nord, nous avons rencontré Baddigarig qui confectionne des chaussons en laine pour sa famille et ses amis. Un peu plus loin encore, un habitant expose dans son enclos les sculptures en bronze d’un ami sculpteur. Nous avons également rencontré Nergii, menuisier charpentier qui a quitté son travail à Ulaanbaatar pour venir s’installer à Damba. Enfin, de manière plus générale, l’auto-construction dans le quartier témoigne du savoir faire des habitants en matière de construction. Il n’est pas rare d’y voir des objets ou des constructions surprenantes, témoin de la créativité et du savoir faire des habitants de Damba.
Un sculpteur sur bronze expose ses oeuvres dans l’enclos d’un habitant de Damba.
Certaines khasaas sont décorées avec des pièces métalliques.
Les vêtements en laine confectionnés par la petite entreprise de textile.
Une extention d’un conteneur en métal.
Chapitre V Le devenir de Damba, un quartier des mĂŠtiers.
Damba est un véritable lieu à l’échelle de la ville. D’une part, l’importance symbolique et historique du temple bouddhiste en fait un repère dans Ulaanbaatar, d’autre part, le quartier attire les habitants qui viennent chercher de l’espace et “un air plus pur” proche du centre ville. Les aménagements et équipements urbains dans le quartier, à l’initiative de la ville et du khoroo, accompagnent l’établissement de population. Les services basiques se sont progressivement mis en place, ainsi que des aménagements pour gérer l’écoulement de l’eau depuis la montagne. La ville semble porter un intérêt particulier au quartier en établissant, par exemple, un réseau d’évacuation des eaux usées et un réseau d’eau potable aux abords du temple. Cette intervention a fait parti d’un “projet test” réalisé dans trois sites à Ulaanbaatar. Damba attire les habitants et bien que le quartier ne soit actuellement pas menacé par de grands projets immobiliers, tout les quartiers d’enclos peuvent disparaître sous le poids de la promotion immobilière. Si le temple semble être un frein à la “tabula rasa”, les opérations immobilières se déroulant au pied de la montagne sacrée Bodg Khan Uul témoignent de l’ampleur de ces grands projets urbains qui détruisent aussi les lieux sacrés. L’observation de nombreuses pratiques liées à l’agriculture et à l’artisanat renforce la singularité de Damba, conservant des usages historiquement présents dans la vallée. Terres d’éleveurs avant l’expansion d’Ulaanbaatar, Damba a conservé quelques éleveurs, malgré les restrictions imposées par le khoroo sur la possession d’animaux dans le quartier. La présence de l’eau a permis le développement de la culture vivrière à l’échelle de l’enclos, encouragée par la présence de la structure Adra, qui assiste et accompagne les habitants pour la production vivrière. De la même facon, quelques artisans se sont installés à Damba. Cinq familles d’artisans sont toujours présents au sud du quartier depuis la reconstruction du temple, une petite entreprise de textile s’est implantée après la révolution démocratique et quelques habitants pratiquent des métiers manuels ou confectionnent des objets artisanaux. La pratique de l’auto-construction est également présente dans le quartier, comme dans la plupart des quartiers d’enclos, avec des réalisations parfois surprenantes, soucieuses de la nature et de l’environnement, comme l’exemple d’une maison écologique à chauffe eau solaire et murs trombes.
Enfin, l’abondance de l’eau à Damba permet la présence d’agriculture mais cause parfois des désordres à l’échelle du quartier et de l’habitat. Dans les rues, l’eau en provenance de la montagne est parfois reprise pas des aménagements à l’initiative du khoroo. La plupart du temps, l’eau stagne dans les rues ou dans les prairies humides situées au nord, où les habitants luttent pour conserver leurs habitats au sec.
Nous proposons ainsi d’assoir le quartier d’enclos de Damba en favorisant la production locale et en apportant des équipements et des aménagements à l’échelle du quartier. Nous envisageons de poursuivre les aménagements mis en place pour l’écoulement de l’eau depuis la montagne. Deux traversées transversales depuis la montagne jusqu’à la Selbe seront aménagées pour canaliser l’eau. Ces canalisations, autours desquels la végétation pourra se développée seront de nouvelles traversées; ponctuées d’équipements pour le quartier : arrêt de bus et commerces, sur la route principale, kiosques et abris dans le quartier et bains publics sur la Selbe. Dans le même temps, nous pensons déplacer les habitants du terrain humide dont les habitats sont sinistrés ou abîmés, sur un terrain plus sec, proche de la route. Nous proposons un habitat semi-collectifs en enclos partagés, permettant l’établissement de commerces et d’ateliers d’artisans le long de la route. Ces habitats seront pensés en utilisant les ressources naturelles : la présence d’eau dans le sol et l’énergie solaire avec des dispositifs tels que la serre solaire et le jardin d’hiver Les prairies ainsi libérées permettront la création d’espaces de pâturage pour le bétails, essentiellement des vaches et des moutons, ainsi que la définition de parcelles de culture maraîchère, sur un terrain d’un hectare. Une serre agricole sera aménagée pour augmenter le temps de culture. Cette serre, située face au khoroo et aux écoles, permettra d’abriter une annexe pour les écoles. Elle comprendra un terrain de basket, des salles de sport, une bibliothèque ainsi que des ateliers de jardinages hors sol. Damba pourra ainsi devenir un lieu de marché, alimentaire et artisanal, en périphérie d’Ulaanbataar sur la voie principale vers le nord où transitent des marchandises, comme par exemple du fourrage. Nous proposont un bâtiment de marché circulaire, forme forte de la culture mongole, à l’emplacement d’un ancien kiosque à eau, sur la rue intérieure principale du
quartier. Cet emplacement nous semble cohérent avec l’organisation du quartier. Le marché sera également accessible facilement depuis l’axe majeur en direction d’Ulaanbaatar. Autour du bâtiment, un espace sera dégagé pour permettre l’extention de celui à ses abords. Le choix du marché nous semble cohérent avec la singularité de Damba, qui possède déjà une renommé dans la ville grâce au temple et dont la production locale est importante. Enfin, pour poursuivre le cycle de la production mis en place, nous proposons une manufacture à l’échelle du quartier, comprenant une lainerie et une forge. La lainerie permettra de transformer la laine provenant des moutons élevés au nord, pour en faire un isolant naturel, utilisé dans la construction ainsi que du fil pour approvisionner le marché et l’entreprise de textile entre autres. La forge permettra la création de pièces métalliques comme des portails, ornements décoratifs, fers à cheval et roues de charettes. Ces derniers serviront pour le transport des produits de l’élévage vers la manufacture et le marché.
Bibliographie BOUCHERON, Olivier. La ville de feutre. Dans la revue Lieux communs, n°12. 2009. pp.55-74. FANCHETT, Sylvie. Les clusters de villages de métier, un système urbain non reconnu dans la tourmente de la métropolisation de Hanoi (Vietnam). 2014. Actes de la conférence : Aux Frontières de l’Urbain, consulté en ligne sur http://halshs.archivesouvertes.fr/halsh. 2014. p.153-173. FINK, Peter. Le pastoralisme dans l’ouest de la Mongolie : contraintes, motivations et variations. Paru dans Cahier d’Asie Centrale, n°11-12. 2004 HOMMAGE, Léa. Quand la steppe devient urbaine. Paysage en migration, Les carnets du paysage n°23. 2012. MAGNAGHI, Alberto. Le projet local. Edition Mardaga. 2003. 128p. MAROIS, Alexandra. D’un habitat mobile à un habitat fixe. Fondements et changements de l’orientationdans l’espace domestique mongol. Revue en ligne Études mongoles et sibériennes, centrasiatiques et tibétaines. 2006. RECLUS, Élisée, Histoire d’une montagne. Edition Babel. 2011.