Espaces naturels

Page 1

Vu ailleurs Wisconsin, les sciences citoyennes au service des gestionnaires. • Études recherches Les araignées au fil de la gestion. • Aménagement gouvernance Syndicat mixte du bassin de l’Or, l’émergence d’une intelligence collective.

Juillet 2010 • n° 31

REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Trimestriel 12 €

Biodiversité des

outre-mers Enjeux universels, solutions singulières

Le portail « outils naturalistes » fait peau neuve : www.outils-naturalistes.fr


EN IMAGE I LÀ OÙ J’AIMERAIS VOUS EMMENER Champs de blés et coquelicots au bocage du Parc départemental du Sausset (93).

Gauthier Malherbe Technicien-animateur au Parc départemental du Sausset, photographe naturaliste à ses heures…

« Nature et agriculture se côtoient dans ce site Natura 2000. Le contraste des couleurs surprend toujours dans les champs non traités du bocage colonisés par les plantes adventices comme le coquelicot. On y retrouve des paysages de la Seine-Saint-Denis que l’on croyait disparus. » * Vous êtes photographe dans un espace naturel ? Envoyez-nous des clichés de vos lieux préférés : espaces-naturels-photo@mediaterra.fr


En couverture Pêcheur kanak collectant des bénitiers lors d’une action de repeuplement sur certains récifs. Photo : Javier Ortiz de Zuniga (bénévole WWF).

www.espaces-naturels.fr

SOMMAIRE

TOUR D’HORIZONS

FORUM PROFESSIONNEL

TERRITOIRES EN PROJETS

34 5. ÉDITO

34. PÉDAGOGIE ANIMATION

6. L’ESSENTIEL

Happy culture : un jeu de rôle autour des abeilles

10. TERRITOIRES

36. ÉTUDES RECHERCHES

12. DES MOTS POUR LE DIRE

38. MANAGEMENT MÉTIERS

Avec Xavier Le Roux sur la recherche sur la biodiversité

14. VU AILLEURS Wisconsin : les sciences citoyennes au service des gestionnaires

38 • Une démarche pour intégrer les animateurs saisonniers

Placer les mesures de compensation sous éthique

42. MÉTHODES TECHNIQUES Techniques pour capturer des cervidés en montagne à des fins scientifiques

Suivez ce symbole au fil des pages pour retrouver les INFOS PÉDAGOGIQUES

20 B

Sommaire détailllé en page 21

IODIVERSITÉ DES OUTRE-MERS Enjeux universels, solutions singulières

© G. Quenette

Le Dossier

comite.editorial@ espaces-naturels.fr

SYNDICAT MIXTE DU BASSIN DE L’OR L’émergence d’une intelligence collective

41. DROIT POLICE DE LA NATURE

Proposer un sujet ?

46. AMÉNAGEMENT GOUVERNANCE

48. GESTION PATRIMONIALE

18. LE COURRIER 19. L’AGENDA

PROVENCE - RÉSERVE DE BIOSPHÈRE Tour de France au mont Ventoux : la vipère d’Orsini s’en sort bien

40 • Un stage pour identifier le chant des oiseaux

Police de l’eau : ce qu’il faut savoir pour devenir rapidement opérationnel

16. LIRE

44. ACCUEIL FRÉQUENTATION

Les araignées au fil de la gestion

À propos du trait de côte

13. L’ENTRETIEN

44

© O. Grosselet - Philofaunia

© Frank Horvath - courtesy NAS

© P. Aguilar - SMAEMV

4

juillet 2010 • n° 31

51. INDICATEUR GÉOGRAPHIQUE


TOUR D’HORIZONS www.mission-cote-vermeille. parc-naturel-marin.fr

© Yvan Chocoloff

Lancé en 2007, le projet de parc naturel marin sur la Côte Vermeille se concrétise. La création d’un parc répondra aux enjeux de protection et de connaissance d’une biodiversité et d’un écosystème remarquables, tout en soutenant le développement durable des activités maritimes. En concertation avec les acteurs locaux, la mission d’étude propose un périmètre, des orientations de gestion et la composition d’un conseil de gestion. Le projet de parc sera soumis à enquête publique cet été dans les communes littorales. ●


TOUR D ’ HORIZONS I L’ÉDITO

L’édito ÉDITEUR Aten - Atelier technique des espaces naturels SupAgro - 2 place Viala 34060 Montpellier cedex 2 - Tél. : 04 67 04 30 30

Par Marie-Luce Penchard Ministre chargée de l’outre-mer

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Yves Vérilhac COMITÉ ÉDITORIAL

TOUR D’HORIZON L’essentiel Marc Maury Cela se passe ailleurs Christian Perennou, Catherine Cibien

FORUM PROFESSIONNEL Pédagogie, Animation Nicolas Gérardin, Sandrine Chalvet Droit, Police de la nature Louis-Gérard d’Escrienne, Sophie Heyd Études, Recherches John Thompson, Arnaud Cosson Management, Métiers André Lechiguero Méthodes, Techniques Bernard Commandré, Véronique Vinot, Bénédicte Lefèvre

TERRITOIRES EN PROJET Accueil, Fréquentation Anne Vourc’h, Armelle Hélou Aménagement, Gouvernance Arnaud Callec, Annick Faucon, Bruno Mounier, Thierry Mougey Gestion patrimoniale Anne Douard, Hélène Michaud, Nathalie Berger RÉDACTION Directrice de la rédaction Marie-Mélaine Berthelot Rédactrice en chef Moune Poli Maquette Vanina Bellini, Moune Poli Correctrice Magali Flori Mediaterra Route Royale - 20600 Bastia Mél : espaces-naturels@mediaterra.fr Tél. : 04 95 31 12 21 ADMINISTRATION, ABONNEMENTS Mediaterra - Laetizia Giampietri Route Royale - 20600 Bastia Tél. : 04 95 31 12 21 IMPRESSION Imprimerie Chirat 744, rue de Sainte-Colombe 42540 Saint-Just-la-Pendue Tarifs des abonnements 1 an (4 numéros) : particulier 35,50 € - institutionnel 48,50 € ISSN n° 1637-9896 Commission paritaire 0510 G 83179

L’Atelier technique des espaces naturels compte dix-neuf membres : Ministère en charge de l’Écologie • Parcs nationaux de France • Conservatoire du Littoral • Fédération des parcs naturels régionaux de France • Réserves naturelles de France • Fédération des Conservatoires d’espaces naturels • Fondation Tour du Valat • Office national des forêts • Office national de la chasse et de la faune sauvage • Agence des aires marines protégées • Région Île-de-France • Région Rhône-Alpes • Région Languedoc-Roussillon • Conseil général de l’Isère • Conseil général de la Drôme • Eden 62 (Pas-de-Calais) • Réseau des Grands Sites de France • Rivages de France • Ligue pour la protection des oiseaux.

L’année de la biodiversité se joue outre-mer ’outre-mer abrite 98 % des vertébrés et 96 % des plantes vasculaires présentes en France, 97 % de la zone économique exclusive, 10 % des récifs et 20 % des atolls coralliens de la planète… Cette biodiversité d’importance mondiale appartient à la Nation tout entière, nous avons le devoir de la transmettre intacte aux générations futures. Mais nous ne pouvons ignorer que cette biodiversité ultra-marine est très menacée. C’est ainsi par exemple que 600 des 756 espèces menacées de France se situent, selon l’UICN, en outre-mer. Aussi, l’action de l’État français se structure-t-elle autour de trois axes : développer la connaissance, protéger, assurer le développement économique. Dans l’immensité de nos territoires terrestres comme la Guyane ou de nos zones maritimes, les marges de progression de la connaissance sont immenses. C’est pourquoi les missions et programmes scientifiques sont nombreux, telles les recherches menées sur les plantes à parfum, aromatiques et médicinales retenues par le premier conseil interministériel de l’outre-mer en novembre dernier. L’établissement de passerelles entre les programmes des différentes institutions (Cirad, IRD, Ifremer, FFEM, Gret, FRB, BRGM etc.) doit être au centre de nos préoccupations. La France porte aussi la responsabilité d’assurer une protection raisonnée de ces territoires pour éviter un appauvrissement irrémédiable de la biodiversité. Cet impératif, en s’appuyant sur les parcs naturels terrestres ou maritimes, structure les démarches de politiques de développement local. C’est ainsi que 42 % de la Réunion et plus de 26 % de la Guyane sont classés espaces protégés, et que la plus grande réserve naturelle terrestre et marine de France et d’Europe (22 700 km2) se situe dans les terres australes françaises. Le Grenelle de la mer nous invite du reste à faire mieux et à développer de nouvelles aires marines protégées, celle des îles éparses par exemple. Cependant, les espaces protégés ne doivent pas être sanctuarisés. Et, dans l’optique du développement économique et de la protection de la biodiversité, nous avons beaucoup de progrès à faire : l’exploitation des molécules issues de la pharmacopée tropicale, les possibilités de développement d’une aquaculture durable… Par ailleurs, ce patrimoine naturel est un atout considérable pour le tourisme. La protection de la biodiversité doit alors permettre de valoriser des métiers du développement durable, des métiers verts. Les dispositifs de formation et d’insertion au profit de la jeunesse ultramarine qui souffre aujourd’hui d’un taux de chômage très important doivent aussi être mobilisés dans ce sens. ●

L

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 5


TOUR D ’ HORIZONS I L’ESSENTIEL

© Ministère de la Défense/Images Marine nationale/Stéphane Marc

SCIENCES

Rose bonbon pour un nouveau champignon ne équipe de chercheurs du Laboratoire des symbioses tropicales et ses partenaires vient de découvrir, dans le Grand Sud de la Nouvelle-Calédonie, une nouvelle espèce de champignon d’un rose © Marc Ducousso - Cirad

U

L’Érika.

DROIT

Érika. La cour consacre la notion de préjudice écologique ardi 30 mars 2010, plus de 10 ans après le naufrage de l’Érika, la cour d’appel de Paris confirme et aggrave le jugement de première instance (16 janvier 2008). La cour reconnaît la notion de préjudice écologique causé aux collectivités et associations et affirme la nécessité de réparer l’atteinte causée au vivant. Elle consacre que « toute atteinte non négligeable au milieu naturel constitue une agression pour la collectivité des hommes qui vivent en interaction avec lui ». Le préjudice comprend « toute atteinte non négligeable à l’environnement naturel, à savoir, notamment, l’air, l’atmosphère, l’eau, les sols, les terres, les paysages, les sites naturels, la biodiversité et l’interaction entre ces éléments, qui […] affecte un intérêt collectif légitime ». Par ailleurs, la cour confirme la responsabilité pénale de tous les acteurs du transport maritime à l’origine de la catastrophe, la compagnie Total qui a « commis une faute d’imprudence en relation de causalité avec le naufrage » (375 000 euros d’amende), la société de classification Rina (375 000 euros d’amende), le propriétaire du navire Giuseppe Savarese et son gestionnaire technique Antonio Pollara (75 000 euros d’amende chacun). En revanche, le tribunal dégage Total de toute responsabilité civile. Arrêt paradoxal : Total est donc coupable pénalement mais pas responsable civilement. Total ne participera pas au règlement des trente millions d’euros de dommages et intérêts restants à l’issue des sommes accordées par Total après le jugement de première instance, qui seront donc à la charge de la société Rina et de messieurs Savarese et Pollara. ● Sébastien Mabile - Avocat - smabile@lysias.fr

M

À CONSULTER « Paysage, infrastructure et société » : la neuvième réunion des Ateliers pour la mise en œuvre de la Convention européenne du paysage s’est déroulée à Cordoue, Espagne, 15-17 avril 2010 sous l’égide du Conseil de l’Europe. Le rapport à paraître sous peu : http://www.coe.int 6

Espaces naturels n° 31 juillet 2010

Les pieds du Podoserpula miranda peuvent mesurer 10 cm de hauteur.

presque fluorescent et d’une forme très surprenante. Podoserpula miranda, ainsi nommé par ses découvreurs pour l’émerveillement qu’il a suscité, vit au cœur d’une forêt de chênes gommes, en symbiose avec ces arbres. La couleur rose bonbon de ce champignon est totalement inattendue : « la palette chromatique de ce règne s’étale plutôt de l’orange au brun, en passant par le jaune » commente Marc Ducousso, chercheur du Cirad au Laboratoire des symbioses tropicales. L’architecture du champignon intrigue également les scientifiques. Elle présente la particularité quasi-unique de former plusieurs étages en forme d’entonnoir, jusqu’à six, de taille décroissante vers le sommet, tous centrés sur l’axe du champignon. Sa taille peut atteindre jusqu’à 10 cm. Troisième particularité remarquable, ce champignon, découvert dans une forêt de chênes gommes plusieurs fois centenaires, vit en symbiose avec ces géants de la canopée, en formant sur leurs racines de petits manchons appelés ectomycorhizes, siège des échanges entre ces partenaires. Les spécimens étudiés permettent de classer cette espèce dans le genre Podoserpula. ● http://www.ird.fr - marc.ducousso@cirad.fr

À SUIVRE. L’Onema et le Cemagref conjuguent leurs savoirs scientifiques et techniques au service des plans d’eau (naturels ou artificiels) afin de produire les connaissances nécessaires pour restaurer leur état comme l’exige la directive-cadre sur l’eau (DCE).

À SAVOIR. Selon la dernière Liste rouge des espèces en danger en Europe, publiée en mars par l’UICN, 9 % des papillons, 11 % des scarabées et 14 % des libellules sont menacés d’extinction. Cette liste montre que 31 % des 435 espèces de papillons diurnes d’Europe sont en déclin.


TOUR D ’ HORIZONS I L’ESSENTIEL

L’équipe du Grand Site Sainte-Victoire devant leur label obtenu en 2004 (en cours de renouvellement).

FORMATION

Les sortants de formations environnementales connaissent plus longtemps le chômage éalisée par l’Ifen, une étude de mars 2010 fait le point sur « l’insertion des étudiants sortant des formations environnementales supérieures » niveaux I et II (licences, master, DEA, DESS, doctorat, ingénieur). Pour eux, l’insertion professionnelle est moins aisée que pour d’autres formations. Ils passent en moyenne plus de temps au chômage que ceux de l’ensemble des formations de même niveau (7,5 mois contre 3,9 mois). Le niveau du diplôme n’influe pas sur le temps d’accès à l’emploi. Les sortants des Trajectoire professionnelle de 2004 à 2007 pour les jeunes sortants de niveaux I et II niveaux I et II ont la même durée Formations Ensemble d’obtention du environnementales des formations premier emploi 8% 4% 13 % que ceux de niveaux 17 % 18 % inférieurs (4,9 33 % mois). Pour ces 42 % 65 % formations, le parcours d’entrée dans la Accès rapide et durable à l’emploi vie active Parcours de stabilisation différé dans l’emploi apparaît un peu Chômage moins favorable Autres situations de non-emploi que pour l’ensemble des jeunes ayant des formations de même niveau. Ainsi, sur la période 2004-2007, 75 % accèdent à un emploi durablement contre 84 % pour l’ensemble des formations. Dans l’environnement, les emplois sont un peu moins stables et moins rémunérés mais ils correspondent à des postes qualifiés. Trois ans après la sortie du système éducatif, une majorité des jeunes issus des formations environnementales supérieures occupent un poste stable. 11 % sont fonctionnaires et 50 % sont en CDI. Ces proportions s’élèvent respectivement à 18 % et 56 % pour les formations de même niveau. 30 % sont en CDD contre 16 % pour l’ensemble des sortants. Les postes occupés après une formation environnement se rattachent en majorité (53 %) à la catégorie « cadres et professions intellectuelles supérieures ». Cette proportion est un peu supérieure à la moyenne (47 %) mais le salaire médian n’est pas pour autant plus élevé. ● www.ifen.fr

R

© Grand Site de Sainte-Victoire

POLITIQUES PUBLIQUES

Le label Grand Site de France au code de l’environnement ’amendement parlementaire porté par Gérard Voisin, président du réseau des Grands Sites de France, William Dumas, vice-président, et Jérôme Bignon, président du Conservatoire du littoral, a été adopté le 11 mai dernier par l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi portant engagement national pour l’environnement (Grenelle 2). La promulgation de la loi devrait intervenir courant juillet. Le texte vient donner un fondement juridique à la politique nationale des Grands Sites et au label. Les organismes qui gèrent localement les Grands Sites sont ainsi pleinement reconnus comme des acteurs incontournables du développement durable des territoires. ●

L

Anne Vourc’h - Réseau des Grands Sites de France www.grandsitedefrance.com

DES AUTOROUTES SOUS LES OCÉANS

Pour relier nos ordinateurs et nos serveurs, ce ne sont pas moins de 480 000 kilomètres de câbles faits d’acier et de bitume contenant des fibres optiques (elles-mêmes composées d’inox, de cuivre, de polyéthylène, de plastique…) qui ont été posés au

Salaire médian net des bénéficiaires des formations de niveaux I et II, trois ans après la sortie du système éducatif.

fond des océans à côté des fils téléphoniques et

FORMATIONS

télégraphiques du 20e siècle. Chaque année, 40 000 kilomètres de câbles sortent de l’usine afin d’améliorer la qualité des débits de nos consultations. ● Source : Agence régionale de l’environnement de Haute-Normandie. www.arehn.asso.fr

NIVEAUX I ET II

ENSEMBLE

Ensemble des formations

1 670 €

1 300 €

Formations environnementales

1 600 €

1 300 €

Pollutions, nuisances et risques : industrie et construction

1 740 €

1 500 €

Pollutions, nuisances et risques : services

1 600 €

1 200 €

Nature, milieux et équilibres écologiques

1 480 €

1 270 €

Aménagement du territoire et cadre de vie

1 500 €

1 250 €

Gestion sociétale de l’environnement

1 650 €

1 650 €

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 7


TOUR D ’ HORIZONS I L’ESSENTIEL

CONSERVATION

Les prairies et pâturages secs de Suisse mieux protégés Normand Breton

’ordonnance réglant la mise en œuvre de l’inventaire des prairies et pâturages secs de Suisse est entrée en vigueur le 1er février 2010. Approuvée par le Conseil fédéral, elle impose de maintenir en l’état le milieu des surfaces inventoriées. Les cantons ont dix ans pour agir. Issus le plus souvent d’une exploitation agricole extensive, les prairies et pâturages secs jouent un rôle essentiel dans le maintien et le développement de la biodiversité. Ils seront mieux protégés. (cf. Espaces naturels n° 30 p.14-15) ● Marina

L

À l’ouvert des estuaires Somme, Authie, Canche

Sud-Bretagne Pays de la Loire

Parc naturel marin d’Iroise

Estuaire de la Gironde et pertuis charentais Calanques

Bassin d’Arcachon

Magnin - m.magnin@ateliernature.ch Corse

LÉGISLATION Côte Vermeille

Port-Cros

AIRES MARINES PROTÉGÉES STRATÉGIE NATIONALE D’ACTION À COURT TERME Analyse stratégique régionale

Parc national En projet

Parc naturel marin Mission d’étude

Parc national Extension

Aires marines protégées françaises

Sources : AAMP/MNHN • SHOM contrat 39/2008 • GEBCO • FAO/IGN • avril 2010

CONSERVATION

Une stratégie de création d’aires marines protégées n France métropolitaine, la création de plusieurs aires marines protégées est à l’étude. Aux deux parcs naturels marins existants (Iroise et Mayotte), s’ajoutent cinq projets de parcs : 1) sur l’estuaire de la Gironde et les pertuis charentais, 2) à l’ouvert des trois estuaires de la Somme, Authie et Canche, 3) dans le golfe normand-breton, 4) sur le bassin d’Arcachon. Le cinquième sur la Côte Vermeille fera l’objet d’une enquête publique cet été. Il en est de même pour le projet de Parc national des Calanques. Le Parc national de Port-Cros devrait, quant à lui être étendu. Enfin, les sites en mer du réseau Natura 2000 ont été désignés ; désormais, place à la gestion. Des analyses stratégiques régionales sont également réalisées en Bretagne sud et Pays de Loire, en Corse et en outre-mer. ●

E

Fabienne Queau - fabienne.queau@aires-marines.fr

Loi Grenelle 2 : en cours d’adoption près l’examen de 247 articles et 1 600 amendements, l’Assemblée nationale a voté le 11 mai dernier le projet de loi portant engagement national pour l’environnement, dite loi Grenelle II. Parmi les nouveautés : L’article 45 du texte prend en compte les corridors écologiques en instituant les notions de Trame verte et Trame bleue. Afin de stopper la perte de biodiversité, les Schémas régionaux de cohérence écologique devront présenter les mesures nécessaires au maintien ou à la remise en bon état de ces trames. Cependant, ces documents auront une force contraignante limitée : ils ne s’imposeront pas en matière d’urbanisme, mais devront simplement être pris en compte lors de l’élaboration des documents d’aménagement de l’espace ou d’urbanisme. Un amendement du gouvernement, retenu dans le texte, vise à instituer avant fin 2010 une « instance de gouvernance et de pilotage », afin d’accroître la lisibilité, la complémentarité et la cohérence des actions de préservation de la biodiversité menées tant par les acteurs publics que par les acteurs privés ou associatifs (nouvel article 47 A). L’urgence ayant été déclarée (une seule lecture devant chacune des deux chambres), une commission mixte paritaire s’est réunie le 16 juin pour proposer un texte sur les dispositions restant en discussion. Ce texte doit maintenant être soumis à l’approbation du Sénat et de l’Assemblée nationale. (cf. article p. 22) ●

A

Sophie Heyd - sophie.heyd@espaces-naturels.fr

ÉTUDES

© Olivier Brosseau - Meeddm

Le mot biodiversité est méconnu

8

elon un eurobaromètre publié au mois de mars, seuls 38% des Européens connaissent le sens du mot «biodiversité». 28% d’entre eux ont déjà entendu ce terme sans savoir de quoi il s’agit. Une majorité de personnes comprennent que c’est une question sérieuse mais ne saisissent pas qu’elles en seront personnellement affectées. Seules 17% des personnes interrogées reconnaissent qu’elles sont déjà touchées par ce phénomène. ●

S

http://ec.europa.eu/public_opinion/index_fr.htm

Espaces naturels n° 31 juillet 2010


TOUR D ’ HORIZONS I L’ESSENTIEL

POLITIQUE PUBLIQUE

Les anciens ministres de l’Environnement se rassemblent pour agir e 24 mars dernier, à Bruxelles, plus de quarante anciens ministres de tous les continents ont créé une association regroupant les anciens ministres de l’Environnement et les anciens dirigeants d’organisations internationales de l’environnement (AME-DIE). « L’échec de Copenhague et la montée en puissance des adversaires d’un développement soutenable nous donnent une véritable responsabilité », expliquent-ils. L’AME-DIE, créé avec l’aide de l’Académie internationale des sciences de l’environnement et sous l’impulsion de Corinne Lepage se donne notamment comme objet la défense du droit de l’environnement national et international, la promotion du droit international de l’environnement et l’émergence d’une justice internationale dans le domaine de l’environnement. Les dix premiers fondateurs : Ahmed Alami (Maroc), Ritt Bjerregaard (Danemark), Elisa Ferreira (Portugal), Charles Goerens (Luxembourg), John Gummer (Grande Bretagne), Serge Lepeltier (France), Corinne Lepage (France), Alfonso Pecoraro Scanio (Italie), Inese Vaidere (Lettonie), Halima Taya Alao (Nigéria) ●

L

http://www.corinnelepage.eu/

dispersion et radiation nordaméricaine

origine asiatique

migration en Europe

dispersion européenne

migration en Amérique du Nord

SCIENCE Découverte du plus ancien marsupial européen en Charente-Maritime.

Cette mise à jour par une équipe de scientifiques du Muséum, du CNRS et de l’université de Rennes permet de proposer une nouvelle hypothèse des voies de migration des premiers mammifères marsupiaux. Cette découverte permet d’envisager au cénomanien (carte ci-dessus) un passage direct entre l’Asie et l’Europe (1’-2’), alternativement à l’hypothèse d’un passage par la voie nordaméricaine (1-2). Elle conforte également les relations fauniques et géographiques anciennes entre l’Amérique du Nord et l’Europe. Les opossums et les kangourous sont les représentants actuels de cette lointaine origine nordique des marsupiaux. ● gheerbrant@mnhn.fr

FORMATION Enfin une qualification nationale pour le savoir-faire pierre sèche. Un certificat de qualification professionnelle « CQP ouvrier professionnel en pierre sèche » N2, vient d’être homologué par la Commission nationale (CPNE) le 4 mars dernier. Cette reconnaissance nationale d’un savoir-faire spécifique faisait partie des objectifs de bataille lorsque l’idée de création d’une filière professionnelle est née, il y a 10 ans, parmi ce noyau d’artisans rassemblés par le Parc national des Cévennes et la Chambre des métiers et de l’artisanat de Vaucluse. ● Claire Cornu

© Claire Cornu

abpscevennes@orange.fr

Terrasses en schiste pour un jardin d’accompagnement d’un vieux mas cévenol - Bruno Durand et Thomas Brasseur, artisans.

TEXTO

Les référentiels habitats sont disponibles en téléchargement au format Excel sur le site de l’Inventaire national du patrimoine naturel. http://inpn.mnhn.fr ● La directive Oiseaux est désormais codifiée Directive 2009/147/CE (JOUE 26/01/2010). ● Le bouquetin des Alpes revient en Chartreuse. Le PNR de Chartreuse a été retenu comme un territoire d’accueil privilégié.

DROIT Pour une Cour pénale internationale de l’environnement. L’International Academy of Environmental Sciences 1 veut promouvoir une Cour pénale internationale de l’environnement. Ses membres soutiennent ainsi une résolution déposée par les parlementaires européens et soutenue par le président Pöttering (2007-2009). Cette juridiction spéciale veut répondre aux besoins des États face au caractère international de la pollution et des trafics, ce qui rend très difficile l’appréhension de la criminalité. La création d’une telle instance étant longue à obtenir, un Tribunal pénal européen de l’environnement pourrait constituer une première étape. Diverses associations se retrouvent dans un comité français pour soutenir cette initiative. ● Questions écrites E-3406/07 et E-3804/07. http://cour.penale.environnement.org 1. IAES. Association culturelle dirigée par Adolfo Pérez Esquivel, Prix Nobel de la paix 1980.

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 9


TOUR D ’ HORIZONS I TERRITOIRES

Pêcheurs aux petits métiers dans le golfe de Beauduc.

ROYAUME-UNI

La plus grande réserve marine du monde © Parc naturel régional de Camargue

Le 1er avril dernier, le Royaume-Uni annonçait sa décision de protéger entièrement l’archipel des îles Chagos. Dans l’océan indien, les 55 îles de l’archipel appartiennent à la GrandeBretagne depuis 1814. Elles abritent 220 espèces de coraux, un millier d’espèces de

CAMARGUE

Des pêcheurs au chevet de leurs ressources pour obtenir la création d’une réserve marine e golfe de Beauduc, principalement constitué de substrats meubles, est identifié comme une zone de nurserie, notamment pour les poissons plats, espèces à haute valeur commerciale. Les milieux, leur fonction de nurserie et leur exploitation par les pêcheurs artisanaux sont menacés par la pratique incessante et illégale d’arts traînants non sélectifs (chalutier) et normalement réservée à un espace allant au-delà des trois miles marins. Souhaitant participer à une gestion durable des ressources marines et favoriser la restauration du golfe de Beauduc, les pêcheurs petits métiers (20 pêcheurs en pleine mer dont une partie pêchant également en lagunes) ont opté pour la création d’un cantonnement de pêche assorti de mesures de gestion sur 450 ha (1/10e du golfe). Le projet de réserve pourrait très raisonnablement voir le jour en 2012 (application du plan de gestion). D’autant que l’Agence des aires marines protégées a programmé en 2010 et 2011 une série d’inventaires biologiques approfondis sur tous les sites Natura 2000 en mer. Pour le site d’importance communautaire Camargue, cela permettra d'affiner l'état initial de conservation décrit dans le documents d’objectifs (prochainement validé) et de compléter les données pour l’ensemble de la zone marine. En effet, jusque-là, beaucoup d’études ont été concentrées sur le golfe de Beauduc. Une équipe de gestion sera mise en place pour assurer la surveillance, les suivis et la gestion du site. ●

L

Delphine Marobin-Louche littoral@parc-camargue.fr

TEXTO

Le 1er décret relatif à l’évaluation des incidences Natura

2000 a été publié au Journal officiel le 11 avril. Il fait suite à la condamnation de la France par la Cour de justice de l’UE (cf. Espaces naturels n° 30). Notre revue y consacrera un article approfondi dans son numéro de janvier. 10

Espaces naturels n° 31 juillet 2010

Anémone et poisson clown.

poissons mais aussi 175 000 couples d’oiseaux marins. Avec 544 000 km2, il s’agira de la réserve la plus étendue du monde. Avant l’archipel des Chagos, la plus grande aire marine protégée a été créée en 2006 par Georges Bush, au nord-ouest d’Hawaii (350 000 km2), et comprend une dizaine d’îles inhabitées et une centaine d’atolls. Selon le Programme des nations unies pour l’environnement (PNUE), il existerait au total un peu plus de 5 000 aires marines protégées s’étendant sur une surface de 3,1 millions de km², soit seulement moins de 1 % de la surface de la Terre. ● www.globaloceanlegacy.org

EN CHIFFRE

50

C’est le nombre de blockhaus aménagés sur le territoire du Parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale pour recevoir les chauves-souris. Le territoire est truffé de fortifications du Mur de l’Atlantique, de blockhaus, de bases de lancement d’armes secrètes, reliques de la Seconde Guerre mondiale… d’ouvrages devenus des hauts lieux d’accueil des chauves-souris. La forteresse de Mimoyecques, base de lancement de V3, abrite à elle seule un tiers du total connu de chauves-souris en hivernage dans le Nord-Pas-deCalais. La Coordination mammalogique du Nord de la France et le parc ont aménagé des blockhaus, mais également des grottes et des clochers. ●


TOUR D ’ HORIZONS I TERRITOIRES

TEXTO SAINT-MARTIN - ANTILLES Crème solaire bio distribuée gratuitement.

Le Parc national du Mercantour fête ses trente ans. ● Un troisième gypaèton est né cette année, le 5 mars, dans le Parc national de la Vanoise. Disparu dans les Alpes au début du 20

e

siècle, le gypaète barbu a été réintroduit depuis 1986. ● Trois nouvelles aires marines protégées ont été inaugurées le 12 avril dernier, toutes trois en Nouvelle-Calédonie (AMP de Hienga, de Doïman, de Yambé-Diahoué). ● Un film sur la biodiversité dans le Morvan est actuellement en tournage. Tout public, il servira de

www.reservenaturelle-saint-martin.com

AUVERGNE Charte signalétique.

base pour des débats sur le territoire. ● L’attitude mer est un

© Alasdair Harris - Blue ventures conservation

Le cahier des charges imposé aux exploitants du sentier sous-marin de Saint-Martin (ouvert en novembre 2009 au cœur de la réserve naturelle nationale) leur fixe des règles en matière d’environnement. C’est ainsi qu’une crème solaire bio est fournie à chaque client afin d’éviter toute pollution de l’eau de mer. ●

nouveau trimestriel édité par le Parc national de Port-Cros. Seize pages pour convaincre de la particularité varoise. ● C’est à Concarneau en avril dernier que s’est déroulé le 1er symposium international scientifique traitant du plateau des Kerguelen. < Fluorite Laurent.

Soucieux de concilier la promotion des activités locales et la qualité des paysages, le Parc naturel régional Livradois-Forez a édité une charte signalétique, guide méthodologique pour une signalisation conforme à la législation et adaptée à l’identité du Livradois-Forez. Conçu comme « une base de propositions » et un outil de concertation, ce guide est téléchargeable. ● www.parc-livradois-forez.org

ISÈRE Un hérisson dans mon jardin.

> Hérisson. © René Robert

MONT-BLANC

© JF. Noblet

À Voiron, en Isère, l’association de protection de la nature Le Pic Vert, la maison des jeunes et la mairie lancent une enquête sur la répartition des hérissons dans la commune. Date, nombre, lieu, âge, sexe… Le grand public est sollicité pour cette collecte scientifique. Le plus ? Des conseils pour héberger un hérisson dans son jardin. ● jf.noblet@cg38.fr

Un échantillon minéralogique reconnu « bien culturel d’intérêt patrimonial majeur »

SAINT-MARTIN - ANTILLES Pour que fonctionnent les stations d’épuration.

ne fluorite (fluorite Laurent) du Mont-Blanc a été reconnue « bien culturel d’intérêt patrimonial majeur ». Ce spécimen minéral d’une extrême rareté vient d’enrichir les collections du Muséum national d’histoire naturelle. Son acquisition, d’un montant de 250 000 euros, a été assuré grâce au mécénat de la Fondation Total. C’est une première en France : aucun échantillon minéralogique n’avait jusqu’ici été reconnu à ce titre, ni même aucun objet relevant de l’histoire naturelle. Découvert en 2006 dans les aiguilles Vertes du massif du MontBlanc en Haute-Savoie, ce spécimen, d’une largeur de 26 cm et d’un poids de 5,1 kg, a la particularité de présenter une association d’une exceptionnelle qualité de deux minéraux typiques des géodes des montagnes de Chamonix : la fluorite rouge en octaèdre et le quartz enfumé (voir photo). ● www.museum-mineral.fr

La fiabilité des systèmes mécaniques des stations d’épuration est toute relative. Quand elles tombent en panne, un jour ou l’autre, les eaux usées se déversent dans les étangs ou dans la mer. La Réserve naturelle nationale de Saint-Martin veut donc promouvoir la mise en place de bassins de lagunage, plantés de mangroves, afin d’épurer naturellement les eaux usées. ●

U

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 11


TOUR D ’ HORIZONS I LES GENS DES MOTS POUR LE DIRE I CHRONIQUE Bruno Gravelat a quitté en mars le Parc naturel régional du massif des Bauges pour rejoindre le bureau d’études Ecoter de Nyons comme chef de projets ornithologie et botanique.

Par Fernand Verger Professeur émérite à l’École normale supérieure*

bruno.gravelat@ecoter.fr

David Sautet a quitté en mars le Parc naturel régional des Landes de Gascogne où il était chargé de mission Natura 2000 pour intégrer l’association des écologistes de l’Euzière en Languedoc-Roussillon en tant que chargé de mission expertises faunistiques. david.sautet@euziere.org www.euziere.org

ELLE A DIT… À PROPOS DE LA TRAME VERTE ET BLEUE

Valérie Létard Secrétaire d’État au développement durable

e compte sur votre mobilisation pour l’élaboration des schémas régionaux de cohérence écologique. J’en appelle à votre responsabilité pour que les démarches soient complémentaires et partagées […]. Nous ne pouvons nous permettre de risquer la dispersion. Je souhaite que chacun d’entre vous puisse répondre à cette double interrogation : que contient mon territoire en termes de continuités écologiques à sa propre échelle ? Que peut-il apporter à l’échelle supérieure ? » ● Lors du congrès annuel de Réserves naturelles

J

de France à Strasbourg, le mercredi 14 avril 2010.

Jean-Pierre Arnaud, DAF de Mayotte, est devenu chef du service Aménagement, sites, paysages et nature, et adjoint au directeur à la Diren de la Martinique en mars.

jean-pierre.arnaud@developpement-durable.gouv.fr

Olivier Scher a quitté en mars le poste d’animateur du pôle-relais Mares, zones humides intérieures et vallées alluviales à la Fédération des parcs naturels régionaux pour le Cren du Languedoc-Roussillon. Il est chargé du Plan national de restauration de l’aigle de Bonelli et d’expertise naturaliste. Olivier Pelegrin lui succède (opelegrin@parcs-naturels-regionaux.fr). pna@cenlr.org

Ségolène Travichon a quitté l’ONCFS pour la LPO en mars. Chef du service des Espaces protégés, elle remplace Francis Meunier qui rejoint le CEN Picardie. segolene.travichon@lpo.fr Jacques Trouvilliez a quitté en juin la direction du service du Patrimoine naturel au Museum national d’histoire naturelle. Il est aujourd’hui conseiller biodiversité et chasse au cabinet du ministre de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, remplaçant ainsi Antoine Cadi. jacques.trouvilliez@developpement-durable.gouv.fr

Trait de côte a détermination de la limite entre la terre et la mer a été une préoccupation juridique ancienne. On rappellera que l’ordonnance de la Marine d’août 1681, œuvre de Colbert, fixait cette limite à la ligne atteinte par la mer pendant les nouvelles et pleines lunes, et « jusqu’où le grand flot de mars se peut étendre sur les grèves ». Cette ordonnance envisageait essentiellement les côtes de la façade océanique de la France soumises à une marée notable, alors qu’en Méditerranée, demeuraient applicables les Institutes de Justinien selon lesquelles « le rivage de la mer s’étend jusqu’où parvient le plus grand flot d’hiver ». Le terme de trait de côte apparaît ultérieurement pour définir la ligne atteinte par la mer lors de la plus grande marée astronomique possible (cœfficient 120) avec des conditions météorologiques normales et la ligne atteinte par les tempêtes d’hiver en Méditerranée. Le tracé. Le tracé du trait de côte peut être simple sur les rivages accores1 ou sur les côtes sableuses uniformes. Il se complique dans les estuaires où il accompagne les rives du fleuve et dans les lagunes de Méditerranée dans lesquelles il pénètre par les graus. L’utilisation fréquente de cette notion a conduit l’Institut géographique national et le service Hydrographique et océanographique de la marine à en donner une expression graphique accessible sur le site Geoportail. L’évolution. Le trait de côte se déplace sous l’action des agents géomorphologiques. L’érosion tend à le faire migrer vers l’intérieur des terres principalement sous l’effet des vagues. L’accumulation produit un mouvement inverse avec la progression des dépôts appelée progradation, comme dans beaucoup de deltas ou dans certaines baies dont les fonds se comblent. La gestion. On parle aujourd’hui de gestion du trait de côte car la civilisation contemporaine a tendance à le déplacer. Vers l’intérieur des terres, en creusant des bassins portuaires ; vers l’extérieur par la création de digues, de polders ou de terres-pleins industriels. La gestion comporte des actions de protection des biens et des personnes, tendant à stopper ou à déplacer les actions d’érosion par des ouvrages longitudinaux (digues, plantations…) ou par des ouvrages transversaux (épis). Elle peut aussi recourir à l’apport de sédiments pour recharger les plages. Dans certains cas, la gestion peut consister à accepter l’évolution naturelle ou même à rendre des terres à la mer en pratiquant des dépoldérisations propices à la biodiversité et favorables à une meilleure défense face à la montée du niveau de la mer. ●

L

1. Abrupts. * Fernand Verger est également conseiller scientifique du Conservatoire du littoral. Il est auteur de Zones humides du littoral français, Belin, 448 pages, 2009.

EN SAVOIR PLUS 12

Espaces naturels n° 31 juillet 2010

La gestion du trait de côte, Meeddm, Quæ, 290 pages, 2010.


TOUR D ’ HORIZONS I L’ENTRETIEN

Entre recherche et gestion Xavier Le Roux

Directeur de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité

«Orienter la recherche en fonction d’un dialogue établi avec la société»

La Fondation pour la recherche sur la biodiversité s’est donnée pour mission de soutenir une recherche d’excellence. L’originalité réside dans la volonté de mettre en adéquation des programmes portés par la communauté scientifique et les attentes des acteurs de terrain. Expliquez-nous l’enjeu de ce positionnement. L’enjeu ? C’est de donner aux acteurs de la biodiversité des outils pour prévoir et gérer. Nous travaillons par exemple pour modéliser la dynamique de la biodiversité afin de pouvoir établir des scénarios de ses changements et évolutions. De tels programmes phares, extrêmement coûteux, s’inscrivent dans le long terme pour structurer une communauté de recherche. Néanmoins, pour répondre aux attentes des acteurs et gestionnaires qui ont besoin de prendre des décisions, il faut que la recherche produise des résultats utiles sur des temps plus courts : deux à cinq ans. Nos programmes sont souvent coconstruits. Les priorités de recherche ont été pensées par notre conseil scientifique pluridisciplinaire. Celuici a dégagé dix axes prioritaires. Ils ont été soumis à la sagacité des acteurs, porteurs d’enjeux de la biodiversité, réunis au sein du conseil d’orientation stratégique. Des gestionnaires d’espaces, de ressources génétiques animales, végétales, des ONG, des entreprises,

des collectivités territoriales, des pouvoirs publics ont apporté leurs commentaires et suggestions. Renforcer le dialogue entre les différents acteurs de la biodiversité constitue donc une fin… C’est un élément indispensable pour développer de nouvelles stratégies de recherche. Parmi les difficultés à surmonter déjà, tout simplement, le fait de mettre en place les éléments d’un langage commun. Dans le même but, nous visons à construire des mécanismes efficaces de mobilisation de l’expertise française sur la biodiversité. Pour cela, il faut savoir où sont les pôles d’expertises. Nous créons actuellement une base de données nationale de tous les acteurs recherche de la biodiversité. Qui fait quoi ? Sur quelles thématiques ? Qui travaille ensemble ? Où ? Cette base sera bientôt disponible via notre site web. Notre rôle, c’est d’animer dialogues et débats, de contribuer à coordonner des actions entre différents acteurs. D’autres programmes ? Nous menons une expertise sur les aspects juridiques dans le domaine des ressources génétiques. Les substances actives de certaines plantes sont utiles pour le secteur de la santé. Mais à qui appartient ce savoir, comment rétribue-t-on le prélèvement de cette ressource ?

La Fondation pour la recherche sur la biodiversité util du « Grenelle de l’environnement », la Fondation pour la recherche sur la biodiversité a été lancée en février 2008. Elle unit les organismes publics de recherche1, les associations de défense de l’environnement, les gestionnaires d’espaces et de ressources biologiques, les collectivités territoriales, ainsi que les entreprises dans le but de relever les défis scientifiques de la biodiversité. ●

O

1. Membres fondateurs : BRGM, Cemagref, Cirad, CNRS, Ifremer, INRA, IRD, MNHN.

D’un point de vue juridique, il n’existe pas encore d’encadrement clair au niveau international ni de traduction en droit français. Ces problématiques d’accès aux ressources et de partage des avantages sont à éclairer en mobilisant une large expertise. Nous sommes aussi en train de produire une synthèse sur les indicateurs des ressources génétiques des plantes cultivées (en commençant par le blé). Un autre programme ? Faire l’état des lieux de la demande et des besoins de formations dans le domaine de la biodiversité. Pour certains métiers, il y a de réelles lacunes. Un des enjeux de la biodiversité se joue au niveau de l’agriculture… Le rôle de la Fondation est de comprendre où sont les points de blocage et d’œuvrer sur les points de convergence possibles. En effet, après la Seconde Guerre mondiale, l’agriculture s’est lancée dans la production intensive pour relever un défi : nourrir la population. Aujourd’hui, elle est face à un nouveau défi : produire en prenant mieux en compte l’environnement et la biodiversité. Cette notion est acceptée par le monde agricole mais celui-ci réclame que l’on considère ses contraintes sociales et économiques. La Fondation a là tout son rôle à jouer. L’année dernière avec l’entreprise « Lu » (les biscuits), nous avons soutenu des projets associant chercheurs et acteurs de terrain pour étudier comment les pratiques agricoles en grandes cultures céréalières peuvent évoluer et mieux intégrer la biodiversité. En fait, la Fondation se veut être un « assemblier » des acteurs de la biodiversité pour renforcer le dialogue science-société, nécessaire à la mobilisation de l’expertise. ● EN SAVOIR PLUS http ://www.fondationbiodiversite.fr

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 13


TOUR D ’ HORIZONS I VU AILLEURS

WISCONSIN - ÉTATS-UNIS

Les sciences citoyennes au service des gestionnaires

es sciences citoyennes sont des programmes dans lesquels des scientifiques font appel à 1 des volontaires afin de récolter des données naturalistes à l’échelle nationale ou locale. Les suivis reposent sur un échange d’informations (et de confiance) entre chercheurs et volontaires à différents stades de la démarche scientifique. Cette façon de concevoir la récolte des données écologiques nous vient du monde anglo-saxon où les programmes de sciences citoyennes sont une longue tradition. Le Christmas bird count, par exemple, se déroule depuis 1900 en Amérique du Nord. Chaque année, du 14 décembre au 5 janvier, les volontaires sont invités à compter les oiseaux. L’action est coordonnée par une

L

association et relayée localement par des coordonnateurs régionaux. Un grand succès. Au sein de la Beaver creek reserve (WisconsinUSA), un centre scientifique (Citizen sciences center) suscite la rencontre des volontaires, enseignants, élèves et professionnels de l’environnement. Les programmes de la Beaver creek reserve connaissent un grand succès et des centaines de volontaires s’impliquent dans une large gamme de suivis : les plantes aquatiques envahissantes ou non, les oiseaux, les vers de terre, les insectes, les amphibiens mais aussi les habitats naturels ou la qualité de l’eau. Ils aident aussi les scientifiques dans certaines expériences de germination et de culture. La Beaver creek reserve justifie son action en soulignant que le Wisconsin abrite beaucoup d’espèces et couvre une surface telle que les scien-

© Jerry Acton - Courtesy NAS

Les sciences participatives sont le résultat d’une longue tradition. L’expérience menée dans le Wisconsin met en exergue l’intérêt de cette collaboration entre chercheurs et grand public.

SCIENCES CITOYENNES EN FRANCE

es expériences de science citoyenne commencent à se développer en France. Parmi les plus connues : le Suivi temporel des oiseaux communs (Stoc), le PhénoClim (suivi du cycle des arbres dans les Alpes) ou encore l’Observatoire des papillons des jardins, dédiés au grand public. Les protocoles de certaines de ces initiatives nationales ont été adaptés aux espaces naturels et sont maintenant repris, par exemple, par la commission scientifique des Réserves naturelles de France. C’est notamment le cas du Stoc ou du Suivi temporel des rhopalocères de France. Un colloque Sciences citoyennes et biodiversité s’est tenu à Montpellier, les 22 et 23 octobre derniers. Il a donné l’occasion à l’association Tela Botanica d’éditer un livret recensant quarantetrois projets, coordonnés principalement par des instituts de recherche ou des associations (cf. en savoir plus). En revanche, peu de suivis sont développés par des gestionnaires d’espaces naturels à l’image de celui de la Beaver creek reserve. L’efficacité de tels programmes, reconnue et utilisée par de nombreuses collectivités, devrait favoriser leur développement dans les espaces naturels français. ●

L

1. Un cardinal, passereau nord-américain.

14

Espaces naturels n° 31 juillet 2010

tifiques seuls ne peuvent en assurer le suivi. Les participants aux programmes les aident donc à combler les lacunes existantes, en apprenant les techniques scientifiques de base et en les assistant dans le travail de terrain.

Quid de la qualité des données ? Une question-clé réside certes dans la qualité des données recueillies : sont-elles utilisables à des fins scientifiques ? Plusieurs études (dont celle de Schmeller en 2009) mettent en évidence que la qualité de données récoltées par des amateurs et par des professionnels est comparable. En fait, une donnée n’est pas bonne ou mauvaise en soi. Une bonne donnée vient de la combinaison adéquate entre les objectifs de la recherche et le protocole d’échantillonnage. C’est pourquoi les programmes de la Beaver creek reserve mettent un soin particulier à la mise en œuvre de ce protocole. Celui-ci n’est pas pensé uniquement du point de vue du spécialiste mais il intègre la vision du volontaire. Les critères de faisabilité sont grandement pris en compte comme l’intérêt que l’action est à même de susciter chez le volontaire. Les différentes catégories d’amateurs, du débutant au naturaliste chevronné, sont considérées. Des guides pédagogiques très simples sont fournis et/ou des petites formations sont organisées afin de s’assurer que tous ont les bases nécessaires pour identifier les espèces. C’est ainsi, par exemple, que les participants sont formés à l’utilisation des bat box , détecteurs transcodeurs d’ultrasons permettant le suivi acoustique des chauves-souris. Dans le même esprit, le site internet du centre renvoie vers l’USGS Frog quizz, lequel permet aux amateurs de tester leurs connaissances sur les chants des crapauds et des grenouilles.


Un volontaire lors du 110e Christmas bird count, qui s’est déroulé du 14 décembre 2009 au 5 janvier 2010. © Amy Kovach - Courtesy NAS

Un des principaux avantages des sciences citoyennes est d’allier suivi de biodiversité et éducation à l’environnement.

Outil éducatif. Ces programmes sont des outils éducatifs et les messages passent d’autant mieux que les volontaires deviennent acteurs de la protection de la nature. Les problématiques environnementales sont alors perçues, vécues et appropriées par les participants. De ce point de vue, l’exemple des plantes exotiques dans les cours d’eau et les lacs de la Beaver creek reserve est révélateur. Ici, le problème est majeur d’autant que les végétaux sont transportés sur les coques des bateaux. Aujourd’hui, après quelques années de sciences participatives, non seulement il est aisé de trouver des volontaires pour travailler sur ce thème, mais ceuxlà adhèrent à des actions de vérification des coques des bateaux des particuliers. Le grand public est désormais devenu acteur de la sensibilisation aux problèmes écologiques. Autres retombées de cette science : la découverte du métier des gestionnaires. Ici, sous l’encadrement d’une personne travaillant à la réserve, les volontaires ont pu participer à l’élaboration des plans de gestion des lacs. Cette contribution s’est traduite par une responsabilisation des participants, laquelle a fortement aiguisé leur volonté de bien faire. On peut noter aussi comment ces programmes permettent aux per-

sonnes de s’approprier l’espace naturel. Ainsi lors du Water action volunteer, des volontaires suivent un même cours d’eau d’avril à septembre, une fois par mois. Ils appartiennent aux gens qui connaissent le mieux le site. Un réseau convivial de femmes et d’hommes défendant l’espace naturel s’est ainsi créé qui permet, en grande partie, à la Beaver creek reserve d’assurer les suivis de terrains, d’entretenir chemins et bâtiments et d’accueillir le public. Au chapitre du bilan, il faut encore ajouter que les professionnels ont acquis de nouvelles compétences, réclamées par l’animation de tels réseaux. Du reste, dans le Wisconsin, un salarié est directement responsable des volontaires. Ce travail, qui impose d’acquérir des savoir-faire en communication (site internet, événements, retour des résultats), nécessite également une grande implication des salariés responsables des différents projets. ● Coralie Beltrame - Tour du Valat beltrame@tourduvalat.org Vincent Devictor - CNRS vincent.devictor@univ-montp2.fr

EN SAVOIR PLUS • www.tela-botanica.org/wikini/colloque scb/wakka.php?wiki=PagePrincipale • www.beavercreekreserve.org • www.bsc-eoc.org/volunteer

INFO PÉDAGOGIQUE

S C I E N C E S PA RT I C I PAT I V E S

Cinq clés pour le succès Simplicité. L’objectif et les méthodes doivent être simples tant à expliquer qu’à comprendre. Un effort doit être porté sur la clarté du site internet, notamment sur le volet relatif à la transmission des données. Protocole. Le protocole doit être pensé selon de nouveaux critères de faisabilité et d’intérêt pour un volontaire et non seulement pour satisfaire les besoins du gestionnaire ou du scientifique. Ce protocole doit être standardisé. Il doit permettre l’analyse et l’interprétation rigoureuses des données. La propriété des données et les règles d’accès doivent être clairement établies. Retour. Les participants doivent être tenus au courant de l’utilisation de leurs données. À quoi servent-elles, à quels résultats aboutissent-elles ? À cette fin, les résultats, cartes et graphiques doivent être rapidement disponibles et régulièrement mis à jour. Communication. Une stratégie de communication est cruciale pour recruter de nouveaux participants et fidéliser les bénévoles. Ceci suppose de rédiger des communiqués de presse, d’activer les réseaux existants, de mettre en œuvre un site internet attractif, d’éditer des publications à la fois scientifiques et de vulgarisation. Une collaboration forte est nécessaire, dès le début du programme, entre l’équipe scientifique, celle de l’éducation à l’environnement et celle de la communication. Durabilité. La continuité des projets de sciences citoyennes doit être garantie. Une équipe permanente doit assurer le fonctionnement général et l’exploitation des données devant aboutir à leur analyse et à la publication des résultats. ●

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 15


TOUR D ’ HORIZONS

lire

SENSIBILISATION

FLEUVES ET RIVIÈRES SAUVAGES AU FIL DES RÉSERVES NATURELLES DE FRANCE

ESPÈCES

FLORA BELLISSIMA, POUR IDENTIFIER LA FLORE Édité sous forme de CDrom, Flora Bellissima permet d’identifier la flore de France : 1 400 espèces décrites, 9 800 photos plein écran, 80 000 lignes de nomenclature basée sur l’index de référence de la flore de France (BDNFF). Le plus ? Ce logiciel peut s’enrichir avec vos photographies et informations personnelles. Novice, amateur et expert, trois niveaux d’utilisation sont proposés. En ligne, il est aussi possible de consulter les commentaires ou donner son avis. Ce logiciel a été développé par Thierry Pernot, biologiste et informaticien de formation. Vidéo de démonstration sur le site web de Tela-Botanica. ● www.tela-botanica.org/ page:flora_bellissima • 29 euros

JURIDIQUE

INTRODUCTION AU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT Cet ouvrage aborde la réglementation relative à la préservation de la nature et du patrimoine, que les atteintes soient liées aux activités humaines ou à des risques naturels. Cette édition intègre les récentes évolutions de la réglementation dans tous les domaines du droit de l’environnement. Destiné aux étudiants en sciences et technologies de l’environnement ainsi qu’aux techniciens des industries, des collectivités locales et des associations de protection de l’environnement. ● P. Malingrey •

Les réserves naturelles jouent un rôle essentiel et servent de référents dans la préservation et la restauration des 500 000 km de cours d’eau de notre pays. L’ouvrage étudie donc les différents milieux et espèces aquatiques de l’hexagone, avant d’analyser les aménagements faits par les réserves sur ces espaces. Enfin, il nous offre un tour de France des fleuves et des rivières. ● G. Cochet • 192 pages • Delachaux & Niestlé • 38 euros

JURIDIQUE

LA CIRCULATION DES ENGINS MOTORISÉS DANS LES ESPACES NATURELS Ce guide explique différents termes de loi pour que chacun puisse s’en saisir, mais aussi pour faciliter la prise de décision par les élus, les inciter à aller plus loin dans la gestion de la pratique des loisirs motorisés dans les espaces naturels. Il fait le point sur la question en quatre temps : le cadre légal, l’application de la loi, les outils pour encadrer et maîtriser, la publicité illicite. Bien que destiné principalement aux collectivités, ce document peut-être mis entre toutes les mains. ● Mountain Wilderness, Frapna • 42 pages • gratuit • www.mountainwilderness.fr

334 pages • Tec & Doc • 41 euros

GESTION ÉDUCATION

LE GUIDÉDUC Éléments clés d’un projet éducatif, fonctionnement du réseau des réserves naturelles, agrément Éducation nationale, anticipation d’une animation, actions biogéodiversité… ce classeur illustré (schémas, tableaux, témoignages) mêle conseils pratiques et fiches pédagogiques. S’adressant à tous les éducateurs à la nature, le guide des Réserves naturelles de France est un repère dans la préparation d’animations destinées aux scolaires du primaire. ● Coord. par D. Aubonnet et F. Ravenot • 100 pages • Réserves naturelles de France commandes-rnf@espaces-naturels.fr • 28 euros

16

Espaces naturels n° 31 juillet 2010

TOURBIÈRES DES MONTAGNES FRANÇAISES L’ouvrage constitue un outil d’aide à la gestion des milieux tourbeux et associés en montagne et piémonts. Après avoir traité de certains choix fondamentaux, il se penche sur des thèmes comme la connaissance de l’hydrologie, le pâturage, le boisement, les interactions avec les stations de sports d’hiver, le suivi des sites. ● Pôle-relais Tourbière, Fédération des Cren, C. de communes FrasneDrugeon • gratuit


LA PH RASE

« Une aire protégée ne fonctionne pas isolément. » Patrick Triplet ne aire protégée ne fonctionne pas isolément. Elle doit être en relation étroite avec son environnement humain. » Le principe mérite de s’appliquer sur l’ensemble des espaces naturels protégés… Et pour cette raison ce Manuel de gestion des aires protégées d’Afrique francophone peut être exploité par tout acteur de la conservation de la nature. Issu du travail de quatre-vingt-quinze auteurs de vingt et une nationalités, l’ouvrage est le premier en langue française à réaliser une synthèse des connaissances et des pratiques reconnues sur les espaces d’Afrique francophone. Instrument, simple et clair, il offre un cadre solide pour construire sa réflexion, analyser ses problèmes et trouver la réponse adéquate, intégrant l’appropriation de la conservation de la nature par la population locale et les visiteurs. La logique scientifique qui a sous-tendu l’élaboration du manuel permet de répondre aux questions inévitables qui se posent à chacun d’entre nous : quand, pourquoi et comment intervenir ? Qui doit le faire ? La finesse des réponses constitue une référence au quotidien pour tout gestionnaire d’espace naturel, ici et ailleurs… ● Bénédicte Lefèvre

«U

Manuel de gestion des aires protégées d’Afrique francophone • P. Triplet • 1 234 pages • Awely • Téléchargement gratuit sur www.awely.org • Rubrique : Docuthèque

TECHNIQUE

LE CHÊNE AUTREMENT Comment produire du chêne de qualité en moins de 100 ans en futaie régulière ? Cet ouvrage offre les derniers résultats expérimentaux pour répondre à cette question : distinctions et exigences écologiques des chênes sessile et pédonculé, régénérations, conduite des éclaircies, cubage… Richement illustré par des schémas, photos et exercices de terrain. ● J. Lemaire • 176 pages • Forêt privée française / IDF • 20 euros.

© Patrick Triplet

LE M OT

« Management » ertes, l’auteur écrit pour les coachs professionnels, mais un responsable d’équipe trouvera bien du grain à moudre pour rationnaliser le travail et les relations quotidiennes au sein de son équipe, bref amorcer un changement dans son organisation. Cet ouvrage illustre parfaitement le vieil adage « un problème bien posé est à moitié résolu ». Son intérêt majeur est de faciliter l’observation décentrée des situations de travail : ainsi désengagé, le manager peut identifier les « jeux » (au sens d’Éric Berne) et construire une solution avec son équipe. Dans la deuxième partie, on découvre les finesses des deux facteurs à l’œuvre dans un groupe au travail : l’autorité et la dynamique de groupe. D’une part, le manager peut analyser sa conception et sa pratique de l’autorité : même subjective, cette étape est importante pour percevoir l’influence exercée sur le groupe. D’autre part, des outils simples d’analyse des modalités de travail, de l’histoire du groupe et des facteurs de cohésion lui permettront d’élaborer des pistes de changement. Pour la mise en œuvre, le manager devra compter sur sa créativité et celle de son équipe. Mais quoi de plus propice au développement de la cohésion et l’autonomie ? ● Véronique Petit-Uzac

C

Coacher groupes et organisations. La Théorie organisationnelle d’Éric Berne • F. Vergonjeanne • 304 pages • InterÉditions / Dunod • 28 euros.

POLITIQUES PUBLIQUES

L’OCÉAN GOUVERNE-T-IL LE CLIMAT ? L’auteur dresse un panorama de l’avancée des connaissances en océanographie depuis le Moyen Âge. En s’appuyant sur les modèles numériques et les observations continues, il analyse les fonctions de l’océan dans le climat, son rôle dans l’équilibre énergétique de la planète, son interaction avec l’atmosphère, sa place dans le réchauffement climatique en cours et l’importance des prévisions océanographiques. ● J. Merle • 254 pages • IRD / Vuibert / Adapt-SNES • 29 euros.

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 17


TOUR D ’ HORIZONS I LE COURRIER

© Gauthier Malherbe - Parc départemental du Sausset

76 ha de boisement en gestion différenciée au sein du parc départemental du Sausset (Seine-SaintDenis), site Natura 2000. Au printemps, les jacinthes sauvages émergent du sous-bois…

E

Agir pour la biodiversité

n cette année consacrée, une réflexion sur la biodiversité s’impose. Autorisons-nous donc un regard sur le droit et cherchons à savoir quelle place la biodiversité tient réellement dans notre système juridique ? Tournons alors le projecteur sur la loi de 1976, laquelle préconise « si possible » des mesures de compensations (art. L.122-3 et R.122-3, code de l’environnement) dès lors que l’autorisation des projets d’aménagement génère des dommages sur la nature. Qu’en penser ? Un récent séminaire interdisciplinaire s’est penché sur la question. Il se tenait au Centre du droit de l’environnement de Strasbourg les 26 et 27 avril et les participants n’ont guère été optimistes en mettant en évidence l’absence de vision globale des impacts cumulés des aménagements. Avec, pour corollaire, le fait que l’on sous-estime les impacts négatifs des travaux et que l’on oublie parfois l’incertitude qui entoure les mesures compensatoires.

E

nligne igneenlignee nl ee n ig nl ee enlign

Car après tout, la perte immédiate est certaine, la compensation ne l’est pas, surtout en absence de pérennisation ou de suivi. Si les coûts de la compensation autorisent de faire une évaluation économique des atteintes, ils ne représentent en aucun cas le prix de la nature. Les débats ont voulu rappeler que l’analyse juridique de la biodiversité, se situe à l’écart des catégories traditionnelles qui fondent le régime juridique. La nature est chose universelle, objet de droit, mais inappropriée et inappropriable. La biodiversité ferait-elle partie de ces choses (article 714 du code civil) « qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous » ? ● John Thompson - Marie-Pierre Camproux-Duffrène m.camproux@unistra.fr >>> SUR LES MESURES COMPENSATOIRES, LIRE AUSSI P. 48.

L’agenda

des professionnels de la nature

Un outil pro pour les pros : le nouvel agenda collaboratif mis en place sur la toile par l’Aten ! Nombre de colloques, séminaires, et autres forums sont organisés par et pour les gestionnaires d’espaces naturels et les acteurs de la protection de la nature. Pour s’y retrouver, organiser ses propres réunions aux dates les plus propices, l’Aten propose donc à ses membres et partenaires un agenda dynamique. Deux clics et vous trouverez, sous forme d’un calendrier, cet outil collaboratif. Après s’être inscrit sur le site, on signalera un événement en renseignant rapidement un formulaire qui apporte les précisions utiles : lieux, thématiques, organisateurs, programme… Pour recevoir l’information en fonction de vos préoccupations, un moteur de recherche est à votre disposition, de même qu’un abonnement via un flux RSS pour se tenir au courant en temps réel. ● http://agenda.espaces-naturels.fr

18

Espaces naturels n° 31 juillet 2010


TOUR D ’ HORIZONS

I LE COURRIER

l’agenda © Tùrelio - Wikipédia

BIODIVERS’ÉTÉ

« Âne qui brait sans fin, pluie le lendemain. »

I NDICATEURS DE BIODIVERSITÉ

Revoir nos vieux dictons omment évaluer la biodiversité ? La question se pose avec acuité, cette année peut-être plus particulièrement. Aussi les chercheurs travaillent-ils afin de déterminer des indicateurs susceptibles d’objectiver l’analyse. Dans ce contexte, d’aucuns soutiennent que, outre l’approche scientifique, d’autres savoirs seraient tout aussi pertinents pour porter cette évaluation. Les savoirs vernaculaires par exemple, dont la validité locale s’est construite au fil du temps, sur la base d’une expérience directe au territoire. Certes. Mais ces savoirs vernaculaires tiennent-ils compte des changements, notamment climatiques, constatés depuis quelques années ? Quelle crédibilité peuventils avoir aujourd’hui dans la gestion d’un espace à l’heure du bouleversement environnemental constaté ? Les dictons qui se construisent par l’observation fine du milieu, sur le temps long, ne deviennent-ils pas obsolètes face aux transformations actuelles ? Une chose est sûre : les indicateurs de biodiversité, qui se construisent à l’intersection des savoirs scientifiques et des pratiques locales, doivent faire la part entre enrichissement issu des savoirs de terrain et remise en question d’éléments constitutifs d’une culture. Réapprendre à observer la nature devient nécessaire pour revoir nos vieux dictons. Il s’agit par là de compléter efficacement le regard scientiste porté sur l’environnement qui ne doit pas en être la seule entrée. ●

C

Aurélie Javelle Ingénieur de recherche SupAgro Florac aurelie.javelle@educagri.fr Pour tenter d’apporter des réponses aux gestionnaires de plus en plus désarçonnés face aux changements des milieux, Espaces naturels n° 33 proposera un dossier sur l’usage des indicateurs de biodiversité.

PROTECTION DE LA NATURE - HISTOIRE

7 au 9 juillet - Florac

24 et 25 septembre - Paris

SupAgro Florac organise cette rencontre entre les acteurs du territoire national pour un état des lieux sur l’usage des indicateurs de biodiversité. Quelle complémentarité des indicateurs existants prendre en compte ? Quelle aire d’utilisation envisager ? Quelles adaptations sont possibles ?…. Témoignages de terrain et présentations scientifiques visent à répondre à ces questions concrètes.

Cette conférence internationale veut donner une perspective historique aux questions de la protection de la nature en France. Organisée par l’association pour l’histoire de la protection de la nature, l’université de Paris-Sud et l’école doctorale d’histoire moderne et contemporaine. http://www.paris-sorbonne.fr charlesfrancois.mathis@parissorbonne.fr

CONGRÈS DES PARCS NATURELS RÉGIONAUX

www.biodivers-ete.fr

6 au 8 octobre - Pourcy (51)

FORESTS FOR THE FUTURE 23 au 28 août - Séoul

Ce 13e congrès mondial est organisé par l’IUFRO sur le thème « Les forêts soutenant la société et l’environnement à venir ».

Le congrès des Parcs se tiendra dans le PNR de la Montagne de Reims. Au programme : « La biodiversité, atout des territoires ? » Élise Rousseau - 01 44 90 86 32

http://www.iufro2010.com

FESTIVAL INTERNATIONAL GÉOGRAPHIE ÉCOLOGIE DE LA RESTAURATION 23 au 27 août - Avignon

Restauration écologique et développement durable, cette 7e conférence internationale est ouverte aux acteurs, professionnels et scientifiques. http://www.seravignon2010.org

7 au 10 octobre - St-Dié des Vosges

« Bien gérer les forêts du monde au service des hommes », tel sera le thème de ces 21e rencontres de l’association pour le développement du festival international de géographie. jlattemann@ville-saintdie.fr 03 29 52 66 78

ESPACES NATURELS SENSIBLES RENCONTRES DES PARCS NATIONAUX

8 et 10 septembre - Causse Comtal

Ce colloque national, organisé par le conseil général de l’Aveyron, traitera de la valorisation des espaces naturels sensibles, de leur gouvernance ainsi que de leur usage et conservation. Anthony Rouxel - 05 65 75 82 22

13 au 16 octobre - Florac

Les rencontres des Parcs nationaux de France se concrétiseront à Florac sur fond du 40e anniversaire de la création du Parc national des Cévennes. stephan.corporon@parcnational.fr 01 42 96 87 63

Laissez passer !

© Mountain Wilderness

e Parc national du Mercantour et Mountain Wilderness organisent, du 9 au 14 juillet 2010, une 11e action de nettoyage avec pour objectif cette année, celle des 30 ans du parc, un secteur totalement débarrassé de barbelés. Le grand public est appelé à venir aider les agents et les bénévoles pour mener cette opération à but à la fois esthétique, sécuritaire, mais aussi naturaliste. ● Carmen Grasmick - cg@mountainwilderness.fr 04 76 01 89 08 - voir aussi www.mercantour.eu

L

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 19


80 % de la biodiversité mondiale est présente dans ces territoires français. L’outre-mer représente 97 % du domaine marin français.

LE D

Biodiversité des outre-mer Enjeux universels, solutions singulières Martinique Dom • Repère : montagne Pelée • 401 000 hab. • 1 128 km² • 355 hab./km2 • Sommet : 1 397 m • Décalage : - 5 h

St-Pierre et Miquelon Collectivité d’outre-mer • 6 800 hab. • 240 km² • 28 hab./km2 • Sommet : 240 m • Décalage : - 4 h

Guadeloupe Dom • Repères : Grande-Terre. Basse-Terre, la Soufrière • 420 000 hab. • 1 700 km² • 263 hab./km2 • Sommet : 1 467 m • Décalage : - 5 h.

Terres australes et anctartiques françaises Tom • Repères : Terre Adélie, Kerguelen, Crozet, îles Amsterdam et Saint-Paul, Europa, les Glorieuses, Juan de Nova, Bassas da India, Tromelin… • Pas de population • 439 700 km² • Décalage : entre + 2 h et + 4 h

Polynésie française Collectivité d’outre mer • Repères : 118 îles, 5 archipels : Gambier, Marquises, Australes, Société, Tuamotu • 220 000 hab. • 3 500 km² • 62 hab./km2 • Sommet : 2 241 m. Décalage : - 10 h

Clipperton Admin. par le Haut commissaire de la Polynésie française • Pas de population • 2 km² • Décalage : - 8h

20

Espaces naturels n° 31 juillet 2010

Guyane

Mayotte

Réunion

Dom • Repères : montagne de Kaw • 230 000 hab. • 85 000 km² • 4 hab./km2 • Sommet : 851 m • Décalage horaire : - 4 h

Dom en 2011 • Repères : Grande-Terre, Petite-Terre • 160 000 hab. • 377 km² • 425 hab./km2 • Sommet : 240 m • Décalage horaire : + 2 h

Dom • Repères : piton des Neiges, piton de la Fournaise • 785 000 hab. • 2 512 km² • 213 hab./km2 • Sommet : 3 070 m Décalage horaire : + 3 h


DOSSIER ▼ s

m•

SOMMAIRE

Dossier préparé par Laure Vincent et Emmanuel Thevenin dans le cadre du programme Temeum Coordonné par l’Aten, le programme Temeum vise au renforcement des capacités des gestionnaires d’espaces naturels d’outre-mer (formations, informations, mise en réseau, développement d’outils, co-financement d’actions). http ://outremer.espaces-naturels.fr

21 Outre-mers, univers divers. 22 Vincent Boulet : « Les erreurs. On va les payer très cher. » 24 Laure Bourraqui-Sarré : « Il nous a fallu adapter le cahier du garde. » 25 Michel Cantou : « Pour la sécurité des agents, une formation spécifique au milieu tropical. » 26 Sandrine Chalvet : « Ici, les missions de police sont plus dangereuses. » Jean-Baptiste Schneider : « La nature est au centre de l’économie. » 27 Laoumi Aboutoihi : « L’enquête publique en shimaorais ! » 28 Pas de salut sans réseautage. 29 Léon Razafindrakoto : « L’étranger, c’est moi. » 30 Les habitants des atolls définissent leurs règles en référence à leur culture. 31 En Polynésie, l’analyse écorégionale marine vient de s’achever. 32 Prendre en compte l’histoire et l’organisation sociale.

Wallis et Futuna Dom • 14 100 hab. • 215 km² • 66 hab./km2 • Sommet : 765 m • Décalage : + 11 h

Nouvelle Calédonie Collectivité à statut particulier • Repères : Grande-Terre, îles Loyauté, Chesterfield et Bellona, Hunter et Matthew, autres îles… • 207 000 hab. • 18 576 km² • Densité : 11 hab./km2 • Sommet : 1 628 m • Décalage horaire : + 9 h

Outre-mers Univers divers

T

erres glacées antarctiques, archipels sub-antarctiques, archipels de l’Atlantique nord, atolls, îles hautes de Polynésie, îles volcaniques et calcaires des Antilles, forêts tropicales primaires de Guyane… Avec son éparpillement géographique, l’outre-mer français présente une diversité de cultures, de paysages, de milieux naturels et d’espèces emblématiques. 80 % de la biodiversité du territoire français se trouve outre-mer. La France se situe dans le top 10 des pays hébergeant le plus grand nombre d’espèces animales et végétales menacées. Les enjeux marins y sont fondamentaux. En effet, avec l’outre-mer, la France possède le deuxième domaine marin au monde, le seul à s’étendre à la fois sur trois océans. Enjeu universel : chacun s’accorde sur le niveau de responsabilité de la France et des ultramarins pour préserver cette biodiversité. À ce titre, les meilleures initiatives conduites dans l’outre-mer français ont vocation à rayonner dans leurs sphères géographiques régionales : arc antillais, océan indien, pacifique… Elles sont le reflet des acteurs engagés dans la gestion des espaces naturels et de la préservation de la biodiversité. Aussi, protéger ce patrimoine revient à protéger la diversité culturelle et les modes de vie propres à ces régions. Mais concrètement, comment faire

au jour le jour ? Comment cette responsabilité se répartit-elle entre les prérogatives nationales et locales ? Les gestionnaires d’aires protégées de métropole ne peuvent-ils pas mieux bénéficier des expériences et acquis des outre-mers ? Comment intégrer dans sa pratique professionnelle les fortes identités culturelles des populations ? Et, dans ces territoires plus qu’ailleurs, comment concilier développement social et économique avec préservation de la biodiversité ? En effet, presque toutes les régions françaises d’outre-mer localisées dans la ceinture inter-tropicale font face à une situation socio-économique particulière : d’un côté, la population augmente rapidement (plus de la moitié des Guyanais sont âgés de moins de 25 ans), de l’autre, le taux de chômage est partout largement plus élevé qu’en métropole. Protéger la biodiversité comme base d’un capital économique endogène, créateur de revenus et d’emplois locaux, implique de ne pas considérer ces territoires comme en sursis mais comme en devenir. L’échange d’expériences et des voies nouvelles explorées dans chacun de ces territoires doit nous conduire à adopter les solutions singulières qui répondront à cet enjeu universel. ● Romain Renoux - WWF reservenaturelle@domacces.com Carole Martinez Agence des aires marines protégées carole.martinez@aires-marines.fr

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 21


LE DOSSIER I BIODIVERSITÉ DES OUTRE-MERS

INFOS PÉDAGOGIQUES

Le projet de loi Grenelle 2 vise l’outre-mer résenté comme « la boîte à outils juridique » du Grenelle de l’environnement, le projet de loi dit Grenelle 2 1 est un texte d’application et de territorialisation de la loi Grenelle 1 du 3 août 2009. L’article 56 de cette loi est dédié à l’outre-mer. Il concerne notamment la sauvegarde de la biodiversité et des ressources naturelles. Il vise à mettre en place des dispositifs de connaissance, de gestion intégrée, de protection des habitats et des espèces sauvages (tant terrestres que marines), comparables à ceux de métropole lorsque ces derniers ne sont pas applicables (Natura 2000 ne s’applique pas outre-mer). Il s’agit également de valoriser les biotechnologies vertes et bleues : en incluant notamment les plantes et espèces médicinales dans la pharmacopée française, en veillant à l’application des articles 8 et 15 de la convention sur la diversité biologique (5/06/1992). La loi Grenelle 1 visait à réaliser, d’ici fin 2010, un inventaire de la biodiversité outremer ainsi qu’une synthèse des connaissances permettant l’identification et la localisation des enjeux prioritaires, notamment en Guyane. Par ailleurs, des actions exemplaires en faveur des récifs coralliens doivent être menées par le biais du renforcement de l’initiative française sur ces récifs ou sur des espaces marins protégés. Déclinaison pratique. Certaines dispositions à l’étude concernant l’ensemble du territoire français sont particulièrement pertinentes au regard des enjeux outre-mer. Il s’agit de mettre en place des Plans d’action espèces menacées : 131 plans d’actions sur la période 2009-2013, dont 88 concernent des espèces présentes en outremer en danger critique d’extinction au niveau mondial. Autre exemple : consolider le réseau des conservatoires botaniques nationaux par la création de conservatoires en Guyane, Martinique et Guadeloupe. En mer, les dispositions relatives aux documents stratégiques de façade (littoral) doivent être adaptées à la situation particulière des collectivités d’outre-mer. Par ailleurs, le texte vise l’autonomie énergétique en 2030 pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion. ●

22

Espaces naturels n° 31 juillet 2010

© Bruno Dutreve

P

ÎLE DE LA RÉUNION

Les erreurs ? On va les payer très cher Ancien directeur du Conservatoire botanique national de Mascarin (île de La Réunion), Vincent Boullet nous donne quelques clés pour comprendre comment se pose la question de la sauvegarde de la biodiversité dans ces territoires d’outre-mer. ENTRETIEN AVEC

VINCENT BOULLET

Après sept ans passés à l’île de La Réunion, Vincent Boullet est actuellement directeur scientifique du conservatoire botanique national du Massif central. vincent.boullet@cbnmc.fr

1. Le projet de loi « portant engagement national pour l’environnement » a été adopté par l’Assemblée nationale le 3 mai 2010. À l’heure où nous mettons sous presse, il doit encore être discuté en Commission mixte paritaire (le 16 juin). Voir encart page 8.

V

u de métropole, on parle de l’outre-mer comme d’un ailleurs pluriel et si l’on s’accorde sur une différence, on ne sait trop laquelle. On sait juste que làbas, les enjeux de biodiversité sont « énooormes » avec plusieurs o pour bien souligner la difficulté et l’urgence à agir. Mais comment qualifier et comprendre la spécificité d’un travail de gestion outre-mer ? Ancien directeur scientifique du Centre botanique national des îles françaises de l’océan indien, Vincent Boullet a tra-


Une ambaville jaune, millepertuis arborescent indigène de La Réunion, devant la plaine des Cafres et le piton des Neiges, plus haut sommet de l’île (3 070 m).

vaillé sept ans à la Réunion. Il n’a de cesse d’expliquer pourquoi et comment la réflexion ne s’y « pose » pas dans les mêmes termes qu’en France métropolitaine. «Dans l’hexagone, explique-t-il, la biodiversité est issue de l’activité humaine. Quand le gestionnaire veut savoir ce qu’il doit conserver, réhabiliter, renaturer, il prend pour référent une diversité complexe, façonnée par l’homme au cours des siècles. Nos pelouses par exemple : nous apportons une valeur à cette biodiversité secondaire, laquelle possède un caractère culturel.

titre de sa conservation. « Les savanes, par exemple », poursuit le directeur du conservatoire botanique national, « ces constructions anthropozoogènes sont intéressantes, mais elles existent aussi ailleurs. Ce n’est pas le cas des pelouses altimontaines

place réciproque doit être délimitée et contingentée. Or avec 800000 habitants, l’île de la Réunion connaît une croissance économique permanente et une démographie galopante. L’acuité du problème réside entre la nécessité de préserver la biodiversité et celle de consacrer de l’espace au développement des sociétés humaines. Clairement, le gestionnaire est au centre d’un conflit pour l’aménagement du territoire. Un conflit d’autant plus dur que, depuis toujours, la société réunionnaise s’est construite en puisant sur les milieux primaires. Qu’elle ait eu besoin de ressources ou d’espace, elle a “pris” sur la nature. Quel rapport à la nature. Les peuples de ces îles sont toujours, majoritairement, dans cette représentation d’une nature qui peut être asservie et servir (en usant d’outils de moins en moins traditionnels). On braconne énormément par exemple. Or, pour mettre en œuvre les politiques

Les enjeux de la conservation sont simples : préserver des milieux primaires qui n’existent nulle part. Ce qui ouvre des conflits de gestion du territoire.

Juste la diversité primaire.

A contrario, dans ces systèmes insulaires, seule compte la biodiversité organisée autour des milieux primaires». Se faisant plus imagé, Vincent Boullet poursuit : « Ce qui est anthropique, exotique, c’est l’ennemi ! » Il semble logique, en effet, de donner priorité à la conservation des milieux à vocation primaire. Les derniers existants à l’échelle mondiale ! Leur perte serait telle qu’elle serait impossible à compenser. Du coup, la diversité secondaire n’a pas d’intérêt au

ou des milieux de très haute altitude qui développent un taux d’endémisme frisant les 100 % et qui constituent une priorité absolue. » Nature et société. La conservation vise donc à laisser, le plus possible, ces territoires hors de l’emprise de l’homme. Une position sous-tendue par des enjeux sociaux. Vincent Boullet confirme: «Impossible d’allier nature et société, le principe même est contradictoire, les deux sont en concurrence. Cela signifie que leur

publiques au service de la biodiversité, il faut que la société adopte une nouvelle position dans son rapport à la nature ; qu’elle adhère à un nouveau référent social et culturel en rupture avec le modèle passé. Elle doit faire sienne l’idée que ce milieu ne supporte pas, ou plus, d’être pillé, perturbé. Les gens doivent trouver d’autres manières d’être, d’autres sources de nourritures et de loisirs aussi… Il faut que ce schéma fasse référence dans les comportements individuels et les choix collectifs.

L’accompagnement vers cette transformation est aussi au cœur du métier du gestionnaire d’espaces naturels. C’est pourquoi, par exemple, les équipes du parc national tentent de mettre en place des programmes susceptibles de modifier ce référent. » Coercition. L’évocation de la coercition, ou plus concrètement d’une seule police de la nature, pour modifier les comportements humains fait tressaillir Vincent Boullet. « Quand vous avez connu l’esclavage et la domination des colons, l’interdit représente le pouvoir du colonisateur qu’il n’est pas illégitime de transgresser. Et du reste, ne vous y trompez pas, lorsque vous venez de l’extérieur, quoi que vous fassiez, vous êtes identifié au gouvernement, à l’autorité. C’est pourquoi pratiquer la culture de l’interdit est contre-productif. Elle prive la population du sentiment de liberté associé à la nature, elle suscite l’opposition. » On en conclura que la gestion de la biodiversité, à la Réunion en tout cas, nécessite de travailler afin que l’interdit devienne une décision collective. Humilité. Cette humble pos-

ture du gestionnaire envers les populations locales se double d’une même humilité envers le milieu. En métropole, on est capable d’intervenir sur une tourbière, on sait comment gérer les pelouses, comment mener des conduites pastorales… Mais, face aux milieux primaires, il faut bien admettre l’ignorance. On connaît si peu de choses sur leur fonctionnement. «De fait, la grande spécificité de ces milieux primaires c’est notre absence de référence en matière de conservation. On est dans l’expérimentaltotal, complète Vincent Boullet qui poursuit, les erreurs? On va les payer très cher.» Il y a donc une chose à retenir: ici plus qu’ailleurs, agir avec précaution. ● Moune Poli

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 23


LE DOSSIER I BIODIVERSITÉ DES OUTRE-MERS

Ils en témoignent Que les causes soient géographiques, historiques ou sociales, la situation outre-mer est toujours spécifique. Les gestionnaires peuvent rarement utiliser, tels quels, les outils génériques. Ils doivent également développer compétences et connaissances propres aux besoins de leur territoire. Quelques exemples montrent comment ils s’adaptent. Faisant d’ailleurs, ici ou là, figure de précurseurs.

L’adaptation des outils initiés ailleurs s’avère impérativement nécessaire

© Laure Bourraqui-Sarré

G UADELOUPE

LAURE BOURRAQUI SARRÉ Chef de projet ONF à la direction régionale de Basse-Terre.

« Il nous a fallu adapter le cahier du garde »

E

n Guadeloupe, la gestion des cinquante pas géométriques1 protégés par le Conservatoire du littoral est assurée par les gardes du littoral communaux. L’ONF et le Parc national confortent cette gestion courante par un entretien des écosystèmes. Or, à la variété des intervenants se superpose une variété d’outils : efficaces, perfectibles, complémentaires mais non coordonnés et donc peu opérationnels pour la programmation de la gestion des sites dans son ensemble. Aussi, en 2008, le Parc national et l’ONF décident de développer une base de données numérique commune aux deux organismes en analysant les avantages et les inconvénients de chacun des outils. L’ONF dispose d’un cahier du garde. Celui-ci est renseigné manuellement pour chaque site. Il s’agit d’un tableau de bord composé d’une fiche de description initiale, de fiches d’intervention et de fiches de bilan, lesquelles synthétisent les actions engagées dans l’année. Cet outil est donc assez complet mais un document manuel est quelquefois difficilement lisible. Par ailleurs, il ne garantit pas la rigueur et la rapidité de synthèse d’une version numérique. Les agents du Parc national renseignent, quant à eux, une base de données informatique qui recense les infractions sur site. Les informations qu’elle offre sont par conséquent incomplètes pour assurer un suivi de la gestion courante des sites. Pendant un an, le choix des rubriques, l’organisation des données et la fonctionnalité de la base font l’objet d’échanges en24

Espaces naturels n° 31 juillet 2010

Occupation illicite des terrains du Conservatoire sur la commune de Pointe noire (anse Caraïbe). 1. Bande littorale présente dans tous les départements d’outremer, large de 81,20 mètres. Elle est calculée à partir de la ligne des plus hautes marées. En Guadeloupe, parmi les 8 000 ha protégés par le Conservatoire du littoral, 1 800 ha concernent les cinquante pas géométriques.

tre nos deux structures. C’est Alain Ferchal, géomaticien au service Systèmes d’information qui assure le développement du progiciel tandis qu’à l’ONF nous en testons les fonctionnalités. Aujourd’hui, ces données spatialisées sont accessibles par internet. Elles permettent de suivre l’état du foncier (occupations illicites, bornage, acquisition de nouvelles parcelles), d’assurer la gestion écologique (évolution des milieux, suivi des travaux de restauration, propositions) et, également, l’accueil du public (état des équipements, recensement des besoins). La prochaine étape visera à permettre aux gardes du littoral communaux d’accéder à cette base. Après une période test, une extension de l’outil vers d’autres territoires pourra même être envisagée. ● laure.bourraqui-sarre@onf.fr


© Michel Reze

Le risque de se perdre est bien réel.

G UYANE

M ICHEL CANTOU Président d’Innovaqua. Association d’aide au développement et à la valorisation des zones et activités aquatiques littorales et continentales.

« Pour la sécurité des agents, une formation spécifique au milieu tropical »

I

mmense mer végétale dont la démesure peut inquiéter, la forêt équatoriale amazonienne ne présente pas plus de menaces que n’importe quel autre milieu extrême. Sa dangerosité cependant est liée à la richesse du contexte naturel qui expose l’agent à une variété de situations techniques et environnementales. Dans ce milieu tropical humide, l’eau est omniprésente, les cours d’eau sont quasiment les seules voies de communication et nécessitent de maîtriser des savoir-faire spécifiques. Sur terre, la densité de la forêt peut amener à se perdre. L’agent devra savoir progresser, s’orienter, connaître les dangers et apprendre à survivre en situation d’isolement. Il devra aussi posséder des notions médicales et de premiers soins. Début février 2010, cinq jours de stage inscrits au catalogue de l’Atelier technique des espaces naturels et organisés par Innovaqua visaient à faire progresser la sécurité des agents évoluant en milieu tropical. Les compétences croisées de six personnes ont été nécessaires pour répondre aux besoins de quinze stagiaires originaires des parcs de Guadeloupe, de Guyane et amazonien. Sur terre. Outre la description d’une carte IGN et de ses courbes de niveau, des exercices de déplacement en forêt visaient à savoir utiliser une boussole, orienter une carte, intégrer la Déclinaison magnétique rapportée (DMR) ; sans compter la maîtrise des astuces permettant de s’orienter avec le soleil, les cours d’eau, la montre, etc. Lors d’exercices pratiques, des équipes de quatre personnes ont évolué en forêt démontrant, grande leçon de l’atelier, que se perdre peut rapidement devenir une réalité. L’installation des bivouacs a également fait l’objet d’un atelier. Comment choisir son emplacement, monter le hamac,

le protéger de la pluie, le sécuriser en élaguant au ras du sol pour éviter d’être exposé aux piqûres d’insectes ou aux animaux la nuit venue ? Enfin, apprendre à allumer un feu. Essentiel en milieu humide, il réchauffe, rassure, protège et n’est pas évident à réussir. Face à certaines situations, la formation s’est faite médicale. Le docteur Nicolas Heran a expliqué la composition d’une trousse de survie, le brancardage de fortune, la réanimation cardio-respiratoire. Sur l’eau. Unique voie de communication, exception faite de l’hélicoptère, l’eau représente une des principales causes d’accidents en forêt : par noyade. L’habileté des piroguiers à manœuvrer détermine la sécurité du groupe. Le passage d’un saut par exemple est une manœuvre très technique. Non-navigable au moteur, l’endroit est jalonné de pierres et le débit du fleuve est tel que la configuration apparaît comme un torrent bouillonnant. La mise en œuvre a mis en exergue quelques points de sécurité à améliorer tel le fait, avant le saut, de troquer ses lourdes chaussures de marche contre d’autres, plus légères, permettant de nager en cas de chute. Mais ici comme ailleurs la réussite d’une mission passe par une planification de l’objectif et des moyens humains et structurels à mettre en œuvre : désigner un chef de mission, lister le matériel nécessaire, les moyens de transport, les rations alimentaires, les réserves d’eau, etc. Étudier la cartographie du parcours, identifier les obstacles, envisager le timing de progression, prévoir les lieux de bivouacs, convenir d’un contact régulier avec l’employeur par téléphone satellitaire, etc. La sécurité est l’art d’anticiper. ● m.cantou@hotmail.fr

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 25


LE DOSSIER I BIODIVERSITÉ DES OUTRE-MERS

Ils en témoignent

Chargée de formation Aten collaboratrice sur le programme Temeum

SANDRINE C HALVET

« Ici, les missions de police sont plus dangereuses »

C

oncevoir et animer des formations au commissionnement, comme nous avons pu le faire pour les agents en Guyane, suppose de répondre à des besoins propres liés à une réalité professionnelle spécifique. Point névralgique donc : connaître les besoins. Or ici, tout d’abord, le rapport à la nature est différent. Celle-ci est nourricière (chasse, cueillette), guérisseuse, spirituelle. Il en découle une dépendance directe à l’environnement qui peut rendre les missions de police plus dangereuses (mais aussi des échanges plus concrets en formation). À acquérir donc: une connaissance des habitudes, des langages et des milieux, laquelle s’avère essentielle pour éviter de se mettre en danger. La formation doit nécessairement aborder la problématique du territoire concerné en s’intéressant aux particularités des activités, des espèces et des sites. Ainsi, de même qu’en Guyane, les exercices et examens répondent à la délicate question du ramassage des œufs de tortues ; à la Réunion, les gardes sont amenés à « plancher » sur la cueillette d’herbes médicinales.

D’ailleurs, pour rester connecté à la fois au terrain et à ses acteurs, nous avons fait en sorte que les volets pratiques soient animés par les brigades de police de l’environnement locales comme l’ONCFS, la Brigade nature océan Indien, le Parc national de Guadeloupe ou encore la Brigade nature Mayotte. Conçu depuis la métropole, les principaux facteurs conditionnant la conception et l’animation d’une formation en outre-mer sont le temps, l’éloignement et le coût induit. Or, si concernant les missions de police, les compétences attendues sont partout les mêmes, les formations en outre-mer sont toujours plus courtes. Il nous a donc fallu revoir les objectifs et les outils pédagogiques dans un esprit plus synthétique, plus opérationnel : guide de l’agent commissionné en outre-mer, tableau d’infractions spécifiques à chaque site… Cependant, de tous ces éléments, l’identification des besoins reste le point faible ; organismes de formation et employeurs doivent travailler ensemble pour approfondir le sujet. ● sandrine.chalvet@espaces-naturels.fr

MARTINIQUE

J EAN-BAPTISTE SCHNEIDER Directeur régional à l’Office national des forêts en Martinique

« La nature est au centre de l’économie »

A

vec près de 400 habitants au km2, la mise en place d’un réseau de réserves biologiques en Martinique constitue une réponse pour la sauvegarde de la biodiversité en forêt publique. Ainsi, la réserve biologique intégrale de la montagne Pelée a été créée en 2007. Suivie bientôt par la réserve intégrale de Prêcheur-Grand’Rivière, elles offriront, à elles deux, un espace protégé continu de la mer jusqu’au point culminant de l’île. Mais la tâche n’a pas été aisée pour les ges-

© Ophélie Docquier - ONF

La matoutou falaise, mygale endémique protégée de La Réunion, est très recherchée par les collectionneurs et fait l’objet de nombreux trafics.

26

Espaces naturels n° 31 juillet 2010

tionnaires de l’ONF qui ont piloté le chantier. Dans une île où l’espace et les ressources sont limités, la forêt constituait le fondement de l’économie et les habitudes sont restées. Le gestionnaire a dû faire l’inventaire des usages. Et, que les pratiques soient traditionnelles ou récentes, les intérêts sont divers et nombreux ! Pour l’agriculture et la pêche (confection des casiers), les habitants prélèvent du bois d’œuvre et de jeunes tiges. Ils cueillent des plantes à valeur thérapeutique ou culinaire. Les jardins créoles (bananiers, cocotiers…) se sont développés et avec eux, l’introduction d’espèces exotiques. Des familles squattent en forêt… Dans le domaine de l’économie touristique, la randonnée pédestre a de plus en plus d’adeptes et des problèmes apparaissent sur les crêtes sensibles à l’érosion. À noter aussi, la pratique du canyoning, de grands raids, du camping, du bivouac… La liste ne se veut pas exhaustive, elle souligne toute la difficulté de mettre en place une réserve intégrale. Or, vu la taille des surfaces mises en réserve (3 000 ha), aucune police ne saurait être efficace. La gestion de tels espaces réside donc, nécessairement, dans la concertation et la responsabilisation des habitants et des touristes. Panneaux d’informations axés sur la réglementation et l’intérêt patrimonial du site, communiqués de presse… sont les outils de l’immédiat. L’éducation à l’environnement est ensuite la voie primordiale. ● jean-baptiste.schneider@onf.fr


© Agnès Poiret - Agence des aires marines protégées

Participation de la mission « parc marin » à une pêche traditionnelle au djarifa (tissu faisant office de filet) en vue d’étudier cette pratique.

PARC NATUREL MARIN DE MAYOTTE

LAOUMI ABOUTOIHI Chargé de mission à l’Agence des aires marines protégées

« L’enquête publique : en shimaorais ! »

L

’aboutissement du processus de concertation qui, en janvier dernier, a donné naissance au Parc naturel marin de Mayotte ne doit rien au hasard. Faire cheminer les populations vers l’acceptation d’un tel parc supposait nécessairement d’être compris avant même de comprendre les réalités sociales, économiques et culturelles. La mission a donc pris en compte le fait que nombre de Mahorais maîtrisent encore mal la langue française. Ainsi, les deux langues majoritairement parlées sur l’île (shimaorais et shibushi) ont été systématiquement employées lors des échanges destinés à recueillir les avis et dans les explications destinées à promouvoir le parc. Dans le même esprit, la mission comptait trois agents recrutés localement et susceptibles de percevoir plus intuitivement les hommes et les réalités. L’équipe a ainsi sillonné les dix-sept communes de l’île pour expliquer le projet. Elle a mené des entretiens avec les pêcheurs, les aquaculteurs, les acteurs du tourisme afin de saisir les enjeux et problématiques de cette pêche vivrière. Prendre en compte les usages s’est également avéré indispensable. La pêche au djarifa par exemple, est-elle ou non destructrice? Celle-ci, pratiquée majoritairement par les femmes, consiste à prélever de petits poissons à l’aide d’un tissu faisant office de filet. Pour savoir s’il y a lieu de promouvoir cette pratique traditionnelle ou s’il convient de l’adapter afin de la rendre respectueuse de la ressource halieutique, une étude a été initiée avec une forte implication des femmes adeptes de cette pêche. Par ailleurs, dans ce contexte où les gens participent difficilement (difficultés de déplacements, d’appropriation du projet…), une réflexion sur la mise en place de moyens adaptés a fait jour. Les registres déposés en mairie ne devaient pas restés vides de remarques ! Ainsi la communication s’est faite au travers d’articles de presse, de spots TV et radio, là encore en langues locales. 1

Quant aux propositions ouvertes à enquête publique et concernant par exemple les limites du parc ou les orientations de gestion, elles ont été déposées en mairie accompagnées d’un film en langues locales et diffusé en continu. Un des points forts de cette concertation repose sur la mobilisation de personnes « relais » dans chaque commune : des agents du conseil général. Là encore, des hommes du terrain. Un atout indéniable ! ● laoumi.aboutoihi@aires-marines.fr 1. Placée sous l’autorité du préfet, la mission a été mise en place par l’Agence des aires marines protégées.

OBSERVATOIRE NATIONAL POUR LA BIODIVERSITÉ

L’outre-mer enjeu de connaissance

u centre des enjeux pour la biodiversité : l’outre-mer et la nécessité d’élaborer des scénarios sur les changements futurs. Il est indispensable de synthétiser toutes les connaissances éparses mais aussi d’obtenir des séries longues de données, complémentaires. Le Système d’information sur la nature et les paysages (SINP) vise depuis 2007 à la caractérisation et la structuration de l’ensemble de la connaissance disponible. Il s’appuie sur les nombreux systèmes d’observation et d’inventaire de la biodiversité existant. Avec la loi Grenelle 1, 2010 a vu la création de l’Observatoire national de la biodiversité (ONB). Il a pour objectif, via des jeux complets d’indicateurs, de porter à connaissance l’état et l’évolution de la biodiversité, ainsi que les liens entre les activités humaines et la biodiversité. Il croisera les informations de synthèse produites par le SINP avec celles issues des autres systèmes d’information. Il s’articulera avec les nombreuses initiatives internationales comme la plate-forme sur la biodiversité « IpBes » actuellement à l’étude. Une réflexion est en cours visant à missionner, dans les différents outre-mers, des organismes relais qui porteront le projet de SINP. Des indicateurs spécifiques devront être développés. ● Avec le concours de Luc Mauchamp et Claude-Anne Gautier

A

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 27


LE DOSSIER I BIODIVERSITÉ DES OUTRE-MERS

G UYANE - G ROUPE D’ÉTUDE ET DE PROTECTION DES OISEAUX

Pas de salut sans réseautage Conserver la biodiversité ultra-marine suppose d’intégrer des réseaux. Mutualiser informations, outils et analyses conditionne l’efficacité de l’action. Le Groupe d’étude et de protection des oiseaux en Guyane fait la démonstration. © M. Dechelle - Gepog

A

gir pour l’avifaune en Guyane! Afin de définir les espèces prioritaires, relayer des programmes globaux de conservation, valoriser ses données et son expérience, le Groupe d’étude et de protection des oiseaux en Guyane (Gepog) est en lien quotidien avec la coordination de BirdLife Amériques à Quito (Équateur). Cette proximité permet la prise en compte des enjeux de conservation de Guyane dans les programmes de la sous-région comme dans ceux de l’ensemble du continent américain. Ainsi, les résultats des comptages annuels des oiseaux d’eau sont transmis directement à Wetlands Argentine et la Guyane figure dans le plan de conservation des oiseaux d’eau des Amériques. Par ailleurs, l’outre-mer ne bénéficie ni de la directive Oiseaux, ni de la directive Habitats, faune, flore ni, donc, du dispositif Natura 2000. Aussi, privée de ces trois piliers des politiques de conservation de la nature, la Guyane définit des sites d’importance mondiale pour la conservation des oiseaux (Important birds areas-IBA) sur la base de critères mondiaux établis par BirdLife international. Ancrage national. L’enjeu est de faire reconnaître cette labellisation IBA au niveau des instances administratives et institutionnelles nationales et locales afin de nourrir les orientations juridiques et financières des politiques de conservation françaises. L’articulation avec les réseaux d’ONG nationaux s’avère alors indispensable. Le Gepog s’appuie d’ailleurs sur la fédération France nature environnement pour le conseil juridique et le portage politique. Dans la même veine, l’appui de cette fédération, celle de l’UICN, ainsi que celle des membres du Conseil national de la protection de la nature, a permis de déboucher sur l’établissement d’un schéma d’orientation minier satisfaisant. La Ligue pour la protection des oiseaux,

28

Espaces naturels n° 31 juillet 2010

Un coq de roche, dans la montagne de Kaw.

L’outre-mer ne bénéficie ni de la directive Oiseaux ni de la directive Habitats ni, donc, du réseau Natura 2000.

représentante de BirdLife en France, est partenaire d’actions de protection, de lobbying ou de valorisation des associations ultramarines. Dans le domaine des espaces naturels protégés, le Gepog est également lié à Réserves naturelles de France et bénéficie ainsi des initiatives de formation du réseau Temeum (Terres et mer ultramarines). Deux autres structures nourrissent également les réflexions : les conservatoires d’espaces naturels et le Conservatoire du littoral.

où le tapir, espèce pourtant menacée, est chassable. Heureusement les dernières « orientations régionales de gestion et de conservation de la faune sauvage et de ses habitats » ont permis d’interdire sa commercialisation. Parfois, les pays frontaliers de la Guyane comprennent mieux ses enjeux écologiques que la France. Une incohérence à laquelle il est urgent de remédier, en s’inspirant, si nécessaire, du cadre législatif souvent plus strict de nos voisins en matière de protection de la biodiversité. ●

Enjeux institutionnels et législatifs.

Nyls de Pracontal - Directeur du Gepog ass.gepog@wanadoo.fr Julie Riegel - Mission internationale LPO julie.riegel@lpo.fr

L’appui de ce panel d’acteurs métropolitains est indispensable pour porter auprès des ministères en charge de l’environnement et de l’outre-mer des améliorations législatives et pour se faire l’écho des attentes spécifiques des associations locales. La Guyane par exemple, est le seul département français où les espèces d’oiseaux non protégées sont, par défaut, chassables. Sur ce territoire où n’existe pas de fédération de chasse, il n’y a ni période définie, ni quota, ni permis de chasse. De tout le bassin amazonien, la France est ainsi presque le seul pays

EN SAVOIR PLUS www.gepog.org. Propositions des associations ornithologiques ultramarines aux députés et eurodéputés en matière de leviers juridiques et financiers : « Avifaune des Dom : un patrimoine, un atout. »


© Léon Razafindrakoto

Léon Razafindrakoto

Conservateur de la réserve de Kaw

G UYANE

L’étranger, c’est moi

A

boutira, aboutira pas ? La réserve de Kaw transformera-t-elle un deuxième essai pour établir son plan de gestion? À chaque fois, jusqu’ici, le document n’a pu aboutir car trop vertement rejeté par la population. Depuis quelques mois cependant, le climat a changé avec l’arrivée de Léon Razafindrakoto. Malgache en terre guyannaise, le conservateur affiche près de vingt années d’expérience dans divers pays et une façon toute personnelle d’aborder la question. « Tout repose sur le processus relationnel, narre-t-il. Le village de Kaw abrite une cinquantaine d’habitants permanents. La réserve est leur lieu de vie et leur source de revenus. Je suis arrivé dans un contexte difficile où les gens n’avaient reçu que des promesses d’un quotidien meilleur. En réalité, la protection ne leur apporte que des contraintes. Leurs problèmes, leurs questions n’étaient pas pris en considération. Le climat était à la défiance et à la démotivation. Certaines personnes sont illettrés mais, ici, elles sont chez elles depuis des généra-

Le conservateur affiche une façon toute personnelle d’aborder la question.

tions; et vous, intrus venu restreindre leur liberté, que représentez-vous? Ces gens sont les descendants des esclaves, en êtes-vous conscients ? Pour ma part, j’avais une vision claire de ma posture : je représentais l’autorité, sans légitimité. Aussi, j’ai joué la transparence des relations humaines, de l’écoute. J’ai pris le temps de taper aux portes, d’aller vers les gens dans la rue, de discuter comme on palabre pour soupeser et rencontrer l’autre. C’est à nous, «étrangers», d’aller vers les gens. Eux, ils nous regardent, ils nous surveillent, se demandent si nous sommes vraiment sincères. Lors de ces relations informelles, je privilégie le rapport avec les anciens, les sages ! Je suis un simple gestionnaire missionné pour établir un plan de gestion. Je ne suis ni

l’État ni le préfet et je cherche toujours beaucoup de clarté dans mon positionnement. Rien ne m’empêche d’être au côté des populations. Ainsi, par exemple, un jour que des véhicules avaient été saccagés, les villageois revendiquaient plus de sécurité. Ils faisaient barrage et empêchaient qui que ce soit d’entrer dans la réserve. Ils ont voulu, moi aussi, me contraindre. Ma réaction a été de montrer que nous étions dans la même galère. En effet, aucun plan de gestion ne peut être performant si on ne résout pas les problèmes de sécurité. « Moi aussi, on m’a volé des pirogues », ai-je expliqué. J’ai signé leur pétition et nous sommes allés, ensemble, voir le préfet. J’ai servi de passerelle entre eux et l’administration et la confiance s’est vraiment instaurée. Pour être accessible, il faut aussi reconnaître la culture de l’autre. Lors d’une réunion, j’ai eu envie d’exprimer mon désir de travailler main dans la main avec eux. Aussi, j’ai parlé en créole. Et là… tout le monde a applaudi. Par cet acte, je voulais signifier que je reconnaissais la va-

leur de leur culture. Je sais aussi que, dans une réunion, quand les gens parlent leur langue, c’est une manière de mettre certaines choses à plat. Je n’y vois pas de défiance. Tout cela ne m’empêche pas d’affirmer mes positions, qui peuvent être en contradiction avec la population. Je peux, je sais, dire non. Je n’en suis pas moins respecté. Ma crédibilité repose sur la parole donnée et sur le fait d’être fiable. Je suis conservateur et je cherche à ce que les gens identifient mon positionnement comme tel. Je ne veux pas confondre les relations de confiance, le respect et le copinage. On m’interpelle, et j’échange avec tous, enfants ou adultes… cependant, je reste ce que je suis. Récemment, par exemple, des jeunes m’ont invité pour leur anniversaire. J’ai décliné. » On serait tenté d’applaudir tant le positionnement est clair, cohérent, respectueux. Pourtant le plan de gestion est en retard et l’administration complexifie la situation par ses nécessités administratives. Rien n’est joué. ● Recueilli par Moune Poli

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 29


LE DOSSIER I BIODIVERSITÉ DES OUTRE-MERS En Polynésie, le dialogue constitue l’outil privilégié pour favoriser une gestion durable des ressources.

POLYNÉSIE FRANÇAISE

Les habitants des atolls définissent leurs règles en référence à leur culture

E

n 2002, un projet vise à agrandir la réserve de biosphère de l’atoll de Taiaro (Polynésie) à l’ensemble des sept atolls de la commune de Fakarava. La proposition émane des élus de Fakarava, du gouvernement de Polynésie française relayée par le comité Mab 1 France. En accord avec le concept et les pratiques des réserves de biosphère de l’Unesco, les règles concernant l’usage des ressources seront élaborées avec les populations, lesquelles sont également sollicitées pour établir un zonage spatialisant les types de réglementations et modes de gestion. Ici, où le milieu naturel offre les principales ressources (la majorité de la population vit de la pêche, de la coprahculture, de l’artisanat, de la perliculture), certaines questions cruciales vont se poser: comment réglementer les prélèvements d’œufs de kavekas (sternes fuligineuses), de kaveu (crabe de cocotier) ou encore ceux de coquillages endémiques de Niau, de bénitiers, de pati (poissons laits), etc. Accompagnement. Les services administratifs, membres de l’organe de gestion de la réserve, ne peuvent être en permanence sur site, faute de moyens humains et financiers. Ils choisissent tout de même d’accompagner les acteurs locaux dans l’élaboration des règles de gestion en réalisant de nombreuses missions dans ces îles. Ainsi, sur 30

Les modes de régulation traditionnels, à l’initiative des habitants, doivent être mis en valeur.

Piège à poissons sur l’atoll de Raraka.

chaque atoll, des réunions publiques sont organisées par la municipalité, permettant d’expliquer ce qu’est une réserve de biosphère, ses objectifs intégrés de conservation, d’éducation, de recherche et de développement, et d’aboutir à la mise en place de différentes zones et des règles qui s’y appliquent. La participation de la population est active. Les débats portent principalement sur la gestion des ressources. Des conflits d’usages peuvent parfois se révéler. L’atoll de Niau en est une il-

Espaces naturels n° 31 juillet 2010

lustration puisqu’une partie de la population souhaite l’interdiction de l’exportation de poissons laits tandis qu’une autre exprime son désaccord. Identité et culture. Le dia-

logue se fait en référence avec l’identité et la culture des populations. Ainsi, certaines zones de la réserve renvoient à la culture du rahui polynésien : un outil de gestion traditionnelle des écosystèmes et des ressources naturelles utilisé par les Polynésiens avant l’arrivée des Européens.

Celui-ci visait à garantir des réserves de nourriture ou le maintien d’espèces particulières en restreignant ou défendant l’exploitation de ressources naturelles ou cultivées2. On note alors que trois des atolls ont intégré des rahui dans leur zonage pour des périodes allant de six mois à deux ans. La concertation aboutit également à la définition des zones à vocation touristique, agricole… et à l’ensemble des modes de gestion des zones terrestres et lagonaires.


POLYNÉSIE FRANÇAISE

© Catherine Cibien - Valérie Meyer

Révision. Certaines règles

ainsi définies se sont révélées inappropriées ou inapplicables. À la demande de la population, elles devront être révisées. Certaines zones de rahui par exemple, sont aujourd’hui remises en cause. Un processus de révision est donc en cours, et les administrations locales poursuivent leur accompagnement de définition de mesures de gestion. Le comité de gestion de la réserve de biosphère (il regroupe les principales parties prenantes de l’ensemble des sept atolls et est présidé par le maire de Fakarava), recueille et étudie toutes les propositions à cet effet. Par ailleurs, plusieurs associations permettent un travail de relais. Constituées sur divers atolls, elles visent la mise en œuvre des mesures de gestion et la valorisation de la réserve de biosphère. Officiellement désignée en 2006 par l’Unesco, la réserve de biosphère est inscrite dans le droit de la Polynésie française. Si les changements apportés au zonage et aux modalités de gestion se révèlent importants, l’Unesco en sera informé. ● Catherine Cibien - Mab1 catherine.cibien@mab-france.org 1. Man and biosphere. 2. On posait un rahui pour une durée définie, au cours de laquelle la ressource peut se reconstituer (sur une zone délimitée ou sur des espèces).

En Polynésie, l’analyse écorégionale marine vient de s’achever La Convention sur la diversité biologique (traité international adopté à Rio de Janeiro en 1992) se fixe pour objectif le développement de réseaux représentatifs d’aires marines protégées d’ici 20121. Ces réseaux sont identifiés par le biais d’analyses écorégionales.

M

ise en place dans le but d’identifier les réseaux de sites d’aires marines protégés d’intérêt prioritaire, l’analyse éco-régionale (AER) se concentre sur les grands objectifs de conservation : hot-spots de biodiversité, échantillons représentatifs des écosystèmes, processus écologiques… Elle cherche également à identifier les activités liées à la mer, porteuses de développement économique durable, afin de développer des orientations stratégiques à moyen et long termes pour leur conservation et leur gestion. Le travail d’analyse des données biologiques, écologiques et socio-économiques, porté par des experts et des scientifiques, s’accompagne d’une importante consultation des acteurs. Les connaissances acquises lors de l’AER sont ensuite croisées pour identifier les sites porteurs des enjeux les plus forts. En Nouvelle-Calédonie, par exemple, cette démarche conduite de 2005 à 2008 2 a permis de justifier du caractère exceptionnel des sites et d’aboutir au classement des récifs au patrimoine mondial de l’Unesco.

En Polynésie française, une analyse écorégionale marine vient de s’achever. Conduite pour le gouvernement polynésien par l’Agence des aires marines protégées et le WWF-France, elle a identifié cinquante-huit îles ou atolls (près de 50 % des îles polynésiennes) comme étant remarquables. En termes d’application pratique, l’analyse permet de hiérarchiser les priorités. En Polynésie, seize îlots sont qualifiés d’intérêt prioritaire majeur et trente et un d’intérêt prioritaire. L’AER permet également de juger des besoins de connaissance. Ici, onze îlots ont été catalogués de potentiellement importants mais mal connus. Après présentation de ces résultats dans les différents archipels, cette stratégie de création des aires marines protégés de Polynésie française sera officiellement promulguée par le gouvernement. Elle conduira au développement d’un réseau d’espaces protégés, administrés et gérés différemment en fonction des enjeux identifiés. ● Catherine Gabrié - WWF et Agence des aires marines protégées c.gabrie@free.fr 1. Les objectifs nationaux visent la protection de 20 % des zones marines sous juridiction française en 2020 (10 % en 2012). 2. Conduite par le WWF avec les financements du Crisp (Coral reef initiatives for south pacific) et de l’Ifrecor (Initiave récifs coralliens pour le Pacifique sud).

Les atolls sont représentatifs de la diversité des situations géomorphologiques, écologiques et humaines de Polynésie : lagon fermé, à une ou à deux passes, socle corallien. © Fred - Wikipédia

La France possède le deuxième domaine marin du monde a France possède le deuxième domaine marin au monde, le seul sur la planète à couvrir les trois grands océans. 97 % de ce domaine se trouve dans les eaux ultra-marines dont près de la moitié en Polynésie française. La France abrite aussi 20 % des atolls et 10 % des récifs coralliens de la planète, quatre écorégions marines prioritaires avec des zones d’importance internationale pour les espèces menacées telles que les tortues marines, les cétacés ou les oiseaux de mer. ●

L

En bleu, les zones économiques exclusives (ZEE) françaises. Une zone économique exclusive est un espace maritime sur lequel un État côtier exerce des droits souverains en matière économique.

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 31


Chefferie de Fayawe, à une dizaine de kilomètres de Mouli.

NOUVELLE-CALÉDONIE

Prendre en compte l’histoire et l’organisation sociale En Nouvelle-Calédonie, l’inscription du lagon au patrimoine de l’Unesco relève le défi d’une gestion participative. Elle prend en compte la complexité de la construction sociale et traite de la relation des hommes entre eux, à propos de la nature.

E

n cette fin d’année 2007 sur l’atoll d’Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie, le projet d’inscription des récifs sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco ne cesse d’alimenter les conversations des 2 500 habitants de l’île. En réunion dans la case de la chefferie, le « vieux » Joseph prend la parole : « C’est les vieux d’avant qui ont mis les choses comme ça ! Y faut qu’on range sans déranger… Derrière le caillou aux mulets, y a des gens, mais moi, je peux pas parler parce que c’est à eux ça ! » Les traces vivantes d’une histoire douloureuse. Certes,

ce projet d’inscription à l’Unesco serait une reconnaissance de la valeur naturelle exceptionnelle du lagon calédonien, pour sa taille – le 32

plus grand du monde –, et pour la diversité stupéfiante de ses récifs coralliens et écosystèmes associés. En ces temps de changements et de menaces sur l’environnement de la planète, chacun ici est en mesure de comprendre la portée mondiale du projet. Mais sur l’île d’Ouvéa, il prend aussi une tout autre dimension pour la population kanak qui se remet doucement du lourd tribut qu’elle a payé durant la guerre civile pour l’indépendance des années 80 (19 morts lors d’une prise d’otage).

Espaces naturels n° 31 juillet 2010

Le vieux Joseph interpelle les techniciens chargés de la gestion participative des aires marines: les seuls critères biologiques et écosystémiques ne suffiront pas à l’organiser. Pour gérer les espaces et les espèces, il faudra tenir compte des enjeux humains et de l’organisation coutumière des populations locales, de tout un héritage culturel riche et complexe ignoré par l’administration, et qui, de fait, s’effrite. Sur le domaine public maritime hérité de l’administration française, deux lé-

Pour gérer les espaces et les espèces, il faut tenir compte de l’organisation coutumière des populations, de tout un héritage culturel riche, et ignoré par l’administration ».

gitimités cœxistent sans relation entre elles, sans se reconnaître, celle de l’administration qui a compétence en matière environnementale et qui agit avec des outils légaux, et celle coutumière qui organise l’espace par la parole. Pour la population de l’île, le projet représente donc un formidable enjeu de reconnaissance culturelle et de prise en compte de la territorialité identitaire kanak. Mais voilà, c’est compliqué. Une organisation claniste.

Des semaines d’enquêtes révèlent qu’un clan «gardien» désigné par une chefferie est chargé du lieu où fraient les mulets. Pourtant, ce clan n’a pas de légitimité pour en parler en public et est absent des réunions. On découvre aussi que la chefferie qui l’a dési-

© G.I.E. Océanide

LE DOSSIER I BIODIVERSITÉ DES OUTRE-MERS


RENCONTRE AVEC

L’occasion de faire reconnaître l’identité kanak. En

Nouvelle-Calédonie, ce projet d’inscription au Patrimoine mondial de 15 000 km2 de lagon est une occasion d’organiser la gestion participative de l’environnement, de faire reconnaître concrètement les liens aux territoires, l’identité kanak et les autorités coutumières qui régissent le quotidien d’une partie importante de la population. Depuis 2007, les trois provinces (Îles, Nord et Sud) et les habitants de Nouvelle-Calédonie ont partout monté des comités de gestion rassemblant toutes les parties prenantes, avec la volonté de répondre aux nouveaux enjeux de gouvernance liés au patrimoine naturel et culturel. Les responsables politiques et la société calédonienne dans son ensemble, par cette volonté de travailler ensemble, nous rappellent avec force que la gestion environnementale n’est pas qu’une question de relation de l’homme à la nature, mais peut-être, surtout, de relation des hommes entre eux à propos de la nature. ● Pascal Hébert Biologiste marin Jean-Brice Herrenschmidt Géographe Sven Menu - Juriste de l’environnement GIE Océanide, Pôle d’expertise et de recherche pour la gestion intégrée des territoires et de l’environnement, Centre IRD de Nouméa gieoceanide@gmail.com

Daniel Maximin Romancier, poète et essayiste, né en Guadeloupe Daniel Maximin est en charge de l’organisation de l’année des outre-mers français pour 2011.

« Ici, la nature se range du côté des opprimés » Vous aimez dire qu’outre-mer, la nature n’est pas un décor mais un personnage, qu’est-ce que cela signifie ?

Il y a, en Europe, une idée qui consiste à penser que nous pouvons nous rendre maître et possesseur de la nature. L’objet de la réunion des hommes en société est de lutter contre la nature disait-on au 18e siècle. Cette pensée occidentale a émigré vers l’Amérique au moment de la colonisation. Ceci explique la tentative d’exploitation à outrance de la nature au même titre que l’exploitation humaine. Mais outre-mer, la nature n’est pas per-

Il y aurait outre-mer une conscience plus « juste » du rapport à la nature ?

L’outre-mer est traversé par des contradictions. Car au fond, c’est bien un modèle européen d’exploitation de la nature lié à l’exploitation de l’homme qui a été imposé. Ce modèle génère des contradictions avec celui de résistance contre les systèmes oppresseurs. Que voulez-vous, les peuples ne sont pas naturellement écologistes et parfois l’an-

La nature fait partie de notre histoire, elle est perçue comme un personnage, une alliée.

çue de cette manière. Nos sociétés sont un condensé d’humanités venant d’Afrique, d’Europe, d’Asie, d’Amérique ; elles sont constituées d’une humaine diversité construite sur l’esclavage, la traite, les immigrations diverses. Nous avons vécu l’aliénation de l’homme, tandis que la nature subissait la même exploitation avec la monoculture et l’utilisation à outrance de ces ressources sans se préoccuper de sa protection. Aussi dans le combat des révoltés, la nature est-elle perçue comme étant du côté des opprimés ; contre l’oppresseur. C’est elle qui offre le refuge, les fruits, la chaleur. La nature était le lieu d’accueil des résistances. Elle participe à notre histoire et elle est célébrée comme une alliée. À ce titre, c’est un personnage avec lequel s’est installé une connivence. Les peuples de Caraïbes ne peuvent oublier que tout doit être fondé sur une alliance entre la biodiversité naturelle et humaine.

© G. Quenette

gné n’est pas la chefferie locale, mais une chefferie ancienne parlant une autre langue et déplacée dans un autre district de l’île, chefferie non reconnue par l’administration malgré son organisation sociale en réseau bien vivante… Chaque fil que l’on tire de l’écheveau de l’organisation coutumière complexe révèle de nouveaux enjeux territoriaux, sociaux, identitaires et culturels cachés dans un contexte parfois conflictuel hérité d’une histoire douloureuse.

cienne victime reproduit les modalités de l’oppresseur… Mais ici la nature n’est jamais considérée ni comme une personne faible et fragile qu’il faudrait protéger contre la puissance de l’homme, ni comme un ennemi à dompter ou à abattre. Elle offre l’image de la vitalité, car même ses cataclysmes font partie de la vie. Le volcan par exemple est le créateur de l’île au milieu de la mer. Il y a un vrai respect de la force de cette nature. Un respect que traduit fort bien cette pensée amérindienne: «Le cyclone vient détruire tout ce qui n’aurait pas dû être construit. » ● Recueilli par Moune Poli daniel.maximin@wanadoo.fr

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 33


FORUM PROFESSIONNEL

RÉSERVE DE BIOSPHÈRE DE FONTAINEBLEAU ET DU GÂTINAIS

Happy culture L’abeille au cœur d’un jeu de rôles

34

Un jeu de rôles autour de l’activité apicole permet aux collégiens de comprendre la complexité des jeux d’acteurs du territoire de la réserve.

A

1. Broute-la-Motte à Ouessant ou ButorStar en Camargue sont des jeux de rôles similaires utilisés avec des lycéens et dans l’enseignement supérieur.

Espaces naturels n° 31 juillet 2010

ctivité traditionnelle en Gâtinais, l’apiculture n’en génère pas moins des conflits d’usage. Depuis deux ans, et pour répondre à la demande de professeurs de collège, la Réserve de biosphère de Fontainebleau et du Gâtinais élabore un jeu de rôles. Celui-ci s’adresse à des collégiens afin qu’ils se forgent leur opinion et comprennent comment l’apiculture interagit sur le territoire et génère des relations entre les divers acteurs. Dans ce jeu, conçu pour être facilement pris en main par un professeur (pour une demi-classe), les élèves choisissent de s’identifier soit à un apiculteur, soit à un forestier soit, encore, à un agriculteur. Sur un plateau, le territoire de la réserve de biosphère est représenté avec ses zones forestières, agricoles et urbaines. Chaque joueur va, à tour

de rôle, intervenir pour faire des choix qui aboutissent à aménager le territoire. Tel agriculteur va planter du blé ou du colza ici, alors que tel apiculteur retirera ses ruches de là, pour les positionner plutôt dans une forêt avec des robiniers ; à condition, bien sûr, d’avoir l’autorisation du forestier. Celui-ci va-t-il accepter ? Est-ce son intérêt ? Pourquoi ? Comment ? Au fil du jeu, les jeunes participants, qui produisent du bois, du miel ou du blé qu’ils peuvent échanger, modifient leur stratégie. Ils adaptent leur comportement au fur et à mesure qu’ils comprennent la logique des autres acteurs. Au début de la partie, chacun reçoit quelques consignes. Sur une fiche récapitulative, chaque acteur/joueur découvre les grandes règles qui régissent ses actions : quelle culture


FORUM PROFESSIONNEL I PÉDAGOGIE ANIMATION

planter, à quelle saison ; où trouver des ressources pour les abeilles pendant une année entière… De même l’agriculteur peut choisir de « faire du bio » ou non. Il devra alors suivre des règles spécifiques à son choix.

APICULTURE : MODÈLE DES INTERACTIONS SUR LE TERRITOIRE demande emplacement

Agriculteur

loue emplacement

Apiculteur

ONF

Phase de test. Aujourd’hui, le jeu est en phase de test. Les premières évaluations montrent qu’à l’issue de

utilise des phytosanitaires (tue indirectement)

dérange, agresse

Ruches et abeilles

définit assolement et technique utilisée

Champ et prairie

proteste

déplace pour récolte

Habitants entretient et profite

Ville et jardin

récolte pour nectar et pollen

définit sylviculture, maintient milieux ouverts

Forêt privée

Forêt domaniale

se reproduit dans

provoque des dégâts

Sangliers

leur partie, les joueurs sont effectivement capables d’établir des liens entre produits de consommation, acteurs, territoire et ressources naturelles. La plupart découvre les différentes méthodes de cultures et leurs intérêts, parallèlement aux problèmes engendrés par les pesticides ou la difficulté de s’installer en agriculture biologique. Les joueurs, par exemple, relient la chasse au besoin de contenir les populations de sanglier. La marge d’amélioration réside dans la compréhension de certains concepts comme la dynamique des milieux ouverts et la problématique de leur conservation. La richesse des informations fait de ce prototype un outil éducatif utilisable hors contexte scolaire (centres de loisirs), mais impose de nombreuses explications au départ. Cet inconvénient pourrait être réduit en améliorant les supports graphiques. Une phase de validation avec des professeurs et le conseil d’éducation de la réserve finalisera ce jeu dont la diffusion est envisagée aux collèges du territoire. ● Adeline Destombes - FCEN adeline.destombes@enfconservatoires.org Michel Etienne - Inra Avignon etienne@avignon.inra.fr

CONTACTER AUSSI education@biosphere-fontainebleaugatinais.fr

les interactions et implications des multiples acteurs. Pour répondre à cette ambition, les créateurs du jeu se sont appuyés sur la méthode Ardi. Quatre lettres pour signifier que les Acteurs, Ressources, Dynamiques, Interactions existants sur le territoire vont être identifiés tour à tour. Afin, in fine, de cerner les enjeux impliquant l’activité apicole et d’élaborer un modèle conceptuel du fonctionnement de l’apiculture sur le territoire. Ce modèle, représenté par un schéma (cicontre) a nécessité une collecte importante de données scientifiques. En effet, s’il peut être simple de nommer les acteurs, il est plus ardu d’identifier les ressources du territoire et de savoir comment en garantir une utilisation durable. De même, il est moins aisé de repérer les dynamiques entre les ressources disponibles et les acteurs. Le schéma synthétique final décrit comment chaque utilisateur des ressources interagit sur le territoire. Il illustre, par exemple, que si le forestier ne régule pas la population de sanglier, celle-ci, trop importante, peut sortir du bois et se nourrir dans les champs. Les dégâts peuvent être dommageables pour l’agriculteur, mais aussi (en poussant à l’extrême) pour l’apiculteur si les abeilles n’ont plus assez de fleurs à butiner dans le champ. La méthode a nécessité de rencontrer les acteurs (apiculteurs, agriculteurs, ONF, PNR du Gâtinais français, chercheurs…) afin de leur faire exprimer leur propre vision du territoire (en rapport avec leur activité). La synthèse de ces données a permis d’établir le modèle final ensuite validé par les acteurs eux-mêmes. Des demandes spécifiques des professeurs tels les effets du climat, le cycle biologique des abeilles ou la classification du vivant ont été également intégrées au jeu.

INFO PÉDAGOGIQUE

© Jean-Luc Barraud - Wikipédia / © Adeline Destombes

Suivre la méthode. Appréhender

définit plan de chasse (tue indirectement)

La méthode Ardi

ACTEURS, RESSOURCES, DYNAMIQUES, INTERACTIONS a méthode Ardi a été développée par un collectif de chercheurs travaillant sur la modélisation d’accompagnement (groupe ComMod). Elle vise une dialectique entre le terrain et la recherche. Son application à la conception de jeux de rôles1 comme outils de médiation est particulièrement pertinente pour les gestionnaires d’espaces naturels, car elle permet de franchir les frontières disciplinaires et de comprendre la complexité des territoires. Selon les expériences et les outils mis en place, la démarche a pour objectif soit de coconstruire un système multi-agents représentant les interactions entre nature et sociétés, soit de modifier la perception des acteurs ou leurs façons d’interagir, soit encore de modifier les actions qu’ils entreprennent. ●

L

EN SAVOIR PLUS • www.commod.org • Co-construction d’un modèle d’accompagnement selon la méthode Ardi : guide méthodologique. ComMod, M. Étienne, 2008, 71 p. http://cormas.cirad.fr/pdf/guideARDI.pdf • Repères méthodologiques pour la mise en œuvre d’une démarche de modélisation d’accompagnement. W. Daré, R. Ducrot, A. Botta, M. Étienne, 2009, Cardère éd., Laudun, 127 p.

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 35


FORUM PROFESSIONNEL I ÉTUDES RECHERCHES

MÉTHODE

Les araignées au fil de la gestion L’étude des assemblages d’araignées permet d’estimer la valeur conservatoire des habitats. Novatrice, cette méthode…

A

ussi surprenant que cela puisse paraître, les araignées représentent un groupe particulièrement utile en tant qu’indicateurs de la qualité des habitats et des modes de gestion. Un ensemble de caractéristiques concourt à en faire un modèle biologique (largement sous-exploité) pour suivre et évaluer les pratiques de gestion. Ainsi, les gestionnaires d’espaces naturels peuvent-ils estimer la valeur de conservation des habitats en fonction du nombre et de l’abondance des espèces d’aranéides inféodées qu’ils abritent. D’autant que la composition spécifique des communautés peut varier rapidement lorsque les biotopes se modifient. Environ 1 600 espèces d’aranéides existent en France métropolitaine. Elles exploitent une grande diversité d’habitats, avec une densité de population et une richesse spécifique souvent remarquables.

RÉSERVE NATURELLE DE MARAIS DE SÉNÉ La présence d’espèces d’araignées (de très rares à peu communes) met en évidence la qualité de gestion du milieu.

Certaines espèces ont des exigences écologiques strictes, c’est pourquoi les bases de données sur la distribution des espèces permettent d’évaluer l’état du milieu. Pour ce faire, une méthode récemment mise au point s’appuie sur l’analyse de la rareté des espèces à l’échelle régionale ou nationale. Échantillonnage. La première dif-

ficulté réside dans la constitution de l’échantillonnage. Quelles espèces d’aranéides va-t-on retenir pour une étude territorialement définie ? La diversité des modes de vie des araignées suppose, pour connaître la composition en espèces locales, d’utiliser des méthodes variées et complémentaires entre elles. Le piégeage d’interception ou encore la chasse à vue ou au filet fauchoir constituent deux exemples que détaille l’encadré page ci-contre. Définir les paramètres. Deuxième étape, le choix des paramètres : que va-t-on regarder ? À quoi l’étude va-t-elle s’intéresser ? Deux types de paramètres sont classiquement retenus: la richesse spécifique (le nom-

bre d’espèces présentes dans le biotope) ou encore l’observation des populations d’espèces inféodées au milieu. L’usage de ces paramètres s’illustre par exemple dans une étude menée sur les marais salés de la baie du Mont-St-Michel (Ille-et Vilaine et Manche). L’observation d’une forte diminution de la richesse spécifique du biotope a mis en évidence l’impact négatif d’un sur-pâturage ovin sur les araignées. Cette observation, qui a été conduite par la comparaison de l’espace pâturé avec des zones témoins, montre également que la réponse des espèces inféodées aux milieux salins était, elle, contrastée1. La méthode récemment développée va s’intéresser à un paramètre d’un autre ordre : la rareté relative de l’échantillon, à savoir l’assemblage des espèces colonisant un habitat donné. Pour ce faire, chaque espèce reçoit une notation : un poids de rareté. L’ensemble de ces poids pourra alors être additionné pour se traduire en un indice unique (entre 0 et 1) reflétant la valeur conservatoire de l’habitat étudié. Comment cela se déroule-t-il ?

INFO PÉDAGOGIQUE

Intérêt par rapport au massif armoricain

Espèces très rares

Les araignées en groupes fonctionnels

Très fort

ssentiellement prédatrices, les araignées présentent des modes de chasse très variés. Les arachnologues distinguent différents groupes fonctionnels (guildes), réunissant souvent une ou plusieurs familles. Certaines espèces diurnes (Lycosidæ) ou nocturnes (Clubionidæ) chassent à courre, cherchant à gagner leurs proies de vitesse. D’autres, telles les araignées-crabes (Thomisidæ) se tiennent dans la végétation à l’affût. Les Salticidæ, pour leur part, sautent sur leurs proies. Un grand nombre d’araignées ont aussi développé des pièges : les espèces à toiles géométriques construisent des toiles verticales, alors que d’autres construisent des toiles soit en nappe horizontale (Linyphiidæ), soit en réseau (Theridiidæ), ou même en tubes ouverts (Segestriidæ) voire fermés comme les mygales de nos régions (Atypidæ). ●

E

Fort

Faible

Très faible

■ Marais salé non pâturé ● Marais salé pâturé

36

Espèces de très rares à peu communes

◆ Prairie sub-halophile non pâturée ▲ Prairie sub-halophile pâturée

Espaces naturels n° 31 juillet 2010


© Boris Leroy

© Julien Pétillon

À gauche, une Arctosa fulvolineata, une araignée-loup rare des zones littorales. À droite, l’épeire diadème (Araneus diadematus), une espèce très commune en France.

Échantillonner les araignées ? Deux méthodes complémentaires

Un indice de rareté a été créé. Cette formule mathématique est basée sur la proportion d’espèces d’aranéides rares constatée ainsi que sur l’intensité de leur rareté.

Calculer le poids de rareté. Chaque

espèce de l’échantillon va se voir attribuer un poids de rareté, disionsnous. Poids qui repose sur une formule mathématique susceptible de relativiser l’observation. Ainsi plus une espèce est rare, plus son poids est fort. Ce calcul mathématique permet de relativiser l’occurrence des individus observés en fonction de la rareté locale de l’espèce. Il permet également de moduler ce poids selon que l’espèce est rare ou commune. Ainsi, si l’on considère quatre espèces dont l’occurrence est respectivement de 2%, 5% (rare), 50 % et 55 % (commune), la différence de poids entre l’espèce présente à 2 % et celle à 5 % sera plus importante qu’entre les espèces de 50 et 55 %. La formule mathématique suit donc une fonction exponentielle inverse. Calculer l’indice de conservation.

Un indice de conservation peut alors être calculé. Il est la résultante de la somme des poids de rareté des espèces présentes, divisée par la richesse spécifique de l’assemblage.

Le piégeage d’interception : le piégeage au sol est fréquemment réalisé à l’aide de systèmes dits de type « Barber ». Il comprend un tube enterré de façon à ce que son bord supérieur affleure la surface du sol. Un pot est placé à l’intérieur, surmonté d’un entonnoir qui empêche la capture de petits vertébrés : les arthropodes errants sont ainsi interceptés et tombent dans l’entonnoir puis dans le récipient-collecteur. Grâce à cette méthode, il est possible d’appréhender la composition et la diversité des assemblages, les espèces dominantes, et de calculer une activité-abondance des espèces. Le nombre de pièges par unité de végétation est déterminé par un nombre minimum de trois réplicats pour effectuer correctement les traitements statistiques et par le temps nécessaire au tri et à l’identification des individus. Cependant, si elle permet la capture des espèces mobiles sur le substrat, cette méthode ne donne pas la composition arachnologique complète d’un milieu. La chasse à vue et le filet fauchoir complètent les pièges Barber par la capture d’aranéides à toile ou sédentaires. La chasse à vue peut être standardisée par unité de temps (par exemple : un observateur expérimenté durant 1 heure) ou de surface. Le filet fauchoir peut être normalisé par un nombre de coups délimité par unité de longueur (quelques dizaines de mètres). La chasse à vue comme le fauchage restent toutefois plus difficiles à standardiser que le piégeage au sol. ●

L’indice 0 laisse apparaître que toutes les espèces sont très communes. Tandis que l’indice 1 traduit que toutes les espèces de l’assemblage ont un poids maximal, parce qu’elles sont très rares. La gestion conservatoire est optimale. Pertinence. Afin d’évaluer la perti-

nence de ces indices, la méthode a été testée dans la Réserve naturelle des marais de Séné (Morbihan) (voir figure p. 36). Les résultats mettent en évidence que : • le marais salé non pâturé figure parmi les 25 % meilleurs marais salés de l’Ouest de la France ; • il en est de même pour la prairie pâturée mais seulement pour les espèces les plus rares ; • les indices des marais salés pâturés et de la prairie sub-halophile non pâturée ne figurent pas parmi

les 25 % meilleurs, et ne présentent donc pas d’intérêt particulier au niveau régional. L’étude apporte ainsi la preuve que l’indice de conservation permet de faire une lecture globale et rapide de la valeur conservatoire des habitats. Elle démontre également l’intérêt des araignées dans le suivi des habitats en lien avec les priorités de gestion. ● Julien Pétillon Universiteit Antwerpen julien.petillon@ua.ac.be Boris Leroy - Alain Canard Frédéric Ysnel Université de Rennes 1 1. Le pâturage favorise certaines araignées de petite taille et à fort pouvoir colonisateur telles les Erigonidæ, cependant qu’il défavorise celles de plus grande taille à l’exemple des araignées-loups ou Lycosidæ.

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 37


FORUM PROFESSIONNEL I MANAGEMENT MÉTIERS

Animation auprès de lycéens. © RNG Saucats-La Brède

RÉSERVE NATURELLE GÉOLOGIQUE DE SAUCATS-LA BRÈDE

Notre démarche pour intégrer les animateurs saisonniers L’équipe de la Réserve naturelle géologique de Saucats-La Brède invente le référentiel de son métier : « Éduquer à la géologie d’un site protégé ». Rencontre avec Yves Gilly, conservateur.

D

es milliers d’enfants, entre 6 000 et 7 000 scolaires par an, fréquentent la Réserve naturelle géologique de Saucats. Le site est attractif, il « colle » aux programmes des 5e et des lycées. Des enseignants et universitaires se sont d’ailleurs impliqués dans la conception de sorties pédagogiques. Victimes du succès, les sept personnels permanents de la réserve ne peuvent suffire aux besoins d’en-

LA QUESTION Yves Gilly, comment concevez-vous la répartition entre les temps de production (visites de terrain avec le public) et les temps de formation ou de réflexion communs à votre équipe de salariés ? Le temps de travail « dépensé » par notre équipe pour élaborer le référentiel métier a été identifié en tant que tel. Il a été financé au titre de la formation professionnelle. Par ailleurs, nous avons acté une demi-journée de réunion d’équipe par mois, sur le thème de « l’actualité passée et à venir ». Quand c’est nécessaire et en fonction de projets techniques, nous nous voyons aussi pour aborder d’autres thématiques. ●

38

Espaces naturels n° 31 juillet 2010

cadrement éducatif. En réponse, l’organisme gestionnaire recourt à l’emploi de vacataires. À l’automne comme au printemps, ce sont deux à quatre personnes qui viennent prêter main-forte aux animateurs. Conservateur de la réserve, Yves Gilly a vite été confronté aux questions liées à la qualité de l’accueil. Il explique : « La rencontre des publics est un moment fort. Nous sommes donc attentifs à préserver sa qualité et à ne pas céder aux sirènes d’un brassage quantitatif. Recrutement par cooptation.

Historiquement, nous embauchions des personnels par cooptation et nous demandions aux permanents d’assurer leur suivi. Globalement, cela fonctionnait, mais sans méthodologie précise et sans contenu défini. En fait, ces “conduites accompagnées” dépendaient du tuteur et ne mettaient pas nécessairement en exergue les pans importants de gestion, de réglementation ou de l’état de la recherche. Par ailleurs le discours n’était pas en lien avec une connaissance fine de la réserve. Depuis trois ans, nous avons pris du temps pour réfléchir: que devons-

nous apporter aux personnels vacataires? Réponse difficile. D’autant que notre spécificité professionnelle (éduquer à la géologie sur un site protégé) n’a pas de référentiel métier. Nous focalisions sur l’animation

Nous avons donc fait appel au directeur du Graine Aquitaine (notre réseau d’éducation à l’environnement) et, avec lui, l’équipe des sept permanents a construit des outils d’évaluation visant à définir les missions confiées aux animateurs temporaires et à faciliter leur intégration. Six temps de travail nous ont permis de construire un référentiel touchant à nos missions, compétences et savoirs spécifiques. Surprise ! Nous focalisions sur l’animation, or nous avons découvert combien il était important d’avoir un assez fort niveau scientifique. La géologie, la biologie, l’évolution, la géographie sont des prérequis que nous ne considérions pas jusque-là à leur juste valeur. Aujourd’hui, cela se traduit par des réflexes à l’embauche : un CV typé par une formation universitaire attire notre attention même si, pour nous satisfaire, il doit être abondé


d’une pratique en animation. Notre rôle d’accompagnement est aujourd’hui davantage tourné sur l’apport de connaissances propres au milieu de la réserve ou encore sur l’utilisation des outils pédagogiques et sur l’encadrement du groupe. Quelles compétences manquent ?

Ce cheminement mental nous a conduits à ouvrir un chantier visant à homogénéiser nos pratiques et discours. Jusque-là par exemple, chaque animateur répondait aux questions du public relatives au changement climatique en fonction de sa culture personnelle. Nous avons travaillé à un discours commun. Cette démarche a eu des retombées surprenantes, notamment une envie de formation permanente de la part des salariés. Pour l’accueil et la formation des saisonniers, notre réfé-

Nous nous sommes mis d’accord pour affiner un discours commun. Plus question, par exemple, d’expliquer chacun à sa manière le concept de réchauffement climatique.

qu’une visite de trois heures a donné lieu à un temps d’introduction, un temps d’observation, un autre de manipulation du matériel pédagogique, pour finir par un moment d’échange autour d’une démarche scientifique afin que le public se pose des questions et formule des hypothèses. L’animateur se saisit de cette grille pour vérifier qu’il a bien répondu à ses objectifs et qu’il s’est donné les moyens de les atteindre. L’échange avec le saisonnier peut se faire autour de cette grille. Le temps du bilan viendra. Mais nous nous sentons armés pour intégrer de nouveaux vacataires. » ●

rentiel a un aspect directement opérationnel. Nous sommes aujourd’hui en mesure de savoir quelles compétences leur manquent, nous permettant ainsi de cibler notre accompagnement pendant la première semaine de travail.

Recueilli par Moune Poli

Un outil d’évaluation. Par ailleurs,

EN SAVOIR PLUS

en s’appuyant sur ce référentiel, nous avons mis en place une grille d’évaluation des actions menées par les animateurs. Ainsi nous vérifions

Yves Gilly saucats.brede@espaces-naturels.fr www.rngeologique-saucatslabrede. reserves-naturelles.org

Référentiel de l’animateur à la réserve et plan de formation internet. Extraits NIVEAU ATTENDU FORMATION INTERNE 1. Connaître le milieu de la réserve nationale géologique et les problématiques environnementales afférentes Expliquer les temps géologiques, les différentes roches fossiles (formation, rôle), datation, formation de paysages, cartographie.

Connaissance des groupes présents sur la réserve • Des limites des ères et des étages représentés • Des roches locales, karst… (savoir les dater) • De la nomenclature, Tyfipal • Des collections de la réserve.

Présenter la ripisylve, la forêt et la forêt cultivée, les grands ordres.

Connaissances sur le patrimoine naturel de la réserve : Faune flore, espèces communes • Espèces protégées • Faune aquatique • Inventaires et suivis en cours • Groupes actuels et classification • Détermination des arbres courants • Notion de biodiversité en France (invasives, milieux, ripisylve, cultivé/caractère naturel).

Présenter les problématiques environnementales.

Connaissances des problématiques environnementales : Activités humaines sur le territoire • Règlementation de la réserve • Espaces naturels protégés • Écocitoyenneté • Métiers de la nature • Gestes au quotidien • Réchauffement climatique…

2. Connaître des attentes et des besoins des publics Être capable de proposer un complément du cours. Introduire, compléter, illustrer • Faire la différence entre une sortie de fin d’année, un complément au programme.

Connaître l’enseignant, l’élève, les accompagnants, les animations • Organigramme de l’éducation nationale, responsabilité, mission de service public, les programmes… • Niveau réel de l’élève : mineur à l’école, position d’adulte, protection de l’enfance • Les accompagnants : l’association gestionnaire et sa commission pédagogique…

3. Utiliser les outils pédagogiques disponibles Savoir utiliser les outils existants au sein de la réserve • Connaître le site et les locaux de la réserve.

Savoir identifier les « spots », les endroits remarquables qui illustrent le discours • S’orienter sur la réserve • Connaître les ressources pédagogiques présentes dans le musée : les loupes, boites, bassines, cartes géologiques, posters, échelle de temps, etc.

4. Encadrer un groupe/Adapter son discours au public Animer et évaluer ses séances d’animation.

Savoir situer l’animation, la contextualiser (loisir, scolaire…) et adapter son discours • Se familiariser avec une démarche scientifique et proposer une alternance • Lister des critères d’évaluation pertinents • Faire une autoanalyse de son travail • Donner des consignes de sécurité…

5. S’adapter aux impératifs de fonctionnement de la Réserve nationale géologique Intégrer la dynamique de la structure et de l’équipe • S’approprier la culture de la réserve.

Arriver avant le public pour préparer sa séance d’animation, l’accueillir • Respecter le temps de déroulement prévu • Ranger le matériel • Répondre à une demande précise du public…

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 39


FORUM PROFESSIONNEL I MANAGEMENT MÉTIERS

Partir en stage afin de savoir reconnaître le chant des oiseaux, c’est acquérir une précieuse compétence pour gérer la biodiversité.

« Coucou, hibou ! » Peu d’espèces se contentent d’un répertoire aussi réduit et d’une tonalité aussi franche.

© MT Corel

COMPÉTENCES POUR LA GESTION

Un stage pour identifier le chant des oiseaux 1. « Le pic de Sharpe dans les Pyrénées occidentales», J.-L. Grangé, Le casseur d’Os, 2008.

40

P

our gérer, il faut connaître. Et pour connaître, il faut parfois savoir écouter. D’où l’intérêt d’un stage d’initiation à l’ornithologie où l’on apprend à décortiquer et finalement retenir un son émis par un oiseau. L’apprentissage est progressif et insistant sur la structure physique du son. Le chant bisyllabique du pouillot véloce est comparé au timbre et au rythme des notes vives de la mésange charbonnière, ou à celles répétitives d’un cri de pinson des arbres. D’onomatopées en analyses structurales, les sons acquièrent du sens. La nature prend alors du volume et la diversité avienne s’accroît. Et pour cause, dans les milieux fermés, tels les forêts, les bocages serrés ou les broussailles, l’ornithologie de terrain dépend à 80 % de l’oreille. Les échantillonnages ponctuels simples (EPS) dans le cadre des suivis de l’évolution des populations d’oiseaux en France, les indices ponctuels d’abondance (IPA) pour les inventaires localisés, témoignent de l’importance de reconnaître les oiseaux à leurs émissions sonores, cris, chants, tambourinages… À cette émanation de suivis et d’inventaires s’ajoute une autre di-

Espaces naturels n° 31 juillet 2010

mension : écouter les populations dans leurs subtilités sonores. Ainsi nous pouvons discerner des dialectes ou des régiolectes entre les différentes populations ; ils se caractérisent par des vocalisations limitées à des sous-populations dans une aire géographique donnée. Les dialectes occupent des espaces se recouvrant, tandis que les régiolectes sont définis par des aires géographiques distinctes. Le pas vers la sous-espèce, voire la spéciation en cours, est parfois franchi. Cette pratique de la différentiation vocale est présente chez plusieurs espèces, dont les bruants, le troglodyte mignon ou encore nos deux grimpereaux, pour lesquelles la dérive des chants est tellement forte qu’il est permis d’émettre des hypothèses sur leur degré et leur durée d’isolement en corrélation avec la modification des structures acoustiques. Quelle aubaine pour les milieux insularisés, comme les grands massifs forestiers! De plus, nous pouvons accéder à l’âge de l’individu chanteur comme, par exemple, avec la mésange charbonnière. Il est aussi possible de savoir si les plastronneurs sont en couple ou célibataires, ces derniers tendant à siffler plus que les pre-

miers. Nous entrons alors dans le détail de la composition, de la dynamique et de l’évolution des populations, tout en restant les mains dans les poches… ou presque ! L’emploi d’un enregistreur apporte une finesse supplémentaire à la compréhension des variations d’un son mais, fort heureusement, certaines différences sont accessibles à l’oreille… nue ! Ainsi, tout le monde connaît le rire sonore du pic vert. Dans le sud-ouest de la France, nous rencontrons deux sous-espèces : Picus viridis viridis, sous-espèce nominale, couvrant tout le territoire national, et Picus viridis sharpei, sous-espèce ibérique. S’ils se distinguent par le dessin du masque facial, il est bien difficile de les apercevoir dans les jumelles, lorsqu’ils sont en fuite devant l’ornithologue. Par chance, ils émettent un cri d’une tonalité distincte. Ainsi, le Parc national des Pyrénées, en zone centrale et en zone d’adhésion, regroupe les deux sous-espèces1. Une simple écoute cartographiée permettra de suivre l’évolution des populations. Observerons-nous une progression nordique de la sous-espèce méditerranéenne? Qui aurait cru, en venant à un stage d’initiation, repartir avec l’espoir d’entendre les effets du réchauffement climatique? ● Olivier Grosselet - Philofauna philofauna@free.fr


FORUM PROFESSIONNEL I DROIT POLICE DE LA NATURE SE FORMER

Police de l’eau : ce qu’il faut savoir pour devenir rapidement opérationnel

A

vec la loi du 14 avril 2006 les agents des parcs nationaux ont acquis une compétence en matière de police des milieux aquatiques. Sans formation préalable, ils doivent cependant connaître le champ d’application du droit mais également maîtriser les concepts clés. Savoir donc que les polices de la protection des milieux aquatiques sont principalement codifiées aux livres II et IV du code de l’environnement1. Le livre II traite des eaux superficielles (cours d’eau, canaux, plans d’eau), ainsi que des eaux souterraines et maritimes territoriales. Le livre IV s’applique aux eaux libres où le poisson peut passer naturellement, par opposition aux eaux closes. Son champ d’application s’élargit aux eaux closes pour les pollutions et le contrôle des peuplements. Maîtriser les concepts clés.

Intervenir à bon escient, c’est connaître les concepts clés. Le code

INFO PÉDAGOGIQUE

Glossaire Cours d’eau. Présence et permanence d’un lit naturel à l’origine et d’un débit suffisant une majeure partie de l’année. Un canal, un talweg, ne sont donc pas des cours d’eau. Le lit mineur d’un cours d’eau est l’espace en eau recouvert à pleins bords avant débordement. Le lit majeur d’un cours d’eau est la zone naturellement inondable par la plus forte crue connue. Débit minimum. Dans le lit d’un cours d’eau et sauf cas particulier, tout ouvrage doit en permanence maintenir à l’aval un débit égal au moins au dixième du module du cours d’eau (L. 214-18). Module du cours d’eau. Débit moyen interannuel calculé sur au moins cinq ans. Déchet. Ce qui est destiné à être abandonné. Débit moyen mensuel sec de récurrence cinq ans. QMNA5. Le sigle retraduit l’expression « quantité mensuelle minimale annuelle de fréquence sèche sur 5 ans ». Le QMNA permet d’apprécier statistiquement le plus petit écoulement d’un cours d’eau sur une période donnée. ●

de l’environnement use d’un vocabulaire précis. Les cours d’eau, déchets, débit minimum… tous ces termes ont une définition juridique hors de laquelle l’agent assermenté intervient sans fondement. Ainsi, verbaliser sur un canal en évoquant la notion de cours d’eau constituera un vice de procédure et consacrera l’inutilité de l’action. Un cours d’eau en effet, suppose la présence permanente d’un lit naturel. Les définitions ci-contre permettront aux lecteurs de maîtriser des concepts de base et ainsi de s’inscrire dans le cadre d’une action légale. Agir à coup sûr. Vous êtes vous-même

assermenté ? Quelques attitudes et réflexes professionnels vont s’avérer nécessaires. Ainsi, sachez que lorsque que vous recherchez une infraction au livre II du code de l’environnement, vous devez en informer au préalable le procureur. D’une façon générale, prenez un maximum de photos, de mesures (mètre ou décamètre). Interrogez les personnes présentes et relevez leurs noms et qualités. Cherchez à identifier les maîtres d’œuvre, d’ouvrage, l’entreprise. Tous figureront dans votre constat comme auteurs des faits. Quand c’est possible, viser

les personnes morales, les peines encourues sont multipliées par cinq. Retenez qu’une entreprise ou une collectivité est prise en la personne de son représentant légal : madame ou monsieur X en sa qualité de gérant, de directeur général, etc. Retenez aussi que la représentation d’un cours d’eau par un simple trait continu sur votre carte IGN ou sa dénomination sont de bons indices de caractérisation. Concernant les pollutions, les photos, paramètres physico-chimiques, odeurs sont à relever au moins en trois lieux amont/rejet/aval. En aval, les relevés doivent être effectués en plusieurs points, de plus en plus éloignés du rejet, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’impact identifiable. Et puis, sur le procès-verbal n’omettez pas non plus de caractériser l’élément moral ou intentionnel pour les délits : y a-t-il ou non respect de règles de sécurité ou d’exploitation, y a-t-il négligence, imprudence ? Retenez surtout que la suite donnée par le procureur à votre procès-verbal repose sur la fiabilité des éléments que vous allez réunir ; fiabilité objective et juridique… ● Pierre-Antoine David Parc national des Cévennes pa.david@cevennes-parcnational.fr

1. Livre II, titre I : « Eau et milieux aquatiques ». Livre IV, titre III : « Pêche en eau douce et gestion des ressources piscicoles ».

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 41


FORUM PROFESSIONNEL I MÉTHODES TECHNIQUES

RÉSERVE NATIONALE DE CHASSE ET DE FAUNE SAUVAGE DES BAUGES

La capture d’ongulés en montagne se heurte à des contraintes environnementales. Différentes techniques ont été testées dans le massif des Bauges1 (Savoie). Elles ouvrent des alternatives intéressantes en milieu accidenté.

Techniques pour capturer des cervidés en montagne à des fins scientifiques

1. La Réserve nationale de chasse et de faune suavage des Bauges est cogérée par l’ONCFS, l’ONF et le PNR du Massif des Bauges.

42

Quelles techniques utiliser ?

Le choix de techniques de capture dépend de plusieurs facteurs tels que l’espèce recherchée, les moyens humains disponibles, la saison, l’accessibilité des sites et bien évidemment les moyens financiers consa-

Espaces naturels n° 31 juillet 2010

Les enclos-pièges Ces enclos grillagés de 2 m de hauteur pour le chevreuil et de 2,5 m pour le cerf sont installés de préférence sur des zones planes ou des replats en rupture de pente. Ils doivent être parfaitement intégrés à leur environnement. Le plus souvent, leur taille n’excède pas 20 m². Différents systèmes de portes peuvent être utilisés (guillotine, coulissante). L’installation de ces dispositifs peut nécessiter une logistique importante. Leur intégration à l’environnement des animaux demande plusieurs mois. La taille relativement importante de ces pièges peut permettre de capturer des groupes de cervidés. Ils nécessitent donc la présence d’un grand nombre d’opérateurs. ● © T. Chevrier

P

réalablement à toute opération, il est indispensable en milieu accidenté d’acquérir une connaissance annuelle aussi fine que possible des populations de cervidés (densité, taille des groupes, rythmes d’activités, milieux fréquentés, passages privilégiés, zones d’alimentation…) et de leur environnement (topographie, couvert végétal…). Il convient de choisir un bon emplacement. En effet, les conditions de capture seront d’autant meilleures que la densité d’animaux est élevée. Les emplacements de pièges doivent être identifiés et préparés plusieurs mois à l’avance. Seront privilégiés les secteurs les plus fréquentés par les animaux et les plus faciles d’accès, peu ou pas soumis aux dérangements extérieurs (tourisme, circulation routière).

crés à ces opérations. Les animaux s’adaptant rapidement aux modifications de leur environnement en assimilant les risques que représentent les pièges, il est souvent préférable de combiner plusieurs techniques dans l’espace et dans le temps. Les techniques de capture de cervidés testées en milieu accidenté ainsi que les recommandations concernant leur utilisation en montagne figurent dans les illustrations et tableau ci-contre. Ces méthodes engendrent peu de mortalité chez les ongulés sauvages (1 %). Le suivi post-capture des animaux équipés de collier émetteur a permis de le confirmer. Certaines pathologies rares (myopathie de capture…) peuvent cependant découler du stress engendré par la capture. Mise en œuvre. Pour certains

types de pièges (panneautage, filet tombant), l’utilisation de systèmes de surveillance radio, renseignant sur la fréquentation et le déclenchement du piège via un récepteur, est indispensable. L’utilisation de ces mêmes dispositifs améliore


Utilisées en hiver pour capturer des chevreuils, ces cages en bois (60 x 120 x 180 cm), sont munies de portes de type guillotine. Elles sont disposées prioritairement sur les zones d’hivernage des animaux, en forêt, lorsque le manteau neigeux recouvre complètement la végétation. Démontables en plusieurs panneaux, elles sont susceptibles de s’adapter à une large gamme de territoires et de situations. Ces installations demandent peu d’investissement humain. Toutefois, en cas de fort enneigement ou de gel prolongé, les dispositifs de déclenchement exigent un entretien plus fréquent. ●

© T. Chevrier

considérablement le contrôle des autres pièges (boîtes, enclos) au quotidien. Les conditions de manipulation des animaux capturés dépendent de la technique de piégeage employée ainsi que du nombre de manipulateurs présents. Ce nombre doit être si possible supérieur à la quantité d’animaux à maîtriser. Le temps de maniement des animaux (mesures, prélèvements, pose de collier, relâcher) doit être le plus court possible (20 minutes en moyenne). Le recours à l’anesthésie totale de l’animal peut s’avérer nécessaire, lors des captures de cerfs par exemple. ●

Les boîtes ou cages pièges

© T. Chevrier

Le temps de maniement des animaux doit être le plus court possible, 20 minutes en moyenne. © T. Chevrier

© N. Daumergue

Le filet tombant Ce piège est constitué d’un filet maintenu par une armature métallique de 10 m x 10 m. Relevé à 2 m de hauteur, le système est retenu soit par un mât central (cham’arche), soit par un câble tendu entre deux arbres. Le déclenchement s’effectue lorsque les animaux sont sous le piège. L’installation du dispositif en milieu partiellement boisé est relativement rapide et facile. En revanche, en milieu ouvert, il nécessite un mât porteur. Un opérateur doit également être présent pour provoquer son déclenchement. ●

Le panneautage (filets) Le principe consiste à délimiter des enceintes fermées par des lignes de filets, à l’intérieur desquelles des rabatteurs (assistés ou non de chiens) poussent les animaux vers les filets. En montagne, les lignes de filets sont disposées en utilisant le relief et les éléments fixes du paysage : le long des pistes forestières et dans le sens de la pente lorsque cela est possible. Plusieurs équipes d’opérateurs mobiles, composées d’au minimum trois personnes réparties le long du dispositif, manipulent les animaux pris dans les filets. Le panneautage permet de capturer simultanément des individus de plusieurs espèces : chevreuils, chamois, mouflons… En revanche, cette technique est très coûteuse en personnel et en préparation (logistique importante). Par ailleurs, le gel et la neige limitent l’utilisation des filets. ●

Thierry Chevrier - Office national de la chasse et de la faune sauvage CNERA cervidé-sanglier thierry.chevrier@oncfs.gouv.fr

EN SAVOIR PLUS • www.oncfs.gouv.fr • « Comment capturer des cervidés en montagne ? », T. Chevrier, JP. Bergeon, Y. Leonard, Faune sauvage n° 285, 2009, p. 16-21.

Synthèse des tests de capture de cervidés effectués dans la RNCFS des Bauges SAISONS (OPTIMUM) APPÂTS MOBILISATION EN PERSONNEL EFFICACITÉ CERF EFFICACITÉ CHEVREUIL EFFICACITÉ MULTI-ESPÈCES RENDEMENT OPTIMUM (NOMBRE D’HOMMES PAR JOUR POUR CAPTURER UN ANIMAL)

FACTEURS LIMITANTS

PANNEAUTAGE

BOITE

ENCLOS PIÈGE

FILET TOMBANT

Été (automne)

(Hiver)

Automne (hiver)

Printemps (été) automne

Aucun

Sel + appâts végétaux (lierre, gui)

Sel + appâts végétaux (lierre, gui, pomme, poire, betterave)

Sel

Très importante (+ ou = 50)

Faible (+ ou = 2)

Importante (+ ou = 10)

Importante (+ ou = 10)

++

++

++

-

++

++

+

-

++ (cerf, chevreuil, chamois, mouflon)

++ (chamois, mouflon)

++ (cerf, chevreuil, chamois, mouflon)

+ (cerf, chamois, mouflon)

20

5

3

6

• Mobilisation en personnel • Logistique importante

Conditions météo (enneigement en particulier)

• Mobilisation en personnel • Dispositif fixe

• Surveillance des pièges en continu • Mobilisation en personnel • Zones favorables

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 43


TERRITOIRES EN PROJETS

400 genres floristiques, plus de 1 000 espèces de plantes sur cinq étages de végétation observés entre 400 et 1 900 mètres. Le mont Ventoux abrite une variété de paysages et une végétation variant en fonction de l’altitude. Il a été distingué par l’Unesco. Le label Mab en a fait une réserve de biosphère.

© Pierre Martin - CDT de Vaucluse

44

PROVENCE - RÉSERVE DE BIOSPHÈRE

Tour de France au mont Ventoux La vipère d’Orsini s’en sort bien Juillet 2009, l’arrivée du Tour de France cycliste est prévue au mont Ventoux. Le site, protégé, abrite une population de vipères d’Orsini. Un an plus tard, la liesse populaire s’en est allée. Quelles conclusions en tirer ?

L 1. Programme de l’Unesco : Homme et biosphère. www.mab-france.org 2. www.vipereorsini.com 3.www.smaemv.fr 4. Interdiction de parcours.

Espaces naturels n° 31 juillet 2010

e passage du Tour au sommet du Ventoux n’est pas une nouveauté (treize fois depuis 1951). Mais cette édition 2009 prévoit des flux de spectateurs très importants en périphérie immédiate de pelouses où vit une petite population d’un serpent protégé : la vipère d’Orsini. Par ailleurs, l’épreuve reine cycliste est couplée, quelques jours avant, avec l’étape du MondoVelo, une épreuve amateur avec ses 9 500 coureurs et leurs accompagnateurs… La succession de ces deux événements sportifs laisse donc présager une fréquen-

tation inédite : plusieurs centaines de milliers de personnes sont attendues sur ce territoire reconnu Réserve de biosphère1, site Natura 2000 et bénéficiant d’arrêtés préfectoraux de protection du biotope ainsi que d’un programme Life Nature pour la Conservation des populations françaises de vipères d’Orsini2. Aussi, comment garantir l’accueil des visiteurs tout en assurant la protection du milieu naturel et de l’espèce ? La communauté scientifique, le tissu associatif, les services de l’État et le conseil général de Vaucluse se


TERRITOIRES EN PROJETS I ACCUEIL FRÉQUENTATION

perts se penche sur les résultats d’une récente étude traitant de la conservation de la vipère d’Orsini à l’échelle régionale. Celle-ci, appuyée sur près de trente années d’observations locales, montre que l’espèce s’inscrit dans un processus inexorable d’extinction et ce, malgré tous les récents efforts déployés (restauration et entretien du milieu, renforcement de la surveillance, de la sensibilisation…). En cause, un changement dans l’aire de répartition de l’espèce. La population du mont Ventoux correspond en effet à la station la plus occidentale de l’aire de répartition, or celle-ci glisse progressivement vers les zones d’altitude situées plus à l’est. La fragmentation du milieu est aussi incriminée ; à tel point que l’espèce semble vivre cloisonnée en plusieurs noyaux de sous-populations. Il convient donc de laisser le processus se dérouler le plus naturellement possible en canalisant la surfréquentation.

Ainsi sensibilisé, le public réagit en faisant preuve d’une compréhension immédiate et d’une acceptation des limitations d’accès. Aucun dégât n’est déploré sur les pelouses abritant la vipère d’Orsini. Ce résultat surprenant relève de l’efficacité du dispositif, qu’il faudra d’ailleurs reconduire au prochain passage du Tour. Néanmoins, il faut bien reconnaître que les spectateurs ont boudé tout intérêt pour l’espace naturel. Venus pour le Tour, ils sont restés postés sur les quelques mètres bordant la route. De fait, l’événement a davantage posé de problèmes en termes sanitaires et de sécurité (surpopulation temporaire ou quantité de déchets accumulés dans le massif). La vipère d’Orsini, elle, s’en sort bien. ● Ken Reyna Réserve de biosphère du mont Ventoux ken.reyna@smaemv.fr Michel Etienne Président du Conseil scientifique etienne@avignon.inra.fr

L’AVIS DE

© P. Aguilar - SMAEMV

La vipère d’Orsini est condamnée à disparaître sur le territoire du mont Ventoux. En cause ? Le changement de l’aire de répartition de l’espèce.

mobilisent progressivement aux côtés des gestionnaires de l’espace protégé afin de limiter, voire d’éviter tout impact. Impacts sur le milieu naturel (piétinement et dégradation de l’habitat, diminution de la ressource alimentaire principale de la vipère) mais aussi impacts directs sur l’espèce (destruction volontaire, augmentation du stress des femelles gestantes, diminution du taux de survie…). Le Conseil scientifique de la réserve de biosphère3 est saisi pour mieux appréhender les enjeux d’une telle surfréquentation. Ce groupe d’ex-

Pour cela, trois types d’actions sont donc envisagés. Elles s’appuient sur un argumentaire et des préconisations de gestion bénéficiant d’un éclairage scientifique. Ainsi, quelques jours avant l’épreuve, et après délimitation précise sur site, tous les habitats favorables à l’espèce sont mis en défens 4. Le jour dit, des moyens humains sont déployés pour renforcer la surveillance et sensibiliser le public. Un appel est d’ailleurs lancé auprès de tous les organismes publics et associatifs locaux pour participer à cet accompagnement et une trentaine de bénévoles viennent épauler les partenaires du programme Life Nature. Enfin, une information claire et standardisée est diffusée par le biais d’articles de presse, pour expliquer ces mesures exceptionnelles et présenter l’intérêt de conserver cette espèce.

Christian Prud’homme Directeur du Tour de France ous ne sommes pas parfaits et l’organisation d’une manifestation qui attire des foules pose forcément des problèmes en matière environnementale. L’an dernier au mont Ventoux, il y a eu des quantités importantes de déchets accumulés. Nous n’en sommes pas fiers et nous saurons en tirer les leçons. Cependant, nous avons une sensibilité environnementale et nous sommes de plus en plus attentifs à préserver les paysages que nous montrons lors des retransmissions télévisées. Concrètement ? Cela se manifeste par des choix qui peuvent se révéler être des contraintes mais qui, finalement, servent notre image et notre philosophie au service de la bicyclette. En 2008 par exemple, le Tour passait au col de la Bonette dans le massif du Mercantour. Nous avons préalablement rencontré les responsables du parc. Ils nous ont exposé leurs impératifs et nous en avons tenu compte. Klaxons et hélicoptères ont été prohibés. Le Tour a été filmé à moto. Le passage du Tour a été subordonné à ces obligations. Depuis les voitures de suivi, nous martelions régulièrement les consignes. Tout cela complique un peu l’organisation mais notre objectif est aussi de protéger les beautés de notre pays. Qui comprendrait qu’en partant d’une bicyclette qui ne pollue pas, on arrive à polluer ? ●

N

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 45


TERRITOIRES EN PROJETS I AMÉNAGEMENT GOUVERNANCE

SYNDICAT MIXTE DU BASSIN DE L’OR

L’émergence d’une intelligence collective Cela avait mal, très mal, commencé : par des actions en justice. Deux ans plus tard, c’est à l’unanimité que le comité de pilotage vote le document d’objectifs du site Natura 2000. Entre les deux ? Une longue démarche de concertation. 2005. Quatre communes, dix associations de chasse, un syndicat mixte et un groupement foncier agricole déposent un recours en annulation contre le périmètre Natura 2000 du site de l’étang de Mauguio (Hérault). Motifs : incohérence du périmètre, et absence d’inventaire spécifique préalable. À cette date, le site déjà proposé pour intégrer le réseau Natura 2000 est désigné comme zone de protection spéciale. Pour la plupart opposés au projet, les élus concernés se réunissent. « Natura 2000 se fera… autant que cela se fasse avec nous, non ? » De longues négociations s’engagent, notamment pour s’assurer des financements… Il sort une décision : plutôt que de laisser agir les services de l’État, les élus porteront euxmêmes1 l’élaboration du document d’objectifs (Docob) en associant les acteurs locaux. La concertation pour faire bouger les lignes !

2 1. Le syndicat mixte de gestion de l’étang de l’Or des sites Natura 2000 Étang de Mauguio (SMGEO) sera maître d’ouvrage.

2. SupAgro et Iram. Contacts : Jacques Ripoche jacques.ripoche @supagro.inra.fr Bernard Bonnet b.bonnet @iram-fr.org

46

Mobilisation générale. En 2007,

un choix politique voit la mise en place d’un comité de pilotage, le recrutement d’une chargée de mission, le lancement des inventaires naturalistes (confiés à un bureau d’études) et du diagnostic socio-éco-

Espaces naturels n° 31 juillet 2010

nomique. Mais c’est par des rencontres individuelles avec les principaux usagers que les choses vont vraiment basculer. Parce que reconnus, les acteurs vont s’impliquer dans cette démarche. Usagers, chambre d’agriculture, prud’homie de pêche, associations de cabaniers et manadiers, de protection de la nature… tous œuvrent au sein de groupes de travail : agriculture et élevage, pêche, habitations et loisirs… Par ailleurs, des ateliers thématiques transversaux sont ouverts à tous. On y traite de la qualité de l’eau et de la gestion hydraulique, de la gestion de la fréquentation ou encore de l’ajustement du périmètre du site. Parallèlement, le syndicat s’implique dans une opération pilote « Actions de connaissance, de suivi et de médiation environnementale sur la chasse et Natura 2000 en LanguedocRoussillon ». La Diren et la région délèguent un médiateur de la fédération régionale des chasseurs pour animer le groupe chasse. Reconnaissance. Progressivement,

alors que la légitimité de chacun est reconnue, la mutualisation des connaissances et compétences de-

vient un fait. Les socioprofessionnels, qui s’expriment en groupes de travail, permettent de comprendre les motivations collectives en place, lesquelles sont débattues ensuite en ateliers thématiques. Lors d’une réunion, un élu reconnaîtra : « Une intelligence collective a émergé, elle a permis de formaliser une volonté d’agir. » Rien n’est simple cependant, comme l’ajustement du périmètre du site, où il faut concilier intérêt général et projets privés. L’accord sera possible grâce à l’écoute instaurée et à l’échange informel. Les moments de convivialité suivant les réunions permettent que s’expriment plus volontiers interrogations et préoccupations personnelles. Organisation. Le succès doit égale-

ment à l’organisation éthique de la démarche. Afin d’assurer le respect mutuel et la productivité du travail, les séances sont toujours précédées de l’envoi des documents provisoires. De plus, c’est en temps réel que les comptes rendus de réunions et documents d’étape sont diffusés. Une rubrique internet permet à chacun de vérifier la retranscription de ses propos. Un moyen qui permet, aussi, de valoriser l’implication des acteurs locaux. La concertation met l’accent sur l’importance des vocables propres à chacun et l’adoption de termes de référence communs. Écrit-on: Objectifs


Journée d’information sur les enjeux écologiques à destination du comité de pilotage.

© Symbo

de conservation? Orientations de gestion? Objectifs de développement durable? Les séances de travail sont l’occasion de donner la parole et la plume aux participants. Jongler avec les impératifs des uns et des autres fut un exercice complexe. En effet, le degré de participation des acteurs est souvent dépendant de la distance géographique. Le compromis a été trouvé dans l’alternance des lieux et des plages horaires des séances de travail. Unanimité. Le 18 décembre 2008,

le Docob des sites Étang de Mauguio est validé à l’unanimité par le comité de pilotage. Cette appropriation de la démarche par les élus et plusieurs groupes, fortement réticents au départ, se traduit concrètement par la signature de contrats Natura 2000, dès 2009, première année de mise en œuvre du Docob. Cinq contrats ont été signés : quatre contrats agricoles visant une gestion pastorale favorable à la biodiversité et un contrat Natura 2000 porté par une commune et consistant en des travaux de réhabilitation

du réseau hydraulique des marais. Deux ans auront été nécessaires pour parvenir à cette fin. Deux ans et trente-trois réunions. Le jeu en valait la chandelle. ●

Eve Le Pommelet Chargée de mission Natura 2000 Syndicat mixte du bassin de l’Or elepommelet@symbo.fr www.etang-de-l-or.com

QUESTION À L’AUTEURE Eve Le Pommelet, avez-vous procédé à une évaluation pour porter une analyse si positive de cette démarche collective? ’évaluation était effectivement une suite logique de l’action. Elle a été initiée en 2009 grâce à la collaboration de onze stagiaires de l’Institut des régions chaudes de Montpellier2. Ceux-ci ont exploité les comptes rendus des réunions et les dires de vingt-cinq acteurs qu’ils ont consultés par le biais d’entretiens semi-directifs. Les résultats de cette évaluation extérieure montrent qu’en deux ans, la participation a peu varié : 32 % pour les élus, 34 % pour les techniciens, idem pour les usagers. La stabilité de ces chiffres est représentative de l’implication partagée. La plus grande majorité (19/25) des acteurs considère leur implication dans la concertation comme positive et reconnaissent la prise en compte de leur point de vue dans l’élaboration du Docob et l’ajustement du périmètre. À l’inverse, l’inventaire des ressources natu-

L

relles a été mal vécu, les acteurs considèrent en majorité (13/25) qu’il a été fait sans concertation. À retenir : la concertation doit démarrer dès l’état des lieux pour impliquer toutes les parties prenantes du site. Les pêcheurs, qui n’ont pas bénéficié d’une démarche de médiation comparable aux chasseurs, affirment que « le groupe pêche n’a pas bien fonctionné ». À l’inverse 100 % des chasseurs déclarent que leur point de vue a été pris en compte dans le Docob. Nous considérons qu’il reste du travail pour faire connaître et reconnaître le contenu du Docob par les citoyens non directement mobilisés dans la phase d’élaboration. L’évaluation a aussi montré que le site internet n’a pas permis de toucher tout le monde. Finalement, à l’exception des pêcheurs, le Docob est aujourd’hui considéré comme une référence par tous les acteurs confondus. ●

Éditée par le groupement d’intérêt public Atelier technique des espaces naturels

www.espaces-naturels.fr

1 an 4 numéros à partir de

35,50 € seulement*

Espaces naturels est un support d’échanges professionnels pour tous les métiers de la sauvegarde des espaces et du patrimoine naturels, en poste ou en devenir. La revue s’adresse aux acteurs et relais de la gestion des territoires et des paysages. Les auteurs y présentent, évaluent et discutent les expériences et savoir-faire issus des territoires, et portent à la connaissance des intéressés les actualités, recherches, textes et initiatives dans ces domaines.

* Particulier 35,50 € • Institutionnel 48,50 € • S’abonner ? Remplir et retourner le bulletin contenu dans ce magazine : Espaces naturels • Mediaterra • Route Royale • 20600 Bastia • 04 95 31 12 21 • espaces-naturels@mediaterra.fr


TERRITOIRES EN PROJETS I GESTION PATRIMONIALE Dans l’esprit de la loi de 1976 pour la protection de la nature, « limiter, réduire » les effets des aménagements constituent le préalable à la mise en place de mesures pour compenser les impacts résiduels.

PERTE DE BIODIVERSITÉ

Placer les mesures de compensation sous éthique Certains aménagements de notre territoire impactent irrévocablement la biodiversité. Un regard critique sur les mesures compensatoires s’avère nécessaire et opportun.

D

epuis plus de trente ans, tous les projets le justifiant légalement ont vu l’instauration de mesures compensatoires. Hélas construites dans des conditions parfois peu transparentes, ces mesures sont plus ou moins mises en œuvre. Ainsi, avant ou après l’autorisation de travaux, les parties prenantes marquent souvent une différence d’intérêt pour la biodiversité. Un « grand écart » dont le vivant est le plus souvent victime. Le principe du pollueur/payeur (d’ailleurs non remis en cause par le « Grenelle ») est pertinent et de nombreux exemples démontrent l’intérêt de ces mesures, sources de réelles « réparations ». Pourtant, l’existence d’un gouffre entre les dégradations (visibles, irrévocables) et les « plus-values » apportées par ces mesures pose question. Un regard critique sur les mesures compensatoires s’avère opportun.

48

Espaces naturels n° 31 juillet 2010

Fondamentaux sur l’éthique.

Réaffirmons tout d’abord quelques fondamentaux en lien avec l’éthique de ces mesures. • En premier lieu, les politiques de compensation ne doivent pas soustraire à l’obligation de limiter les impacts sur la nature car il est illusoire d’affirmer qu’un équilibre entre dégradations et compensation est possible. Il existe toujours une perte nette finale. • Certaines dégradations doivent conduire au refus des plans, programmes ou projets déposés. Celles, notamment, relatives aux espèces endémiques ou aux milieux très rares qui ne sauraient être équitablement compensées. Il en est de même lorsque des seuils de dégradation irréversible sont atteints. • La notion d’utilité publique doit garder son sens profond. Pour chaque projet, la notion d’intérêt général doit être démontrée. • Le bilan d’action des entreprises

(et la communication qui en découle) doit dissocier les programmes menés en faveur de la protection de la nature (itinéraire vertueux de production, mécénat, aménagements d’espaces…), de ceux résultant d’obligations (évitements, compensations…). Ceci d’ailleurs en conformité avec une volonté affichée des entreprises, privées et publiques, de s’investir face aux problèmes d’environnement. • Les fonds issus des mesures doivent s’additionner à tous les autres. Il serait dramatique que des moyens nouveaux, issus d’une politique de compensation redynamisée, se substituent aux politiques publiques et initiatives privées existantes en faveur de la biodiversité. L’aboutissement serait que les financements pour la biodiversité diminuent d’autant que les moyens issus de mesures compensatoires augmentent. S’appuyer sur un cadre cohérent.

Ces éléments d’éthique réaffirmés, le cadre d’application des mesures compensatoires mérite d’être précisé. • Les actions doivent être en rela-


INFO PÉDAGOGIQUE

© Arnaud Bouissou - Meeddm

Une mesure compensatoire n’est pas un droit à détruire mais l’ultime étape d’une procécure. Pour chaque projet, la notion d’intérêt général doit être démontrée.

tion directe avec les dégradations et induire des effets pérennes. • Une cohérence entre les espaces (et leurs fonctions patrimoniales) dégradés et les surfaces compensatrices doit être recherchée en donnant priorité en particulier à la proximité territoriale. • La conception de l’action compensatoire doit intégrer une approche globale sur les effets cumulatifs. Il n’est pas cohérent, par exemple, de traiter les mesures compensatoires d’un long aménagement linéaire par sections indépendantes. • Une réelle traçabilité des actions est indispensable (qui a payé, pourquoi ?) car en plus d’être durable (résultats effectifs et protections pérennes), les actions doivent être évaluables. Elles doivent donc tenir compte de « l’avant », pour identifier les plus-values de biodiversité « après ». La définition d’indicateurs au moment de la décision est fondamentale, autant que l’évaluation effective à échéance. Définir des finalités claires.

L’efficience impose de définir clairement les objectifs. Ainsi, les mesures compensatoires doivent servir prioritairement : • La préservation de populations d’espèces ou d’habitats aux fonctionnalités comparables et justifiant une gestion active. • La renaturation, c’est-à-dire un ensemble d’actions conduites sur des sites présentant des potentialités comparables aux espaces dégradés. Il faut par ailleurs être prudent sur des actions de recréation, et donc ne les conduire qu’à titre expérimental car leur essence les confronte à deux limites majeures : le choix de l’état supposé naturel auquel elles doivent conduire est arbitraire (anthropocentré) et son succès est souvent aléatoire. Ayant posé le regard sur les finalités, la question de l’équivalence écologique se pose évidemment avec acuité. Comment déterminer des « prescriptions objectives » permet-

Les principes de la compensation

tant d’identifier clairement les gains de biodiversité alors que la notion de patrimoine est forcément subjective ? Selon qu’elles répondent à des enjeux d’espèces, d’espaces ou encore de paysage dans des secteurs biogéographiques variés, des prescriptions très différentes peuvent être considérées comme acceptables.

e développement des territoires affecte parfois de manière irreversible le milieu naturel et les espèces. La localisation et l’ampleur des aménagements sont évalués et validés par l’État dans le cadre du code de l’Environnement, des directives européennes concernées (habitats, faune, flore, cadre sur l’eau et évaluation des incidences…). L’aménageur a obligation de compenser la disparition de la biodiversité après avoir étudié tous les moyens d’éviter et d’atténuer les impacts. Les phases de diagnostic et de définition de mesures compensatoires doivent être séparées. ●

Mise en œuvre. Les mesures, pour

DIFFÉRENTES ÉTAPES AVANT LA MISE EN PLACE

L

être efficaces, doivent être durables et fondées sur des protections fortes et structurantes, de type maîtrise foncière ou réglementaire. En prenant garde toutefois à ce qu’elles ne constituent un simple transfert de responsabilité (et de financement) sur l’État. Une compensation par la simple création d’une réserve naturelle par exemple, constitue l’illustration concrète d’un tel transfert. Dans le même esprit, sauf si les mesures permettent de consolider ou étendre clairement les protections (surface augmentée, statut renforcé), les zones bénéficiant déjà de protections fortes ne peuvent être concernées par des mesures compensatoires. Les études de suivi d’impact, les équi-

I NDICATEURS

DE MESURES DE COMPENSATION Étape 1 : chercher des alternatives sans impact (évitement)

Étape 2 : si évitement impossible, limiter au maximum les impacts (réduction/atténuation)

Suivi des procédures par les services de l’État (Diren, DDAF, DDEA, DRE…)

Étape 3 : accompagner le projet (observatoire, aménagement, suivi, études complémentaires…)

Constat d’un impact résiduel

Définition d’une mesure compensatoire par l’État

Validation par l’État après avis du CNPN et autres experts (CSRPN…)

Étape 4 : mise en œuvre des mesures compensatoires

C’est urgent Un observatoire des compensations epuis trente ans, les dispositifs de compensation souffrent, en France, d’un manque d’évaluation. Chaque année pourtant, 60 000 hectares de milieux naturels sont impactés de manière irréversible. Éviter, réduire et, lorsque c’est possible, compenser », les itinéraires dictés par la loi sont clairs. Il convient maintenant de clarifier les doctrines pour définir ces mesures. L’absence de recul impose la plus grande prudence. Ainsi, il n’est pas réaliste (probablement infaisable) de donner une valeur objective (un tarif) à la biodiversité. C’est pourquoi la mise en place d’un observatoire des compensations et la définition d’indicateurs de pertinence sont plus que jamais souhaitables. Plus qu’une recherche improbable de valeurs fixes et théoriques, c’est par l’expérience que doivent s’installer les références des politiques de compensation. Ces équivalences, entre les dégradations et les actions de compensation, devront être déterminées selon les types de milieux, leur rareté, les surfaces, la pérennité, la territorialité (proximité des projets), les activités économiques présentes et tenir compte de la fonctionnalité des milieux et de leur dimension sociale, culturelle et économique. ●

«D

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 49


Chaque année en France 60 000 hectares de milieux naturels sont impactés de manière irréversibles par un aménagement.

pements de valorisation, la sensibilisation ou les actions de formation ne peuvent constituer à eux seuls des mesures de compensation. Ces actions sont cependant cohérentes en accompagnement des mesures structurantes. La recherche d’efficacité implique des financements à un juste niveau, permettant au porteur des mesures de les mettre en œuvre dans des conditions convenables. Au-delà de la biodiversité, les valeurs esthétiques, culturelles, récréatives ou morales de certains milieux doivent être prises en compte dans la

5

Vendre des mesures compensatoires 5 précautions majeures a création de « réserves d’actifs naturels » peut constituer une autre piste pour optimiser la mise en œuvre des mesures compensatoires. Ces réserves financières pourraient être utilisées comme « mesures compensatoires à vendre » en faveur d’actions pour la biodiversité. Mais cette démarche appelle à la vigilance, car elle présente un certain nombre de risques : • le transfert de responsabilité, c’est-àdire un réflexe de « facilité » et de recherche de bonne conscience. • La possibilité « offerte » de s’exonérer des recherches concernant l’évitement, la réduction des dégâts et la définition des actions de compensation. • L’éloignement des mesures. Ces réserves d’actifs doivent être utilisées pour compenser des dégradations de sites comparables et de proximité. • La spéculation sur ces actifs, qui ne doivent être utilisables qu’en flux direct, immédiatement entre l’investisseur initial et l’acquéreur final, sans intermédiaire. Une financiarisation, par essence source de confusion majeure • L’absence d’indépendance entre le pétitionnaire, le porteur de la compensation et le porteur d’actifs. ●

L

50

Espaces naturels n° 31 juillet2010

détermination de la compensation au même titre que leur valeur écologique. Malgré trente-cinq ans d’existence, peu de références ont été construites. Le suivi et l’évaluation des mesures doivent donc s’envisager sur une période pertinente. La « plus-value de biodiversité » obtenue par des actions de gestion écologique doit être démontrée, ce qui impose des cahiers des charges élaborés avec une grande précision au moment de la décision. Pour tenir compte des incertitudes des résultats, l’application d’un taux multiplicateur aux surfaces à compenser doit permettre, le cas échéant, de tenir compte du risque d’échec. Plus globalement, la mise en œuvre de ces mesures compensatoires ne peut s’inscrire dans un cadre normatif rigide. Il n’y a pas, en matière de biodiversité, de vérité absolue transposable. Une mesure compensatoire réussie est donc probablement un ensemble d’actions composé en fonction du contexte. Le vivant, par sa complexité, ne peut se réduire en une équation simpliste. Dépasser les difficultés. Dans l’ensemble de cette démarche, c’est la mise en œuvre des mesures compensatoires qui constitue l’un des principaux problèmes. C’est d’ailleurs ce à quoi cherche à répondre la loi Grenelle II, qui réforme les études d’impact et impose une évaluation des actions (article 86). Cette évolution est importante car elle introduit des obligations de résultats. L’installation de possibilité de recours est probablement une piste pertinente d’amélioration. Gageons que ce texte aura des conséquences positives et durables et que ses aspects plus coercitifs porteront leurs fruits. Une autre voie d’amélioration des études d’impact aurait pu encore être envisagée en séparant diagnostic et inventaire d’une part, et définition des mesures compensatoires

© Marine & Vincent - Wikipédia

TERRITOIRES EN PROJETS I GESTION PATRIMONIALE

Protégée au niveau européen depuis 1993, la grande nacre en Méditerranée est le plus grand coquillage au monde avec le bénitier tropical.

accompagnées d’une étude de faisabilité d’autre part. Enfin, il est souhaitable que, pour garantir leur objectivité, les porteurs d’actions compensatoires soient extérieurs aux processus qui ont conduit à la définition des mesures. Ils doivent pouvoir apporter des solutions inscrites dans le temps et disposer d’une technicité avérée. C’est là le sens de la charte éthique des Conservatoires régionaux d’espaces naturels éditée en mai 2009. Plus généralement, une réflexion autour du label de qualité sur la base de savoir-faire avérés pour les structures porteuses pourrait être opportune. La mise en place de mesures compensatoires cohérentes est un des facteurs d’acceptation sociale des projets d’aménagement du territoire, et probablement un des enjeux du volet du Grenelle de l’environnement croisant politiques de biodiversité et de territoire. L’incapacité d’endiguer la perte de biodiversité et l’arrivée des Trames vertes et bleues imposent des progrès majeurs. ● Bruno Mounier - Fédération des conservatoires d’espaces naturels

EN SAVOIR PLUS • La charte éthique sur le net : www.espaces-naturels.fr/media/ files/charte_ethique • Fédération des CEN : 02 38 24 55 00


CETTE CARTE, À CHAQUE PARUTION, SERA NOTRE, VOTRE, INDICATEUR GÉOGRAPHIQUE : L’OBJECTIF DE LA RÉDACTION EST DE TRAITER DES SUJETS QUI CONCERNENT TOUS LES TERRITOIRES. À VOUS DE LES PROPOSER.

Nous en avons parlé dans ce numéro

G UYANE Biodiversité des outre-mers Pages 25, 28 et 29

ONF G UADELOUPE

ONF MARTINIQUE

Biodiversité des outre-mers Page 24

Biodiversité des outre-mers Page 26

WISCONSIN

RÉSERVE NATIONALE

Les sciences citoyennes au service des gestionnaires Page 14

DE CHASSE ET DE FAUNE SAUVAGE DES BAUGES

POLYNÉSIE FRANÇAISE Biodiversité des outre-mers Pages 30 et 31

PARC NATUREL MARIN DE MAYOTTE

NOUVELLE CALÉDONIE

Biodiversité des outremers • Page 27

Biodiversité des outre-mers Page 32

RÉSERVE DE BIOSPHÈRE DE FONTAINEBLEAU ET DU GÂTINAIS L’abeille au cœur d’un jeu de rôles • Page 34

Techniques de capture de cervidés en montagne • Page 42

SYNDICAT MIXTE DU BASSIN DE L’OR Émergence d’une intelligence collective • Page 46

RÉSERVE NATURELLE GÉOLOGIQUE DE SAUCATS-LA BRÈDE Intégrer les animateurs saisonniers • Page 38

RÉSERVE DE BIOSPHÈRE DU MONT VENTOUX Tour de France et vipère d’Orsini • Page 44


CONFÉRENCE ANNUELLE EUROSITE 2010 13-16 septembre, Dunblane, Écosse

Le grand défi : gérer les sites dans un environnement en mutation

La mission d’Eurosite est d’échanger, améliorer et promouvoir l’expertise en matière de gestion des sites pour la nature, dans toute l’Europe.

« Agir ensemble pour la Nature en Europe » La Conférence annuelle Eurosite 2010 est organisée par Scottish Natural Heritage en collaboration avec le Countryside Council for Wales et la participation de Natural England.

© Scottish Natural Heritage

Pour plus d’informations : www.eurosite.org


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.